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Full text of "Revue de l'Orient chrétien"

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LÎBRARY  OF  PRINCETON 
THEOLOGICAL  SEN^lKARr 


REVUE 


\m 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


4:'  ANNÉE.  —  N"  1.  —  1899 


PARIS 

LIBRAIRIE  ALPHONSE  PICARD   ET  FILS 

82,    BUE   BONAPAKÏE,    82 

1899 


^>^ 


SOMMAIRE 


Pages. 

1.      —  LE  GLAGOL  ET  LA  CONGREGATION  DES  RITES,  par 

II.  le  Baron  d'Avril,  ministre  plénipotentiaire.  .  1 

H.     —  LA  MESSE  COPTE  (traduction  de  Mgr  Macaire),  par  le 

R.  I>.  nom  Paul   Renaiitlin,   O.    $1».  B 12 

III.  —  L'ÉRECTION  DU  PATRIARCAT  DE  JÉRUSALEM,    451, 

par  le  R.  P.  S».  Vaîllié,  des  Augustins  de  FAssomp- 

tion 44 

IV.  —  LETTRE  INÉDITE  DU   R.    P.  JEAN  DE  CAMILLIS  DE 

CHIO  SUR  LA  MISSION  DE  LA  CHIMÈRE,  par  II. 
Emile  Ije§:ranci,  professeur  à  TÉcole  des  Langues 
Orientales  vivantes 58 

V.  —  FRÈRE  GRYPHON  ET  LE   LIBAN  AU  XV^  SIÈCLE,  par 

le  R.  P.  II.  L<ammens,   H.  J 68 

VI.  —  L'ORDINAL  COPTE   {suite),  par  le  B.  P.  V.  Ermoiii, 

de  la  Congrégation  de   la   Mission 104 

VII.  -  LES  OFFICES  ET  LES  DIGNITÉS  ECCLÉSIASTIQUES 

DANS  L'ÉGLISE  GRECQUE  (fin),  parll.  I..CIag-net.  110 

VIII. —  MÉLANGES.  —  Un  saint  évêque  de  France  honoré  en 

Russie,  par  le  R.  P.  Boni  Paul   Renauciin,  O. 

S.  B 129 

—  Sur  un  abrégé  arménien    des    pléropiiories,   par    M. 

l'abbé  F.  :\au,  professeur  à  l'Institut  Catholique  .    .  134 

IX.    —  BIBLIOGRAPHIE 490 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel)  parait  par  fascicules 
formant  chaque  année  un  volume  de  plus  de  500  pages  in-8'^,  avec  des  tex- 
tes en  langues  grecque,  slave,  syriaque,  arabe,  arménienne,  copte,  etc.. 
et  des  planches. 


ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 

A  la  LIBRAIRIE  Alphonse  PICARD, 

rue    BONAPARTE,   82. 

Prix  de  l'abonnement  : 

France • H  fr. 

Étranger lO    » 

Prix  de  la  livraison !8  fr.  50 

On  peut  se  procurer  les  volumes  qui  ne  sont  pas  épuisés  à  raison  de  10  l'r.  le  vol. 


Les  communications  relatives  ;i  la  rédaction  doivent  être  envoyées  au  Secrétariat  de 
la  Revue  de  l'Orient  Chrétien,  rue  du  Regard.  £0,  à  Paris. 

11  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient,  dont  un  exemplaire  aura  été 
adressé  à  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien,  cliez  MM.  A.  PICARD  et  Fils,  libraires,  rue 
Bonaparte,  82,  à  Paris. 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRETIEN 


j 


IV 


4»  volume.  —  1899, 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


QUATRIÈME    ANNÉE 


PARIS 


LIBRAIRIE  ALPHONSE  PICARD    ET  FILS 
82,  Rue  Bonaparte,   82 

.     1899 


TABLE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  LE  QUATRIÈME  VOLUME  (1899) 


Pagfs 

I.  —  LE  GLAGOL  ET  LA  CONGRÉGATION  DES  RITES,  |3ai-  M.  le  Baron 
A.  d'Avril,  ministro  plénipotentiaire l 

IL  —  LA  MESSE  COPTE  (traduction  do  Ms--  Macaire),  par  le  R.  P.  Dom 
Paul  Renaudin,  O.  S.   B 1-i 

m.  —  L'ÉRECTION  DU  PATRIARCAT  DE  JÉRUSALEM,  451,  par  le  R.  P. 
S.  Vailhé,  des  Augustins  de  l'Assomption 41 

IV.  —  LETTRE  INÉDITE  DU  R.  P.  JEAN  DE  CAMILLISDE  CHIO  SUR  LA 
MISSION  DE  ..  LA  CHIMÈRE  «,  par  M.  Emile  Legrand,  professeur  à 
l'École  des  Langues  orientales  vivantes ôH 

V.  —  FRÈRE  GRYPHON  ET  LE  LIBAN  AU  XV''  SIÈCLE,  par  le  R.  P.  H. 
Lammens,  S.  J 68 

VI.  —  L'ORDINAL  COPTE  (suite),  par  le  R.  P.  V.  Ermoni,  des  Prêtres  de 

la  Mission 104,  410,  591 

VIL  —  LES  OFFICES  ET  LES  DIGNITÉS  ECCLÉSIASTIQUES  DANS  L'ÉGLISE 
GRECQUE  (fin),  par  M.    Léon  Clugnet Hi' 

VIIL  —  LETTRE  AUTOGRAPHE  DE  S. S.  LÉON  XIII,  ADRESSÉE  AU  DIREC- 
TEUR DE  LA  '.  REVUE  DE  L'ORIENT  CHRÉTIEN  >• 141 

IX.  —  LES  HIÉRARCHIES  EN  ORIENT,  par  M.  le  Baron  A.  d'Avril,  mi- 
nistre   plénipotentiaire 145 

X.  —  LA  BIBLIOTHÈQUE  DU  SÉMINAIRE  SYRIEN  DE  CHARFÉ,  par  le  R.  P. 
Dom  Parisot,  O.  S.  B 150 

XL  —  OPUSCULES  MARONITES,  par  M.  l'abbé  F.  Nau,  professeur  à  l'Ins- 
titut catholique   de  Paris 175,  318,  543 

XH.  —  RÈGLEMENTS  GÉNÉRAUX  DE  L'ÉGLISE  ORTHODOXE  EN  TUR- 
QUIE, par  le  R.  P.  L.  Petit,  des  Augustins  de  l'Assomption --i-^T 

Xni.  —  LE  SYNODE  DE  MAR  JÉSUYAB,  par  M»'  R.  Graffin,  jirofesseur  à 
l'Institut  catholique   de  Paris -i'i 

XIV.  —  FRAGMENT  D'UNE  VERSION  COPTE  DE  L'APOCALYPSE  DE 
SAINT  JEAN,  par  M.  Jean  Clédat 3G3 

XV.  —  LA  GRANDE  DOXOLOGIE,  ÉTUDE  CRITIQUE,  par  M.  Amédée 
Gastoué,  professeur  à  l'École  de  chant  liturgique  de  Paris :?8U 


VI  TABLE    DES    MATIERES. 

Pages. 

XVI.  —  RÈGLEMENTS  GÉNÉRAUX  DES  ARMÉNIENS  CATHOLIQUES,  par 
le  R.  P.  L.  Petit,  des  Augustins  de  l'Assomption 305 

XVIL  —  LA  BÉNÉDICTION  LITURGIQUE  DES  RAISINS,  par  le  R.  P.  Dom 
Parisot,  O.  S.  B =^54 

XVIII.  -  NEUF  CHAPITRES  DU  «  SONGE  DU  VIEL  PELLERIN  »  DE  PHI- 
LIPPE DE  MÉZIÈRES  RELATIFS  A  L'ORIENT,  par  M.  Ed.  Blochet.    364,  6()5 

XIX.  —  VIE  DU  MOINE  RABBAN  YOUSSEF  BOUSNAYA  {suite\  par  M.  l'abbé 
J.-B.  Chabot 380 

XX.  —  PROTESTANTISME  ET  CATHOLICISME  CHEZ  LE  PEUPLE  NES- 
TORIEN;  UNE  REVUE  NÉO-SYRIAQUE  A  OURMIAH  (Perse),  par  M.  J. 
Babakhan 428 

XXI.  —  LES  ÉVÊQUES  .lACOBITES  DU  VHP  AU  XIII«  SIÈCLE  D'APRÈS  LA 
CHRONIQUE  DE  MICHEL  LE  SYRIEN,  par  M.  l'abbé  J.-B.  Chabot.    444,  495 

XXII.  —  LES  RÈGLES  MONASTIQUES  ORIENTALES  ANTÉRIEURES  AU 
CONCILE  DE  CHALCÉDOINE,  par  Dom  J.  M.  Besse,  O.  S.  B 400 

XXIir:  —  RÉPERTOIRE  ALPHABÉTIQUE  DES  MONASTÈRES  DE  PALES- 
TINE, parle  R.  P.  S.  Vailhé,  des  Augustins  de  l'Assomption 51-2 

XXIV.  —  VOYAGE  AU  PAYS  DES  NOSAIRIS,  par  le  R.  P.  H.  Lam- 
mens,  S.  J 57-' 


MELANGES 

I.  __  UN   SAINT   ÉVÉQUE  DE   FRANCE  HONORÉ    EN  RUSSIE,  par   Dom 
Paul  Renaudin,  O.  S.  B 129 

H.  —  SUR  UN  ABRÉGÉ  ARMÉNIEN  DES  PLÉROPHORIES,  par  l'abbé  F. 
Nau,  professeur  à  l'Institut  catholique  de  Paris 134 

m.  —  LE  CULTE  DE  SAINT  JULIEN  DU  MANS  DANS  L'ÉGLISE  RUSSE,  par 
Dom  Paul  Renaudin,  O.  S.  B 453 

IV.  _  BENOIT  XIV  ET   L'ÉGLISE   COPTE,  par  Dom  Paul  Renaudin, 
O.  S.  B 015 


BIBLIOGRAPHIE 


histoire  universelle  des  missions  franciscaines  d'après  le  T.  R.  P.  Marcrilin 

de  Civezza,  par  le  P.  Victor-Bernardin  de  Rouen  (L.  C.) 136 

Bibliothèque  de  l'enseignement  de  l'histoire  ecclésiastique.  Anciennes  littératures 

chrétiennes.  II.  La  littérature  syriaque,  par  RubensDuv.\l  (Dom  J.  Parisot).  291 
G.  Wobermin. — Altchristliche  liturgische  Stiicke  aus  der  Kirche  ^-Egyptens, 

nebst  einem  dogmatischcn  Brie f  des  Bischofs  Serapion  von  Thmuis  (Dom  P. 

Renaudin) 293 

Liturgies  eastern  and  ioestern  being   Ihe  lexls  originals  or  translated  of  the 

principal  liturgies  of  the  church,  by  F.  E.  Brictm.\n  (Léon  Clugnet).  .  .  .    295 


TABLE    DKK    MATIIOUES.  VU 

A'otes  sur  plusieurs  ouvrai/es  offerts  par  l'UnlverslU  (VUpsal  (P.""  (au-vh  de 

Vaux) 2!»? 

Vida  do  ahba  Daniel  do  mosteiro  d(  Sreir,  parL.  Goi.dschmidt  <'t  KsU'vcsI'i;Ki;r(t.v 

(Léon  Clugnet,F.  Nau) i.X) 

Elude  sur  le  cénobiUsme  pakhomlen  pendant  le  17'  Siècle  et  la  première  /iioilié 

du  V%  par  M.  L'abbé  P.  Laoeuzk  (Dom  V.  Rcnaudin) ir>9 

U.  Benigni. — Misccllanea  di sloria  ecelesiasiica  e  sludiausiliari,  I,  II  (D.IMl.).  Ki'i 
Un  apôtre  de  l'union  des  Églises  au  XVIII"  siècle.  Saint  Josaphat  de  VÉijlisc 

gréco-slave  en  Pologne  et  en  Russie,  par  le  R.  F*.  Dom  A.  Gukpin  (Dom  J.  !\I. 

Besse) KiO 

7'/te  story  of  Ihe  church  of  Egypt  by  L.  Butcheb  (Dom  V.  Renaudin).  .  .  .  (i^fi 
U.  Benigni.  —  Patrologiœ  et  hagiographiœ  copticœ  spicilegium.  —  Litaniœ 

defunciorum  copticae  (Dom  P.  Renaudin) 627 

Rapport  sur  une  mission  scientifique  en  Turquie  d'Asie,  par  Dom  J.  Paiusot 

(A.  Gastoué) 628 

Listes  d'ouvrages  récents  et  sommaires  de  recueils  p(M-iodiques.     136,  301,  162,  62!) 


LISTE  ALPHABETIQUE  DES  AUTEURS 

Ayril  (Le  Baron  A.  d') 1,  li.j 

Babakhan    (J.) 428 

Besse  U»om) 460,  466 

Blochet  (E.) 364,  605 

Carra  de  Vaux  (Le  Baron) 297 

Chabot  (L'abbé  J.  B.) 380,  444,  495 

Clédat  (J.) 3<i3 

Clugnet  (Léon) 116,  136,  295,  455 

Ermoni  (Le  R.  P.) 104,  416,  591 

Gastoué  (A.). 280,  628 

Graffin  iM^'^) 247 

Lammens  (Le  R.  P.) 68,  572 

Legrand.   (Emile) 58 

Léon  XIII  (S.  S.) 141 

Nau  (L'abbé  F.) 134,  175,  318,  455,  543 

Parisot   (Dom) 150,  291,  354 

Petit  (le  R.  P.) 227,  305 

Renaudin   (Dom) 12,  129,  293,   153,  459,  460,  615,  626,  627 

Vailhé  (Le  R.  P.) 44,  512 


LE  (;Lv\(.()L 


ET 


LA  CONGREGATION  DES  RUES 


Le  glagol  est  un  alphabet.  Nous  pouvions,  comme  bien  d'au- 
tres, en  expliquer  les  traits  principaux  et  la  physionomie,  mais 

Segnius  irritant  animuin  demissa  per  aiirem 
Quam  quae  sunt  oculis  siibjecta  fidelibus. 

Avec  le  concours  de  l'Imprimerie  nationale  de  France,  nous 
avons  fait  composer  quelques  phrases  en  ce  caractère  et  nous 
les  reproduisons  ici  : 


^3mflia  àhd  eà  dtit'A'iîi  s  f^Liîi^Dbffrïi  s 


Il  existe  deux  formes  de  cet  alphabet,  l'une  carrée,  l'autre 
ronde  :  on  les  a  aussi  distinguées  par  des  noms  de  pays,  d'ailleurs 
peu  appropriés. 

Le  fragment  ci-dessus  est  en  caractère  carré.  C'est  le  début 
de  la  Genèse.  Nous  l'avons  extrait  de  la  Chrestomathia  linguœ 
vetero-slovenice-characteri  glagoUtico,  e  cocidibus,  codicum 
fragmentis,  et  libris  impressis.  Edita  a  presb.  Jeanne  Bercic. 
Prague,  chez  Haase;  Zara,  chez  Battara  et  chez  Abelic,  1859. 

Le  5  août  1898,  la  S.  Congrégation  des  rites  adressait  aux 
archevêques  et  évoques  de  Goritz,  de  Zara  et  de  Zagreb  (Agram), 


Or.IENT   CHRETIEN. 


2  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

une  lettre  relative  à  la  célébration  de  la  liturgie  en  une  langue 
slave. 

Quelle  liturgie?  quelle  langue?  et,  subsidiairement,  quel 
alphabet? 

I.  La  liturgie  n'est  aucune  de  celles  qu'on  désigne  générale- 
ment sous  le  nom  d'orientales.  Il  s'agit  uniquement  de  la  li- 
turgie romaine  traduite  en  une  langue  slave. 

Nous  n'avons  pas  dit  la  liturgie  latine,  parce  qu'il  existe 
plusieurs  liturgies  catholiques  écrites  en  latin,  auxquelles  ne  se 
réfère  pas  la  lettre  du  5  août.  La  liturgie  catholique  a  été  aussi 
traduite  en  grec,  en  arménien.  Il  faut  dire  :  la  liturgie  ro- 
maine. 

IL  La  liturgie,  dont  parle  la  lettre  du  5  août,  est  donc  écrite 
en  une  langue  slave.  Ce  n'est  ni  le  russe,  ni  le  polonais,  ni  le 
ruthène,  ni  le  tchèque,  ni  le  bulgare,  ni  le  serbe,  ni  le  Slovène. 
C'est  une  langue  (je  ne  veux  pas  dire  morte)  éteinte  à  l'usage 
courant,  en  ce  sens  que,  si  les  Slaves  la  comprennent  plus  ou 
moins,  on  ne  la  parle  nulle  part  :  elle  est  la  mère  ou  la  sœur 
aînée  des  idiomes  slaves  ci-dessus  énumérés.  On  l'appelle  avec 
raison  paléo-slave,  ou,  ce  qui  serait  préférable  staro-slave  pour 
accentuer  verbalement  la  congénéïté.  Passons  à  l'alphabet. 

III.  Il  existe  à  notre  connaissance  trois  alphabets  slaves,  à 
savoir  le  glagolitique,  le  cyrillique,  la  grajdanka. 

a.  Plusieurs  des  plus  anciens  documents  slaves  sont  écrits 
en  glagol.  La  France  en  possède  un  splendide  spécimen  dans 
la  seconde  partie  de  l'Évangéliaire  sur  lequel  les  rois  prêtaient 
serment  à  leur  sacre.  C'est  une  écriture  majestueuse  et  déco- 
rative surtout  dans  les  majuscules.  Une  tradition  en  attribue 
l'origine  à  saint  Méthode  qui,  suivant  une  légende,  était  peintre 
et  aurait  converti  le  roi  des  Bulgares  en  lui  peignant  un  tableau 
du  jugement  dernier.  D'après  une  autre  opinion,  qui  a  plus  de 
consistance,  le  glagol  a  été  combiné  par  saint  Cyrille. 

Sv.  Kyril  nepsal  kyrilsky  nez  hlaholsky,  a  écrit  le  tchèque 
H  anus. 

b.  Un  autre  alphabet  est  appelé  soit  gréco-slave  à  cause  de 
sa  grande  ressemblance  avec  l'alphabet  grec,  soit  et  plus  com- 
munément cyrillique,  parce  qu'une  école  en  attribue  l'origine 


LK    (iLAGUl.    1;T    la    '■OXGRKdATlOX    DES    lUTES.  3 

à  celui  qui  fut  Tapôtre  des  Slaves  au  neuvième  siècle.  Ce  n'est 
pas  le  lieu  de  discuter  si  ce  second  alphabet  a  été  combiné  en 
Moravie  par  saint  Cyrille,  ou  en  Bulgarie  par  les  disciples  ré- 
fugiés de  saint  Méthode. 

c.  Un  troisième  alphabet,  appelé  Grajdanka,  c'est-à-dire 
bourgeois  ou  civil  a  été  créé  sous  Pierre-le-Grand.  C'est  un 
mélange  de  formes  slaves,  latines,  grecques,  de  majuscules  re- 
tournées, que  les  lettrés  délicats  n'approuvent  pas.  La  grajdanka 
a  passé  dans  l'usage  commun  chez  les  èlaves  orthodoxes,  mais 
non  pas  dans  les  livres  d'église. 

La  liturgie  romaine  en  langue  paléoslave  est  écrite  en  carac- 
tères glagolitiques,  lesquels  étaient  encore  en  usage  pour  les 
actes  judiciaires  jusqu'au  dix-huitième  siècle,  mais  qui  ne  sont 
plus  employés  aujourd'hui  que  pour  les  catholiques  romains  et 
slavisants. 

Cet  alphabet  a  été  aussi  appelé  Azbukvidariiim ,  ce  qui  est 
une  agglutination  des  noms  des  premières  lettres  glagolitiques. 

IV.  Quelques  lignes  sur  l'histoire  de  la  liturgie  romaine  tra- 
duite en  paléoslave  et  écrite  en  caractères  glagolitiques.  Un  des 
collaborateurs  de  cette  Bevuc  a  traité  minutieusement  les  ques- 
tions relatives  à  l'origine  de  l'écriture  glagolitique  et  aux  péri- 
péties de  cette  écriture  en  Dalmatie  et  dans  la  Croatie  mari- 
time (1).  Nous  ne  nous  y  arrêterons  pas,  pour  arriver  à  un  acte 
décisif  du  Saint-Siège ,  qui  est  resté  en  vigueur  depuis  le  trei- 
zième siècle.  Sur  la  requête  d'un  évêque  de  Segne,  qui  deman- 
dait l'approbation  d'une  vieille  coutume  de  son  diocèse,  le  pape, 
alors  réfugié  en  France,  Innocent  IV,  surnommé  le  Père  du  droit, 
répondit  :  «  Ta  pétition  contenait  qu'il  y  a  en  Sclavonie  une 
«  écriture  spéciale  que  les  clercs  de  ce  pays  affirment  tenir  du 
«  bienheureux  Jérôme  (erreur  historique)  et  dont  ils  se  servent 
«  en  célébrant  les  offices  divins;  considérant  que  le  langage  est 
«  soumis  à  la  chose  et  non  la  chose  au  langage,  nous  t'accor- 
«  dons,  par  l'autorité  des  présentes,  l'autorisation  demandée 
«  pour  les  contrées  où  c'est  la  coutume  d'observer  ces  choses 
«  et  à  condition  que  le  sens  ne  soit  [pas  altéré  par  la  diversité 

(1)  Saint  Cyrille  et  saint  Méthode,  première  ' lutte  des  Allemands  contre  les 
Slaves,  avec  un  essai  sur  les  destinées  du  CJlagol,  etc.,  etc.,  Paris,  biblii)ilièquo 
elzévirienne  slave  (1  vol.  in-1-2,  Paris,  Leroux,  1885). 


4  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

«  de  la  lettre.  »  A  Lyon,  le  14  des  calendes  d'avril  1248.  —  Une 
tentative  du  patriarche  d'Aquilée  pour  faire  revenir  le  Saint- 
Siège  sur  cette  décision  (159G)  échoua. 

La  revision  des  livres  glagolitiques  fut  ordonnée  par  plusieurs 
papes. 

Le  R.  P.  Nilles  S.  J.  en  son  précieux  ouvrage  intitulé  Kalen- 
darium  manuale  utriusque  Ecclesiœ  Orientalis  et  Occiden- 
talis  (1)  a  publié  les  Constitutions  y  relatives  d'Urbain  VIII 
(1631),  d'Innocent  X  (1648);  mais  nous  avons  hâte  de  faire 
entendre  la  grande  voix  de  Benoît  XIV,  l'auteur  de  la  célèbre 
bulle  Allatœ  sunt,  qui  est  comme  le  charte  des  Églises  orien- 
tales (2).  Voici  les  parties  essentielles  de  la  Constitution  Ex 
pastoralimunere,  qui  est  du  15  août  1754  :  <(  §  V.  Nous  avons 
appris,  par  des  témoignages  dignes  de  foi,  que,  dans  le  rite 
Slavo-latin  (romain),  il  s'est  glissé  beaucoup  d'abus  contraires 
aux  intentions  comme  aux  prescriptions  du  Siège  Apostolique 
par  la  licence  de  quelques-uns  qui  osent  dire  la  messe  en  y 
insérant  des  oraisons  et  des  prières  en  langue  slave  vulgaire, 
ou  lire  et  faire  lire  par  les  autres  prêtres  le  commencement  de 
l'Évangile  selon  saint  Jean  et  le  psaume  Lavabo  écrits  en  langue 
vulgaire  et  imprimés  en  caractères  latins,  sans  en  avoir  aucu- 
nement obtenu  de  nous  l'autorisation  et  l'approbation.  Voulant 
empêcher  de  s'étendre  un  abus  de  cette  sorte  qui  pourrait  faci- 
lement promiscuer  et  troubler  ce  rite,  de  même  que,  par  nos 
précédentes  constitutions  Etsi  pastoralem  et  Demandatam 
cœlUus,  nous  avons  pourvu  abondamment  à  la  conservation 
et  à  l'intégrité  des  rites  grecs  pour  les  nations  des  Italo-Grecs 
et  des  Grecs-Melkites;  tournant  aujourd'hui  le  même  soin  de 
notre  sollicitude  vers  la  nation  illyrienne,  nous  voulons,  par 
l'autorité  apostolique  que  nous  exerçons,  nous  prescrivons  et 
nous  mandons  que  tous  les  ecclésiastiques  et  prêtres  tant  sécu- 
liers que  réguliers  de  tout  ordre  ou  institut,  qui  professent  le 
rite  Slave-latin  (romain),  soient  tenus  et  doivent,  comme  il  a  été 
observé  avec  soin  pendant  plusieurs  siècles  pour  le  clergé  illy- 
rien,  en  célébrant  l'auguste  sacrifice  de  l'autel,  dans  les  heures 

(1)  2  vol.  grand  iii-S\  Paris,  LethioUeux;  Insbruck,  Rauch.  Tome  II,  pages  302 
et  suivantes. 

(2)  Le  texte  et  la  traduction  de  la  bulle  Allatx  sunt  ont  été  luibliés  eu  grande 
partie  dans  la  Revue  de  VOvienl  chrétien,  3''  volume,  1898. 


LH    GLAGOL    ET    LA    CONGREGATION    DES    RITES.  ;j 

canoniques  et  les  autres  offices  divins,  se  servir  des  missels, 
tables  et  bréviaires  qui  ont  été  imprimés  en  caractères  hiéro- 
nymiques  (1)  avec  les  caractères  de  la  Congrégation  de  la  Pro- 
pagande, ou  qui  le  seront  par  la  suite  après  les  revisions  oppor- 
tunes, les  approbations  et  les  autres  précautions  qui  y  ont  été 
apportées  jusqu'à  présent  et  qui  le  seront  à  l'avenir  par  des 
hommes  savants  particulièrement  versés  dans  la  connaissance 
de  l'idiome  slavo-latin  et  des  caractères  liiéronymiques.  Qu'à 
l'avenir  personne  de  ce  clergé,  en  célébrant  la  messe  ou  en  ac- 
complissant les  autres  divins  offices,  n'ait  l'audace  ou  la  pré- 
somption de  réciter  ou  de  présenter  de  quelque  façon  que  ce  soit 
des  oraisons  et  des  prières  qui  n'aient  pas  été  examinées  et 
approuvées  par  notre  autorité  et  celle  du  Siège  Apostolique.  » 

En  1791,  Pie  VI  fit  opérer  la  revision  du  bréviaire  qui  avait 
été  publié  par  Innocent  XI  en  1688. 

Les  transgressions  n'ont  pas  cessé,  surtout  à  partir  de  l'an- 
née 1828.  Il  advint  que,  pour  les  parties  chantées,  la  langue 
moderne  croato-serbe  était  parfois  substituée  au  paléo-slave  ;  le 
prêtre  récitait  en  latin  les  parties  qui  doivent  être  dites  à  voix 
basse;  on  ne  se  servit  du  paléo-slave  que  pour  les  plus  grandes 
fêtes.  Dans  le  diocèse  de  Segne  notamment,  les  messes  étaient 
bien  célébrées  en  paléo-slave,  mais  dans  une  langue  profondé- 
ment corrompue  et  se  confondant  presque  avec  l'idiome  vul- 
gaire. Et  les  livres  liturgiques  étaient  imprimés  en  caractères 
latins!  (2). 

Pie  IX,  fidèle  à  la  tradition  de  Benoit  XIV,  ordonna  une  nou- 
velle édition  du  missel  et  du  bréviaire.  11  en  confia  la  haute 
direction  à  un  homme  connu  et  même  persécuté  pour  son  at- 
tachement aux  choses  de  son  pays,  M^'  Strossmeyer,  évêque  de 
Diakovo  et  de  Syrmie.  La  congrégation  de  la  Propagande  pu- 
bliait en  1881  un  appendice  ad  Missale  Bomano  Slavonicum  et 
un  Ordo  et  Canon  Missœ. 

Enfin,  en  1893,  il  a  été  édité  à  Rome  un  missel  romain  en 
langue  paléo-slave,  imprimé  avec  des  caractères  glagolitiques. 


(1)  C'est-à-tlire  glagolitiquos.  Par  suite  «I'uik^  (M'ivut  historiquo.  lo  glagol  a  été 
longtemps  attribué  à  saint  .lérùme,  qui  était  originaire  de  rill3-rie.  Voir  l'explica- 
tion (le  cette  erreur  clans  saint  Cyrille  et  saint  Méthode,  Première  lutte  des  Alle- 
mands contre  les  Slaves,  a  la  page  251. 

(2)  Mlles,  loco  cltato,  pages  505  et  506. 


6  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

D'après  la  statistique  publiée  par  Ginzel  en  1857,  il  y  aurait 
84.319  catholiques  romains  glagolitiques,  inégalement  répan- 
dus dans  les  diocèses  de  Yeglia-Arbe,  de  Zara,  de  Spalatro  et 
de  Sebenico. 

V,  Au  Monténégro.  Le  18  août  188G,  Léon  XIII  concluait 
avec  le  prince  de  Monténégro  un  concordat  (I).  L'article  onze 
est  ainsi  conçu  :  «  La  formule  des  prières  pour  le  souverain 
Domine,  salvuni  fac  regeni  sera  chantée  dans  les  offices  di- 
vins en  langue  slave  (ou  slovenskom  iezikou).  » 

Comme  les  sujets  catholiques  du  Monténégro  sont  en  immense 
majorité  albanais,  et  célèbrent  le  rite  romain  en  latin,  il  était 
peut-être  à  propos  que  les  Monténégrins  entendissent  que  les 
catholiques  prient  pour  leur  souverain. 

Voilà  qui  est  bien,  mais  le  bruit  se  répandit  bientôt  que  les 
catholiques  sujets  du  Monténégro  allaient  célébrer  tout  l'office 
dans  une  langue  slave.  On  discutait  même  —  et  nous  l'avons 
déjà  rapporté  dans  cette  Revue  —  en  quel  alphabet  la  litur- 
gie leur  serait  écrite  :  le  glagolitique?  le  gréco-slave?  même 
la  grajdanka? 

Notons  incidemment  que  la  chose,  en  elle-même,  n'a  pas 
d'intérêt  pour  le  Monténégro.  Et,  en  effet,  avons-nous  dit,  les  ca- 
tholiques de  ce  pays  sont  tous,  ou  à  peu  près  tous,  de  race  al- 
banaise et  ils  ne  comprennent  que  le  skipétar,  lequel  n'a  au- 
cun rapport  avec  les  idiomes  slaves  :  ils  célèbrent  en  latin  et 
y  sont  habitués  :  pourquoi  un  changement  qui  ne  leur  appor- 
terait aucune  espèce  de  satisfaction?  Quant  aux  sujets  slaves 
du  prince  Nicolas,  qui  forment  l'immense  majorité,  ils  sont 
orthodoxes.  S'ils  se  faisaient  catholiques,  ils  seraient  obligés  de 
garder  leur  rite  grec  et  les  caractères  dits  cyrilliques,  puisque 
les  papes  ont  interdit  maintes  fois  aux  orthodoxes  devenant 
catholiques  d'adopter  le  rite  romain. 

VI.  L'aspiration  vers  la  liturgie  en  langue  slave  est  née 
chez  des  catholiques,  célébrant  le  rite  romain  en  latin  dans  les 
Bouches  de  Cattaro,  dans  la  Dalmatie,  dans  la  Croatie,  voire 
même  dans  la  Slovénie  et  dans  la  Bohême.  C'était  une  aspira- 
tion   non   monténégrine,   mais  iougo-slave.    Elle    s'explique 

(1)  La  traduction  française  de  ce  concordat  a  été  publiée  in  extenso  dans  la 
Revue  de  l'Orient  chrétien,  1"  année,  p.  57. 


LE    nLAOOL    ET    LA    COXdlîKGATIOX    DKS    UITKS.  7 

parfaitement  par  les  dangers  que  font  courir  à  ces  populations 
la  propagande  et  l'oppression  des  Allemands,  des  Madiars  et  des 
Italiens,  avec  lesquels  elles  sont  en  lutte  souvent  acharnée. 

On  sait  l'importance  presque  dominante  que  prennent  un  peu 
partout  les  questions  de  race,  ou,  comme  on  dit,  le  pliylétisme 
(de  (f\jXr„  tribu).  Or,  il  y  a  eu,  sur  ce  terrain,  non  seulement 
une  aspiration  en  faveur  de  la  liturgie  romaine  en  une  langue 
slave  au  lieu  du  latin,  mais  une  agitation  allant  même  jusqu'à 
des  tentatives  de  réalisation  spontanée. 

Telle  est  la  situation  qui  a  motivé  la  lettre  de  la  congrégation 
des  rites  dont  nous  donnerons  le  texte  et  la  traduction,  après 
avoir  spécifié  de  nouveau,  pour  la  correction  du  langage,  qu'il 
n'y  a  pas  de  liturgie  slave.  11  existe  deux  liturgies  qui  ont  été  tra- 
duites toutes  les  deux  en  la  langue  paléo-slave  :  V  La  liturgie 
grecque  commune  aux  orthodoxes  et  aux  uniates;  2°  la  litur- 
gie romaine,  laquelle  n'a  été  approuvée  à  Rome,  pour  l'usage 
religieux,  qu'en  caractères  glagolitiques. 


S.  RiTUUM  CONGREGATIONIS  AD  ArCHIEPISCOPOS  EPISCOPÛS  ET  OrDINAKIOS  PRO- 
VINCIARUM  GORITZUN,  IaDREN  ET  ZaGOBRIEX  LiTTER.K  DE  USU  LINGU.E  SLA- 
VONIC.E    IN  S.  LiTURGIA. 

Quce  prœcipuè  observanda  sunt  vel  cavenda,  circa  usum  paleoslavici 
idiomatis  iii  S.  liturgià,  sacra  lisec  Congregatio  jam  edidit  die  13  februarïi 
1892,  atque  iis  opportune  significavit  Slavorum  meridionalium  episcopis, 
qui  ecclesi*  prsesuiit  ubi  ejus  modi  praxis  invahiit.  Quura  vero,  bac  su- 
per re,  Apostolicse  Sedi  nova  proposita  sint  dubia,  S.  S.  D.  N.  Léo,  div.prov. 
Papa  XIII,  pro  sua  erga  Slavos  paterna  sollicitudine  ad  pnedictos,  nor- 
mas  enucleandas  et  firmandas ,  omnemque  removandam  perplexitatem , 
grave  hoc  negotium  peculiaris  cœtus  S.  R.  E.  Cardinalium  examini  sub- 
mitti  jussit. 

Reigitur  in  omnibus  mature  perpensa,  attentisqueSS.  Pontificum  Constitu- 
tionibus  et  Decretis,  pra^sertim  Innocentii  IV  qui  episcopis  Senien.  a.  1248 
et  Veglen  a.  1252Slavicâ  utendi  linguàconcessit  licentiam  in  illis  duntaxat 
partibus  ubi  de  consuetudine  observantur  pncmissa,  dummodo  et  ipsius  va- 
rietale  Ulterœ  sententia  non  Ixdatur;  item  IrbaniVIII,  cujus  jussu  a.  1631 
libri  liturgici  glagoliticl  editi  sunt  ad  usum  earum  ecclesiarum  ubihactenus 
prxfato  idiomate  celebratum  fuit,  iiisi  mnluerint  latino ;  née  non  Bene- 
dicti  XIV,  qui  novam  ipsorum  librorum  editionema.  1751  authenticam  de- 


8  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

claravit  iis  qui  ritum  slavo-lntinum  profitentur,  ac  demum  Pii  VI  qui  a. 
1791  Breviarium  ejus  auspiciis  denuo  impressum  recognovit,  iidem  E'"' 
Patres  cas  qmv  sequuntur  régulas  statuerunt,  illasque  Sanctitas  Sua  ratas 
habuit,  adprobavit  et  in  posterum  ab  omnibus  inviolatè  servari  mandavit  : 

I.  —  Usus  paleoslavicae  linguaî  in  S.  Liturgiaconsiderari  et  habui  débet 
valut  7'eale  privilegium  certis  mhœrens  ecclesiis,  minime  vero  ad  instar 
privilegii  personalis  quod  nonnullis  sacerdotibus  competat. 

Episcoporum  igitur  officium  erit,  in  unaquaque  diocesi  quam  primum 
conflcere  indicem  seu  catalogum  ecclesiarum  omnium  et  singularum  quas 
certo  constet,  in  prœsens  ea  concessione  rite  potiri. 

Dubia  vero  amovenda,  asserti  privilegii  probatiodesumatur  etdocumen- 
tis  et  testimoniis,  quee  in  tuto  ponant  et  probe  demonstrent  illud  invaluisse 
et  reapse  vigere  triginta  saltem  abhinc  annis,  quod  temporis  spatium  in 
re  prsesenti  tanquam  sufficiens  habetur  et  indulgentia  speciali  S.  Sedis. 

II.  —  Prœdicto  ecclesiarum  privilegiatarum  indice  semel  confecto  et 
publicato,  nulli  prorsus  licebit  in  aliis  ecclesiis,  quacumque  ratione  vel 
quovis  prastextu  linguam  palceoslavicam  in  S.  liturgiam  introducere  ;  si 
quid  vero  secus  aut  contra  contigerit  attentari,  istius  modi  ausus  severa 
coercitione  reprimantur. 

III.  —  In  ecclesiis  quee  supramemorato  privilégie  gaudent,  sacrum 
facere  et  officium  persolvere  publica  et  solemni  ratione,  permissum  ex- 
clusive erit  palœoslavico  idiomate,  quacumque  seclusa  alterius  linguae  im- 
mixtione.  Libri  ad  sacra  et  ad  officium  adbibendi  characteribus  glagoliticis 
sint  excusi  atque  ab  Apostolica  Sede  recogniti  et  adprobati  :  alii  quicum- 
que  libri  liturgici,  vel  alio  impressi  charactere,  vel  absque  approbatione 
S.  Sedis,  vetiti  omnino  sint  et  prohibiti. 

IV.  —  Ubicumque  populus  sacerdoti  respondere  solet,  aut  nonnullas 
missse  partes  canere,  id  etiam  nonnisi  lingua  palaîoslavica,  in  ecclesiis 
privilegiatis  fieri  licebit.  Idque  ut  facilius  évadât,  poterit  ordinarius  fîdeli- 
bus  permittere  usum  manualis  libri  latinis  characteribus,  loco  glagolitico- 
rum,  exarati. 

V. —  In  prgefatis  ecclesiis,  qu8e  concessione  linguce  palaeoslavicae  in- 
dubitanter  fruuntur,  Rituale,  slavico  idiomate  impressum,  adhiberi  pote- 
rit in  sacramentorum  et  sacramentalium  administratione ,  dummodo  illud 
fuerit  ab  Apostolica  Sede  recognitum  et  probatum. 

VI.  —  Sedulo  curent  Episcopi  in  suis  seminariis  studium  provehere 
cum  latinae  linguse  tum  palaeoslavicaî,  ita  ut  cuicumque  diocesi  necessarii 
sacerdotes  praesto  sint  ad  ministerium  in  utroque  idiomate. 

VII.  —  Episcoporum  officium  erit,  ante  ordinationem  sacram,  designare 
clericos  qui  latinis  vel  qui  palœoslavicis  ecclesiis  destinentur,  explorata  in 
antecessum  promovendorum  voluntate  et  dispositione,  nisi  aliud  exigat 
Ecclesiïe  nécessitas. 


LE    GLAGOL    KT    LA    C0\GI{l':GATlO\    DLS    lilTKS.  9 

VIII.  —  Si  (juis  sacerdos,  addictus  ecclcsue  ubi  hiliiia  adhibetiir  liiif^ua, 
alteri  debeat  ecclesiae  inservire  quae  palaeoslavici  fruitur  idiomatis  privile- 
gio,  missam  solcmnein  ibi  celebrarc,  horasquc  canerc  tenebitur  lin^aia  pa- 
Iseoslavica;  attainen  illi  t'as  erit  privatini  sacra  j)era^;(jro et,  boras  canonicas 
persolvere  latina  lingua,  idem  vicissini  dicatur  de  sacordute  palaeoslavici 
idiomatis  ccclesise  adscripto,  cui  forte  latinae  ecclesia;  dcservire  contige- 
rit. 

IX.  —  Licebit  pariter  sacerdotibus  latini  eloquii  ecclesiae  inscriptis,  in 
aliéna  ecclesia  quse  privilegio  linguîB  palaeoslavicœ  potitur,  missam  priva- 
tam  celebrare  latino  idiomate. 

Vicissim  sacerdotes,  linguse  paleoslavicœ  ecclesiis  addicti,  eodem  idio- 
mate sacrum  privatim  facere  poterunt  in  ecclesiis  ubi  latina  lingua  adbi- 
betur. 

X.  —  Ubi  usus  invaluit  in  missa  solemni  Epistolam  et  Evangelium  sla- 
vicè  canendi  post  eorumdem  cantum  latino  ecclesiaî  ipsius  idiomate  abso- 
lutum,  hujusmodi  praxis  servari  poterit,  dummodo  adhibeatur  lingua palae- 
oslavica.  In  missis  autemparochialibus  fas  erit,  post  Evangeliirecitationem, 
illud  perlegere  vulgari  idiomate  ad  pastoralem  fldelium  instructionem. 

XI.  —  Si  forte  in  parocbiis  qnee  linguam  habent  paliçoslavicam,  aliquis 
e  fidelibus  prolem  renuat  sacro  sistere  fonti,  nisi  rituali  latino  baptismus 
conferatur,  vel  si  qui  matrimonium  récusent  celebrare,  nisi  latina  lingua 
sacer  absolvatur  ritus,  parochus  opportune  illos  instruat,  moneatque  :  et 
si  adhuc  in  propria  sententia  persistant,  baptismum  aut  benedictionem 
nuptialem  privatim  latina  lingua  ministret. 

Vicissim  agatur  in  parochia  latinœ  linguag,  si  quis  slavico  idiomate  ritus 
praedictos  omnino  peragi  similiter  exigat. 

XII.  —  In  prœdicatione  verbi  divini  aliisve  cultus  actionibus  qua?  strictim 
liturgiccE  non  sunt,  lingua  slavicavulgarisadhiberi  permittitur  ad  fidelium 
commoditatem  et  utilitatem,  servatis  tamen  generalibus  decretis  hujus 
S.  Rituum  congregationis. 

XIII.  —  Episcopi  illarum  regionum,  ubi  eadem  in  usu  est  lingua  verna- 
cula,  studeant  iiniformi  curandœ  versioni  precum  et  hymnorum  ([uibus 
populus  indulget  in  propria  ecclesia,  ad  hoc  ut  qui  ex  una  ad  aliam  tran- 
seunt  diocesim  vel  parochiam,  in  nuUam  offendant  precationum  aut  canti- 
corum  diversitatem. 

XIV.  —  Pii  libri,  in  quibus  continetur  versio  vulgata  liturgicarum  pre- 
cum, ad  usum  tantummodo  privatum  Christi  fidelium.  ab  Episcopis  rite  re- 
cogniti  sint  et  approbati. 

Datum  Romœ...,  die  'i  Augusti,  1898. 

C.  Card  Mazzella  Praîf. 


TRADUCTION 


Lettre  de  la  S.  Congrégation  des  Rites  aux  Archevêques, 
ÉvÉQUEs  et  Ordinaires  des  provinces  de  Goritz,  de  Zara  et 
DE  Zagreb  (Agram)  sur  l'usage  de  la  langue  slave  dans  la 
S.  Liturgie. 

Ce  qui  principalement  doit  être  observé  ou  évité  relative- 
ment à  Tusage  de  Tidiome  paléoslave  dans  la  S.  liturgie, 
cette  S.  Congrégation  Fa  énoncé  le  13  février  1892  et  elle 
l'a,  à  propos,  notifié  à  ces  évêques  des  Slaves  méridionaux  qui 
sont  préposés  à  des  églises  où  la  pratique  de  ce  mode  est  éta- 
blie; mais,  comme,  sur  cet  objet,  de  nouveaux  doutes  ont  été 
présentés,  la  Sainteté  de  N.  S.  Léon  XIII  par  la  grâce  de  Dieu, 
à  cause  de  sa  paternelle  sollicitude  envers  les  Slaves  sus-dits, 
a  ordonné  de  soumettre  cette  affaire  à  l'examen  d'une  commis- 
sion spéciale  de  Cardinaux  de  la  Sainte  Église  romaine. 

Donc,  la  chose  ayant  été  pesée  en  tout  avec  maturité,  vu  les 
constitutions  et  les  décrets  des  Souverains  Pontifes,  surtout 
d'Innocent  IV  qui,  aux  évèques  de  Segne  en  1248  et  de  Veglia 
en  1252,  concéda  la  licence  de  se  servir  de  la  langue  slave  seu- 
lement dans  les  lieux  où  il  est  de  coutume  dobserver  les 
dites  choses,  pourvu  que  le  sens  ne  soit  pas  altéré  par  la 
différence  de  la  lettre;  item  d'Urbain  VIII  par  l'ordre  duquel 
en  163 1,  des  livres  liturgiques  glagolitiques  ont  été  édités  jwur 
f  usage  de  ces  églises  où  jusqu  alors  il  a  été  célébré  dans  le 
dit  idiome  à  moins  qu'ils  ne  jjréfèrent  le  latin;  et  aussi  de  Be- 
noît XIV  qui,  en  1751,  a  déclaré  authentique  une  nouvelle  édi- 
tion de  ces  mêmes  livres  à  ceux  qui  pi^ofessent  le  rite  slavo- 
latin  (slavo-romain);  et  enfin  de  Pie  VI  qui,  en  1791,  revisa  le 
Bréviaire  imprimé  de  nouveau  sous  ses  auspices,  les  mêmes 
Éminentissimes  Pères  ont  établi  les  règles  suivantes  que  Sa 
Sainteté  a  ratifiées  et  approuvées  et  a  ordonné  être  observées  , 
inviolablement  à  l'avenir  : 


LE    (ILAGOL    ET    LA    CONORÉGATION    DES    lUTES.  11 

I.  L'usage  de  la  langue  paléoslave  clans  la  liturgie  sacrée  doit 
être  considéré  et  tenu  comme  un  privilège  réel  inhérent  à 
certaines  églises,  mais  nullement  à  l'instar  d'un  privilège  per- 
sonnel, qui  compète  à  quelques  prêtres. 

Donc,  le  devoir  des  évèques  sera  de  confectionner  le  plus  tôt 
possible  l'index  ou  catalogue  de  toutes,  en  général  et  en  par- 
ticulier, les  églises  pour  lesquelles  il  conste  <Hre  en  possession 
régulièrement  et  à  présent  de  cette  concession. 

Les  cas  douteux  étant  écartés,  la  preuve  dudit  privilège  doit 
résulter  de  documents  et  de  témoignages  qui  établissent  com- 
plètement et  démontrent  bien  que  ce  privilège  remonte  et  a  été 
effectivement  en  vigueur  depuis  au  moins  trente  années,  lequel 
espace  de  temps  est,  dans  l'espèce,  tenu  comme  suffisant  et 
cela  d'après  une  indulgence  spéciale  du  Saint-Siège. 

IL  Une  fois  confectionné  et  publié  le  susdit  catalogue  des 
églises  privilégiées,  il  ne  sera  dès  lors  licite  à  d'autres  églises 
de  quelque  nation  que  ce  soit  ou  sous  quelque  prétexte  que  ce 
soit,  d'introduire  la  langue  paléoslave  dans  la  liturgie  sacrée. 
S'il  arrivait,  au  contraire,  qu'il  soit  tenté  quelque  chose  là 
contre,  qui  l'aura  osé,  sera  réprimé  par  une  sévère  coercition. 

III.  Dans  les  églises  qui  jouissent  du  privilège  ci-dessus 
rappelé  d'offrir  le  Sacrifice  et  d'accomplir  l'office  d'une  manière 
publique  et  solennelle,  il  sera  fait  usage  exclusivement  de 
l'idiome  paléoslave,  une  immixtion  quelconque  d'une  autre 
langue  étant  écartée.  Que  les  livres  employés  au  Sacrifice  et  à 
l'office  soient  imprimés  en  caractères  glagolitiques  et  reconnus 
et  approuvés  par  le  Saint-Siège.  Les  livres  liturgiques  quelcon- 
ques imprimés  en  autre  caractère  ou  sans  l'approbation  du 
Saint-Siège,  sont  entièrement  défendus  et  prohibés. 

IV.  Partout  où  la  population  a  coutume  de  répondre  au 
prêtre,  ou  de  chanter  quelques  parties  de  la  messe,  cela  même 
il  ne  sera  permis  dans  les  églises  privilégiés  de  le  faire  que 
seulement  en  langue  paléoslave.  Pour  la  facilité,  l'ordinaire 
pourra  permettre  aux  fidèles  l'usage  de  manuels  imprimés  en 
caractères  latins  au  lieu  de  glagolitiques. 


12  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

V.  Dans  lesdites  églises,  qui  jouissent  indubitablement  de 
la  concession  de  la  langue  paléoslave,  le  Rituel  en  langue  slave 
vulgaire  pourra  être  employé  dans  l'administration  des  sacre- 
ments et  des  cérémonies  sacramentelles,  pourvu  que  ledit  rituel 

^  ait  été  reconnu  et  approuvé  par  le  Siège  Apostolique. 

VI.  Que  les  évoques  aient  soin  dans  leurs  séminaires  de 
pousser  à  l'étude  tant  de  la  langue  latine  que  du  paléoslave,  de 
sorte  que,  dans  chaque  diocèse,  il  y  ait  le  nombre  nécessaire  de 
prêtres  aptes  au  ministère  dans  l'un  et  l'autre  idiomes. 

YII.  Le  devoir  des  évêques  sera,  avant  l'ordination  sacrée, 
de  désigner  les  clercs  qui  sont  destinés  soit  aux  églises  latines, 
soit  aux  églises  paléoslaves ,  après  avoir  vérifié  préalablement 
la  volonté  et  la  disposition  des  clercs  à  promouvoir. 

VIII.  Si  quelque  prêtre  assigné  à  une  église  où  la  langue 
latine  est  employée,  doit  aussi  desservir  une  autre  église  jouis- 
sant du  privilège  de  l'idiome  paléoslave,  il  sera  tenu  d'y  célé- 
brer la  messe  solennelle  et  d'y  chanter  les  heures  dans  la  langue 
paléoslave.  Il  lui  sera,  cependant,  permis,  en  particulier,  de 
faire  le  sacrifice  et  d'accomplir  les  heures  canoniques  en  langue 
latine.  Et  réciproquement,  il  est  décidé  de  même  pour  le  prêtre 
assigné  à  une  église  de  langue  paléoslave,  auquel  il  arrive  de 
desservir  par  circonstance  une  église  latine. 

IX.  Aux  prêtres  assignés  à  une  église  latine,  il  sera  égale- 
ment permis  de  célébrer  en  particulier  la  messe  en  latin  dans 
une  autre  église  qui  possédera  le  privilège  de  la  langue  paléo- 
slave. 

Réciproquement,  les  prêtres  attachés  à  des  églises  de  langue 
paléoslave  peuvent,  dans  les  églises  où  l'idiome  latin  est  assi- 
gné, célébrer  la  messe  particulière  en  l'idiome  paléoslave. 

X.  Là  où  la  coutume  a  été  en  vigueur,  dans  la  messe  solen- 
nelle, de  chanter  l'Épître  et  l'Évangile  en  slave  après  que  le 
chant  en  a  été  accompli  dans  l'idiome  latin  de  cette  église, 
une  telle  pratique  pourra  être  conservée,  pourvu  que  la  langue 
paléoslave  y  ait  été  employée.  Dans  les  messes  paroissiales,  ce- 


LK    OLAfiOL    ET    LA    COXf-RÉGATloX    UKS    UITKS.  13 

pendant,  il  sera  permis,  après  la  récitation  de  l'Évangile,  de  le 
lire  en  langue  vulgaire  pour  l'instruction  pastorale  des  fidèles. 

XI.  Au  cas  éventuellement,  dans  les  paroisses  ayant  la  langue 
paléoslave,  que  quelqu'un  des  fidèles  refuse  de  présenter  un 
enfant  aux  fonts  baptism;iux,  si  le  baptême  n'est  pas  conféré 
d'après  le  rituel  latin,  ou  si  quelques-uns  refusent  la  célébration 
du  mariage,  à  moins  que  le  rite  sacré  soit  accompli  en  langue 
latine,  que  le  curé  les  instruise  opportunément  et  les  admoneste; 
et,  si  ceux-ci  persistent  dans  leur  idée,  qu'il  leur  administre 
dans  la  langue  latine  le  baptême  ou  la  bénédiction  nuptiale,  en 
particulier. 

Réciproquement,  dans  les  paroisses  latines,  qu'il  soit  agi  de 
même,  lorsque  quelqu'un  exige  que  les  susdits  rites  soient 
accomplis  en  idiome  slave. 

XII.  Pour  la  prédication  de  la  parole  divine  et  les  autres  actes 
de  culte  qui  ne  sont  pas  strictement  liturgiques,  il  est  permis 
d'employer  la  langue  slave  vulgaire  pour  la  commodité  et  l'uti- 
lité des  fidèles  —  étant  réservés,  cependant,  les  décrets  géné- 
raux de  cette  S.  Congrégation  des  rites. 

XIII.  Que  les  évèques  de  ces  régions  où  la  même  langue  indi- 
gène est  en  usage,  appliquent  leur  soin  à  obtenir  une  version 
uniforme  des  prières  et  des  hymnes  auxquelles  le  peuple  se 
livre  dans  sa  propre  église,  afin  que  ces  chants  qui  passent  d'un 
diocèse  ou  d'une  paroisse  à  une  autre,  ne  choquent  pas  par  la 
diversité  des  prières  et  des  cantiques. 

XIV.  Que  les  livres  pieux  qui  contiennent  une  traduction  en 
langue  vulgaire  des  prières  liturgiques  pour  Tusage  seulement 
privé  des  fidèles  chrétiens,  soient  revisés  et  approuvés  par  les 
évêques. 

Donné  à  Rome,  le  5'  jour  daont  IHtS. 

[Signé)  C.  Cardinal  Mazella,  préfet. 


LA  MESSE  COPTE 


La  traduction  de  la  messe  copte,  que  nous  donnons  ci- 
après,  n'est  point  notre  œuvre;  elle  a  été  faite  par  S.  G. 
Mgr  Macaire,  administrateur  apostolique  du  patriarcat, 
d'Alexandrie,  qui  a  bien  voulu  nous  en  confier  la  publi- 
cation. Nous  avons  pensé  que  cette  traduction,  composée 
par  le  chef  de  l'église  copte  catholique,  dont  la  science  et 
le  zèle  sont  justement  appréciés,  ne  saurait  manquer 
d'être  bien  accueillie  des  lecteurs  de  la.  Revue  de  l'Orient 
Chrétien^  comme  de  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  études 
liturgiques.  Nous  ne  pouvions  nous  permettre  d'y  intro- 
duire le  moindre  changement;  accompagner  le  texte  de 
remarques  et  de  commentaires  aurait  demandé  un  travail 
spécial  et  de  trop  longue  étendue,  que  nous  donnerons 
peut-être  un  jour  dans  une  étude  sur  l'ensemble  de  la 
liturgie  copte.  Pour  le  moment,  il  importait  de  ne  pas 
retarder  cette  publication  de  la  messe  de  saint  Basile  en 
usage  chez  les  Coptes  catholiques,  et  de  laisser  dans  son 
intégrité  originelle  l'œuvre  du  savant  évêque,  qui  a  reçu 
la  noble  mission  de  gouverner  l'Église  d'Alexandrie. 
Nous  sommes  heureux  de  lui  adresser  ici  l'expression 
de  notre  respectueuse  reconnaissance. 

Dom  Paul  Renaudin. 


LITURGIE  COPTE  ALEXANDRINE 


DITE 


DE  SAINT  BASILE  LE  ORANI) 


PRIERES    PREPARATOIRES,    ANTERIEURES    A    L  OFFERTOIRE. 

Le  Prêtre  revêtu  des  ornements  sacerdotaux  monte  à  Vau- 
tet,  et,  la  tête  découverte,  se  signe  en  disant  :  Au  nom  du  Père, 
et  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  un  seul  Dieu  ! 

Puis  il  baise  Vautel  en  disant:  Nous  vous  adorons,  ô  Christ, 
avec  votre  Père,  le  Dieu  bon,  et  le  Saint-Esprit,  parce  que  vous 
êtes  venu  et  nous  avez  rachetés. 

Ensuite,  il  dit  secrètement  Voraison  dite  Prière  de  la  pré- 
paration de  l'autel  : 

0  Dieu,  qui  scrutez  tous  les  cœurs;  ô  Saint,  qui  reposez  dans 
vos  Saints,  qui  seul  êtes  sans  péché  et  avez  la  puissance  de 
remettre  les  péchés;  vous  savez,  Seigneur,  que  je  suis  indigne 
de  m'approcher  de  votre  ministère  sacré  et  d'ouvrir  la  bouche 
devant  votre  sainte  gloire  ! 

Selon  la  grandeur  de  votre  miséricorde  pardonnez-moi,  pau- 
vre pécheur,  et  faites  que  je  trouve  à  cette  heure  grâce  devant 
v(Kis.  Daignez  revêtir  ma  faiblesse  de  la  force  d'en  haut,  afin 
que  je  commence,  prépare  et  achève  selon  votre  bon  plaisir  cet 
auguste  ministère. 

Oui,  Seigneur,  soyez  avec  nous,  associez-vous  à  notre  action, 
bénissez-nous,  puisque  vous  êtes  la  rémission  de  nos  péchés,  la 
lumière  de  nos  âmes,  notre  vie,  notre  force  et  notre  espérance. 
Aussi  est-ce  à  vous  que  nous  adressons  dans  les  hauteurs  toute 
gloire,  tout  honneur,  toute  adoration,  ô  Père,  Fils,  et  Saint- 


16  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

Esprit,  maintenant,  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen. 

Puis  il  dit  la  Prière  après  la  préparation  de  l'autel  : 

C'est  vous,  ô  Dieu,  qui  nous  avez  enseigné  ce  grand  mystère  de 
salut;  c'est  vous  qui  nous  avez  appelés  malgré  notre  indignité 
à  être  les  ministres  de  votre  saint  autel.  0  notre  Roi,  rendez- 
nous  dignes  parla  vertu  de  votre  Esprit,  d'accomplir  ce  divin 
ministère,  et  faites  que  sans  encourir  la  condamnation  devant 
votre  majesté,  je  vous  offre  le  sacrifice  de  bénédiction  comme 
témoignage  de  votre  gloire  et  de  la  splendeur  de  votre  sain- 
teté. 

0  Dieu,  qui  donnez  la  grâce  et  envoyez  le  salut,  opérant  tout 
en  tout  être,  faites  que  notre  sacrifice  soit  agréable  à  vos  yeux, 
daignez  le  recevoir  en  propitiation  pour  mes  péchés  et  les  igno- 
rances de  votre  peuple,  et  qu'il  devienne  saint  selon  le  don  du 
Saint-Esprit.  En  Jésus-Christ,  notre  Seigneur,  par  qui  la  gloire, 
l'honneur,  la  louange  et  l'adoration  vous  sont  dus  avec  Lui  et 
l'Esprit-Saintvivifiant  et  consubstantiel,  maintenant,  et  toujours, 
et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen! 

Le  Prêtre  se  lave  les  mains  en  disant  : 

Vous  m'aspergerez  avec  l'hysope  et  je  serai  purifié,  vous 
me  laverez  et  je  deviendrai  plus  blanc  que  la  neige.  Vous  me 
ferez  entendre  des  paroles  de  joie  et  mes  os  humiliés  tressaille- 
ront d'allégresse. 

Je  laverai  mes  mains  dans  l'innocence  et  j'entourerai  votre 
autel,  ô  mon  Dieu,  pour  entendre  la  voix  de  vos  louanges. 


PRIERE    DE    L  OFFERTOIRE. 

Le  Prêtre  prend  l'hostie  entre  ses  mains  et  l'élevant  à  la 
hauteur  de  la  tête,  il  dit  : 

Faites,  Seigneur,  que  notre  sacrifice  soit  agréable  à  vos  yeux, 
daignez  le  recevoir  en  propitiation  pour  mes  péchés  et  les  igno- 
rances de  votre  peuple,  et  qu'il  devienne  saint  selon  le  don  du 
Saint-Esprit.  En  Jésus-Christ  Notre-Seigneur,  par  qui  la  gloire, 
l'honneur,  la  louange  et  l'adoration  vous  sont  dus  avec  lui  et 
l'Esprit-Saint  vivifiant  et  consubstantiel,  maintenant,  et  tou- 
jours, et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen  ! 


LA    MI'SSE    COPTi;.  17 

SI  le  sacrifice  est  offert  à  Vintention  d'un  fidèle  défunt,  le 
Prêtre  ajoute  : 

Souvenez-vous,  Seigneur,  de  votre  serviteur  N.,  faites-le  jouir 
du  lieu  du  repos,  de  la  paix  et  du  rafraîcliissement  dans  les 
demeures  de  vos  Justes,  dans  le  sein  de  nos  Pères  Abraham, 
Isaac  et  Jacob,  dans  le  paradis  de  la  joie. 

Si  le  sacrifice  est  offert  à  l'intention  d'un  malade,  le  Prê- 
tre dit  : 

Souvenez-vous,  Seigneur,  de  votre  serviteur  N.,  gardez-le 
par  l'ange  de  la  paix  et  guérissez-le  de  toutes  ses  infirmités. 

Si  le  sacrifice  est  offert  à  Vintention  d'un  fidèle  en  voyage, 
le  Prêtre  dit  : 

Souvenez-vous,  Seigneur,  de  votre  serviteur  N.,  gardez-le  par 
l'ange  de  la  paix  et  rendez-le  à  sa  demeure  sain  et  sauf. 

Si  le  sacrifice  est  offert  à  Vintention  de  ciuelque  fidèle  en 
peine,  le  Prêtre  dit  : 

Souvenez-vous,  Seigneur,  de  votre  serviteur  N.,  gardez-le 
par  l'ange  de  la  paix  et  délivrez-le  de  toutes  ses  angoisses. 

Le  Prêtre  tenant  V hostie  élevée  à  la  hauteur  de  la  tête,  fait 
le  tour  de  Vautel,  précédé  d'un  Diacre  qui  porte  les  burettes 
contenant  Veau  et  le  vin,  et  de  deux  autres  clercs  qui  tien- 
nent des  cierges  allumés.  En  même  temps,  il  dit  : 

Gloire  et  honneur  !  Honneur  et  gloire  à  la  Trinité  toute  sainte. 
Père,  Fils  et  Saint-Esprit! 

Paix  et  édification  pour  l'Église  de  Dieu,  une,  unique,  sainte, 
catholique  et  apostolique.  Amen! 

Souvenez-vous,  Seigneur,  de  ceux  qui  vous  ont  offert  ces 
dons  et  de  ceux  à  l'intention  desquels  ils  les  ont  offerts;  donnez- 
leur  la  récompense  céleste  ! 

Souvenez-vous,  Seigneur,  de  ceux  qui  nous  ont  recommandé 
de  prier  pour  eux  ;  que  le  Seigneur  se  souvienne  d'eux  dans  son 
royaume  du  ciel  ! 

Pendant  que  le  prêtre  et  que  les  autres  ministres  font  le  tour 
de  Vautel,  le  Peuple  chante,  les  jours  de  dimanche  et  de  fête  et 
dans  la  cinquantaine  de  Pâques  : 

Alléluia!  voici  le  jour  que  le  Seigneur  a  fait  ;  réjouissons-nous 
en  lui  et  tressaillons  d'allégresse  ! 

0  Dieu,  délivrez-nous!  ù  Dieu,  aplanissez  nos  voies!  Béni 
celui  qui  vient  au  nom  du  Seigneur.  AUeluia! 

ORIENT    CHRÉTIEN.  2 


18  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Durant  le  carême  et  les  jours  de  Jeûne,  le  peuple  chante  : 

Alléluia!  j'entrerai  à  l'autel  du  Seigneur,  devant  la  face  du 
Dieu  qui  donne  la  joie  à  ma  jeunesse. 

Je  vous  louerai,  Seigneur,  au  son  de  la  cithare,  alléluia! 
Souvenez-vous,  Seigneur,  de  David  et  de  toute  sa  mansuétude, 
alléluia  ! 

Les  jours  ordinaires,  le  peuple  chante  : 

Le  souvenir  est  au  Roi!  A  vous.  Seigneur,  l'hommage  de  mes 
louanges  et  de  toutes  les  pensées  dignes  de  vous,  alléluia!  Les 
oblations  et  les  sacrifices,  daignez  les  recevoir,  alléluia! 

Le  Prêtre  étant  remonté  à  l'autel,  se  signe  en  disant  : 

Au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit,  un  seul  Dieu! 

Puis,  il  bénit  trois  fois  les  dons,  c'est-à-dire  Vhostie,  le 
vin  et  Veau,  en  faisant  sur  eux  le  signe  de  la  croix  : 

Béni  le  Seigneur  Dieu  tout-puissant,  amen  ! 

Béni  son  Fils  unique,  Jésus-Christ,  notre  Seigneur,  amen! 

Béni  l'Esprit-Saint  Paraclet,  amen  ! 

Tandis  Cjue  le  Prêtre  verse  le  vin  et  Veau  dans  le  calice,  et 
récite  la  prière  de  l'offertoire  comme  plus  haut,  le  Diacre 
dit  : 

Amen!  amen!  amen!  Un  est  le  Père  Saint!  Un  est  le  Fils 
Saint!  Un  est  l'Esprit  Saint  !  Béni  est  le  Seigneur  Dieu  dans  les 
siècles  des  siècles,  amen! 

Toutes  les  nations,  bénissez  le  Seigneur!  Bénissez-le,  tous 
les  peuples,  parce  que  sa  miséricorde  s'est  affermie  sur  nous 
et  que  la  vérité  du  Seigneur  demeure  pour  l'éternité.  Amen! 
alléluia! 

Le  Peuple  dit  : 

Gloire  au  Père,  et  au  Fils  et  au  Saint-Esprit,  maintenant,  et 
toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles!  Amen. 


PRIERE    DE    L  ACTION    DE    GRACES,    DITE    DE    S.    MARC. 

Le  Prêtre,  signant  le  peuple  :  La  paix  soit  avec  vous. 

Le  Peuple  :  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre  :  Rendons  grâces  au  Dieu  bienfaiteur  et  miséri 
cordieux.  Père  de  Notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur,  Jésus- 
Christ,  parce  qu'il  nous  a  protégés,  aidés,  conservés,  reçus  avec 


LA    MESSK    COI'Ti:.  10 

bonté,  traités  avec  miséricorde,  fortifiés  et  fait  parvenir  jusqu'à 
cette  heure.  Prions-le  de  nous  garder  encore  en  ce  saint  jour 
et  tous  les  jours  de  notre  vie,  dans  la  paix,  Lui  qui  est  le  Tout- 
Puissant,  notre  Dieu. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié! 

Le  Prêtre.  —  0  Seigneur  tout-puissant,  Père  de  Notre-Sei- 
gneur,  notre  Dieu  et  Sauveur,  Jésus-Christ,  nous  vous  remer- 
cions de  toute  chose,  pour  toute  chose  et  en  toute  chose,  parce 
que  vous  nous  avez  protégés,  aidés,  conservés,  reçus  avec 
bonté,  traités  avec  miséricorde,  fortifiés  et  fait  parvenir  jus- 
qu'à cette  heure,  nous  rendant  dignes  de  nous  tenir  debout  à 
cet  autel  et  de  vous  demander  miséricorde  pour  tout  votre  peu- 
ple. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  que  le  Seigneur  ait  pitié  de  nous 
dans  sa  miséricorde,  nous  écoute  et  nous  aide,  pour  qu'il  agrée 
les  supplications  que  ses  saints  lui  adressent  continuellement 
en  notre  faveur,  pour  qu'il  nous  pardonne  nos  péchés  et  nous 
rende  dignes  de  participer  à  ses  mystères  sacrés  et  d'y  trouver 
la  rémission  de  nos  péchés. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié! 

Le  Prêtre.  —  Nous  conjurons  votre  bonté,  ô  ami  du  genre 
humain;  donnez-nous  d'achever  ce  saint  jour  et  tous  les  jours 
de  notre  vie  en  toute  paix,  avec  votre  sainte  crainte.  Toute 
envie,  toute  tentation,  toute  œuvre  de  Satan,  tout  conseil  des 
hommes  méchants,  toute  attaque  de  la  part  des  ennemis  visi- 
bles et  invisibles,  éloignez-les  de  nous  {il  se  signe),  de  tout 
votre  peuple  {il  signe  l'assistance)  et  de  cette  table  (//  signe  la 
table  sainte).  Comblez-nous  de  tous  les  biens  et  de  tous  les  dons 
convenables.  Car  c'est  vous  qui  nous  avez  donné  la  puissance 
de  fouler  aux  pieds  les  serpents,  les  scorpions  et  toute  vertu  de 
l'ennemi.  Ne  nous  induisez  pas  en  tentation,  mais  délivrez- 
nous  du  méchant.  Par  la  grâce,  la  miséricorde  et  l'amour  de 
votre  Fils  unique,  Notre-Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur,  Jésus- 
Christ,  par  qui  la  gloire,  l'honneur,  la  louange  et  l'adoration 
vous  sont  dûs  avec  lui  et  l'Esprit  Saint  vivifiant  et  consubstan- 
tiel,  maintenant  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen. 


20  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


INTRODUCTION   A    L  OBLATION    DU    PAIN    ET    DU    CALICE   —   PRIERE    DE 

SAINT    MARC. 

Le  Prêtre.  —  0  Seigneur  Dieu,  Jésus-Clirist,  Fils  unique  et 
Verbe  éternel  du  Père  immaculé,  consubstantiel  à  lui  avec  le 
Saint  Esprit,  vous  êtes  le  pain  vivifiant,  descendu  du  ciel  et 
VOUS  avez  daigné  devenir  un  agneau  sans  tache  pour  la  vie  du 
monde.  Nous  conjurons  votre  bonté,  ô  ami  du  genre  humain; 
révélez  votre  face  sur  ce  pain  et  sur  ce  calice  que  nous  avons 
posés  sur  votre  table  sacerdotale.  Bénissez-les  f,  sanctifiez-les  f, 
purifiez-lesfetconvertissez-les,  de  sorte  que  cepain  devienne  votre 
saintcorps  et  que  le  mélange  de  ce  calice  devienne  votre  précieux 
sang,  et  que  l'un  et  l'autre  puissent  ainsi  devenir  la  résurrec- 
tion, la  guérison  et  le  salut  de  nos  âmes,  de  nos  corps  et  de  nos 
esprits.  Car  vous  êtes  notre  Dieu,  et  à  vous  sont  dues  la  gloire  et  la 
puissance  dans  l'unité  du  Père  très  bon  et  du  Saint-Esprit  vivi- 
fiant, maintenant,  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen.  //  couvre  les  dons  et  descend  au  bas  de  l'autel. 


L  ABSOLUTION    DU    FILS    —    PRIERE    DE    SAINT    MARC. 

Le  Prêtre  récite  sur  rassistance  agenouillée  :  0  Seigneur 
Jésus-Christ,  Fils  unique  et  Verbe  du  Père,  qui  avez  rompu  les 
liens  de  nos  péchés  par  votre  passion  salutaire  et  vivifiante, 
qui  avez  soufflé  sur  la  face  de  vos  saints  apôtres  en  leur  disant  : 
Recevez  le  Saint-Esprit,  les  péchés  seront  remis  à  ceux  à  qui 
vous  les  remettrez,  et  ils  seront  retenus  à  ceux  à  qui  vous  les 
retiendrez;  Vous,  qui  par  vos  saints  apôtres  avez  accordé  à  ceux 
qui  sans  cesse  exercent  les  fonctions  sacerdotales  dans  votre 
Église,  de  remettre  les  péchés  sur  la  terre,  de  lier  et  de  délier 
tous  les  nœuds  de  l'iniquité,  nous  conjurons  votre  bonté,  ô  ami 
du  genre  humain,  pour  vos  serviteurs,  mes  pères  et  mes  frères, 
et  pour  mon  humilité,  pour  nous  tous  qui  inclinons  nos  fronts  de- 
vant votre  sainte  gloire .  Traitez-nous  avec  miséricorde  et  brisez  les 
liens  de  nos  péchés  ;  si  nous  avons  failli  contre  vous  sciemment  ou 
par  ignorance,  par  faiblesse,  par  parole,  par  action  ou  par  omis- 
sion, Vous   qui  connaissez   la  fragilité   humaine,  ô  Dieu   de 


LA    MESSE    COI'TE.  21 

bonté  et  d'amour,  de  grâce  pardonnez-nous  nos  péchés,  bénis- 
sez-nous, purifiez-nous,  absolvez-nous  et  absolvez  tout  votre 
peuple.  Remplissez-nous  de  votre  crainte,  formez-nous  à  Tac- 
complissement  de  votre  volonté,  parce  que  vous  êtes  notre 
Dieu;  et  à  vous  sont  dus  la  gloire,  Tlionneur,  la  louange  et  l'a- 
doration avec  votre  Père,  le  Dieu  bon,  et  le  Saint  Esprit,  vivifiant 
et  consubstantiel,  maintenant,  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des 
siècles.  Amen. 

Vos  serviteurs,  les  ministres  en  ce  jour  :  Thigoumène,  le 
prêtre,  le  diacre,  les  clercs,  tout  le  peuple  et  mon  humilité, 
que  tous  soient  absous  de  la  bouche  de  la  Trinité  toute  sainte. 
Père,  Fils  et  Saint-Esprit;  de  la  bouche  de  TÉglise  de  Dieu,  une 
unique,  sainte,  catholique  et  apostolique;  de  la  bouche  des 
douze  apôtres,  et  du  contemplateur  de  la  Divinité,  Marc  l'Apô- 
tre, rÉvangéliste  et  le  Martyr  ;  de  la  bouche  de  saint  Athanase 
l'apostolique,  de  saint  Jean  Chrysostome,  de  saint  Cyrille,  de 
saint  Basile  et  de  saint  Grégoire,  de  la  bouche  des  318  Pères  de 
Nicée,  des  150  de  Constantinople,  des  200  d'Éphèse,  des  630  de 
Chalcédoine,  et  de  l'universalité  des  Évoques  rassemblés  dans 
tous  les  autres  Conciles  orthodoxes;  de  la  bouche  de  notre  Très- 
Saint  Père  le  Pape  N.,  de  notre  vénérable  Seigneur  le  Patriarche 
AmbaN.,  ainsi  que  de  leur  collègue  dans  le  sacré  ministère, 
notre  évêque  Amba  N.,  et  enfin  de  la  bouche  de  mon  humilité. 
Car  béni  et  glorieux  est  votre  saint  nom,  ô  Père,  Fils  et  Saint- 
Esprit,  maintenant,  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen. 


LES    TROIS    EPITRES. 

Le  Prêtre  récite  la  prière  de  l'encens,  qui  précède  la  lecture 
de  l'Épitre  de  saint  Paul  : 

0  Dieu  éternel,  sans  commencement  et  sans  fin,  grand  dans 
vos  conseils,  puissant  en  vos  actes,  qui  êtes  présent  en  tout  lieu 
et  avec  tout  être,  assistez-nous,  Seigneur,  et  soyez  au  milieu  de 
nous. 

Purifiez  nos  cœurs,  sanctifiez  nos  âmes,  délivrez-nous  de  tous 
les  péchés  que  nous  avons  commis  volontairement  ou  involon- 
tairement. 


22  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Donnez-nous  de  vous  offrir  l'oblation  raisonnable,  le  sacrifice 
de  la  bénédiction  et  l'encens  spirituel  qui  pénètre  au  delà  du 
voile  de  votre  sanctuaire,  jusqu'au  saint  des  saints. 

Le  Prêtre  fait  trois  fois  le  tour  de  l'autel,  puis  encense  suc- 
cessivement Vautel,  les  saintes  images,  les  Pères  jwésents  et 
tout  le  peuple. 

Le  Prêtre,  après  VApostolos,  c'est-à-dire  après  la  lecture 
de  la  leçon  tirée  des  Épltres  de  saint  Paul,  récite  secrètement 
la  prière  suivante  :  0  Dieu  de  toute  science,  qui  accordez  la 
sagesse  et  découvrez  ce  qu'il  y  a  dans  la  profondeur  des  ténè- 
bres, qui  donnez  la  parole  à  ceux  qui  évangélisent  avec  une 
grande  force,  vous  avez  daigné  dans  votre  bonté  appeler  Paul 
le  persécuteur  et  faire  de  lui  un  vase  d'élection.  Il  vous  a  plu  de 
l'associer  à  vos  saints  Apôtres,  pour  qu'il  prêchât  avec  eux 
l'Évangile  de  votre  royaume,  ô  Christ,  notre  Dieu  ! 

Nous  conjurons  votre  bonté,  ô  ami  du  genre  humain,  accor- 
dez-nous, ainsi  qu'à  tout  votre  peuple,  un  esprit  droit  et  une 
intelligence  pure,  afin  que  nous  puissions  connaître  et  compren- 
dre tous  les  avantages  des  enseignements  sacrés  que  l'Apôtre 
vient  de  nous  donner.  Et  comme  il  a  porté  votre  ressemblance, 
ô  maître  de  la  vie,  rendez-nous  dignes  de  l'imiter  dans  sa  foi  et 
dans  ses  œuvres,  exaltant  sans  cesse  votre  saint  nom  et  nous 
glorifiant  en  tout  temps,  de  votre  croix. 

Puis  le  Diacre  lit  le  catholicon,  c'est-à-dire  la  leçon  tirée  de 
l'une  des  Épitres  catholiques. 

Le  Prêtre,  après  cette  lecture,  dit  secrètement  :  0  Seigneur 
notre  Dieu,  qui  par  vos  saints  Apôtres  nous  avez  révélé  le 
mystère  de  votre  Évangile  qui  est  la  gloire  de  votre  Christ,  et 
qui  leur  avez  donné,  selon  les  richesses  infinies  de  votre  grâce, 
de  prêcher  à  toutes  les  nations  les  incompréhensibles  trésors 
de  votre  miséricorde,  nous  vous  supplions,  ô  notre  Roi,  ren- 
dez-nous dignes  d'avoir  part  à  leur  sort  et  à  leur  héritage.  Don- 
nez-nous de  marcher  toujours  sur  leurs  traces,  d'imiter  leurs 
combats  et  de  participer  aux  tribulations  qu'ils  ont  subies  pour 
la  justice. 

Gardez  cette  Église  que  vous  avez  fondée  par  eux,  bénissez 
les  brebis  de  votre  troupeau,  et  donnez  la  croissance  à  cette 
vigne  que  votre  droite  a  plantée.  En  Jésus-Christ  notre  Sei- 
gneur, etc. 


LA    .MKSSE    COI'TK.  23 

Le  Prêtre,  avant  la  leeture  du  Praxis,  c'est-à-dire  de  la  le- 
çon tirée  des  Actes  des  Apôtres,  dit  secrètement  la  prière  sui- 
vante, appelée  prière  de  l'encens  du  Praxis  :  0  Dieu,  qui  avez 
agréé  le  sacrifice  d'Abraham,  et  au  lieu  d'Isaac  vous  êtes  préparé 
un  agneau,  daignez  aussi  accepter  de  nos  mains  le  sacrifice  de 
cet  encens  et  envoyez-nous  en  échange  votre  miséricorde  si 
abondante.  Délivrez-nous  de  la  fétidité  du  péché  et  rendez-nous 
dignes  de  servir  devant  votre  bonté,  ô  ami  du  genre  humain, 
dans  la  pureté  et  la  justice  tous  les  jours  de  notre  vie. 

Le  Prêtre  fait  trois  fois  le  tour  de  r autel,  et  encense  succes- 
sivement l'autel,  les  saintes  images,  les  Pères  p>résents  et  tout 
le  peuple.  Pendant  la  lecture  de  la  leçon  des  Actes  des  Apô- 
tres, il  récite  debout  à  la.  porte  du  chœur,  et  en  encensant  l' as- 
sistance, la  fjrière  suivante,  appelée  la  confession  du  peuple  : 
0  Dieu,  qui  avez  reçu  la  confession  du  larron  sur  la  glorieuse 
croix,  recevez  la  confession  de  votre  peuple  et  pardonnez-lui 
tous  ses  péchés  à  cause  de  votre  saint  nom,  qui  a  été  invoqué 
sur  nous. 

Après  la  lecture  des  trois  Épitres,  le  trisagion  est  chanté 
trois  fois,  une  fois  par  les  ministres  qui  servent  à  l'autel, 
une  fois  par  les  clercs  qui  sont  au  chœur,  une  troisième 
fois  par  le  peuple  : 

0  Dieu  Saint,  ô  Saint  Fort,  ô  Saint  Immortel,  ayez  pitié  de 
nous! 

Le  Chœur.  — Gloire  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit! 

Le  Peuple.  —  Maintenant,  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des 
siècles.  Amen! 


L  EVANGILE. 

Le  Prêtre.  —  La  paix  soit  avec  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre  récite  Voraison  de  VÉvangile  :  0  Seigneur  Jésus- 
Christ,  notre  Dieu,  qui  avez  dit  aux  saints  Apôtres  :  Plusieurs 
prophètes  et  plusieurs  justes  ont  souhaité  devoir  ce  que  vous 
voyez  et  ne  l'ont  pas  vu,  et  d'entendre  ce  que  vous  entendez  et 
ne  Font  pas  entendu;  mais  vous,  heureux  sont  vos  yeux,  parce 
qu'ils  voient,  et  heureuses  sont  vos  oreilles  parce  qu'elles  enten- 


24  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

dent!  Rendez-nous  dignes  parles  prières  de  vos  saints,  d'écou- 
ter votre  Évangile  sacré  et  d'y  conformer  notre  conduite. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  le  saint  Évangile. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié! 

Le  Prêtre.  —  Sou  venez- vous,  ô  notre  Roi,  de  tous  ceux  qui 
nous  ont  recommandé  de  nous  souvenir  d'eux  dans  les  prières 
que  nous  vous  adressons.  0  Seigneur,  notre  Dieu,  donnez  le  re- 
pos aux  morts  et  la  guérison  aux  inflrmes.  Car  vous  êtes  notre 
vie,  notre  salut,  notre  espérance,  notre  guérison  et  notre  ré- 
surrection à  tous!  Nous  vous  envoyons  dans  les  hauteurs  la 
gloire,  l'honneur  et  l'adoration  avec  votre  Père  très  bon  et  l'Es- 
prit Saint  vivifiant  et  consubstantiel  avec  vous,  maintenant,  et 
toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen  ! 
.  Le  Diacre.  —  Tenez-vous  debout  avec  crainte  devant  Dieu 
pour  entendre  la  lecture  du  Saint  Évangile. 

Le  Prêtre.  —  Béni  celui  qui  vient  au  nom  du  Seigneur!...  Cha- 
pitre du  Saint  Évangile  selon  saint  N. 

Le  Peuple.  —  Gloire  à  vous,  Seigneur! 

Le  Prêtre,  ou  le  Diacre,  lit  l'Évangile,  à  la  fin  duquel  le  peu- 
ple répond  :  Gloire  à  notre  Dieu  dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen  ! 

Le  Prêtre,  après  r Évangile,  récite  cette  prière  :  0  Dieu  clé- 
ment et  riche  en  miséricorde,  Dieu  de  vérité,  recevez  nos  priè- 
res et  nos  supplications,  recevez  nos  demandes,  notre  pénitence 
et  notre  confession  sur  votre  autel,  saint,  immaculé  et  céleste. 
Rendez-nous  dignes  d'écouter  vos  saints  Évangiles  et  d'obser- 
ver vos  commandements  et  vos  préceptes,  et  de  porter  des  fruits 
abondants,  cent,  soixante  et  trente. 

Le  Prêtre  dit  ensuite  secrètement  la  prière  suivante,  dite 
prière  du  voile,  attribuée  à  saint  Jacques  r  Apôtre  :  0  Dieu, 
qui,  à  cause  de  votre  amour  pour  les  hommes,  avez  envoyé  votre 
Fils  unique  au  monde  pour  qu'il  ramenât  à  vous  la  brebis  éga- 
rée, nous  vous  prions.  Seigneur,  ne  nous  rejetez  pas  au  moment 
où  nous  offrons  ce  sacrifice  redoutable  et  non  sanglant.  Car  nous 
ne  mettons  pas  notre  confiance  en  notre  justice,  mais  en  votre 
mi,séricorde,  par  laquelle  vous  avez  vivifié  notre  race. 

Nous  supplions  votre  bonté,  ô  ami  du  genre  humain,  ne  per- 
mettez pas  qu'il  tourne  à  notre  condamnation,  ni  à  celle  de  votre 
peuple,  ce  mystère  que  vous  avez   disposé  pour  notre  salut. 


LA    MESSE    COPTE.  'lO 

mais  qu'il  procure  plutôt  la  rémission  de  nos  péchés  et  le 
pardon  de  nos  fautes,  ainsi  que  l'honneur  et  la  gloire  de  votre 
saint  nom,  ô  Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  maintenant,  et  toujours, 
et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen! 

Le  Peuple.  —  Béni  soit  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  bé- 
nie soit  la  Trinité  parfaite;  nous  l'adorons  et  nous  la  glorifions! 


LES   TROIS    ORAISONS    QUI    PRECEDENT  LE    CREDO. 

Le  Prêtre.  —  La  paix  soit  avec  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre  dit  la  première  oraison,  qui  est  celle  de  la  paix 
de  l'Église.  —  Prions  encore  le  Dieu  tout  puissant,  Père  de  no- 
tre Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur  Jésus-Christ. 

Nous  invoquons  et  nous  supplions  votre  bonté,  ù  ami  du  genre 
humain;  souvenez-vous,  Seigneur,  de  la  paix  de  votre  Église, 
une,  unique,  sainte,  catholique  et  apostolique. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  la  paix  de  l'Église  orthodoxe  de 
Dieu,  une,  unique,  sainte,  catliolique  et  apostolique. 

Le  Prêtre  continue  :  Celle  qui  s'étend  d'une  extrémité  du 
monde  à  l'autre.  Tous  les  peuples  et  tous  les  fidèles,  bénissez- 
les.  Donnez  la  paix  céleste  à  nos  cœurs,  et  même  la  paix  de  cette 
vie,  ne  nous  la  refusez  pas.  Le  roi,  les  armées,  les  princes  et  les 
ministres,  nos  voisins  et  nos  alliés,  ornez-les  de  toute  paix.  0  roi 
de  la  paix,  donnez-nous  votre  paix.  Vous,  qui  nous  avez  accordé 
toute  chose,  gagnez-nous  à  vous  ;  car  nous  ne  connaissons  per- 
sonne autre  que  vous  et  nous  ne  cessons  d'invoquer  votre  saint 
nom.  Que  nos  âmes  soient  vivifiées  par  votre  esprit,  et  ne  per- 
mettez pas  que  la  mort  du  péché  règne  sur  nous,  qui  sommes 
vos  serviteurs,  ni  sur  tout  votre  peuple. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié! 

Le  Prêtre  dit  ensuite  l'oraison  des  Pères,  cest-ù-dire,  la 
prière  pour  le  Pape,  le  Patriarche,  rÉvêque  diocésain  et  Vu- 
niversalité  de  VÉpiscopat  catholique  :  Prions  encore  le  Dieu 
tout  puissant,  Père  de  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur 
Jésus-Christ. 

Nous  invoquons  et  nous  supplions  votre  bonté,  ô  ami  du 
genre  humain.  Souvenez-vous,  Seigneur,  du  Pontife  suprême 


26  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

notre  Très-Saint  Père  le  Pape  de  Rome  Amba  N.,  et  de  notre 
bienheureux  Père  le  Patriarche  Amba  N.,  et  de  leur  collègue 
dans  le  sacré  ministère,  notre  Évêque  Amba  N. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  le  pontife  suprême  le  Pape  de  Rome 
Amba  N.,  et  pour  notre  pontife  Amba  N.,  pape  et  patriarche,  sei- 
gneur archevêque  de  la  grande  ville  d'Alexandrie  et  pour 
tous  nos  Évêques  orthodoxes. 

Le  Prêtre  continue  :  Conservez-les  durant  de  nombreuses  et 
paisibles  années  ;  qu'ils  accomplissent  selon  votre  volonté  sainte  et 
bienheureuse  le  sacré  ministère  du  Pontificat  que  vous  leur  avez 
confié;  qu'ils  jugent  par  la  parole  de  vérité  avec  droiture, 
qu'ils  paissent  votre  peuple  dans  la  pureté  et  la  justice. 

Aux  Évêques  orthodoxes,  aux  prêtres,  aux  diacres  et  à  l'uni- 
versalité de  votre  Église,  une,  unique,  sainte,  catholique  et  apos- 
tolique, daignez  accorder  la  paix  et  le  salut  en  tout  lieu. 

Les  prières  qu'ils  vous  adressent  pour  nous  et  pour  tout  votre 
peuple,  comme  celles  que  nous  vous  adressons  pour  eux,  dai- 
gnez les  recevoir  sur  votre  autel  saint,  spirituel  et  céleste,  avec 
l'odeur  de  l'encens. 

Tous  leurs  ennemis  visibles  ou  invisibles,  humiliez-les  et 
écrasez-les  promptement  sous  leurs  pieds;  et  eux-mêmes,  gar- 
dez-les dans  la  paix  et  la  justice  au  sein  de  votre  sainte  Église. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié! 

Le  Prêtre  récite  Voraison,  dite  de  l'assistance,  c  est-à-dire 
la  prière  pour  le  peuple  présent  :  Prions  encore  le  Dieu  tout 
puissant.  Père  de  Notre-Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur  Jésus- 
Christ. 

Nous  invoquons  et  nous  supplions  votre  bonté,  ôami  du  genre 
humain;  souvenez-vous.  Seigneur,  de  nos  assemblées,  bénis- 
sez-les. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  notre  réunion  dans  cette  sainte 
Église  et  pour  ceux  qui  se  sont  associés  à  nous. 

Le  Prêtre  continue  :  Donnez  à  ces  lieux  d'être  sans  trouble 
et  sans  défaut,  afin  que  nous  puissions  selon  votre  volonté 
sainte  et  bienheureuse  en  faire  des  maisons  de  prière,  des  mai- 
sons de  pureté,  des  maisons  de  bénédiction. 

Gardez-les,  Seigneur,  et  faites-en  jouir  vos  serviteurs  qui 
viendront  après  nous  jusqu'à  la  fin  des  temps. 

Levez-vous,  Seigneur,  et  que  tous  vos   ennemis   soient  dis- 


LA    -MHSSK    COI'Ti;.  Zi 

perses;  que  devant  votre  face  fuient  tous  ceux  qui  haïssent 
votre  saint  nom;  et  que  votre  peuple  parla  béncMiction  devienne 
des  milliers  de  mille  et  des  millions  de  millions,  accomplissant 
tous  votre  sainte  volonté! 

Le  Peujtlc  debout  réeUe  la  confession  orthodoxe  :  En  vérité 
nous  croyons  en  un  seul  Dieu,  le  Père  tout  puissant,  créateur 
du  ciel  et  de  la  terre,  des  choses  visibles  et  des  choses  invisi- 
bles. 

Nous  croyons  en  un  seul  Seigneur,  Jésus-Christ,  Fils  unique 
de  Dieu,  né  du  Père  avant  tous  les  siècles,  lumière  de  lumière, 
vrai  Dieu  de  vrai  Dieu,  engendré,  non  créé,  consubstantiel  au 
Père,  par  qui  tout  a  été  fait,  qui  pour  nous,  hommes,  et  pour 
notre  salut,  est  descendu  du  ciel,  a  pris  chair  de  la  Vierge  Marie 
par  l'opération  du  Saint-Esprit,  s'est  fait  liomme,  a  été  crucifié 
pour  nous  sous  Ponce-Pilate,  a  souffert,  a  été  enseveli,  est  res- 
suscité des  morts  le  troisième  jour  selon  les  Écritures,  est  monté 
aux  cieux,  est  assis  à  la  droite  du  Père  et  viendra  de  nouveau  dans 
sa  gloire  pour  juger  les  vivants  et  les  morts ,  et  dont  le  règne 
n'aura  pas  de  fin. 

Et  nous  croyons  au  Saint-Esprit,  le  Seigneur  vivifiant,  qui 
procède  du  Père  et  du  Fils,  que  nous  adorons  et  glorifions  avec 
le  Père  et  le  Fils,  qui  a  parlé  par  les  Prophètes;  et  à  l'Église 
une,  sainte,  catholique  et  apostolique. 

Nous  croyons  un  seul  baptême  pour  la  rémission  des  péchés, 
et  nous  attendons  la  résurrection  des  morts  et  la  vie  des  siècles 
à  venir.  Amen. 

Le  Prêtre  se  lave  les  mains,  en  disant  :  Vous  m'aspergerez 
avec  l'hysope  et  je  serai  purifié.  Vous  me  laverez  et  je  devien- 
drai plus  blanc  que  la  neige. 

Vous  me  ferez  entendre  des  paroles  de  joie,  et  mes  os  humi- 
liés tressailleront  d'allégresse. 

Je  laverai  mes  mains  dans  l'innocence,  et  j'entourerai  votre 
autel,  ô  mon  Dieu,  pour  entendre  la  voix  de  vos  louanges. 


LA    PRIERE    DU    BAISER    DE    PAIX. 


Le  Prêtre.  —  La  paix  soit  avec  tous. 
Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 


28  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Le  Prêtre  dit  la  prière  du  baiser  :  0  Dieu  grand  et  éternel, 
qui  avez  créé  l'iiomme  dans  Tinnocence,  et  qui,  par  rincarnation 
vivifiante  de  Votre  Fils  unique,  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et 
Sauveur  Jésus-Clirist,  avez  détruit  la  mort,  introduite  dans  le 
monde  par  l'envie  du  démon  ;  vous,  qui  avez  rempli  la  terre  de 
la  paix  céleste  pour  laquelle  les  armées  des  Anges  vous  glori- 
fient, disant  :  Gloire  à  Dieu  dans  les  hauteurs,  paix  sur  la  terre, 
et  bonne  volonté  aux  hommes  ! 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  la  paix  et  la  charité  parfaite,  et  pour 
le  saint  baiser  des  Apôtres. 

Le  Prêtre  continue  :  Par  votre  complaisance,  ô  Seigneur,  ' 
remplissez  nos  cœurs  de  votre  paix.  Purifiez-nous  de  toute  souil- 
lure, de  toute  ruse,  de  toute  dissimulation,  de  toute  malice,  et 
de  toute  pensée  mauvaise  conduisant  à  la  mort.  Rendez-nous 
dignes,  ô  notre  Roi,  de  nous  donner  mutuellement  un  saint 
baiser,  afin  que,  sans  encourir  la  condamnation,  nous  partici- 
pions à  vos  dons  immortels  et  célestes.  En  Jésus-Christ,  notre 
Seigneur. 

Le  Diacre.  —  Embrassez-vous  d'un  saint  baiser. 

Autre  oraison  pour  le  saint  baiser  :  Ils  surpassent  toute 
expression  de  la  parole  et  toute  conception  de  l'esprit,  vos  dons, 
ô  notre  roi!  Car  ce  que  vous  avez  caché  aux  sages  et  aux  pru- 
dents, vous  l'avez  révélé  à  nous,  les  petits  enfants!  Et  ce  que  les 
prophètes  et  les  rois  avaient  souhaité  de  voir  et  n'ont  pas  vu, 
vous  nous  l'avez  accordé  à  nous,  pauvres  pécheurs,  pour  que 
nous  en  soyons  les  ministres  et  que  nous  y  trouvions  la  sancti- 
fication; il  vous  a  plu  de  nous  accorder  les  bienfaits  de  l'incar- 
nation de  Votre  Fils  unique,  et  de  réaliser  pour  nous  le  mystère 
de  ce  grand  sacrifice,  que, n'entoure  point  le  sang  de  la  loi  ou  la 
justice  de  la  chair,  mais  où  se  trouvent  l'agneau  spirituel  et  le 
glaive  mystique  et  incorporel.  Au  moment  où  nous  offrons  cette 
oblation  sainte  à  votre  majesté,  nous  conjurons  votre  bonté,  ô 
ami  du  genre  humain,  purifiez  nos  lèvres,  dissipez  de  notre 
esprit  tout  fantôme  et  toute  illusion  ;  par  la  grâce  céleste  de 
votre  Esprit,  rendez-nous  dignes  de  nous  donner  mutuelle- 
ment un  saint  baiser,  afin  que,  sans  encourir  la  condamnation, 
nous  puissions  participer  à  vos  mystères  immortels  et  célestes. 
En  Jésus-Christ,  notre  Seigneur. 

Le  Chœur.  — -  Venez  à  nous,  aujourd'hui,  ô  Christ,  notre  Roi, 


LA    .MESSE    COPTE.  29 

et  illuminez-nous  de  votre  sublime  divinité.  Envoyez  sur  nous 
la  grande  grâce  de  votre  Saint  Esprit  Paraclet. 


LA    GRANDE    ACTION. 

Le  Diacre.  —  Approchez-vous,  approchez-vous,  approchez- 
vous  selon  Tordre;  tenez-vous  debout  avec  tremblement;  regar- 
dez vers  rOrient,  dites  :  Miséricorde,  paix  et  sacrifice  de 
louange. 

Le  Peuple.  —  Miséricorde,  paix  et  sacrifice  de  louange. 

Le  Prêtre  signe  le  peuple  :  Le  Seigneur  soit  avec  vous  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre  signe  les  clercs  :  En  haut  vos  cœurs. 

Le  Peuple.  —  Nous  les  avons  auprès  du  Seigneur. 

Le  Prêtre  se  signe  lui-même  :  Rendons  grâces  au  Seigneur. 

Le  Peuple.  —  Il  est  juste  et  digne. 

Le  Prêtre.  —  Il  est  juste  et  digne;  il  est  juste  et  digne,  en  vé- 
rité il  est  juste  et  digne  de  vous  louer  et  devons  bénir,  Vous  qui 
êtes  le  Seigneur  Dieu  de  vérité,  dont  l'éternité  précède  tous  les 
siècles  et  dont  le  règne  est  immortel  ;  qui  habitez  dans  les  hau- 
teurs et  daignez  abaisser  vos  regards  sur  notre  bassesse  ;  créa- 
teur du  ciel  et  de  la  terre,  de  la  mer  et  de  tout  ce  qu'ils  renfer- 
ment; Père  de  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur  Jésus- 
Christ,  par  qui  vous  avez  créé  toutes  choses,  ce  qui  est  visible 
et  ce  qui  est  invisible,  qui  êtes  assis  sur  le  trône  de  votre  gloire 
et  recevez  les  adorations  de  toutes  les  Puissances  célestes. 

Le  Diacre.  —  Que  ceux  qui  sont  assis  se  lèvent. 

Le  Prêtre  continue  :  Vous,  devant  qui  se  tiennent  les  Anges, 
les  Archanges,  les  Principautés,  les  Dominations,  les  Trônes, 
les  Vertus. 

Le  Diacre.  —  Regardez  vers  l'Orient. 

Le  Prêtre  continue  :  Vous,  devant  qui  se  tiennent  les  Chérubins 
pleins  d'yeux  et  les  Séraphins  aux  six  ailes,  chantant  sans  cesse 
et  sans  interruption. 

Le  Diacre.  —  Venez  à  cette  table,  bénissons  Dieu  avec  les 
chœurs  célestes. 

Le  Chœur.  —  Chantons  avec  les  Anges  et  les  chœurs  célestes 
les  louanges  de  celui  qui  est  Père,  Fils  et  Saint-Esprit. 


30  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Le  Peuple.  —  Le  ciel  se  réjouit  et  la  terre  tressaille  d'allé- 
gresse ;  les  Chérubins,  étendant  leurs  ailes,  s'écrient  trois  fois 
en  l'honneur  de  la  Trinité... 

Tous  ensemble.  —  Saint,  saint,  saint  est  le  Dieu  des  armées! 
Le  ciel  et  la  terre  sont  pleins  de  sa  sainte  gloire. 

Le  Prêtre.  —  Saint,  saint,  saint  est  en  vérité  le  Seigneur 
notre  Dieu,  qui  nous  a  créés  et  nous  a  placés  dans  le  jardin  de 
délices  !  Quand  nous  avons  transgressé  votre  loi  par  la  sugges- 
tion du  serpent,  nous  avons  été  déchus  de  la  vie  éternelle,  et 
nous  avons  été  exilés  du  paradis  de  la  joie.  Cependant  vous  ne 
nous  avez  pas  rejetés  entièrement,  mais  vous  nous  avez  aussi- 
tôt visités  par  vos  saints  Prophètes  ;  et  dans  la  plénitude  des 
temps,  vous  êtes  apparu  ànous,  qui  étions  assis  dans  les  ténèbres 
et  à  l'ombre  de  la  mort,  par  votre  Fils  unique,  notre  Seigneur, 
notre  Dieu  et  Sauveur,  Jésus-Christ,  qui  est  né  de  la  Vierge 
Marie  par  l'opération  du  Saint-Esprit. 

Le  Peuple.  —  Amen. 

Le  Prêtre  continue  :  Il  s'est  incarné  et  s'est  fait  homme;  il 
nous  a  enseigné  le  chemin  du  salut;  il  nous  a  accordé  la 
grâce  de  la  naissance  céleste  par  l'eau  et  l'esprit;  il  nous  a 
réunis  en  un  peuple  choisi,  nous  purifiant  par  votre  Esprit- 
Saint.  Lui,  qui  a  aimé  les  siens  qui  étaient  en  ce  monde,  a 
donné  sa  vie  pour  nous  délivrer  de  la  mort  qui  régnait  sur  nous 
à  cause  de  nos  péchés;  il  est  descendu  aux  enfers  par  la  puis- 
sance de  sa  croix. 

Le  Peuple.  —  Amen,  je  crois. 

Le  T^rêtre.  —  Il  est  ressuscité  des  morts  le  troisième  jour,  il 
est  monté  aux  cieux,  il  s'est  assis  à  votre  droite,  ô  Père;  il  a  fixé 
le  jour  de  la  rétribution,  où  il  viendra  juger  le  monde  dans  la 
justice  et  rendre  à  chacun  selon  ses  œuvres. 

Le  Peuple.  —  Selon  votre  miséricorde,  Seigneur,  et  non 
selon  nos  iniquités. 

Le  Prêtre  encense  ses  mains,  quil  pose  ensuite  sur  les 
dons  sacrés  :  Et  il  nous  a  laissé  ce  grand  mystère  de  la  piété  : 
car  ayant  résolu  de  se  livrer  à  la  mort  pour  la  vie  du  monde. 
Il  prit  du  pain  en  ses  mains  saintes,  pures,  bienheureuses  et 
vivifiantes. 

Le  Peuple.  —  Nous  croyons  que  c'est  la  vérité.  Amen  ! 

Le  Prêtre  levant  les  yeux  au  ciel  :  Il  leva  ses  yeux  au  ciel 


LA    MESSE    COPTE.  31 

vers  vous,  son  Père  et  le  Seigneur  de  toutes  choses.  Il  rendit 
grâces  f . 

Le  Peuple.  —  Amen. 

Le  PnHre.  —  Il  le  bénit  f. 

Le  Peuple.  — Amen. 

Le  Prêtre.  —  Il  le  sanctifia  •;. 

Le  Peuple.  —  Amen,  amen,  amen,  nous  croyons,  nous  con- 
fessons, nous  glorifions. 

Le  Prêtre  fend  légèrement  l" hostie  :  Il  le  rompit  et  le  donna 
à  ses  apôtres  bien-aimés,  en  leur  disant  :  Prenez  et  mangez-en 
tous.  Ceci  est  mon  Corps,  qui  sera  rompu  pour  vous  et  livré  pour 
plusieurs  en  rémission  des  péchés.  Faites  ceci  en  mémoire  de 
moi.  {Il  adore  le  saint  corps). 

Le  Peuple.  —  Nous  croyons  que  c'est  la  vérité.  Amen. 

Le  Prêtre.  —  De  même  après  le  souper,  il  prit  le  calice  et  y 
versa  du  vin  et  de  Teau.  Il  rendit  grâces  f. 

Le  Peuple.  —  Amen. 

Le  Prêtre.  —  Il  le  bénit  f . 

Le  Peuple.  —  Amen. 

Le  Prêtre.  —  Il  le  sanctifia  f . 

Le  Peuple.  —  Amen,  amen,  amen,  nous  croyons,  nous  con- 
fessons, nous  glorifions. 

Le  Prêtre.  —  Il  le  goûta  et  le  donna  à  ses  apôtres  bien- 
aimés,  en  leur  disant  :  Prenez  et  buvez-en  tous;  ceci  est  mon 
sang,  le  sang  du  nouveau  Testament,  qui  sera  répandu  pour 
vous  et  livré  pour  plusieurs  en  rémission  des  péchés.  Faites  ceci 
en  mémoire  de  moi.  {Il  adore  le  précieux  sang). 

Le  Peuple.  —  Amen,  nous  croyons    que   c'est    la   vérité. 


amen 


Le  Prêtre  désignant  le  corps  et  le  calice  :  Toutes  les  fois 
que  vous  mangerez  de  ce  pain  ou  que  vous  boirez  de  ce  calice, 
vous  annoncerez  ma  mort,  vous  confesserez  ma  résurrection  et 
vous  ferez  mémoire  de  moi  jusqu'à  ce  que  je  vienne. 

Le  Peuple.  —  Amen,  amen,  amen.  Nous  annonçons,  ô  Sei- 
gneur, votre  mort,  nous  confessons  votre  résurrection  et  votre 
sainte  ascension;  nous  vous  louons,  nous  vous  bénissons,  nous 
vous  rendons  des  actions  de  grâces,  nous  vous  adressons  des 
supplications,  ô  notre  Dieu! 

Le  Prêtre.  —  Nous  aussi,  nous  faisons  mémoire  de  sa  sainte 


32  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

passion,  de  sa  résurrection  d'entre  les  morts,  de  son  ascension 
au  ciel,  de  sa  session  à  votre  droite,  ô  Père,  de  son  second  avè- 
nement redoutable  et  glorieux,  et  nous  vous  offrons  des  oblations 
de  vos  propres  dons  et  de  ce  qui  est  à  vous,  selon  toute  chose, 
pour  toute  chose  et  en  toute  chose. 

Le  Peuple.  —  Adorez  Dieu  avec  crainte  et  tremblement! 

Le  Prêtre  prosterné  depuis  la  consécration,  s'écrie  :  Nous 
vous  louons,  nous  vous  bénissons,  nous  vous  servons,  nous  vous 
adorons. 

Le  Prêtre.  —  Nous  vous  supplions,  ô  Christ  notre  Dieu,  nous, 
pauvres  pécheurs  et  vos  indignes  serviteurs;  nous  vous  ado- 
rons, conjurant  votre  bonté  pleine  de  complaisance,  afin  que 
votre  Esprit-Saint  descende  sur  nous  et  sur  ces  dons,  les  puri- 
fie et  les  révèle  le  Saint  des  Saints  ! 

Le  Diacre.  —  Soyez  attentifs. 

Le  Prêtre  continue,  signant  le  corps  trois  fois  :  Que  ce  pain 
devienne  le  corps  saint  f . 

Le  Diacre.  —  Amen. 

Le  Prêtre  continue  :  De  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sau- 
veur Jésus-Christ  f  »  qui  est  donné  comme  rémission  des  péchés 
et  vie  éternelle  à  ceux  qui  y  participent  f. 

Le  Diacre.  —  Amen,  je  crois. 

Le  Prêtre  signe  le  calice  trois  fois  :  Et  ce  calice,  qu'il  le 
fasse  le  sang  précieux  f- 

Le  Diacre.  —  Amen. 

Le  Prêtre.  —  De  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur, 
Jésus-Christ  f,  qui  est  donné  comme  rémission  des  péchés  et  vie 
éternelle  à  ceux  qui  y  participent  f. 

Le  Diacre.  —  Amen,  je  crois. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié!  Seigneur,  ayez  pitié! 
Seigneur,  ayez  pitié  ! 

Le  Prêtre.  —  Rendez-nous  dignes,  ô  notre  Roi,  de  trouver 
dans  vos  saints  mystères  la  pureté  de  nos  âmes,  de  nos  corps 
et  de  nos  esprits,  afin  que  nous  devenions  avec  vous  un  même 
corps  et  un  même  esprit,  et  que  nous  puissions  avoir  part  à 
l'héritage  des  saints,  qui  vous  ont  plu  dès  l'origine. 


LA    MESSE    COI'TE.  33 


MEMENTO    DES   VIVANTS. 


Le  Prêtre.  —  Souvenez-vous,  Seigneur,  de  votre  Église  une, 
unique,  sainte,  catholique  et  apostolique,  que  vous  avez  rache- 
tée par  le  sang  précieux  de  votre  Christ;  gardez-la  dans  la 
paix,  avec  tous  les  Évèques  orthodoxes  qui  sont  dans  son  sein. 
En  premier  lieu,  souvenez-vous,  Seigneur,  du  Pontife  suprême, 
notre  très-saint  Père  le  Pape  de  Rome  Amba  N.,  de  notre  bien- 
heureux Père  le  Patriarche  d'Alexandrie  Amba  N.,  et  de  leur 
collègue  dans  le  sacré  ministère  notre  Évoque  Amba  N.,  comme 
aussi  de  tous  ceux  qui  avec  eux  prêchent  la  parole  de  vérité 
avec  droiture  ;  conservez-les  à  votre  Église,  et  donnez-leur  de 
paître  votre  troupeau  dans  la  paix. 

Souvenez-vous,  Seigneur,  des  higoumènes,  des  prêtres  or- 
thodoxes et  des  diacres,  de  tous  les  ministres  de  l'autel,  de 
tous  ceux  qui  vous  ont  voué  leur  virginité  et  de  toute  la  pureté 
de  votre  peuple.  Souvenez-vous  de  nous  tous.  Seigneur,  et  ayez 
pitié  de  nous  tous  ensemble. 

Le  Peuple.  —  Ayez  pitié  de  nous,  ô  Dieu,  ô  Père,  ô  Tout- 
Puissant! 

Le  Prêtre.  —  Souvenez-vous,  Seigneur,  du  salut  de  ce  saint 
lieu  et  de  toutes  les  demeures  de  nos  Pères  orthodoxes,  et  de 
tous  ceux  qui  y  habitent  avec  la  foi  de  Dieu. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  le  salut  du  monde  entier,  pour  le 
salut  de  cette  ville,  de  toutes  les  cités,  de  tous  les  pays  et  de 
tous  les  monastères. 

Le  Prêtre  dit  e^isuite  la  prière  des  trois  saisons.  Durant  la 
saison  des  semailles,  il  dit  :  Daignez,  Seigneur,  bénir  les  se- 
mences, les  plantes  et  les  productions  des  champs  en  cette 
année. 

Durant  la  saison  des  fruits,  il  dit  :  Daignez,  Seigneur,  bénir 
la  température  du  ciel  et  les  fruits  de  la  terre  en  cette  année. 

Durant  la  saison  des  eaux,  il  dit  :  Daignez,  Seigneur, 
bénir  les  eaux  du  fleuve  en  cette  année. 

Puis,  il  continue  :  Par  votre  grâce,  faites-les  parvenir  à  la 
hauteur  convenable.  Réjouissez  la  face  de  la  terre,  que  ses 
champs  soient  arrosés  et  sesproductions  multipliées; préparez-la 

ORIENT   CHRÉTIEN.  3 


34  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

aux  semailles  et  à  la  moisson,  et  gouvernez  notre  vie  ainsi 
qu'il  convient.  Dans  votre  bonté  bénissez  les  prémices  de  l'an- 
née en  faveur  des  pauvres  de  votre  peuple,  de  la  veuve,  de 
l'orphelin,  du  voyageur  et  de  l'hôte,  aussi  de  nous  tous,  qui 
mettons  en  vous  notre  confiance  et  invoquons  votre  saint  nom. 
Car  les  yeux  de  tous  les  êtres  sont  fixés  sur  vous,  et  c'est  vous 
qui  leur  donnez  leur  nourriture  en  temps  opportun.  Traitez- 
nous  selon  votre  bonté,  ô  vous,  qui  nourrissez  toute  chair;  rem- 
plissez nos  cœurs  de  joie  et  d'allégresse,  afin  que,  pourvus  du 
nécessaire  en  toutes  choses  et  en  tout  temps,  nous  abondions  en 
toute  œuvre  sainte. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié. 

Le  Prêtre.  —  Souvenez-vous,  Seigneur,  de  ceux  qui  vous 
ont  offert  ces  dons  et  de  ceux  à  l'intention  desquels  il  les  ont 
offerts  ;  donnez-leur  à  tous  la  récompense  du  ciel. 

Le  Diacre.  —  Priez  pour  ces  dons  saints  et  précieux,  pour 
nos  sacrifices  et  ceux  qui  les  ont  offerts. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié! 


MEMENTO    DES     SAINTS    ET    DES    MORTS. 


Le  Prêtre.  —  Et  maintenant,  Seigneur,  nous  nous  confor- 
mons à  l'ordre  que  votre  Fils  unique  nous  a  donné  de  participer 
à  la  mémoire  de  vos  Saints.  Souvenez-vous  de  tous  les  saints 
qui  vous  ont  plu  dès  l'origine  :  de  nos  Pères  les  patriarches, 
les  prophètes,  les  apôtres,  les  évangélistes ,  les  martyrs,  les 
confesseurs  et  de  tous  les  justes  qui  ont  été  consommés  dans 
la  foi,  principalement  de  celle  qui  est  pleine  de  grâce  et  vierge 
en  tout  temps,  la  Bienheureuse  Marie,  mère  de  Dieu;  de  saint 
Jean-Baptiste  le  précurseur  et  le  martyr,  de  saint  Etienne  pro- 
todiacre et  protomartyr,  de  saint  Marc,  contemplateur  de  Dieu, 
évangéliste,  apôtre  et  martyr,  de  notre  patriarche  Athanase 
l'apostolique,  de  saint  Cyrille,  de  saint  Jean  Chrysostome,  de 
saint  Basile,  de  saint  Grégoire ,  du  grand  saint  Antoine,  de  saint 
Paul,  des  deux  Macaires,  du  saint  dont  nous  faisons  mémoire 
spéciale  en  ce  jour,  et  de  tout  le  chœur  des  Saints. 

Par  leurs  prières  et  leurs  supplications,  ayez  pitié  de  nous  et 


LA    MESSE    COPTE.  35 

daignez  nous  sauver  à  cause  de  votre  saint  nom  qui  a  été  invo- 
qué sur  nous. 

Le  Diacre.  —  Que  les  lecteurs  récitent  les  noms  de  nos  pa- 
triarches qui  se  sont  endormis;  que  le  Seigneur  accorde  le  re- 
pos à  leurs  âmes  et  nous  pardonne  nos  péchés.  {Le  lecteur  récite 
alors  les  diptyques). 

Le  Prêtre  dit  le  mémento  des  morts  :  Souvenez-vous  encore, 
Seigneur,  de  tous  ceux  qui  se  sont  endormis,  dans  les  ordres 
du  sacerdoce  ou  dans  le  degré  des  laïques.  Daignez  donner  le 
repos  à  toutes  leurs  âmes  dans  le  sein  de  nos  Pères  Abraham, 
Isaac  et  Jacob.  Faites-les  monter  aux  lieux  verdoyants,  sur  les 
eaux  de  quiétude  dans  le  paradis  de  la  joie,  demeure  d'où  sont 
éloignés  toute  angoisse  du  cœur,  toute  tristesse  et  tout  gémis- 
sement, dans  la  lumière  de  vos  saints. 

Le  Prêtre  dit  ensuite  l'oraison,  appelée  delà  bénédiction.  En 
récitant  cette  prière,  il  aura  la  main  gauche  tendue  vers  le 
Saint  Corps,  et  la  main  droite  levée  sur  le  peuple  pour  le 
bénir  :  Que  le  Seigneur  ait  pitié  de  nous,  nous  bénisse,  révèle 
sa  face  sur  nous  et  nous  couvre  de  sa  miséricorde.  0  Dieu,  sau- 
vez votre  peuple,  bénissez  votre  héritage,  paissez  votre  trou- 
peau et  exaltez-le  éternellement!  Exaltez  la  puissance  du  nom 
chrétien  par  la  vertu  vivifiante  de  la  croix,  ainsi  que  par  les 
prières  que  ne  cessent  de  vous  adresser  pour  nous  Notre-Dame 
et  Reine,  la  mère  de  Dieu,  la  Vierge  Marie,  les  trois  grands 
Esprits  lumineux,  Michel,  Gabriel  et  Raphaël,  les  quatre  ani- 
maux incorporels,  les  vingt-quatre  anciens,  tous  les  chœurs  des 
anges  et  toutes  les  phalanges  célestes;  par  les  supplications  des 
patriarches,  des  prophètes,  des  apôtres,  des  martyrs,  de  ceux 
qui  ont  porté  la  livrée  de  la  croix,  de  tous  les  saints  et  de  toutes 
les  vierges;  par  la  bénédiction  du  Saint  de  ce  jour,  de  Tange  de 
ce  saint  sacrifice,  de  la  mère  de  Dieu,  la  Vierge  Marie,  au  com- 
mencement et  à  la  fin.  Que  cette  bénédiction  sainte ,  la  puis- 
sance, la  grâce  et  l'aide  de  ces  saints  soient  toujours  avec  nous. 
Amen  ! 

Le  Peuple.  — Gloire  à  vous,  Seigneur!  Seigneur,  ayez  pitié! 
Seigneur,  bénissez!  Seigneur,  donnez  le  repos!  Amen. 

Le  Prêtre.  —  A  ceux  dont  vous  avez  rappelé  â  vous  les  âmes. 
Seigneur,  donnez  le  repos  dans  le  paradis  de  la  joie,  dans 
l'éternelle  région  des  vivants,  dans  la  Jérusalem  céleste,  dans  la 


36  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

cité  bienheureuse.  Et  nous,  voyageurs  en  ce  bas  monde,  gardez- 
nous  dans  votre  foi,  accordez-nous  votre  paix  jusqu'à  la  fin  et 
conduisez-nous  à  votre  royaume. 

Le  Peuple  .  —  Amen. 

Le  Prêtre  continuant  :  Afin  qu'en  cela  aussi,  comme  en 
toute  chose,  soit  glorifié,  béni  et  exalté  votre  grand  et  saint 
nom,  lequel  est  honoré  et  béni  en  toute  chose  avec  Jésus-Christ, 
votre  Fils  unique  et  le  Saint  Esprit  ! 

Le  Peuple.  —  Maintenant,  comme  au  commencement,  et 
dans  les  siècles  des  siècles.  Amen! 


LES    PRIERES    DE    LA  FRACTION. 

Le  Prêtre.  —  La  paix  soit  avec  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre  dit  la  préface  de  la  fraction  :  Rendons  grâces  au 
Dieu  tout-puissant.  Père  de  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sau- 
veur Jésus-Christ,  de  ce  qu'il  nous  a  rendus  dignes  de  nous 
tenir  debout  en  ce  saint  lieu,  de  lever  nos  mains  vers  le  ciel  et 
de  servir  son  saint  nom.  Supplions-le  encore,  lui  qui  est  le 
tout-puissant,  le  Seigneur,  notre  Dieu,  de  nous  rendre  dignes 
de  la  participation  et  de  la  communion  à  ses  mystères  divins  et 
immortels  {il  tient  riiostie  à  la  main)  qui  sont  le  corps  sacré, 
{il  élève  l'hostie  au-dessus  du  calice)  et  le  sang  précieux  de 
son  Christ.  (//  fléchit  les  genoux.) 

Le  Peuple,  s' agenouillant  :  Nous  adorons  votre  corps  sacré 
et  votre  sang  précieux  ;  Seigneur,  ayez  pitié  ! 

Le  Prêtre  dit  ensuite  la  prière  de  la  fraction  :  0  Seigneur, 
Dieu  grand  et  éternel,  dont  la  gloire  est  admirable;  vous,  qui 
gardez  fidèlement  votre  alliance  et  vos  promesses  envers  ceux 
qui  vous  aiment  de  tout  leur  cœur;  vous,  qui  nous  avez  délivré 
de  nos  péchés  par  votre  Fils  unique,  Jésus-Christ ,  Notre-Sei- 
gneur,  la  vie  de  tout  être;  vous,  l'appui  de  ceux  qui  recourent  à 
vous,  et  l'espérance  de  ceux  qui  crient  vers  vous;  vous,  devant 
qui  se  tiennent  des  milliers  de  mille  et  des  millions  de  millions 
d'anges,  d'archanges,  de  chérubins  et  de  séraphins,  et  la  mul- 
titude incalculable  des  Vertus  célestes;  vous,  qui  avez  sanctifié 
ces  dons  par  la  descente  de  votre  Saint-Esprit  sur  eux;  purifiez- 


LA    MESSE    COPTE.  37 

nous,  ô  Seigneur,  de  nos  fautes  secrètes  et  de  nos  péchés  appa- 
rents; que  toute  pensée  contraire  à  votre  bonté,  ô  ami  du  genre 
humain,  s'éloigne  de  nous;  purifiez  nos  âmes,  nos  corps  et  nos 
esprits,  afin  que,  ave(-  un  cœur  pur,  une  âme  illuminée,  un  vi- 
sage sans  confusion,  une  foi  sincère,  une  cliarité  parfaite,  et  une 
espérance  inébranlable,  nous  osions  avec  confiance  et  sans 
crainte  nous  adresser  à  vous,  Père  saint,  quiètes  au  ciel,  et  vous 
dire  :  Notre  Père!  {Le  peuple  récite  le  PcUer.) 

Autre  prière  de  la  fraction,  dite  de  saint  Marc  :  Comme 
vous  nous  avez  donné  la  grâce  de  la  filiation  par  le  bain  de  la 
régénération  et  par  la  rénovation  de  TEsprit-Saint,  maintenant 
rendez-nous  dignes  de  vous  invoquer,  ô  Père,  sans  feinte,  avec 
un  cœur  pur,  une  intention  sincère  et  des  lèvres  enflammées,  afin 
que,  laissant  de  côté  la  vaine  loquacité  des  nations  et  l'orgueil 
des  Juifs,  nous  puissions  vous  adresser  nos  supplications  con- 
formément à  la  loi  salutaire  de  votre  Fils  unique,  avec  une  voix 
humble,  comme  il  convient  à  des  chrétiens  et  avec  la  pureté  de 
l'àme,  du  corps  et  de  l'esprit;  afin  que  nous  osions  sans  crainte 
crier  vers  vous,  ô  Dieu  incréé,  sans  principe  et  sans  naissance, 
Seigneur  de  tout  être.  Père  saint  qui  êtes  aux  cieux,  et  dire  : 
Notre  Père!  etc. 

Autre  prière  de  la  fraction,  dite  encore  de  saint  Marc  :  0 
Dieu,  père  de  la  lumière,  prince  de  la  vie  et  source  de  la  con- 
naissance, auteur  de  la  grâce,  bienfaiteur  de  iios  âmes,  trésor  de 
la  sagesse,  maître  de  la  pureté,  qui  daignez  agréer  les  prières 
saintes;  qui  accordez  à  ceux  qui  mettent  en  vous  leur  confiance 
les  biens  que  les  Anges  souhaitent  de  voir;  qui  nous  avez  tiré 
de  l'abîme  et  élevés  à  la  lumière;  qui  nous  avez  rappelés  de  la 
mort  à  la  vie  et  de  l'esclavage  à  la  liberté;  qui  avez  converti  les 
ténèbres  de  nos  erreurs  en  clarté  par  l'incarnation  de  votre  Fils 
unique,  illuminez.  Seigneur,  les  yeux  de  nos  cœurs,  donnez- 
nous  la  perfection  de  la  pureté  dans  nos  âmes,  dans  nos  corps 
et  dans  nos  esprits,  afin  que,  avec  un  cœur  pur  et  des  lèvres 
sans  tache  nous  osions  nous  adresser  à  vous,  ô  Père  saint,  qui 
êtes  au  ciel,  et  vous  dire  :  Notre  Père,  etc.. 

Autre  prière  de  la  fraction  :  Voici  qu'il  est  présent  avec 
nous  aujourd'hui  sur  cet  autel,  Emmanuel,  notre  Dieu,  l'A- 
gneau divin,  qui  porte  les  péchés  du  monde  entier!  Devant 
lui,   quand  sa  voix  se  fait  entendre  au-dessus  de  son   trône, 


38  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

se  tiennent  tous  les  chœurs  célestes,  les  Anges  chantent 
les  hymnes  de  bénédiction,  et  les  archanges  se  prosternent, 
adorant  son  nom  grand  et  invisible;  les  quatre  animaux 
incorporels  entonnent  avec  transport  le  trisagion,  les  vingt- 
quatre  anciens  se  lèvent  de  leurs  trônes,  ayant  sur  leurs  têtes 
vingt-quatre  couronnes  d'or  et  en  leurs  mains  vingt-quatre 
encensoirs  d'or,  remplis  des  prières  des  saints,  qu'ils  offrent  en 
sacrifice  à  celui  qui  vit  éternellement;  les  enfants  vierges  et  im- 
maculés, qui  ont  lavé  leurs  robes  dans  le  sang  de  l'agneau,  au 
nombre  de  cent  quarante-quatre  mille,  bénissent  le  Seigneur, 
disant  :  Saint,  Saint,  Saint!  Amen!  Alléluia! 

Saint  est  Dieu,  le  Père  tout-puissant!  Amen!  Alléluia! 

Saint  est  son  Fils  unique,  Jésus-Christ,  Notre-Seigneur ! 
Amen!  Alléluia! 

Saint  est  l'Esprit-SaintParaclet!  Amen!  Alléluia! 

Sainte  et  pleine  de  bénédiction  est  la  iMère  de  Dieu,  Marie,  la 
Vierge  sainte!  Amen!  Alléluia! 

Saint  et  plein  de  bénédiction  est  ce  sacrifice,  qui  a  été  offert 
pour  la  vie  du  monde  entier.  Amen!  Alléluia! 

Pour  cela,  notre  bon  Sauveur  s'est  écrié  disant  :  Ma  chair  est 
une  vraie  nourriture,  et  mon  sang  est  un  vrai  breuvage;  celui 
qui  mange  ma  chair  et  boit  mon  sang,  habitera  en  moi,  et 
j'habiterai  en  lui. 

Faites,  Seigneur,  qu'avec  un  cœur  pur  et  des  lèvres  sans  ta- 
che, avec  une  âme  illuminée  et  un  visage  sans  confusion,  avec 
une  foi  sincère,  une  charité  parfaite  et  une  espérance  inébranla- 
ble, nous  osions  avec  confiance  et  sans  crainte  nous  adresser  à 
vous,  ô  Père  Saint,  qui  êtes  aux  cieux,  et  vous  dire  :  Notre 
Père,  etc.. 

Autre  oraison  pour  la  fraction  :  0  Seigneur  Dieu,  auteur  de 
la  lumière  éternelle,  qui  nous  couronnez  de  votre  foi  et  nous  don- 
nez avant  même  que  nous  vous  demandions,  accordez-nous  d'o- 
pérer des  fruits  dignes  de  vous  et  rendez-nous  capables  de  nous 
adresser  à  vous,  ô  Père  Saint,  qui  êtes  au  ciel,  et  de  vous  dire  : 
Notre  Père,  etc.. 

Le  Prêtre  dit  les  prières  après  le  Pater  :  Oui,  nous  vous 
conjurons,  ô  Père  saint  et  bon,  qui  aimez  la  bonté,  ne  nous  in- 
duisez pas  en  tentation  et  que  l'iniquité  ne  puisse  point  régner 
sur  nous.  Délivrez-nous  des  œuvres  inutiles,  détournez-en  nos 


LA    MKSSK    COI'TK.  39 

pensées  et  nos  sens;  chassez  le  tentateur  loin  de  nous  et  qu'il  ne 
puisse  nous  nuire;  refrénez  les  mouvements  qu'il  cherche  à 
exciter  en  nous;  bannissez  loin  de  nous  toutes  les  occasions  qui 
mènent  au  péché,  et  délivrez-nous  par  votre  force  sacrée.  Par 
Jésus-Christ,  Notre-Seigneur. 

Le  Diacre.  —  Inclinez  vos  têtes  devant  le  Seigneur. 

Le  Peuple.  —  Devant  vous,  Seigneur. 

Le  Prêtre  récite  ensuite  roraison  suivante,  dite  de  saint 
Marc  :  Les  grâces  de  la  bienfaisance  de  votre  Fils  unique, 
notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur,  Jésus-Christ  ont  sura- 
bondé! Nous  avons  confessé  sa  passion  salutaire,  nous  avons 
annoncé  sa  mort,  et  nous  avons  cru  à  sa  résurrection.  Ce  mystère 
est  accompli!  Nous  vous  remercions,  ô  Seigneur  Dieu  tout- 
puissant,  de  ce  que  votre  miséricorde  a  été  grande  sur  nous,  et 
de  ce  que  vous  avez  préparé  pour  nous  ce  que  les  Anges  souhai- 
tent de  contempler. 

Nous  supplions  et  nous  conjurons  votre  bonté,  ô  ami  du  genre 
humain,  purifiez-nous  tous,  unissez-nous  à  vous  par  notre 
participation  à  vos  mystères  divins;  faites  que  nous  soyons 
remplis  de  votre  Saint-Esprit  et  inébranlables  dans  la  foi  véri- 
table; que  soit  ardent  en  notre  âme  l'amour  de  votre  charité 
parfaite,  et  que  nous  publiions  votre  louange  en  tout  temps. 
Par  Jésus-Christ,  Notre-Seigneur. 

Le  Diacre.  —  Soyez  attentifs  devant  Dieu  avec  crainte. 

Le  Prêtre.  —  La  paix  soit  avec  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  I^rétre  récite  la  prière,  dite  l'absolution  du  Père  :  0  Sei- 
gneur, Dieu  tout-puissant,  médecin  de  nos  âmes,  de  nos  corps 
et  de  nos  esprits;  'Vous,  qui  avez  dit  à  Pierre,  notre  père,  par  la 
bouche  de  votre  Fils  unique,  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et 
Sauveur  Jésus-Christ  :  «  Tu  es  Pierre,  et  sur  cette  pierre  je  bâti- 
rai mon  Église,  et  les  portes  de  l'enfer  ne  prévaudront  pas  con- 
tre elle.  Et  je  te  donnerai  les  clefs  du  royaume  des  cieux,  et 
tout  ce  que  tu  lieras  sur  la  terre  sera  lié  dans  les  cieux,  et  tout  ce 
que  tu  délieras  sur  la  terre  sera  délié  dans  les  cieux!  ».  Que  vos 
serviteurs,  mes  pères  et  mes  frères,  ainsi  que  mon  humilité, 
nous  soyons  tous  absous,  par  votre  Esprit-Saint,  ô  Seigneur 
miséricordieux  et  ami  du  genre  humain.  0  Dieu,  qui  effacez 
les  péchés  du  monde,  daignez  agréer  le  repentir  de  vos  servi- 


40  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

teurs;  qu'il  soit  la  lumière  de  leur  intelligence  et  la  rémission 
de  leurs  péchés;  car  vous  êtes  un  Dieu  miséricordieux,  plein 
de  clémence  et  de  bonté  !  Tout  ce  que  nous  avons  commis  contre 
vous  par  parole  ou  par  action,  daignez-nous  le  pardonner,  ô 
ami  du  genre  humain. 

Absolvez-nous,  et  absolvez  tout  votre  peuple  de  tout  péché,  de 
toute  malédiction,  de  toute  apostasie,  de  tout  parjure,  de  toute 
communion  avec  les  hérétiques  et  les  gentils.  Accordez-nous,  ô 
notre  Roi,  l'intelligence  du  cœur  et  la  force  de  la  volonté,  afin  que 
nous  évitions  entièrement  toutes  les  œuvres  de  l'Ennemi  ;  don- 
nez-nous de  faire  votre  volonté  en  tout  temps,  inscrivez  nos 
noms  parmi  ceux  de  vos  saints  dans  votre  royaume  céleste. 
Par  Jésus-Christ,  Notre-Seigneur. 

Le  Peuple.  —  Seigneur,  ayez  pitié!  Seigneur,  ayez  pitié!  Sei- 
gneur, ayez  pitié! 


PRIERES   AVANT    LA    COMAIUNION. 

Le  Prêtre,  élevant  le  spondicon  de  V hostie,  c'est-à-dire,  la 
parcelle  du  milieu  à  la  hauteur  de  la  tête  et  au-dessus  du 
calice,  s'écrie  :  Les  choses  saintes  aux  Saints!  Béni  est  le  Sei- 
gneur Jésus-Christ,  qui  a  sanctifié  ces  dons  par  son  Saint-Es- 
prit. Amen! 

Le  Peuple  prosterné  :  Amen!  un  est  le  Père  Saint!  un  est 
le  Fils  Saint!  un  est  l'Esprit-Saint.  Amen. 

Le  Prêtre  met  la  parcelle  dans  le  calice,  la  tenant  toujours 
entre  ses  doigts  :  La  paix  soit  avec  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre  signant  l'hostie  avec  la  parcelle  plongée  dans  le 
calice,  dit  la  sainte  confession  :  Corps  sacré  et  sang  précieux 
véritable  de  Jésus-Christ,  Fils  de  notre  Dieu.  Amen! 

Le  Peuple.  —  Amen  ! 

Le  Prêtre  signant  Vintérieur  du  calice  avec  la  lyiême  par- 
celle :  Saint  précieux  corps  et  sang  véritable  de  Jésus-Christ, 
Fils  de  notre  Dieu.  Amen. 

Le  Peuple  :  Amen. 

Le  Prêtre  laissant  tomber  la  parcelle  dans  le  calice  :  Corps 
et  sang  d'Emmanuel,  notre  Dieu,  le  même  en  vérité.  Amen. 


LA    MESSK    COPTE.  41 

Le  Peuple.  —  Amen,  je  crois. 

Le  Prêtre.  —  Amen,  amen,  amen,  je  crois,  je  crois,  je  crois 
et  je  confesse  jusqu'au  dernier  soupir  que  c'est  le  corps  vivifiant 
de  votre  Fils  unique,  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur 
Jésus-Christ  {Il  élève  la  palène  contemml  le  Sacré  Corps)',  il 
l'a  pris  de  notre  Dame  et  Reine,  Sainte  Marie,  Mère  de  Dieu;  il 
l'a  fait  un  avec  sa  divinité  sans  mélange,  sans  confusion  et 
sans  changement;  il  a  fait  la  bonne  confession  devant  Ponce 
Pilate;  il  a  livré  ce  corps  pour  nous  sur  l'arbre  de  la  Sainte 
Croix  par  sa  seule  volonté  et  pour  nous  en  toute  vérité.  Je  crois 
que  sa  divinité  n'a  jamais  été  séparée  de  son  humanité,  même 
l'espace  d'un  moment  ou  d'un  clind'œil;  il  est  donné  pour  nous 
comme  salut,  ainsi  que  comme  rémission  des  péchés  et  vie 
éternelle  à  ceux  qui  participent.  Je  crois,  je  crois,  je  crois  que 
cela  est  en  vérité.  Amen  ! 

Le  Diacre.  — Amen,  amen,  amen,  je  crois,  je  crois,  je  crois 
que  cela  est  en  vérité,  amen!  Priez  pour  nous  et  pour  tous  les 
chrétiens  qui  nous  ont  recommandé  de  nous  souvenir  d'eux  dans 
la  paix.  Que  la  charité  de  Jésus-Christ  soit  avec  vous.  Chantez. 

Le  Prêtre  embrassant  Vautel  :  Toute  gloire,  tout  honneur  et 
toute  adoration  en  tout  temps  sont  dus  à  la  Trinité  toute  sainte, 
Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  maintenant,  et  toujours,  et  dans  les 
siècles  des  siècles.  Amen! 

Le  Peuple  chante  le  psaume  cl  :  Bénissez  le  Seigneur  dans 
tous  ses  saints.  Alléluia!  Bénissez-le  dans  le  firmament  de  sa 
vertu.  Alléluia! 

Bénissez-le  pour  sa  puissance.  Alléluia!  Bénissez-le  pour  l'in- 
finité de  sa  grandeur.  Alléluia!  etc. 

Le  Prêtre  se  frappant  la  poitrine  :  Daignez,  Seigneur,  nous 
remettre  tous  nos  péchés,  soit  que  nous  les  ayons  commis  volon- 
tairement ou  involontairement,  avec  science  ou  par  ignorance. 
Seigneur,  pardonnez-nous  toutes  nos  offenses. 

Puis  il  récite  r oraison  avant  la  communion  :  Rendez-nous 
dignes,  ô  notre  roi,  de  participer  à  votre  saint  corps  et  à  votre 
précieux  sang  pour  la  pureté  de  nos  âmes,  de  nos  corps  et  de 
nos  esprits,  et  pour  la  rémission  de  nos  péchés  et  de  nos  fautes, 
afin  que  nous  devenions  un  même  corps  et  un  même  esprit  avec 
vous.  Gloire  à  vous  avec  votre  Père,  le  Dieu  bon,  et  le  Saint- 
Esprit,  dans  l'éternité.  Amen! 


42  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


Le  Prêtre  se  communie  du  Corps  du  Seigneur,  disant  :  Le 
corps  d'Emmanuel  notre  Dieu  :  Amen  ! 

//  se  communie  du  calice,  disant  :  Le  sang  d'Emmanuel, 
notre  Dieu.  Amen! 

Ensuite,  il  communie  le  peuple,  puis  il  consomme  ce  qui 
reste  du  saint  corps  en  disant  comme  il  précède  :  Le  corps 
d'Emmanuel  notre  Dieu.  Amen! 

Enfin,  il  consomme  ce  qui  reste  dans  le  calice,  en  disant:  Le 
corps  et  le  sang  d'Emmanuel  notre  Dieu.  Amen!- 

LA    PRIÈRE    d'action    DE    GRACES    APRÈS    LA   COMMUNION. 

Le  Prêtre.  —  La  paix  soit  avec  tous. 

Le  Peuple.  —  Et  avec  votre  esprit. 

Le  Prêtre.  —  Notre  bouche  a  été  remplie  de  joie  et  notre 
langue  d'allégresse,  à  cause  de  notre  participation  à  vos  mys- 
tères immortels,  6  Dieu!  Car  ce  que  l'œil  n'a  pas  vu,  ce  que 
l'oreille  n'a  pas  entendu,  ce  que  le  cœur  de  l'homme  n'a  pas 
ressenti  de  ce  que  vous  avez  préparé,  ôDieu,  à  ceux  qui  aiment 
votre  saint  nom,  vous  l'avez  révélé  aux  petits  enfants  de  votre 
Église.  Oui,  ô  Père,  il  vous  a  plu  ainsi,  parce  que  vous  êtes 
miséricordieux;  et  nous  vous  envoyons  dans  les  hauteurs  la 
gloire,  l'honneur  et  l'adoration,  ô  Père  avec  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit,  maintenant,  et  toujours,  et  dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen! 

Vos  serviteurs,  ô  Dieu,  invoquent  votre  saint  nom  et 
inclinent  leur  front  devant  vous;  habitez  en  eux,  marchez  au 
milieu  d'eux,  aidez-les  dans  toute  œuvre  bonne,  élevez  leurs 
cœurs  au-dessus  de  toute  pensée  mauvaise  et  terrestre,  faites 
qu'ils  vivent  et  que  leur  vie  soit  céleste  et  digne  de  vous.  Par 
votre  Fils  unique,  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sauveur  Jésus- 
Christ,  par  qui  la  gloire,  l'honneur  et  l'adoration  vous  sont  dûs 
avec  Lui  et  l'Esprit-Saintconsubstantielavec  vous,  maintenant, 
et  toujours  et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen! 

Puis  il  dit  lapiière  de  la  bénédiction  ;0  Dieu,  sauvez  votre 
peuple,  bénissez  votre  héritage,  paissez  votre  troupeau  et  exal- 
tez-le éternellement.  Conservez-le  dans  la  foi  véritable,  dans 
l'honneur  et  la  gloire,  tous  les  jours  de  sa  vie.  Gardez-le  dans 
la  charité  qui  surpasse  toute  chose  et  dans  la  paix  qui  est  au- 
dessus  de  toute  pensée,  par  les  prières  et  les  intercessions  de 


LA    MESSE    COI'TE.  43 

Notre-Dame  et  Reine,  sainte  Marie,  mère  de  Dieu,  du  saint  de 
ce  jour,  de  tous  les  ordres  célestes  et  de  tout  le  chœur  des  saints. 
Amen. 

0  Christ,  notre  Dieu,  roi  de  la  paix,  donnez-nous  votre  paix, 
confirmez-nous  votre  paix.  A  vous  la  force,  la  gloire,  la  béné- 
diction et  la  puissance  dans  Téternité.  Amen. 

Allez  en  paix. 

Le  Diacre.  —  La  grâce  de  notre  Seigneur,  notre  Dieu  et  Sau- 
veur Jésus-Christ  soit  avec  vous  tous.  Allez  en  paix. 

Le  Prêtre  descend  de  C autel  en  récitant  le  psaume  xlvi  : 
Applaudissez  tous;  louez  le  Seigneur  avec  les  voix  de  l'allé- 
gresse; car  le  Seigneur  est  élevé  et  redoutable;  il  est  le  grand 
roi  de  toute  la  terre.  Il  nous  a  soumis  tous  les  peuples  et  il  a 
placé  toutes  les  nations  sous  nos  pieds.  Il  nous  a  choisis  pour 
son  héritage;  il  a  élu  la  splendeur  de  Jacob  qu'il  a  aimée. 

Dieu!  est  monté  avec  allégresse.  Dieu  s'est  élevé  au  son  de 
la  trompette.  Chantez  notre  Dieu,  chantez;  chantez  notre  Roi, 
chantez  !  Dieu  est  le  Roi  de  toute  la  terre,  chantez  avec  intelli- 
gence; Dieu  a  régné  sur  toutes  les  nations.  Dieu  s'est  assis  sur 
son  trône  sacré.  Les  princes  des  peuples  se  sont  réunis  avec  le 
Dieu  d'Abraham,  parce  que  les  puissants  du  Seigneur  ont  été 
exaltés  sur  la  terre. 


L'ÉRECTION 
DU  PATRIARCAT  DE  JÉRUSALEM,  451 


L'organisation  particulière  des  Églises  au  premier  siècle  est 
enveloppée  de  ténèbres  trop  épaisses,  pour  que  j'essaye  de  les 
dissiper.  Eusèbe  nous  affirme  que  la  hiérarchie  ecclésiastique  à 
Jérusalem  ne  fut  pas  interrompue  et  il  donne  à  l'appui  la  liste 
complète  de  ses  titulaires.  Il  en  était  de  même  des  autres  villes 
de  la  Palestine  évangélisées  de  bonne  heure  et  qui  se  glorifiaient, 
pour  la  plupart,  de  remonter  aux  temps  apostoliques.  Une  ques- 
tion se  présente  immédiatement  à  l'esprit  :  Jérusalem  a-t-elle 
jamais  exercé  les  droits  de  métropole  sur  les  autres  sièges  épis- 
copaux?  Les  faits,  je  le  répète,  sont  trop  peu  nombreux  aux  pre- 
miers âges  du  christianisme  pour  élucider  ce  point  si  important 
de  l'organisation  épiscopale  de  l'Église.  Jérusalem  était  considé- 
rée comme  la  mère  des  autres  Églises  et  jouissait  partout  à  ce 
titre  d'une  considération  particulière.  Saint  Épiphane  nous  as- 
sure que,  jusqu'à  l'empereur  Adrien,  les  Églises  apprenaient 
d'elle  le  jour  de  Pâques.  Nous  ne  pouvons  affirmer  rien  de  plus. 

On  doit  même  refuser  à  Jérusalem  le  titre  de  métropole  jus- 
qu'au concile  de  Nicée,  325.  En  effet,  depuis  l'intervention  ro- 
maine, Césarée  était  la  vraie  capitale  administrative  de  la  pro- 
vince, et  l'Église,  pour  la  division  de  ses  diocèses,  n'avait  pas  la 
coutume  de  s'écarter  des  circonscriptions  territoriales  de  l'Em- 
pire. Enfin  quand  Jérusalem  fut  détruite  par  Titus  et  mise  à 
ras  de  sol,  puis  rebâtie  par  Adrien  sous  le  nom  d'iEliaCapitolina, 
elle  n'évoquait  plus  pour  les  chrétiens  l'image  de  la  Ville  Sainte, 
mais  restait  le  domaine  sacré  de  Jupiter,  le  refuge  des  païens  qui 
se  pressaient  dans  ses  murs.  La  nouvelle  ville  si  déchue  avait 
rompu  avec  son  passé,  et  quand  l'évêque  Marc,  après  l'expulsion 


l'ÉRKCTION    du    l'ATUlARCAT    DK    JKRUSALK.M,     151  .  15 

définitive  de  tous  les  Juifs  de  race,  conduisit  sur  les  ruines  en- 
core fumantes  du  mont  Sien  sa  communauté  de  chrétiens  con- 
vertis du  paganisme,  il  n'était  plus  que  le  titulaire  d'un  siège 
sans  prestige,  comme  on  en  comptait  Ijeaucoup  dans  le  pays. 
Néanmoins,  les  souvenirs  du  Christ  mourant  et  de  la  primitive 
Église  étaient  trop  chers  au  cœur  des  fidèles,  et  la  chaire  de 
saint  Jacques  trop  en  vénération,  pour  que  l'évèque  d'/Elia  ne 
sortît  rapidement  de  son  rang  inférieur. 

Son  titre  de  siège  apostolique  lui  valut,  dès  le  deuxième  siè- 
cle, le  premier  pas  après  le  métropolitain  de  Césarée.  «^  Dans 
un  synode,  tenu  au  sujet  des  discussions  sur  la  fête  de  Pâques 
au  temps  du  pape  Victor,  Théophile  de  Césarée  et  Narcisse  de 
Jérusalem  ont  exercé  la  présidence  )),nous  dit  l'historien  Eu- 
sèbe  (1).  C'était  en  l'an  196. 

La  question  ne  fit  aucun  progrès  jusqu'au  Concile  de  Nicée. 
Les  Pères  de  ce  Concile  tinrent  à  remercier  publiquement  saint 
Macaire  de  Jérusalem  du  zèle  qu'il  avait  déployé  contre  les 
Ariens.  Des  difficultés  existaient  sans  doute  entre  lui  et  son  mé- 
tropolitain et  motivèrent  le  septième  Canon  disciplinaire  : 
«  Comme  la  coutume  et  l'ancienne  tradition  portent  que  l'évè- 
que d'/Elia  doit  être  honoré  d'une  manière  particulière,  il  doit 
suivre  immédiatement  pour  ce  qui  est  de  l'honneur,  sans  pré- 
judice cependant  de  la  dignité  qui  revient  à  la  métropole  (2).  » 
Les  volontés  du  Concile  ne  sont  pas  très  manifestes  dans  la  ré- 
daction tant  soit  peu  obscure  de  ce  Canon,  quia  donné  lieu  à 
de  violentes  polémiques.  Marca  explique  ainsi  les  mots  :  «  iyi-u) 

T"r;v  ày.oAouGi'av   tvjç  Tip-ïjç.    » 

1°  Il  doit  avoir  l'honneur  de  suivre  immédiatement  les  mé- 
tropolitains de  Rome,  d'Alexandrie  et  d'Antioche; 

2"  Les  derniers  mots  du  Canon  signifient  que  l'on  ne  doit  ce- 
pendant pas  déroger  à  la  dignité  qui  revient  au  métropoli- 
tain (3).  » 

L'opinion  de  Marca  a  fait  longtemps  autorité,  et  nombre 
d'historiens  répètent  sans  raison  plausible  que  le  concile  de 
Nicée  a  érigé  le  siège  de  Jérusalem  en  patriarcat,  sans  lui  con- 

(1)  Hist.  Ercl.,  1.  \,  cap.  23;  P.  G.,  XX,  col.  192. 

(2)  'EnsiÔYiCTUvriÔEta  xîxpâTYjxe  y.ai  Tcapàooai?  àp/aïa  wcttî  tôv  èv  Allia.  iniGv.ozio'J  Tijxà- 
ffOai,  £-/£Tto  Trjv  àxo).oy6iav  r?;;  fijjLr^;  tv]  [iï]Tp07rô),£'.  '7w'o[/.£vou  toO  oIxeîou  àE'.w(j.aTo:. 

(3)  ]Marca,  De  concordia  Sacerdolil  et  Irapei'ii,  lib.  V,  cap.  .\ii,  n°  i. 


46  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

férer  les  droits  de  métropole  réservés  à  Césarée.  Disons  avec 
Bévéridge  qu'un  patriarche  soumis  à  la  juridiction  d'un  métro- 
politain est  une  monstruosité.  L'examen  attentif  du  Canon 
prouve  d'ailleurs  que  les  Pères  de  Nicée  n'ont  voulu  innover  en 
rien,  mais  simplement  confirmer  de  leur  autorité  les  honneurs 
que  «  la  coutume  et  l'ancienne  tradition  »  attribuaient  déjà  à 
l'évêque  d'/Elia. 

Il  nous  reste  à  examiner  les  diverses  opinions  proposées.  D'a- 
bord il  ne  saurait  être  question  du  titre  de  métropole.  Césarée 
l'avait  possédé  jusqu'à  ce  jour,  elle  le  garda  encore  longtemps, 
et  le  concile  confirme  la  tradition  par  cette  clause  significative  : 
«  sans  préjudice  cependant  de  la  dignité  qui  revient  à  la  métro- 
pole. »  Tous  les  auteurs  sont  de  cet  avis  et  Marca  lui-même, 
qui  fait  conférer  gratuitement  à  Jérusalem  les  honneurs  du  pa- 
triarcat, réserve  à  Césarée  les  droits  de  métropole. 

Le  concile  aurait  pu  enlever  Jérusalem  à  la  juridiction  de 
Césarée  en  la  déclarant  autocéphale.  Cette  seconde  supposition 
nous  paraît  également  improbable.  Le  second  Concile  en  381 
mit  Constantinople  en  cet  état,  mais  cette  exception  est  spéciale 
à  la  capitale  de  l'Empire.  L'évêque  de  Tomes  n'avait  aussi  ni 
métropolitain,  ni  suffragant;  mais  il  était  le  seul  dans  sa  pro- 
vince. On  ne  saurait  trouver  en  dehors  de  Constantinople  un  fait 
similaire  d'un  siège  épiscopal,  arraché  à  une  métropole  pour 
devenir  autocéphale.  La  situation  de  l'évêque  de  Jérusalem  était 
fort  différente.  Si  on  lui  réservait  une  place  d'honneur  dans  les 
Conciles  généraux,  il  n'en  assistait  pas  moins  aux  conciles  pro- 
vinciaux de  la  Palestine,  et  toujours  au  second  rang.  Les  évê- 
ques  de  Constantinople  ne  se  soumirent  jamais  depuis  381  au 
métropolitain  d'Héraclée.  En  conséquence,  si  l'évêque  de  Jéru- 
salem assistait  comme  membre  aux  conciles  de  Palestine,  c'est 
qu'il  y  était  tenu  et  continuait  à  dépendre  de  Césarée.  Les  hon- 
neurs, dont  il  jouissait  avant  le  concile  de  Nicée  et  que  celui-ci 
confirme  de  son  autorité  suprême,  semblent  donc  indiquer  le 
second  rang  clans  la  province.  On  objecte  qu'au  concile  d'An- 
tioche,  en  272,  Hyménée  de  Jérusalem  est  nommé  avant  Théoc- 
tiste  de  Césarée  et  qu'à  Nicée  saint  Macaire  signa  avant  Eusèbe. 
Ces  signatures  que  l'on  oppose  sans  cesse  ne  prouvent  absolu- 
ment rien,  car  si  l'évêque  d'^lia  signa  avant  le  métropolitain 
de  Césarée,  deux  autres  évêques  de  Palestine  le  firent  également, 


l/ÉRECTION  DU  I'ATUIAU(;AT  DE  JÉRUSALEM,  l.jl.       17 

et  le  métropolitain  d'Isauric  n'apposa  sa  signature  qu'après  celle 
de  quatre  de  ses  suffragants. 

Il  est  vrai  qu'après  Nicéo,  saint  Maxime  de  Jérusalem  a  con- 
voqué de  son  propre  chef  un  synode  des  évoques  de  la  Syrie  et 
de  la  Palestine  en  faveur  de  saint  Athanase  (1).  Cette  initiative 
serait  blâmable,  si  elle  n'avait  été  inspirée  par  des  motifs  excel- 
lents. A  cette  époque,  Acace  de  Césarée  luttait  pour  Thérésie 
arienne,  comme  Eusèbe  son  prédécesseur,  et  il  importait  de 
prémunir  les  évoques  fidèles  de  la  province  contre  ses  idées  hé- 
térodoxes. 

D'ailleurs,  à  partir  de  ce  jour,  les  empiétements  de  Jérusalem 
sur  les  droits  de  Césarée  deviennent  si  fréquents  qu'il  est  im- 
possible de  les  énumérer  tous.  Les  grandes  luttes  de  saint 
Cyrille  contre  Acace  avaient  pour  mobile  le  désir  d'obtenir  le 
premier  rang  autant  que  des  motifs  de  pure  orthodoxie.  Sozo- 
mène  l'avait  déjà  noté  avec  une  fine  pointe  d'ironie  (2).  Dès  sa 
nomination,  dit  cet  historien,  Cyrille  revendiqua  contre  Acace 
les  droits  de  métropolitain,  parce  que  Jérusalem  était  un  siège 
apostolique;  il  accusa  l'évêque  de  Césarée  de  pactiser  avec  les 
Ariens  et  voulut  le  faire  déposer.  Acace  averti  le  prévint,  il 
accusa  à  son  tour  Cyrille  d'être  semi-arien  et  d'avoir  vendu  les 
vases  sacrés  de  son  église  lors  d'une  famine,  puis  réunit  en 
toute  hâte  quelques  évèques  de  son  parti  et  déposa  solennel- 
lement son  subordonné.  Ces  diverses  accusations,  conclut  Sozo- 
mène,  n'étaient  que  des  prétextes  masquant  le  véritable  but  à 
atteindre  :  la  primauté  dans  la  province.  Peut-être  l'historien 
se  fait-il  ici  l'écho  de  rapports  malveillants  contre  saint  Cyrille 
qu'il  ne  ménage  pas  ordinairement.  11  est  certain  en  effet  qu'A- 
cace  professait  les  sentiments  du  pur  ariarisme  et  qu'il  les  dé- 
fendit toute  sa  vie  avec  une  ténacité  peu  commune.  Les  faits 
apportés  sont  pourtant  exacts.  La  déposition  de  Cyrille  par  Acace 
est  citée  par  Socrate,  qui  en  ignore  les  motifs  (3),  et  par 
Théodoret  qui  reproduit  les  raisons  de  Sozomène  (4). 

Entre  ces  deux  puissants  adversaires  s'engagea  un  duel  mortel 
qui  se  termina  par  la  disparition  d' Acace  en  365  ou  366.  Cyrille 

(1)  Socrate,  Hisl.  EcxL,  lib.  II,  cap.  xxiv;  P.  G.,  LYII,  col.  2G-2. 
(■2)  Hisl.  Eccl,  M.,  P.  G.,  t.  LVII,  col.  II'JG. 

(3)  M.,  P.  G.,  ib.,  col.  3-24. 

(4)  Hist.  Eccl.,  M,  P.  G.,  t.  LA'XXII,  col.  1004. 


48  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

nomma  aussitôt  Philouménos  pour  le  remplacer.  Le  successeur 
de  Philouménos  sur  le  siège  de  Césarée,  Cyrille  le  Vieux,  fut 
également  imposé  par  l'évêque  de  Jérusalem,  Eutychios,  un 
intrus  durant  l'exil  de  saint  Cyrille.  Ce  dernier  rétabli  nomma 
ensuite  son  neveu  Gélase,  Jérusalem  parvenait  peu  à  peu  à  ses 
fins,  en  éliminant  Césarée  de  la  direction  de  la  province.  Cepen- 
dant malgré  les  violences  ouvertes  et  les  attaques  à  main  armée 
les  métropolitains  de  Césarée  maintenaient  leur  droit  dans  toute 
son  intégrité. 

A  la  fm  du  IV'  siècle,  la  situation  était  plus  critique  que 
jamais.  Un  remaniement  complet  dans  l'administration  civile 
en  fut  la  cause  principale.  Jusqu'au  règne  de  Valens,  la  Pales- 
tine ne  formait  qu'une  seule  province  régie  par  un  proconsul 
résidant  à  Césarée.  Sous  Théodose  le  Grand,  le  fractionnement 
commencé  par  Dioclétien  était  en  pleine  voie  d'exécution.  La 
Palestine  comprenait  trois  provinces.  L'Église  suivit  comme 
autrefois  cette  division  pour  délimiter  les  provinces  ecclésias- 
tiques. Du  coup,  Jérusalem  fut  reléguée  au  quatrième  rang  et 
vit  au-dessus  d'elle  les  métropolitains  de  Césarée,  de  Scytho- 
polis  et  de  Pétra.  Elle  ne  pouvait  se  contenter  d'une  position  si 
abaissée;  ses  évoques  essayèrent  j^er  fas  et  nef  as  de  conquérir 
le  principal  ecclésiastique. 

Le  successeur  de  saint  Cyrille,  Jean,  ne  semble  pas  avoir 
hérité  de  ses  visées  ambitieuses.  L'histoire  du  moins  a  très  peu 
de  reproches  à  lui  adresser  à  ce  sujet.  En  395,  Jean  de  Césarée 
nomma  un  prêtre  de  Jérusalem,  saint  Porphyre,  au  siège  de 
Gaza,  sans  même  prévenir  l'évêque  de  Jérusalem  ;  ce  qui  était 
un  manquement  grave  aux  saints  Canons.  Il  ne  paraît  pas 
toutefois  que  Jean  de  Jérusalem  ait  protesté.  Le  synode  de 
Diospolis  en  415  fut  présidé  par  Eulogius,  le  métropolitain  de 
Césarée,  malgré  la  présence  de  Jean.  De  son  exil  de  Cucuse,  où 
les  lettres  d'Eulogius  l'avaient  consolé,  saint  Jean  Chrysostome 
écrivait  à  ce  dernier  en  404,  en  souhaitant  que  les  évêques  de 
Palestine  suivissent  aussi  ses  traces.  L'exilé  marque  assez  clai- 
rement par  diverses  expressions  qu'il  le  considérait  toujours 
comme  le  métropolitain;  et  pourtant  il  était  très  uni  avec  Jean 
de  Jérusalem,  un  de  ses  plus  ardents  partisans, 

La  seule  tentative  de  Jean  pour  secouer  le  joug  de  Césarée 
se  rapporte  à  sa  polémique  avec  saint  Jérôme.  Aujourd'hui  qu'on 


l'érection  du  patpjakcat  1)K  .ikiiusalem,  45L  10 

examine  de  sang-froid  toutes  les  pièces  du  procès,  on  ne  sau- 
rait donner  tous  les  torts  à  l'évèque.  Le  solitaire  de  Bethléem 
peut  en  revendiquer  une  bonne  part,  et  surtout  son  ami,  saint 
Épiphane,  qui  agit  avec  le  même  excès  de  zèle  et  la  même  im- 
prudence que  pour  saint  Jean  Chrysostome.  Comme  la  bonne 
entente  ne  pouvait  être  rétablie  entre  Rufin  et  lui  d'une  part, 
saint  Jérôme  et  saint  Epiphane  d'autre  part,    Jean  porta  la 
cause  au  tribunal  de  Théophile,  patriarche  d'Alexandrie.  Celui-ci 
n'avait  pas  encore  éprouvé  la  pesanteur  des  bâtons  des  moines 
anthropomorphites,  qui  lui  firent  sentir  peu  après  les  hérésies 
d'Origène;  il  était  ouvertement  favorable  au  célèbre  alexandrin. 
Saint  Jérôme  n'avait  pas  été  prévenu,  il  se  plaignit  très  haut 
et  réclama  les  droits  sacrifiés  de  Césarée.  «  Quel  droit  a  l'évèque 
«  d'Alexandrie  sur  Jérusalem?  s'écriait  le  solitaire.  La  métro- 
pole de  la  Palestine,  c'est  Césarée,  et  celle  de  tout  l'Orient  c'est 
Antioche.  Voilà  ce  qu'ont  réglé  les  canons  de  Nicée,  dont  on 
fait  tant  de  bruit.  »  Nous  allons  reproduire  une  partie  de  sa 
lettre  à  Pammachius,  qui  est  capitale.  Jérôme  s'adresse  à  Jean 
de  Jérusalem  et  lui  dit  :  «  Tu  qui  régulas  quœris  ecclesiasticas, 
et  Nicœni  concilii  canonibus  uteris,  et  alienos  clericos,  et  cum 
suis  episcopis  commorantes,   tibi   niteris  usurpare:  responde 
mihi,  ad  Alexandrinum  episcopum  Pala3stina  quid  pertinet? 
Ni  fallor,  hoc  ibi  (dans  les  canons  de  Nicée)  decernitur,  ut  Pa- 
lœstina?  metropolis  Ca^sarea  sit  ectotius  Orientis  Antiochia.  Aut 
igitur,  ad  Cœsariensem  episcopum  referre  debueras,  cui,  spreta 
communione  tua,   communicare  nos  noveras;  aut,   si  procul 
expetendum  judicium  erat,  Antiochiam  potius  littera3  dirigendce. 
Sed  novi,  cur  Ca3saream,  cur  Antiochiam  nolueris  mittere; 
sciebas  quid  fugeres,  quid  vitares,  maluisti  occupatis  auribus 
molestiam  facere,  quam  debihcm  metropolitano  tuo  honorem 
reddere.  »  Jérôme  savait  fort  bien  que  Théophile  partageait  les 
sentiments  de  Jean  sur  les  écrits  d'Origène  et  que  l'évèque  de 
Jérusalem  en  le  choisissant  pour  souverain  juge  escomptait  un 
jugement  favorable;  il  feint  de  l'ignorer  et  se  place  au  seul 
point  de  vue  canonique.  On  doit  bien  reconnaître  que  sur  ce 
terrain  sa  position  demeurait  inexpugnable.  Son  insinuation 
finale  montre  surtout  à  Jean  que  toutes  ses  intrigues  étaient 
percées  à  jour  et  qu'au  fond  il  voulait  se  passer  de  Césarée. 
Prayle,  dont  le  caractère  répondait  au  nom,  n'entreprit  rien 

ORIENT   CHRÉTIEN.  4 


50  REVUE    DE    l'orient  CHRÉTIEN. 

de  contraire  à  la  juridiction  de  Césarée.  Le  dernier  assaut  fut 
livré  par  Juvénal,  assaut  terrible  qui  dura  plus  de  vingt  ans  et 
fut  couronné  d'un  plein  succès.  Le  premier  empiétement,  d'après 
les  historiens,  fut  la  nomination  de  Pierre  Aspebet,  ancien 
cheikh  de  Bédouins,  à  l'évêché  de  Paremboles  ou  Castra  Sar- 
racenorum,  érigé  vers  428.  Juvénal  ne  demanda  pas  l'autorisa- 
tion au  métropolitain  de  Césarée,  c'est  certain,  mais  devait-il  le 
faire?  Tillemont,  LeQuien,  Iléfélé  et  tous  les  auteurs  en  général 
pensent  que  oui,  ils  ne  supposent  même  pas  qu'il  put  s'en  passer. 
On  nous  permettra  d'émettre  une  opinion  contraire  et  de  l'établir 
rapidement.  Nous  avons  raconté  ailleurs  (1)  l'origine  assez  sin- 
gulière de  cet  évêché,  formé  d'une  série  de  campements  bé- 
douins. Nous  avons  aussi  précisé,  autant  qu'on  peut  le  faire, 
son  emplacement  entre  les  monastères  de  saint  Euthyme  ou 
Khan-el-Ahmar  et  de  saint  Théoctiste  dans  le  Ouady  ed-Dàbor, 
à  gauche  de  la  route  qui  monte  de  Jéricho  à  Jérusalem.  Parem- 
boles se  trouvait  donc  sur  le  territoire  de  Jérusalem  et  relevait 
de  cette  ville.  Juvénal  devait-il  consulter  le  métropolitain  pour 
prendre  une  sorte  de  coadjuteur,  chargé  d'instruire  et  de  diriger 
les  Arabes  catholiques?  Car,  il  n'y  a  pas  de  doute  possible,  les 
tentes  des  Bédouins  étaient  dressées  dans  le  diocèse  de  Jérusa- 
lem et  changeaient  plusieurs  fois  de  place.  S'il  était  réservé  au 
métropolitain  de  dédoubler  un  évêché  de  sa  propre  autorité, 
Juvénal  a  mal  fait  de  ne  pas  consulter  l'évêque  de  Césarée; 
sinon,  il  a  bien  agi.  Nous  pencherions  plutôt  pour  la  dernière 
hypothèse.  Juvénal  devait  pourtant  s'en  référer  à  Césarée  pour 
la  consécration  de  l'élu,  privilège  réservé  exclusivement  à  la 
métropole.  Il  n'en  fit  rien  cette  fois  et  nous  savons  de  plus  qu'il 
ordonna  Etienne,  disciple  de  saint  Euthyme,  évêque  deJamnia 
près  de  Japha. 

Au  concile  œcuménique  d'Éphèse,  en  431,  Juvénal  crut  voir 
enfm  le  couronnement  de  ses  efforts.  Il  se  présenta  à  la  tête  de 
nombreux  évêques,  qui  soutenaient  ses  prétentions  et  lui  fai- 
saient une  escorte  d'honneur,  toujours  prêts  à  proclamer  la  lé- 
gitimité de  ses  actes.  Par  dépit  plus  que  par  mauvaise  foi,  le 
patriarche  d'Antioche,  arrivé  en  retard,  tint  avec  ses  suffra- 
gants  une  sorte  de  conciliabule,  qui  comptait  annihiler  les  actes 

(1)  Le  monastère  de  saint  Théocliste  et  l'évêché  de  Paremboles.  Revue  de  l'Orient 
chrétien,  Supplément  trimestriel,  t.  ///,  p.  58  à  76. 


l'érection  du  patriarcat  I)K  .ii':r(;sali:.m,  451.  7>\ 

du  vrai  concile  présidé  par  saint  Cyrille.  L'évêque  de  Jéru- 
salem soutenait  le  parti  de  l'orthodoxie  et  occupait  le  second 
rang.  Il  ne  craignit  pas  de  réclamer  dès  le  début,  que  révo- 
que d'Antioche  prêtât  obéissance  au  trône  apostolique  de  Jéru- 
salem; car  l'ordre  et  la  tradition  apostolique  confiaient  à  celui- 
ci  la  mission  de  régler  et  de  juger  le  siège  d'Antioche  (1).  On 
se  demande  comment  Juvénal  pouvait  exposer  de  pareilles 
prétentions  et  sur  quels  faits  anciens  il  les  appuyait.  Les  actes 
du  Concile  n'en  parlent  pas,  mais  la  correspondance  de  saint 
Léon  avec  Maxime,  patriarche  d'Antioche,  dévoile  la  mauvaise 
foi  de  Juvénal.  —  A  l'aide  de  fausses  pièces,  l'évèque  de  Jéru- 
salem tâcha  de  gagner  saint  Cyrille  et  de  se  faire  donner  la 
suprématie  religieuse  sur  les  trois  Palestines,  la  seconde  Phé- 
nicie  et  l'Arabie  avec  le  titre  de  patriarche.  Saint  Cyrille  en 
référa  à  l'autorité  du  Pontife  romain  et  nous  avons  la  pensée 
de  saint  Léon  dans  sa  lettre  à  Maxime  :  «  Subripiendi  occasio- 
nes  non  praîtermittit  ambitio,  et  quoties  ob  occurrentes  causas 
generalis  congregatio  facta  fuerit  sacerdotum,  difficile  est  ut 
cupiditas  improborum  non  aliquid  supra  mensuram  moliatur 
adpetere.  Sicut  etiam  in  Ephesina  synodo,  qufe  impium  Nes- 
torium  cum  dogmate  suo  perculit,  Juvenalis  episcopus  ad  ob- 
tinendum  Palaistinae  principatum  credidit  se  posse  sufficere  et 
insolentes  ausus  per  co^nmentitia  scripta  firmare.  Quod  sanctte 
memoria3  Cyrillus,  Alexandrinus  episcopus,  merito  perhorres- 
cens,  scriptis  suis  mihi,  quid  pra3dicti  cupiditas  ausa  sit,  in- 
dicavit  et  sollicita  prece  multum  poposcit,  ut  nuUa  illicitis 
conatibus  pra3beretur  assensio.  Nam  cujus  epistolœ  ad  nos 
exemplaria  direxi'sti  sancta3  memoria?  Cyrilli,  eam  in  nostro 
scrinio  requisitam ,  nos  authenticam  noveris  reperisse  (2).  » 
Juvénal  n'avait  donc  pas  hésité  à  commettre  un  faux  pour  sa- 
tisfaire son  ambition  ;  la  vigilance  de  saint  Cyrille  ne  lui  per- 
mit point  de  voir  la  réussite  de  ses  projets.  On  songea  un  instant 
à  le  séparer  de  la  communion  catholique,  le  président  du  Con- 
cile s'y  refusa  en  alléguant  le  malheur  des  temps  et  le  danger 
de  grossir  le  nombre  des  hérétiques.  L'évèque  de  Jérusalem  en 
effet  était  décidé  à  tout  pour  conquérir  ce  titre  de  patriarche 
qui  l'éblouissait,  et  son  cortège  d'évéques  l'aurait  appuyé  dans 

(1)  Labbe  ConciL,  t.  III,  p.  614,  Paris  1671. 

(2)  Epistola,  119,  M.  P.  L.,  t.  LIV,  Col.  1044. 


52  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

toutes  ses  réclamations.  Ne  voit-on  pas  en  effet  dans  ce  Concile 
Saïde,  évêque  de  Phounon  et  siiffragant  de  Pétra  l'appeler  son 
arc/tevéque  et  approuver  ce  que  saint  Cyrille  et  lui  avaient  dé- 
crété, tandis  que  les  autres  ne  parlent  que  de  saint  Cyrille  (1)? 

Cyrille  recula  donc  devant  cette  mesure  grave  et  ses  con- 
frères partagèrent  ses  vues.  Cette  condescendance  n'alla  pas 
sans  quelque  trouble  et  Gennade,  archimandrite  d'un  couvent 
de  Constantinople,-  se  sépara  de  la  communion  de  son  pas- 
teur saint  Proclus,  parce  qu'il  n'avait  pas  excommunié  Juvé- 
nal.  Le  patriarche  d'Alexandrie  écrivit  en  434  à  cet  archiman- 
drite une  lettre  courte,  pour  le  réprimander  de  son  zèle 
intempestif  et  lui  expliquer  la  conduite  de  son  évêque  ainsi 
que  la  sienne.  Ils  n'excommuniaient  pas  Juvénal  à  cause  de  sa 
foi,  mais  ils  étaient  loin  de  le  reconnaître  pour  métropolitain 
de  la  Palestine  (2). 

Le  refus  du  Concile  ne  découragea  pas  la  persévérance  de 
Juvénal.  Il  tint  sa  réponse  pour  non  avenue  et  se  mit,  une 
fois  de  retour,  à  consacrer  les  évêques  et  à  gérer  les  affaires  des 
trois  provinces,  comme  s'il  était  déjà  patriarche.  La  Palestine 
ne  lui  suffisait  même  pas  et  nous  avons  encore  la  requête  de 
plusieurs  évêques  de  l'Arabie  et  de  la  Phénicie  à  l'empereur 
Théodose  II,  se  plaignant  d'avoir  été  ordonnés  par  Juvénal  au 
mépris  des  saints  Canons  et  des  droits  d'Antioche.  Ces  faits 
étaient  antérieurs  au  Concile  d'Éphèse  de  431.  Les  intéressés 
n'en  avaient  pas  parlé,  afin  de  ne  pas  mêler  des  questions  per- 
sonnelles au  bien  général  de  l'Église,  disent-ils  eux-mêmes  (3). 
Il  semble  plutôt  qu'ils  révèlent  ces  usurpations  de  Juvénal, 
pour  excuser  leur  propre  défection  et  celle  du  patriarche  Jean 
d'Antioche  au  concile  d'Éphèse.  Comment  pouvait-on  leur  re- 
procher de  s'être  séparés  de  Cyrille,  alors  que  celui-ci  semblait 
autoriser  par  sa  prudence  extrême  les  menées  ambitieuses  de 
Juvénal?  Qu'on  retranche  d'abord  Juvénal  du  sein  de  l'Église  et 
l'on  s'entendra  facilement  sur  l'erreur  de  Nestorius  ! 

Le  brigandage  d'Éphèse  en  449  devait  servir  autrement  les 
intérêts  cupides  de  Juvénal.  Par  politique,  il  se  jeta  dans  le 

(1)  Labbe  Concil.,  t.  III,  p.  482. 

(2)  .S'.  CyriUi  Epistola,  44,  M.P.G.,  t.  LXXVII,  col.  319. 

(3)  Labbe  Concil.,  t.  III,  p.  728. 


l'érection    du    l'ATItlAUCAT    DK    .IKIlUSALK.M,    451.  7)3 

parti  <le  Dioscore,  contribua  par  sa  présence  et  son  consente- 
ment tacite  au  meurtre  de  saint  Flavien  et  n'-ussit,  à  force  d'in- 
trigues et  d'habiletés,  à  faire  signer  par  les  évoques  fidèles  le 
blanc-seing  qui  absolvait  Eutychès.  La  récompense  de  ses  ma- 
nœuvres fut  le  titre  de  patriarche  et  la  juridiction  sur  les  trois 
Palestines,  la  Phénicie  et  l'Arabie,  dont  l'empereur  Thé'jdose  II 
le  gratifia  par  un  abus  de  pouvoir.  Il  s'arrogea  la  première 
place,  après  Dioscore  et  le  légat  du  Pape,  avant  Domnus ,  pa- 
triarche d'Antioche  et  son  ancien  clerc  au  monastère  de  saint 
Euthyme,  Flavien  de  Constantinople  et  d'autres  qui  pouvaient 
revendiquer  la  préséance.  Un  des  évèques  qui  l'accompagnaient, 
Alype  de  Bacatha,  déclara  Eutychès  absous  suivant  le  décret 
de  Juvénal,  noire  saint  archevêque. 

Deux  ans  après,  à  Chalcédoine,  les  rôles  étaient  changés. 
Juvénal  et  Dioscore,  appelés  à  la  barre  du  Concile,  avaient  à 
se  disculper  de  leurs  violences  et  de  leurs  perfidies.  Dioscore, 
le  brutal,  persévéra  dans  ses  erreurs,  fit  l'apologie  de  ses  actes 
et  se  vit  déposer.  L'habile  Juvénal  reconnut  sa  faute,  en  obtint 
le  pardon,  siégea  au  Concile  et  lui  demanda  de  ratifier  la  déci- 
sion de  Théodose  IL  Pressé  d'en  finir  avec  ces  débats  intermi- 
nables, et  craignant  de  tout  perdre  s'il  résistait  à  cet  adversaire 
intrigant,  Maxime  d'Antioche  entra  en  pourparlers  avec  lui. 
Trois  commissaires  impériaux  assistaient  aux  conférences.  Le 
21  octobre  451,  à  la  septième  session  du  Concile,  ils  deman- 
dèrent aux  deux  évèques  de  notifier  au  Concile  les  résolutions 
arrêtées,  pour  obtenir  la  confirmation  des  Pères  et  des  Em- 
pereurs. Maxime  répondit  qu'  «  après  de  longues  contestations, 
il  s'était  entendu  avec  Juvénal  pour  que  le  siège  de  saint  Pierre 
à  Antioche  eût  les  deux  Phénicies  et  l'Arabie,  et  pour  que  le  siège 
de  Jérusalem  eût  les  trois  Palestines  sous  sa  dépendance.  On 
demandait  au  Synode  de  ratifier  par  écrit  ce  traité.  »  Juvénal 
accepta  la  reconnaissance  authentique  du  Concile  pour  les  trois 
Palestines,  et  tous  les  évèques,  à  commencer  par  les  légats, 
ratifièrent  cette  décision. 

Cinq  jours  plus  tard,  le  31  octobre,  on  revint  sur  cette  af- 
faire dans  la  quatorzième  session.  Avec  l'appui  des  légats  du 
Pape,  on  prit  la  résolution  suivante  :  «  Les  deux  Phénicies, 
de  même  que  l'Arabie,  font  retour  au  siège  d'Antioche;  par 
contre,  les  trois  provinces  de  la  Palestine  appartiendront  au 


54  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

siège  de  Jérusalem  ».  Les  Actes  du  Concile  rapportent  ainsi  la 
décision  des  légats  :  «  Per  placitum  igitur  Maximi,  sanctissimi 
Antiochensium  civitatis  episcopi,  et  Juvenalis,  sanctissimi 
Hierosolymorum  episcopi,  facta  consensio ,  sicut  utriusque  at- 
testatio  declaravit,  firma  etiam  per  nostrum  decretum  et  sen- 
tentiam  sancti  concilii  in  omni  tempore  permanebit,  hoc  est, 
ut  Maximus  quidem  sanctissimus  episcopus,  seu  Antiochensium 
sanctissima  ecclesia,  duas  Phœnices  et  Arabiam  sub  propria 
habeatpotestate;  Juvenalis  autem  sanctissimus  Hierosolymorum 
episcopus,  seu  sanctissima  Ecclesia  qua3  sub  eo  est,  très  Pahes- 
tinas  itidem  sub  propria  habeat  potestate;  vacantibus  scilicet 
secundum  jussionem  et  religiosissimi  principis  omnibus  rébus, 
et  quocunque  modo  sacris  ab  utraque  parte  litteris  impetratis, 
insuper  et  mulctatione  qua3  in  eis  hujus  rei  causa  noscitur  con- 
tineri.  )>  Les  légats  avaient  auparavant  approuvé  et  confirmé 
le  traité  par  cette  clause  significative  «  Ad  hoc  autem  et  nos- 
traî  humilitatis  interlocutione  firmentur,  ut  nulla  in  posterum 
de  hac  causa  contentio  pra^dictis  ecclesiis  relinquatur.  » 

Les  débats  étaient  clos  par  la  confirmation  solennelle  et  défi- 
nitive des  prétentions  de  Juvénal.  Quant  au  métropolitain  de 
Césarée,  représenté  par  l'évêque  de  Minois,  personne  ne  songea 
à  prendre  sa  défense.  Diverses  causes  s'opposèrent  à  la  réalisa- 
tion immédiate  de  la  décision  du  Concile.  Lorsque  Juvénal  re- 
vint à  Jérusalem,  il  trouva  la  chaire  de  saint  Jacques  occupée 
par  un  moine  égyptien,  le  monophysite  Théodose,  qui  s'y  main- 
tint 20  mois,  451-453.  Enfin  les  troupes  impériales  l'aidèrent  à 
se  débarrasser  de  l'intrus.  Il  réunit  aussitôt  un  concile,  où  s'as- 
semblèrent les  évêques  des  trois  provinces,  notifia  les  décrets 
de  Chalcédoine  et  tous  y  apposèrent  leur  signature.  Le  métro- 
politain de  Césarée,  Irénée,  ratifia  lui-même  cette  décision  qui 
le  dépouillait  de  son  pouvoir  et  accepta  le  fait  accompli.  11  n'en 
fut  pas  de  même  du  patriarche  d'Antioche.  Les  légats  n'étaient 
pas  encore  de  retour  à  Rome,  qu'il  se  plaignait  à  saint  Léon  de 
Juvénal  qui  lui  avait  dérobé  trois  provinces  et  de  la  complai- 
sance des  légats  pontificaux  envers  son  adversaire.  Le  Pape  le 
maintint  dans  ses  droits  antérieurs  et  cassa  tout  ce  que  ses 
légats  auraient  pu  décréter  ou  permettre  de  contraire  aux  canons 
de  Nicée  qui  établissaient  Césarée,  métropole  de  la  Palestine  et 
Antioche  de  tout  l'Orient  :  «  Si  quid  sane  ab  his  fratribus  quos 


l'érection    du    l'ATHIARCAT    DE    .lÉRLSALE.M,     151.  ÔTj 

ad  sanctam  synodum  vice  mea  misi,  prjuter  id  quod  ad  causam 
fidei  pertinebat  gestum  esse  perliibetur,  nullius  erit  penitus 
firmitatis  :  quia  ad  hoc  taiilum  ab  apostolica  sunt  sede  directi, 
ut  excisis  liicresibus,  catliolica'  fidei  essent  defensores.  Quidquid 
enim  praster  spéciales  causas  synodalium  conciliorum  ad  exa- 
men episcopale  defertur,  potest  aliquam  dijudicandi  Iiabere  ra- 
tionem,  si  nihil  de  eo  est  a  sanctis  Patribus  apud  Nica-ani  defi- 
nitum.  Nam  quod  ab  illoruni  regulis  et  constitutione  discordât, 
apostolicaî  sedis  numquam  poterit  obtinere  consensum  (1).  » 
«  Nous  ne  voyons  pas  cependant,  ajouterons-nous  avec  Tille- 
mont,  que  ni  Maxime,  ni  saint  Léon,  ni  leurs  successeurs,  aient 
rien  entrepris  contre  cette  élévation  de  FÉglise  de  Jérusalem  : 
et  ses  évesques  ont  toujours  depuis  joui  paisiblement  de  la 
dignité  patriarcale  que  Juvénal  lui  avait  acquise.  L'évesque  de 
Césarée  conserva  le  titre  et  le  rang  de  métropolitain,  mais  avec 
peu  d'exercice,  puisqu'on  voit  que  celui  de  Jérusalem  ordonnait 
les  évesques  de  sa  province  (2) .  » 

En  451,  le  patriarcat  de  Jérusalem  était  donc  constitué  défini- 
tivement. Son  titulaire  devait  choisir  et  ordonner  les  métropo- 
litains inférieurs  de  Césarée,  de  Scythopolis  et  de  Pétra,  ainsi 
que  les  évoques  de  la  première  Palestine.  Césarée  demeurait 
toujours  la  métropole  de  cette  province  et  le  souvenir  de  son 
ancienne  suprématie  lui  valut  le  second  rang  dans  le  patriarcat. 
Cet  état  de  choses  est  encore  en  vigueur  de  nos  jours,  sauf  que 
Jérusalem  s'est  encore  attribué  quelques  sièges  de  l'Arabie  et 
de  la  Phénicie  maritime. 

Le  patriarcat  de  la  Palestine  s'étendait  sur  une  longueur 
d'environ  GOO  kilomètres  sur  90  à  100  de  largeur.  Il  avait  pour 
limites  :  au  Nord,  une  ligne  imaginaire  partant  du  Carmel 
pour  rejoindre  le  lac  Mérom,  aujourcVhui  Bah r-el-Hou lé  ; 

A  l'Est,  la  chaîne  de  montagnes  qui  clôt  la  plaine  du  Jour- 
dain et  la  route  de  la  Mecque  pour  la  seconde  Palestine; 

Au  Norcl-Est,  l'Arnon,  qui  séparait  la  troisième  Palestine  de 
la  province  arabique  avec  Bostra  pour  métropole  ; 

Au  Sud,  la  province  égyptienne  de  l'Augustamnique  à  la- 
quelle appartenait  Rhinocolure  ; 

A  l'Ouest,  la  grande  mer  ou  Méditerranée. 

(1)  Saint  Léon,  eod.  loc,  col.  lolô. 

{2)  Mémoires  pour  servira  l'histoire  ecclésiastique,  t.  XV,  p.  :205,  Paris,  1711. 


56  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Il  comprenait  environ  60  sièges  épiscopaux,  répartis  de  la 
sorte  entre  les  trois  provinces  : 

1.  Jérusalem,  siège  du  patriarcat. 

PALESTINE   PREMIÈRE. 

2.  Césarée  :  aujourd'hui  Kaisarié,  métropole. 

3.  Amathonte  :  Amaté  de  l'autre  côté  du  Jourdain,  vis-à-vis  Xaplouse. 

4.  Anthédon  :  Nezlc',  près  de  Gaza. 

5.  Antipatris  :  lias  el-A'in? 

6.  Archélaïs  :  Khivbet-el-Arakah,  entre  Jéricho  et  Phasaélis. 

7.  Ascalon  :  Askalan. 

8.  Azot  cavalière  :  Esdoud. 

9.  Azot  maritime  :  Mînet-el-Kalâa. 

10.  Béthélie  :  Bet-Lahia,  au  nord  de  Gaza. 

11.  Dioclétianopolis,  non  identifié. 

12.  Dora  :  Tantoura,  au  nord  de  Césarée. 

13.  Éleuthéropolis  :  Bet-Djibrin. 

14.  Gaza  :  Ghazzé. 

15.  Gadara  ou  Gédour  :  Tell-Djézer,  près  d'x\moas. 

16.  Gérara  ou  le  Sait  géraritique  :  Oum-Djarrar,  au  sud  de  Gaza. 

17.  Jamnia  :  Jehna,  au  sud  de  Japha. 

18.  Jéricho  :  Er-Biha. 

19.  Joppé  :  Japha. 

20.  Livias  :  Tell-er-Ramé,  de  l'autre  côté  du  Jourdain,  vis-à-vis  Jéricho. 

21.  Lydda,  Diospolis  ou  Georgiopolis  :  EI-Loudd. 

22.  Majuma  d'Ascalon. 

23.  Majuma  de  Gaza  ou  Constantiachis  :  El-Mtné. 

24.  Minoïs  ou  Madébéna,  près  de  Gaza, 

25.  Néapolis  ou  Sichem  :  Naboulous. 

26.  Nicopolis  :  Amoas. 

27.  Paremboles  ou  Castra  Sarracenorum,  entre  le  Khân   el-Ahmar  et  le 
Ouady-ed-Dabor,  à  droite  de  la  route  de  Jérusalem  à  Jéricho. 

28.  Raphia  :  Tell-Bifah,  au  sud  de  Gaza. 

29.  Sariphsea  :  Sarfend,  entre  Dora  et  Caïpha  ou  Es-Safirié,  près  Lydda. 

30.  Sébaste  ou  Samarie  :  Sêbnstié. 

31.  Sozousa  ou  ApoUonias  :  Arsouf,  au  nord  de  Japha. 

32.  Sycamazon,  district  de  Sycaminon  ou  Caïpha  avec  lequel  on  le  confond 
toujours,  se  trouve  entre  Rhinocolure  et  Raphia, 

33.  Zabulon  :  Abellin,  près  de  Chefr-Amr. 

D'autres  noms  cités  parfois  comme  Ono  :  Kafr-Ana,  près  de 
Lydda,  Toxos,  Tricomias  :  Terkoumic,  près  d'Hébronet  Penta- 
comias  :  Fandacoumié,  au-dessus  de  Sébaste,  n'ont  jamais  été 
des  sièges  épiscopaux.  ■ 

PALESTINE   SECONDE. 

34.  ScythopoUs  :  Beisa^i,  métropole. 


l'kkection  Dr  i'A'I'iiiarcat  dk  jkrusalk.m,  431.  57 

35.  Abiia  :  Kefr-Abil,  au-dessous  do  Pella,  sur  le  Ouady-Iahis. 

36.  Capitolias  :  Det-er-Ras,  de  l'autre  côté  du  Jourdain,  au-dessus  do  Irbid. 

37.  Diocésarco  ou  Séphoris  :  Saffourv-,  près  do  Nazareth. 

38.  Eksalous  ou  Casaloth  :  Iksal,  entre  le  'l'habor  et  Nazareth. 

39.  Gabai  ou  Gabata  :  Djrbata,  jjrôs  de  Jafla  de  Nazareth  ou  Djého,,  près 
d'Athlit,  sur  la  Méditerranée. 

40.  Gadara  :  Moukeix. 

41.  Hélénopolis,  non  identifié.  Ce  n'est  pas  le  Thabor,  comme  plusieurs  le 
pensent,  car  dans  une  liste  épiscopale  les  deux  noms  figurent  ensemble. 

42.  Hippos  :  Kalat-el-Hosn  ou  Sousié,  sur  la  rive  orientale  du  lac  de  ïibé- 
riade. 

43.  Maximianopolis,  l'antique  Iladad-Kimmon  :  Roummané,  prés  de  Mageddo. 

44.  Pella  :  Tabakat-Faliil,  vis-à-vis  Beisan. 

45.  Tibériade  :  Tabarié. 

D'autres  noms,  cités  dans  de  prétendues  listes  épiscopales, 
n'ont  jamais  été  des  sièges  épiscopaux.  Ce  sontClima-Gablanis  : 
El-Djôlan  au-dessous  de  Nilakomé,  Kapar-Kotia  :  Kafr-Coud 
au-dessous  de  Djennin,  Komé-Naïs  :  probablement  Naïm  et 
Mir     :  Mérou  près  de  Bet-er-Ras. 

PALESTINE   TROISIÈME. 

46.  Pétra  :  Ouady-Moussa,  métropole. 

47.  Achis  :  Er-Rasif,  entre  Bosra  d'Edom  et  Thana. 

48.  Arad  :  Tell-Arad,  dans  le  désert  d'Hébron,  au  dessous  de  Maïn. 

49.  Aréopolis  :  Rabba,  dans  la  plaine  de  Moab. 

50.  Ariudéla  :  Gharandel,  à  l'est  d'Achis. 

51.  Augustopolis  :  Dhât-Rass? 

52.  Bacatha,  non  retrouvé.  Une  métrocomie  de  ce  nom  existait  près  de  Phi- 
ladelphie, dans  l'Arabie. 

53.  Ela,  sur  le  golfe  de  ce  nom  :  Ahaba. 

54.  Elusa  :  El-Khalasa,  dans  le  désert  de  Bersabée. 

55.  lotaba,  évéché  bédouin  :  He  de  Tiran,  au  fond  du  golfe  élanitique. 

56.  Karac-.Moba,  Tantique  Kir-Moab  :  El-Kérac. 

57.  Pharan,   évéché  transporté  au  mont   Sinaï   et  devenu   autocéphale , 
Khirbet  Feiran,  dans  le  ouady  de  ce  nom. 

58.  Phounon  :  Khirbet  Fenân,  dans  la  gorge  de  Thana. 

59.  Zoara  ou  Ségor  :  Es-Safié,  au  sud-ouest  de  la  mer  Morte. 

Deux  autres  noms  figurent  dans  certaines  listes  épiscopales, 
sans  avoir  été  des  évèchés.  Ce  sont  Bersabée  :  Bir-es-Séba,  la 
frontière  méridionale  de  la  Palestine  et  Mampsis,  au  sud  de 
Kournoub  dans  le  désert  de  Siméon. 

Cadi-Keuï  P.  Siméon  Yailiié, 

des  Augustins  de  r.Assomption. 


LETTRE  INEDITE 

DU  R.  P.  JEAN  DE  CAMILLIS  DE  CHIO 


SUR    LA 


MISSION  DE  LÀ  CHIMÈRE 


Les  renseignements  que  l'on  peut  glaner  çà  et  là  concernant 
La  Chimère  (1),  petit  district  situé  sur  la  côte  occidentale  de 
l'Albanie,  sont  rares  et  peu  explicites.  D'ailleurs,  ce  canton 
abrupt  n'a  pas  encore  été,  que  nous  sachions,  l'objet  d'une 
exploration  véritablement  sérieuse.  Ce  que  l'on  en  connaît  se 
borne  à  de  maigres  détails  donnés  par  des  voyageurs  ou  de 
simples  touristes,  qui  l'ont  aperçu  de  loin,  du  pont  de  quelque 
bateau.  Se  copiant  les  uns  les  autres,  sans  la  moindre  ver- 
gogne, ils  ont  répété,  durant  des  siècles,  les  mêmes  inexac- 
titudes. 

Le  district  de  La  Chimère  était  jadis  beaucoup  plus  étendu 
et  comprenait  un  nombre  considérable  de  villages;  mais,  par 
suite  d'un  remaniement  administratif  déjà  ancien,  une  nota- 
ble portion  de  ce  territoire  en  a  été  distraite  et  rattachée  au 
gouvernement  de  Delvino;  de  sorte  que,  à  l'heure  actuelle,  les 
villages  chimériotes  proprement  dits  sont  réduits  à  sept, 
savoir  :  La  Chimère,  Brimades,  Paliassa  (ou  Paliatsa),  Vounos, 
Pylouri,  Coudési  et  Kiparon,  ces  quatre  derniers  habités  par 
des  Albanais  (2). 

Le  bourg  de  la  Chimère,  éponyme  du  canton,  compte  tout 
au  plus  800  habitants,  et  non  pas  1.300,  comme  l'indique  la 


(1)  En  grec  Xîixatpa,  Xi[j.âpa  et  (fautivenioiit)  X£t|;.àppa. 

(2)  P.  Aravantiuos,  Xpovaypx^îa  xy,;  'Hrtsîpo-j,  t.  II  (Athènes,  185G,  8°),  p.  178. 


Le  R.  p.  Jkan  dk  Camillis  de  (_'hiu  ; 
d'après  le  portrait  à  l'huile  conservé  au  Collège  grec  de  Rome. 


lp:ttre  inédith  du  ir.  i\  jeax  de  camilms  di-;  (,ino.      50 

carte  de  l'ingénieur  F.  Bianconi  (1).  On  y  trouve  une  école  mu- 
tuelle fréquentée  par  une  cinquantaine  d'élèves. 

Drimadès  compte  environ  800  habitants  et  possède  une 
école  mutuelle  hellénique,  fréquentée  par  une  centaine 
d'élèves. 

Paliassa  (ou  Paliatsa)  a  environ  400  habitants.  Pas  d'école. 

Vounos  possède  environ  800  habitants  et  une  école  mutuelle 
que  fréquentent  80  élèves. 

Pylouri  compte  200  habitants;  Coudési,  200  habitants  ;  Kipa- 
ron,  900  habitants.  Aucun  de  ces  trois  derniers  villages  ne 
possède  d'école  (2). 

Le  D""  Emile  Isambert  nous  apprend  (3)  que  les  villages  de 
La  Chimère,  «  perdus  au  milieu  d'une  région  de  roches 
nues  et  d'inextricables  ravins,  étonnent  le  voyageur  par  la  vé- 
gétation toute  méridionale  de  leurs  petits  jardins  suspendus, 
où  l'olivier,  l'oranger,  le  citronnier  et  même  le  palmier  crois- 
sent à  l'abri  des  précipices.  On  y  trouve  une  population 
active,  intelligente,  plus  intéressée  que  véritablement  inhospi- 
talière, qui  s'est  enrichie  en  s'expatriant  et  en  se  mettant  en 
service  dans  les  grandes  villes  de  l'Orient.  Ils  se  livrent  au 
commerce,  et  presque  chaque  bourgade  a  son  échelle  sur  la 
mer  et  sa  flottille  de  caïques  tirée  sur  le  sable.  Aussi  trouve- 
t-on,  dans  ces  populeux  villages,  une  abondance  et  même  re- 
lativement un  confortable  qu'on  chercherait  vainement  dans 
l'intérieur  du  pays  ». 

Le  voyageur  Jean  Cotovic  raconte  (4)  que  ce  fut  en  L590, 
date  à  laquelle  il  se  trouvait  à  Corfou,  que  les  Chimériotes, 
qui  avaient  jusqu'alors  vécu  indépendants,  se  virent  contraints 
de  faire  leur  soumission  aux  Turcs.  Décimés  par  la  peste  et  la 
famine,  ces  infortunés  montagnards  voulurent  se  rendre  à 
Corfou,  selon  leur  habitude,  pour  y  acheter  des  vivres;  par 
malheur,  les  autorités  vénitiennes  non  seulement  leur  en  re- 
fusèrent, mais  encore  leur  interdirent  l'entrée  du  port  et  les 
firent  pourchasser   par  leurs  galères.   Un    décret  fut  même 


(1)  Carte  iV Albanie  et  cVÊpire,  4<=  édition  (Paris,  Chaix,  1888,  4o). 
(i)   'EnETTipt;  ToO  èv   KII.  -ii-î'.pwrixoù  oi),*xua'.Oc'JTticoO    aviXXôyou,  eto;  [i  .  1873-18(4 
Kn.  1875,  4°j,  p.  190. 

(3)  Itinéraire  de  l'Orient  (Paris,  Hachette,  1873,  8"),  p.  853. 

(4)  Ilinerariumhierosolymitanum  et  syriacum  (Anvers,  161.9,  4°),  p.  55- '20. 


60  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

rendu  qui  défendait,  sous  peine  de  mort,  aux  habitants  de 
Corfou  d'accueillir  un  Chimériote  dans  l'île.  Aussi  impitoya- 
blement repoussés,  les  Cliimériotes  durent,  bon  gré  mal  gré, 
se  soumettre  aux  Turcs;  ils  leur  donnèrent  des  otages  et  con- 
clurent, avec  le  gouverneur  de  l'Épire,  un  traité  en  vertu  du- 
quel il  leur  était  permis  de  pénétrer,  sans  avoir  de  vexations  à 
craindre,  sur  le  territoire  ottoman  pour  s'y  procurer  des  sub- 
sistances. 

Hâtons-nous  d'ajouter  que,  pendant  de  nombreuses  années, 
cette  soumission,  imposée  par  les  circonstances,  fut  plutôt  no- 
minale que  réelle  (1). 

Au  dix-septième  siècle,  la  Congrégation  de  la  Propagande 
s'occupa  d'évangéliser  les  agrestes  populations  de  La  Chimère. 
Elle  choisissait  généralement  ses  missionnaires  parmi  les 
élèves  du  Collège  grec  de  Rome.  Plusieurs  d'entre  eux  sont 
bien  connus.  Citons  Néophyte  Rhodinos  (2),  Arcadius  Stani- 
las  (3),  qui  devint  évêque  de  Musachia  et  Spatia,  et  Jean  de 
Camillis,  auteur  du  document  que  nous  publions  plus  loin.  De 
temps  à  autre,  ces  missionnaires  envoyaient  à  la  Propagande 
des  relations  détaillées  sur  la  situation  du  pays  qu'ils  étaient 
chargés  d'administrer  spirituellement.  Ces  précieux  documents 
sont  malheureusement  d'un  accès  difficile  ou,  pour  parler 
d'une  façon  plus  exacte,  inabordables.  Enfouis  dans  les  cartons 
des  Archives  de  la  Propagande,  ils  attendent  que  Sa  Sainteté 
Léon  XIII  daigne  autoriser  les  travailleurs  consciencieux  à 
les  compulser.  Puisse  le  vénérable  pontife,  qui  a  déjà  tant 
fait  pour  l'avancement  des  sciences  historiques,  accorder  cette 
autorisation!  Elle  rendrait,  en  particulier,  un  éminent  service 
aux  érudits  qui  s'occupent  des  pays  grecs  ou  albanais,  concer- 


(1)  Ce  fut  seulement  en  1798  que  les  Chimériotes  furent  réduits  à  l'obéissance 
par  le  fameux  Ali  de  Tébélen,  pacha  de  Janina.  Voir  Sp.  Aravantinos,  'laxopia 
'AlYi  Uxaa.  xoù  TeTreXev).^  (Athènes,  1895,  8»),  p.  95-97. 

(2)  Voir  la  notice  que  nous  lui  avons  consacrée  dans  notre  Bibliographie  hellé- 
nique du  XVIP  siècle,  t.  III,  p.  289-302. 

^3)  Jean-André  (prénoms  baptismaux),  plus  tard  Arcadius  (prénom  épiscopal) 
Stanilas  était  Cretois.  Fils  de  Jean  Stanilas  et  d'Anne  Andronicos,  il  entra  au 
Collège  grec,  le  l^""  août  1655,  avec  dispense  d'âge,  car  il  avait  alors  dix-neuf  ans. 
Ordonné  prêtre,  le  2  mars  1659,  il  quitta  le  Collège,  le  2  juin  1660,  et  fut  envoyé 
dans  les  missions  de  Grèce  (Archives  du  Collège  grec  de  Rome,  t.  XIY,  f.  23).  Il 
vivait  encore  en  1690. 


LETTRE    INÉDITE    DU    U.    P.    JEAN    DE    CA.MILLl.S    DE    illlu.         01 

nant  lesquels  les  documents  sont  si  rares,  surtout  pour  les  trois 
derniers  siècles. 

Tout  en  souhaitant  la  réalisation  de  ce  vœu,  nous  croyons 
utile  de  publier  une  lettre  écrite  de  Drimadès,  en  IGOiS,  par 
Jean  de  Camillis  et  adressée  au  recteur  du  Collège  grec  de 
Rome.  On  y  trouve  quelques  particularités  curieuses  sur  la 
population  de  La  Chimère,  que  ce  prêtre  avait  reçu  mission 
d'évangéliser. 

Mais,  avant  de  publier  ce  document,  on  nous  permettra  de 
consacrer  à  son  auteur  une  courte  notice. 


Jean  de  Camillis,  fils  de  Stamatis  de  Camillis  et  de  Pluma 
Maïnerio,  naquit  à  Chio,  le  7  décembre  1641  (1).  11  entra  au 
Collège  grec  de  Rome,  le  26  mars  1656,  et  présenta,  lors  de  son 
admission,  le  certificat  ci-dessous,  dont  nous  respectons  l'or- 
thographe fantaisiste  : 

G~'qkz  y.y).  àcpso'xaT?;.;  XpicTcD  è%XX"/i(7iocç(2)y,al7:a(7iç  ti;;ï7,S'j[j.£vi:;tov  opOs- 
Si^wv  "/pt(7Tiav(Jv,  ty;v  àyia  cyç  yr^px  àa-yZdiixxi  èyôj  va-ivw;  Izpix^ 
—  {;j.(i)v,  zapay.aAwvTaç  Tov  ;x::avTso{v3:;j.wv  1[j.mv  I-^o-cuv  Xpi7-::v  va  T'r;  zix- 
çuXâiTTY;  «7:0  Trav-wç  ky^po^  tIç  •/;[j.bv  y.af^oKr^'A'.q  y.al  àKOffTCAA-^y.ol;  ivSkr,- 
ciy.q,  o(o(j)[j.£v  ayq  îr^aiv  xo)  tcwç  à6a--"(^aa  kyo)  o  Ta-^iva)?  oojXo^  ax:  -:bv 
'Iwavvrjv  -Ï2V  Iwv  Tou  ^TXitÀx-Q  NT£"/.a[;/riÀ'/)  elq  -o)  [j,wvaff'i'/^pto)v  t1;  0sc- 
-ôy.cu  -ziq  iv  zr,  ôsai  tou  zaXeoy.ào-tpo'j  ôvo[;.a!^tô[j.aiviç  0^iyr,-p'.xq,  '.[j.ipx 
GCtôaTOi  1641  o2y,at8p'Io'j  7,  xal  It^*/]  ffaç  -bv  jj-apT-Zipo)  ypr,G-riX'nir/  pwij.sov, 
y.al  à  avâco)^w;  «j-ou  [;..  Msvl^  ^wsr^ETOç,  îl;;  cVo*/;^iv  TcavTC;  tou  zpe- 
aSr^Tspt'o'j  ao'j  t"^^  £v  XpiaTW  "^[j.wv  àosX'^onr^TOç. 

•f  Upsùç   2l!''iAa)v  FaX^TOuXaç  XiÔtiç  '.TroYpisw  ;-'-c  to  '.'oto)v  yipr,. 

(1)  Cette  date  est  donnée  par  le  Registre  d'entrées  (Arcli.  du  Coll.  groc  t.  XIV, 
f.  24)  comme  étant  celle  de  la  naissance  de  Jean  de  Camillis;  mais,  comme  on  le 
voit  par  l'acte  grec  publié  ici  même,  c'est  en  réalité  la  date  à  laquelle  l'enfant 
reçut  le  baptême,  lequel,  d'après  l'usage  de  l'église  grecque,  n'est  souvent  admi- 
nistré que  plusieurs  mois  après  la  naissance. 

(2)  L'accentuation  de  ce  document  est  fort  défectueuse.  Nous  n'y  avons  rien 
changé. 


62  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Noi,  Andréa  Soffiano,  per  grazia  d'Iddio  e  délia  santa  Sede 
Apostolica  vescovo  di  Scio,  facciamo  fede  qualmenteil  soprano- 
minato  sacerdote  Simeone,  il  quale  ha  battezzato  Gio.  figliolo 
de  Camili  fù  et  è  sacerdote  di  rito  greco  di  buona  fama  e  con- 
dittione,  e  tra  gl'  altri  parochi  approbato  dall'  illustrissimo  suo 
metropolita,  aile  cui  attestationi  e  sottoscrittioni  si  puote  iiidu- 
bitamente  dar  piena  fede,  ovunque  capitarano  qiieste  nostre. 

Dato  in  Scio,  11  17  febraro  1653. 

Loco  t  sigilli.  ANDREA,  vesc.  di  Scio. 

Nicolaus  de  Porte,  notarius  et  cancellarius. 
{Au  dos  :)  Fede  del  battesimo  di  Gio.  de  Camilli  da  Scio  (1). 

Jean  de  Camillis  fut  ordonné  prêtre  au  Collège  grec,  à  l'âge 
de  vingt-cinq  ans  (2),  et  y  obtint,  le  12  octobre  1668,  son  di- 
plôme de  docteur  en  philosophie  et  en  théologie  (3).  11  quitta 
l'établissement,  le  15  octobre  1668,  et  fut  envoyé  par  la  Pro- 
pagande évangéliser  le  canton  de  La  Chimère  (4).  Après  y 
avoir  passé  quelques  années,  il  retourna  à  Rome  et  fut  nommé 
procureur  général  des  moines  basiliens  de  toute  la  Russie  (5). 
Ce  fut  sans  doute  alors  que,  devenu  moine,  il  échangea  son 
prénom  de  Jean  contre  celui  de  Joseph. 

Sur  les  instances  de  Cyprien  Zochowski,  métropolitain  uni 
de  Kiev  et  de  toute  la  Russie,  Joseph  de  Camillis  obtint  du 
pape  Innocent  XI  une  charge  viagère  de  scribe  à  la  Vaticane  (6). 
Il  reste  une  trace  au  moins  de  son  passage  dans  cette  célèbre 
bibliothèque;  c'est  la  fin  d'un  inventaire  des  manuscrits  grecs 
de  la  Palatine,  lequel  est  ainsi  intitulé  :  Inventarium  graeco- 
rum  codicum  manu  scriptorum  Bibliothecae  Palatino-Vati- 
canae  inceptum  a  Josepho  de  Juliis  et  finitum  a  P.  Josepho 

(1)  Archives  de  Collège  grec,  t.  XIV,  f.24;  et  t.  VII,  f.  152. 

(2)  Nicolas  Nilles,  Symbolae  ad  Ulustrandam  hisloriam  ecclesiae  orientalis  in  terris 
Coronae  S.  Stephani  (Innsbruck,  1885,  8°),  t.  II,  p.  855. 

(3)  Archives  du  Collège  grec,  t.  III  (non  folioté).  Il  n'existe  pas  de  diplôme  spécial 
au  nom  de  Jean  de  Camillis,  mais  un  diplôme  intitulé  Privilégia  deW  addotto- 
ramento  di  Ferdinando  Rizzi  e  Gio.  Camilli,  et  dans  lequel  figure  le  nom  du 
premier  seulement.  Faut-il  en  conclure  que  la  soutenance  des  deux  candidats 
porta  sur  les  mêmes  matières? 

(4)  Archives  du  Collège  grec,  t.  XIV,  f.  24. 

(5)  Nicolas  Nilles,  op.  laud.,  t.  II,  p.  856. 

(6)  Nicolas  Nilles,  op.  laud.,  t.  II,  p.  856. 


LETTIIK    INEDITE    DU    li.    P.    JEAN    DE    CA.MILLIS    DE    Cillu.  03 

de  Camillis,  scriplorihus  r/raecis,  sub  iUustrissimo  domino 
Emanuele  a  Schclstraie,  liibliothecae  Vaticanae  praefecto  (1). 

Dans  la  suite,  Joseph  de  Camillis  fut  promu  évêque  de  Sébaste 
in  partibus,  puis  nommé  évêque  de  Munk/ics,  en  Hongrie,  où 
il  fut  installé  le  20  avril   1690  (2).    Il  mourut  en  1706  (3). 

Il  publia  un  ouvrage  en  italien  intitulé  La  Vita  divina 
rltrovata  frà  terniini  del  Tutto  e  del  Nu/ fa  (Rome,  1677, 
in-8");iira  dédié  à  Cyprien  Zochowski,  métropolitain  uni  de 
Kiev  et  de  toute  la  Russie,  lequel  avait  été  son  condisciple  au 
Collège  grec  (4).  Il  avait,  en  outre,  composé  six  autres  ouvrages 
en  grec,  qui  étaient  prêts  pour  l'impression  (5). 

Notons,  pour  finir,  une  particularité  qui  intéresse  tout  spé- 
cialement notre  pays.  Dans  le  manuscrit  38-21  de  la  biblio- 
thèque du  Chapitre  de  Tolède,  on  trouve,  à  la  page  27,  en 
lettres  rouges,  sur  fond  d'or  et  avec  de  nombreux  ornements  : 
Epistola  Dom.  II  post  Pasch.  in  canonizatione  S.  Francisai 
de  Sales,  episc.  Genev.,  celebrata  pei^  SS.  in  Christo  pafrem 
et  d.  n.  Alexandrum  VII,  pont.  opt.  max.  pontificatus  siii 
an.  XI,  a  d.  loanne  de  Camillis  Chio,  coll.  gra3C.  alumno,  de- 
cantata,  anno  Domini  MDCLXV,  XIX  aprilis  (6). 


II 


Voici  maintenant  la  lettre  de  Jean  de  Camillis  au  recteur 
du  Collège  grec  de  Rome  : 

(l)Curzio  Mazzi,  Leone  Allacci  e  la  Palatina  di  Heidelberg  (Bolojj:ne,  1893,  8"), 
p.  163,  note  5.  —  Dans  une  supplique  adressée  au  pape  Benoît  XIII,  Michel  de  Ca- 
millis, neveu  de  Jean  (Joseph)  de  Camillis,  nous  apprend  que  son  oncle  fut, 
pendant  dix-huit  ans,  scribe  delà  Vaticane  (Arch.  du  Collège  grec,  t.  VI,  f.  282). 
D'après  le  même  clocument,  Antoine  de  Camillis,  évêque  de  Milo,  était  frère 
de  Jean  (Joseph). 

(2)  Nicolas  Nilles,  op.  laud.,  t.  Il,  p.  854. 

(3)  Dans  le  document  cité  plus  haut  (note  2),  Michel  de  Camillis  affirme  que 
son  oncle,  étant  évêque  de  Munkâcs,  «  converti  alla  santa  fede  quatrocento  vilagi 
in  circa  con  haver  soferto  varie  persecutioni  dalli  Greci  scismatici  con  iiericolo 
délia  propria  vita,  volendo  sino  incendiarli  la  propria  abitatione  ■>. 

(4)  Une  description  plus  ample  de  ce  rarissime  ouvrage  se  trouve  dans  le  tome  Y 
de  notre  Bibliographie  hellénique  du  AT//"  siècle,  lequel  sera  très  prochaine- 
ment mis  sous  presse. 

(5)  Nicolas  Nilles,  op.  laud.,  t.  II,  p.  856. 

(6)  Charles  Graux  et  Albert  IMartin,  Notices  sommaires  des  mss.  ffre:s  d'Espa- 
gne et  de  Portugal  (Paris,  1892,  8"),  p.  260. 


64  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Molto  revereiido  Padre  e  padrone  mio  osservandissimo, 
Alli  20  di  maggio,  primo  giorno  délia  santissima  Pentecoste, 
arrivai  a  Drimades,  per  gratia  del  Signore,  sano  e  salvo  senza 
alcun  sinistro  incontro  per  la  strada,  con  tulto  che  questo  mare 
sia  al  présente  molto  infestato  da  corsali,  dove  fui  con  gran 
carità  et  amore  accolto  dall'  illustrissimo  monsignore  Arcadio 
Stanilla  et  allogiato  in  sua  casa,  la  quale,  ancor  che  sia  délia 
persona  più  principale  di  questa  terra,  non  consiste  in  più 
che  in  una  sol  caméra  vecchia  e  si  ruinata  che  in  fmo  li  scar- 
pinelli  di  Roma  haverebbero  vergogna  d'habitarvi .  In  essa  vi 
dorme  il  monsignore,  io  et  il  padrone  su  il  pavimento.  Hà  per 
anticamera  un  cortiletto  largo  non  più  d'una  canna,  il  quale, 
la  notte,  serve  per  habitatione  de  bovi  et,  il  giorno,  délie  gal- 
line.  Io,  a  dirgli  il  vero,  in  questo  poco  tempo  che  sono  stato 
col  monsignore  per  le  cose  che  vidi,  ho  assai  amirato  la  sua 
patienza  e  virtù.  Apena  egli  è  levato  la  matina  a  bon  hora 
che  comincia  ad  empirsi  la  sua  casa  di  gente,  la  quale  a 
lui  corre  non  per  portargli  mai  alcuna  cosa  in  dono,  o  pre 
passare  con  lui  termini  d'amicitia  e  di  creanza,  ma  solo  per 
tribularlo  e  per  chiederli  chi  una  cosa  e  chi  un  altra.  Il  po- 
vero  monsignore,  con  tutto  che  habbia  assai  da  fare  per  es- 
sere  molto  inclinato  allô  studio  et  alla  fatica  literale,  e  per 
avère  alcune  opère  assai  dotte  et  utili  da  stampare  per  le 
mani,  lascia  quello  che  molto  desidera  di  fare  per  dar'  orec- 
chie  alla  gente  importuna  e  renderli  sodisfatti  ;  di  quella  poca 
provisione  che  la  Sagra  Congregatione  gli  manda,  pochissimo 
se  ne  retiene  per  se,  dando  il  restante  agli  altri.  Io,  con  la 
mia  venuta,  gli  portai  cento  diciotto  scudi  et,  in  termine 
d'una  settimana,  ne  distribui  più  di  ottanta,  parte  in  dono  e 
parte  in  prestito.  Ma  la  gente  è  cosi  barbara  et  indiscreta 
che  non  riconosce  la  sua  bontà;  ma,  quello  che  è  pura  carità 
e  cortesia,  pensa  che  sia  débite  et  che  non  ad  altro  fine  sia 
in  queste  parti  venuto  che  per  mantenerle  con  li  suoi  denari. 
Sono  assai  malcreati  e  scostumati,  vano  scalzi  e  mezo  nudi; 
e,  per  essere  il  luogo  tutto  montagnioso  e  sassoso  in  modo 
che  non  si  trova  una  cana  di  terra  netta,  pochissimo  frutti- 
fica,  per  il  che  la  gente  è  estremamente  povera;  dal  che  ne 
viene  che  sono  interessatissimi,  et,  il  mezzo  più  efficace  per 
moverli  a  quello  che  si  vuole,  è  l'intéresse.  Molta  parte  delP 


LETTIIK    INLIUITK    IMJ    I!.    I'.    .lEAX    I)K    «'A.MILLIS    DE    CHIM.  G.J 

anno  mangiano  pane  ô  di  orzo  6  di  miglio;  et,  al  présente, 
régna  caristia  si  grande  che  non  si  trova  a  latto  ne  pane,  ne 
vino,  ma  si  nodriscono  solo  di  latte,  di  cascio  e  d'un  poco  di 
carne. 

Sono  naturalmente  assai  generosi  et  inclinati  alla  guerra, 
dal  che  ne  viene  che  d'altra  cosa  magiormente  non  si  delet- 
tano  che  délie  armi  e  che  con  tutto  il  mondo,  per  dir  cosi, 
sono  inimici.  Sono  inimici  con  li  Latini,  sono  nemici  con  li 
Turchi,  e  sono  inimici  fra  di  se,  in  maniera  che  un  casale  si  per- 
guita  con  Taltro,  corne  li  Christiani  si  perseguitano  con  li  Tur- 
chi ad  essi  confmanti.  E  non  vi  è  altro  modo  per  pacificarli  che 
ô  una  grandissima  somma  di  denari  ô  il  braccio  del  Signera 
Iddio. 

lo,  quando  arrivai  soto  Cimara,  poco  mancô  che  fossi  archi- 
bugiato;  perché,  subito  che  li  Cimarrioti  videro  la  nostra  barra, 
calarono  giù  con  li  moschetti  e,  se  non  fussimo  fuggiti,  c'ha- 
verebbero  agiustati  molto  bene,  e  questo  non  per  inimiciziache 
havesserocon  noi,  ma  o  per  loro  bestiale  capriccio  o,  come  c'ha 
detto  un  loro  sacerdote,  per  invidia  ch'  havevano  fra  di  se, 
acciô  molti  non  vendessero  le  loro  mercantie,  le  quali  in  al- 
tro non  consistono  che  in  jande  (1),  e  per  comprarle  ivi  era 
andata  la  nostra  barca. 

Quando  in  queste  parti  si  seppe  il  mio  arrivo,  tutti  si  ra- 
legrarono,  e  le  principali  terre  di  questa  provincia  mandarono 
a  cercarmi  e  cominciarono  fra  di  se  a  litigare  per  havermi; 
ma  poco  capitale  io  fo  del  loro  amore,  perché  conosco  che 
hanno  poca  fermezza  nelle  loro  opère,  e  temo  grandemente 
che  io  ancor  non  habbia  a  dire,  nel  fine  délia  mia  missione, 
quello  che  d.  Neofito  Rodino,  huomo  da  tutti  predicato  per 
uno  dei  più  dotti  e  santi  che  habbia  cavato  il  Coîlegio,  disse, 
dopo  Otto  anni  di  fatica  nel  coltivar  questa  gente,  cioè  che 
ho  seminato  nelF  arena,  perché  li  vedo  pochissimo  inclinati 
alla  pietà  e  pochissimo  disposti  alla   virtù  et  alla  sapienza. 

La  Sagra  Congregatione  ha  promesso  di  fabricare  quanto 
prima  in  questa  terra  una  chiesa  et  un  monasterio,  il  quale 
serva  per  habitatione  de'  missionanti;  et,  accio  che  la  robba 
non  si  perda,   sarà  necessario   che  sempre   qui   manteghino 


(1)  C'est-à-diro  ghiande,  glands,  valloiiéc 

ORIENT   CHRÉTIEN. 


66  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

uno  0  due  missionanti  assai  bene  raccomandati  ail'  arcives- 
covo  et  alli  signori  di  Corfù,  senza  l'amicizia  delli  quali  questo 
paese  non  puol  mantenersi,  corne  è,  al  présente,  monsignor 
Arcadio,  il  quale,  per  questa  cagione,  fà  quelle  che  vole  con 
essi,  essendo  che  essi  non  da  altro  si  movono  che  o  dolla 
santità,  o  dal  timoré,  o  dall'  interesse.  Il  pensiero  non  v'è 
dubio  che  è  assai  bono;  e,  suposto  che  la  Sagra  Congregatione 
vol'  assolutamente  mantenere  questo  luogo,  non  solamente  è 
bene  metterlo  in  essecutione,  ma  è  affatto  necessario;  e,  se 
non  lo  faranno,  non  occorre  che  pensino  di  seguitar  più 
questa  missione,  perché  tutti  questi  stanno  assai  quieti  e 
pacificati  per  tal  promessa  e,  quando  poi  non  ne  vedessero 
gl'  effetti  salirebbero  in  furia  si  grande  che  non  lascia- 
rebbero  più  stare  in  questi  luoghi;  ma  quello  che  mi  dis- 
piace  è  che,  fmita  che  sarà  la  fabrica,  à  me  ordinaranno  che 
stii  perpetuamente  in  essa.  lo  con  la  Sagra  Congregatione 
sempre  voglio  portarmi  con  somma  riverenza  et  ossequio,  ma 
vorrei  che  anch'  essa  si  compiaccia  di  dare  anche  a  me  questo 
gusto,  il  quale  altro  non  è  che  concedermi  dopo  il  corso  di 
questi  tre  anni  la  libertà  d'andare  dove  voglio,  massime  che 
questo  per  altro  non  si  deve,  et  io  per  altro  non  lo  desidero  che 
per  servirla  con  gusto  molto  maggiore. 

Con  tutto  che  ci  siano  li  mali  in  questa  provincia,  non 
mancano  pero  anche  li  suoi  béni.  Hanno  anche  questi  béni 
da  essere  invidiati  da  moltissime  parti  del  mondo.  Quanto 
al  naturale,  l'aria  di  questi  luoghi  è  perfetissima,  l'acque 
eccelentissime  e  li  frutti  di  molta  perfettione,  benchè  assai 
pochi  per  essere  luogo  tutto  pietroso.  La  gente  è  generosis- 
sima  e  molto  capace  per  riuscire  in  ogni  cosa.  Se  non  ot- 
timi,  almeno  boni,  et  intanto  régna  in  essi,  al  présente,  tanta 
inciviltà  e  barbarie,  perché  non  hanno  superiori,  né  governo, 
né  coltura  di  sorte  alcuna  e  sono  in  una  somma  povertà.  Quanto 
al  morale  poi,  sono  di  molta  semplicità,  fideli,  massime  la 
gente  di  questa  terra,  e  pochissimi  sono  li  vitii  che  in  essi 
regnano,  et  il  monsignore  m'ha  detto  che  moite  volte,  fra 
cento  che  confessarà,  apena  trova  tre  che  habbiano  peccato 
mortale;  per  il  che  più  stima  egli  fà  d'un'  anima  di  queste 
che  di  cento  d'altre  parti. 

Questa   poca   e  superficiale  notitia  io  gl'   ho    voluto   dare 


LETTIIK    INÉDITK    DU    U.    I'.    JEAN    DE    (JA.MILLIS    DE    CIIIO.  67 

per  adesso,  sapendo  clio  note  non  gli  sono,  accio  vedano 
quale  è  quello  che  qui  si  patisce  da  noi,  e  qualc  è  il  luogo  clie 
si  prese  la  Sagra  Congregatione  a  coltivare;  ma  questo  non  è 
niente  rispetto  a  quello  che  sentira  quando  il  monsignore  li 
mandarà  una  compita  relatione  di  tutte  le  cose  che  succes- 
sero  dal  principio  che  si  coniinciô  questa  missione,  che  in  ha 
promesse  assolutamente  di  tare  quanto  prima  per  darmi  gusto. 
E,  per  questa  cagione,  io  non  voglio  più  scrivergli  altro, 
acciô  che  la  relatione  che  poi  gli  mandaro  non  gli  sia 
vecchia  e  tediosa;  ma  solo  la  supplico  che  si  voglio  ricor- 
dare  di  me  e  che  preghi  il  Signore  Iddio  acciô  si  degni 
concedermi  patienza,  perseveranza  e  virtù  taie  che,  con 
frutto  e  seconde  il  suo  santo  volere,  io  consumi  questi  tre 
anni  di  missione. 

Li  Cimariotti  ultimamente  c'hanno  mandate  a  scrivere  con 
preghiere  e  moite  minaccie  ch'  andassi  da  loro  a  far  scuola, 
ma  io  restarb  in  Brimades,  perché  cosî  habiamo  giudicato 
meglio  col  monsignore  per  moite  ragioni,  e  venga  quello  che 
si  voglia  (1). 

Io  intanto  fmisco  baciandogli  humilmente  le  mani,  e  quello 
che  haverrà  Io  scrivero  apresso. 

Da  Brimades,  li  13  giugno  1068. 

Bi   V.    Reverenza  affetionatissimo  et   obligatissimo    serve, 

Giovanni  Camillo  (2). 

Nous  devons  faire  observer  que,  de  toutes  les  lettres  de 
Jean  de  Camillis  que  nous  possédons,  celle-ci  est  la  seule  ainsi 
signée;  les  autres,  de  même  que  le  titre  de  l'ouvrage  men- 
tionné plus  haut,  portent  de  Camillis. 


(1)  Dans  une  lettre  de  monseigneur  Arcadius  Stanilas,  datée  de  Drimadès, 
6  mars  1670,  ou  lit  :  «  Il  signer  missionario  (il  s'agit  certainement  de  Jean  de 
Camillis)  andô  in  Cimarra  a  far  scuola,  perché  in  Brimades  tutti  gli  scolari  par- 
tirono  da  lui,  perle  scommuniche  del  vescovo  ;  ma  il  simile  havorà  da  succedere 
anche  in  Cimarra  ».  (Arch.  du  Collège  grec,  1. 1,  f.  256.) 

{i)  Archives  du  Collège  grec  de  Rome,  t.  I,  f.  268-269. 


FRÈRE  GRYPHON 


ET 


LE  LIBAN  AU  XV'  SIECLE 


Le  nom  de  l'ordre  franciscain  demeure  attaché  à  tous  les  es- 
sais de  restauration  catliolique  tentés  en  Orient  dans  la  der- 
nière partie  du  moyen  âge.  Le  royaume  latin  de  Jérusalem 
venait  de  succomber.  La  lutte  ouverte  n'était  plus  possible, 
mais  on  pouvait  «  reconquérir  peu  à  peu  par  la  douceur  et  par 
d'innombrables  sacrifices,  sinon  la  Palestine  elle-même,  du 
moins  les  sanctuaires  qui  en  font  tout  le  prix  aux  yeux  des  chré- 
tiens. Pour  une  mission  pareille  il  fallait  un  ordre,  décidé  à  s'é- 
tablir à  Jérusalem,  à  s'y  laisser  persécuter,  massacrer  même, 
mais  à  rester  et  à  y  gagner  sourdement  du  terrain.  C'est  ce  qu'ont 
fait  les  franciscains.  Ils  ont  versé  leur  sang  et  leur  argent  à  pro- 
fusion autour  du  saint  sépulcre,  achetant  sans  cesse  le  droit  de 
prier  dans  des  sanctuaires  vénérés  et  se  voyant  sans  cesse  ar- 
racher ce  droit  si  chèrement  payé  avec  une  brutalité  et  une  mau- 
vaise foi  pleines  de  cruauté.  Rien  ne  les  a  lassés.  Ils  sont  morts 
par  centaines,  les  uns  de  misère,  les  autres  sous  le  fer  des  Turcs 
là  où  Jésus  est  mort;  mais  à  mesure  que  les  premiers  tom- 
baient, il  en  arrivait  de  nouveaux;  les  rangs  de  cette  armée  pa- 
cifique, qui  recevaient  sans  cesse  des  blessures  sans  jamais  en 
faire  elle-même  sont  toujours  restés  compacts.  Assurément  l'on 
doit  admirer  Godefroy  de  Bouillon  et  ses  compagnons  arracliant 
des  mains  des  infidèles  à  travers  les  flèches  et  les  javelots  le 
tombeau  profané  du  Christ.  Mais  peut-être  l'héroïsme  caché  et 


FRKRE    (illYPIIOX    KT    LE    LIHA.N    AU    XV'^    SIKOLE.  69 

tranquille  des  franciscains,  luttant  sans  honneur,  sans  éclat, 
mais  avec  plus  de  courage  encore,  pour  la  même  cause,  est-il 
plus  digne  d'estime...  Si  sacrifier  sa  vie  à  une  folie  sublime  en 
dépit  de  l'éternelle  déception  dont  il  est  le  jouet,  constitue  la 
véritable  dignité  de  Tliomme,  la  dernière  des  croisades,  la  croi- 
sade sans  armes  des  franciscains  est  la  plus  belle  de  toutes  et 
celle  qui  mériterait  d'être  célébrée  avec  le  plus  d'émotion  ))(1). 

A  cette  croisade,  à  cette  mission,  honorables  entre  toutes,  où 
il  fallait  d'abord  savoir  souffrir  et  mourir,  ils  en  joignirent 
d'autres,  non  moins  glorieuses.  Au  XV^  siècle  —  on  peut  le 
dire  —  on  les  rencontre  sur  toutes  les  routes  de  l'Asie  Anté- 
rieure :  ils  sont  au  Liban,  en  Caramanie,  à  Trébisonde,  en  Ar- 
ménie, en  Perse,  au  pied  du  Caucase  sur  les  bords  de  la  mer 
Caspienne,  prêchant,  convertissant,  tout  à  la  fois  explorateurs, 
apôtres  et  diplomates  de  la  cause  chrétienne,  concluant  des 
traités  à  la  cour  d'Ispahan,  ramenant  à  l'union  les  dissidents 
orientaux,  s'efforçant  partout  de  ranimer  les  dernières  étin- 
celles de  l'esprit  des  croisades. 

Nous  voudrions  dans  les  pages  suivantes  faire  revivre  la  mé- 
moire d'un  de  ces  hommes  extraordinaires,  dont  le  nom  est  à 
peine  connu  en  dehors  de  son  ordre.  Si  nous  nous  décidons  à 
publier  les  trop  maigres  renseignements  que  nous  avons  pu 
recueillir,  c'est  dans  l'espoir  que  leur  apparition  provoquant 
des  recherches  ultérieures  soit  dans  les  archives  de  l'Ordre  séra- 
phique  soit  dans  les  bibliothèques  de  l'Orient,  l'on  parviendra 
enfin  à  mettre  en  relief  l'attachante  figure  du  Bienheureux  Gry- 
phon. 


(1)  Gabriel  Charmes.  Revue  des  deux  Mondes,  1881  15  juin  p.  772.  Comparez  ce 
passage  de  VOrbis  Seraphicus,  (p.  511)  :  «  Ultra  quam  explicari  posset  ordini  se- 
raphico  gloriosum  quod  jam  per  quinque  fere  secula  Fratres  intra  Barbares  nec 
eorum  avaritia  permoti,  nec  minis  ant  verberibus  aut  carceribus  aut  martyriis 
quaî  omnino  plurima  fiierunt  perterriti,  potuerint  tanta  (si  dici  liceat)  cum  ma- 
jestate  permanere  >•. 

—  Pour  la  biographie  de  Gryphon  nous  sommes  surtout  redevables  aux  histo- 
riens franciscains  :  Annales  de  Wadding  (.\iv,  128),  VOrIns  Seraphicus,  du  P  de 
Gubernatis,  Quaresmius  (I,  95),  les  martyrologes  de  l'ordre  de  saint  François,  etc. 
Nous  nous  contentons  d'y  renvoyer  une  lois  pour  toutes.  Les  autres  sources  se- 
ront indiquées  au  fur  et  à  mesure  de  leur  utilisation. 


70  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN, 


I 


Cette  appellation  de  Gryphon  (avec  les  variantes  orthogra- 
phiques Griffo,  Grypho,  Griphon)  est  la  seule  que  nous  lui 
connaissions,  son  prénom  n'étant  nulle  part  mentionné.  Faut- 
il  y  voir  une  latinisation?  Le  fait  est  assez  probable,  pour  cette 
époque  surtout,  à  l'aurore  de  la  Renaissance.  Peut-être  s'appe- 
lait-il Grieff  ou  de  Greef.  Il  a  même  pu  se  rattacher  à  la  famille 
de  ces  imprimeurs  célèbres,  établis  à  la  fin  du  XV*"  siècle  dans 
les  principales  villes  de  l'Europe  et  qui  à  Lyon  se  nommaient 
Gryph,  Griffio  en  Italie  et  Greiff  à  Hambourg  (I). 

Son  berceau  doit  certainement  être  placé  dans  la  partie  fla- 
mande de  la  Belgique.  Les  chroniqueurs  l'appellent  tantôt 
Belga,  plus  souvent  Flander  ou  cleFlandria.  L'annaliste  fran- 
ciscain Nicolas  Glassberger  le  qualifie  de  «  Theutonicus  expar- 
tibus  inferioribus  »;  qualification  assez  facile  à  justifier,  la 
plupart  des  provinces  belges  (2)  relevant  à  cette  époque  de  l'em- 
pire teutonique  et  ayant  pour  ce  motif  longtemps  porté  la  dé- 
nomination de  Basse  Allemagne  ou  de  Germanie  inférieure  (3). 

Seul  le  P.  Arturus  dans  son  Martyrologfum  franciscanum 
accompagne  le  nom  de  Gryphon  de  cette  curieuse  note  :  «  Gal- 
lus  erat  natione,  patria  Flander  ».  La  contradiction  est  seule- 
ment apparente.  L'hagiographe  franciscain  fait  sans  doute  al- 
lusion au  lien  féodal  —  toujours  très  faible,  qui  ne  le  sait?  — 
rattachant  encore  au  15°  siècle  le  comté  de  Flandre  à  la  cou- 
ronne de  France  (4). 

(1)  Wadding  à  la  date  de  1480  parle  d'un  autre  frère  ■<  Griphon  Slavus  >■  mar- 
tyr en  Ethiopie.  Annales,  XIV,  p.  243,  X.  On  connaît  aussi  un  célèbre  médecin 
italien  «  Ambr.  Grifus  »  contemporain  de  notre  Griphon. 

(2)  Même  une  partie  de  la  Flandre,  appelée  Impériale. 

(3)  Au  seizième  siècle  la  bulle  de  Paul  IV  (1559),  établissant  les  nouvelles  cir- 
conscriptions ecclésiastiques  des  Pays-Bas,  désigne  ce  pays  sous  le  nom  de  «  Ger- 
mania  inferior  »  et  Papebroch  (A  .A.  S.  S.  13  April.  II,  156)  appelle  la  langue  fla- 
mande :  «  teutonica  nostra  vulgaris  ». 

(4)  Au  dix-septième  siècle  un  confrère  du  P.  Arturus  écrivait:  «  Comitatus  Flan- 
driœ,  utpote  nativum  Franciœ  patrimonium  de  jure  antiquo  pertinet  ad  Gallia- 
rum  regem  :  Pharamundus  enim,  pi-imus  Francorum  dynastes...  illas  septentrio- 
nales plagas  occupasse  fertur  ».  Jiinerarium  brève  Terrx  mncix  Fratris  Léonard i 
du  Clou  Lemovîcensis,  Florence,  1891,  p.  76.  On  pourraitiavec  la  même  facilité  ren- 
verser la  jiroposition;  ce  serait  tout  aussi  fondé. 


FRÈRK    (IIIYPIIUX    HT    LE    LIliAX    AU    XV'     SIKCLH.  71 

Les  chroniques  de  saint  François  sont  d'une  sobriété  désespé- 
rante pour  la  période  de  la  vie  de  notre  héros,  qui  a  précédé  son 
apostolat.  Aussi  nous  est-il  impossible  de  fixer  l'année  de  sa 
naissance.  En  comijinant  les  diverses  données  chronologiques, 
assez  vagues,  fournies  par  les  documents,  nous  croyons  devoir 
la  placer  dans  les  dix  premières  années  du  quinzième  siècle. 

C'est  chez  les  Conventuels  qu'il  prit  l'habit  de  saint  Fran- 
çois; nous  ignorons  également  en  quelle  année.  A  l'âge  de 
22  ans  il  conquit  à  Paris  le  grade  de  docteur  et  enseigna  pen- 
dant sept  ans  en  cette  Université  la  théologie,  avec  un  succès 
dont  sa  modestie  finit  par  prendre  ombrage.  Pour  fuir  les  ap- 
plaudissements du  monde,  il  dit  adieu  à  la  Sorbonne  et  à  sa 
patrie,  visita  avec  dévotion  les  sanctuaires  de  Rome  et  d'Assise 
et  demanda  son  admission  chez  les  Observantins  d'Italie,  pour 
vivre  au  milieu  d'eux  dans  l'obscurité  et  le  silence. 

Tout  réussit  au  gré  de  son  humilité.  Ses  frères  eux-mêmes 
ignorèrent  pendant  quelque  temps  le  trésor  qu'ils  possédaient. 
Un  jour  frère  Gryphon  assista  à  une  solennelle  discussion  théo- 
logique dans  la  ville  de  Mantoue.  Voyant  que  par  l'incapacité 
du  défendant  la  vérité  allait  avoir  le  dessous,  l'ancien  professeur 
de  Sorbonne  ne  put  se  contenir  davantage.  Ses  explications  ra- 
virent toute  l'assistance  et  lui  apprirent  la  valeur  de  l'humble 
étranger. 

Pour  ses  supérieurs  ce  fut  une  révélation.  Aussi  exigeant  de 
lui  le  sacrifice  de  ses  goûts  personnels  lui  firent-ils  accepter 
la  charge  de  professeur  d'Écriture  Sainte.  Il  s'en  acquitta  pen- 
dant quelque  temps  avec  le  plus  grand  succès  (I). 

Mais  ce  n'était  pas  là  ce  que  Gryphon  était  venu  chercher  en 
Italie.  A  l'époque  de  son  admission  chez  les  Observantins,  on 
s'y  entretenait  du  martyre  des  Pères  Junipérus  de  Sicile  et  Jean 
de  IMantoue,  récemment  «  occis  en  Hiérusalem  pour  la  Foy  de 
Jésus-Christ  »  (2).  Les  missions  de  Terre-Sainte  avaient  toujours 
été  chères  aux  enfants  de  saint  François  :  non  seulement  à 
cause  des  grands  souvenirs  qu'elles  rappelaient,  mais  parce 
qu'on  y  vivait  dans  la  menace  perpétuelle  des  prisons,  des  bas- 
tonnades et  des  vexations  de  toutes  sortes  ;  et  souvent  le  mar- 

(1)  «  Post  navatam  non  segnom  in  intorprotandis  sacris  littoris  oporam  »  P. 
Arturus. 

(2)  Cfr.  le  Voyage  en  Terre  Sainte  du  P.  Surins  franciscain,  p.  516. 


72  .  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tyre  venait  couronner  cette  vie  de  souffrances  continuelles.  Gry- 
phon  prêtait  avidement  l'oreille  aux  nouvelles  de  Palestine  et 
enviait  le  sort  de  ses  frères,  engagés  dans  cette  glorieuse  arène. 

A  cette  époque  on  ne  parlait,  on  ne  traitait  dans  toute  l'Italie 
que  de  la  réunion  des  dissidents  orientaux  à  l'église  romaine. 
Le  22  novembre  1439  Eugène  III  eut  la  joie  de  recevoir  le  ser- 
ment de  fidélité  des  envoyés  Arméniens.  Leur  réunion  avait 
suivi  de  près  celle  des  Grecs  au  concile  de  Florence.  Vers  ce 
même  temps  arrivait  au  concile  Frère  Jean,  supérieur  des  Fran- 
ciscains de  Beyrouth.  Il  venait  au  nom  de  Jean  Al-Gâgî,  patriar- 
che du  mont  Liban  faire  hommage  au  vicaire  de  Jésus-Christ, 
l'assurer  que  le  chef  de  la  nation  maronite  acceptait  d'avance 
toutes  les  décisions  de  l'assemblée,  réclamer  le  privilège  du 
pallium  et  la  confirmation  de  son  élection  au  siège  d'Antioche. 
De  leur  côté  les  Maronites  de  Jérusalem  avaient  envoyé  à  Flo- 
rence le  Franciscain  Fr.  Albert  (I). 

En  1443  c'était  le  tour  des  Jacobites,  à  la  conversion  desquels 
l'Ordre  de  St-François  prit  une  part  très  active  (2).  Les  années 
suivantes  la  suprématie  romaine  fut  reconnue  par  Etienne,  roi 
de  Bosnie,  par  les  Ghaldéens  et  les  Maronites  de  Chypre  (3).  Le 
7  août  1445  dans  une  bulle  Eugène  IV  rendit  à  Dieu  de  solen- 
nelles actions  de  grâces  pour  ces  heureux  événements  (4). 

La  question  des  églises  orientales  était  donc  alors  véritable- 
ment à  l'ordre  du  jour.  A  cause  de  leurs  établissements  au  Le- 
vant les  Franciscains,  on  le  comprend,  s'en  préoccupaient  plus 
que  personne.  Aussi  le  choix  de  Gryphon  fut-il  bientôt  fixé  :  il 
irait  en  Palestine  travailler  à  la  conversion  des  dissidents. 


III 


Vers  la  fin  de  1442  ou  dans  les  premiers  'mois  de  l'année  sui- 

(1)  Histoire  des  Maronites  (en  arabe)  par  MgrDouwaïhî,  publiée  par  M.  R.  Char- 
tonnî,  p.  135.  Nous  y  ferons  de  fréquents  renvois. 

(2)  Cfr.  Orbis  Serajjhicus,  514,  515. 

(3)  Ces  derniers  engagés  dans  un  schisme  temporaire  et  local. 

(4)  L'illusion  ne  fut  pas  de  longue  durée  à  Rome.  Dès  le  commencement  du 
pontificat  de  Nicolas  V  (1447-1455)  la  curie  romaine  savait  à  quoi  s'en  tenir  sur 
les  dispositions  des  Grecs.  Cfr.  Pastor,  Geschichte  der  Pœpste  1,  447-449. 


KRÈRK    flRYPIlUN    1:T    LE    LUiA.X    AU    XV'     SIKCLH.  l'A 

rante,  frère  Gryphon,  débarqua  en  Palestine.  Il  commença  par 
visiter  les  divers  sanctuaires  de  cette  contrée  dont  il  a  laissé  la 
description  dans  son  Itinerarium  Terrœ  Sanctœ.  Sa  dévotion 
satisfaite  il  vint  se  fixera  Jérusalem  au  couvent  du  mont  Sion. 
La  Ville  Sainte  était  gouvernée  au  nom  d'Al-Malik  ad-dàhir, 
sultan  d'Egypte,  par  l'émir  Tougan  al-'Otmânî.  Il  eut  comme 
successeur  Gars  bin  Halil  (I)  et  Hosqadim  (2),  pour  ne  nom- 
mer ici  que  les  émirs  qui  se  remplaçaient  dans  le  gouverne- 
ment de  Jérusalem  pendant  le  séjour  de  Gryphon.  Au  rapport 
de  Mougîr  ad-dîn,  le  dernier  exerça  une  telle  tyrannie  que  le 
sultan  dut  le  destituer. 

Le  couvent  du  mont  Sion  eut  beaucoup  à  souffrir  sous  .Alalik 
ad-dàhir.  Ce  souverain,  un  des  moins  mauvais  dans  la  série  des 
sultans  Circassiens,  se  montra  dur  pour  les  chrétiens  (3).  On  in- 
terdit aux  Franciscains  l'accès  du  sanctuaire  de  la  dernière 
Cène.  Les  violences  allèrent  si  loin  que  «  les  constructions 
nouvellement  élevées  dans  le  couvent  de  Sion  furent  détruites, 
le  tombeau  de  David  fut  retiré  d'entre  les  mains  des  chrétiens 
et  on  exhuma  les  ossements  des  moines  qui  étaient  enterrés 
près  du  tombeau  du  seigneur  David  ».  Ce  fait  se  passa  le  10  juil- 
let 1455.  Il  fallut  l'énergique  intervention  d'Henri  IV  de  Cas- 
tille.  N'obtenant  rien  par  voie  diplomatique,  ce  prince  fit  ren- 
verser les  mosquées  dans  ses  États,  l'une  après  l'autre  jusqu'à 
ce  qu'en  1460  la  possession  libre  du  sanctuaire  fût  rendue  aux 
Franciscains   (4). 

En  arrivant  à  Jérusalem,  Gryphon  y  trouve  comme  Custode 
de  la  Terre  Sainte  le  Père  Gandolfe,  un  Sicilien.  Celui-ci  ne 
tarda  pas  à  être  remplacé  dans  sa  charge  par  Balthasar  di  S.  Ma- 
ria délia  Marca  (5)  qui  gouverna  la  Custodie  de  Terre  Sainte  de 
1446  à  1455.  Le  couvent  du  mont  Sion  était  en  grande  partie 
entretenu  avec  les  aumônes  des  souverains  de  Gryphon,  les 
puissants  ducs  de  Bourgogne,  qui  régnaient  alors  sur  les  Pays- 
Bas.  Ces  princes  s'étaient  toujours  distingués  par  leur  libéra- 
tité   envers  les  Saints-Lieux,  sur  lesquels  ils  exerçaient  une 


(1)  L'historien   Sahàwi   (Bôulàq,    1896)  l'appelle  Alfars  bin  IJalîl. 
(i)  Sahàwi  6,140,253;  Mourir  ad-dîn  (Sauvaire),  574. 

(3)  Mougîr  ad-dîn,  255;  W.  Muir,  The  mamelucke  or  Slave  dynasiy,  154. 

(4)  Cfr.  Das  Heili'je  Land,  1888,  p.  33. 

(5)  Présenté  par  le  duc  de  Bourgogne.  Cfr.  Golubovich,  Série  cronologka,  p.  52. 


74  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

sorte  de  patronage.   Ils  avaient  bâti  à  Ramlé  l'hospice  des  pè- 
lerins et  fait  restaurer  l'église  de  Bethléem  (1). 

Ce  ne  furent  pas  les  seuls  souvenirs  de  la  patrie  absente  que 
Gryphon  rencontra  en  Terre  Sainte.  En  aucun  pays  les  pèleri- 
nages aux  Lieux  Saints  n'étaient  aussi  populaires  qu'en  Belgi- 
que. De  là  l'expression  «  na  Jaffa  gaan  »  aller  kJâffa,,  qui  se- 
lon Reland  (p.  865)  se  disait  de  ceux  qui  «  peregre  abierunt 
ita  ut  de  reditu  desperetur  aut  de  ils  qui  certo  exitio  se  dant  ». 
Ce  proverbe  couramment  employé  au  14"  et  15'  siècles  témoigne 
de  l'importance  que  la  Palestine  preaait  dans  les  préoccupa- 
tions des  Flamands  de  cette  époque.  Les  confréries  de  Jérusa- 
lem —  actuellement  bien  oubliées  en  Belgique  — sont  égale- 
ment une  institution  purement  néerlandaise.  Toutes  les  grandes 
villes  en  possédaient  et  la  Belgique  leur  doit  encore  actuelle- 
ment l'existence  de  nombreuses  chapelles  du  St-Sépulcre.  Les 
confrères  s'appelaient  dans  l'origine  «  Palmites,  frères  de  Jéru- 
salem ou  de  la  Terre  Sainte  »  plus  tard  «  chevaliers  de  Jérusa- 
lem, chevaliers  de  Dieu,  de  Jérusalem  et  de  Ste  Catherine  ».  Ces 
confréries  avaient  leurs  chapelles  particulières  contenant  une 
représentation  ou  une  reproduction  du  St-Sépulcre.  Dans  un 
pays  où  le  culte  de  l'art  a  toujours  été  vivant,  la  peinture  inter- 
vint fréquemment  pour  glorifier  ces  anciens  pèlerins.  Les  égli- 

(1)  Hans  Tucher,  pèlerin  de  1479  et  B.  de  Breydenbach  (en  1483)  décrivent  les 
niagniliques  ornements  envoyés  au  mont  Sion  par  les  princes  bourguignons.  Ils 
avaient  assigné  un  revenu  annuel  de  lOCKJ  ducats  -  pro  fratrum  inibi  deo  famu 
lantium  sustentatione  »  Voir  aussi  Le  voyage  de  la  Saincte  Cylé  de  HierusalemiéA. 
Scliel'er)  pp.  71,  81.  —  Quant  au  couvent  du  mont  Sion,  un  siècle  plus  tard,  il  fut 
enlevé  aux  Franciscains,  comme  le  raconte  Cliesneau,  secrétaire  du  sieur  d'Ara- 
mon,  ambassadeur  français  à  Constantinople,  qu'il  accompagna  à  Jérusalem  en 
1549.  L'ambassadeur,  raconte-t-il,  estoit  attendu  des  gardiens  et  cordilliers  du 
couvent  du  mont  Sion,  comme  les  Juifs  attendent  leur  Messie,  pour  l'espérance 
qu'ils  avoient  par  sa  venue  estre  nus  hors  des  garbouilles  et  fascheries  que  leur 
faisoient  chaque  jour  certains  santons,  c'est-à-dire  prestres  turqs  qui  tiennent 
le  cénacle,  qui  auparavant  estoit  leur  église  :  et  depuis  quelque  temps  les  dictz 
Turqs  en  ont  faict  faire  une  à  leur  mode,  que  nous  appelions  mousquées.  Et 
faisoient  journellement  tant  d'estorsions  auxdicts  cordeliers  qu'ilz  estoient 
presque  en  délibération  d'habandonner  ledict  couvent  et  se  retirer  tous  en  Chres. 
tienté,  sans  la  venue  du  dict  S""  ambassadeur  lequel  lit  tant  envers  lesdits  gouver- 
neurs de  la  ville  qu'ils  chassèrent  les  prestres  turqs  qui  estoient  moteurs  de  telles 
menées.  Toutefois  j'ay  depuis  entendu  quelesCordelliers...  ont  finalement  été  con- 
trainctz laisser  et  habandonner  ledict  couvent  et  se  retirer  en  Bethléem:  E.  Char- 
rière,  Négociations  de  la  France  dans  le  Levant,  t.  II.  109.  Paris  1850.  Imprimerie 
nationale. 


FRÈRE    (HÎVI'IIOX    HT    LK    LIIJAX    Al     XV'    SU-XL!;.  75 

ses  et  les  musées  y  sont  remplis  des  portraits  des  chevaliers  de 
Jérusalem. 

Les  vieilles  relations  contemporaines  nous  permettent  de 
constater  combien  grand  était  le  nombre  des  Flamands,  abor- 
dant annuellement  aux  rivages  de  Palestine  (1).  En  dépit  des 
dangers  inhérents  à  cette  aventureuse  expédition  beaucoup  de 
Néerlandais  tenaient  à  la  refaire  et  Tun  d'entre  eux,  Claes  van 
Dusen  visita  onze  fois  les  Lieux  Saints  en  l'espace  de  douze 
ans  (2).  On  n'y  eut  pas  toujours  à  se  louer  de  leurs  déporte- 
ments. Les  pèlerins  des  autres  pays  les  signalent  généralement 
comme  mauvais  coucheurs  (3).  Bolga  hibax  !  Dans  la  cara- 
vane de  11.51  presque  entièrement  composée  de  Néerlandais 
nous  trouvons  un  chanoine  d'Utrecht,  quatre  Gantois,  un  Lié- 
geois, un  certain  Guillaume  de  Bréda,  qui  s'étant  enivré  se 
noya  en  mer.  Un  autre  pèlerin  de  Dordrecht,  avait  mérité  le 
surnom  de  «  trunck  faciens  »  (4).  Ce  voyage  fut  extrêmement 
pénible  par  suite  de  la  présence  de  plusieurs  Néerlandais,  que- 
relleurs et  en  état  habituel  d'ivresse  (5).  La  plupart  des  Belges 
allaient  en  Terre-Sainte  avec  l'intention  de  s'y  faire  créer  che- 
valiers du  S.  Sépulcre.  Car  ajoute  une  relation  :  «  chez  eux 
on  considère  peu  un  gentilhomme  qui  n'a  pas  été  en  Pales- 
tine »  (6). 

Gryphon  a  dû  leur  consacrer  bien  des  fois  son  zèle  et  sa 
grande  connaissance  des  Lieux  Saints,  leur  faisant  à  Ramlé 
l'allocution  polyglotte  d'usage  (7),  les  accompagnant  ensuite 
dans  leurs  excursions  et  surtout  au  Jourdain.  Il  était  peut-être 

(1)  Rôliricht-JIeissner,  Deutsche  Pilgerreisen,  22,  421,  427.  —  Conrady,  Vier 
Rhein.  Pilgerschinften,  187, 188,  291. 

(2)  Cfr.  Conrady  189,  et  Revue  catholique  de  Louvain  1873,  récit  du  pèlerinage 
deJeanAerts,  qui  visita  la  Terre  Sainte  en  1481  et  1488. 

(3)  Fabri,  Evagatorium,  1,  38,  et  Rôhricht-Meissnerr.  411. 

(4)  Rôhricht,  421-22. 

(5)  En  regard  des  nombreuses  relations  françaises,  allemandes,  etc.,  nous  ne 
possédons  que  quelques  récits  des  pèlerins  flamands  de  cette  époque;  la  plupart 
sont  malheureusement  restés  inédits.  Ce  sont  surtout  les  Allemands  qui  se  plai- 
gnent des  Néerlandais.  Il  serait  peut-être  piquant  de  connaître  les  jugements  de 
ces  derniers  sur  leurs  compagnons  d'Outre-Rhin.  Fabri  reproche  aux  Allemands, 
ses  compatriotes,  les  trop  copieux  festins  qu'ils  faisaient  à  Jérusalem.  Evagator, 
II,  92,  93. 

(6)  Rôhricht,  403,  412,  427,  527. 

(7)  En  latin,  en  italien,  en  allemand  etc.,  selon  la  composition  des  caravanes. 
Cfr.  récits  de  H.  Tucher,  Breydenbach,  Von  ZedUtz  etc. 


76  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

encore  à  Jérusalem  quand  y  arriva  à  la  fin  de  l'été  1450,  le  duc 
Jean  de  Clève,  parti  de  Bruxelles,  le  7  avril  de  la  même  année, 
en  compagnie  de  plusieurs  membres  de  l'aristocratie  flamande. 

Outre  les  soins  donnés  aux  pèlerins,  les  Franciscains  s'occu- 
paient encore  d'un  petit  troupeau  composé  de  quelques  mar- 
chands vénitiens  et  génois  (1)  et  d'un  certain  nombre  d'indi- 
gènes demeurés  catholiques  depuis  la  chute  du  royaume  latin, 
ou  ramenés  à  l'unité  par  les  prédications  de  leurs  zélés  apôtres. 
Un  pèlerin  de  1483,  Bernard  de  Breydenbach  leur  rend  ce  té- 
moignage :  «  Sunt  ibi  etiam  latini  quidam,  sed  perpauci...  con- 
versationem  habentes  bonain  et  honestam  inter  gentes  ac  in 
medio  nationis  prave  et  perverse  lucentes  velut  luminaria  in 
mundo,  ecclesie  sancte  rhomane  per  omnia  et  in  omnibus  obe- 
dientes  ». 

Comme  il  ressort  de  la  lecture  de  Douwaïhi ,  il  y  avait  aussi 
à  Jérusalem  une  communauté  maronite,  en  étroits  rapports 
avec  les  Franciscains.  Un  pèlerin  allemand  de  cette  époque 
signale  même  des  Maronites  établis  au  S.  Sépulcre  (2).  Cette 
nation  possédait  à  Jérusalem  l'église  S.  Georges,  devenue  plus 
tard  propriété  des  Coptes.  Des  autels  spéciaux  leur  étaient  éga- 
lement assignés  dans  plusieurs  sanctuaires  (3). 

A  peine  arrivé  dans  la  ville  sainte,  Gryphon  fut  témoin  du 
conciliabule  tenu  en  cette  ville  par  le  patriarche  orthodoxe, 
de  Jérusalem,  assisté  de  ses  deux  collègues  d'Antioche  et  d'A- 
lexandrie. On  y  anathématisa  l'acte  de  Florence  et  l'on  déclara 
déchu  de  sa  dignité  Métrophane,  patriarche  de  Constantinople, 
qui  avait  adhéré  à  l'union. 

Ce  spectacle  l'attrista  sans  diminuer  en  rien  l'ardeur  de  son 
zèle.  Le  premier  travail  du  missionnaire  doit  être  de  se  rendre 
maître  de  la  langue  du  peuple  qu'il  se  propose  d'évangéliser.  De- 
puis la  conquête  musulmane,  l'arabe  était  devenu  l'idiome 
universel  des  populations  de  la  Palestine,  de  la  Syrie  et  de  la 
Mésopotamie.  A  cette  étude  Gryphon  joignit  celle  du  Syriaque, 

(1)  En  1403  les  chevaliers  de  Rhodes  obtenaient  le  droit  d'établir  des  consulats 
à  Jérusalem,  et  à  Ramleh.  Dès  la  fin  du  XIV'  siècle  les  Vénitiens  et  les  Génois  en 
possédaient  également  à  Jérusalem  pour  la  protection  des  pèlerins.  Voir  dans 
Archives  de  l'Orient  Latin,  t.  II,  p.  334, -un  mémoire  de  W.  Heyd  :  Les  consulats 
établis  en  Terre  Sainte  au  moyen  âge  pour  la  protection  des  pèlerins. 

(2)  Rôhricht-AIeissner,  92. 

(3)  Cfr.la  revue  arabe  «  Al-Machnq  >-  (Beyrouth),  1898,  p.  92. 


FiiÈui-:  (iRYi'iiox  i;t  i.v:  liiîax  au  xv'-'  sikclk.  77 

idiome  sacré  de  la  plupart  des  rites  orientaux  :  Maronites,  .la- 
cobites,  Nestoriens  et  même  Melchites.  L'étude  qu'il  fit  de  la 
langue  grecque  montre  clairement  qu'il  voulait  être  en  état  de 
travailler  au  retour  des  diff.'rentes  fractions,  constituant  rnr- 
thodoxie  (1)  grecque.  L'ancien  professeur  de  Sorbonne  ne  con- 
sacra pas  moins  de  sept  ans  à  cette  préparation.  Au  bout  de 
ce  laps  de  temps  les  supérieurs  le  jugèrent  sans  doute  apte  à 
commencer  la  carrière  des  missions  orientales. 


IV 


Dans  la  première  moitié  du  XV  siècle,  le  célèbre  franciscain 
Antoine  de  Troïa  avait,  à  plusieurs  reprises,  parcouru  l'Orient, 
chargé  par  les  souverains  pontifes  d'importantes  missions  au- 
près des  chrétiens  orientaux,  spécialement  auprès  des  popula- 
tions du  mont  Liban.  En  1441,  il  revenait  à  Rome  accompagné 
de  députés  des  Maronites  et  des  Dr  uses. 

La  présence  de  ces  derniers  dans  la  capitale  du  monde 
chrétien  a  de  quoi  surprendre  le  lecteur,  habitué  depuis  1860, 
a  considérer  les  Druses  comme  les  irréconciliables  ennemis  des 
Maronites  et  du  nom  chrétien.  Telle  n'était  assurément  pas 
leur  situation  à  la  fin  du  moyen  âge.  Dès  lors,  ils  étaient  consi- 
dérés comme  un  peuple  d'origine  chrétienne,  reste  d'une  co- 
lonie de  croisés,  réfugiés  au  Liban  après  la  ruine  des  princi- 
pautés franques  de  Syrie.  Si  l'on  s'étonnait  de  ne  retrouver  chez 
eux  aucun  vestige  de  christianisme,  on  en  rejetait  la  faute 
sur  les  malheurs  du  temps  et  l'absence  de  ministres  du  culte. 
En  voyant  la  bonne  harmonie  régnant  entre  eux  et  les  Maroni- 
tes (2),  leur  sympathie  pour  les  chrétiens  et   la  haine  qu'ils 

(1)  Nous  employons  cette  expression  consacrée,  quoiqu'elle  soit  d'une  origine 
beaucoup  plus  récente. 

(2)  Jusqu'à  la  lin  du  dix-huitième  siècle,  Druses  et  Jlaronites  ont  vécu  en 
bonne  intelligence,  ils  étaient  gouvernés  par  les  mêmes  émirs,  arabes  de  la  tribu 
de  Tanoùh,  princes  des  familles  Ma'n  etChehàb.  Jlais  quelles  que  fussent  leurs  con- 
victions religieuses,  adorateurs  d'Allah  ou  de  Hàkim,  ces  émirs  traitaient  leurs  su- 
jets maronites  avec  la  plus  grande  tolérance;  ils  choisissaient  même  de  préférence 
parmi  eux  leurs  intendants  et  leurs  hommes  d'affaire.  S'élevait-il  une  guerre 
civile  parmi  les  Druses,  on  trouvait  des  IMaronitos  dans  les  deux  camjjs  ;  fireuve 
évidente  qu'on  ignorait  alors  ces  luttes  de  raci>  et  de  religion  que  nous  avons 
vues  s'allumer  depuis.  Cette  bonne  harmonie  aurait  commencé  à  s'altérer  vers 


78  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

portaient  aux  musulmans,  on  se  flattait  de  Tespoir  de  les  ra- 
mener aisément  au  culte  de  leurs  ancêtres. 

De  leur  côté,  les  Druses,  désireux  de  s'attirer  la  protection 
de  l'Europe  contre  leurs  voisins  islamites,  faisaient  tout  pour 
entretenir  les  Occidentaux  dans  cette  persuasion.  Au  besoin,  ils 
n'hésitaient  pas  à  se  dire  chrétiens  (1).  Leur  religion  est  d'ail- 
leurs d'un  latitudinarisme  étonnant;  elle  dispense  le  peuple  ou 
les  ignorants  (2)  de  tout  culte  positif,  et  leur  permet  de  se 
conformer  à  celui  des  populations  parmi  lesquelles  ils  demeu- 
rent. C'est  ainsi  qu'on  les  voit  de  nos  jours  professer  indifférem- 
ment l'islamisme  et  le  protestantisme,  sauf  à  revenir  avec  la 
même  facilité  au  culte  de  Hàkim  (3). 

Si  donc,  au  XVIIP  siècle,  des  missionnaires,  des  diplomates 
et  des  voyageurs,  après  un  long  séjour  en  Orient  ont  pu  à  cet 
égard  nourrir  des  illusions  (4)  fréquemment  attestées  dans  leurs 
correspondances  et  leurs  mémoires,  rien  de  surprenant  que 
leurs  prédécesseurs  à  la  fin  du  moyen  âge  n'aient  pu  s'en 
préserver. 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  la  suite  de  la  dernière  légation  orientale 
d'Antoine  de  Troïa,  on  résolut  à  Rome  de  donner  une  plus 
grande  extension  aux  missions  syriennes.  Et  cette  même  an- 
née 1444,  le  franciscain  Pierre  de  Ferrare,  du  couvent  de  St-Sau- 
veurà  Beyrouth,  était  créé  commissaire  apostolique  auprès  des 
Maronites,  des  Druses  et  des  Suriens  (5)  ou  Melchites.  Six  ans 


1756,  époque  où  deux  émirs  de  la  famille  Chehàb,  gouvernant  alors  la  Montagne, 
se  firent  chrétiens.  Mais  c'est  seulement  au  dix-neuvième  siècle,  sous  la  pression 
d'influences  étrangères,  que  ces  différents  dégénérèrent  en  luttes  féroces,  dont  les 
massacres  de  186U  ont  marqué  le  point  culminant. 

(1)  Mémoires  du  chevalier  (TArvieux,  I,  300. 

(2)  La  nation  druse  est  divisée  en  deux  classes  :  les  '^ur/qâl,  savants  et  initi(''s,  et  les 
johhûl,  ignorants  ou  plèbe. 

(3)  Le  culte  des  Druses,  —  des  initiés  s'entend  —  s'adresse  à  IJàkim,  de  son 
vivant  calife  fatimite  d'Egypte,  considéré  comme  une  incarnation  de  la  divinité. 

(4)  Cfr.  D'Arvieux  :  ><  il  est  aisé  de  découvrir  que  leurs  ancêtres  ont  été  chré- 
tiens». L.  361.  «  Les  Druses  se  disent  chrestiens  quoj'  qu'ils  n'ayent  aucune  mar- 
que et  n'observent  aucune  Loy...  Lors  qu'on  leur  dit  qu'ils  ne  sont  point  chi'es- 
tiens,  ils  vomissent  mille  injures  contre  Mahomet  et  ses  sectateurs  et  disent  qu'en 
dépit  d'eux  ils  boivent  du  vin  et  mangent  de  la  chair  de  porc  »  (Surius,  p.  257). 
L'illustre  Leibnitz  est  encore  plus  explicite.  Cfr.  Expedilio  .^gypliaca,  196,  338.  343. 
Sur  les  Druses  du  Liban,  voir  les  récits  des  anciens  pèlerins  Wilhelm  von  Bolden- 
sele,  286;  Lussy,  58;  Cotovicus,  395;  RaucliMolff,  320;  Brauning,  279. 

(5)  Dans  les  documents  du  moyen  âge  c'est  l'appellation  habituelle,  tlounée  aux 


FRÈRE    (iUVI'lIu.X    KT    LE  LIBAN    AU    XV"    SIÈCLE.  79 

plus  tard,  Gryphon  était  également  attaché  à  la  mission  fran- 
ciscaine du  mont  Liban. 

Il  partit  de  Jérusalem  vers  la  fm  de  Tannée  1450,  accompa- 
gné de  F.  François  de  Barcelone,  comme  lui  versé  dans  les  lan- 
gues orientales,  apprises  pendant  un  séjour  prolongé  dans  le 
Levant. 

Beyrouth  se  trouvait  sur  leur  chemin.  C'était  la  clef  du  Liban 
et  la  résidence  du  supérieur  de  la  mission.  Il  est  probable  que 
Gryphon  commença  par  y  séjourner  quelque  tenrips.  Dans  la 
suite,  il  dut  y  revenir  fréquemment,  surtout  quand  il  se  vit  à 
son  tour  revêtu  des  fonctions  de  représentant  du  Saint-Siège. 

A  cette  époque,  l'antique  cité  phénicienne  était  avec  Alexan- 
drie le  port  le  plus  florissant  de  la  Méditerranée  orientale.  La  ruine 
de  Saint-Jean  d'Acre,  de  Tyr  et  de  Tripoli,  la  chute  du  royaume 
chrétien  de  la  Petite-Arménie  lui  avait  porté  bonheur  et  attiré 
en  ses  murs  (I)  le  commerce  de  toute  la  Syrie.  Son  port  était 
sûr  et  bon.  La  ville  renfermait  encore  une  population  assez 
dense.  Construite  dans  un  site  ravissant,  entourée  de  belles 
cultures,  elle  jouissait  d'une  réputation  méritée  de  salubrité  et 
les  marchands  venaient  y  refaire  leur  santé,  ébranlée  par  le 
climat  de  Damas,  d'Alep,  de  Tripoli  et  de  Tyr.  Les  Chyprio- 
tes possédaient  à  Beyrouth  des  églises,  de  vastes  khans  et  deux 
bains.  Pendant  longtemps,  les  marchandises  vénitiennes  n'ar- 
rivèrent à  Beyrouth  que  sous  le  pavillon  des  Lusignan  (2).  Les 
galères  des  Vénitiens,  des  Génois,  des  Florentins  et  des  Cata- 
lans (3)  y  abordaient  régulièrement  et  chacune  de  ces  ré})ubli- 
ques  marchandes  y  possédait  un  fondoq  ou  vaste  hôtel- 
lerie, avec  dépôts  et  magasins.  Dès  lors,  un  consul  y  représen- 
tait la  Seigneurie  de  Venise  (4). 

Jlelchites  ou  chrétiens  du  rite  grec  en  Sjrie.  Le  nom  de  Jlelcliitc  n'a  été  connu 
des  Occidentaux  que  beaucoup  plus  tard. 

(1)  Expression  qui  ne  doit  pas  être  prise  à  la  lettre.  A  cette  époque,  les  rem- 
parts delà  ville  étaient  détruits  et  les  Bédouins  s'aventuraient  jusqu'à  venir  piller 
les  magasins  (Cfr.  aussi  le  récit  d'un  pèlerin  de  1411  dans  ZDPV,  xiv,  p.  127.) 

(2)  Damas  possédait  un  consul  catalan  comme  il  appert  d'une  lettre  envoyée 
parle  gardien  du  mont  Sion,  le  20  janvier  1392  «  >Sotili  domino  consuli  domino- 
rum  cataj^anorum  in  Damasco  et  alius  Dominis  de  Cathalonia  ibidem  residenti- 
bus  »  Archives  de  l'Orient  latin,  I,  541.  Les  Vénitiens  expcnliaient  chaque  année 
trois  galères  à  Beyrouth,  Conrady,  195. 

(3)  Histoire  de  Beyrouth,  fol.  17». 

(4)  Pour  les  détails,  voir  la  description  d'ibu  Batoùta,  I,  133,  et  l'ouvi'age  de 


80  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Les  sultans  d'Ég-ypte,  dont  relevait  BejTouth,  faisaient  preuve 
d'intelligence  en  favorisant  ces  relations  commerciales,  sources 
de  richesses  pour  leurs  provinces.  Ils  allaient  jusqu'à  assigner 
une  allocation  annuelle  aux  consuls  européens.  Aussi  quand 
les  trafiquants  latins  de  Beyrouth  demandèrent  à  relever  de 
ses  ruines  la  belle  petite  église  du  Sauveur,  le  gouvernement  du 
Caire  s'empressa-t-il  d'entériner  leur  requête.  Cette  église  entre- 
tenue par  les  dons  des  marchands  et  une  taxe  levée  sur  les  na- 
vires européens  abordant  au  port,  était  desservie  par  les  Fran- 
ciscains établis  dans  le  couvent  contigu.  Ces  Pères  s'occupaient 
également  d'héberger  les  pèlerins  (1)  qui  y  abordaient  à  l'aller 
ou  au  retour  de  la  Terre-Sainte.  La  plupart  allaient  à  Damas 
vénérer  les  souvenirs  de  S.  Paul,  la  maison  d'Ananie  «  l'endroit 
oij  Abel  fut  tué  ».  Quelques-uns,  parmi  les  plus  osés,  poussaient 
jusque  dans  le  Hauràn  ou,  comme  ils  s'expriment  dans  «  la 
terre  de  Hus  d'où  S.  Job  le  prophète  est  originaire  ».  Il  y  avait 
là,  vers  141 1,  une  église,  possédée  par  les  Arméniens  (sic)  (2). 
Mais  tous  allaient  au  célèbre  sanctuaire  de  Saidnâya  (3)  véné- 
rer l'image  de  la  Ste  Vierge  «  peinte  par  S.  Luc,  d'où  le  8  sep- 
tembre découle  une  huile  miraculeuse.  Ce  jour-là  on  y  rencontre 
bien  50.000  chrétiens,  dit  le  pèlerin  allemand  Ulrich  Lemann; 
mais  beaucoup  sont  de  mauvais  chrétiens,  entachés  de  supers- 
titions, se  conduisant  comme  des  païens  (musulmans)  et  con- 
sidérant le  Pape  comme  un  hérétique  »  (4).  Avant  de  quitter  la 


Heycl,  Histoire  du  Commerce  du  Levant  (trad.  française),  tome  II,  456,  459,  400, 
423,  333,  487,  etc. 

(1)  Un  pèlerin  de  1282,  le  sieur  de  Villamont,  écrit  sous  la  rubrique  Beyrouth  : 
«  Les  religieux  de  l'ordre  de  saint  François  y  possédaient  un  beau  monastère 
qu'ils  ont  perdu  parleur  grande  faute  depuis  quelques  années  en  çà,  les  Turcs 
l'ayant  pris  pour  faire  une  mosquée.  S'ils  eussent  voulu  donner  40  ou  50  escus  à 
celui  à  qui  le  grand  Turc  avoit  donné  les  églises  chrestiennes  qui  y  estoient  en 
son  empire  il  leur  fût  demeuré  à  perpétuité  «  (p.  424).  En  1473,  le  couvent  de  Bey- 
routh était  occupé  par  six  religieux.  D'après  une  relation  flamande  du  XV'=  siècle, 
c'était  <■  un  beau  couvent  comme  celui  de  .lérusalem.  >•  Cfr.  Conrad}',  183. 

(2)  Cfr.  dans  ZDPV,  XV  (surtout  200-204)  le  curieux  article  du  P.  Van  Kasteren. 
S.  J.  Zur  Gcschichte  von  Schêch  Sa'd. 

(3)  Connu  des  Occidentaux  depuis  les  Croisades.  Comp.  ce  passage  du  Balduinus 
ConstantinopolUanus,  chronique  antérieure  à  l'an  1214  :  Soldanus  prœcipus  timens 
comiteni  Flandrensium,  eo  quod  prœdecessores  ejus  infinita  damna  et  mala  fe- 
cerantolim  in  Sardenay  (Saidnâya)  et  in  regione  Abilina,  etc.  »  11  est  fait  allusion 
au  siège  de  Damas  par  les  croisés. 

(4)  Rôhricht,  U.  10(!. 


FRÈRE    GRYIMION    IIT    LE    LlUAN    AU    XV''    SIÈCLFC.  SI 

métropole  syrienne,  on  tenait  à  emporter  un  peu  de  la  terre  de 
Damas  (1),  d'où  d'après  la  légende  Adam  avait  été  tiré. 

En  revenant  de  Damas,  le  second  jour,  les  pèlerins  traver- 
saient «  une  grande  vallée  où  coule  un  lleuve  puissant  »,  la 
Célésyrie  évidemment.  Ils  y  trouvaient  partout  le  souvenir  du 
patriarche  Noé,  son  tombeau,  l'endroit  où  il  avait  planté  la  pre- 
mière vigne.  L'arche  avait  été  construite  sur  les  cimes  voisi- 
nes du  Liban,  souvent  difficiles  à  traverser,  même  au  mois  de 
mai  par  suite  des  neiges  amoncelées  (2).  Avant  d'arriver  à 
Beyrouth,  c'est-à-dire  le  troisième  jour,  ils  rencontraient  de 
belles  plantations  de  vignes  et  d'oliviers,  enfin  une  «  forêt  de 
pins  d'une  longueur  de  deux  milles  »  (3).  Le  soir,  ils  vénéraient 
dans  l'église  des  Franciscains  «  l'image  de  Notre-Seigneur  que 
des  meschants  Juifs  flagellèrent  et  qui  jetta  une  grande  abon- 
dance de  sang  »  (4).  Avant  de  s'embarquer,  on  allait  visiter 
hors  de  la  ville,  l'endroit  où  S.  Georges  tua  le  dragon,  près  du 
Nahr  Beyrouth  «  sur  lequel  il  y  a  une  arcade  fort  remarquable 
pour  sa  hauteur  et  un  peu  plus  loin  avant  en  terre  est  le  lieu 
où  saint  Georges  tua  le  dragon  pour  délivrer  la  fille  du  Roy  de 
Barut  et  aussi  la  caverne  où  demeurait  ledict  monstre  »  (5). 

Comme  de  nos  jours  Beyrouth  était  dès  lors  le  rendez-vous 
de  toutes  les  populations  levantines.  Sur  le  pont  des  galères, 
des  caravelles,  des  chebecs,  des  mahonnes  et  des  felouques,  en- 
tassés dans  la  darse,  sous  la  protection  de  la  grosse  tour  fran- 
que,  le  long  du  quai  construit  par  les  croisés,  dans  les  bazars 
tortueux  et  étroits,  c'était  un  mélange  indescriptible  de  turbans, 
de  fez,  de  Keffiés  de  soie,  de  torses  bronzés,  de  blancs  burnous, 
de  robes  fourrées,  d'armures  damasquinées,  de  riches  négo- 
ciants et  de  portefaix,  de  seigneurs  et  de  faquins,  de  forbans  et 
d'épiciers,  tous  plus  ou  moins  métis  et  courtiers,  qui  s'entre- 
mettent entre  l'Asie  musulmane  et  l'Europe  chrétienne,  égale- 
ment prêts  à  trafiquer  de  leur  accord  et  de  leur  discorde.  Toutes 
les  langues  de  l'univers,  toutes  les  races,  depuis  le  nègre  de 

(1)  Tobler,  Jérusalem,  II,  :.'72;  Fabri,  II,  345. 

(•2)  Cfr.  ZDPV,  XIV,  114-127  ;  Rohricht,  1U5;  Conrady,  IG3. 

(3)  Encore  une  preuve  que  la  forêt  est  antérieurejà  Fah  ad-dîn. 

(4)  Relation  journalière  du  voyage  du  Levant,  par  H.  de  Beauveau,  Nancy,  1615. 

(5)  H.  de  Beauveau;  Rohricht,  41,  69,  105,  477,  522;  Conrady,  162,  etc.  La  tra- 
dition que  Notre-Seigneur  J.-C.  prêcha  à  Beyrouth  est  déjà  mentionnée  par 
Breydenbach.  Voir  aussi  Joannis  Strauchi  disscrtatio  de  Berylo,  1602,  p.  4S. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  6 


82  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Nubie  jusqu'au  pâle  Circassien,  du  Grec  remuant  au  Bédouin 
impassible,  du  Juif  officieux  à  l'Espagnol  hautain,  toute  l'écume, 
toute  la  fleur  des  civilisations  rivales  est  poussée  là  par  une 
nécessité  plus  impérieuse  que  les  querelles  de  politique  ou  de 
religion. 

On  voit  surgir  au-dessus  de  cette  tourbe  flottante  le  casque 
empanaché  des  chevaliers  de  Rhodes  (1)  et  le  fin  profil  des  an- 
ciennes cités  républicaines  sous  les  noms  de  Venise,  Gênes  et 
Pise  :  créatures  charmantes,  êtres  ambigus  et  amphibies,  vi- 
vant sur  la  terre  et  sur  l'onde  et  confondant  dans  leurs  grâces 
de  syrènes  et  les  procédés  de  leur  politique  tortueuse  les  traits 
de  l'Europe  et  l'Asie.  Les  Catalans,  puis  les  Provençaux  se 
précipitent  à  leur  suite  sur  le  chemin  maritime  d'où  leurs 
navires  caravaneurs  (2),  rapportent  l'or  et  les  produits  de 
l'Orient.  Un  siècle  plus  tard,  Marseille  se  posera  en  rivale  de 
Venise  et  les  rois  très  chrétiens  pousseront  la  Turquie  comme 
un  bélier  contre  les  murs  de  l'édifice  bâti  par  Charles-Quint. 

Laissant  à  ses  confrères  de  Saint-Sauveur  le  soin  d'évangé- 
liser  la  population  cosmopolite  de  Beyrouth,  Gryphon  ne  tarda 
pas  à  prendre  avec  son  compagnon  Fr.  François  de  Barcelone  le 
chemin  du  Liban. 


V 

Avant  d'y  accompagner  notre  héros,  nous  allons  dans  les  li- 
gnes suivantes,  esquisser  l'état  du  Liban  à  la  fin  du  quinzième 
siècle. 

A  cette  époque,  la  nation  maronite  n'avait  pas  encore  pris 
l'expansion  que  nous  lui  connaissons  depuis.  Principalement 
établie  dans  la  partie  nord  du  Liban,  autour  du  massif  monta- 
gneux des  Cèdres,  ainsi  que  dans  les  districts  de  Batroûn  et 
de  Gebail,  où  elle  vivait  mêlée  aux  Métovalis  (3)  et  aux  Turco- 


(1)  L'Ordre  entretenait  clans  les  Etats  soumis  au  sultan  égyptien  trois  consuls: 
un  à  Ramleh,  un  à  Jérusalem,  un  troisième  à  Damietle.  Leur  mission  principale 
était  de  veiller  à  la  sécurité  des  pèlerins. 

(2)  Le  convoi  des  navires  français  destinés  au  commerce  du  Levant  s'appelait 
caravane  et  les  bâtiments  qui  le  composaient,  navires  caravaneurs. 

(3)  Les  Métoualis  occupaient  le  Mounaïtirat. 


FRKiiK  (utvi'iiox  i;t  le  mijan  au  xv"  sikcli-:.  83 

mans  (1),  elle  n'avait  gurre  poussé  ses  établissements  méridio- 
naux au-delà  du  Nahr  Ibrahim  (2).  L'émigration  des  Maronites 
s'était  portée  de  préférence  vers  Rhodes  et  Chypre.  Dans  cette 
dernière  île  ils  occupaient  sous  le  sceptre  des  Lusignan,  une 
trentaine  de  bourgs  et  de  villages  (3).  Dès  lors  cependant,  ils 
devaient  déjà  former  en  Syrie  même  un  corps  de  nation 
assez  nombreux,  puisque  en  1182,  Guillaume  de  Tyr  parle  de 
40,000Maronites  (4).  Au  quatorzième  siècle  Ludolphc  de  Suchem 
décrit  le  Liban  comme  «  couvert  d'un  nombre  considérable  de 
bourgs  et  de  villages,  tous  habités  par  une  immense  multitude 
de  chrétiens  (5)  » . 

Au  spirituel,  les  Maronites  étaient  gouvernés  par  un  patriar- 
che résidant  à  Qanoùbîn  (6)  et  assisté  de  plusieurs  évoques. 
Quand  Gryphon  arriva  au  Liban  cette  dignité  était  remplie  par 
Jacob,  du  bourg  de  Hadat  (f  1458).  Ce  prélat  occupa  le  siège 
patriarcal  un  peu  plus  de  12  ans  et  fut  remplacé  par  Pierre,  fils 
de  Joseph,  fils  de  Jacob,  surnommé  Ibn  al-Hassân,  également 
originaire  de  Hadat. 

Au  temporel,  les  différents  districts  du  Liban  septentrional 
obéissaient  à  des  chefs  portant  le  titre  de  mouqadcla m .  Cette 
charge  héréditaire  ne  paraît  pas  avoir  été  indépendante  de  l'au- 
torité des  sultans  mamlouks. 

L'Egypte  a  toujours  été  centralisatrice  et  entre  les  bras  d'un 
seul  maître.  En  Syrie  la  variété  des  conditions  géographiques 
a  favorisé  l'émiettement  politique  et  la  constitution  de  grandes 
familles  féodales.  Quand  depuis  l'Euphrate  jusqu'au  Wadî'l 
'Arîs  la  Syrie  tout  entière  obéit  aux  Mamlouks,  les  provinces 
conservent  une  certaine  autonomie  sous  un  régime  en  appa- 
rence uniforme,  en  réalité  complexe  et  décentralisé.  Avec  des 
sultans  de  la  trempe  des  Baibars  et  des  Qalàoùn,  la  suzeraineté 

(1)  Cfr.  L'histoire  arabe  du  Liban  «  Ahbàr  al-a'3-àn  »,  p.  346. 

(2)  D'après  F.  Nairon,  de  son  temps  (dix-septièine  siècle),  les  Blaronites  com- 
mençaient à  se  répandre  dans  le  Kasrouàn,  où  ils  occupaient  déjà  le  gros  bourg 
de  Gazir  {Evoplia  Fidel,  p.  91).  Aboûl-Fidâ  (p.  229),  signalement  principalement 
le  district  du  Kasrouàn  comme  le  centre  des  musulmans  Ibàhites. 

(3)  Sur  les  Jlaronites  de  Famagoiiste  (Chypre).  Cfr.  Rohricht-3I.,  p.  52. 

(4)  Historia  belli  sacri,  1.  xxn,  c.  8.  Jacques  de  Yitry  parle  également  des  Jlaro- 
nites  comme  d'une  nation  nombreuse. 

(5)  'De  Itinere  hierosolymitano,  exemplaire  delà  Bibliotheca  Rossiana,  à  Vienne, 
non  paginé,  sans  date  ni  lieu. 

(6)  Depuis  l'année  1439.  Cfr.  Douwaïhi,  132. 


84  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN 

égyptienne  s'affirmait  énergiquement  et  les  petites  dynasties 
locales  devaient  momentanément  sacrifier  l'un  ou  l'autre  privi- 
lège de  leur  semi-indépendance.  Mais  de  1450  à  1475  ce  ne  fut 
pas  le  cas.  En  cet  intervalle,  sept  sultans  se  succédèrent  sur  le 
trône  d'Egypte.  A  partir  de  1467  surtout,  l'Egypte  traversa  une 
véritable  période  d'anarchie  (l)très  favorable  au  développement 
des  jeunes  nationalités,  s'abritant  dans  les  replis  des  montagnes 
syriennes.  Officiellement  les  districts  du  Liban  relevaient  du 
niâbat  ou  régence  de  Tripoli,  dans  le  district  de  laquelle  Qal- 
qàsandî  (2)  cite  les  petits  gouvernements  {wilâyàt)  de  Mou- 
naïtira,  Bousarraih  (3),  etc. 

De  leur  côté  les  historiens  maronites  nomment  les  «  mouqad- 
dams  »  de  B'sarré,  de  Batroùn,  de  Geloail,  de  'Aqoùra,  etc.  De- 
puis le  commencement  du  quinzième  siècle  le  mouqaddam  de 
B'sarré  paraît  avoir  exercé  la  prééminence  sur  ses  collègues  des 
autres  districts  et  gouverné  le  Liban  avec  une  autorité  prin- 
cière  (4). 

Dernier  refuge  des  populations  araméennes  de  Syrie,  la  Mon- 
tagne opposa  aussi  la  plus  longue  résistance  aux  envahissements 
de  l'arabe,  tendant  graduellement  à  supplanter  le  syriaque.  En 
certains  districts  du  Liban  septentrional  cette  dernière  langue 
avait  pu  se  maintenir  comme  idiome  parlé  (5).  La  plupart  des 
écrivains  maronites  de  cette  époque  emploient  de  préférence  le 
vieux  dialecte  national,  et  s'il  faut  en  croire  un  des  biogra- 
phes (6)  de  notre  héros,  Gryphon  se  servit  également  du  syria- 

(1)  \oiv  Revue  d'Égyple  de  Charles  Gaillardot-Bey,  II,  593-600;  Ibid.,  IV,  la  fin  de 
Sahâvvî:  W.  Muir,  The  Mameluke  or  Slave  Dynasly,  Londres,  1896,  p.  158-176. 

(2)  Msc.  de  l'Université  Saint-Joseph  de  Beyrouth,  pp.  1177  et  1238. 

(3)  C'est  l'orthographe  de  notre  msc.  qui  signale  encore  la  formevulgaire  »  Bou- 
sarrày  ».  Nous  écrirons  Bsarré.  Pour  le  détail  très  compliqué  de  la  machine  admi- 
nistrative des  Mamlouks  en  Syrie,  on  peut  consulter  les  excellentes  dissertations 
de  M.  Van  Berchem  dans  le  Corpus  inscript,  arabicarum,  II,  210-sqq. 

(4)  Douwaïhî,  279. 

(5)  D'après  Paul  Lucas  (I,  21G),  dans  plusieurs  villages  voisins  des  Cèdres  on 
parlait  encore  syriaque  au  dix-septième  siècle.  Le  franciscain  Eug.  Roger  {La 
Terre  Sainte,  371)  donne  le  même  renseignement,  ainsi  que  de  la  Roque  [Vie  de 
M.  de  Chasteuil,  60)  et  Stochorn,  Voyage  d'Italie  et  du  Levant,  1670,  305.  D'après 
F.  Nairon,  Evoplia,  89),  les  femijies  mêmes  parlaient  le  syriaque  à  Bsarré  et  dans 
trois  localités  environnantes.  Dans  la  préface  de  son  Dictionnaire  syriaque-arabe 
{anno  1611),  Georges  de  Karmsaddé  dit  qu'il  a  recueilli  plusieurs  termes  syriaques 
employés  en  son  pays.  Voir  dans  Journal  Asiatique,  1898,  I,  244-249,  une  liste  de 
mots  syriaques  entrés  dans  l'arabe  de  Syrie;  il  serait  facile  de  la  grossir. 

(6)  Le  P.  de  Gubernatis  a  Sospitello. 


FIIÈRI':    GRYI'IION    ET    LE    LII5A\    AU    XV''    SIÈCLE.  85 

que  (1)  pour  la  composition  de  plusieurs  ouvrages.  Lorsque, 
comme  Gabriel  Al-Qalâ'î,  les  Libanais  s'essaient  en  arabe  leur 
style  rude  et  populaire  trahit  une  grande  inexpérience  de  la 
langue  du  Coran.  Même  pour  écrire  l'arabe,  on  continuait  en- 
core à  employer  les  caractères  araméens  ;  et  dans  tout  le  Liban 
vocabulaire  et  prononciation  conservaient  des  vestiges  nom- 
breux de  l'idiome  disparu  ou  condamné  à  disparaître. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Gryphon  au  courant  des  deux  langues  put 
commencer  immédiatement  son  ministère.  Une  des  premières 
questions  qui  doit  attirer  son  attention  fut  celle  des  rites  et  des 
cérémonies  ecclésiastiques;  «  ritus  composuit  ». 


VI 


D'après  un  annaliste  franciscain  de  cette  époque  s'appro- 
priant  (2)  les  expressions  de  Jacques  de  Vitry  «  les  Maronites 
forment  une  nation  nombreuse  habitant  le  mont  Liban,  armés 
d'arcs  et  de  flèches,  dressés  et  façonnés  aux  luttes  de  la  guerre. 
En  Orient,  ils  sont  les  seuls  à  observer  les  coutumes  des  Latins, 
surtout  dans  la  célébration  des  offices  et  l'administration  des 
sacrements.  Ils  obéissent  fidèlement  à  l'église  romaine.  Chez 
les  Orientaux,  les  prélats  ne  connaissent  ni  l'anneau,  ni  la  mitre, 
ni  la  crosse;  un  marteau  ou  un  bâton  frappant  sur  des  planches 
remplacent  les  cloches  pour  appeler  le  peuple  aux  offices.  Les 
Maronites,  au  contraire,  pour  montrer  leur  soumission  ont 
adopté  les  usages  occidentaux.  »  — «  Il  n'était  pas  rare  non  plus 
«  de  voir  des  évèques  latins  conférer  la  consécration  aux  pré- 
«  lats  maronites  (3).  » 

On  le  voit,  plusieurs  siècles  avant  le  célèbre  concile  du  Li- 
ban (4),  les  Maronites  cherchaient  dans  la  liturgie,  à  se  rappro- 

(1)  Comme  nous  le  verrons  plus  loin.  Reste  à  savoir  à  quel  point  notre  auteiu- 
est  exactement  renseigné. 

(2)  Cet  écrivain  nommé  Nie.  Glassberger,  n'omet  dans  le  passage  emprunté  à 
.J.  de  Yitryque  l'accusation  de  monothélisme.  Cette  omission  très  significative  est 
voulue,  croyons-nous;  Glassberger,  presque  contemporain  de  Gryphon  ayant  pu 
consulter  des  compagnons  de  ce  dernier. 

(oi  Ludolphe   de   Suchen.  —  Pour  l'introduction  des  cloches  au    Liban.  Cfr. 
Douwaihî,  Hist.  des  Maronites,  p.  103. 
(4)  Commencement  du  dix-huitième  siècle. 


86  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

cher  le  plus  possible  de  l'église  romaine.  Ces  rapprochements 
datent  surtout  du  temps  des  Croisades. 

Voici  comment  s'exprime  à  ce  sujet  un  écrivain  maronite, 
parfaitement  au  courant  de  l'histoire  de  sa  nation  :  Le  zèle  de 
nos  bienheureux  patriarches  pour  l'union  avec  l'église  romaine, 
mère  et  maîtresse  des  autres  églises,  les  portait  à  s'écarter  de 
coutumes  rituelles,  d'ailleurs  excellentes  en  elles-mêmes,  afin 
de  se  rapprocher  du  siège  apostolique.  Tous  les  hommes  tant 
soit  peu  au  courant  de  nos  anciens  usages  et  de  ce  qui  se  pra- 
tique de  nos  jours,  savent  que  ces  modifications  ont  suivi  le 
voyage  à  Rome  du  Patriarche  Jérémie  al  'Amsîtî  en  1215.  A 
partir  de  cette  époque  notre  clergé  a  pris  les  ornements  latins 
et  tâché  de  se  rapprocher  en  tout  de  l'église  romaine  (1).  » 

Malgré  cette  tendance  de  rapprochement,  les  différences  ri- 
tuelles étaient  encore  assez  considérables,  et  au  quinzième  siècle 
l'église  maronite  conservait  encore  plusieurs  usages  purement 
orientaux.  Ainsi  la  confirmation  était  conférée  immédiatement 
après  le  baptême.  Pendant  le  carême,  comme  chez  les  Grecs,  on 
célébrait  tous  les  jours  la  messe  des  Présanctifiés;  et  jusqu'à 
la  fin  du  seizième  siècle  le  peuple  libanais  continua  de  com- 
munier sous  les  deux  espèces  (2). 

Esprit  large  et  ouvert,  le  missionnaire  flamand  se  montra 
sagement  conservateur  dans  les  questions  de  liturgie  ancienne. 
Il  plaida  même  si  bien  en  ce  sens  à  Rome  qu'on  permît  aux 
Maronites  de  «  garder  plusieurs  coutumes  particulières  aux 
prêtres  de  l'église  orientale  »  (3). 

Gryphon,  nous  disent  les  annales  de  son  ordre,  s'occupa  acti- 
vement à.  bâtir  de  nouvelles  églises  au  Liban.  Sous  les  Croisés 
l'architecture  religieuse  y  avait  déjà  jeté  un  certain  éclat;  et 
plusieurs  des  temples  élevés  alors  subsistent  encore.  «  Les 
Maronites,  dit  M.  Rey,  ne  restèrent  pas  étrangers  au  courant 

(1)  M.  Rachid  Chartoùni,  dans  la  préface  de  la  Lampe  du  Sanctuaire  (Blanàrat 
al-Aqdàs)  de  DomAaïhî,  Beyrouth  1898,  p.  7. 

(2)  Dandini,  p.  127.  Villarmont  atteste  le  même  fait.  Le  6  juillet  1587.  E.  von 
Bueseck  vit  les  moines  de  Qanoùbîn  «  donner  le  Saint  Sacrement  avec  une  cuil- 
lère. »  Rohricht-M.,  457. 

(3)  Première  bulle  de  Léon  X,  en  1515  au  patriarche  maronite  dans  une  collec- 
tion imprimée  de  bulles  du  seizième  siècle  conservées  à  la  Rossiana  de  Vienne 
(Autriche),  Ilefele-Ilergenrœther  l'a  reproduite  comme  inédite  dans  sa  ConcUien- 
geschlchlc  VIII  (pièces  justificatives). 


FRÈRE    GRYl'IION    ET    LE    LIliAN    AU    XV''    SIÈCLE.  87 

artistique  qui  se  développa  à  cette  époque  en  Syrie.  Les  églises 
de  l.Iattoùn  (1),  Maïfouq,  I.Ialtâ,  Sabtîn,  Toùlà,  Bliadîdat,  Ma'ad, 
'Aqoura,  Samàr  Geubaïl,  celle  de  Sainte  Tôcle  àGebail  appar- 
tiennent à  un  art  syrien,  issu  du  byzantin,  et  elles  offriront  un 
curieux  sujet  de  recherches  à  qui  entreprendra  l'étude  de  l'ar- 
chéologie syrienne  médiœvale  du  Liban.  » 

Les  églises  de  Ma'àd,  d'Eddé,  de  Bliadîdat,  de  Kafr  Slaimàn 
et  de  Nàoùs  renferment  des  peintures  syriennes  bien  conser- 
vées, et  d'un  grand  intérêt.  A  Bliadîdat  on  distingue  surtout 
des  chérubins  portant  la  trisagion  en  beaux  caractères  estrang- 
gélo.  «  De  leur  étude  résultera,  dit  Renan,  un  complément  im- 
portant à  l'histoire  de  l'art  byzantin  (2).  » 

Gryphon  ne  se  contenta  pas  de  bâtir  des  églises;  il  corrigea 
divers  abus  (3);  car  nous  croyons  devoir  traduire  ainsi  le  mot 
errores ,  dont  nos  auteurs  font  usage.  Il  ne  peut  évidemment 
pas  être  question  d'erreurs  doctrinales.  Les  adversaires  les  plus 
décidés  de  la  perpétuelle  orthodoxie  des  Maronites  doivent  con- 
venir que  depuis  le  concile  de  Florence  leurs  croyances  ont  été 
absolument  irréprochables.  Il  s'agit  donc  sans  doute  de  points 
de  discipline,  n'intéressant  en  rien  la  foi,  d'abus  qui  peuvent 
se  glisser,  hélas  !  dans  les  milieux  les  plus  fortement  imbus  de 
principes  catholiques. 

Il  y  avait  en  outre,  au  Liban,  plusieurs  localités  habitées  par 
des  Jacobites.  Le  géographe  Idrîsî  signale  comme  tel  le  petit 
port  de  Goûnî  (4);  et  s'il  faut  en  croire  une  inscription  syriaque 
le  couvent  de  Maifouq  aurait  été  également  un  centre  mono- 
physite  (5).  L'Histoire  de  Douwaïhî  en  indique  plusieurs  autres, 
établis  en  plein  pays  maronite  et  très  zélés  pour  la  propagation 
de  leurs  erreurs.  Peut-être  Gryphon  eut-il  à  sévir  contre  des 
livres  et  des  opinions  que  les  voisins  Jacobites  s'efforçaient  de 
répandre  au  milieu  de  ce  peuple  fidèle!  A  la  faveur  d'une 
langue  et  d'une  liturgie  communes ,  les  points  de  contact  n'é- 
taient que  trop  nombreux  et  de  l'aveu  des  écrivains  maronites, 

(1)  Ou  Hadtoùn. 

(2)  Colonies  franques  de  Syrie,  par  E.Rey,  79;  Renan,  Mission  de  Phénicie,  229. 
236,  240,  252;  Douwaïhî,  103,  112. 

(3)  '•  Errores  ablegavit  ■>. 

(4)  Syrie  (éd.  Gildemeister),  p.  17  du  texte  arabe. 

(5)  Mission  de  Phénicie,  254.  Elle  est  de  127G;  deux  évêques  jacobites  y  sont 
nommés;  cela  suppose  l'existence  d'une  hiérarchie  monophysite. 


88  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

elles  furent  en  plus  d'une  occurence  nuisibles  à  la  pureté  de  la 

foi  a). 

Quoi  qu'il  en  soit,  abus  disciplinaires  ou  erreurs  Jacobites, 
les  efforts  de  Gryphon  pour  les  extirper  furent  couronnés  de 
succès.  Il  fut  aisé  de  rendre  son  premier  éclat  à  la  religion  chez 
un  peuple  ayant  toujours  joint  un  grand  fond  de  piété  à  un 
sincère  attachement  à  la  foi  catholique. 

Ces  réformes  ne  purent  se  faire  sans  soulever  des  difficultés. 
Des  Maronites  trouvèrent  le  zèle  du  missionnaire  intempestif. 
Leur  opposition  serait  tombée  d'elle-même  sans  l'appui  d'un 
mouqaddam,  dont  le  nom  n'est  pas  indiqué. 

Il  ne  peut  être  question  de  'Abdal-moun'im  bin  Saifà 
(f  1469)  ni  de  son  neveu  et  successeur  Rizqallah?Ce  dernier  par- 
tisan obstiné  des  Jacobites,  parvint  seulement  au  mouqaddamat 
en  1472.  Mais  son  influence  était  déjà  grande  sous  le  gouverne- 
ment de  son  oncle;  et  ses  sentiments  hétérodoxes  n'attendirent 
pas  l'année  de  sa  mort  pour  s'affirmer  avec  éclat  (2). 

L'opposition  au  zèle  du  Fr.  Gryphon  aurait  désarmé  devant 
un  prodige.  C'était  le  jour  de  l'Assomption,  fête  dès  lors  célé- 
brée avec  tout  l'entrain  et  la  piété  que  les  Maronites  y  mettent 
de  nos  jours.  Sur  le  soir,  Gryphon  avait  réuni  les  fidèles  dans 
l'église,  où  il  leur  adressa  une  brûlante  exhortation.  Les  rayons 
du  soleil  couchant  pénétraient  par  la  porte  donnant  sur  l'occi- 
dent. Quand  soudain  l'orateur  fit  voir  au  peuple  assemblé  le 
soleil  illuminant  les  fenêtres  au  chevet  de  l'église ,  soigneuse- 
ment orientée,  comme  toutes  celles  de  l'Orient.  Depuis  ce  jour, 
ajoutent  les  chroniqueurs  franciscains,  à  qui  nous  empruntons 
ces  détails,  les  Maronites  font  le  jour  de  l'Assomption  mémoire 
de  cet  événement  extraordinaire. 

Nous  avons  eu  bien  des  fois  le  bonheur  de  fêter  l'Assomption 
au  milieu  des  religieuses  populations  du  Liban.  Il  faut  croire 
qu'il  y  a  trois  cents  ans,  au  moment  où  écrivaient  les  historio- 
graphes de  l'Ordre  séraphique  le  souvenir  de  ce  prodige  était 
plus  vivant  que  de  nos  jours ,  où  il  paraît  enseveli  dans  le  plus 
profond  oubli  ;  du  moins  n'en  avons-nous  jamais  entendu  faire 
mention.  Le  patriarche  Douwaïhî  est  beaucoup  plus  sévère.  Il 

(1)  Douwaïhî,  129;  Dandini,  127;  Assemani  assigne  en  substance  les  mémos 
causes. 

(2)  Douwaïhî,  140,  141,  411. 


^  FRÈRE    (iRVl-IKiN    KT    LK    IJIîAX    AU    XV'    SIKCLE.  89 

traite  toute  cette  histoire  de  «  contes  de  vieilles  femmes  n'ayant 
laissé  de  traces  ni  chez  les  historiens  ni  dans  les  livres  d'é- 
glise (1)...  La  fête  annuelle  célébrée  en  souvenir  du  miracle  de 
Gryphon,  cette  fête,  tous  les  Maronites  l'ignorent.  <Jui,  ils  so- 
lennisent  l'Assomption  de  la  mère  du  Sauveur,  titulaire  du 
siège  patriarcal  de  Qanoûbîn,  fondé  par  l'empereur  grec  Théo- 
dose mille  ans  avant  l'apostolat  de  Gryphon  :  rien  de  plus.  » 

Impossible  d'être  plus  catégorique.  Nous  n'aurions  donc  af- 
faire qu'à  une  pieuse  légende  (2)?  Légende  ou  non,  elle  atteste 
la  haute  opinion  qu'on  avait  de  la  vertu  du  zélé  franciscain. 
La  légende  ne  s'attache  qu'aux  pas  des  hommes  extraordi- 
naires, comme  l'ombre  suit  les  corps  illuminés  par  le  soleil. 


VII 


Les  soins  donnés  à  la  nation  maronite  n'absorbaient  pas 
toute  l'activité  de  Gryphon.  Il  trouvait  encore  du  temps  à  con- 
sacrer aux  populations  grecques  (3)  du  Liban. 

«  C'est  un  problème  assez  ardu,  dit  M.  l'abbé  Pisani  (4),  de 
savoir  si  les  Melkites  de  Syrie  reconnurent  d'une  manière  con- 
tinue la  suprématie  de  Constantinople  après  le  schisme  de  Pho- 
tius  et  de  Cérulaire  ;  on  l'a  nié...  Il  est  certain  toutefois  que  pen- 
dant les  Croisades,  les  Grecs  de  Syrie  faisaient  cause  commune 
avec  ceux  de  Constantinople;  c'est  ce  qui  a  mis  en  relief  la  fidé- 
lité des  Maronites  ».  Cela  résulte,  selon  nous,  de  la  situation 
faite  aux  patriarches  d'Antioche ,  obligés  pendant  toute  cette 
période  de  résider  à  Constantinople,  où  ils  étaient  désignés  par 
les  autorités  byzantines.  Ces  prélats,  tous  Grecs,  favorisaient 
évidemment  les  prétentions  de  leurs  compatriotes.  L'un  d'entre 
eux,  Théodore  Balsamon,  inaugure  la  campagne  contre  la  li- 

(1)  Il  s'agit  apparemment  des  livres  d'offices,  eu  marge  desquels  on  trouve  fré- 
quemment la  mention  des  principaux  événements. 

(-2)  Dans  la  chronique  de  Marc,  évèque  de  Lisbonne,  la  légende  se  termine  ainsi  : 
.<  Gryphon...  Libani  gubernatorem  cum  tota  natione  baptisavit  ...  Cela  aide  à 
comprendre  la  mauvaise  humeur  de  Douwaïhi. 

(3)  Grecques  de  rite,  ou  mieux  melkites,  comme  on  les  appelait  alors.  De  nos 
jours  ce  dernier  terme  ne  s'applique  plus  qu'aux  Grecs-unis  de  Syrie  et  d'Egypte. 
Le  P.  Arturus  est  seul  à  parler  de  l'apostolat  de  Gryphon  parmi  les  Grecs. 

(4)  .4  travers  l'Orient,  p.  240. 


90  REVUE    DE    l'orient    CIIRÉTIEX.  ^ 

turgie  de  saint  Jacques  (1)  et  la  langue  syriaque  en  Syrie.  Mais 
en  dehors  des  deux  siècles  de  l'occupation  franque  la  plupart 
des  patriarches  melkites  affectèrent  une  grande  indépendance 
hiérarchique  envers  leurs  collègues  de  Constantinople  (2). 

A  l'arrivée  de  Gryphon  en  Syrie  le  patriarcat  grec  d'Antioche 
était  toujours  gouverné  par  Dorothée.  Ce  prélat  versatile,  après 
avoir  souscrit  au  concile  de  Florence  par  son  représentant  Isi- 
dore, métropolitain  de  Kieff  (Russie)  s'était  déclaré  l'adver- 
saire de  l'union  avec  Rome.  Il  fut  l'âme  du  conciliabule  de  Jé- 
rusalem où  l'on  avait  anathématisé  le  concile  de  Florence.  Non 
content  de  cet  éclat,  en  1450  il  se  rendit  à  Constantinople  où,  de 
concert  avec  ses  collègues  de  Jérusalem  et  d'Alexandrie,  il  con- 
voqua une  réunion  à  Sainte-Sophie.  On  y  condamna  de  nouveau 
l'œuvre  de  Florence  et  l'on  destitua  Grégoire,  successeur  du  pa- 
triarche Métrophane,  comme  suspect  de  tendances  latines  (3). 

Dorothée  mourut  en  1464.  Ses  successeurs  immédiats  furent 
Michel,  Joachim  et  Marc;  ce  dernier  mort  en  1476  (4).  Ces  pa- 
triarches paraissent  avoir  eu  des  sentiments  conciliants  et 
même  catholiques.  Gr3^phon  aura  sans  doute  mis  à  profit  leurs 
bonnes  dispositions  en  faveur  de  l'union. 

Peut-être  faut-il  considérer  comme  un  effet  de  ses  travaux 
l'envoi  à  Rome  au  commencement  de  1460  de  Moïse  archidiacre 
d'Antioche.  Le  choix  était  significatif.  Moïse  possédait  des  con- 
naissances assez  étendues  :  on  le  dit  tout  spécialement  versé 
dans  les  littératures  grecque  et  syriaque  (5).  Il  appartenait  à 

(1)  Sous  prétexte  qu'on  ne  la  suivait  pas  à  Constantinople.  Cfr.  Migne,  P.  G.. 
t.  CXXXVII,  p.  10-20. 

(2)  Voir  à  ce  sujet  une  curieuse  brochure  arabe  :  ■<  Coup  d'œil  historique  sur 
la  confrérie  hellénique  du  Saint-Sépidcre,  signée  par  'Abdalahad,  nom  de  guerre 
abritant  l'archimandrite  orthodoxe  Gebàra  et  aussi  La  question  gréco-arabe  ou 
V hellénisme  en  Palestine  et  en  Syrie,  Arras  et  Paris,  1895. 

(3)  Le  Résumé  de  l'histoire  des  Grecs  catholiques  melkites  (Mouhtasar,  etc.)  im- 
primé à  Beyrouth  en  1884,  paraît  le  compter  au  nombre  des  i)atriarches  catho- 
liques pour  des  raisons  à  nous  inconnues.  Page  14,  il  est  appelé  «  Doûsitiànos  », 
appellation  ne  correspondant  à  aucun  nom  grec. 

(4)  L'auteur  du  Résumé  nomme  après  Michel,  les  patriarches  Théodore  et  Joa- 
chim. Ce  n'est  pas  en  1463,  mais  en  1460,  qu'eut  lieu  la  mission  de  l'archidiaci-e 
Moïse.  Le  Pape  régnant  était  non  Pie  III  mais  Pie  11  (Cfr.  Résumé,  p.  17). 

(5)  Les  Melkites  connaissaient  donc  encore  le  syriaque  à  cette  époque.  —  Pour 
ceux  qui  voudraient  étudier  le  rôle  du  syriaque  chez  les  Melkites  nous  devons 
nous  contenter  de  renvoyer  aux  travaux  suivants  :  Dom  Parisot.  Journal  Asiati- 
que, 1898,  I,  267;  ZDMG,  XXXIII,  666,  hymne  syriaque  melchite  (probable  selon 
nous);  Renaudot,  Liturgiarum  orientalium  collectio,  t.  I",  xui-xlvi;  t.  II,  xx;  As- 


FRÈRR    GRYPIIOX    Kl'    \A']    l.lliAN    AU    XV"    SIÈCLE.  01 

une  branche  syrienne  de  la  noble  famille  franque  de  L^J'y/n- 
briac,  nommée  aussi  Giblet,  de  la  ville  de  Giblet  (Gebail)  qu'elle 
avait  tenu  en  fief  aux  temps  du  royaume  latin  (1).  Moïse  venait 
au  nom  des  patriarches  de  Jérusalem,  d'Antioche  et  d'Alexan- 
drie et  apportait  leurs  lettres  d'adhésion  à  l'union  de  Florence. 
Le  grand  pape  Pie  II  le  reçut  en  audience  privée  et  publique; 
et  le  21  avril  de  la  même  année,  il  fit  paraître  un  document  sur 
cette  nouvelle  tentative  d'union  (2).  On  a,  avec  quelque  raison, 
élevé  des  doutes  sur  la  sincérité  de  ce  rapprochement,  de- 
meuré d'ailleurs  pratiquement  stérile. 

La  faute  principale  en  doit  être  rejetée  sur  les  chefs  de  l'é- 
glise grecque  en  Syrie,  dont  l'attitude  en  face  de  l'union  fut 
trop  souvent  équivoque  ou  même  hostile.  «  On  peut  dire  que 
pour  le  peuple  le  schisme  était  plutôt  matériel  que  formel  jus- 
qu'en 1727  (3)  »,  époque  où  la  séparation  entre  les  deux  com- 
munions devient  nettement  tranchée.  Jusque-là,  comme  le  mon- 
trent les  Lettres  édi fiantes,  les  rapports  entre  catholiques  et 
orthodoxes  sont  fréquents  et  souvent  amicaux.  Jamais  les  Sy- 
riens n'eussent  inventé  le  cri  haineux  et  stupide  :  Plutôt  Turcs 
que  Papistes  !  L'immixtion  du  Phanar  et  l'introduction  de  l'in- 
fluence hellénique  dans  le  patriarcat  d'Antiocheau  dix-huitième 
siècle  mettent  définitivement  un  terme  à  cette  entente  et  ou- 
vrent par  une  longue  période  l'ère  d'une  persécution  san- 
glante (4). 

Malheureusement  les  biographes  de  Gryphon,  principalement 

semani,  Bibliotheca  orienlalis,  IV,  378;  Jos.  Aloy.  Assemani,  Codex  Ulurg.  ecclesiœ 
universœ,  I,  132;  IX,  p.  xxix,  etc.;  Bickell,  Compeclus  rei  Syrorum  lilleriœ,  59, 
74;  Théodore  Balsamon,  Migne,  P.  G.,  CXXI,  137,  958).  Pour  la  contrepartie, 
voir  Denzinger,  Ritus  orienta  Hum,  I,  3.  —  Les  bibliotliéques  d'Europe,  principa- 
lement la  Yaticano  et  lé  British  ^Muséum  contiennent  des  mss.  sj'riaco-nielchites 
ou  réputés  tels;  il  faudrait  les  examiner. 

(1)  Sur  la  famille  des  Giblet  voir  G.  Rey-Ducange,  Familles  d'outre-mer,  31G- 
336;  elle  compta  de  nombreuses  branches  entre  autre  celle  des  «  Angelier  »  sei- 
gneurs de  Maraclée  (la  Maraqiya  actuelle).  Après  les  Croisades  les  Giblet  s'éta- 
blissent en  Chypre  où  le  dernier  représentant  mourut  en  1488.  Rey  a  ignoré 
l'existence  de  la  branche  demeurée  en  Syrie,  à  laquelle  appartient  notre  3Ioïse. 

(2)  Raynald,  année  1460,  n"  55.  Les  actes  relatifs  à  cette  affaire  reposent  aux 
archives  secrètes  du  Vatican,  armoire  IV. 

(3)  Rapport  de  l'abbé  P.  Geraïgiry  à  l'Œuvre  des  Écoles  d'Orient  en  1879. 

(4)  Cf.  Revue  de  l'Orient  chrétien,  1898.  Baron  d'Avril,  les  Grecs  Melkites; 
p.  12-20.  Dans  la  suite  de  son  travail  l'auteur  admet  également  l'existence  d'une 
liturgie  syro-melkite. 


92  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

préoccupés  de  son  apostolat  auprès  des  Maronites  ont  négligé 
de  nous  donner  le  détail  de  ses  missions  parmi  les  orthodoxes 
de  Syrie.  Elles  n'aboutirent  qu'à  des  conversions  individuelles  ; 
le  grand  mouvement  de  retour  parmi  les  Grecs  n'ayant  com- 
mencé que  vers  la  fin  du  dix- septième  siècle  (1). 


VIII 


Gryphon  eut  le  bonheur  de  vivre  sous  des  Papes,  tous  très 
attentifs  aux  affaires  de  l'Orient  :  Eugène  IV,  le  Pontife  du  con- 
cile de  Florence,  Nicolas  V,  qu'on  a  faussement  accusé  d'indif- 
férence à  cet  égard  (2)  et  surtout  Callixte  III.  La  croisade  devint 
l'idée  fondamentale  du  règne  du  vieux  Pontife  castillan.  Il  l'i- 
naugura en  s'engageant  solennellement  par  vœu  à  sacrifier 
dans  ce  but  tous  les  trésors  de  l'Église  et  s'il  le  fallait  sa  propre 
vie  :  c<  Moi,  Callixte,  fais  vœu  à  la  Très  Sainte  Trmité...  de  dé- 
livrer les  chrétiens  gémissant  dans  l'esclavage,  de  relever  en 
Orient  la  vraie  foi  et  d'en  extirper  la  secte  diabolique  du  maudit 
et  infidèle  Mahomet.  Si  je  t'oublie,  ô  Jérusalem...!  ».  Il  s'entre- 
tenait des  heures  entières  de  la  Croisade  avec  les  Franciscains  ; 
les  autres  affaires  étaient  promptement  expédiées;  pour  celle-là 
il  y  revenait  constamment  (3).  Les  appels  en  faveur  de  la  déli- 
vrance des  chrétiens  orientaux  occupent  une  bonne  partie  des 
38  gros  volumes,  contenant  les  actes  du  pontificat  si  court  de 
Callixte  III  et  déposés  aux  archives  secrètes  du  Vatican  (4).  Il 
ne  s'en  tenait  pas  aux  paroles.  Remarquant  un  jour  sur  sa  table 
une  salière  dor  :  «  Qu'on  l'enlève!  s'écria-t-il,  pour  l'Orient! 
de  la  faïence  fera  tout  aussi  bien!  »  Après  la  victoire  de  Bel- 
grade (21  juillet  1456)  le  Pape  songea  sérieusement  à  conquérir 
la  Terre-Sainte  (5). 

Dès  la  première  année  de  son  pontificat,  le  14  juin  1455 
Callixte  avait  écrit  au  patriarche  Jacob  de  Hadat  une  lettre, 


(1)  Revue  de  l'Orient  chrétien,  1898.  Baron  d'Avril,  les  Grecs  Melkites. 

(2)  Cfr.  Pastor,  I,  443.  Dans  la  première  bulle  de  Léon  X  au  patriarche  Pierre, 
il  est  fait  mention  d'une  lettre  de  Nicolas  V  aux  Maronites. 

(3)  Wadding,  Xll,  290. 

(4)  Pastor,  I,  518. 

(5)  Pastor,  1,  557. 


FIIKUE    CIIIVI'IIOX    KT    lA'l    LlIîAX    AU    XV"    SlKCLi:.  03 

confiée  à  un  certain  Ibrahim,  envoyé  du  prélat  maronite.  Le 
Pape  y  loue  la  foi  et  le  zèle  du  prélat  pour  les  intérêts  spiri- 
tuels de  son  troupeau  (1).  En  1457  il  adressait  une  nouvelle 
lettre  aux  chrétiens  de  Syrie  (2). 

On  devine  avec  quelle  faveur  il  dut  accueillir  Gryphon  venu 
à  Rome  dans  l'intérêt  de  ses  chers  Maronites.  Le  Pontile  en  qui 
malgré  les  glaces  de  l'âge  bouillonnait  toute  l'ardeur  du  sang 
espagnol  et  le  missionnaire  flamand  étaient  faits  pour  se  com- 
prendre. Tous  les  deux  esprits  larges,  ouverts  aux  grandes  idées 
ils  avaient  un  amour  commun  :  celui  de  l'Orient.  Callixte  mit 
certainement  à  profit  l'expérience  acquise  par  Gryphon  pendant 
15  années  de  séjour  en  Syrie.  Malheureusement  l'histoire  ne 
ne  nous  a  conservé  aucun  détail  sur  ce  voyage  que  les  étroites 
limites  du  règne  de  Calhxte  III  obligent  de  placer  entre  1455 
et  1458. 

Quelques  années  plus  tard,  Rome  revit  Gryphon  pour  la  se- 
conde fois.  Pierre,  surnommé  Ibn  al-Hassàn  avait  succédé  au 
patriarche  Jacob  de  Hatlat.  En  1469  dans  une  réunion  des  prin- 
cipaux du  clergé  et  de  la  nation  maronite,  le  nouveau  patriarche 
décida  d'envoyer  à  Rome  les  lettres  d'obédience  pour  demander 
la  confirmation  de  son  élection.  Les  lettres  furent  signées  par 
les  assistants  et  l'on  désigna  pour  les  porter  Gryphon,  accom- 
pagné de  deux  autres  franciscains  Frère  Simon  et  Frère 
Alexandre  (3).  Cette  députation  arriva  à  Rome  dans  la  pre- 
mière moitié  de  1469. 


IX 


Successeur  de  Pie  II,  Paul  II  avait  hérité  de  ce  grand  Pape 
son  dévoùment  aux  intérêts  de  l'Orient  chrétien  (4).  Il  reçut 
avec  joie  les  envoyés  du  peuple  libanais,  ordonna  une  enquête 
sur  l'élection  du  nouveau  patriarche,  sur  son  orthodoxie  et 

(1)  Douwaïhî,  404. 

(2)  Raynald  ad.  ann.  1456,  n°  44,  anii.  1457,  n"  68.  Wadding  XII,  420423. 

(3)  Douwaïhî,  413. 

(4)  Pour  les  détails  voir  Pastor,  II,  318-321  ;  345  etc.  —  Pic  II  envoya  à  Jérusa- 
lem frère  Baptiste  de  Lubeck,  savant  médecin,  pour  donner  ses  soins  aux  reli- 
gieux de  Terre-Sainte.  Cfr.  Juan  de  Calahorra,  Chronica  de  Syria,  1.  IV,  c.  XX. 
p.  297. 


94  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

celle  de  son  peuple.  Gryphon  rendit  à  l'un  et  à  l'autre  le 
meilleur  témoignage.  En  même  temps  il  écrivit  de  Rome  à  ses 
chers  Maronites  la  lettre  suivante  (1).  En  voici  les  passages 
principaux  (2)  : 

«  Frères  bien-aimés!...  Notre  Seigneur  Paul,  Pape  de  Rome, 
Vicaire  du  Messie  et  successeur  de  saint  Pierre,  me  renvoie 
vers  vous  pour  vous  attester  la  croyance  de  Pierre;  comme 
je  suis  venu  témoigner  ici  que  la  vôtre  était  conforme  à  la 
sienne,  que  vous  étiez  d'accord  avec  lui,  soumis  à  son  siège. 
De  cela  j'ai  pu  fournir  plusieurs  preuves  : 

1°  Que  votre  patriarche,  vos  évêques,  vos  prêtres  séculiers 
et  réguliers,  ainsi  que  les  laïques  interrogés  par  moi  à  ce  sujet 
m'ont  donné  la  réponse  précédente.  J'en  suis  sûr,  ils  n'ont  en 
aucune  manière  usé  de  réticence  et  je  ne  serai  pas  accusé  de 
mensonge  près  du  Pape  de  Rome. 

2"  Il  y  a  de  par  le  monde  plusieurs  sectes  chrétiennes  ou 
infidèles.  Les  Maronites,  nous  le  savons,  ne  sont  d'accord  ni 
avec  les  infidèles,  ni  avec  les  Nestoriens,  ni  avec  les  Jacobites,  ni 
avec  les  Grecs;  mais  ils  considèrent  toutes  ces  sectes  comme 
hétérodoxes.  S'ils  agissaient  de  même  à  l'égard  de  la  croyance 
des  Francs,  il  s'ensuivrait  qu'il  ne  se  trouve  des  savants, 
des  saints,  des  livres  et  des  témoignages  irrécusables  que  chez 
les  seuls  Maronites;  conclusion  évidemment  inadmissible,  vu 
le  petit  nombre  de  ces  derniers.  Mais  par  le  fait  de  leur 
communion  avec  les  Francs,  ils  le  sont  également  avec  une 
grande  société  ayant  toujours  produit  des  saints,  des  savants, 
des  rois,  etc. 

3°  De  temps  immémorial  tous  les  Maronites  font  solennelle- 
ment mention  du  Pontife  romain;  ce  qu'ils  ne  font  pour  aucun 
autre  personnage  des  autres  confessions.  Vos  ancêtres  n'ontétabli 
cette  coutume  que  parce  qu'ils  étaient  d'accord  avec  le  Pape 
de  Rome,  unis  dans  la  même  croyance. 

4°  Dans  les  pays  des  Francs,  à  Rhodes,  à  Chypre,  cà  Tri- 
poli (3),  à  Beyrouth,  à  Jérusalem,  les  Maronites  de  toute  anti- 

(1)  Des  copies  de  cette  lettre  étaient  jadis  répandues  par  tout  le  Liban.  Au 
temps  de  Douwaihî,  les  archives  de  Qanoûbîn  en  gardaient  une  de  la  main  de 
l'évêque  Gabriel,  disciple  de  Gryphon. 

(2)  Le  style  en  est  fort  négligé  ;  notre  traduction  s'en  ressentira  forcément. 

(3)  Les  documents  des  Croisades  signalent  une  église  franciscaine  à  Tripoli. 
(ZDPV.X,  33).  E.xistait-elle  encore  au  quinzième  siècle? 


FiiÈui':  (iuviMiux  i;t  lk  liijan  au  xv'^  sikclk.  0.J 

quitc  fréquentent  les  églises  des  Francs  et  célèbrent  sur  leurs 
autels  avec  les  mêmes  ornements;  ils  consacrent  et  font  comme 
eux  le  signe  de  la  croix;  ils  se  confessent  et  communient  chez 
eux  et  reçoivent  en  présent  des  mitres,  etc..  En  suite  de  cela 
le  patriarche  Jérémie,  ses  prêtres  et  son  peuple,  il  y  a  plus  de 
250  ans  se  sont  unis  de  croyance  avec  les  Francs;  en  quoi  ils 
ont  été  imités  par  plusieurs  patriarches,  et  à  notre  époque  par 
Jean  Al^à^î  et  après  lui  par  le  titulaire  actuel,  Pierre,  demeu- 
rant au  couvent  de  Qanoûbîn. 

Dieu  veuille  vous  garder  dans  cette  union  et  vérifier  ainsi 
ce  que  j'ai  attesté  à  notre  saint  Père  le  Pontife  de  Rome!  » 

Comme  il  ressort  de  toute  la  lettre,  Gryphon  se  montra  à 
Rome  l'avocat  dévoué  des  Maronites.  Grâce  à  son  intervention, 
comme  on  l'a  déjà  vu,  on  leur  permit  de  conserver  plus  d'  «  une 
coutume  propre  à  l'église  orientale  »  (I). 

A  son  retour  au  Liban  il  y  apportait  un  bref  de  Paul  II  au 
chef  de  la  nation  maronite.  Le  Pontife  y  déclare  qu'il  a  reçu 
par  Gryphon  la  lettre  du  Prélat.  Elle  lui  a  appris  —  détails  con- 
firmés de  vive  voix  par  le  missionnaire  franciscain  —  avec 
quel  zèle  il  s'applique  à  maintenir  la  pureté  de  la  foi.  La  plus 
grande  partie  de  la  lettre  apostolique  est  remplie  d'explications 
sur  certaines  questions  dogmatiques,  actuellement  d'assez  mé- 
diocre intérêt.  A  la  fin,  le  Pape  confirme  l'élection  de  Pierre, 
l'engage  à  recevoir  les  enseignements  de  Gryphon  et  de  ses 
compagnons  et  à  écouter  leurs  conseils,  comme  s'ils  émanaient 
de  sa  propre  personne.  Ce  document  est  daté  de  Rome,  août 
1469. 


Paul  II  ne  se  serait  pas  contenté  de  ces  exhortations,  si  ho- 
norables pour  Gryphon.  S'il  faut  en  croire  la  plupart  des  his- 
toriens franciscains,  il  l'aurait  consacré  patriarche  des  Maro- 
nites. 

Il  y  a  près  de  cinq  ans,  nous  nous  trouvions  à  Bruxelles  dans 

(1)  Dans  sa  lettre  à  Léon  X,  le  P.  Franc.  Soriano,  custode  de  Terre-Sainte  dit 
que  les  Maronites  ne  se  distinguent  des  Latins  que  par  «  certaines  coutumes  ap- 
prouvées par  le  Saint  Siège  sur  les  instances  de  Frère  Gryphon.  » 


96  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

la  bibliothèque  des  Bollandistes.  Nous  nous  rappelons  encore 
la  stupeur  qui  nous  saisit  quand  pour  la  première  fois  en 
feuilletant  les  grandes  histoires  de  Tordre  franciscain  nous 
tombâmes  sur  cette  nomination  d'un  missionnaire  flamand 
comme  patriarche  du  Liban.  Le  problème  historique  nous  parut 
digne  d'être  élucidé.  De  cette  pensée  est  sorti  le  présent  travail. 

Le  fait  est  d'autant  plus  étrange  qu'à  cette  époque  précise 
les  Maronites  venaient  d'élire  un  patriarche  et  que  le  mission- 
naire était  lui-même  porteur  du  bref  approuvant  cette  élec- 
tion. Cependant  la  presque  unanimité  de  nos  auteurs  affirment 
ce  fait.  Malgré  leur  nombre  imposant,  en  examinant  de  près 
leurs  expressions,  on  s'aperçoit  que  tous  ont  copié  AYadding, 
et  souvent  textuellement.  Tout  revient  donc  à  l'autorité  du 
principal  historiographe  de  l'ordre  séraphique. 

Nous  pouvons  heureusement  opposer  ici  à  Wadding  la  chro- 
nique du  franciscain  Glassberger,  récemment  éditée  à  Flo- 
rence (1).  Ce  religieux  allemand  entré  dans  l'Ordre  en  1472 
était  presque  contemporain  de  Gryphon  et  sa  chronique  manus- 
crite, demeurée  dans  la  poussière  des  bibliothèques  jusqu'à  ces 
dernières  années  n'a  pas  été  utilisée  par  Wadding  (2).  C'est 
donc  un  travail  indépendant  des  sources  auxquelles  a  puisé  ce 
dernier.  La  courte  mais  substantielle  notice,  que  Glassberger 
consacre  à  son  illustre  confrère  semble  avoir  été  composée  sur 
des  renseignements  fournis  par  les  compagnons  ou  les  succes- 
seurs immédiats  de  Gryphon  (3).  Or  tout  en  exaltant  les  grands 
travaux  du  missionnaire  il  ignore  complètement  cette  promo- 
tion à  la  dignité  patriarcale  (4).  C'eût  été  pourtant  le  lieu  de 
la  mentionner.  Dans  de  pareilles  conditions  son  silence  est  si- 
gnificatif. 

Le  plus  sage  semble  donc  de  se  rallier  à  la  conclusion  de 
Quaresmius.  Ce  judicieux  écrivain  n'adopte  pas  non  plus  la 
version  de  Wadding  et,  après  l'avoir  exposée,  il  conclut  par  cette 

(l)  En  1887.  Dans  la  collection  «  Analecta  franciscana  »,  t.  II. 
("2)  Cfr.  la  préface,  p.  vi,  de  l'édition  de  Glassberger. 

(3)  A  part  cependant  certains  détails  de  haute  fantaisie,  par  ex.  : ...  «  Maronitœ 
«on  habent  proprium  idioma,  sed  aliqui  loquuntur  grsece,  alii  saracenice  et  in 
Divinis  utuntur  litteris  latinis,  in  negotiis  saîcularibus  litteris  nationum.  >' 

(4)  A  la  fin  du  dix-septième  siècle  les  prélats  et  le  peuple  maronites  voulurent 
sérieusement  élire  comme  patriarche  M.  de  Chasteuil,  un  simple  laïque.  Cfr. 
De  la  Rocquc,  Voyage  de  Syrie  et  du  mont  Liban,  II,  193. 


FRÈRE    fiUVPIION    KT    LE    LIBAN    AU    XV'    SIÈCLE.  1)7 

réflexion  extrêmement  sensée  :  «  Sans  doute  ce  n'est  là  qu'une 
façon  de  faire  ressortir  les  travaux  de  Gryphon  pour  l'instruc- 
tion et  le  salut  des  Maronites  ». 

Selon  nous,  quelque  chose  fut  cependant  modifié  dans  la 
position  de  l'humble  missionnaire  après  son  retour  de  Rome. 
Il  revint  au  Liban  avec  une  mission  officielle  et  investi  de  pou- 
voirs spéciaux.  Paul  II  dans  sa  lettre  au  patriarche  Pierre  sem- 
ble y  faire  allusion,  quand  il  l'exhorte  à  recevoir  les  paroles  du 
Franciscain,  comme  si  elles  émanaient  du  siège  apostolique. 
Cette  hypothèse  parait  d'autant  plus  vraisemblable  qu'à  la  mort 
de  Gryphon  Sixte  IV  recommande  au  général  des  Franciscains 
d'envoyer  désormais  au  mont  Liban  un  de  ses  religieux,  comme 
représentant  du  saint  Siège,  charge  remplie  exclusivement  par 
eux,  jusque  vers  la  fin  du  seizième  siècle  où  nous  voyons  aussi 
envoyer  aux  Maronites  des  membres  d'autres  ordres  religieux. 

Représentant  de  Rome  au  Liban,  Gryphon  a-t-il  en  outre 
reçu  le  caractère  épiscopal?  Devant  l'affirmation  presque  una- 
nime des  auteurs  que  nous  suivons,  nous  inclinerions  à  l'ad- 
mettre. Ayant  juridiction  sur  les  Latins  du  Levant,  il  aurait  été 
chargé  auprès  des  rites  orientaux  de  fonctions  analogues  à 
celles  de  nos  délégués  apostoliques.  Évêque  et  délégué  pontifical 
au  Liban  les  chroniqueurs  occidentaux  auront  transformé 
Gryphon  en  patriarche  maronite.  Voilà  comment  nous  nous  re- 
présentons l'évolution  de  cette  nouvelle  légende,  répétée  avec 
tant  de  persistance. 

Une  autre  explication,  donnée  par  Douwaïhî,  va  beaucoup 
plus  loin.  D'après  lui,  il  y  a  confusion.  Gryphon  a  été  réelle- 
ment patriarche,  non  pas  des  Maronites,  mais  de  Jérusalem.  Le 
docte  historien  ayant  oublié  de  nous  dire  sur  quelle  autorité  il 
appuie  cette  affirmation,  nous  devons  lui  en  laisser  toute  la 
responsabilité.  En  tous  cas  Gryphon  n'aurait  pu  être  que  pa- 
triarche titulaire,  le  patriarcat  latin  de  Jérusalem  n'ayant  été 
rétabli  que  vers  le  milieu  du  dix-neuvième  siècle.  Malheureuse- 
ment pour  cette  dernière  hypothèse,  pendant  toute  la  durée  du 
séjour  de  Gryphon  au  Liban  le  titre  de  patriarche  latin  de  Jéru- 
salem fut  porté  par  l'illustre  cardinal  Bessarion  (1449-1472)  et 
par  Louis  I  d'Harcourt  mort  en  1479  (I). 

(1)  Das  laleinische  Patriarcat  von  Jérusalem,  par  le  P.  Eg.  Goissler,  dans  Das 
heil.  Land,  1891,  p.  2(3. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  7 


98  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Pourtant  la  supposition  de  Douwaïhî  n'est  pas  entièrement 
chimérique.  Dès  1400  il  avait  été  question  de  créer  un  patriar- 
che pour  les  Latins  du  Levant  (1).  Le  titulaire  proposé  était  un 
franciscain  (2)  italien,  Fr.  Louis  de  Bologne,  qui  venait  d'ame- 
ner à  Rome  les  envoyés  de  l'empereur  David  de  Trébizonde,  du 
chah  de  Perse  et  d'autres  princes  orientaux,  inquiets  des  progrès 
de  la  puissance  ottomane.  Malgré  les  instances  de  cette  députa- 
tionle  projet  échoua  devant  les  résistances  de  Pie  IL  Les  événe- 
ments devaient  justifier  les  répugnances  du  Pontife.  La  con- 
duite de  L.  de  Bologne  en  France,  en  Belgique,  à  Venise  (où 
malgré  la  défense  de  Rome,  il  se  fit  consacrer  évêque)  en  Polo- 
gne et  en  Perse,  donna  lieu  à  des  soupçons.  «  Rien  ne  prouve 
cependant,  dit  Hefele,  que  ce  religieux  excentrique  fût  à  propre- 
ment parler  un  imposteur  »  (3). 

Paul  II  reprit-il  en  faveur  de  Gryphon  le  projet  abandonné 
sous  Pie  II,  ou  le  franciscain  flamand  fut-il  simplement  revêtu 
du  caractère  épiscopal?  Dans  les  deux  cas  il  aurait  pu  consacrer 
les  évêques  (4)  dont  parlent  les  écrivains  occidentaux. 

Ayant  distingué  parmi  les  Maronites  deux  sujets  de  grand 
talent  et  de  haute  vertu,  Jean  et  Gabriel,  il  les  admit  dans  l'or- 
dre séraphique  et  après  leur  profession  les  envoya  à  Venise  et 
à  Rome  se  perfectionner  dans  les  sciences  sacrées.  Revenus 
plus  tard  en  Orient,  ils  y  firent  beaucoup  de  bien  (5). 

Vers  ce  'temps  les  Jacobites  du  Liban  avaient  relevé  la  tête  et 
s'efforçaient  de  glisser  leurs  erreurs  parmi  les  Maronites.  Fr. 
Gabriel  les  démasqua  et  parvint  à  arrêter  la  contagion.  Ce  fut  un 
écrivain  d'une  étonnante  fécondité.  Au  témoignage  de  Douvaïhî, 


([)  Et  non  pour  tons  les  catholiquesorientaux,  comme  le  dit  Rolirbacher,  Ilist.  de 
r Église,  XXII,  p.  269. 

(2)  ZDPV,  XII,  52,  en  fait  à  tort  un  dominicain. 

(3)  Concilienrjeschichte,  VIII,  143  :'  Pastor,  II,  I72-I7J. 

(4)  Ou  suffragants  (Wadding).  Après  la  mort  de  Gryphon,  Sixte  IV  ordonne 
d'envoyer  désormais  au  Liban  un  franciscain,  muni  des  pouvoii-s  les  plus  amples 
pour  absoudre  des  censures  et  des  cas  réservés,  commuer  les  vœux,  accorder  des 
dispenses,  sans  être  honoré  de  la  dignité  épiscopale.  Cette  dernière  dignité  aurait- 
elle  été  seulement  conférée  à  Gryphon  à  cause  de  ses  mérites  personnels!  Rap- 
prochez encore  le  fait  signalé  par  L.  de  Suchem  en  1336  qui  dit  avoir  vu  des  pré- 
lats maronites  consacrés  par  des  évèques  latins.  Or  à  cette  date  il  ne  restait  plus 
un  seul  des  évèchés  fondés  par  les  croisés  en  Syrie. 

(5)  Surtout  Gabriel.  Jean  mourut  peu  après  son  retour  en  Syrie.  Douwaïhî,  143, 
409. 


FRÈRI<;    GIIVI'IKJN    KT    LK    LIBAN    AU    XV'    SIK<'1,E.  99 

il  écrivit  4G5  lettres  ou  petits  traités  dirigés  surtout  contre  les 
Jacobites. 

Nous  avons  eu  entre  les  mains  quelques-uns  de  ces  mayâmir 
ou  Zagaliât,  conservés  clans  la  bibliothèque  de  notre  Univer- 
sité! Ils  devaient  exister  encore  pour  la  plupart  au  temps 
de  Douwaïhî.  Ce  savant  prélat  les  cite  pour  ainsi  dire  à  cha- 
que page  (1).  A  en  juger  par  ces  spécimens,  plusieurs  de  ces 
pièces  mériteraient  d'être  publiées  :  elles  jetteraient  de  la 
lumière  sur  l'histoire  des  Maronites  et  du  Liban,  avant  le 
quinzième  siècle,  époque  si  pauvre  en  documents  histori- 
ques (2). 

En  1494,  Gabriel  écrivit  au  patriarche  Simon  de  Hadat  une 
lettre  pour  le  presser  de  demander  à  Rome  la  confirmation  de 
son  élection,  comme  l'avaient  fait  ses  prédécesseurs.  Nous 
croyons  devoir  en  citer  un  extrait  à  cause  des  allusions  qu'elle 
renferme  à  des  événements  antérieurs,  intéressant  l'histoire  re- 
ligieuse du  Liban  : 

«  On  ne  peut  m'objecter  que  cette  coutume  est  une  innova- 
tion, inventée  par  moi.  Plus  de  quinze  lettres  de  Papes,  munies 
de  leurs  sceaux  me  rendent  témoignage  et  sont  encore  conser- 
vées aux  archives  de  votre  couvent.  On  y  lit  des  professions  de 
foi,  vieilles  de  282  ans  et  plus.  Votre  propre  profession  de  foi 
se  trouve  à  Rome  où  elle  fut  apportée  par  Gryphon  et  les  FF. 
Alexandre  et  Simon.  Le  Fr.  Jean,  supérieur  de  Beyrouth,  délé- 
gué de  votre  patriarche  Jean  Al-gàgî,  avait  fait  de  même  au 
concile  de  Florence,  et  avant  lui  Aiméric  des  Frères  prêcheurs 
et  le  Cardinal  Guillaume,  légat  du  Pape  auprès  de  votre  peu- 
ple. Les  principaux  du  clergé  et  de  la  nation,  le  patriarche, 
pour  lors  Grégoire  de  Hâlàt,  se  réunirent  en  sa  présence  :  tous 
attestèrent  par  écrit  et  jurèrent  de  demeurer  invariablement 
attachés  au  siège  de  Rome.  » 

«  Lorsque  le  roi  Godefroy,  après  la  prise  de  Jérusalem,  envoya 
porter  cette  nouvelle  à  Rome,  à  ses  ambassadeurs  s'étaient 
joint  des  envoyés  du  patriarche  Joseph  Al-gargasî,  et  ils  lui 
rapportèrent  une  crosse  et  une  mitre.  Du  temps  de  la  reine 

(1)  Par  exemple,  pp.  339,  354,  368,  etc. 

(2)  Écrites  en  un  style  extrêmement  populaire,  elles  donneraient  une  idée  du 
dialecte  vulgaire  au  quinzième  siècle.  A  ce  titre  seul  les  arabisants  d'Europe 
salueraient  leur  apparition  avec  plaisir. 


100  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Constance  (1)  on  commença  au  Liban  à  sonner  les  cloches, 
selon  l'usage  de  l'église  occidentale  :  jusque-là  on  n'avait  em- 
ployé pour  appeler  aux  offices  que  des  morceaux  de  bois  comme 
les  Grecs.  Quand  cette  princesse  acheta  pour  80,000  dinars  à 
Jérusalem  l'église  de  la  Résurrection,  le  tombeau  de  Marie,  le 
mont  des  Oliviers  et  le  sanctuaire  de  Bethléem,  elle  donna  aux 
Maronites  la  grotte  de  la  Croix  et  plusieurs  autels  dans  les  autres 
églises  de  la  Ville  Sainte,  leur  permettant  de  célébrer  sur  les 
autels  des  Francs  et  avec  leurs  ornements,  ajoutant  en  outre  une 
confirmation  pontificale  de  tous  ces  privilèges.  Et  dans  une 
réunion  de  Maronites,  tenue  à  Jérusalem,  tous  s'engagèrent 
solennellement  à  rester  fermement  unis  à  la  communion  ro- 
maine, etc..  » 

Gabriel  traduisit  en  arabe  une  quantité  d'ouvrages  utiles  ;  il 
en  composa  aussi  d'originaux  en  cette  langue  et  en  syriaque. 
En  plusieurs  rencontres  il  défendit  avec  vigueur  sa  nation 
contre  les  attaques  de  ses  adversaires.  Aussi  les  Maronites 
l'ont-ils  en  grande  estime.  «  Le  récit  de  ses  actions  fut  écrit,  dit 
Quaresmius  et  est  conservé  au  couvent  patriarcal  (2),  comme 
l'ont  assuré  des  Maronites  dignes  de  foi  (3).  »  Le  patriarche 
Simon  de  Hadat  le  consacra  en  1507  évêque  des  Maronites  de 
Chypre  (4). 


XI 


Quoique  revêtu  d'une  dignité  nouvelle,  Gryphon  ne  changea 
rien  à  son  austère  façon  de  vivre.  Il  poussait  la  pauvreté  jusqu'à 
ses  dernières  limites  (5).  Comme  tous  les  vrais  saints,  «  sévère 
pour  lui-même  il  était  d'une  tendresse  et  d'une  charité  infinies 
pour  les  autres  »  (6).  Aux  fatigues  de  la  prédication  (7),  des 


(1)  II  s'agit  de  Constance,  femme  de  Robert  roi  de  Sicile.  Cfr.  Douwaïhî,  4Cy2. 

(2)  De  Qanoùbîn. 

(3)  Il  serait  à  désirer  qu'elle  fût  publiée.  Elle  nous  donnerait  sur  cette  époque  et 
peut-être  même  sur  Gryphon  des  détails  intéressants.  Sur  Gabriel,  voir  Douwaïhî. 
412-425. 

(4)  Douwaïhî,  143,  285,  369. 

(5)  '-  Paupertate  et  humilitate  clarissimus,  »  dit  de  Gryplion  le  P.  Arturus. 

(6)  Comme  s'exprime  le  Père  Arturus. 

(7)  Ses  conférences  étaient  quotidiennes  d'après  de  Gubernatis. 


FRÈIIK    GI{V1'II0\    I:T    le    LIBAN    AU    XV'^  SIÈiXE.  101 

voyages  et  du  saint  ministère,  il  voulut  joindre  celui  de  la 
composition.  D'après  le  P.  de  Guljcrnatis  il  écrivit  plusieurs 
ouvrages  en  syriaque  et  en  traduisit  d'autres  en  cette  langue, 
fait  assurément  peu  commun  dans  les  ;innalcs  de  l'orientalisme. 
Il  aurait  même  traduit  certaines  parties  de  la  sainte  Écriture. 
Cette  assertion  n'a  rien  d'invraisemblable,  la  version  arabe 
intégrale  de  la  Bible  à  l'usage  des  Maronites  datant  seulement 
de  1671  (1);  on  peut  aussi  songer  à  un  commentaire  biblique 
auquel  l'ancien  professeur  d'exégèse  aurait  travaillé. 

Malheureusement  il  ne  nous  reste  que  le  titre  de  deux  de  ces 
ouvrages.  Le  premier  :  Gloires  de  Marie  (2j;  le  second  Itiné- 
raire ou  Topograp/iie  de  la  Terre-Sainte  ;  Wadding(3)  cite  les 
premiers  mots  de  ce  dernier  travail  (4).  Douwaïhi  attribue  àGry- 
phon  un  petit  écrit  {maïniar)  sur  la  chute  de  Constantinople.  Il 
serait  intéressant  de  les  retrouver.  A  notre  époque  où  l'on  s'oc- 
cupe sérieusement  de  l'étude  des  manuscrits  syriaè[ues,  l'avenir 
nous  réserve  peut-être  de  nouvelles  trouvailles.  Cet  espoir  nous 
semble  permis.  En  l'absence  de  catalogue  et  d'autres  informa- 
tions bibliographiques  nous  n'avons  que  de  vagues  renseigne- 
ments sur  les  trésors  littéraires  gardés  avec  un  soin  jaloux  dans 
labibliothèquedupatriarcatdeBekerkietdans  quelques  couvents 
du  Liban  (5).  Certains  savants  maronites,  au  premier  rang  des- 
quels nous  devins  nommer  M.  Rachid  Chartoumi  ont  commencé 
depuis  quelque  temps  à  exploiter  cette  mine,  à  peu  près  intacte 
et,  senible-t-il,  riche  de  promesses. 

Cette  seconde  moitié  du  quinzième  siècle  fut  pour  le  Liban 
une  ère  de  grande  prospérité.  La  Montagne  jouissait  d'une 
paix  profonde  sous  la  sage  administration  de  ses  mouqaddams. 
Aussi  de  toutes  les  parties  de  la  Syrie  les  chrétiens  des  autres 
rites  venaient-ils  y  chercher  un  refuge.  Dans  le  seul  village  de 


(1)  Cfr.  Al-Machriq,  I,  et  10. 

(2)  De  laudibus  Mariœ;  nous  ne  savons  si  cet  ouvrage  était  en  latin  ou  eu  un 
autre  idiome. 

(3)  Scriptores  ordinis  Miiioruin,  Roaia?,  1G50;  p.  141. 

(4)  Traduit  en  français  par  Garcia  de  Santa-Maria  (Rûhricht,  Bibliot.  Gcogr.  Pa- 
lestinœ  121.),  Original  et  traduction  paraissent  perdus. 

(5)  Cfr.  la  revue  arabe  Al-Machriq,  de  Beyrouth  (1898,  p.  261).  Nous  y  ex- 
])rimions  l'espoir  de  voir  publier  les  ca'talogues  des  bibliothèques  patriarcales 
de  l'Orient.  Dans  VOrientalistiche  Literaturzeitung  (1898,  p.  104),  le  docteur 
G.  Kampffmeyer  s'est  fait  l'écho  de  cet  article. 


102  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Hadsît  on  comptait  vingt  prêtres.  Bsarré  avait  autant  d'autels 
que  de  jours  dans  l'année.  Le  bourg  de  Hadat  possédait  600 
paires  de  bœufs  (1).  Le  mouvement  littéraire  était  en  rapport 
avec  cette  prospérité  extérieure.  Si  on  vit  paraître  alors  peu  de 
productions  originales,  l'on  s'efforçait  de  conserver  du  moins  les 
oeuvres  des  prédécesseurs.  Selon  Douwaïhî  le  nombre  des  co- 
pistes (nossàh)  de  ce  temps  dont  il  a  eu  les  manuscrits  entre  les 
mains  s'élève  à  environ  110.  Vers  cette  même  époque  on  com- 
mença à  remplacer  l'écriture  estranghélo  par  les  caractères  sy- 
riaques arrondis. 


XII 


Cependant  Gryphon  avait  avancé  en  âge;  mais  son  zèle  n'a- 
vait en  rien  souffert  des  atteintes  de  la  vieillesse.  Voyant  le 
florissant  état  de  la  religion  au  Liban,  il  jugea  que  ses  frères  (2) 
pourraient  continuer  l'œuvre  commencée  et  il  songea  à  entre- 
prendre le  voyage  de  la  Perse. 

Quel  était  le  motif  de  ce  brusque  départ  pour  une  si  lointaine 
destination?  Le  zèle  des  âmes,  répondentnos  auteurs.  Mais  encore 
sommes-nous  en  droit  de  demander  pourquoi  de  préférence  aux 
contrées  plus  rapprochées,  où  son  zèle  aurait  trouvé  de  quoi 
se  satisfaire,  Gryphon  songe  à  la  Perse;  et  cela  à  un  âge  où 
l'homme  s'inquiète  plutôt  de  mettre  la  dernière  main  aux 
œuvres  commencées  que  d'en  entreprendre  de  nouvelles. 

Espérait-il  provoquer  un  mouvement  de  conversion  parmi 
les  Nestoriens  de  Chaldée  et  de  Perse?  Un  de  leurs  métropoli- 
tains, ayant  juridiction  sur  l'île  de  Chypre  était  rentré  dans 
le  sein  de  l'Église  en  1439.  Jusque  vers  le  milieu  du  siècle 
suivant,  c'est  la  seule  tentative  d'union  au  sein  du  Nestoria- 
nisme.  Aussi  croyons-nous  devoir  chercher  ailleurs  le  motif  du 
départ  de  Gryphon. 

A  cette  époque,  l'Europe,  l'Italie  surtout,  tremblaient  devant 
le  Turc.  Or  on  venait  d'y  apprendre  que  les  Persans,  ces  en- 
nemis nés  des  Ottomans,  avaient  battu  leurs  armées  réputées 

(1)  «  Et  Ehden  70  mulets,  »  ajoute  Douwaïhî. 

(2)  Outre  ce  Frère  François  de  Barcelone  les  auteurs  occidentaux  et  Douwaïhî 
nomment  d'autres  franciscains  assistant  Gryphon  dans  ses  travaux. 


FRKRK    (IRVIMION    HT    LIO    LIBAN    AU    XV"    SIKCLE.  103 

invincibles.  A  plusieurs  reprises  les  pontifes  romains  avaient 
entamé  des  négociations  avec  les  souverains  persans;  en  14G0 
ils  avaient  accueilli  leurs  envoyés  venus  à  la  suite  de  Frère 
Louis  de  Bologne  (1).  Les  circonstances  paraissaient  plus  favora- 
bles que  jamais  pour  une  entente  commune.  Si  profitant  de  la 
diversion  opérée  par  la  Perse,  les  chrétiens  d'Europe  avaient 
mis  en  mer  une  flotte  imposante,  des  flots  de  sang  auraient  sans 
doute  été  épargnés  à  l'Occident.  Ces  considérations  n'avaient 
pas  échappé  à  la  vigilance  de  Sixte  IV  qui  venait  de  succéder 
à  Paul  IL 

Pour  préparer  cette  nouvelle  croisade,  il  envoya  des  légats 
à  toutes  les  cours  de  l'Europe.  Il  a  dû  également  reprendre 
les  négociations  avec  la  Perse.  A  vrai  dire  je  n'ai  pas  décou- 
vert les  traces  de  ces  négociations,  au  moins  pour  les  années 
1474  et  1475  où  la  suite  de  l'histoire  de  Gryphon  vient  de  nous 
conduire. 

En  1475  nous  retrouvons  à  la  cour  de  Perse  le  fameux  fran- 
ciscain Louis  de  Bologne.  Il  s'y  rencontra  avec  le  Vénitien  Am- 
broise  Contarini,  auquel  il  se  donna  comme  patriarche  et 
ambassadeur  de  Bourgogne.  En  1477,  il  reparaîtra  à  Rome, 
chargé,  cette  fois,  d'une  mission  authentique  par  le  souverain 
persan  (I). 

Nous  l'avons  déjà  vu,  Louis  de  Bologne  n'inspirait  à  la  cour 
romaine  qu'une  médiocre  confiance.  Peut-être  songea-t-on  à  lui 
substituer  un  négociateur  beaucoup  plus  sérieux.  Quel  homme 
était  plus  à  même  de  remplir  cette  nouvelle  mission  que  Gry- 
phon? Sa  longue  expérience  de  l'Orient,  sa  connaissance  des 
mœurs  et  des  langues  de  ces  contrées  le  désignaient  naturelle- 
ment au  choix  du  souverain  pontife. 

Quoi  qu'il  en  soit,  mission  apostolique  ou  négociations  diplo- 
matiques, le  zélé  franciscain  s'embarqua  (2)  pour  se  rendre  en 
Perse,  toujours  en  compagnie  de  Frère  François  de  Barcelone.  En 
mer  il  tomba  dangereusement  malade  et  fut  obligé  de  relâcher 
à  Famagouste,    le  principal  port  de  l'île  de  Chypre.  Il  y  ex- 


il) Hefele,  VIII.  142-144. 

(2)  Ainsi  s'expriment  nos  auteurs.  Jlais  pourquoi  se  trouvant  au  Liban,  Gry- 
phon prend-il  la  mer  pour  se  rendre  en  Perse  ?  Allait-il  d'abord  à  Rome,  ou  se 
proposait-il  de  débarquer  dans  le  golf(^  d'Alexandrette,  voie  encore  très  suivie  de 
nos  jours? 


104  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

pira  quelques  jours  après,  entouré  de  ses  frères  au  couvent  de 
Saint-François.  C'était  le  18  juillet  1475  (1). 

.  Frère  François  de  Barcelone  partit  aussitôt  pour  Rome.  Il 
annonça  à  Sixte  IV  la  mort  du  grand  missionnaire  et  l'engagea 
à  lui  donner  un  remplaçant.  Le  Pape,  franciscain  lui-même,  en- 
joignit aussitôt  au  général  de  l'Ordre  séraphique  d'envoyer  en 
Syrie  celui  de  ses  religieux  qu'il  jugerait  le  plus  capable  de 
remplir  cette  mission.  La  chose  ne  put  être  exécutée  de  sitôt. 
Mais  le  détail  de  cette  négociation  nous  entraînerait  hors  du 
cadre  de  notre  travail. 

Le  souvenir  de  l'héroïque  apôtre  fut  religieusement  conservé 
dans  l'ordre  de  saint  François.  Il  est  mentionné  dans  le  Mé- 
nologe  franciscain  du  Père  Fortuné  Hueber  et  dans  le  Marty- 
rologe franciscain  du  P.  Arturus,  où  le  titre  de  bienheureux 
lui  est  clairement  donné  (2). 

Les  Maronites  ne  l'oublièrent  pas  non  plus.  Dans  une  lettre 
du  8  mars  1514,  adressée  à  Léon  X  le  patriarche  Simon-Pierre 
supplie  le  Pape  de  lui  envoyer  des  religieux  comme  Gryphon  (3) 
dont  le  souvenir  était  resté  dans  la  mémoire  du  peuple  maro- 
nite comme  le  modèle  des  missionnaires.  On  n'en  pouvait  faire 
un  plus  bel  éloge. 

H.  Lammens  s.  J. 


(1)  Date  à  laquelle  Gryphon  est'mentionné  dans  les  ménologes  et  martyrolo- 
ges franciscains.  Le  décret  de  Sixte  IV  désignant  un  successeur  à  Gryphon  est 
du  5  octobre  suivant. 

(2)  Il  n'est  pas  question  du  bienheureux  Gryphon  dans  les  nombreux  martyro- 
loges belges  anciens  que  j'ai  consultés  à  la  Bibliothèque  des  BoUandistes,  quoiqu'ils^ 
eni'egistrent  non  seulement  les  saints  et  bienheureux  des  Pays-Bas,  mais  encore 
les  personnages  morts  en  odeur  de  sainteté. 

(3)  Ilel'ele.  VIII,  G82;Raynald,  année  1514,  n°  87. 


LES    OFFICES    ET    LES    DHiNITÉS    ECCLÉSIASTIQUES.  117 

fois  chez  les  Latins,  le  chef  du  collège  des  prêtres  attachés  à 
une  cathédrale;  mais  le  sens  spécial  que  le  mot  archiprétra  a 
pris  chez  nous  pour  désigner  le  curé  d'une  église  cathédrale, 
qui  est  en  même  temps  paroissiale,  est  inconnu  en  Orient. 

Le  Deuriùme  Prêtre,  h  AsuTspsuor;  t(ov  '\zç.iwt.  —  Ce  digni- 
taire dirigeait  et  précédait  les  autres  prêtres  dans  toutes  les 
cérémonies,  particulièrement  dans  les  processions.  Lorsque 
Tarchiprêtre  était  absent,  il  le  remplaçait  et  jouissait  de  tous 
ses  droits.  Comme  ce  dernier  il  avait  le  privilège  de  concé- 
lébrer avec  le  patriarche,  les  autres  prêtres  n'étant  admis  à  le 
faire  qu'avec  les  évêques.  C'était  lui  qui,  à  la  fin  de  la  messe, 
récitait  la  prière  dite  de  derrière  l'ambon,  t-Jjv  à::i!jOx;j,6o)vsv 

Le  Deuxième  Diacre,  h  A£u-spî'jo)v  twv  Aia-/,ivo)v.  — Il  est  assez 
étrange  que  le  premier  d'entre  les  diacres,  c'est-à-dire  l'archi- 
diacre, ne  soit  pas  mentionné  dans  cette  liste  des  dignitaires 
ecclésiastiques  rédigée  par  Codinus.  Les  commentateurs  de 
cet  auteur  ont  fort  discuté  sur  ce  fait,  sans  parvenir  à  l'élucider, 
et,  généralement,  ils  ont  fini  par  admettre  qu'au  moment  où 
ce  catalogue  des  dignités  et  offices  fut  dressé  la  charge  d'archi- 
diacre avait  été  supprimée.  Il  y  aurait  des  recherches  à  faire 
pour  trancher  définitivement  la  question.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
semble  que,  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  le  Deuxième 
Diacre  ait  été  le  véritable  chef  du  corps  des  diacres.  Ses  attri- 
butions à  ce  titre  étaient  nombreuses.  Celles  que  les  auteurs 
énumèrent  habituellement  sont  les  suivantes  :  il  indiquait  aux 
diacres  la  part  que  chacun  d'eux  devait  prendre  dans  les  céré- 
monies, il  recevait,  à  leur  entrée  dans  l'église,  les  empereurs 
et  les  patriarches  et  faisait  chanter  en  leur  honneur  les  ttoXu- 
Xpovi(TiJ.ûijç,  il  portait  le  livre  des  Évangiles  dans  les  proces- 
sions, il  récitait  les  litanies  appelées  cruva—xîet  aÎT-r^ïstr,  etc. 


LES    CINQ    OFFICES    DU    SEPTIEME    GROUPE, 

Le  Premier  Chantre  ou  Protopsalte,  b  Upiù-cbih-r,:;.  — 
Comme  son  nom  l'indique  clairement,  ce  personnage  avait  sous 
sa  direction  tout  le  personnel  des  chantres.  Placé  entre  les  deux 


1  18  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

chœurs,  c'était  lui  qui  commençait  les  chants  que  ceux-ci  con- 
tinuaient alternativement  ou  ensemble  suivant  les  règles  éta- 
blies par  l'usage.  Il  était  vêtu  du  crçixTcijpiov,  sorte  de  tunique 
courte  et  étroite. 

Les  deux  Domestiques^  c'est-à-dire  celui  du  premier  et  celui 
du  deuxième  chœur,  o\  Suo  Ac[j.£i7-ii/.ot  toù  •Trpwtoj  -/.ai  -zXj  osuTÉpou 
y^oç,:,X).  —  Le  mot  latin  domesticus,  devenu  ccijicr-ty.o;  en  grec, 
désignait  dans  la  période  byzantine  diverses  personnes  chargées 
d'un  emploi,  et  même  d'un  emploi  important,  à  la  cour  impé- 
riale, dans  les  palais  des  grands  seigneurs  et  auprès  des  pa- 
triarches :  c'est  ainsi  qu'il  y  avait  un  domesticus  scholarum, 
un  domesticus  mensœ,  etc.  Dans  la  Grande  Église  il  devint  le 
nom  des  chefs  des  deux  chœurs,  qui  exécutaient  les  chants  re- 
ligieux, sous  la  direction  générale  du  protopsalte.  Mais  un  mo- 
ment vint  où  il  parait  être  tombé  en  désuétude,  et  il  n'y  eut 
plus  dès  lors,  au  lieu  d'un  protopsalte  et  de  deux  domestiques 
de  chant,  qu'un  chef  du  chœur  de  droite,  qui  fut  le  protopsalte 
lui-même,  et  un  chef  du  chœur  de  gauche,  qui  s'appela  lampa- 
daire, Aaix^aoàpisç,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

Le  Convocateur,  6  Aaoa'jvi7-r,q.  —  Cet  officier,  on  le  com- 
prend sans  peine,  devait  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  que  les  fidèles  et  les  ecclésiastiques  fussent  régulièrement 
avertis  des  jours  et  des  heures  où  ils  devaient  se  rendre  à  l'é- 
glise, afin  d'assister  aux  diverses  cérémonies. 

Le  P)'i)nicier  des  greffiers  ou  des  registres,  b  IIpiij.i/.ôpiîç 
Twv  Ta6cjAo:pûov.  —  Le  cicrgc  pascal  étant  un  des  objets  les  plus 
apparents  du  chœur,  l'usage  s'établit  de  bonne  heure  d'y  graver 
les  noms  des  principaux  dignitaires  ecclésiastiques.  Dans  cer- 
taines églises  ces  noms  étaient  inscrits  sur  des  tablettes  endui- 
tes de  cire,  que  l'on  suspendait  dans  un  endroit  d'où  elles  pou- 
vaient facilement  être  aperçues.  De  là  vint  le  nom  deprimus  in 
cerd,  par  abréviation  primicerius,  qui  était  donné  au  personnage 
inscrit  le  premier  sur  la  liste  en  question.  Plus  tard,  ce  terme, 
pris  dans  le  sens  général  de  chef,  de  directeur,  servit  à  désigner 
divers  officiers  placés  à  la  tête  de  tels  ou  tels  fonctionnaires 
ou  employés;  il  y  eut,  par  exemple,  un  primicerius  aulae,  un 
primicerius  domesticorum,  etc.  Bien  entendu  les  Grecs  l'adop- 
tèrent, et  c'est  pour  cela  que  nous  trouvons  à  la  cour  patriar- 
cale un  ~pi[).œripioç  Ta6uÀap(o)v.  Mais  que  signifie  •vaSjXapiwv,  mot 


LES  OFFICES  ET  LES  DIGNITÉS  ECCLÉSIASTIi,»L'ES.      119 

également  latin?  Faut-il  le  traduire  par  nolaires,  greffiers 
{tabularii)  ou  par  archives,  registres  (tabidaria),  c'est  un 
point  sur  lequel  les  commentateurs  de  Codinus  ne  sont  point 
d'accord.  Du  reste,  dans  le  premier  cas,  quelle  différence  y 
aurait-il  entre  le  fonctionnaire  dont  il  s'agit  et  le  protonotaire, 
et,  dans  l'autre,  en  quoi  se  distinguerait-il  du  grand  archiviste? 
Le  mieux  est  d'avouer  que  l'on  ne  peut  se  faire  une  idée  précise 
de  ses  attributions. 

Le  Chef  des  kondakia,  z  "Apy_o)v  twv  y.^vTay.uov.  — Le  nom  de 
y.cvsay.i5v  OU  y.ov-âyasv  est  donné,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus 
haut,  à  de  petits  volumes  renfermant  des  extraits  de  l'eucho- 
loge,  livre  de  grandes  dimensions  et,  par  conséquent,  peu 
maniable  ;  mais  il  est  employé  également  pour  désigner  une 
strophe  ou,  plus  exactement,  un  tropaire,  contenant  en  abrégé 
le  sujet  de  la  fête  du  jour  (xovtôç,  bref,  court).  Le  chant  de  ce 
tropaire  avait  une  assez  grande  importance  pour  qu'il  fût  con- 
fié spécialement  à  un  clerc  de  l'ordre  des  lecteurs,  lequel  tirait 
de  sa  fonction  son  nom  de  chef  des  kondakia. 


LES    CINy    OFFICES    DU    HUITIÈME    GROfPE, 

Le  Primicier  des  Lecteurs,  b  npt[j.iy,-(^pio;  twv  'AvayvwsTwv.  — 
Il  est  inutile  de  s'étendre  sur  les  attributions  de  ce  clerc,  puis- 
que son  nom  suffit  pour  en  donner  une  idée  exacte  :  il  avait 
autorité  sur  tous  les  lecteurs  de  l'église  patriarcale,  comme 
l'archiprêtre  sur  les  prêtres  et  l'archidiacre  sur  les  diacres. 

L'Aumônier  (?),  b  Nci;.oo6t-oç  -q  NoiJ.iy.6c.  —  Il  est  moins  facile, 
ou  plutôt  il  est  impossible  de  préciser  ce  que  furent  les  fonc- 
tions de  ce  personnage,  aucun  texte  ne  nous  les  faisant  clai- 
rement connaître.  Aussi  les  liturgistes  et  les  philologues  ne 
s'appuyent-ils,  pour  les  déterminer,  que  sur  l'étymologie  de  son 
nom,  et  naturellement  ils  ne  sont  pas  d'accord. 

Codinus  qui  l'appelle  voij.i.xc;  et  ailleurs  'iz\).zlbxr^q  n'ajoute 
aucune  mention  explicative  à  ces  deux  termes.  D'après  Goar 
ceux-ci  viendraient  du  mot  grec  vô;j.s;,  loi,  règle,  et  désigne- 
raient l'ecclésiastique  qui  veillait  à  ce  que  les  rubriques 
fussent  suivies  avec  soin,  à  ce  que  tous  les  usages  fussent  scru- 


120  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

puleusement  observés  dans  les  cérémonies.  Suivant  Gretser  le 
vc[Atxoç  aurait  pu  être  un  fonctionnaire  versé  dans  la  science  du 
droit  canon  et  chargé,  à  ce  titre,  de  résoudre  toutes  les  ques- 
tions relevant  de  la  jurisprudence  ecclésiastique,  à  moins  qu'il 
ne  fût  une  sorte  de  maître  de  chapelle  ayant  pour  mission  de 
battre  la  mesure  (-/£tpovo[;.£Tv)  et  de  diriger  les  chœurs,  le  pro- 
topsalte,  dont  il  a  été  question  plus  haut,  et  le  lampadaire, 
dont  il  sera  parlé  plus  loin,  ayant  été  les  principaux  chantres 
des  chœurs,  mais  non  les  directeurs  du  chant.  Dans  le  premier 
cas  il  aurait  été  ce  que  fut  plus  tard  le  voi^o^ûXa;  mentionné 
par  quelques  auteurs. 

Quelques  autres  commentateurs,  parmi  lesquels  on  remarque 
Jean  de  Citrium  et  Du  Cange,  préfèrent  rattacher  vo[j.i/.i;  et 
vo[j.co6t-/;ç  au  \3ii'mnumus,qm  signifie  pièce  de  înonuaie,  de  sorte 
que  l'office  du  personnage  en  question  aurait  consisté  soit  à 
remettre  aux  ecclésiastiques  les  sommes  d'argent  qui  leur 
étaient  dues,  soit  à  distribuer  des  aumônes  aux  pauvres,  comme 
le  faisait  Y eleemosynarius  dans  nos  cathédrales  et  nos  monas- 
tères. 

Cette  dernièrç  interprétation  est-elle  la  meilleure,  je  ne  sau- 
rais le  dire.  Aussi  n'est-ce  pas  sans  hésitation  que,  en  tête  de 
ce  paragraphe,  j'ai  traduit  vci^a/.ô;  par  aumônier. 

Le  Chef  de  la  maitrise,  h  npo)Tcy.avivap-/oç.  —  Tout  ce  que 
nous  dit  Chrysanthe  de  ce  personnage,  c'est  qu'il  appartient  à 
l'ordre  des  lecteurs  et  qu'il  suffit  de  considérer  son  nom  pour 
se  rendre  compte  de  cequ'étaientses  fonctions.  N'en  déplaise  à  cet 
auteur,  le  rôle  du  -jrpwtoxavovapxoç  ne  peut  être  compris  que  de 
ceux-là  seuls  qui  savent  ce  qu'on  entend  par  y,y.vb^)oiç)yzq.  Or,  le 
sens  de  ce  mot  n'est  guère  connu  chez  nous.  Les  -/.avivapyoi, 
que  le  chef  de  la  maitrise  a  sous  sa  direction,  sont,  ainsi  que 
je  l'ai  écrit  ailleurs  (1)  des  enfants  ou  de  jeunes  clercs,  qui  sont 
chargés  tantôt  de  lire  certaines  leçons,  tantôt  d'exécuter  cer- 
tains chants.  Mais  leur  devoir  principal,  celui  qui  a  donné 
naissance  à  leur  nom,  consiste  à  faciliter  la  tâche  des  chantres 
d'une  manière  particulière.  Ces  derniers,  debout  et  immobiles, 
chantent  sans  se  servir  de  livres,  habitude  venant  de  ce  qu'au- 
trefois les  livres  de  chœur  étaient  rares  et  conséquemment  peu 

(1)  Dictionnaire  grec-français  des  noms  Ulurgiques  en  usage  dans  l'Église  grec- 
que, Paj'is,  Picard,  1895,  p.  74. 


LKS    OFFICES    KT    LHS    DIGNITÉS    ECCLÉSIASTIQUES.  121 

en  usage.  Ils  chantent  donc  par  cœur,  entre  autres,  les  tro- 
paires  dont  se  composent  les  innombrables  v.avôvïç  des  offices 
grecs;  mais,  comme  la  mémoire  pourrait  leur  faire  défaut,  ils 
ne  font  entendre  chaque  incise  d'un  tropaire  que  lorsque  celle-ci 
a  été  préalablement  lue  à  haute  voix  par  un  -/.avivapy:;.  Il  est 
inutile  de  dire  que  cette  succession  rapide  d'une  lecture  faite 
par  une  voix  claire  d'enftmt  et  d'un  chant  exécuté  par  les 
chœurs  produit  un  singulier  effet,  auquel  nous  ne  sommes  pas 
habitués  en  Occident. 

L'Exarque,  h  "E^apycç.  —  Le  mot  exarque  a  eu  et  a  encore 
diverses  significations  dans  l'Église  grecque.  Plusieurs  pages 
seraient  nécessaires  pour  déterminer  les  circonstances  dans 
lesquelles  il  servait  à  désigner  tel  ou  tel  archevêque,  tel  ou  tel 
métropolitain.  Mais  dans  les  listes  des  dignités  ecclésiastiques 
il  s'applique  à  un  membre  du  clergé  qui  avait  pour  mission  de 
faire  des  enquêtes  et  de  présenter  des  rapports  sur  des  faits  à 
propos  desquels  une  décision  devait  être  rendue  par  le  pa- 
triarche. Actuellement  il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  à  Constanti- 
nople  un  ecclésiastique  portant  spécialement  le  titre  d'exarque  ; 
mais  chaque  fois  qu'une  affaire  importante  est  introduite  au 
tribunal  patriarcal,  un  exarque  particulier  et  temporaire  est 
nommé,  lequel  a  pour  mission  d'étudier  avec  soin  la  cause  en 
question. 

L'Ecclésiarque,  5''E7.z.A-r;c7tapy^ç.  —  Les  liturgistes  grecs  ne 
sont  pas  parfaitement  d'accord  au  sujet  des  attributions  dont  ce 
personnage  était  revêtu.  Tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  qu'il 
était  une  sorte  de  sacristain  et  de  cérémoniaire;  mais,  comme 
d'autres  ecclésiastiques  portaient  déjà  ces  titres,  ainsi  que  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  il  serait  assez  difficile  d'expliquer  en  quoi 
il  se  distinguait  d'eux. 


LES    CINQ    OFFICES    DU    NEUVIEME    GROUPE, 

Le  Domestique  des  portes,  6  Ao[A£ffTr/.b;  -wv  Oupwv.  —  Ce  clerc 
avait  évidemment  pour  mission  de  veiller  à  ce  que,  pendant 
certaines  cérémonies,  l'entrée  de  l'église  restât  interdite  aux 
personnes  qui  n'étaient  pas  autorisées  à  y  pénétrer,  telles  que 


122  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  infidèles,  les  chrétiens  excommuniés,  etc.  Mais  en  quoi  se 
distinguait-il  des  différentes  sortes  de  portiers,  ècr-cûpioi,  dont 
il  a  été  question  plus  haut,  c'est  ce  que  nous  ne  savons  pas. 
Chrysante  est  muet  sur  ce  point. 

Le  Chartrier,  5  XapTOJAâpic;.  —  Suivant  divers  auteurs, 
entre  autres  Jean  de  Citrium,  il  y  avait  dans  le  personnel  du 
palais  patriarcal  plusieurs  clercs  désignés  par  ce  nom,  lesquels 
étaient  placés  respectivement  sous  les  ordres  du  Grand  Éco- 
nome, du  Grand  Archiviste  et  du  Grand  Chapelain,  auxquels 
ils  servaient  de  secrétaires.  Pourquoi  Codinus  n'en  nomme-t-il 
qu'un,  c'est  ce  que  nous  ne  savons  pas.  Chrysanthe  se  contente 
de  répondre  :  î'^wç  Zib-i  sr/sv  ùr.epoyfi^f  -iva. 

Le  Député,  à  AsTrcutâxoç.  —  Il  y  avait  également  plusieurs 
personnages  qui  portaient  ce  nom  d'origine  latine,  et  l'on  ne 
peut  que  supposer  que  celui  dont  il  est  question  ici  était  le  pre- 
mier d'entre  eux.  Peut-être  aussi  est-ce  à  cause  de  cette  supé- 
riorité qu'il  était  placé  au  nombre  des  officiers  b'^ovAiy.\ici,  tandis 
que  les  autres  députés  n'auraient  été  que  de  simples  employés, 
dont  les  fonctions,  au  dire  de  Jean  de  Citrium,  étaient  classées 
parmi  les  Siay.oviaç  et  non  parmi  les  o^^ty.ta.  Or  quelles  étaient 
ces  fonctions?  Suivant  certains  formulaires,  les  députés,  comme 
chez  nous  les  bedeaux  précédaient  le  patriarche  et  les  autres 
grands  dignitaires  ecclésiastiques  et  faisaient  écarter  la  foule 
devant  eux.  Mais,  d'après  Jean  de  Citrium,  qui  leur  attribue  un 
rôle  plus  noble,  ils  marchaient  vêtus  d'une  sorte  de  chape  et 
portant  un  cierge,  devant  l'évangéliaire  et  devant  les  saints 
dons,  pendant  qu'ils  étaient  transportés  solennellement  le  pre- 
mier à  l'ambon  pour  la  lecture  de  l'évangile,  les  seconds  de  la 
prothèse  à  l'autel  pour  le  saint  sacrifice;  de  sorte  qu'ils  auraient 
été  ce  qu'on  appelle  également  des  céroféraires  et  des  acolytes. 

Le  Caudataire  (?),  b  è-l  if^q  ricosaç.  —  On  appelait  Trcosa  chez 
les  Grecs  byzantins  un  long  vêtement  qui  descendait  sur  les 
pieds  et  traînait  à  terre.  Goar,  s'appuyant  sur  cette  signification, 
a  vu  dans  le  clerc  appelé  5  i-r:\  --^ç  Tcossa?  une  sorte  de  cau- 
dataire ou  porte-queue.  Mais  cette  opinion  du  savant  domini- 
cain est  rendue  douteuse  par  d'autres  interprétations  qui,  d'ail- 
leurs, ne  sont  pas  plus  certaines  que  la  sienne.  Quelques  auteurs 
et  parmi  eux  Du  Cange,  appliquant  le  nom  de  r.zUy.  à  toute  étoffe 
de  grande  dimension,  disposée  dans  une  église  de  façon  à  des- 


LES    OFFICES    ET    LES    DIGNITÉS    ECCLÉSIASTIQUES.  123 

cendre  jusqu'au  sol,  ont  prétendu  que  le  personnage  qui  nous 
occupe  avait  sous  sa  garde  le  grand  voile  de  l'église  patriarcale. 
Il  semble,  en  effet,  qu'avant  la  construction  des  iconostases, 
c'était  un  voile  qui,  dans  les  églises  grecques,  comme  dans  le 
temple  de  Jérusalem,  séparait  la  nef  du  sanctuaire.  Enfin,  s'il 
faut  en  croire  d'autres  commentateurs  et  particulièrement  Chry- 
santhe,  on  entendait  par  r.zliv.  des  vêtements  ou  plutôt  des 
voiles  dont  on  recouvrait  les  images  de  Notre-Seigneur,  de  la 
sainte  Vierge  et  des  saints,  et,  par  extension,  les  pierreries  et 
les  autres  ornements  dont  elles  étaient  décorées;  et,  consé- 
quemment,  le  clerc  dont  il  s'agit  ici  était  chargé  de  veiller  avec 
soin  sur  ces  choses  si  précieuses  et  d'empêcher  qu'elles  ne  fus- 
sent ni  détériorées  ni  volées  pendant  les  jours  de  fête,  où  les 
fidèles  viennent  en  très  grand  nombre,  suivant  la  coutume 
orientale,  vénérer  les  saintes  icônes. 

Ici  se  termine  la  liste  des  offices  et  des  dignités  ecclésiasti- 
ques que  nous  a  laissée  Codinus  le  Curopalate.  Quoique  plus 
longue  et  mieux  divisée  que  plusieurs  autres  qui  nous  sont  éga- 
lement parvenues,  elle  est  loin  d'être  complète,  soit  que  certai- 
nes fonctions  n'existassent  pas  du  temps  de  cet  auteur,  soit  que, 
pour  une  raison  ou  une  autre,  il  n'ait  pas  cru  devoir  les  men- 
tionner. Dans  son  livre  que  j'ai  cité  plue  haut,  le  patriarche 
Chrysanthe  s'est  efforcé  de  combler  les  lacunes  du  texte  du  Cu- 
ropalate, ce  que  Goar  avait  déjà  fait  en  reproduisant  et  en  com- 
mentant dans  son  Euchologe  d'autres  listes  de  dignités,  extraites 
par  Allacius  d'anciens  manuscrits.  Je  vais  résumer  rapidement 
les  notes  de  ces  deux  auteurs. 

Le  Premier  Epistolaire,  b  IIpona-c—oAapic;.  —  On  appelait 
ainsi  le  premier  d'entre  les  lecteurs  qui  avaient  pour  mission 
de  lire  l'épitre  au  commencement  de  la  messe. 

Le  Catéchiste  ou   Exorciste,   5    l\y-rjr-,r^:    •/;   'E;:p7.ic7-:v-ç.   — 

Cet  ecclésiastique  devait  instruire  et  préparer  à  la  réception  du 
baptême  les  infidèles  qui  voulaient  devenir  chrétiens.  Nous 
avons  vu  plus  haut  qu'un  autre  personnage,  le  chef  des  lumiè- 
res, aurait  eu  les  mêmes  attributions. 

Le  Visiteur,  h  Espioo^jT-o;.  —  Dans  le  langage  usuel  le  mot 
TCspicos'jTYiç,  qui  signifie  «  celui  qui  circule,  personne  ambulante  », 
servait  à  désigner  le  médecin  qui  faisait  des  tournées  périodiques 
dans  la  région  habitée  par  lui,  pour  découvrir  les  malades  et  leur 


124  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

offrir  ses  soins.  Passant  dans  la  langue  religieuse  il  fut  appli- 
qué, par  analogie,  à  un  ecclésiastique,  véritable  médecin  des 
âmes,  qui  parcourait  la  contrée  pour  visiter,  conseiller  et  en- 
courager les  fidèles,  ainsi  que  pour  rechercher,  éclairer  et  gui- 
der les  infidèles  disposés  à  se  convertir  au  christianisme. 

Le  Gardien  du  saint  chrême,- ô  Mupooir^ç.  —  Comme  son 
nom  l'indique  suffisamment,  cet  ecclésiastique  avait  le  saint 
chrême  sous  sa  garde  et  en  faisait  la  distribution,  suivant  les 
ordres  qu'il  recevait  du  patriarche. 

Le  Baptiseur,  5  Boutiut-^ç  -i^  Ka-:o:6ouTi(7TÔç.  —  On  sait  qu'en 
Orient  le  baptême  a  toujours  eu  lieu  principalement  par  immer- 
sion. Or,  le  personnage  dont  il  s'agit  ici  et  qu'il  serait  plus  juste 
d'appeler  le  plongeur,  avait  pour  mission  de  plonger,  d'im- 
merger le  néophyte  dans  la  piscine,  pendant  que  le  prêtre  pro- 
nonçait les  paroles  sacramentelles  du  baptême. 

Le  Chambrier,  b  Ksu6cj7,Ar,ç  1^  KGjor/.cuXàptsç.  —  Chrysanthe  se 
borne  à  dire,  au  sujet  de  ce  serviteur  du  patriarche,  qu'il  pré- 
cédait celui-ci,  lorsqu'il  sortait  de  son  palais  et  portait  son 
bâton  (osy.aviVaov,  sorte  de  canne  richement  ornée  qui  remplace 
la  crosse  en  dehors  des  cérémonies  solennelles).  Goar  est  beau- 
coup plus  indécis,  car,  nous  dit-il,  suivant  qu'on  s'en  rapporte  à 
tel  ou  tel  auteur,  le  mot  y.cuecjy.AETîv  a  pu  signifier  la  chambre  du 
patriarche  ou  une  chapelle  ou  le  tabernacle,  dans  lequel  on  con- 
servait la  Sainte  Eucharistie,  ou  enfin  le  clocher  de  l'église. 

Le  Directeur  de  r Orphelinat,  z  'Op9avc-:piço;.  —  Le  rôle  de 
ce  personnage,  cela  va  de  soi,  consistait  à  pourvoir  à  l'entretien 
des  pauvres  orphelins  recueillis  dans  Ybp^yyo-pcotXov,  et  à  admi- 
nistrer les  biens  de  cet  asile. 

L'Interprète  du  Typicon,  6  T'jzr/.âpr^ç.  —  Le  Tj-r/iv  est  une 
sorte  de  manuel  liturgique  contenant  toutes  les  règles  relatives 
aux  cérémonies  religieuses.  Or,  comme  ces  règles  sont  très 
nombreuses  et  parfois  assez  difficiles  à  comprendre,  l'ecclésias- 
tique nommé  Tu-r/.apr^;  avait  pour  devoir  de  les  étudier  avec 
soin,  de  les  expliquer  et  d'en  assurer  l'exécution. 

Le  Juge,  b  i-rzX  twv  Kpiijcwv.  —  N'ayant  trouvé  aucun  rensei- 
gnement sur  ce  personnage  dans  les  formulaires  nommés 
TaxTixà,  Chrysanthe  suppose  que  ce  personnage  instruisait  et  ju- 
geait les  causes  civiles  qui  étaient  portées  devant  le  tribunal 
patriarcal. 


LES    OFFICKS    ET    LES    DIGMTÉS    ECCLÉSLVSTKjCES.  125 

Les  Surveillants,  rj,  0£o)po{.  —  On  donnait  ce  nom  à  des  clercs 
qui,  évidemment  sous  la  direction  du  Grand  Sacristain,  de- 
vaient entretenir  en  bon  état  et  protéger  contre  toute  profana- 
tion et  tentative  de  vol  les  mille  objets  précieux  possédés  par 
l'église,  vases  sacrés,  livres,  manuscrits,  icônes,  etc. 

Les  Acolytes,  o<.  liy.[u::y.~zu  —  Le  mot,  d'origine  latine,  7.y.[jx- 
(jâxoi,  qui  serait  très  bien  rendu  en  français  par  le  terme  cami- 
sards,  si  celui-ci  n'avait  dans  notre  langue  une  signification 
tout  à  fait  spéciale,  s'appliquait  à  de  jeunes  clercs,  de  l'ordre 
des  lecteurs,  dont  l'office  était  de  préparer  l'encensoir,  de  faire 
chauffer  l'eau  nommée  rf^v ,  de  servir  en  un  mot  les  ministres 
de  l'autel.  La  longue  tunique  dont  ils  étaient  revêtus  explique 
leur  nom.  En  les  appelant  acolytes,  j'emploie  cette  expression 
avec  le  sens  qu'on  lui  donne  dans  le  langage  courant,  car  on 
sait  que  l'ordre  mineur  des  acolytes  n'existe  pas  chez  les  Grecs. 

Le  Lampiste,  h  KavoY)Xâ-Â:r^ç.  —  Le  mot  -/.avs-^Xa  désigne  en  grec, 
non  pas  un  cierge,  comme  le  terme  latin  candela,  dont  il  n'est 
que  la  transcription,  mais  une  lampe  alimentée  avec  de  l'huile 
d'olive.  Dans  les  grandes  églises  orientales  les  lampes  qui  brû- 
lent devant  Iqs  saintes  images  sont  si  nombreuses  qu'il  a  tou- 
jours été  nécessaire  qu'un  employé  spécial  fût  chargé  de  les  en- 
tretenir. 

Le  Lampadaire,  b  Aai/Kacâpioç.  —  Si  le  mot  7.y.vlrj.y.,  ainsi 
qu'on  vient  de  le  voir,  doit  se  traduire  par  «  lampe  »  et  non  par 
«  cierge  »,  par  contre,  le  terme  Xay.-jri;  est  appliqué  en  grec  non 
pas  à  la  lampe  dans  laquelle  brûle  de  l'huile ,  mais  à  tout  flam- 
beau fait  de  cire  et  surtout  au  cierge  d'église.  Or,  la  multitude 
des  cierges  dont  on  fait  usage  en  Orient  dans  la  plupart  des  cé- 
rémonies religieuses  explique  qu'un  clerc,  nommé  lampadaire, 
avait  pour  mission  particulière  d'en  faire  la  distribution  aux 
assistants  et  de  les  allumer. 

]Mais  ce  nom  fut  également  donné  à  l'officier  ecclésiastique  qui 
portait  un  bougeoir  élevé  devant  l'empereur,  lorsque  celui-ci 
'  assistait  au  service  divin.  Enfin  on  désigna  de  même  l'ecclé- 
siastique qui  était  chargé  d'un  semblable  office  auprès  du  pa- 
triarche, dont  le  trône  était  alors  situé  devant  le  sanctuaire,  du 
côté  gauche  de  l'église.  Mais,  comme  cet  ecclésiastique  était  or- 
dinairement le  chef  du  deuxième  chœur  des  chantres,  ou  chœur 
de  gauche,  parce  que  la  place  qu'il  occupait  était  auprès  du 


126  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

trône  patriarcal,  le  nom  de  lampadaire  lui  est  resté,  même  après 
qu'il  eût  cessé  de  tenir  un  cierge  devant  le  patriarche,  et,  au- 
jourd'hui encore,  à  Constantinople,  ce  nom  désigne  spéciale- 
ment le  deuxième  chantre,  tandis  que  le  chef  du  chœur  de  droite 
est  appelé  T.più-cbxkir,:,  c'est-à-dire  protopsalte  ou  premier 
chantre. 

D'après  Codinus,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus  haut,  c'était 
d'abord  au  deuxième  portier  qu'il  avait  appartenu  de  porter  de- 
vant le  patriarche  le  bougeoir  nommé  [;.:v:6â;j.cuA:v. 

L'Annonceur,  5  Koi-x'^'zpiJ-r,:.  —  Chrysanthe  nous  apprend 
qu'il  n'a  trouvé  dans  les  taktika  aucune  indication  précise  sur 
les  fonctions  de  cet  ecclésiastique.  Il  ajoute  que,  probablement, 
elles  consistaient  à  annoncer  au  peuple  les  fêtes  pendant  les- 
quelles on  devait  s'abstenir  de  tout  travail  et  assister  aux  offices 
religieux. 

Cette  hypothèse  ne  repose  donc  que  sur  le  sens  du  mot  v.x-x- 
Ycpsjw.  Aussi  Chrysanthe  ne  semble  pas  connaître  cette  liste 
d'offices  donnée  dans  Teuchologe  de  Goar,  où  le  personnage  en 
question  est  appelé  non  pd.SY,x-xyopsjrr,ç,  mais  7,x-x';zpixpr,ç,  et  où 
ses  attributions  sont  indiquées  par  l'expression  oùoy.a/aov  ty;v 
iy./,X-r;cr':av,  ce  qui  signifie  qu'il  avait  à  entretenir  la  propreté  et  le 
bon  ordre  dans  l'église.  Allatius ,  dit  Goar,  propose  de  lire  y.xz-r}- 
'^zpûpr,^,  c'est-à-dire  <(  celui  qui  est  chargé  de  remettre  chaque 
chose  à  sa  place,  giiicuncta  ad  proprias  7.x-r,-;opixç  a7nandaé  ». 

Le  CircuJafour,  h  Tiip<.v.zipyz'^.v)zz  ■?,  U-p<.^ipz'^.vK:.  —  Ce  per- 
sonnage, nous  dit  également  Chrysanthe,  serait  le  même,  mais 
sous  un  autre  nom,  que  le  ■Ax^?or,'Kx--r,z  (Voy.  plus  haut)  ou  le 
■/.x-xyopzj-Tt:  dont  il  vient  d'être  question. 

Le  Porteur,  b  Bxz-x-(xpizz.  —  Ce  nom  aurait  été  donné, 
semble-t-il,  au  clerc  qui,  dans  les  processions  portait  l'image 
du  saint  dont  on  célébrait  la  fête.  Peut-être  n'était-il  qu'un 
synonyme  du  nom  précédent. 

Le  Proc/udn,  z  Ylpzzv^z:.  — Quel  était  le  rôle  de  cet  officier 
dont  le  nom  est  la  transcription  du  mot  latin  pro.vimus,  c'est 
ce  que  ni  Chrysanthe  ni  aucun  autre  auteur  ne  peuvent  nous 
apprendre  avec  certitude.  Un  taktikon  dit  bien  :  b  -pi;i;j.:ç  bpCti 
/.x\  (7r,ixa{v£i  èv  tw  v.xipM  t^;  •ixk'^iùoixç;  mais  ceci  est  vague  et 
Goar  ne  nous  renseigne  pas  beaucoup  mieux  quand  il  nous 
dit  que  le  nom  du  -oir-.y.:;  vient  sans  doute  de  ce  que  «  proxime 


LES    OFFICKS    ET    LES    DKINITÉS    ECCLÉSLVSTKjLES.  127 

ad  hujus  officialis  nutum  et  iiuperium  fiât  in  ecclesia  signum 
ut  proxime  deinde  sacraî  psalmodiai  detur  initium  ». 

Le  Doyen,  5  Asy.avôç.  —  Le  mot  latin  decanus,  devenu  oi/.y.- 
viç  en  grec,  a  servi  à  désigner  diverses  sortes  de  fonctionnaires 
et  d'employés  civils,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  diction- 
naire de  Du  Cange.  Quant  à  l'officier  ecclésiastique  dont  il 
devint  également  le  nom  spécial,  nous  ne  pouvons  nous  faire 
une  idée  de  la  nature  de  ses  fonctions  que  d'après  une  de  ces 
listes  d'offices  retrouvées  par  Allatius  et  reproduites  par  Goar. 
Il  y  est  dit,  en  effet,  que  le  doyen  Tâjsst  tijç  ItptX:  èv  -zXz  i?'/,^'M- 
voiç  aÙTwv  oiy.auo[j,ac:u  Ainsi  cet  ecclésiastique  avait  pour  mission 
de  répartir  les  revenus  casuels  entre  les  membres  du  clergé 
de  l'église,  suivant  les  droits  de  chacun. 


Telles  sont  les  additions  que  j'ai  cru  devoir  faire,  d'après 
Chrysanthe  et  Goar,  à  la  liste  des  dignités  ecclésiastiques  qui  a 
•Codinus  pour  auteur.  Est-ce  à  dire  que  ces  additions  ne  pour- 
raient pas  être  multipliées,  certainement  non.  On  sait  jusqu'à 
quel  point  fut  poussé  l'excès  du  fonctionnarisme  chez  les  Byzan- 
tins :  jamais  chez  aucun  peuple  on  ne  vit  pareil  engouement 
pour  les  titres,  les  charges  et  les  honneurs.  Ce  qui  se  passait  à 
la  cour  impériale  était  fidèlement  imité  à  la  cour  du  patriarche  ; 
aussi,  tandis  que  le  palais  du  souverain  regorgeait  d'une  foule 
innombrable  de  dignitaires  et  de  serviteurs  aux  noms  et  aux 
costumes  les  plus  variés,  de  même  les  très  nombreux  ecclésias- 
tiques, dont  se  composait  le  clergé  de  la  Grande  Église,  se 
partageaient  les  fonctions  les  plus  diverses,  à  chacune  desquel- 
les étaient  attachés  un  titre  et  des  privilèges  particuliers.  Il 
suffit  de  feuilleter  les  auteurs  de  la  période  byzantine  pour  ren- 
contrer sans  cesse  la  mention  de  ces  charges,  désignées  parfois 
par  les  plus  étranges  appellations.  Malheureusement,  s'il  est 
possible  à  la  rigueur  d'en  dresser  une  liste  à  peu  près  com- 
plète, il  serait  excessivement  difficile  de  déterminer  exactement 
en  quoi  elles  consistaient.  Leur  multitude  même  embarrasserait 
quiconque  voudrait  en  faire  l'objet  d'une  étude  spéciale.  Outre 
que  beaucoup  de  noms  de  dignités  et  d'offices  doivent  être 
synonymes,  il  est  évident  que  très  souvent  aussi  c'était  à  peu 
près  la  même  charge  qui,  sous  des  noms  différents,  était  confiée 


128  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

à  plusieurs  personnages  afin  de  satisfaire  cliez  tous  cette  soif 
d'iionneurs  dont  je  viens  de  parler. 

Pour  jeter  quelque  lumière  au  milieu  de  ce  dédale  d'expres- 
sions bizarres  et  obscures  la  plupart  du  temps,  il  faudrait  se 
livrer  à  de  longues  et  minutieuses  recherches.  Mais  quelque 
pénible  qu'il  dût  être,  il  serait  avantageux  qu'un  pareil  travail 
fût  entrepris  par  un  érudit  doublé  d'un  bon  helléniste  :  il  ren- 
drait un  très  grand  service  à  l'histoire  religieuse  des  grecs  de 
Byzance,  à  la  science  liturgique  et  à  la  philologie  gréco-latine 
du  moyen  âge. 

Léon  Clugnet. 


MÉLANGES 


I 


UrV  SAINT  ÉVÊQUE  DE  FRANCE  HONORE 
EN  RUSSIE 


La  présence  d'un  saint  français  dans  le  calendrier  de  l'Église 
russe  est  un  fait  qui  mérite  de  fixer  l'attention.  Ne  doit-on  pas 
aujourd'hui  recueillir  avec  un  soin  jaloux  et  une  persévérance 
continue  tout  ce  qui  rapproche,  tout  ce  qui  témoigne  de  l'an- 
cienne union  et  peut  devenir  un  instrument  de  concorde  et 
d'entente  fraternelles?  Le  royaume  de  Dieu  n'est  pas  divisé;  si 
des  chrétiens  se  trouvent  réunis  dans  la  vénération  d'un  même 
protecteur  céleste,  il  est  permis  de  voir  là  un  aymbole  d'espé- 
rance, qui,  nous  voulons  le  croire,  deviendra  quelque  jour  une 
joyeuse  réalité. 

A  la  date  du  13  juillet,  l'Église  russe  fait  la  commémoration 
de  saint  Julien,  évêque  de  Kenomani.  Or  ce  jour,  qui  corres- 
pond au  25  juillet  latin,  est  précisément  celui,  où  la  cité  et  le 
diocèse  du  Mans  célèbrent  la  fête  de  la  Translation  des  reli- 
ques de  saint  Julien,  leur  premier  évêque.  Si  étonnant  que  le 
fait  puisse  paraître  tout  d'abord,  l'apôtre  du  Maine  et  le  saint, 
que  l'on  trouve  honoré  d'un  culte  officiel  en  Russie  et  en  Ser- 
bie, ne  sont  qu'un  seul  et  même  personnage;  nous  allons  en 
donner  les  preuves,   d'après  un  travail,  qui  a  fait  sensation 

ORIENT   CHRÉTIEN.  9 


130  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

dans  une  de  nos  plus  intéressantes  provinces  de  France,  et  au 
delà  (1). 

S'il  existait  en  Russie,  ou  quelque  part  ailleurs,  dans  une 
des  églises  «  orthodoxes  »  de  l'Orient,  un  siège  épiscopal  de 
Kenomani,  la  question  qui  nous  occupe,  n'aurait  pas  lieu  d'être 
posée.  Heureusement,  dans  l'empire  des  Tsars,  comme  en  Asie 
ou  dans  les  royaumes  balkaniques,  il  n'y  a  pas  de  ville  connue 
sous  ce  nom,  et  Le  Mans,  de  France,  revendique  pour  lui  seul 
l'appellation  de  Cenomanum,  qui  lui  a  étédonflée  aux  piemiers 
siècles  du  christianisme.  Ajoutons  à  cela  que  les  renseignements 
les  plus  autorisés  pris  à  Pétersbourg,  à  Moscou,  à  Kiew  et  à 
Odessa  constatent  partout  l'absence  d'un  saint  Julien,  qui  ne 
fût  pas  le  fondateur  de  l'église  du  Mans.  C'est  déjà  une  forte 
présomption  en  faveur  de  l'identité.  11  y  a  plus,  nous  l'avons 
vu,  puisque  un  diocèse  de  l'église  latine  se  rencontre  avec  l'é- 
glise russe  pour  fêter  au  même  jour  un  évêque,  sur  lequel  on 
conserve  de  part  et  d'autre  une  même  tradition.  Le  13  juillet 
grec,  ou  25  juillet  latin,  n'est  point  la  date  de  la  Dormition  de 
saint  Julien,  que  la  ville  du  Mans  célèbre  le  27  janvier.  Les 
Slaves  ne  pouvant  choisir  ce  dernier  jour,  consacré  déjà  à  la 
Translation  des  reliques  de  saint  Jean  Chrysostome,  fixèrent 
tout  naturellement  au  13  juillet  la  mémoire  de  saint  Julien  de 
Kenomani,  que  son  église  fêtait  à  cette  date  en  souvenir  d'une 
translation,  qui  eut  lieu  à  la  moitié  du  neuvième  siècle.  Le 
SyHaxaire  slavon,  dit  le  P.  Nilles,  professeur  à  l'université 
d'innsbruck,  reproduit  presque  littéralement  l'éloge  de  saint 
Julien,  qui  se  trouve  au  Martyrologe  romain.  Avec  les  livres 
slavons,  il  est  passé  chez  les  Serbes,  qui  en  font  commémora- 
tion le  même  jour;  il  est  à  remarquer  qu'il  ne  figure  pas  dans 
les  autres  calendriers  orientaux. 

Les  Vies  des  Saints  russes  sont  d'accord  avec  les  traditions 
de  l'église  du  Mans  sur  l'histoire  de  saint  Julien,  sur  sa  mis- 
sion apostolique  et  les  miracles  qu'il  accomplit  pour  amener  à 

(I)  Nous  nous  servons  pour  la  présente  communication,  d'une  très  intéressante 
étude,  publiée  par  M.  le  chanoine  Jules  Didiot  dans  la  Revue  historique  et  ar- 
chéologique du  Maine,  n»  de  janvier  1899.  A  l'heure  actuelle,  la  découverte  du 
savant  professeur  des  Facultés  catholiques  de  Lille  ne  présente  pas  seulement  un 
intérêt  local  ;  elle  est,  en  quelque  sorte,  catholique  à  cause  de  son  importance  au 
point  de  vue  religieux,  et  nationale  pour  nous,  Français  ;  ceci  dit  en  dehors  de. 
toute  opinion  personnelle  sur  l'allianeo  IVanco-russc. 


MÉLANGES.  131 

la  vraie  foi  les  populations  du  pays  qu'il  évangélisait.  L'hagio- 
graphie russe  mentionne  spécialement  le  miracle  de  la  source 
que  le  saint  fit  jaillir  par  ses  prières  et  que  l'on  peut  voir  encore 
sur  une  des  places  de  la  ville  du  Mans,  la  résurrection  de  plu- 
sieurs enfants  morts,  et  la  conversion  du  gouverneur,  qu'on 
nommait  le  Defensor.  Ce  sont  là  les  faits  les  plus  connus  de  la 
vie  du  saint  évêque,  et  très  populaires  dans  la  province. 

L'iconographie  vient  ajouter  une  preuve  de  plus  à  celles  que 
nous  venons  de  résumer.  On  sait  quelle  est  l'importance  de 
l'imagerie  religieuse  en  Russie,  où  il  existe  une  surveillance 
spéciale  et  des  censures  pour  les  chromolithographies  livrées 
au  public  ;  rien  n'est  abandonné  à  la  fantaisie  et  l'artiste  doit 
avant  tout  tenir  compte  des  données  traditionnelles  pour  le  su- 
jet qu'il  a^hoisi.  M.  le  chanoine  Jules  Didiot,  de  Lille,  en  pré- 
parant un  travail  sur  l'Imagerie  religieuse  et  populaire  de  la 
Russie,  a  découvert  à  Kiew,  deux  icônes  représentants  saint 
Julien,  évêque  de  Kenomani.  «  La  première,  dit-il,  vient  d'O- 
dessa. Elle  représente  un  évêque  debout,  nimbé,  en  costume 
pontifical  gréco-russe,  tenant  dans  ses  bras  un  enfant  vêtu 
de  blanc,  sans  nimbe.  A  leur  gauche,  sur  un  brasier  allumé, 
un  bassin  d'eau  bouillante  ;  et  auprès,  un  vase  et  un  linge.  A 
leur  droite,  sur  un  pupitre,  un  rouleau  portant  ces  mots  en  sla- 
von  :  «  Seigneur,  sauvez  l'enfance;  ayez  pitié  d'elle;  conservez- 
la  maintenant  et  dans  l'avenir.  »  Au-dessus  de  l'évêque,  sur  un 
fond  d'architecture  élégante,  cette  légende,  aussi  en  slavon  : 
(c  Saint  Julien,  évêque  de  Kenomani.  »  L'autre  image  a  été  faite 
à  Moscou.  L'évêque  nimbé,  en  costume  de  ville,  tient  un  petit 
enfant  emmaillotté,  et  est  agenouillé  devant  un  pupitre,  au- 
dessus  duquel  se  trouve  une  image  de  Notre-Dame;  de  nouveau, 
on  lit  cette  légende  :  «  Saint  Julien,  évêque  de  Kenomani.  » 
Cette  double  composition,  qui  nous  présente  le  saint  évêque 
comme  un  protecteur  spécial  de  l'enfance,  fait  allusion  à  un 
miracle,  qui  eut  lieu  à  l'arrivée  du  corps  de  saint  Julien  dans 
la  ville  du  Mans.  Une  femme  était  occupée  à  faire  chauffer  de 
l'eau  pour  laver  son  enfant,  qu'elle  avait  placé  dans  la  chau- 
dière, on  annonce  le  cortège  ;  dans  son  empressement  à  le  voir, 
la  mère  oublie  son  enfant,  mais  subitement  rappelée  par  la  préoc- 
cupation qui  lui  remet  en  mémoire  la  position  de  son  fils,  elle 
rentre  chez  elle,  et  grande  est  sa  joie  de  trouver  l'enfant  sain  et 


132  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

sauf  et  le  feu  éteint.  Les  artistes  manceaux  n'ont  représenté 
cette  scène  que  plus  tard,  à  l'époque  de  la  Renaissance;  les 
Russes  les  ont  devancés  sur  ce  point. 

Pour  trouver  l'explication  des  faits  énoncés,  il  est  nécessaire 
de  remonter  avant  les  premières  tentatives  de  séparation  entre 
l'Église  romaine  et  l'Église  russe,  c'est-à-dire  avant  le  onzième 
siècle,  A  première  vue,  il  paraît  difficile  d'expliquer  comment 
saint  Julien  du  Mans  est  en  même  temps,  selon  l'expression  d'un 
«  orthodoxe  »,  un  saint  calholiquc  et  aussi  russe.  L'histoire 
nous  apprend  que  son  culte  a  été  très  répandu  en  Sicile,  en 
Angleterre  et  en  Allemagne,  surtout  à  Paderborn  et  à  Mayence, 
mais  on  n'en  connaissait  jusqu'ici  aucune  trace  en  Russie.  Aussi 
diverses  hypothèses  furent-elles  émises  sans  succès.  Les  uns 
pensèrent  à  la  tradition,  qui  fait  de  Julien  un  disciple  de  saint 
Clément,  lequel  travailla  plusieurs  années  aux  mines  de  la 
Chersonnèse.  Un  prêtre  russe,  le  révérend  Arséniew,  de  Moscou, 
dit  que  dans  les  premiers  temps  du  christianisme,  les  saints  de 
chaque  pays  d'Europe  étaient  également  vénérés  partout.  Mais 
la  difiiculté  est  plus  sérieuse,  car  on  ne  nous  explique  pas, 
pourquoi  seul  parmi  tant  d'autres,  saint  Julien  du  Mans  a  eu 
cette  faveur  et  cette  gloire  d'être  honoré  chez  un  peuple  dont  il 
n'est  pas  l'apôtre,  à  une  grande  distance  du  pays  où  il  a  vécu, 
et  de  voir  son  culte  subsister  malgré  le  schisme.  Les  croisades 
ne  peuvent  non  plus  fournir  la  réponse  voulue,  car  le  nom  de 
saint  Julien,  ne  figure  dans  aucun  des  calendriers  orientaux  et 
n'est  point  passé  des  Menées  byzantines  aux  Menées  russes.  Au 
neuvième  siècle,  les  deux  apôtres  Cyrille  et  Méthode  ne  sem- 
blent pas  non  plus  avoir  introduit  dans  la  liturgie  slave,  la  fête 
d'un  saint,  dont  ils  ignoraient  peut-être  l'existence,  et  que  rien, 
en  tout  cas,  ne  signalait  particulièrement  à  leur  attention. 

Force  nous  est  donc  de  chercher  ailleurs  la  solution  du  pro- 
blème; elle  se  trouve  dans  les  relations  de  l'Église  du  Mans 
avec  celle  de  Paderborn,  qui  remontent  au  moins  à  la  première 
moitié  du  neuvième  siècle.  «  Saint  Badurad,  évêque  de  Pader- 
born, dit  Dom  Piolin,  envoya  des  députés  à  notre  évêque  pour 
en  obtenir  le  corps  de  quelque  Bienheureux,  qui  l'aidât  par  ses 
miracles  à  retirer  de  leurs  superstitions  les  Saxons  de  la  West- 
phalie.  Saint  Aldric  lui  remit  le  corps  presque  entier  de  saint 
Liborie,  qui  devint  le  patron  du  diocèse  saxon.  Ce  fut  le  27  avril 


MÉLANGES.  133 

838.  »  (D.  Piolin,  Ilisloire  populaire  de  saùil  .lulœn,  p.  90). 
Bientôt  saint  Julien  fut  Iionoré  là  où  son  troisième  successeur 
devenait  le  patron  et  le  protecteur  d'une  chrétienté  nouvelle,  et 
il  est  à  croire  qu'un  exemplaire  de  sa  Vif  accompagna  les  reli- 
ques de  saint  Liborie  aux  pays  d'Outre-Kliin.  Toujours  est-il 
que  de  bonne  heure  sa  fête  devint  très  populaire  à  Paderborn, 
à  Mayence  et  dans  les  contrées  environnantes.  Il  n'y  a  pas  de 
doute  possible,  dès  le  neuvième  siècle,  ces  régions,  qui  for- 
maient le  vaste  diocèse  de  Paderborn,  connaissaient  et  hono- 
raient saint  Julien  du  Mans,  et  c'est  de  là  que  son  culte  fut  in- 
troduit dans  les  pays  slaves  par  les  missionnaires  latins,  qui, 
sur  l'ordre  de  l'empereur  Otton  I,  répondirent  à  l'appel  de  la 
princesse  Olga,  régente  de  Kiew,  en  959.  Cette  princesse,  qui 
avait  reçu  le  baptême  deux  ans  auparavant  à  Constantinople  et 
pris  le  nom  d'Hélène,  demanda  à  l'empereur  des  ouvriers  évan- 
géliques  pour  travailler  à  la  conversion  de  ses  peuples;  cette 
mission,  il  est  vrai,  n'obtint  pas  un  grand  succès,  mais  le  fait 
en  est  indubitable,  comme  l'influence  exercée  par  les  prêtres 
latins  dans  la  capitale.  «  Que  les  missionnaires  choisis  par 
l'empereur  pour  seconder  le  zèle  apostolique  d'Olga  aient  ap- 
partenu, quelques-uns  du  moins,  à  l'église  de  Paderborn;  ou 
qu'ils  aient  connu  les  saints  qu'on  y  honorait  de  préférence,  et 
qu'ils  aient  eu  la  pensée  de  recommander  à  la  princesse  l'invo- 
cation et  le  culte  de  saint  Julien,  c'était  pour  eux  chose  des  plus 
simples  à  faire,  et  pour  nous  des  plus  faciles  à  supposer.  »  (Ch. 
Didiot).  Telle  est  l'explication  naturelle  de  la  présence  du  saint 
fondateur  de  l'église  du  Mans  dans  la  liturgie  gréco-russe. 
L'iconographie  russe  nous  le  montre  aujourd'hui  en  ornements 
orientaux;  l'église  slave  a  gardé  fidèlement  la  mémoire  du  pro- 
tecteur qui  lui  est  venu  de  la  France  catholique,  et  le  Mans 
salue  avec  bonheur  son  premier  évêque  dans  la  personne  de 
saint  Julien  de  Kenomani,  que  la  Russie  vient  de  lui  révéler. 
Puisse  le  culte  du  grand  apôtre  du  Maine  devenir  le  lien  sacré 
de  l'union  des  églises  tant  désirée,  et  que  son  intercession  pro- 
cure au  monde  tous  les  avantages  qu'on  est  en  droit  d'attendre 
du  rapprochement  de  deux  grands  peuples  ! 

Pom  Paul  Renaudin. 


II 

SUR  UN  ABRÉGÉ  ARMÉNIEN  DES 
PLÉROPHORIES 


Nous  avons  dit  que  les  Plérophories  ont  été  résumées  par 
Michel  le  Syrien  dans  son  Histoire  ecclésiastique.  (V.  supra, 
1898,  fasc.  3,  p.  233.)  Nous  aurions  pu  ajouter  que  notre  publica- 
tion servirait  à  corriger  un  résumé  arménien  de  l'histoire 
de  Michel  (traduit  par  Langlois,  Venise,  1869,  in-l",  cf.  pp. 
154-167). 

Dans  ce  résumé  les  détails  historiques  et  géographiques  dis- 
paraissent bien  souvent.  Voici  à  quoi  se  réduit  le  chap.  lxxi  : 

ce  Anastase,  moine  d'Édesse,  ayant  communié  des  mains  de 
notre  Père  Pierre  eut  la  même  nuit  une  vision  où  il  était 
baptisé  de  nouveau  et  habillé  à  neuf;  on  lui  expliqua  que  la 
conversion  à  l'orthodoxie  était  un  nouveau  baptême  et  une 
rénovation  à  la  vie.  » 

Les  noms  propres  sont  estropiés  de  barbare  façon  :  Pélagius 
(il)  devient  «  Vlacien  »;  Jean  (v)  =  «  Joseph  »;  Lidius  (vu)  = 
«  La  grande  ville  d'Aladis  »;  Kefar  Seorta  (viii)  =  Kherarz; 
Panoi/propios  (xxi)  —  «  Pamphile  »  ;  Chcrsonnèse  (xxvi)  -- 
«  chrosonos  »  ;  Ptoleniaïde  (xlvii)  =  «  Potoline  »,  etc. 

Les  contresens  abondent  et  sont  complétés  parfois  par  des 
interpolations  :  appelé  des  trois  cellules  \f^^i^  (xiii)  =  «  appelé 
des  trois  morts  (it^^ïo)  »  ;  à  Enaton  d' Alexandrie  (xiii)  =  «  vis- 
à-vis  d'Alexandrie  »  (1);  r immense  croix  qui  brillait...  (xi)  =:: 
«  une  croix  d'or,  qui  fut  brûlée  et  tomba  en  poussière  »  ;  moine 

(1)  M'  Carrière,  le  représentant  autorisé  des  études  arméniennes  en  France, 
qui  nous  a  signalé  cette  version  arménienne,  suppose  que  le  traducteur,  ne  con- 
naissant pas  Enaton  (Ct.  Wright,  Syriac  LUeralure,  p.  16,  et  Catalogue  des  Mss. 
syriaques  du  British  Muséum,  p.  34,  note)  a  rapproché  ce  mot  du  grec  àvTÎ. 


MÉLANGES.  135 

de  Scétê  (xxxiv)  =  «  solitaire  scythe  »;  j'ai  encore  entendu, 
raconter  à  notre  Père  Pierre,  lorsque  f  habitais  Arca,  ville 
de  Phénicie  (xxxvii)  =  «  Le  Père  Pierre  le  Phénicien  »  ;  Des 
scolastiques  orthodoxes  d'Alexandrie  qui  étudiaient  à  Bey- 
routh (lxxviii)  =  «  Deux  séculiers  d'Orient,  Arméniens  de 
nation,  qui  faisaient  le  pèlerinage,  vinrent  à  Béryte,  »  etc. 

Enfin  on  a  sans  doute  remarqué  l'originale  figure  de  ce  soli- 
taire qui  demeure  sous  le  porche  du  palais  d'Antioche,  ne  parle 
jamais  et  auquel  la  plus  violente  colère  ne  put  arracher  que 
deux  monosyllabes  (lxxxviii  et  lxxxix).  Dans  l'abrégé  arménien 
ce  solitaire  discourt  :  «  Il  interpellait  les  Chalcédoniens  en 
disant  :  Je  sens  sur  vous  l'odeur  de  l'iniquité  et  de  la  mort  et 
je  ne  puis  l'endurer  patiemment.  »  Ce  prodige  termine  les 
Plérophories  arméniennes. 

F.  Nau. 


BIBLIOGRAPHIE 


Histoire  universelle  des  Missions  franciscaines,  d'après  le  T.  R.  P. 
Marcellin  de  Civezza,  M.  0.  de  la  province  de  Gênes.  Ouvrage  traduit 
de  l'italien  et  disposé  sur  un  plan  nouveau  par  le  P.  Yictor-Bernardin 
de  Rouen,  0.  F.  M.  de  la  province  de  France.  Tome  1.  Asie  :  Tartarie, 
Paris,  Tolra,  1898,  in-8,  405  p. 

Quiconque  a  étudié  l'histoire  avec  quelque  soin  ne  peut  ignorer  ce  que 
le  christianisme  a  fait  pour  répandre  et  développer  la  civilisation  dans 
l'univers  entier.  Partout  où  les  peuples  se  sont  élevés  d'une  condition  in- 
fime à  un  état  plus  nohle  et  plus  prospère,  à  une  situation  plus  conforme 
aux  aspirations  instinctives  de  l'humanité,  partout,  en  un  mot^  oîi  a  com- 
mencé l'ère  du  progrès  véritable,  c'est-à-dire  de  la  marche  vers  la  perfec- 
tion morale,  on  ne  peut  s'empêcher  de  constater  que  ce  changement  mer- 
veilleux a  eu  lieu  grâce  à  l'introduction  des  doctrines  chrétiennes,  venant 
remplacer  peu  à  peu  les  croyances  délétères  du  paganisme. 

Et  quels  sont  les  hommes  qui,  bravant  des  dangers  de  toutes  sorfes, 
supportant  des  privations  infinies  et  souvent  allant  à  une  mort  certaine, 
ont  porté  et  portent  encore  à  l'heure  actuelle  la  parole  de  vérité  aux  po- 
pulations barbares,  aux  nations  plongées  dans  l'erreur,  sinon  ces  mis- 
sionnaires intrépides  que  l'Église,  depuis  le  jour  où  elle  a  été  fondée,  n'a 
cessé  d'envoyer  au  loin  dans  toutes  les  directions  ?  Aussi  quelles  magnifi- 
ques annales  que  celles  où  sont  exposés  les  actes  de  ces  pionniers  de  la 
civilisation  chrétienne,  dont  la  plupart  sont  des  héros,  dont  un  si  grand 
nombre  sont  des  martyrs!  Nous  les  connaissions  en  partie;  mais  c'est  au- 
jourd'hui seulement  que  les  archives  secrètes  commencent  à  révéler  tous 
leurs  trésors  et  que  dans  chacune  des  congrégations  religieuses  qui  ont 
contribué  à  évangoliser  le  monde  on  se  préoccupe  de  faire  connaître  exac- 
tement, par  des  récits  d'ensemble,  la  part  qui  revient  à  chacune  d'elles 
dans  la  diffusion  de  la  vérité. 

Les  missionnaires  de  l'ordre  illustre  des  Franciscains  ont  déjà  eu  comme 
historien  le  Père  Marcellin  de  Civezza.  Son  ouvrage,  écrit  en  italien  «  nous 
«  présente  l'action  simultanée  des  enfants  de  S.  François.  Cette  méthode  a 
«  l'avantage  de  montrer  l'inépuisable  fécondité  du  vieux  tronc  séraphique 
«  dont  la  puissante  végétation  est  assez  riche  pour  fournir  à  la  fois  des 
«  rejetons  à  toutes  les  parties  de  l'univers,  mais  elle  a  l'inconvénient  de 
«  couper  les  récits  et  d'interrompre  une  action  commencée  sur  les  bords 


BlBLIOGRAI'IllK.  137 

«  du  Jourdain,  du  Gange  ou  du  fleuve  Jaune  jjour  transporter  sans  transi- 
«  tien  le  lecteur  sur  les  rives  du  Nil  ou  de  l'Orénoque  et  de  le  conduire 
«  brusquement  ensuite  dans  les  plaines  de  la  Tamise  ou  du  Dnieper.  » 

L'auteur  des  lignes  précédentes,  un  franciscain  français,  le  R.  P.  Victor- 
Bernardin  de  Kouen  a  eu  la  bonne  pensée,  dont  on  doit  le  féliciter,  de  re- 
prendre l'œuvre  du  P.  Marcellin  de  Civezza  et  de  la  publier  dans  notre 
langue  sur  un  plan  nouveau.  Sans  toucher  au  fond  de  la  relation  italienne, 
il  a  rapproché  et  uni  ensemble  tous  les  passages  de  cette  dernière  rela- 
tifs à  chaque  mission  en  particulier;  de  sorte  que,  après  avoir  exposé  d"a- 
bord  tout  ce  que  les  franciscains  ont  fait  jjour  imi)lanter  la  foi  chrétienne 
dans  une  partie  du  monde,  il  passera  à  une  autre  région,  et  ainsi  de  suite. 

Le  premier  volume,  qui  vient  de  paraître,  nous  fait  connaître  les  efforts 
tentés,  sous  l'inspiration  des  papes,  par  les  missionnaires  de  l'ordre  de 
S.  François,  pour  arrêter  et  convertir  au  christianisme  les  hordes  tartares 
qui,  avant  les  Turcs,  ont  menacé  l'Europe  d'une  destruction  totale.  Em- 
brassant une  période  de  deux  siècles  et  demi  environ  (de  1245  à  1476),  il 
contient  tous  les  souvenirs  de  l'action  franciscaine  dans  les  régions  qui 
furent  plus  ou  moins  directement  soumises,  pendant  le  moyen  âge,  à  la 
domination  des  descendants  de  Tchingiz-Khan.  C'est  dire  qu'il  fait  passer 
devant  nos  yeux  les  figures  trop  peu  connues  de  missionnaires  pleins  de 
zèle,  doublés  de  voyageurs  intrépides,  tels  que  Laurent  de  Portugal,  Jean 
de  Pian-Carpino,  Guillaume  Rubrouck,  Jean  de  Mont-Corvin,  le  B.  Odo- 
ric,  etc.,  et,  bien  entendu,  il  reproduit  de  nombreux  extraits  des  relations 
que  certains  d'entre  eux  nous  ont  laissées.  Plusieurs,  en  effet,  de  ces  cou- 
rageux et  saints  missionnaires  ont  rédigé,  à  leur  retour,  des  récits  de  leurs 
voyages,  qui  sont  d'une  valeur  inappréciable  pour  l'étude  de  l'histoire  et 
de  la  géographie  de  l'Asie.  Tous  les  savants  qui  ont  publié  des  travaux  sur 
les  contrées  envahies  par  les  Tartares,  ont  dû  les  consulter  avec  soin, 
mais  tous  ne  les  ont  pas  appréciés  de  même,  et,  à  ce  propos,  je  me  per- 
mettrai de  regretter  que  leurs  jugements  n'aient  pas  été  suffisamment 
contrôlés  par  l'auteur  de  la  nouvelle  Histoire  des  missions  frunciscaines. 
Le  B.  Odoric,  principalement,  a  été  l'objet  de  critiques  violentes,  par 
exemple  de  la  part  d'un  auteur  anglais,  fort  estimé  d'ailleurs,  Desborough 
Cooley  (1).  Or,  nous  aurions  aimé  à  savoir  de  la  bouche  du  P.  Victor-Ber- 
nardin ce  qu'il  y  a  d'exagéré  dans  ces  reproches,  en  admettant  qu'ils  ne 
soient  pas  complètement  injustes. 

Peut-être  pourrait-on  désirer,  d'un  autre  côté,  que  certains  renseigne- 
ments bibliographiques  fussent  plus  complets.  Ainsi,  pourquoi  le  titre 
exact  des  ouvrages  où  se  trouve  la  relation  de  Guillaume  Rubrouck  n'estil 
pas  donné  dans  la  note  de  la  page  65,  et  pourquoi  n'avoir  pas  mentionné, 
entre  autres,  le  recueil  publié  à  la  Haye  en  1735  par  Bergeron  et  intitulé 
Voyages  faits  principalement  en  Asie,  etc.? 

Chose  plus  étrange,  l'auteur  ne  nous  donne  aucune  indication  sur  le 
livre  du  P.    Marcellin   de   Civezza   qu'il  reproduit  sur  un  plan  nouveau. 

(1)  Histoire  génrmlc  des  voyayes,  des  découvertes  iiinrilimes  cl  continentales.  Paris, 
1840.  Voy.  vol.  1,  p.  314  (!l  siiiv. 

ORIENT  CHKÉTIEN.  10 


138  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Serait-ce  parce  que,  ainsi  qu'il  le  dit  dans  sa  préface,  «  bien  peu  de  per- 
sonnes, en  deliors  de  la  péninsule  italique,  entendent  la  belle  langue  de 
Pétrarque  et  du  Tasse  »?  Cette  dernière  assertion  fùt-elle  vraie,  ce  qui  est 
plus  que  douteux,  les  quelques  personnes  qui  comprennent  l'italien,  peu- 
vent tout  naturellement  avoir  le  désir  de  feuilleter  l'ouvrage  dont  on  en- 
trepend de  leur  donner  la  traduction  ;  or,  quel  est  son  titre,  quand  et  oîi 
a-t-il  paru,  c'est  ce  que  je  n'ai  pu  découvrir  dans  le  volume  que  j'ai  sous 
les  yeux. 

Une  dernière  remarque.  Dans  une  liistoire  où  les  noms  propres  sont  si 
nombreux  et  ont  une  si  grande  importance,  il  est  extrêmement  utile  que 
ces  derniers  soient  orthographiés  avec  exactitude.  Il  est  donc  à  craindre 
que  le  lecteur  ne  soit  désagréablement  prévenu  à  ce  propos,  lorsqu'il  voit 
dans  les  15  premières  lignes  du  premier  chapitre  les  noms  Oljy,  Djihun 
et  De  Guignes  écrits  Olby,  Dijhun  et  De  Guignés. 

Toutefois  ces  quelques  taches  ne  peuvent  diminuer  l'intérêt  que  pré- 
sente l'œuvre  du  P.  Victor-Bernardin.  Celle-ci  comble  un  vide  dans  l'his- 
toire de  l'Eglise,  et  c'est  avec  impatience  que  la  suite  en  sera  attendue 
par  quiconque  aura  lu  le  premier  volume. 

L.  C. 


Nau  (F.).  —  Les  fils  de  Zonadrrb,  fils  de  Réchah  et  les  îles  Forivnees  {Histoire 
de  Zozime),  texte  syriaque  de  .Jacques  d'Édesse  publié  pour  la  première 
fois,  avec  une  traduction  française  d'après  les  manuscrits  de  Paris  et  de 
Londres.  Paris,  Leroux,  1899,  in-S»,  39  p. 

Cet  opuscule  contient  une  très  curieuse  légende  dont  l'original  hébraïque 
est  perdu  et  d'après  laquelle  les  habitants  des  iles  Canaries  (les  îles  Fortu- 
nées des  anciens)  auraient  été  peuplées  parles  descendants  deRéchab,dont 
parle  le  prophète  Jérémie. 

Amaury  de  la  Barre  de  Nanteuil  (le  B°").  —  L'Orient  et  V Europe.  Paris, 
Didot,  s.  d.  252  p.  avec  cartes. 

BÉRARD  (V.).  —  Les  affaires  de  Crète,  Paris,  Calmann-Lévy,  1898,  in-18, 
336  p. 

MiliaraKI  (A.).  —  'laropfa  xou  PaatXsi'ou  t%  Nr/.afa;  xa\  tou  Ocajccrtâtou  t% 
'Hrofpou.  Athènes,  Perri,  1898,  in-8°,  676  p. 

AuERBAcn  (B.).  —  Les  races  et  les  nationalités  en  Autriche- Hongrie.  Paris. 

Alcan,  1898,  in-8",  334  p.  avec  cartes. 
Novum  Testamentum  graece.   Praesertim  in  usum  studiosorum  recogno- 

vit  et  brevibus  annotationibus  instruxit  J.   M.  S.   Baljon.  L,  continens 

evangelia  Matthaei,  Marci,    Lucae    et   Johannis.    Groningen,    Wolters, 

in-8°,  1899,  xxiii-320  p. 

Whitlock  (J,-A.).  —  A  handbook  of  Bible  and  church  music.  Part  I  :  Pa- 
triarchal  and  Hebrew  musical  instruments  and  terms,  the  temple  ser- 
vice, headings  of  the   Psalms.  Part  II  :  a  short  sketch  of  ecclesiastical 


i!iiîi-io(ii{A[Miii;.  139 

music,  from  the  earliest  Christian  times  to  thc  days  ot'  l'alcsli'in;!   ;uid 
Purcell.  Lniidon,  Sopottiswood  and  Eyre,  1899,  in-12,  134  p. 

GÉDKON  (I).  —  Ruî^avTivbv  'l'IopToXôytov.  Tsuyoç  II,  ConstaiililiOJjlf!,  Uepasta, 
1899,  in-4. 

.PapADOFMJULOS  KeHAWEUS  (A.  ). —  'AvâXsxta  ÎEpcaoXuy.'.Tf/.%  aT5!/iioÀoY('aç.  'IV^aoç  A'. 

St-Pétersbourg,  1897,  in-8°,  013  p. 

GuKPiN  (Dom  A.)-  —  Un  apôtre  de  runion  des  éf/lises  au  xvn"  siècle.  Saint 
Josopluit  el  réff/ise  gréco-slave  en  Po/ofjtie  et  en  Hussie.  Dcuxiônic  édi- 
tion. Paris-Poitiers,  Oiidin,  1897-1898,  2  vol.  in-8",  XLvn-380-32-I8  et 
CLViii-589  p. 

Égremont  (Cil.)-  —  L'Année  de  Véglise,  1898.  i^nris,  Lecoffre,  1898,  in-8", 
509  p. 

Parisot  (Dom  I.).  —  Musique  orientale.  Extrait  de  la  Tribune  de  Saint- 
Gervais,  Paris,  i)ureaux  de  la  Schola  cantorum,  1898,  in-8",  24  \). 

SciiLUMBERGER  (C).  —  Renaud  de  Châlillon  prince  d''Antioche,  seigneur  de 
la  Terre  d'Oulre-Jourdain.  Paris,  Pion,  1899,  in-8",  viii-407p. 

Albin  (C).  —  Lile  de  Crète,  histoire  et  souvenirs,  3*=  édition.  Paris,  Sanard; 
1899,  in-8°,  viii-241  p.,  avec  carte  et  gravures. 

Die  griechischen  christlichen  Schriftsteller  der  ersten  drei  Jahrhunderte 
hcrausg.  von  der  Kirchenvàter-Commission  der  Kôn.  preuss.  Akad.  d. 
Wissensch.  Origenes,  I.  Leipziz,  Hinriclis,  1899,  in-8°,  xcii-374  p. 

Togan  (N.).  —  Rnmànii  din  Transiivania  la  1733.  Conscriptia  Episcopu- 
lui  I.  Klein  de  Sadu,  publicatà  dupa  manuscriptul  aflàtor  in  Museul  din 
Sibiu.  Sibiu,  1899.  In-S»;  45  p. 

BuoGE  (Wallis).  —  The  contendings  of  the  Apostles,  being  the  historiés  of 
the  lives  and  martyrdoms  and  deaths  of  the  twelve  Apjostles  and  Evange- 
lists.  The  Ethiopie  texts  now  first  edited  from  manuscripts  in  the  British 
Muséum  with  an  English  translation.  I.  The  Ethiopie  text.  London, 
Frowde;  1899.  ln-4";  x\ii-601  p. 

WoiîBERMiN  (G.).  —  Altchristliche  liturgische  Stileke  ans  der  Kirche  Aegyp- 
tens,  nebst  einem  dogmatischen  Brief  des  Bischofs  Serapion  von  Thmuis. 
Leipzig,  Hinriclis,  1899. 


SOMMAIRE  DES  RECUEILS  PERIODIQUES 
Échos  d'Orient. 

Décembre  \H9S-janvier  1899.  —  La  Rédaction  :  A  nos  lecteurs.  —  S.  Vailhé  : 
Les  martijrs  de  Phounon.  —  A.  Hergès  :  Le  Monastère  du  Pantocrator  à 


140  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Constantinople.  —  S.  Yciilhé:  Les  garnisons  romaines  de  la  province  d'A- 
rabie. —  J.  Pargoire  :  Géographie  administrative.  —  L.  Petit  :  Le  manuel 
canonique  du  moine  Christophore .  —  S.  Vailhé  :  Les  laures  de  saint  Gé- 
rasime  et  de  Calamon.  —  Damien  Ramia  :  Mgr  Jeaa  El  Bagg. 

Février-mars  1899.  —  L.  Petit  :  Entrée  des  catholiques  dans  l  Eglise  ortho- 
doxe. —  J.  Pargoire  :  La  dote  de  la  mort  de  saint  Isaïe.  —  A.  de  P.  Vi- 
dal :  Autour  du  lac.  —  M.  Théarvic  :  Le  Patriarcat  œcuménique  en  Tur- 
quie d'Europe.  —  S.  Vailhé  :  La  province  ecclésiastique  d'Arabie.  — 
A.  H.  :  Les  cimetières  en  Turquie. 


Revue  Bénédictine 

Février  1899.  —  D.  Gaïsser  :  Lg  système  musical  de  V Église  grecque.  — 
D.  Morin  :  />'ow  était  évéque  Nicasius,  l'unique  représentant  des  Gaules  au 
concile  de  Nicée.  —  D.  Besse  :  L'enseignement  ascétique  dans  les  premiers 
monastères  orientaux. 

Mars  1899.  —  D.  Morin  :  Le  testament  de  saint  Césaire  d'Arles  et  la  criti- 
que de  M.  Krush.  —  U.  Berlière  :  L'émde  de  l'hisioire  ecclésiastique.  — 
Statistique  de  l'ordre  bénédictin,  1898. 


Le  Directeur-Gérani 

F.    CHARMKTANT. 


TYPOGRAPHIE   FIRMIN-DIDOT   ET   C"=.   ~    MESML    (ELRE). 


Librairie  ALPHONSE  PICARD    et  fils,  82,  rue  Bonaparte 

Legrand  (Emile),  professeur  à  l'Ecole  Nationale  des  Langues 
Orientales.  Bibliographie  Hellénique  ou  description  rai- 
sonnée  des  ouvrages  publiés  par  des  Grecs  au  xvii''  siècle, 
accompagnée  de  notices  bibliographiques  et  documents 
inédits.  t894-1896,  4  vol.  or.  in-8 100  fr. 

—  Le  même,  pap.  lloU 200  fr. 

Lapôtre  (S.-J.).  L'Europe  et  le  Saint-Siège  à  l'époque  car- 

lovingienne,  t.  i,  et  le  pape  Jean  VIII   (872-882.   1  vol. 
in-8  (xii-368  p. 7  fr.   50 

Loisy  (L'abbé  A.).  Histoire  critique  du  texte  et  des  ver- 
sions de  la  Bible,  i  :  Histoire  du  texte  hébreu  de  l'ancien 
Testament.  1892,  in-8  (314  pages) 7  fr.   50 

—  II  :  Les  versions  de  l'ancien  Testament.  1893,  en  4 
fasc,  in-8,  br.   1254  p. 7  fr.   50 

—  Les  Evangiles  synoptiques,  traduction  et  commentaire. 
Suite  des  études  parues  de  1892  à  1894,  épuisées  au- 
jourd'hui,  in-8  (133  p. 1  fr.   50 

—  Le  livre  de  Job  traduit  de  l'hébreu  avec  une  introduc- 
tion. 1892,  in-8  (175  p.; 4  fr.   50 

—  Les  études  Bibliques,  1894,  in-8  (97  p.  .   .   .      1  fr.   50 
Valois  (Noël).  La  France  et  le  grand  schisme  d'Occident, 

tomes  I  et  H,  1896,  2  vol.  in-8,  br 15  fr. 

Pierre  Dubois.  De  recuperatione  Terre  Sancte,  traité  de 

politique  générale  du  commencement  du  xiv^  siècle,  publ. 

par  Clî.-V.  Langlois   Tasc.  9 4  fr. 

Souscription .     2  fr.   75 

Schœmann.  Antiquités  grecques,  traduction  mise  au  cou- 
rant des  travaux  récents  de  l'érudition  française,  par 
C.  Galuski,  avec  un  index  très  complet  et  une  biblio- 
graphie   détaillée.  1883-1887,  2  vol.  in-8,  br.   .      15  fr. 


NÊOOCIATIONS 

RELATIVES    AU 

TRAITÉ    DE    BERLIN 

ET  AUX  ARRANGEMENTS  QUI  ONT  SUIVI 

1875-1886 

Par   A.    D  AVRIL 

MINISTRE    PLÉNIPOTENTIAIUE 
AVEC    6    CROQUIS    TOPOGRAPHIQUES    ET    LE    TEXTE     DU    TRAITÉ 

1  vol.  grand  111-8°  de  474  pages.  —  Paris,  LEROUX.  —  Prix    10  fr. 


LE  GÉNIE  SÉMITIQUE  ET  LE  GÉNIE  ARIAN  DANS  L'ISLAM 
Par  CARRA  DE  VAUX 

In-12  de  232  pages.  —  Paris,  CHAMPION,  1808 
Prix  :  3  fr.  50 

DICTIONNAIRE    GREC-FRANÇAIS 
I3ES     ISTOINJIS     IjITXJRGhIQXJBS 

EN  USAGE  DANS  L'ÉGLISE  GRECQUE 
Par  L.  CLUGNET 

Un  vol.  iii-8"  de    18t;  p.  —  Prix  6  fr.  —  Paris,  PICARD,  180Ô. 

DOCUMENTS  RELATIFS  AUX  ÉGLISES  DE  L'ORIENT 

ET  A  LEURS  RAPPORTS  AVEC  ROME 

3"  édition,  in-8»  de  62  pages.  —  Paris  CHALLAMEL.  —  Prix-  2  fr.  50 

LES 

ÉGLISES  AUTONOMES  ET   AUTOCÉPHALES 

Par  A.    d'AVRIL 

/'■''  partie  :  Le  groupe  orthodoxe. 
//«  partie  :  De  la  hiérarchie  catholique.  —  Les  Orientaux  dans  le  patriarcat  de  Kome 
Ia-8"  de  49  p.    —  Paris  LEROUX.  —  Prix  :  1  franc. 

LES  FILS  DE  JiADAB,  FILS  DE  RÉCHAB  ET  LES  ILES  FORTOIËS 

(HISTOIRE   DE  ZOZIME) 

TEXTE    SYRIAQUE    DE    JACQUES     D'ÉDESSE 

PUBLIÉ   POUR   LA   PREMIÈRE   POIS   AVEC    UNE   TRADUCTION   FRANÇAISE 
d'après  les  MANUSCRITS  DE   PARIS  ET   DE   LONDRES 

Par  P.  NAU 

Docteur  ès-sciences  mathématiques 
In-So  de  39  pages.  —  Paris,  LEROUX,  1899. 


Typographie  Firmin-Didot  et  C'«.  —  Paris. 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


4«  ANNÉE.  —  N»  2.  —  1899 


PARIS 

LIBRAIRIE   ALPHONSE  PICARD   ET  FILS 

82,    RUE   BONAPARTE,   82 

1899 


SOMMAIRE 


I.  —  LETTRE  AUTOGRAPHE  DE  S.  S.  LEON  XIII  ADRES- 

SÉE AU  DIRECTEUR  DE  LA  «  REVUE  DE  L'ORIENT 
CHRÉTIEN  » 141 

II.  —  LES  HIÉRARCHIES  EN  ORIENT^  par  M.  le  Baron 

«l'Avril 145 

III.  —  LA     BIBLIOTHÈQUE     DU    SÉMINAIRE     SYRIEN     DE 

CHARFÉ,  par  le  R.  P.  Dom  Parisot,  ©.  S.  B.   .  150 

IV.  —  OPUSCULES  MARONITES,    par   M.   l'abbé  F.  î^au, 

professeur  à  rinstitut  Catholique 175 

V.  —  RÈGLEMENTS  GÉNÉRAUX  DE  L'ÉGLISE  ORTHODOXE 

EN  TURQUIE  (suite),  par  le  R.  P.  Petit  des  Augus- 

tins  de  l'Assomption. 227 

VI.  —  LE  SYNODE  DE   MAR  JÉSUYAB  par  Mgr  Ciraffîn, 

professeur  à  l'Institut  Catholique 247 

VII.  -  FRAGMENT   D'UNE  VERSION   COPTE   DE   L'APOCA- 

LYPSE DE  SAINT  JEAN,  par  11.  Jean  Clédat  .    .  263 

VIII.—  LA  GRANDE  DOXOLOGIE.  ÉTUDE  CRITIQUE,  par 
M.  Amédée  CSastoué,  professeur  à  l'École  de 
chant  liturgique  de  Paris 280 

IX.    —BIBLIOGRAPHIE 291 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel)  paraît  par  fascicules 
formant  chaque  année  un  volume  de  plus  de  500  pages  in-S",  avec  des  textes 
en  langues  grecque,  slaves,  syriaque,  arabe,  arménienne,  copte,  etc.,  et 
des  planches. 


ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 

A  la  LIBRAIRIE  Alplionse  RICARD, 

RUE    BONAPARTE,   82. 

Prix  de  l'abonnement  : 

F'rance H  îr. 

Étranger lO    » 

Prix  de  la  livraison 3  fr.  oO 

On  peut  se  procurer  les  volumes  qui  ne  sont  pas  épuisés  à  raison  de  10  fr.  le  vol. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  envoyées  au  Secrétariat  de 
la  Revue  de  l'Orient  Chrétien,  rue  du  Regard,  20,  à  Paris. 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient,  dont  un  exemplaire  aura 
été  adressé  à  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien,  ciiez  MM.  A.  PICARD  et  Fils,  libraires, 
rue  Bonaparte,  82,  à  Paris. 


LETTRE   AUTOGRAPHE 

DE  S.  S.  LÉON  Xm 

ADRESSÉE    AU    DIRECTEUR  DE   LA   «    REVUE  DE  l'oUIENT  CIIRÉTIEX   ». 


Au  moment  où  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien  allait  entrer 
dans  sa  4°  année,  les  membres  du  Comité  de  rédaction  ont  cru 
qu'il  était  de  leur  devoir  de  faire  hommage  au  Saint-Père  des 
trois  volumes  déjà  parus  et,  à  cette  occasion,  de  le  remercier 
des  marques  d'encouragement  qu'il  leur  a  prodiguées  et  de  l'as- 
surer des  efforts  qu'ils  continueront  de  faire,  conformément  à 
ses  vues  et  à  ses  directions,  pour  contribuer  au  retour  des 
Orientaux  à  l'unité  catholique. 

Sa  Sainteté  non  seulement  a  accueilli  avec  bienveillance  les 
volumes  qui  lui  ont  été  offerts,  ainsi  que  les  paroles  de  filiale 
soumission  qui  les  accompagnaient,  mais  encore  Elle  a  daigné 
manifester  sa  satisfaction  par  la  lettre  autographe  que  nous  re- 
produisons ci-après  et  qui  est  adressée  à  j\Ionseigneur  Charme- 
tant,  directeur  de  la  Revue.  Puisse  l'approbation  si  encoura- 
geante et  la  précieuse  bénédiction  que  Léon  XIII  envoie  cà 
tous  les  collaborateurs  de  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien  les 
exciter  à  dépenser  à  l'avenir  encore  plus  d'activité  et  d'ardeur 
pour  le  succès  de  cette  œuvre  qui  lui  est  si  chère,  l'union  de 
toutes  les  Églises  sous  le  sceptre  unique  du  successeur  de  Saint 
Pierre  ! 


ORIENT    CHRETIEN.  11 


LEO  PP.  XIII 


Dilecte  Fili,  salutem  et  Apostolicam  benedictionem. 

Tria  volumina  accepimus,  quœ  complectuntur  ea  quii3  hacte- 
nus  edidistis  cum  titulo  Orient  Chrétien,  ad  provehendam 
orientalium  concordiam  cum  Romana  Ecclesia  ineundam.  Gra- 
tias  de  officio  agimus.  Quia,  vero  opus,  in  quod  elaboratis  No- 
bis  vel  maxime  cordi  est,  studium  constantiamque  vestram  lau- 
damus,  ominamurque  fructus  quales  reapse  optamus  atque  a 
Deo  instantissime  postulamus.  Idque  ut  munerum  divinorum 
subsidio  cedat,  liorum  auspicem  et  testem  benevolentia:^  Nos- 
tr^,  Apostolicam  benedictionem  tibi  ceterisque,  qui  tecum 
adlaborant,  amantissime  impertimus. 

Datum  Roma?  apud  S.  Petrum  die  II  Junii  MDCCCXCIX,  Pon- 
tificatus  Nostri  anno  vicesimo  secundo. 


Dilecto  Filio 
Felici  Charmetant 
Protonotario  Apostolico 
Parisios. 


LEON  XIII  PAPE 


Cher  Fils,  salut  et  bénédiction  Apostolique. 

Nous  avons  reçu  les  trois  volumes  qui  contiennent  tout  ce 
que  vous  avez  publié  jusqu'ici  sous  le  titre  de  Revue  de  l'Oiient 
Chrétien,  dans  le  but  de  promouvoir  l'union  entre  les  Orien- 
taux et  l'Église  Romaine.  Nous  vous  remercions  de  cet  envoi 
et,  comme  l'œuvre  à  laquelle  vous  travaillez  Nous  est  grande- 
ment à  cœur,  Nous  louons  votre  zèle  et  votre  persévérance,  et 
Nous  espérons  qu'ils  produiront  des  fruits  tels  que  Nous  les  dé- 
sirons et  que  Nous  les  demandons  instamment  à  Dieu.  Et,  afin 
que  ce  résultat  soit  obtenu  par  le  secours  des  faveurs  divines, 
comme  présage  de  celles-ci  et  en  témoignage  de  Notre  bien- 
veillance ,  Nous  vous  accordons  très  affectueusement  à  vous  et 
à  vos  collaborateurs  Notre  bénédiction  Apostolique. 

Donné  à  Rome  auprès  de  S.  Pierre,  le  2  Juin  1890,  la  •22''  an- 
née de  notre  Pontificat. 

Léon  XIII,  Pape. 


A  Notre  cher  Fils 
Félix  Charmetant 
Protoiiotaire  Apostolique 
à  Paris. 


146  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

hiérarchies,  des  rites,  des  usages  spéciaux  reconnus  et  approu- 
vés par  l'Église  romaine.  C'est  pourquoi  les  Orientaux  qui  ont 
abjuré  l'hérésie  ou  le  schisme  forment  des  groupes  distincts 
dans  le  sein  du  catholicisme. 

Pour  comprendre  le  tableau  qui  va  suivre,  il  faut  se  rappeler 
que  ni  les  hérétiques  ni  les  schismatiques  ne  sont  constitués  hié- 
rarchiquement d'après  un  principe  unitaire  suivant  la  croyance. 
En  général,  chaque  nationalité  forme  ou  tend  de  plus  en  plus 
à  former  une  Église  distincte.  Celles  de  ces  Églises  qui  ont  la 
même  croyance  peuvent  dans  certains  cas  être  considérées 
comme  une  sorte  de  république  fédérative. 

Je  ferai  remarquer  que,  dans  ce  tableau,  ayant  à  opter  entre 
plusieurs  systèmes  également  acceptables,  je  me  suis  borné  à 
présenter  simplement  l'état  de  fait,  sans  prétendre  à  trancher 
de  délicates  questions  de  droit  que  cet  état  laisse  pendantes. 
C'est  sous  le  bénéfice  de  cette  explication  que,  parmi  les  démem- 
brements du  patriarcat  de  Constantinople,  j'indique  une  sépa- 
ration consommée  de  fait,  mais  qui  n'a  pas  été  consacrée  en  la 
forme  canonique,  comme  les  autres. 

Observation.  —  D'après  ce  qui  précède,  il  est  facile  de  voir 
que  l'expression  Église  orientale  n'a  pas  de  sens  au  singu- 
lier (1)  :  on  doit  dire  les  Églises  orientales  séparées.  En  effet, 
il  n'y  a  pas  d'unité  religieuse  orientale  :  il  y  a  trois  groupes, 
le  nestorien,  le  monophysite  et  l'orthodoxe,  lesquels  s'anathé- 
matisent  réciproquement,  dans  leurs  livres  sacrés  et  ail- 
leurs (2). 

A  plus  forte  raison  n'y  a-t-il  pas  de  chef  religieux  unique 
pour  tout  l'Orient  non  catholique.  C'est  à  tort  qu'on  applique 
quelquefois  cette  qualification  à  l'empereur  de  Russie,  lequel 
n'a  aucune  attribution  sacerdotale  même  en  Russie,  ou  au  pa- 

(1)  «  L'expression  Église  orientale  est  aussi  en  contradiction  avec  celle  de  catho- 
lique, c'est-à-dire  universelle,  que  se  donnent  les  orthodoxes  grecs.  —  A  church 
cannot  be  both  the  easlern  and  the  calholic  churcli.  »  (Neale's  A  history  of  the 
holy  eastern  church.) 

(2)  Voici,  par  exemple,  comment  un  patriarche  grec  de  Constantinople  parlait 
des  autres  Orientaux  :  «  Il  j-  a  quatre  sectes  avec  lesquelles  notre  Église  n'a  aucune 
communion.  Ces  sectes  sont  l'arménienne,  la  copte,  la  maronite  et  la  jacobite.  Le 
rite  de  ces  sectes  est  difforme  et  absurde,  leurs  cérémonies  plus  que  brutes.  Ils 
sont  hérétiques  quant  à  la  foi  et,  dans  leurs  mœurs,  comme  dans  les  autres  cir- 
constances de  la  religion,  rien  ne  les  distingue  des  animaux.  »  {Monuments  au- 
thentiques de  la  religion  des  Grecs,  p.  154.) 


LES    IIIKRAUCIIIKS    EN    ORIENT. 


117 


triarche  grec  de  Constantinople  qui,  aux  yeux  des  Nestoriens  et 
des  Monophysites,  esttou.l  aussi  hérétique  que  le  pape  de  Rome 
et  pour  les  mêmes  motifs. 

En  1862,  en  18G9,  en  1SS5,  nous  avons  présenté  le  tableau 
des  hiérarchies  orientales  et  ce  tableau  a  dû  subir  chaque  fois 
des  modifications  notables.  Voilà  qui  est  caractéristique  :  ces  os- 
cillations sont  une  double  conséquence  du  phylétisme  (de  'I>'//.r., 
race)  et  du  prétendu  principe  :  Imperium  sine  palnarcà  non 
staret.  (Voir  les  Éçibses  autonomes  et  autocéphales,  in-S"  de 
49  p.  Paris,  Leroux,  1895.)  11  est  très  probable  que,  dans  quel- 
ques années,  peut-être  demain,  le  présent  tableau  devra  encore 
être  modifié. 

A.  d'Avril. 


Tableau  sijnoptique  des  Églises  orientales. 


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LA    BIBLIOTHEQUE 

DU  SÉMINAIRE  SYRIEN  DE  CHARFÉ 

Lorsque,  après  la  sanction  définitive  de  leur  union  à  l'Église 
romaine,  les  Syriens  catholiques  constituèrent  leur  patriarcat 
dans  sa  forme  actuelle,  ils  en  établirent  le  siège  dans  une  ré- 
gion du  Liban  où  le  voisinage  des  Maronites  et  la  plus  grande 
facilité  des  relations  avec  l'Europe  les  protégeaient  davantage 
contre  les  Turcs  et  les  Schismatiques.  La  nation  des  Syriens 
unis  fit  l'acquisition,  au  siècle  dernier,  du  couvent  de  Gharfé, 
ancien  monastère  de  moines  maronites.  C'est  une  construction 
assez  spacieuse,  pourvue  de  larges  corridors  voûtés,  de  cellules 
et  de  terrasses,  remontant,  sauf  l'église,  au  xvii^  siècle.  Le 
siège  patriarcal  ayant  été,  sous  Grégoire  XVI,  transféré  à 
Mardin,  l'établissement  de  Charfé  devint  un  séminaire,  où, 
jusqu'à  ce  jour,  de  jeunes  Syriens  viennent  de  diverses  pro- 
vinces, recevoir  l'instruction. 

Grâce  aux  efforts  des  Patriarches  syriens  et  au  mouvement 
intellectuel  créé  par  M^'  Joseph  David,  Charfé  possède  une 
riche  bibliothèque,  contenant  de  nombreux  manuscrits  arabes 
et  syriaques.  C'est  de  ces  derniers  que  nous  voulons  parler  ici. 

La  bibliothèque  patriarcale  de  Charfé  était  plus  riche  il  y  a 
quelques  années.  Bien  que  les  règlements  posés  par  les  chefs 
de  l'Église  syrienne  proscrivent  sévèrement,  et  pour  de  justes 
raisons,  la  sortie  des  manuscrits,  plusieurs  de  ces  livres  du- 
rent, en  des  circonstances  particulières,  être  donnés  à  la  Pro- 
pagande. Néanmoins,  telle  qu'elle  subsiste  aujourd'hui,  la 
bibliothèque  de  Charfé  peut  fournir  de  précieux  instruments  de 
travail,  et  les  indications  qui  vont  suivre  en  feront  foi.  Si  les 
manuscrits  ne  peuvent  sortir  de  leurs  salles,  les  travailleurs  ont 
du  moins  toute  facilité  d'y  entrer,  et  on  les  accueille  avec 
une  bienveillance  sincère  et  éclairée. 

Le  classement  et  l'inventaire  de  l'ensemble  de  cette  biblio- 
thèque devrait  être  dressé,  dans  l'intérêt  de  ses  possesseurs 


LA    niBLIOTIIKQin-;    DU    SH.MINAIF'J';    SYRIEN    KK    CHAflFi;.         I..1 

aussi  bien  que  de  leurs  iiûtes.  Faute  d'un  catalogue  de  ces  vo- 
lumes, on  n'en  connaîtra  ni  le  nombre  ni  l'importance.  En  at- 
tendant que  l'entreprise  désirée  puisse  être  menée  à  bonne 
fin,  nous  ferons  connaître  dès  maintenant  quelques-uns  des  ma- 
.  nuscrits  syriaques  si  libéralement  mis  à  notre  disposition. 

J.  Pakisot. 

a)  Le  plus  remarquable  des  manuscrits  syriaques  de  la  bi- 
bliothèque de  Charfé  est  le  Trdmr  des  Mystères  de  Barih-hri-ls. 
On  regarde  cet  ouvrage  comme  le  plus  important  des  traités 
théologiques  et  scripturaires  du  célèbre  auteur.  Le  Trésor  des 
Mystères  est  en  effet  un  commentaire  critique  et  doctrinal  de  la 
Bible  entière ,  basé  non  seulement  sur  la  vénérable  version  de 
la  Peschito,  mais  aussi  sur  les  variantes  du  texte  hébreu  et  des 
versions  grecques ,  des  traductions  syriaques  postérieures,  des 
bibles  copte  et  arménienne,  enfin  des  leçons  particulières  des 
Jacobites  et  des  Nestoriens. 

Nestlé  {Brevis  liiKjKœ  syr.  grammatica,  1881,  p.  31-32),  Ru- 
bens  Duval  {La  littérature  syriaque,  1899,  p.  81,  not.  2)  et 
W.  Wright  {Syriac  literature,  1894,  p.  274,  note  4)  donnent  la 
liste  des  parties  de  ce  livre  publiées  de  1858  à  1894.  Elles  re- 
présentent seulement  le  tiers  de  l'ouvrage  entier. 

Le  manuscrit  de  Charfé  doit  être  mentionné  à  la  suite  des  dix 
copies  de  ce  livre  que  nous  possédons  en  Europe (1).  C'est  un 
très  bel  exemplaire  in-folio  (30/20  cm.)  à  deux  colonnes,  rouge 
et  noir,  écriture  jacobite  serrée;  38,  41,  42,45  lignes  à  la  page. 

Titre  ;  P^^vâLio  ^aDa-v»;^';^^^  -v^  v^^/r  l-^°^''"  r^  -^^  "-'Oj  ov^;  u^^o^  h»;  Jjo/;  (jtso 
\^^ï.  «  Le  livre  du  Trésor  des  Mystères.  Explication  de  toute 
l'Écriture  biblique.  Composé  par  notre  Père  Mar  Grégorios, 
Maphrien  d'Orient.  » 

Début  '.  -3<"'-  /OV^  ^3  \.,JiCLX  ^  \:Lio  D^-Xao  .\Xic  "'«o.  p».»/  N-Ji.L»  ^  .^a...ioo;^  lS.*^j^. 

«  Premièrement  le  Proœmium.  Que  tout  genou  se  courbe  de- 
vant toi,  qui  as  suspendu  la  terre  sur  les  eaux  et  séparé  les 
eaux  des  cieux.  » 

(1)  Il  en  existe  deux  exemplaires  à  la  Bibliothèque  Vaticane  (ii»*  170  et  i%i).  un 
à  Florence  (Palat.  Medic.  -26),  un  à  Cambridge  (S.P.C.K.),  un  à  Oxford  (Bodl. 
llunt.  1),  deux  à  Berlin  (Alt.  Best.  11.  Sacliau.  134  et  ioQ)  un  à  Gœttingue  (Orient. 
18  a)  et  trois  à  Londres  (British  Muséum.  Add.  718G,  21.580,  23.596).  Cf.  R.  Du- 
val et  Wright.,  11.  cit. 


152  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Le  commentaire  se  poursuit  de  la  Genèse  jusqu'à  TÉpître 
aux  Hébreux. 

Au  dernier  folio  se  lit  la  formule  suivante  qui  nous  donne  la 
date  de  la  composition  de  ce  livre  par  Barhébréus  :  .o^^^ojl^ 

^,^Li/  Col»  ya-,rSi  v.Q-o»  oyca.2^  (SIC)   |  . . ■  i  Vi  )_.;-i^V^  [j]  opea^ro  wV-'l-s  |)V/   »jO/>  )jto^^^Nji( 

(o^c^i^i.  v.oûi,Li/ ijocli.  oK^j  i^;/;>oa--=>-  «  Fin.  Le  livre  du  Trésor  des 
Mystères,  dont  l'auteur  est  Barhébréus  [maphrien]  des  Orien- 
taux, a  été  achevé  au  courant  du  mois  de  Canoun  premier  (dé- 
cembre), l'an  1583  (1272),  le  mercredi,  aux  [premières]  vêpres, 
du  jeudi.  Il  a  été  terminé  le  9  de  Tammuz  (juillet)  (1).  »  A  la 
suite,  «  le  compte  de  chacun  des  saints  prophètes  qui  ont  pro- 
phétisé sous  les  rois  »,  ^  ^-^   ooo,   ^-^N^   lii^œ  ,^/    ..ooai;»;    p.coi  >joL 

.^  p:^.  Vient  enfin  la  date  du  manuscrit  et  la  signature  du  co- 
piste :  \oi^l  r^  Mc^'V  [^l  -l^Coi.  l^Co.  ^-^l  ^i  |i,itm.-yio  1-^.*--^  p/o.    «  Et  mol, 

humble  et  pauvre,  Rabban  Ephrem,  qui  ai  écrit  ce  livre,  je 
demande  la  miséricorde  de  la  part  de  Dieu...  des  moines  du 
couvent  de  Mar  Hanania  et  Mar  Ewgin  »  [le  monastère  de 
Za'faran,  près  Mardin,  résidence  du  Patriarche  Jacobite]. 

Suit  rénumération  du  personnel  de  ce  couvent  :  «  Le  vieillard 
spirituel  u^o;  i^^  qui  est  Rabban  Yuhanon ,  et  Rabban  Abdul- 
karim,  vieux  et  honoré;  Rabban  Tumà,  R.  Habib,  R.  >^a^v^, 
Philoteos  (?),  R.  Abdulgesi,  son  frère,  R.  Kuriakus,  R.  Hanna, 
R.  Behnam,  R.  Ya'qub,  son  frère,  R.  Yéshu',  R.  Behnam, 
R.  Yaballaha  iPr*-?,  supérieur,  R.  Petros,  R.  ^qj-uls  Fenyanos  (?), 
son  fils,  R.  Abdulmasih,  R.  Abdullaha,  R.  Zokê.  Surtout,  que 
l'on  prie  pour  mon  humble  personne,  dans  la  divine  charité  », 

Au  verso,  après  un  éloge  de  Barhébréus  :  «  Achevé  et  terminé 
ce  livre  du  Trésor  des  Mystères  le  28  de...  qui  est  dans  le  mois 
de  Heziran  (juin),  l'an  188...  des  Grecs,  au  saint  monastère  qui 
est  le  siège  apostolique  d'Antioche  de  Syrie,  à  savoir  le  monas- 
tère de  Mar  Hanania  et  Mar  Ewgin,  des  Orientaux,  le  château 
d'Atta  (c!;^^!  i^-ls.  Cf.  Biblioth.  Orient.,  11,  p.  462)...  dans  le 
pays  de  Mardin,  la  ville  forte,  aux  jours  de  nos  Pères,  les  doc- 
teurs glorieux...  instruits  dans  les  deux  sciences  du  syriaque  et 

(1)  Barhébréus  avait  46  ans.  Le  Trésor  des  Mystères  date,  comme  les  plus 
importants  des  ouvrages  de  notre  auteur  (entre  autres  l'Éthique  et  la  Montée  de 
l'esprit,  écrits  en  1279.  —  Cf.  Payne  Smith,  Catalog.,  p.  584),  de  l'époque  où  la 
vie  de  Barhébréus  fut  le  plus  activement  adonnée  aux  soins  de  son  vaste  diocèse. 


LA    l!IIJLlUTIII>(jLE    DU    SHMINArur:    .SVUIKN    1)1-;    cHAIill'..  1  ."(.'i 

de  l'arabe;  et  aux  jours  de  notre  Père  et  Seigneur  iMar  Ignatios, 
le  patriarche,  qui  est  Timotliée,  et  de  notre  Père  Mar  Timo- 
theos,  custode  du  siège  apostolique  d'Antioche  de  Syrie,  qui 
est  Thomas,  frère  du  patriarche  de  Mardin  ,  la  ville  forte  ». 

^3\f  ^aJl  .(^V^  vW)--^  t^/r  ^^[^J  ...^ïiol.o  ^-^ûcii^  .|)/ï  Uj^o/.  |pO)  )_3to  ^v.iai.Nj/0  ^ISjc/ 
|;[^!]  ooj;  |_>Qxd;  ^.Dcu^/;  ^.^^^ji  P^iDJoa  ^OioN_/j  |Njl-^  )^^  -P^a^»  ...o  ^.uooLo  IpiojLiolo 
|Nim..V^  IC^i^yio  l.poj  |H|-3  ]t^-^  )LISj/j  pXo  ^  .l.*^jjij  >.o,ol!^|.  -vsji^o/  ^'r^oo  |  -  ■■  ^;j>o; 
^^:>oa^>_3  .p^î/o  P-.>axao  pLa^cx^  ^ïC^j  ^«.«HXàia»  1;.^^  ...(lo  |  . .  -; .  n^  \  ia\v»  ^Lov-s/»  -  y^^  -•  ^ 
|>Q^  jco)N^o-4  ^po  yOj/o  .rDo|LQ.[ia]*i  «^t!  -^=°-^W^^  >^Q-4lA4^/  >-po  ^poo  ya^/o 
.|Nim..v<  )Njl.j^o  IjVio  ^io;   p)^^^»  wOiO-J  .xdo|jooL  oO);   P»qj=dj   |.^«i^<^/»    |....\t  p^roioj; 

Suivent  des  vœux  et  des  prières. 

b)  Livre  d'office  du  rite  syro-melkite,  en  syriaque  et  arabe. 
L'écriture  est  une  modification  du  caractère  appelé  chaldéen, 
que  les  Melkites  conservèrent  pour  se  distinguer  des  Syriens 
(Cf.  Catalogue  des  manuscrits  syriaques  et  sabéens  de  la  biblio- 
thèque nationale,  n°'  19  (p.  7  et  20).  Les  titres,  les  rubriques, 
la  ponctuation  et  la  notation  mi/sicafe  de  quelques  piècer^  sont 
en  rouge.  Le  texte  est  en  syriaque,  sauf  les  titres,  les  rubriques 
et  les  lectures ,  rédigées  en  arabe. 

Ce  manuscrit,  sur  papier,  in-4°,  est  incomplet  du  commence- 
ment et  de  la  fm.  La  pagination  consiste  en  chiffres  arabes, 
correspondant,  les  uns  aux  cahiers  du  manuscrit,  les  autres 
aux  jours  du  mois  auxquels  se  rapporte  le  contenu  du  texte. 
Certaines  pages  sont  déchirées  ou  rendues  illisibles  par  l'humi- 
dité. 

Malgré  son  mauvais  état  de  conservation,  cet  exemplaire  est 
remarquable  en  ce  qu'il  offre  des  spécimens  de  pièces  notées. 
C'est  là  une  particularité  des  manuscrits  syro-melkites,  dont 
peu  d'exemples  ont  été  signalés  jusqu'à  ce  jour;  et  il  esta  sou- 
haiter qu'en  décrivant  les  manuscrits  de  cette  classe,  on  in- 
dique les  exemples  notés,  afin  d'en  permettre  l'étude  (1).  Pour  le 
présent,  il  suffira  de  dire  que  cette  écriture  musicale  représente 
peut-être  un  stade  de  l'ancienne  notation  grecque,  de  la- 
quelle dériveraient  les  divers  genres   de  notation  st'miogTa- 

(1)  Le  manuscrit  do  Charfé  contient  jusqu'à  six  pièces  notées,  eommo  on  le 
verra  dans  notre  description.  Nous  pouvons  dès  maintenant  en  signaler  une 
autre  de  même  sorte,  savoir  le  tropaire  jn^^o^l.  ,^f,  du  ms.  syriaque  n"  -'8  (Oc- 
toéchos)  de  la  Bibliothèque  pati'iarcale  du  Saint-Sépulcre  à  Jérusalem. 


154  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

phiquede  l'Orient.  Il  est  en  effet  admissible  «  qu'en  même  temps 
qu'ils  adhérèrent  à  la  foi  et  au  rite  des  Grecs,  les  Melkites  qui 
leur  empruntèrent  leurs  heures  canoniques,  leurs  chants  et 
jusqu'à  leur  musique  »  (1),  aient  reçu  d'eux  cet  ancien  système 
de  notation.  Ce  serait  donc  bien  improprement  que  l'application 
aux  textes  syriaques  de  ce  système  sémiographique  des  Grecs 
a  été  désignée  sous  le  nom  de  notation  de  saint  Ephrem  (2). 

Ce  manuscrit  contient  les  menées  de  décembre  (incomplet), 
janvier  et  février,  plus  des  offices  communs  pour  certaines 
classes  de  saints,  des  stichèra,  théotokia,  canons  et  kathismata 
en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge. 

I.  Fol.  (1).  t-j/  ^^j^Q^  :o,:  ^.  Jj^î  .,jJ'^.  «  Décembre,  hymne  5. 
Sur  Tu  es  le  médiateur  ». 

Fol.  (2).  i-»^«^"  <^=ûJk^?  ^^.^^  ic^QjajiL  :  inv)r»N-.  ,3  oi-  :ô:  jiL.  «  Hymuc  6. 
Sur  Lo}-sque  dans  l'abîme.  Gloire  au  Christ,  le  roi  de  notre 
race  ».  _  _ 

Fol.      (3).      \oi^l<.    OjN--^    a^     Dvojj     .j^    ^K^l    p/     Qi>    ..^    vu     jjoo.         c^"^     i-^j'  ^ 

)..aïi- ^oi/ o/ ;A-;  iLï^^coi,.  «  Janvier.  Kontakion.  Ton  VIII.  Sur  Je 
suis  venu  de.  Tu  as  planté  tes  vertus  dans  la  maison  de  Dieu, 

ô  Père  saint...  »  (KcvTây.icv.  r,yo:  ttA.o'.  [-fi  û-£p;j.z/w].  Ile^UTEJ'j.s- 
vcç  àv   aÙAaT^  -yXq  -sij  Kupiou  io'j  Txq  tpavoxâ-aç  ôcpz-x:. ..).  Menées, 

1 1  janvier.  Saint  Théodose  (de  Jérusalem)  le  Cénobiarque. 

Suivent  les  hymnes  7-9,  chacune  de  quatre  strophes,  puis 
Yexapostilarion^^^^'^^^i  «  Ta  mémoire  brille  aujourd'hui  pareille 
au  soleil...  » 

Le  synaxaire,  qui  vient,  dans  les  textes  grecs,  après  le  Kcm- 
takion  et  ÏŒchos  séparant  le  Canon  entre  la  sixième  et  la  sep- 
tième ode,  est  toujours  placé,  dans  notre  manuscrit,  à  la  suite 
de  la  neuvième  ode  et  de  l'exapostilarion.  La  rubrique  et  la 
leçon  du  synaxaire  sont  en  arabe,  aussi  bien  que  les  indications 
afférentes  à  la  conclusion  de  l'office  et  aux  pièces  mobiles  de  la 
messe.  Toutes  ces  parties,  que  nous  offre  régulièrement  notre 
exemplaire,  manquent  souvent  dans  les  inenaea  syriaques 
(Cf.  Biblioth.  nat.,  Catal.  cité,  p.  88).  La  leçon  assignée  à  Théo- 


(1)  A.  Amiaud,  La  légende  syriaque  de  saint  Alexis.  Paris,  1889,  p.  iaxx. 

(2)  .1.  Thibaut,   Élude  de  musique  byzantine.  Bvzantinischc  Zeitschrift,  1898, 
VIII,  I,  p.  145. 


LA    BinLIOTMÈQUE    DU    SÉMINAIRP]    SYRir:\    DE    rHARFK.         I  .'>.'i 

dose  le  Cénobiarque  est  mutilée  après  le  début  et  dans  ses  der- 
nières lignes. 
A  la  suite  :  i-;-^^^  cu.^  correspondant  à  l'indication  grecque 

£'.ç  'c'j:  A'ivîuç;  puis  l'indication  de  l'un  des  slichlrn. 

Office  de  la  Messe  :  (^'jjj!  (r;.;  -.;;v  'Kv.-.z-jz';iy.-,)  :•:  .^  .)-^^ 
c«  Psaume.  Ton  IV  »  (-ps/.E^i^.zvcv.  v/;.;  fixpjr)  -oic^j^x^  oo,  ;.^  (-.i-j.'.-.z 

Le  texte  de  l'épître,  en  arabe;  l'alléluia  avec  son  verset  :  .\^i^ 
upo  ^  \^jj  )^^^^\  ^0,0^x14,  :5:  .o  «  Alléluia.  Ton  VI.  Heureux  l'homme 
qui  craint  le  Seigneur  ».  Enfin  le  chant  de  la  Communion  : 

a^;A>  )oow  ;!o^>:^  P;jo!.  ^^.Vjy^r  (K:'.vo)vt7.:v.  z\:  ;j.vr,;x;::jvcv  j:'.(.')V'.;v  iz-y.'. 
ii7.y.io:). 

Les  cinq  jours  suivants  ne  sont  représentés  que  par  l'indica- 
tion, en  arabe,  de  la  fête  : 

«  Le  12  »  (en  marge  ^).  «  La  martyre  Ta[tienne]  et  le  mar- 
tyr... » 

«  Le  13.  Le  martyr  St[ratonice]  ». 

«  Le  14.  Les  Abbés  mis  à  mort  sur  le  mont  Sinaï  ». 

«  Le  15.  Les  saints  abbés  Paul  [leThébain]  et  Jean  |CalybiteJ  ». 

ce  Le  16.  Les  Chaînes  de  saint  Pierre  »  avec  renvoi  à  la  fête 
de  ces  Apôtres. 

«  Le  17.  Notre  Père  Antoine  le  Grand  ». 

L'office  du  soir,  '-^ lî  *^^^  {ïzztpv/'y/),  est  en  arabe  jusqu'aux 
stichira.  Ceux  que  donne  notre  manuscrit  sont  difterents  de 
ceux  des  menées  grecques  (M-^vxbv.  Janvier.  Éd.  Venise,  IS7<>, 
p.  131,  132).  En  outre,  il  ne  s'en  trouve  que  deux  dans  le  texte 
syriaque,  au  lieu  des  cinq  de  l'office  grec.  Celte  partie  du  ma- 
nuscrit est  au  surplus  altérée  par  l'humidité.  Le  premier  de 
ces  stichira  suit  à  la  vérité  le  type  modal  de  l'office  grec  :  :.:  -^ 
p^po  ,^j  00,  Qi.  (v/;ç  5".  '0  à;  û'iyiJTîu  vj.rfiti:) ,  mais  n'en  reproduit 
pas  le  texte;  l'autre  .ov*-;^  :,-^  «  Ton  IV.  Strophe  type  »,  est  à 
peu  près  la  strophe  5  yypi7[j.x-My  (p.  132).  La  pièce  suivante 

(Fol.    13)  poïi- v<"/ 0/  :o:asjQ.»  (v/;ç  ::/..   ,3".    "Ojts   T.i-tz  ,   tl;  t.xzt/ 

Tr,v  yy;v  (p.  133)  est  notée  musicalement  en  rouge. 

L'office  est  continué  par  les  trois  lectures,  en  arabe,  puis  les 
idiomèlesde  la  supplication  vi^LU?  (riç  -:y;v  Xitv;.  ^-:iyr,px  lz'.z[j.t\x) . 
Le  quatrième  luoj  i;^  [^^^  \^>.  (fol.  18),  noté  de  la  même  manière 


156  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

que  précédemment,  est  incomplet.  Il  est  suivi  d'une  lacune.  Les 
trente-six  strophes  de  l'hymne  qui  vient  à  la  suite  ne  sont  pas 
représentées  dans  l'office  grec.  Après  le  kathisma,  l'indication 
des  versets  et  de  l'évangile ,  en  arabe ,  vient  le  canon ,  avec  ses 
neufs  odes  au  complet ,  sauf  l'altération  d'un  feuillet  du  manu- 
scrit, au  cours  de  la  troisième  et  de  la  quatrième.  Ici,  comme 
dans  les  autres  offices,  le  kontakion  précède  immédiatement 
la  septième  ode;  et  le  Synaxaire,  en  arabe,  est  relégué  à  la  fin 
de  l'office,  après  Vexapostilarion,  dans  lequel  la  mémoire  de 
saint  Antoine  est  réunie  à  celle  de  saint  Athanase ,  qui  est  fêté 
le  jour  suivant. 

«  Le  18.  Les  patriarches  d'Alexandrie,  Athanase  et  Cyrille  ». 

«  Le  19.  Macaire  d'Alexandrie,  et  (sic)  Macaire  l'Égyptien  ». 

«  Le  20.  Efthymios  le  Grand  ».  Le  manuscrit  lui  attribue  le 
stichiron  u.^t>^i  .^^^i  {~x-zp  FyjHù[v.z,  b  crbç  '^izz)  à  demi  illisible, 
ainsi  que  les  feuillets  suivants. 

Le  manuscrit  reprend  au  cours  de  l'office  de  saint  Grégoire 
le  Théologien  (25  janvier),  au  troisième  des  stichira  prosomia, 
différents  des  strophes  assignées  dans  l'office  grec.  Des  trois 
lectures,  en  arabe,  la  première,  tirée  de  Jérémie,  remplace  la 
leçon  des  Proverbes  dans  les  menées.  Il  y  a  seulement  quatre 
stichira,  pris  de  l'office  grec,  mais  dans  un  autre  ordre.  L'à-c- 
AUTîy.'.sv  est  désigné  par  le  titre  de  tropaire  vv^o^,.  Le  canon  est 
celui  de  Théophane,  sans  l'intercalation  du  second,  de  Cosmas, 
qui  rompt  l'acrostiche.  Le  kontakion  et  le  Synaxaire  sont  dis- 
posés comme  ci-dessus. 

Une  nouvelle  lacune  nous  conduit  au  milieu  des  proéortia  de 
la  fête  de  la  Purification  (2  février),  qui  suit  l'office  du  MÉya 
£!7-£piv6v,  iJuv^:.m,5io.  Los  vanatious  dans  la  disposition  ou  même 
le  texte  des  pièces  sont  justifiées  par  la  note  de  l'éditeur  des 
menées  grecques  (Venise,  1870,  p.  2,  3).  Notre  manuscrit  con- 
tient pareillement  pour  troisième  lecture  une  section  d'Ézéchiel, 
que  les  éditions  grecques  ont  supprimée  :  àv-rl  -zzX)  àvio-répsu  àva- 

YvoWiJ.aTc;  [Tlaab'jj,  Ta  '/z^^b^ipx^^y.  iyyj'jV)  ï-tpov  ïv.  '0^43  •/,xl44  v.zoy.- 

'kx'.o'j  -f,;  TTpoor^tîîaç  toù  'hl^r/.'/r^A  (ibid.,  p.  II).  Suivent  les  idiomè- 
les,  réduits  à  quatre;  puis,  à  son  rang,  un  texte  connu  de  nous, 
pour  être  passé,  dès  le  ix^  siècle,  des  menées  grecques  à 
l'office  latin.  Nous  voulons  dire  l'antienne  Aclorna.  Cette  pièce 


LA    \MVAAi)TUK*ilJE    DU    SK.MIXAIUK    SMtIK.N    l)i;    <  IIAIUK.  \~h 

nous  servira  d'exemple.  On  verra  comment  les  traducteurs  sy- 
riens ont  satisfait  à  leur  tâche.  Sans  doute,  il  était  impossible, 
dans  cette  langue,  de  garder  à  la  fois  le  sens,  le  nombre  des 
syllabes,  les  accents  et  les  divisions  sticliiques.  Aussi  n'y  a-t-il 
pas  de  «  parité  rigoureuse  entre  les  schémas  grecs  et  les  odes 
syriennes  »  (1).  Les  traducteurs  latins  ont  pu  suivre  de  plus  près 
la  lettre  du  texte  original,  en  s'abstenant  de  toute  paraphrase,  et 
sauvegarder  ainsi  la  mélodie  musicale.  Pourtant,  dans  la  cita- 
tion qui  va  suivre,  les  incises  sont  en  nombre  égal  à  i -elles  du 
cantique  grec  et  le  compte  des  syllabes  de  chacune  d'elles  se 
trouve  être,  grâce  à  la  paraphrase,  sensiblement  le  même  dans 
les  deux  textes,  ce  qui  garantirait  le  fait  de  l'emprunt  mélodique. 

:  j:  ^.oo 

(12)  .yQ_.0)[   |lS^..,,i,-»t   o(   wj>jual^  N*.ii  vjO^L/ô  —t^j 

(llj   .\.2.1.t  ^  |JCc  ^V:ia\  ^o^  àN-ioo  ov:v>6)A  ,  «  nriq 

(15)   .j-I^icLA;  \^>l  ovCO/   ^O)»  |ISi.olS-3  >o-vio;  ovîokji  _A1^ 

(13)  .jk^QjjiL;   |j.Vio  ^oioki/»  ooii.  .-aoL  Kii.^  )»c>i 

(9)  .)I^Oi^o^sJ  ov^CO/    )iO)aj;    ^^>-^x   )  î  i "> 

(14)  .lïiovî  VatifO  v^J   Ir^ai  01  «" °>  i  i  ^^  JJOO)  NJ^) 
f  12j   .|  jL"li,-o  ^^0)ai.ï;   ^^  yoxvit  01N  in  ^3  001 

(22)  INJoojô  1^3/   j.::^^.;   |;Jo  ^40)oki(    ^i^  iJoj  ).vi,"V)\  toi.  w^)(ô  |ooi  )jLè 

(ij  ■:•  liciNv  oiSoj»  ^oo^ao 

TRADUCTION. 

«    TON    VII    ». 

«  Dispose  et  prépare  ton  lit  nuptial,  ô glorieuse  Sion.  Sors  à 
sa  rencontre  et  reçois  le  Roi,  l'Époux,  le  Christ.  Salue  Marie, 
la  Vierge,  qui  est  la  porte  du  ciel  :  car  elle  a  été  montrée,  dans 
un  prodige,  comme  étant  le  trône  des  chérubins.  Elle  porte 
aussi  celui  qui  est  le  Roi  de  gloire.  La  Vierge  est  la  nuée  lumi- 
neuse ,  lorsque ,  créature  (matière) ,  elle  porte  en  ses  bras  le  fds 
qui  existait  avant  les  luminaires;  Siméon  le  recevant  en  ses 
bras  sacrés,  cria  et  proclama  aux  nations  :  Celui-ci  est  le  Sei- 
gneur des  vivants  comme  des  morts  et  le  Sauveur  du  monde 
entier.  » 

Nous  donnons,  afm  de  permettre  la  comparaison,  le  texte 

(1)  Amiaud,  1.  cit. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  '- 


158  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

grec  de  l'idiomèle  de  Cosmas,  et,  à  la  suite,  la  version  latine, 
moins  exacte  et  moins  complète. 

xaTaxo'fftJi.viaov  tov  vua'iwva  cou  ^SitoV  (12) 

xai  uTroosqai  xôv  BauiÀsa  Xpiaiôv  (11) 

àcTTraffai  tvîv  Motpiàui  tyiv  sTroupaviov  ttoÀtiv  (15) 

auTV)  yàp  ôpo'vo;  /£pouêi)cèç  àveSei'/ÔT)*  (13) 

aur/i  paarâ^si  -uôv  py.aiH(x  t^ç  oo^'/jç'  (13) 

vsajsXv)  cpwTo;  bizâpy^i  yj  TrapÔÉvo;*  (12) 

tpspoïïaa  £V  crapxi  ulov  irpo  ecoscpopou*  (13) 

ov  }.aéwv  ]Su[X£wv  i^  ocyx-iXan;  auTOii,  (12) 

Ixv^pu^e  Xaotç  OEtjTroTrjV  aùxov  stvai  (^ioy)ç  xat  xoîJ  OavaTOo,  (20) 

xat  <7(0Tvipa  Toîi  xôatxou.  (7) 

Adorna  thalamum  tuum,  Sion,  et  suscipe  Regem  Christum  : 
amplectere  Mariam,  quie  est  ca3lestis  porta;  ipsa  enim  portât 
Regem  gloria^  novi  luminis.  Substitit  Virgo,  adducens  manibus 
Filium  ante  luciferum  genitum;  quem  accipiens  Simeon  in. 
ulnas  suas,  pra3dicavit  populis  Dominum  eum  esse  vitas  et 
mortis,  et  Salvatorem  mundi. 

L'office  du  matin  de  la  même  fête  débute  par  i^j^.j^  ^J^' 
{Szbq  y.jpicç)  et  les  trois  kathismata.  Après  une  lacune,  vient  le 
canon,  avec  son  s'.p;xiç,  v^o^^-r^u  Mais  les  megabjnaria  de  la  neu- 
vième ode,  composés,  dans  l'office  grec,  par  alphabétisme,  sur 
©soToy.s  f(  sAziç,  sont  remplacés  ici  par  une  autre  hymne  hepta- 
syllabique,  de  treize  strophes,  et  l'hirmus  de  l'ode  est  intercalé 
entre  les  deux  premières  strophes  de  ce  chant. 

«  Le  3.  Siméon  le  Juste  ». 

«  Le  1.  Isidore  [de  Péluse]  ». 

«  Le  5.  Sainte  Agathe  ». 

«  Le  6.  Saint  Julien  d'Emèse  » . 

Trois  idiomèles  et  le  canon  intégral  représentent  ici  l'office 
que  le  ménci3on  byzantin  a  remplacé  par  celui  de  Bucolus, 
évêque  de  Smyrne. 

Suit  la  simple  nomenclature  des  offices  des  jours  suivants 
jusqu'au  23,  savoir  :  Parthénius  l'évêque,  Théodore  le  Général, 
Nicéphore,  Caralampios,  Biaise,  Mélèce,  Onésime,  Pamphile 
Théodore,  Leontius  (sic),  pape  de  Rome,  Philémon,  Léon,  évê- 


LA    HIBLIOTIIKf.iIK    DU    SK.MIXAIHK    SVIilKX    UK    CHAliFl';,  150 

que  de  Catane,  Kustache,  patriarche  d'Antioclie,  Tliomas,  pa- 
triarche de  Constantinople,  Polycarpe  le  martyr. 

«  Le  24.  Invention  de  la  tète  de  saint  Jean-Haptiste  ».  Cette 
fête  est  pourvue  d'un  office  complet,  dans  la  même  disposition 
que  les  fêtes  décrites  précédemment,  et  donnant  lieu  aux 
mêmes  remarques. 

«  Le  25.  Tarasius,  le  Patriarche  ». 
«  Le  26.  Porphyre,  FEvêque  ». 
«  Le  27.  Procope,  le  Martyr  ». 
«  Le  28.  Kasianos  ». 

Cette  première  partie  du  livre  se  termine  par  une  rubrique 
relative  à  la  célébration  de  ces  offices  en  temps  de  carême. 

IL  Prosomia  et  Canons  ^L'^j  ^jr^^j^  ,_^^C  '-^!j. 

1°  Pour  un  Apôtre.  Stichu-a,  canon  et  exapostilarion. 

2°  u^r  uav^,  'Av.i/w'jOa  d'un  Prophète.  Même  ordre  que  le 
précédent.  Lacune  au  cours  de  la  septième  hymne  du  canon 
(fol.  139,  140). 

3"  Office  de  plusieurs  martyrs.  Le  dernier  des  stichira  vo=>c^  si 
)c^;^;  i^oro,  «  Venez,  ô  toutes  les  extrémités  de  la  création  »,  est 
noté  en  noir  (fol.  144). 

4°  Office  d'un  seul  martyr.  Notation,  en  noir,  du  dernier 
des  stichira,  it^;^^N.io  ovV3  p^o..  «  Aujourd'hui  toute  la  terre  » 
(fol.  1.55). 

5°  Office  d'un  Pontife  martyr. 

6"  Office  d'un  Pontife.  Lacune  à  la  fin  de  la  neuvième  hymne. 

T  [Office  d'un  martyr].  En  marge  :  cjjrU.  Débute  au  milieu 
de  l'avant-dernier  des  stichira. 

8°  Office  des  Justes. 

9°  Office  d'un  solitaire  ^.^i.^^j^Ul  ~UJ'  >>^^  ^^y-  Le  der- 
nier des  stichira  est  en  double,  et  l'un  et  l'autre  sont  notés  en 
noir.  Le  premier  est  le  même  texte  que  la  pièce  notée  du  feuil- 
let 13,  u^^  sp^[  o/  (T)7u  Tzâcrzp) ,  mais  les  signes  musicaux  sont 
en  partie  différents,  bien  que  le  ton  indiqué  (le  sixième)  soit  le 
même  pour  les  deux.  La  strophe  de  rechange  i-u.ovso/:»^:-.:^!^  pv-i 
paii.;  est  prise  pareillement  de  l'office  de  saint  Antoine  (v/:; 
zA.  5'.  [Suy.£(OTOj].  Twv  [jLovatTTwv  -'y.  -'/.rfir,.  Menées.  Janvier, 
p.  134).  Le  nom  propre  a  été  remplacé  par  l'indéterminé  ^- 


160  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

III.  Épîtres  et  Évangiles  pour  diverses  fêtes,  en  arabe 
(fol.  214-219). 

IV.  Hymnes  pour  le  jour  de  la  Procession  du  Saint-Sacrement 

V.  Stichira  et  theotokia,  canon  et  kathismata  en  l'iionneur 
de  la  Mère  de  Dieu. 

VI.  Autre  canon  en  l'honneur  de  la  Mère  de  Dieu.  Les  odes 
sont  ainsi  numérotées  •.<^-  ^^  -i--  -»i-  -.*,:  -»i-  :♦:  -*i-  :^:  jc^q^]*!.  Le 
texte  s'arrête  après  la  première  strophe  de  cette  dernière.  Les 
derniers  feuillets  (247,  248)  sont  mutilés. 

e)  Hirmologe.  Manuscrit  sur  papier,  non  paginé  (19/12  m.), 
rouge  et  noir,  incomplet  du  commencement  et  de  la  fin.  Cote  1; 
(IG).  Ce  livre  donne  le  texte  intégral  des  hirmus  dont  nous 
n'avons  vu,  dans  le  manuscrit  qui  précède,  que  l'indication 
abrégée.  

Fol.    (9).    ^\    \^l    M>l^i°    P-o   l^5sl-'    1-^    [|IS^]oB^   ^   |-:«3NvN    t^L(    ..CDO^Î/    :;:    Jil 

Zoo^pe.  «  Ode  4.  Hirmus.  Tu  es  venu  en  ce  monde,  [né]  d'une 
vierge,  non  comme  un  messager  ou  un  ange,  mais  comme  le 
Seigneur  glorieux  ». 

Fol.  (10).  \'r^y'i  -^^  )v^/^  ioo)  ^^^^  .\^r^\-  «  Autre.  Il  a  entendu  ta 
voix.  Seigneur  de  toutes  choses,  le  messager  que  tu  as  appelé  ». 

Fol.    (18).    |oi^/    [U]*J^  |.«i-.ij;o  )oii>./;  h^\  V^y>a  .^<xio;/   :o,:  wiL.    «    OdO    .J. 

Hirmus.  Tu  es  le  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  ô  Christ, 
Dieu  ». 

Fol.   (2il)).    pi-invN-^   |A  ).ioooiIS^   .p/  ■^r'ils.M  oisico  ^3»  l-jiioaxa  p  .w£oaio>(   :o:  jiL 

«  Ode  6.  Hirmus.  Toujours  plongé  dans  l'abîme  de  l'iniquité, 
je  n'en  trouve  pas  le  fond  ». 

Fol.  (30).  lov^/  ^^.^Q\j  po^;  oo,  p,^a3  ..^c^;\  :j:  ^L.  «  Odc  7.  HiriBUS. 
Ce  commandement  nouveau  contre  Dieu  » . 

Fol.  (36).  pvv.;  p;m  \r[:.^]  ^)^  pou  .^a:»;/  :-.:  ^u  «  Odc  8.  Hlrmus. 
La  fournaise...  dans  le  pays  des  Chaldéens  ». 

Fol.  (44).  ujv^o  p;io  loii./  ^jojL  lA.  ijQi^;  i-^  .^a^;i  :4,:  oïL.  «  Odc  9.  Hlr- 
mus.  Fils  engendré  sans  commencement.  Dieu,  Seigneur  et 
homme  ». 

Fol.  (53).  -V-ps!   m,<^  j^  --^'•'r  i-^o^-^  ..cDOio!/   :.^:  ,^  :  /  :  uiL   .i/=lJj)    ^m-I^I 

ucL^.  «  Le  mardi  de  la  Résurrection.  Ode  1.  Ton  III.  Hirmus. 


i 

LA    BIBLIOTIIKl^UH    I)i:    SK.M  IXAIItH    SVRIKN    \)V,    ('AWMVV..  KJl 

Au  travers  de  la  mer,  divisée  par  la  bag-uotte  que  Moyse  avait 
dans  sa  main  ». 

Fol.   (89).   M>î  oo,  p>ooo,DO>,    .wCDo^;/   :/:    ^    :/;    ^l   .^wJjLxJI     1^^!    ' ^'j'Js'i 

«  Katabasia  pour  la  sainte  Résurrection.  Ode  1.  Ton  I.  Ilirmus. 
Ce  grand  abîme  ». 

Fol.     (165).    7>^    1-^^^    .^JS>a^H    :/:    a,L    :o,:    ^    .IN^^oN    Ua>p>K^|^    .L^'^'j 

^QXDj  i^o-  Q,^  vP"»*^^^'-  «  Katabasia  pour  la  Résurrection.  Ton  \ . 
Ode  1.  Hirmus.  Les  cavaliers  avec  leurs  chars  au  milieu  de  la 
mer  de  Suph  ». 

Fol.   (189).   |N.^.=>;  j^l    .^o^;/  :/:^L.    ^w'il^'l      .p^Y'    i..-'_jJ!    '^'JsU 

u^-^  p-oj.  ^^  ;Ao,  ^ioooiOo..  «  Katabasia  de  la  Résurrection.  Le 
sixième  jour.  Ode  1.  Hirmus.  Le  peuple  racheté  marcha  sur 
l'abîme  comme  sur  la  terre  sèche  ». 

Fol.  (248).  0)N-vi;vi3  ^po  j3  ^ai.;^^.  :/:  ^i  :^:  ^   .|Nvi.n\   p,.ûo|j^^.  K<ll'(- 

tmsia  pour  la  Résurrection.  Ton  VIIL  Ode  L  Pharaon  armé  sur 
son  char  ». 

Le  texte  s'arrête  après  le  début  de  la  neuvième  strophe  de 
cette  première  ode. 

d)  Beyt-gazo,  ou  Trésor  de  prières  (Bréviaire  du  rite  jacobite), 
contenant  les  prières  communes,  celles  du  Magnificat  et  des 
Vigiles ,  les  supplications  [rythmées] ,  les  hymnes  de  diverses 

sortes,    )L'^LÔ  ILdï.jjo  ipLL^o  jN^oai-o  l_ïovJio   [.àïaibo  j-^o.".;......, «   |L<i-^)    to>Jo/    .)kx   ^->-3>   l-ito 

P  Offices  pour  les  six  jours  fériaux  : 

a.  Office  du  lundi  aux  vêpres  (fol.  4).  Invitatoire  de  l'office  de 
nuit,  i-^î  Pr-s^  (fol.  13).  Prière  du  Magnificat,  i^îo^.>  ilc^j  (fol.  15). 
Office  du  matin,  i-^sj?  ilo^-j  (fol.  21). 

b.  Office  du  mardi  aux  vêpres  (fol.  32).  Office  de  la  nuit 
(fol.  39).  Hymnes  de  l'office  du  matin,  i^^j»  u-^  (fol.  41). 

c.  Office  du  mercredi  (fol.  .50). 

cl.  Office  du  jeudi,  MLicL-^a..  \.ai^  (fol.  71). 

e.  Office  du  vendredi  (fol.  91). 

f.  Office  du  samedi  (fol.  113). 

Les  offices  des  six  jcturs  de  la  semaine  sont  divisés  en  trois 
parties  principales  :  les  vêpres,  i-i^î  ou  ok^,  le  nocturne,  compor- 
tant, après  l'hymne  appelée  PU^^.  «  excitatoire  »,  plusieurs  m^i^ 


IQ2  REVUE    DE    l'ORIENT    CHRETIEN. 

«  stations  »  {y.xdiaiJ.x-^)  ;  enfin  Toffice  du  matin ,  il^^.  Cf.  Biblio- 
thèque nationale.  Fonds  syriaque,  n°^  145-150.  La  même  dispo- 
sition a  fait  le  fonds  de  la  rédaction  romaine  du  Bréviaire  férial 
à  l'usage  des  Syriens  unis.  Fauste  Naironi  fut  chargé  de  l'exa- 
men de  ce  bréviaire  et  approuva  l'impression  de  l'édition  donnée 
en  1696.  Comme  le  Beyt-gazo  syrien  ne  contient  pas  d'office 
pour  le  dimanche,  celui-ci  faisait  défaut  dans  cette  première 
édition.  On  récitait  en  sa  place  l'office  du  mercredi,  qui  était 
dit  ainsi  deux  fois  dans  la  semaine.  Lorsqu'il  fut  question  de 
donner  une  seconde  édition  du  Bréviaire  syrien ,  on  suppléa  à 
cette  grave  lacune  de  la  première  par  un  office  dominical  extrait 
d'un  manuscrit  complet  des  offices  syriens,  écrit  en  1744,  sous 
Benoît  XIV,  et  approuvé  dès  lors  par  le  cardinal  Antonelli,  en 
vue  d'un  usage  ultérieur.  Ce  manuscrit  est  conservé  à  la  Biblio- 
thèque de  la  Propagande.  La  seconde  édition  parut  en  1787(1) 
avec  l'approbation  d'Elias  Fadhalla,  prêtre  syrien,  de  Diarbekr. 
Selon  l'ancien  usage  des  Syriens,  l'office  du  dimanche  venait  à 
la  suite  de  l'office  du  samedi.  Cet  ordre  a  été  renversé  dans 
l'édition  de  1853,  qui  débute  par  l'office  dominical  (2). 

2.  Hymnes  communes  du  Magnificat  disposées  en  huit  séries, 
suivant  l'ordre,  sans  doute,  des  tons  du  chant  ecclésiastique, 

iLxjcL^  |_3Ïais  \>.i.Vii  .^oC^sli  \>.3;  ij-io  \oy\l  j^a  ^oi  (slc)   (fol.   13.5). 

Ces  pièces  et  les  suivantes  se  retrouvent,  à  part  quelques 
différences  dans  le  nombre  et  la  disposition,  dans  les  manuscrits 
catalogués  du  Beyt-gazo. 

3.  Chants  des  Vigiles,  pïori  M.  ^ot^  iIo^Lai.;  M- "«^ -^oi-  (fol.  191) 
(Cf.  Assémani.  Catal.  mss.  Bibl.  Vatic.  11,  405). 

4.  Hymnes  dites  i^aibl  (fol.  243) ,  que  l'on  attribue  à  Rabbula 
d'Édesse  dans  quelques  manuscrits. 

5.  Chants  appelés  i^-:^,^  (fol.  274);  peut-être,  comme  Vvr/r, 


(1)  Breviarium  feriale  syriacum  SS.  Ephrem  et  lacob  Syrorum,  iuxta  ritum 
eiusdem  natiouis,  a  feria  ij  usque  ad  sabbathum,  iuxta  exemplum  editum  anno 
nidcxcvi ,  typis  Sac.  Congr.  de  Propaganda  Fide.  Nunc  accedit  OtTicium  domi- 
nicale. Romae,  mdcclxxxvj.  Typis  S.  C.  de  P.  F. 

(2)  Officium  feriale  iuxta  ritum  Ecclesiie  Syrorum.  S.  Congr.  de  Propaganda 
fide  iussu  editum.  Romte,  1853.  Ce  Bréviaire  avait  été  approuvé  par  le  Patriarche 
Gérawé,  le  20  octobre  1844. 


LA    lUnLlOTIIKi^UK    DU    SK.M  IXAIIiK    SVI'.IIC.V    I)K    ClIAlîFl';.  1(53 

\rja-i7.o)::  dcs  Grecs,  parce  qu'on  les  disait  à  voix  basse.  Cf.  I';iyrie 
Smith,  Tliesaurus  syr.,  p.  T."»!. 

0.  Supplications  suivant  le  mètre  de. Jacques  de  S;iru^-  (en  vers 
dodécasyllabiques) ,  i-^a^oo  ^o^a^j^^io  i^^,  iLin^  >^  j^o  )cn^(  .^  ^u 
(fol.  279). 

7.  Supplication  suivant  le  mètre  de  saint  Éphrem  (en  vers  de 
sept  syllabes),  pour  la  pénitence,  ii^^l»  ^o^-r^i  ^i^.  iio^^  ooi  (fol.  -288). 

8.  Ordre  des  hymnes  \l^i,  que  Ton  appelle  aussi  supplications 
de  Mar  Jacques,  ^=mi-  -po.  ilox^  ^.v^icoo.  il-^l.  i^c^  ^ol  (fol.  2'.)i»). 

9.  Versets  d'avant  l'Évangile,  v^-^o/  ^^,  m^^c^  ^l  (fol.  .300). 

10.  Hymnes  appelées  Maclrosc/ie  de  saint  Ephrem,  (Hvisées 

en     .Jo      INXaxD   :   )  |g\\vi    V3_;^|    ^V^oi.    ^Y «■'''>;    l-»»,-io   ^ooN-u    |Nju,.i5    |LQjCs.*ikL;    |  \ .,..  ^*kA 

(fol.  302).  Cf.  Bibl.  nat.  Syr.  148,  G".  Cat.  p.  108'. 

11.  Les  7.xHiG\j.a-x  pour  les  fêles,  ij^ip-»  ^w,pbCLCïi.LM>  (fol.  320).  r)n  a 
rayé  (fol.  331-334)  la  sugita  de  la  révélation  de  Joseph,  li^  ^v"^ 
.a^o.;  o0^o;  fol.  360-363  en  blanc. 

12.  Office  du  diacre  (en  carchouni).  -^-^  o^^)V^[  •-.•^i^^;  ooo^  .^inj 

(fol.'  364)'. 

13.  Leçons  des  Épîtres  de  saint  Paul,  \ii<Ji  ^  "5^-:^  -^=!^  -^l 

(fol.  376). 

Fol.  383  en  blanc. 

14.  Indications  relatives  au  calendrier  pour  les  douze  mois 
de  l'année  (en  carchouni).  Fol.  384. 

Manuscrit  sur  papier  en  fort  bon  état  de  conservation.  Non 
paginé. 

L'écriture,  en  caractères  jacobites,  est  soignée.  Les  pages 
(15/11  cm.),  encadrées  de  rouge  et  de  vert,  sont  de  25  lignes. 
Le  folio  1  porte  une  miniature,  représentant  le  Christ  terrassant 
un  squelette.  Au  fol.  suivant,  la  Vierge  et  l'enfant  Jésus  ayant 
une  sorte  de  scapulaire.  Légende  (en  carchouni)  : 

Au  fol.  325,  miniature  de  saint  Pierre  et  saint  Paul. 


164  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Deux  notes  finales  nous  apprennent  que  ce  livre  fut  écrit  sous 
le  Seigneur  Patriarche  Ignace-Pierre  et  le  Seigneur  évèque 
Denys  Rezaq-Allah,  d'Alep,  au  mois  d'Adar  (mars)  de  Tan  -2001 
des  Grecs  (1690),  fol.  387;  —  et  qu'il  fut  acheté  par  Michel, 
fils  du  Schammas  (diacre)  Na'amtallah;  plus  tard  par  le  Scham- 
mas  Stefan,  fils  de  Georges,  Tan  2074  (1703). 

é)  Rituel  d'ordination ,  suivant  le  rite  syrien ,  en  syriaque  et 
carchouni.  ln-4''  papier;  non  paginé. 

Fol.  (1)  verso,  -a^^û^-/  '^^  ^ai  i-^s^^o^^iio  .^ixjljo  ^,h^  ...^\^\o  >^p./  ^j-oij 
ovj-po  v-^;^£lLio  ^iv^oio  ^axi>^  ;p>o  ;jA^.i,:>ai./.  ((  Au  nom  du  Père...  Nous 
commençons  par  écrire  l'Homologie  composée  par  le  glorieux 
saint  Mar  Jacques,  évèque  de  la  ville  de  Maiphéracte  »  (cf.  Bi- 
bliothèque Nationale.  Fonds  syriaque,  n°  110,  9°  Catalogue, 
p.  68). 

Lacune  après  le  premier  feuillet. 

Fol.  (4)  recto.  A  l'énumération  des  saints  Ignace,  Denys, 
.Jules,  Athanase,  Basile,  Grégoire,  Jean,  Cyrille,  on  a  ajouté  en 
marge,  ^Jarusxû^jo  u»a.wo^i»  :  «  Sever[i]us  et  Dioscore  »,  et  raturé  à 
demi  dans  le  texte  ^^=>^ii-  -poo  ^-^z  >-vio,  «  Mar  Ephrem  et  Mar 
Jacques  ». 

Fol.  (7)  recto.  Ordination  des  diacres.  A  la  suite  de  celle-ci 
on  indique  qu'il  ne  convient  pas  d'ordonner  des  prêtres  et  des 
diacres  dans  une  même  cérémonie  :  i;-^  [pjLjicuLyso  pova.  .û,)  i^  ;>o^ 

Fol.  (13)  recto.  Des  ratures  dans  le  texte  et  des  notes  margi- 
nales, au  fol.  (18)  recto,  montrent  l'usage  pratique  qu'on  a  fait 
de  ce  manuscrit. 

Fol.  (21)  recto.  ilq-ajc^  ioo,,  in-,,  i^ol^;  )Loi,j  «  Prière  pour  l'huile 
du  saint  chrême  qui  sert  aux  onctions  ».  La  rubrique  qui  suit 
indique  que  l'on  prend  de  pure  huile  d'olive.  L'un  des  prêtres 
l'apporte  à  l'évêque,  qui  prononce  les  prières  en  faisant  le  signe 
de  la  croix  sur  cette  huile.  Gn  l'emploiera  pour  l'onction  du 
baptême  avant  l'immersion.  Suit  un  canon  ecclésiastique,  sous 
le  nom  de  saint  Ephrem,  décrétant  des  peines  contre  le  prêtre 
qui  se  servirait  de  la  même  huile  pour  l'onction  des  malades. 
S'il  n'y  a  pas  de  consécration  du  chrême,  voîa:^,  et  que  l'évêque 
veuille  consacrer  l'huile  sainte,  il  le  fera  le  mercredi  du  milieu 
du  carême. 


LA  mBLiOTiii-:(^Lr:  di:  si;.Mi.\Aiiii';  smukn  df,  ciiarfk.      105 

Fol.  (21)  verso.  Prières  de  la  consécration  do  i'Iiiiile. 

Fol.  (25)  verso.  Ordination  des  arcliiprètres,  povûjl.;,  métropoli- 
tains et  évoques. 

Au  fol.  (17)  verso,  on  trouve  le  plan  de  la  disposition  de 
Tautel  que  l'on  doit  consacrer. 

Fol.  (18)  recto.  Consécration  des  autels  «  qui  se  célèbre  après 
l'office  du  matin  ». 

Fol.  (C3)  verso.  Plan  de  la  table  d'autel. 

Fol.  (74)  verso.  Vêture  des  religieuses. 

Fol.  (105)  verso.  Consécration  du  chrême  vo'^^,  Les  versets 
du  psaume  sont  séparés  alternativement  par  les  lettres  -^^  -^  •/, 
indiquant  une  division  exceptionnelle  en  trois  chœurs. 

Fol.  (160)  recto.  N-|I>-M.o  I^.>);^..ia^o  M-^-Vi«v>o  ^.oA/  ^oîo^  jl.q^.  l-ooj^,  poX. 
•  1^^.  ^CQ.xJ.â  P^JQ^!  s^ j/  Cv'-'a  ,JL-a^  ^y-^'.   li-p  pO)  P>l^3  v^UoL/o  ...^jaio;  |»L/   ^  ...^_i^io 

«  Fin  de  l'office  de  la  consécration  du  chrême  divin,  com- 
plète, parfaite  et  régulière,  telle  que  nous  l'avons  trouvée  dans 
la  maison  des  saints,  [de]  Notre  père  Mar  Basilios,  Patriarche 
de  l'Orient,  qui  est  Barsauma  le  libérateur,  au  pays  de  .Mos- 
soul...  Ce  livre  a  été  écrit  dans  le  monastère  de  saint  Jean,  l'an 
1903  des  Grecs  (1592),  au  mois  de  Nisan  (mars)  ». 

Les  feuilles  de  garde  et  la  couverture  intérieure  du  manus- 
crit contiennent  une  nomenclature  d'ordinands. 

«  L'Esprit-Saint  a  sacré  Jacques.  -J-  ws«mi^  [p-]r^  !--«>'  -;^'  t 
L'Esprit-Saint  a  sacré  Manuphar...  vsoiio  .^  u^i  ^v^oj  f 

—  —    Georges.  .ms^Ja^    —       — 

—  —    Emmanuel.  \^|ai.^A     — -       — 


Bedros. 


^£CO)r.3 


L'Esprit-Saint  a  sacré  Théodore,  11^^:^.    [puLliojoo    ^oJ.l     —       — 

diacre  de  l'église  de  Saint-Pierre  et  .:.^oi;o|_5;  ^oi-os  -;^o  jco;is^  ^-^i 
Saint-Paul  à  Édesse. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Isaïe,  prêtre  )  .  r^;n  ->\   i_jlVjl-d   i__.^  ^-jl/     —     — 

du  siège  de  Za'pharan,  l'année  1905  ■-.■0,^1  njj  viva^i: 

(1594).  _ 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Ebednura,  .rcu^ja^^poi  11^:^.  jlo  Maj^^ii.     —     — 

prêtre  de  l'église  Saint-Georges  du  .^  i;^  p/  coi>^;  -; 
château  d'Atta.(V.  ci-dessus,  p.  15"?.) 

L'Esprit-Saint  a  sacré   Abdallah,  i_ioo/L  ^po.  )l^  ^jojoo  oip.^     —     — 

diacre  de  l'église  Saint-Thomas,  l'an-  •>  o,j(  toj 
née  1905. 


166 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 


L'Esprit-Saint  a  sacré  Schahalad, 
prêtre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  à  Amid,  Tannée  1906. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Samuel,  prê- 
tre de  la  sainte  église  du  siège  de 
Za'pharan,  la  même  année. 

L"Esprit-Saint  a  sacré  Marga,  prê- 
tre de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu,  Marie,  la  même  année. 

L"Esprit-Saint  a  sacré  Anastase, 
diacre  de  la  même  église  de  la  Mère 
de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Elie,  diacre 
de  la  sainte  église  du  siège  de  Za'- 
pharan. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Halalma... 
de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu,  à  Alep,  l'année  10Q9  (1598), 
par  les  mains  de  Basile. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Jacques, 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  à  Alep. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Thomas, 
diacre  de  la  sainte  église  de  Saint- 
Georges  du  château  d'Atta,  l'année 
1904  (?)  des  Grecs  (1593). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Hanna,  prê- 
tre de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu,  dans  la  ville  de  Bérée. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Kand... 
l'année  190G  (1595). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Murad,  dia- 
cre de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu,  Marie,  à  Bérée,  par  les  mains  de 
Denys,  l'humble,  l'année  1909(1598). 

A  été  élevé  du  degré  des  prêtres 
au  degré  de  (chorévêque)  Fathallah, 
de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu  à  Bérée,  la  ville  forte  de  Phé- 
nicie  (Alep). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Elian,  diacre 
de  la  sainte  église   de  la  Mère  de 


I  ■  min-\.    ,_o    )L^i^    »t  f)   ^'^>_.|a  VI  «         

•;.  )liUL«j   ou  vlr-SLi.j» 

•:•  |N  1»  -I  ovs  OV.S  v3-.po 

ovi>    t-3  oii>    I  I  <Mi  »  \i  .  mo  {;>m  i /       —       

■>  \oy\l    IA-;   )L^^ 


(_/tXD>Q.3>      v^      ll-fV.*^     ^OJLâO      |_.i._\( 


\li^^)! 


lt^~Êt      ^      |l-«-^     ^OJOO 


\^l 


)o>i.(    L^i^;    yJi    ]lf>\    )«  .«n    l-L-    

)     «     .,— O      l—OJ      w-V-ÛO|.Oj|     tOL»     )1!^     j_LO 

(avant-dernier  feuillet- verso) . 

.^,1   tuju  [-^.-..^yu^  .m.  non  11 .;    .-.jJ-'Ij   ))o',-a-s» 

l_^>jA    I    «  •.«  n;    >_^»;    ^-io  .^.i^L/o    J  :■ 
l,X-;    )Nj-.,^     ILt^i.    oiiCi-P-N^    (sic)    IQ-ÎCLDJ 


j^    )Lp\^aJLào   yl-A-f    j^  P-oî    ^t^ol   J 


LA    IÎII{MOTIIK(^L"K    DU    SK.M  INAIIIK    SMîFEX    1)K    CMAHri';. 


107 


Dieu,  rannée  1934  des  Grecs  (1G2:5). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Pharhat, 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu  de  Phénicie  (Iloins  ou  Aie])), 
Tannée  1934  des  Grecs,  par  les  mains 
de  Denys. 

L"Esprit-Saint  a  sacré  Matlub,  prê- 
tre de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu,  dans  la  ville  de  Bérée  (Alep), 
par  les  mains  de  Mar  Denys,  Thunihle. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Na'amtal- 
lah,  pour  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  Marie,  à  Bérée,  l'année 
1935  des  Grecs  (1624). 

L"Esprit-Saint  a  sacré  Georges, 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  dans  la  ville  de  Bérée,  par 
les  mains  de  Mar  Denys,  l'humble 
métropolite. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Antus ,  dia- 
cre de  la  sainte  église  de  Sainte- 
Schamuni. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdalahad, 
diacre  de  la  même  église  de  Sainte- 
Schamuni. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Saphar, 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  d'Amid. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Saliba,  dia- 
cre de  la  même  église  de  la  Mère 
de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  David,  dia- 
cre de  la  sainte  église  de  la  Mère  de 
Dieu,  Marie,  la  même  année. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  le  diacre 
Mina,  pour  la  sainte  église  de  Saint- 
Georges,  au  village  du  château  d'At- 
ta,  l'année  1906  (1595). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  le  diacre 
Joseph,  pour  la  même  église,  l'an- 
née 1906  des  Grecs. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Hanna,  dia- 


••••Q-   Aj/    Njl»   \oC^l    L^, 


-t-iO    v.,V_^|_s    )tO_j_iO     ||o;_3lj     loui./     L_X-» 
■:•  I  \  « ..  VI     "■"•>  -  '•"'•■  ■"  ■; 


)Lj.j>A    ^ojLio     (sic)     .m_^;_^   —       

JNj^r^o    |oV.3.â«     ya^'r-^o       |oAlJ     Lv^J     |I>,jli,_o 

.(sic)  |^^-\cL3o;^ob 


L^f     yS>    |Lf.v\    I  1  «  yn  ,v>    ra^cD    —       — 

.^.ooIj;  loti./ 


|L^i^     OA     J.3    01A    ^OJLiO     I    "««N  ) 


■  loC^/ 


|ov^/   l^f    »-o   |LpA  ^jLbo    ^^o;    

.  I   Njjl^  cn.3  ^ix.v^a 

wpO>       ,-0     Hv-N^      I      1  «VI      VXJLàO^      

.0,/   Mt-i    |1.Nj/;    |J.^i-o;    |N.^^j;^u;    -oci-^ia^ 


K  i«  ■>   JL,js^    oii.    >£1lODQ_.    wn  «  vi\    

•■•■v°-!  °j( 


168 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 


cre  de  la  sainte  église  de  Sainte- 
Schamuni,  l'année... 

L"Esprit  Saint  a  sacré  Paul,  diacre 
du  saint  monastère  de  Mar  Abhai, 
la  même  année. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdalahad, 
diacre  du  saint  monastère... 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Hu...,  diacre 
de  la  sainte  église  des  Quarante 
Martyrs. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdulma- 
siti,  diacre  de  la  sainte  église  de 
Sainte-Schamuni. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Na'meh, 
diacre  de  la  sainte  église  de  Mar 
Thomas,  Tannée... 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Simon,  sous- 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Dhakral- 
lah,  sous-diacre  de  la  sainte  église 
de  la  Mère  de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Hanna,  dia- 
cre de  la  sainte  église  du  couvent 
de  la  Mère  de  Dieu ,  Marie. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Na'meh , 
diacre  de  la  sainte  église  du  cou- 
vent de  la  Mère  de  Dieu,  Marie,  la 
même  [année].  Amen. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Na'meh, 
diacre  de  la  sainte  église  du  couvent 
de  la  Mère  de  Dieu,  Marie. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Fradjallah, 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Halabia , 
diacre  de  la  sainte  église  de...,  l'an- 
née 1951  (1640). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Na'raeh , 
diacre  de  la  sainte  église... 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Joseph,  dia- 
cre de  la  sainte  église.  Amen. 


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LA    HIliLIOTIIHQUE    DU    SÉMINAIRE    SYRIEN    DK    ClIARn';. 


IGO 


L'Esprit-Saint  a  sacré  Musa,  diacn; 
de  la  sainte  église  du  couvent  de  l;i. 
Mère  de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Ibrahim, 
diacre  de  la  sainte  église  du  cou- 
vent de  la  Mère  de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  .Joachim,  de 
l'église... 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Hanna,  de 
Téglise... 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Elle,  diacre 
de  la  même  église. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdulma- 
sih,  diacre  de  la  même  église. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Michel,  dia- 
cre de  la  même  église. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Ibrahim , 
diacre  de  la  même  église. 

L'Esprit-Saint  a  sacré 
Georges,  diacre  de  l'église. 
Georges,  diacre  de  l'église. 
Schahadu...,  diacre  de  l'église. 

L'Esprit-Saint  a  sacré...  Abdallah, 
prêtre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  Marie,  par  les  mains  de 
l'humble  Mar  Denys,  dans  la  ville  de 
Bérée.  Dieu  le  rende  parfait  ! 

Avec  lui  Zamin,  l'année    195L. 
des  Grecs  trompeurs  (1640). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Schaliadah, 
prêtre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu,  Marie. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Jabé,  prêtre 
de  la  sainte  église  du  couvent  de  la 
Mère  de  Dieu  de  Beit  Kudida  (Ba- 
khudeyda),  l'année  1963  (1652). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdalahad, 
prêtre  des  saints  Quarante  Martyrs. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Jean,  sous- 


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(marge  inférieure). 

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(en  addition  au  bas  de  la  page) 

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(dernier  feuillet-recto; 

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170 


REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Jean  (  'Âzam), 
diacre  de  la  sainte  église  de  la  Mère 
de  Dieu  de  la  ville  de  Phénicie,  par 
les  mains  de  Denys,  d'Alep,  Tannée 
1974  des  Grecs  (16G3). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Daoud,  dia- 
cre de  la  sainte  église  de  Mar  Kuria- 
kis,  par  les  mains  de  Denys. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Na'meh, 
diacre  saint  de  l'église  des  Quarante 
Martyrs.  d'Amid,  [ville]  forte  dans 
le  Seigneur. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdulkarim 
de  la  même  église. 

L"Esprit-Saint  a  sacré  Abdallaha, 
prêtre  de  l'église  d'Édesse,  l'année 
1976  des  Grecs  (1665). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Siméon..., 
de  l'église  d'Amid. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Barsawm, 
diacre  de  la  sainte  église  de  Saint- 
Pierre  et  de  Saint-Paul,  dans  la  ville 
d'Edesse,  par  les  mains  de  Sévérius, 
métropolite  d'Édesse,  qui  est  Élie, 
Tannée  2045  des  Grecs  (1734). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Ephrem..., 
de  l'église  des  Saints  Pierre  et  Paul, 
par  les  mains  du  métropolite  Elie , 
Tannée  2045  des  Grecs. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdalahad , 
diacre  de  l'église  [des  Saints]  Pierre 
et  Paul,  par  les  mains  du  métropo- 
lite Élie,  2045. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Barsawm, 
diacre  de  l'église  [des  Saints]  Pierre 
et  Paul,  par  les  mains  de... 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdalahad, 
diacre,  par  les  mains  du  métropo- 
lite Élie,  Tannée  2045  des  Grecs. 

L'Esprit-Saint  a   sacré   Ephrem, 


L,i>^»    Y^  ll-v^  ^oJLio  vsip.  ^u.a^    

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(couverture   intérieure)  j_^o>  . ;_rD/ 

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ji.a.so  v£DVè».3  wpo  |LpA  >o;â/    — ■      — 
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■  oiao  -I  ..m), «NI    Wèoo  ^°^)-3  joNo  10 


.jjQ^  ot^oj»  (sic)  ogji 


s;.^    )L;_iJ^    ^AJ_iO  ^a-.;-S/ 


LA    lilIiLIOTHKQUK    DU    .S K M 1 N A 1 1 1 Fv    SVRIKX    DM    CIIAItFl';, 


71 


diacre  de  l'égiise  [des  Saints]  Pierre 
et  Paul,  2045. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Urias,  dia- 
cre de  l'église  [de  Saint]  Pierre  dans 
la  ville  d'Edesse,  Tannée  2045. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Georges, 
diacre  de  l'église  de  Saint-Pierre,  par 
les  mains  du  métropolite  d'Edesse, 
Élie. 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Saphar,  dia- 
cre de  l'église  des  Saints  Pierre  et 
Paul,  dans  la  ville  d'Edesse,  par  les 
mains  de  Sévérius,  Métropolite  d'E- 
desse, qui  est  Élie,  l'année  2040  des 
Grecs  trompeurs  (1735). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Jacques, 
diacre  de  l'église  des  Saints  Pierre 
et  Paul  dans  la  ville  d'Edesse,  par 
les  mains  de  Sévérius,  métropolite, 
qui  est  Elie,  l'année  2046  des  Grecs 
(1735). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Thomas, 
pour  la  sainte  église  des  Saints  Pierre 
et  Paul,  dans  la  ville  d'Edesse,  par 
les  mains  de  Sévérius,  métropolite 
d'Edesse,  qui  est  Élie,  l'an  2047  des 
Grecs  (1736). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Paul,  diacre 
de  l'église  des  Saints  Pierre  et  Paul, 
dans  la  ville  d'Edesse,  par  les  mains 
de  Georges,  métropolite,  de  Mar..., 
qui  est  Jacques,  l'année  2021  des 
Grecs  trompeurs  (1710). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  le  prêtre 
Boghos  (Paul)  pour  l'église  des  Saints 
Pierre  et  Paul,  à  Édesse,  l'année 
2029  (1718). 

L'Esprit-Saint  a  sacré  Abdulma- 
sih,  diacre  de  l'église  des  Saints 
Pierre  et  Paul,  à  Édesse,  l'année 
2029. 

L'Esprit-Saint   a   sacré  le  prêtre 


[au-dessus    de   la    ligne]  —    — 

.ovio_s  (si<"     Ni-«  _oi>o/t 

.^co\.^l  >.o,;o;.  o;^io  ~'i'U>  -œ;-é^ 


^^po>    |_C'v£«    )I-v^   va» V)    ;qm    — -        

w..¥j(_3^0)»o/»  [Col.,  vi  ->  .  mf^\n  -.  wVJoo  «roo'^^sS 


^.■t— .)— 3   wO)»o/»    [Ni.,   yi  ^    .jon  \ci  g    — ;_ico 
..Q-.;      sic     |).M-3 


) «  -y  '■■\    |L,-i.\    va  «yi      "^"W'-'Q    - —       

.|  \'«->i   pLio^«  |jl3  ta_k  >^o  fiv-. 


(couverture  verso)  \j^^  \^ai  --;j»/ 

.  fofa\r>  o<n     .soa'y-^^     w ;_^t     |1-,-^^     ..isa.^a.0 
^Vio;   |1>>.V  ^  «  va   ,  ...mvaNi^-a.b.    


^\^of    |L,_i..i>    .m  o;  fn    I    «  «  »  n\    —       — 


172  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Sarkis,    pour    Téglise    des    Saints      .'L.^oo  cuut  (sic) -oiîo^  ^oi-ciao  ^o-,^ 
Pierre  et  Paul ,  à  Édesse ,  Tan  2029 
des  Grecs. 


L"Esprit-Saint  a  sacré  le    diacre      ..v-io;  l"-;-^^  ("?)  >o  <m  ^«^o  —     — 
Kassur. ..(?),  pour  Téglise  des  Saints      kx±   ]!s^,-m  ^o,jo\-ji  wrooAa^o   .icov_Ê>^ 
Pierre  et  Paul,  à  Édesse,  Tannée  .a.  ..^è-^ 

2029  des  Grecs. 

L'Esprit-Saint  a  sacré   le  prêtre      ^;_ioj    )Lj_ii.  ^oj;j  |  »  >«  n\  —     — 
Barsawm ,  pour  l'église  des  Saints  .a.  -^oo^»  (sic)  ..ofio]^  uïîQ\aj>o  .aso^^ 

Pierre  et  Paul,  à  Édesse,  2029  des 
Grecs. 

L'Esprit-Saint  a   sacré   le  prêtre      .roo;^  11^:^,  ^o^^cui  .m.mn  —     — 
Siméon,  pour  Féglise  [des  Saints]      ...-.^sXDaû^oLS  ^o.  .^oa^  mji  jQi-a.a  (sic) 
Pierre  [et]  Paul,  l'année  2049  (1738), 
le  jour  de  la  Pentecôte. 

f)  Rituel  crordination  suivant  le  rite  syrien.  Texte  et  rubri- 
ques en  syriaque.  In-folio  (32/22  cm,),  rouge  et  noir.  41.5  pages, 
25  lignes  à  la  page.  Numérotation  postérieure  en  chiffres  ara- 
bes. En  marge,  annotations  et  traductions  en  carchouni. 

I.  Ordinations. 

1°)  Ordination  des  Psalmistes.  ^^^3  ^-^i^j  ioi\f  ^^  ^ol  ...m/  j^ojl^ 

Père...  jMaintenant,  avec  le  secours  de  Dieu,  nous  écrivons  le 
livre  des  chirotonies  sacerdotales.  Premièrement  :  Ordination 
des  Psalfes,  c'est-à-dire  des  Chantres  »  (fol.  1). 

2°)  Office  de  l'ordination  du  Lecteur,  ^o^^ox^p/  (fol.  7). 

3°)  Office  de  l'ordination  du  Sous-Diacre,  ^cucu^p.aâ/  (fol.  22). 

4°)  Ordination  des  Diacres  (foL  22). 

5°)  Ordination  de  l'Archidiacre  (fol.  40). 

6°)  Ordination  des  Prêtres  (fol.  49). 

7°)  Office  de  l'ordination  du  Périodeute  pîoa  (fol.  70). 

8°)  Ordination  qui  se  fait  quelquefois  des  diaconesses  (fol.  77). 

9°)  ^o,-ai;a^ui  -i^vi  Office  de  l'ordination  des  IMoines  (carchuni) 
(fol.  79). 

10°)  Office  de  l'ordination  des  Chorévèques  (fol.  132). 

11°)  Instruction,  1.^:00^,  sur  l'ordination  des  Évêques  (fol.  142). 

12°)  Office  de  l'intronisation,  d'après  Abulpharage  (fol.  134). 

13°)  Explication  des  prières  secrètes  de  l'évêque  (fol.  210). 


LA    niBLIOTIIKQUE    DU    SK.MI.NAIItK    SVIUKN    DK    niAllli;.  173 

1 1"*)  Office  pour  fia  réconciliation  del  celui  qui  revient  des 
hérésies  (fol.  220). 

15°)  Office  de  la  tonsure  d'une  reli-^ieuse  (fol.  231). 

1G°)  Office  sur  celui  qui  a  été  payen  et  revient  du  paganisme 
au  christianisme  (fol.  251). 

17°)  Office  de  celui  qui  a  apostasie  (fol.  2G5). 

18°)  Office  pour  donner  exactement  la  profession  de  foi 
(fol.  278). 

19°)  Imposition  des  mains  sur  les  femmes  des  prêtres 
(fol.  294). 

II.  Prières  et  cérémonies  diverses. 

20°)  Prières  sur  chaque  espèce  de  péchés,  de  maux  et  de 
maladies  (fol.  306). 

21°)  Prières  pour  les  pécheurs  (fol.  313). 

22")  Ordre  des  prières  de  l'alliance  [monastique],  pioua>( fol.. 343). 

23°)  Prière  du  vœu  (fol.  348). 

24°)  Ordre  des  prières  de  l'alliance,  dites  par  le"*Maître  sur 
ses  disciples  religieuses  (fol.  351). 

25°)  Bénédiction  des  croix  (fol.  371). 

26°)  Ordre  du  renouvellement  du  vœu  (fol.  371). 

27°)  Prière  de  la  bénédiction  de  la  coiffure  (des  religieuses), 
ito^o^  (fol.  391). 

28°)  Prière  du  renouvellement  du  vœu  dite  par  le  Maître  sur 
ses  disciples  religieuses  (carchuni)  (fol.  393). 

29°)  Prière  du  renouvellement  du  vœu  (carchuni)  (fol.  396). 

Nous  voulons  signaler  aussi,  parmi  les  recueils  liturgiques 
de  la  bibliothèque  de  Charfé  : 

g)  Un  ordinal  syrien,  in-folio,  sans  date;  ayant  appartenu, 
comme  en  fait  foi  une  indication  de  la  dernière  page  du  livre, 
à  Giuseppe  Kodsi,  arcivescovo  soriano. 

h-j)  Trois  recueils  d'anaphores  :  le  premier,  daté  de  Tannée 
1800  des  Grecs  (1489),  in-4°  en  gros  caractères  jacobites,  écrit 
en  rouge  et  noir,  en  bon  état  de  conservation.  Le  second,  daté 
de  l'an  1801  des  Grecs  (1493),  petit  format  carré,  titres  en 
rouge,  provient  du  monastère  de  8aint-Serge,  dans  le  pays 

ORIENT   CHRÉTIEN.  13 


174  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

de  Hardin  (Liban)  -vîv-?  i^'i^  -ç"^  "=^^  -^ci^^v^  -p*.  i^..  ^.  L'autre . 
incomplet  du  commencement  et  de  la  tin,  de  même  écriture 
que  le  premier,  est  complété  par  quelques  pages  d'écriture 
plus  moderne. 

k)  Un  bréviaire  syrien,  incomplet,  sans  date,  in-4''  à  deux 
colonnes,  rouge  et  noir,  d'une  très  belle  écriture  ancienne. 

/)  Un  livre  d'offices  du  rite  syrien,  in-4°,  rouge  et  noir,  de 
l'an  2076  des  Grecs  (1765). 

m)  Un  recueil  de  prières  en  arabe  et  carchuni,  in-4°,  1826 
(1515). 

M-r)  Cinq  fascicules  contenant  le  rite  de  la  consécration  des 
autels,  l'ordre  de  la  célébration  du  baptême  et  diverses  fonctions 
épiscopales.  Bons  spécimens  d'écriture  syriaque  moderne. 


OPUSCULES  MARONITKS 


OEuvres  inédites  de  Jean  Maron.  —  Chronique  syriaciue  Maronite.  — 
Ecrits  de  controverse.  —  Histoire  de  Danid  de  Mardin.  —  Histoire  d"un 
bienheureux  qui  demeura  au  monastère  de  Saint-Maron.  —  Détails  sur 
Beyrouth  au  v®  siècle. 


INTRODUCTION 

Ces  opuscules  ont  trait  aux  Maronites  ou  à  leur  pays.  Nous 
espérons  donc  qu'ils  seront  bien  accueillis  par  les  lecteurs  de 
l'Orient  chrétien.  Car  les  Maronites  sont  les  seuls  parmi  les 
catholiques  orientaux  qui  puissent  défendre  leur  perpétuelle 
orthodoxie  (1).  Ils  ont  déjà  été,  et  seront  peut-être  encore,  les 
instruments  choisis  par  la  Providence  pour  ramener  à  l'unité 
Romaine  certaines  communautés  orientales  (2).  J'ajouterai 
qu'au  temps  des  Croisades,  les  Occidentaux,  en  butte  aux  perfi- 
dies de  tant  de  chrétiens  orientaux,  trouvèrent  chez  eux  des 
alliés  sûrs  et  courageux.  Guillaume  de  Tyr,  qui  les  trouva  aux 
environs  de  Tripoli  de  Syrie  et  de  Byblos,  nous  dit  en  eflet  : 
«  Erant  viri  fortes,  et  in  armis  strenui,  nostris,  in  majoribus 
negotiis,  qua?  cum  hostibus  habebant,  valde  utiles.  »  Cétaient 
des  hommes  courageux,  de  braves  guerriers,  (jui  furent  très 
utiles  aux  nôtres  dans  les  nombreuses  a/fa i tes  qu'ils  eurent 
avec  leurs  ennemis  (3).  Enfin  les  Maronites  surent  défendre 
leur  indépendance  contre  les  empereurs  schismatiques  de 
Constantinople  d'abord  et  ensuite  contre  les  Arabes,  de  sorte 
que  seuls  dans  tout  l'empire  ottoman  ils  sont  propriétaires  des 

(1)  Cr.  Perpétuelle  orthodoxie  des  Maruuites,  par  S.  G.  -Ms"'  J.  Dobs.  arciifvoqiio 
maronite  de  Beyrouth,  1  vol.  grand  in-8"  de  268  pages. 

(2)  Perp.  orth.,  pp.  55-58. 

(3)  Histoire  des  Croisades,  1.  XXII,  ch.  viii.  Voh- aussi  Pc?-/;,  orth.,  p.  114  où  l'on 
irouvora  un  passage  analogue  tir(''  du  1.  VIL  ch.  x.xi  do  VHistoire  des  Croisades.' 


176  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

terrains  qu'ils  cultivent,  aussi  nous  pouvons  dire,  en  nous  ser- 
vant d'une  expression  empruntée  à  notre  histoire,  que  les 
chrétiens  orientaux  sont  encore  taillables  et  corvéables  à  merci, 
tandis  que  les  Maronites  eurent  toujours  et  ont  encore  le  droit 
de  bourgeoisie. 

Il  serait  donc  intéressant  de  publier,  avec  documents  à  l'ap- 
pui (1),  une  histoire  de  l'organisation  et  des  luttes  de  ce  petit 
peuple,  grâce  auxquelles  il  a  pu  jusqu'à  ce  siècle  (2)  se  passer 
de  tout  secours  officiel  pour  sa  religion  et  conserver  une  suffi- 
sante liberté.  Cette  étude  serait  particulièrement  intéressante 
pour  nous,  qui,  depuis  Constantin,  sommes  accoutumés  à  vivre 
de  l'appui  et  des  subventions  des  pouvoirs  publics,  appui  qui 
menace  de  se  changer  bientôt  en  hostilité. 

En  attendant  cette  étude  savante  et  impartiale,  à  laquelle  la 
présente  publication  fournira  des  éléments  inédits,  nous  allons 
résumer  l'histoire  des  Maronites  surtout  d'après  l'ouvrage  de 
jM^'^  Debs  déjà  cité  : 

Un  moine  nommé  saint  Maron  réunit  des  disciples  sur  les 
bords  de  VOronte,  entre  Émèse  et  Apamée  {Théodoret,  Phi- 
lothée,  ch.  16).  Ce  moine  vivait  du  iv°  au  v"  siècle,  car  saint 
Jean  Chrysostome  lui  écrivit  une  lettre,  et  Théodoret,  qui  fut 
élevé  à  l'évêché  de  Cyr  en  422  et  qui  écrivit  son  histoire,  dit  que, 
de  son  temps,  il  n'était  plus  du  nombre  des  vivants.  Après  sa 
mort,  les  fidèles  fondèrent  un  monastère  auquel  ils  donnèrent 
son  nom.  —  Les  moines  de  ce  monastère  de  Saint-Maron  restè- 
rent toujours  attachés  à  la  doctrine  catholique  et  leurs  adhérents 
furent,  de  leur  nom,  appelés  Maronites. 

Il  est  question  assez  souvent,  dans  l'histoire,  de  ces  moines 
et  de  leurs  adhérents;  ils  sont  désignés  en  syriaque  par  la  lo- 
cution :  «  ceux  de  saint  Maron  »,  ^opo  ^po.  ^o,  (3). 

[Pagius,  dans  son  histoire  (an 400,  n°  19),  raconte  qu'ils  étaient 


(1)  Cf.  Fauste  Nairoii  :  Dissertalio  de  origine,  nomine  ac  religione  Maronilarum, 
Rome,  1759,  et  Etienne  Douaïhî  d'Ehden,  Sur  l'origine  des  Maronites. 

(2)  Il  esta  noter  que  des  missionnaires  latins,  dans  leur  zèle  intempestif,  voulaient 
identifier  l'organisation  des  clirétientés  d'Orient  avec  la  nôtre,  au  moment  même 
où  celle-ci,  faute  de  l'appui  du  pouvoir  civil  qui  est  sa  base,  a  perdu  beaucoup  de 
sa  valeur.  S.  S.  Léon  XIII  a  du  reste  rappelé  à  ces  missionnaires  qu'il  entendait 
respecter  l'organisation,  les  rites  et  les  usages  des  Orientaux. 

(3)  Le  passage  suivant  entre  crochets  est  tiré  de  Perpétuelle  orthodoxie,  pp.  G!) 
70.  Voir  aussi  pp.  184-188. 


OPUSCULES  MARONITES.  177 

les  plus  vaillants  champions  de  la  religion  en  Orient.  Ils  .-itla- 
quaient  les  hérétiques,  arrêtaient  la  propagation  des  hérésies, 
prêchaient  robservation  de  la  doctrine  définie  dans  le  concile 
de  CJialcédoine,  comme  on  peut  le  lire  dans  un  mémoire  de 
ces  moines  {Traité  cVApamée)  adressé  aux  évoques  de  la  Syrie 
seconde,  mémoire  écrit  par  le  prêtre  Alexandre,  archiman- 
drite de  Saint-Maron,  et  inséré  dans  le  premier  canon  du  cin- 
quième concile  général.  On  peut  voir  aussi  la  signature  de 
ce  même  Alexandre  dans  le  mémoire  dos  archimandrites  de 
Saint-Maron  de  la  Syrie  seconde,  adressé  au  pape  llormisdas. 
C'est  pourquoi  les  hérétiques  Acéphales,  Sévériens,  Eutychiens, 
et  les  sectateurs  de  Pierre  le  Foulon,  remplis  de  fureur  contre 
ces  religieux,  exercèrent  sur  eux  leur  vengeance  au  point  que 
l'empereur  Anastase  fit  endurer  le  martyre  à  trois  cent  cin- 
quante des  moines  de  ce  monastère  de  Saint-Maron,  et  l'Église 
romaine  honore  leur  mémoire  le  31  juillet.  L'empereur  lit 
brûler  leur  monastère,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  le  mémoire  des 
archimandrites  au  pape  Hormisdas,  inséré  dans  les  actes  du 
cinquième  concile  général;  on  y  lit  en  effet  :  «  Lorsque  nous 
nous  rendions  au  conseil  de  Mar  Simèon,  pour  les  affaires  de 
notre  Église,  des  scélérats  nous  attaquèrent  en  chemin,  tuèrent 
trois  cent  cinquante  des  nôtres,  en  blessèrent  un  plus  grand 
nombre  d'autres,  massacrèrent  aux  pieds  des  autels  ceux 
qui  avaient  pu  s'y  réfugier,  et  brûlèrent  nos  monastères.  >•> 

Justinien  le  Grand  restaura  le  principal  monastère  de  Saint- 
Maron,  ainsi  que  l'atteste  Procope  de  Césarée  dans  son  ouvrage  : 
Des  édifices  bâtis  par  l'Empereur  Justinien  (liv.  \',  ch.  ix). 
Les  moines  maronites  se  multiplièrent,  et  leur  monastère  rede- 
vint l'un  des  principaux  de  la  Syrie  seconde.] 

Lorsque  les  empereurs  de  Constantinople  persécutèrent  les 
Jacobites  pour  rétablir  l'unité  de  culte,  ils  trouvèrent  chez  les 
moines  de  Saint-Maron  des  auxiliaires  d'un  zèle  parfois  cruel, 
qui  semblent  avoir  été  les  dignes  prédécesseurs  de  nos  inquisi- 
teurs religieux. 

Voici  tout  le  passage  de  Bar  Hébreus,  historien  jacobite, 
auquel  je  fais  allusion  [Chronique  ecclés.,  I,  col.  270-274). 

«  Lorsque  Chosroès,  roi  de  Perse,  eut  été  assassiné  par  son 
fils  (628),  Héraclius,  empereur  de  Constantinople,  reconquit 
la  Syrie  et  vint  à  Edesse.  Le  peuple,  les  prêtres  et  les  moines 


178  REVUE    DE    l'orient  CHRETIEN. 

allèrent  au-devant  de  lui,  et  quand  il  vit  une  si  grande  multi- 
tude de  moines,  il  dit  aux  fidèles  de  sa  religion  :  «  Il  ne  faut 
«  pas  laisser  loin  de  nous  un  peuple  si  nombreux  et  si  vertueux.  » 
Aussi,  un  jour  de  fête,  il  se  rendit  à  TÉglise  des  monophysites 
et  fit  de  grandes  largesses  à  tout  le  peuple  pour  l'amener  à 
adhérer  au  concile  de  Chalcédoine.  A  la  fin  du  divin  sacrifice, 
l'empereur  s'avança  pour  participer  aux  saints  mystères  selon 
l'usage  des  empereurs  chrétiens.  Mais  Isaïe,  métropolitain 
cVEdesse,  entlammé  de  zèle,  refusa  les  mystères  à  l'empereur 
et  lui  dit  :  «  Je  ne  te  les  donnerai  que  si  tu  anathématises  par 
«  écrit  le  concile  de  Chalcédoine.  »  Aussi  l'empereur  irrité 
chassa  l'évêque  Isaïe  de  la  grande  Église  et  la  donna  aux  par- 
tisans du  concile. 

«  Arrivé  à  Maboug,  l'empereur  reçut  la  visite  du  patriarche 
Athanase  et  de  douze  évêques,  il  leur  demanda  la  formule  de 
leur  profession  de  foi  (^oo,n-;ol;  ^r.N-..v).  Quand  il  l'eut  parcourue,  il 
les  loua,  mais  ne  cessa  de  leur  demander  de  recevoir  le  concile 
de  Chalcédoine.  Et  comme  ils  ne  le  voulurent  pas,  l'empereur, 
irrité,  écrivit  par  tout  l'empire  :  «  Si  quelqu'un  n'acquiesce  pas, 
«  qu'on  lui  coupe  le  nez  et  les  oreilles  et  qu'on  pille  sa  maison.  » 
Alors  beaucoup  nous  quittèrent.  Et  les  Moines  de  Maron,  de 
Maboug  et  d'Émèse  montrèrent  leur  cruauté  et  détruisirent 
beaucoup  d'églises  et  de  monastères,  et  lorsque  les  nôtres  se 
plaignirent  à  Héraclius,  il  ne  leur  répondit  pas.  Aussi  le  Dieu 
des  vengeances  envoya  les  Arabes  pour  nous  délivrer  des  Ro- 
mains. Nos  églises  ne  nous  furent  pas  rendues,  car  chacun 
conserva  ce  qu'il  possédait,  mais  nous  fûmes  du  moins  arrachés 
à  la  cruauté  des  Grecs  et  à  leur  haine  envers  nous.  » 

Tel  est  le  récit  de  Bar  Hébreus.  Mais  il  ne  faut  pas  croire 
que  les  querelles  entre  les  Jacobites  et  les  Maronites  cessèrent 
à  l'arrivée  des  Arabes.  Car  on  trouvera  dans  la  chronique  tra- 
duite ci-dessous  que  les  deux  partis  eurent  une  controverse 
l'an  659  devant  Moaviah;  le  patriarche  jacobite  Théodore  et 
l'évêque  Sévère  Sabokt  furent  battus  par  ceux  de  Saint-Maron 
et  condamnés  par  Moaviah  à  payer  une  amende  de  vingt  mille 
dinars,  qu'ils  payèrent  tous  les  ans  depuis  lors  pour  que  le 
calife  les  protégeât  contre  les  fils  de  l'Église. 

A  cette  époque,  du  reste,  les  Maronites  étaient  brouillés  avec 
les  empereurs  de  Constantinople.  Car  ceux-ci,  qui  cherchaient 


OPUSCULES    MAROXITHS.  1  7Î) 

un  terrain  de  conciliation  entre  monophysites  et  dyopliysites, 
trouvèrent  un  moyen  terme  qui  créa  une  h<'résie  de  plus  :  celh^ 
du  monothélisme.  On  devait  admettre  deux  natures  en  Notre- 
Seigneur  Jésus-Clirist,  mais  une  seule  volonté.  Les  moines  de 
Saint-Maron  et  leurs  adhérents  se  séparèrent  des  nouveaux 
hérétiques  et  restèrent  fidèles  à  la  vérité  catholique. 

[Ils  résistèrent  les  armes  à  la  main  à  l'empereur  Justinien 
Rhinotmète,  qui  envoya  des  troupes  contre  eux  en  604.  Ses  sol- 
dats firent  l'assaut  du  monastère  qu'ils  renversèrent  de  fond  en 
comble,  massacrèrent  cinq  cents  de  ses  moines,  dispersèrent  et 
tuèrent  les  habitants  de  Kennesrin  et  de  Haouas,  puis  se  diri- 
gèrent vers  Tripoli,  dans  le  but  de  s'emparer  de  Jean  Maron, 
premier  patriarche  des  Maronites  et  des  Libanais.  Mais  ceux- 
ci  les  mirent  en  déroute  et  tuèrent  deux  de  leurs  chefs  dans  un 
combatprèsd'Amioun,  ainsi  que  le  relatent  le  patriarche  Etienne 
Douaïhi  d'Ehden,  dans  son  livre  sur  l'origine  des  Maronites, 
le  patriarche  Joseph  d'Akoiira,  et  l'auteur  de  l'apologie  des  Ma- 
ronites. Après  cette  destruction,  le  monastère  de  Saint-Maron 
ne  fut  pas  rebâti,  et  aucun  auteur  n'en  fait  plus  mention  (1).] 

M^'  Debs  identifie  aussi  les  Maronites  avec  les  Mardaïtes  (i], 
dont  il  est  fait  mention  chez  beaucoup  d'auteurs  et  qui  furent 
très  puissants  en  Syrie  au  vu"  siècle.  Puis  les  Grecs  et  les  Ara- 
bes les  obligèrent  à  se  réfugier  dans  le  Liban,  qui  leur  offrait 
comme  une  citadelle  naturelle  pour  résister  à  leurs  ennemis. 
Les  croisés  les  y  trouvèrent  et,  à  partir  de  cette  époque,  les  rap- 
ports des  Maronites  avec  les  Occidentaux  et  la  cour  de  Rome  de- 
viennent assez  fréquents  et  assez  connus  pour  ne  pouvoir  plus 
trouver  place  dans  un  simple  résumé.  Je  rappelle  seulement 
l'expédition  faite  au  Liban  par  la  France  en  18GU  pour  mettre  fin 
aux  massacres  des  Druses  (3).  Quand  l'ordre  fut  rétabli,  les  sol- 
dats français  se  rembarquèrent,  donnant  ainsi  un  bel  exemple  à 
nos  modernes  libérateurs  de  peuples,  qui  ne  vont  délivrer  des 
opprimés  que  pour  les  soumettre  à  leur  propre  joug,  prêts  du 
reste  à  massacrer  ceux  qu'ils  allaient,  disaient-ils,  délivrer,  sils 

(1)  Perp.  ortli.,  pp.  70-71.—  (2)  Pcrp.orlh.,  pp.  8  et  ^lô-SlS. 

(3)  Rappelons  la  cause  des  massacres  :  L'émir  maronite  Bôchir.  prince  do  la 
montagne,  aida  les  Anglais  à  chasser  de  Syrie  Méhémot  Ali,  protégé  de  la  France. 
En  récompense,  les  Anglais  emprisonnèrent  l'émir  à  JLalte,  rel'usorent  de  lui 
donner  un  successeur,  et  partagèrent  la  montagne  entre  les  Maronites  et  les 
Druses,  d'où  les  conflits. 


180  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

ne  veulent  devenir  leurs  esclaves.  —  Du  moins,  les  sentiments 
des  Maronites  envers  la  France,  dont  l'appui  fut  toujours  désin- 
téressé, ne  doivent  pas  ressembler  à  ceux  des  habitants  de  Cuba, 
de  Porto-Rico  et  des  Philippines  envers  les  États-Unis,  occupés 
actuellement  à  les  «  délivrer  » . 

Voici  maintenant  quelques  détails  sur  chacun  des  opuscules 
qui  vont  être  publiés  ci-dessous  : 

I 

LES    OEUVRES  DE    JEAN    MARON,  PATRIARCHE  d'ANTIOCHE,   d'APRÈS  LE 
MANUSCRIT    DE    PARIS    (SYRIAQUE    203)    ÉCRIT   EN    1470. 

Les  œuvres  de  Jean  Maron,  signalées  déjà  par  Assémani  (1),  ont 
fait  l'objet  de  plusieurs  controverses  avant  d'être  publiées  (2). 
La  logique  aurait  demandé,  semble-t-il,  de  les  publier  d'abord, 
d'autant  que  cette  publication,  que  nous  entreprenons  aujour- 
d'hui, fera  disparaître  bien  des  difficultés  (3). 

Ces  œuvres  comprennent  :  l"  un  exposé  de  la  foi  qu'Assémani 
appelait  Libellus  fidei  ;  2°  deux  courts  traités,  l'un  contre  les 
Jacobites,  et  l'autre  contre  les  Nestoriens. 

L'exposé  de  la  foi  renferme  d'abord  l'exposé  lui-même, 
œuvre  personnelle  de  Jean  Maron,  puis  de  nombreuses  citations 
des  Saints  Pères,  des  docteurs  et  des  quatre  premiers  conciles 
généraux,  pour  montrer  que  la  doctrine  catholique  est  bien  con- 
forme aux  traditions  de  l'Église. 

Le  manuscrit  de  Paris  est  écrit  sur  deux  colonnes  :  l'une  ren- 
ferme le  syriaque  et  l'autre  une  traduction  ou  quelquefois  une 
paraphrase  carchouni  (arabe  écrit  en  caractères  syriaques)  (4). 
La  première  page  manque  et  a  été  remplacée  par  la  traduction 
carchouni  seule  dont  je  donnerai  le  titre.  Ce  titre,  comme  celui  de 

(1)  Bibliothèque  orientale,  I,  p.  513...  JI"'  Dobs  établit  aussi  la  sainteté  do  Jean 
îlaron.  Perp.  orth.,  pp.  242-249. 

(2)  Cf.  Perp.  orth.,  pp.  249-265. 

(3)  Nous  joindrons  au  tirage  à  part  des  présents  articles,  tous  les  textes  syriaques 
lithographies  (chez  Leroux,  éditeur,  rue  Bonaparte),  afin  de  permettre  de  contrôler 
notre  assertion  et  de  montrer,  comme  le  dit  Jean  Jlaron  de  lui-même,  que  nous 
n'avons  «  ni  diminué,  ni  changé,  ni  augmenté  ». 

Les  chiffres  gras  compris  dans  la  traduction  renvoient  aux  pages  du  texte. 

(4)  Cette  paraphrase  est  duo,  d'après  Assémani,  à  Thomas,  évoque  de  Kafr-Tab, 
qui  vint  au  Liban  pour  attii'er  les  Maronites  au  monothélisme,  et  composa  ou  in 
terpola  des  ouvrages  dans  ce  but.  Cf.  Perp.  vrt/i.,  pp.  99  et  260. 


OPUSCULES    MAUoMTKS.  ISI 

trois  manuscrits  de  ce  même  ouvrage  conservés  l'un  à  Houie  (1) 
et  les  deux  autres  près  de  Beyrouth  (2),  attribue  l'exposf^  de 
la  foi  à  Jean  Maron,  patriarche  d'Antioche.  Quelques  manu- 
scrits ajoutent  que  l'ouvrage  fut  composé  au  monastère  même 
de  Saint-Maron.  Nous  sommes  donc  obligé  de  transcrire  tel  quel 
ce  titre  que  nous  trouvons  partout  et  de  traduire  :  U']uvres  de 
Jean  Maron...  et  non  :  OEuvres  attribuées  à  Jean  Maron..., 
comme  on  l'a  fait  à  tort,  sans  aucune  raison  à  l'appui,  dans  le 
catalogue  des  manuscrits  syriaques  de  Paris.  * 

En  revanche,  l'ouvrage  ne  porte  aucune  indication  formelle 
sur  l'époque  à  laquelle  vivait  son  auteur,  Jean  Maron,  patriar- 
che d'Antioche.  M^'"  Debs  le  fait  vivre  du  vn^  au  vni"  siècle  (3) 
et  a  sans  doute  pour  cela  de  bonnes  raisons;  mais  si  l'on  n'avait 
que  les  œuvres  de  Jean  Maron  pour  fixer  son  époque,  on  la  pla- 
cerait certainement  au  \f  ou  au  commencement  du  vii'^  siècle. 
Car  le  dernier  concile  cité  est  celui  de  Chalcédoine  tenu  en  4.^1, 
et  le  dernier  témoignage  cité  est  celui  de  Sévère,  patriarche 
d'Antioche,  mort  en  543.  Déplus,  tout  l'ouvrage  est  dirigé  contre 
les  Jacobites  et  suppose  donc  les  moines  de  Saint-Maron  en  con- 
troverse avec  eux,  et  il  n'y  est  pas  question,  même  incidem- 
ment, du  monothélisme  qui  fut  promulgué  en  633  par  Cyrus, 
patriarche  d'Alexandrie. 

Toutefois  ces  raisons,  qui  sont  purement  négatives,  ne  peu- 
vent prévaloir  contre  une  seule  raison  positive  trouvée  par  ail- 
leurs. Jean  Maron,  à  quelque  époque  qu'il  ait  vécu,  pouvait  se 
borner  à  combattre  les  Jacobites  et  s'arrêter  au  concile  de  Chal- 
cédoine qui  les  mit  hors  l'Église.  Nous  supposerons  cependant, 


(1)  Écrit  en  1392  à  Eckel,  prés  de  Bylilos.  Cl'.  B.  ()..  I,  p.  513,  ou  Perp.  ,.>rth.. 
pp.  255-256. 

(2)  Cf.  Perp.  orlh.,  pp.  256-257.  Ms'  Debs  cite  le  titre  de  ces  deux  ouvrag(^s  pour 
montrer  qu'Assémani  a  bien  traduit  le  titre  prétendu  ambigu  du  manuscrit  di' 
Rome.  Mais  ce  titre  est  explique';  plus  loin  sur  le  manuscrit  de  Rome  lui-même;  ou 
lit  en  effet  :  «  Alors  ce  Jean,  surnommé  Maron.  commença...  •• 

(3)  Perjiét.  orlh.,  pp.  53,  70,  228-242.  Citons  une  parole  de  Benoit  XIV  :  -  Eru- 
ditioni  pariter  vestra?  notum  esse  censomus,  quod  sœculi  septimi  propé  linem, 
cum  ha^resis  monothelitarum  in  patriarchatum  Antiochenum  grassaretur,  Ma- 
ronitaî  quo  se  ab  eà  contagione  integros  servarent,  statuerunt  sibi  patriar- 
cham  eligere,  qui  a  Romano  Pontilîce  confirniaretur,  ab  coque  pallii  dignitatem 
acciperet.  »  Allocution  du  13  juillet  1744.  Perp.  orlh.,  p.  206.  Si  les  Maronites  ne  se 
choisirent  un  patriarche  qu'à  la  fin  du  \n"  siècle,  leur  patriarche  Jean  Maron  ne 
peut  avoir  vécu  plus  tôt. 


182  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

en  attendant  mieux,  qu'il  naquit  dans  les  premières  années  du 
Yii'^  siècle  et  qu'il  écrivit  sa  profession  de  foi,  étant  simple 
moine,  vers  630,  au  moment  où  Héraclius  demandait  un  écrit 
analogue  aux  Jacobites  et  où  la  lutte  était  si  acharnée  entre 
ceux-ci  et  les  Maronites  (voir  le  texte  de  Bar  Hébreus  ci-dessus). 
J'ai  dit  que  le  texte  syriaque  de  la  première  page  manque 
dans  le  manuscrit  de  Paris;  W  Basbous,  représentant  de  la  na- 
tion Maronite  à  Paris,  m'a  procuré  une  copie  des  premières 
pages  du  manuscrit  de  Rome  (1).  Je  laisse  de  côté  le  titre  et  deux 
phrases  préliminaires  dues  au  scribe  et  donne  les  quelques 
lignes  qui  commencent  r exposé  de  la  foi  : 

«  Nous,  fils  de  la  sainte  Église  catholique,  nous  croyons  et 
nous  confessons  les  enseignements  des  prophètes,  des  apôtres  et 
du  troisième  ordre  :  celui  des  saints  docteurs  qui  ont  toujours 
brillé  dans  la  vraie  foi  de  l'orthodoxie  et  qui,  dans  les  quatre 
saints  conciles,  ont  combattu  le  bon  combat...  (2).  » 

Il  y  a  identité  entre  le  manuscrit  de  Paris  et  celui  de  Rome, 
hors  quelques  particularités  orthographiques  et  une  interpola- 
tion, ou  omission,  de  trois  mots  (3).  Voici  maintenant  quelques 
remarques  sur  le  contenu  : 

Les  citations  des  Pères  grecs,  dont  j'ai  pu  contrôler  une  par- 
tie, sont  exactes  et  confirment  la  tradition  d'après  laquelle 
Jean  Maron  aurait  fait  ses  études  à  Constantinople  et  aurait,  par 
suite,  bien  possédé  le  grec.  Par  contre,  il  existe  des  différences 
notables  entre  une  citation  de  S.  Ephrem  et  le  même  texte  édité 
par  M^'  Lamy.  Enfin  les  citations  de  l'Écriture  ne  sont  pas 
faites  d'après  la  Peschito. 

(1)  Jusqu'aux  témoignages  dos  Saints  Pères. 

(2)  Cfr.  B.  0.,  I.,  p.  514.  La  suite  est  dans  le  ms.  de  Paris. 

(3)  Le  catalogue  des  manuscrits  syriaques  de  Paris  avance  donc  à  tort  que  le 
manusci'it  de  Paris  diffère  de  celui  de  Rome.  .le  n'ai  pu  collationnor  que  jus- 
qu'aux témoignages  des  Saints  Pères,  mais  il  n'y  a  pas  do  motifs  pour  que  ces 
témoignages,  qui  sont  de  pures  citations,  soient  altérés.—  Les  trois  mots  qui  man- 
quent dans  le  manuscrit  de  Paris  ont  cependant  une  réelle  importance.  On  les 
trouvera  en  note  à  leur  place.  Il  suffira  de  comparer  notre  publication  à  l'ana- 
lyse que  donne  Asséniani  du  manuscrit  de  Rome,  pour  voir  que  toutes  les  cita- 
lions  sont  communes  aux  deux  manuscrits,  hors  peut-être  deux  textes  de  Sévère 
d'Antioche.  Cf.  B.  0.,  t.  I,  p.  51G. 


OPUSCULES    .MAROMTKS.  183 

On  remarquera  que  Sévère,  patriarche  jacobite  d'AntioclK-, 
est  cité;  mais  il  n'est  pas  nécessaire  de  supposer,  comme  le  fai- 
sait Assémani,  qu'il  y  a  là  une  interpolation,  car  les  textes  cités 
sont  nettement  dyophysites."  Nous  en  dirons  autant  pour 
Jacques  de  Saroug.  Quant  au  titre  de  Saint  donné  à  ces  deux 
Jacobites  (1),  il  ne  tire  pas  à  conséquence,  comme  le  voudraient 
ceux  qui  oublient  les  usages  orientaux.  Dans  ces  heureux 
pays,  en  effet,  on  accable  les  gens  de  titres  auxquels  ils  n'ont 
que  des  droits  très  contestables,  et  un  saint  là-bas  n'est  pas  tou- 
jours un  saint  chez  nous.  Du  reste,  Jean  Maron  lui-même  nous 
montre  plus  loin  le  peu  d'importance  qu'il  attache  à  ce  titre, 
puisque  dans  sa  discussion  avec  un  Nestorien  et  un  Jacobite,  il 
appelle  toujours  ses  adversaires  :  «  frères  saints  ». 

Enfin  tout  l'exposé  de  la  foi  est  dirigé  contre  les  monophy- 
sites.Il  n'y  est  jamais  question  d'une  ou  de  deux  volontés,  encore 
moins  de  controverses  avec  les  monothélites  ;  le  mot  lui-même 
de  volonté  n'entre  qu'une  fois  dans  tout  l'ouvrage  et  ce  n'est  pas 
dans  un  texte  de  Jean  Maron  ;  c'est  dans  une  citation  de  Severia- 
nus,  évêque  de  Gabala  :  «  ...  un  fils,  une  volonté,  un  pouvoir, 
un  gouvernement,  une  adoration...  »  Dans  la  phrase  pré- 
cédente il  est  question  du  Fils,  et  dans  la  phrase  suivante  il  est 
question  de  la  Trinité;  suivant  donc  que  l'on  rapproche  cette 
phrase  de  la  précédente  ou  de  la  suivante,  il  s'ensuit  que  Seve- 
rianus  est  monothélite  ou  orthodoxe.  Or  cet  évêque  était  le  con- 
temporain et  l'ami  de  saint  Jean  Chrysostome  (en  attendant  qu'il 
en  devînt  le  rival),  il  vivait  donc  avant  que  la  question  mono- 
thélite se  posât,  et  il  ne  passa  jamais  pour  hétérodoxe,  puisque 
plusieurs  de  ses  discours  ont  été  et  sont  encore  imprimés  sous 
le  nom  de  Jean  Chrysostome.  Il  faut  donc  rapprocher  cette 
phrase  douteuse  de  la  suivante  et  entendre  quen  la  Trinité  il 
n'y  a  qu'un  Fils,  une  volonté,  un  pouvoir,  etc.  (2).  Si  j'ai  déve- 
loppé ce  point  qui  importe  assez  peu  à  Jean  Maron,  puisqu'il  cite 
Severianus  contre  les  monophysites  et  lui  laisse,  bien  entendu, 

(1)  Asst'mani  (B.  0.,  1. 1)  croyait  Jacques  tU^  Saroug  orthodoxe,  mais  il  recounut 
plus  tard  (B.  0.,  t.  II)  qu'il  ne  l'était  pas. 

(2)  Ajoutons  que  parmi  les  quinze  discours  de  Severianus  traduits  de  l"anno- 
nien  par  Aucher  (Venise,  I8:i7),  les  deux  premiers  ont  pour  titre  :  De  fuie  deque 
generatione  Filii  a  Pâtre  et  De  Incarnafiune,  mais  on  n'y  trouve  pas  le  passage 
cité  par  Jean  Maron,  Ce  passage  est-il  dans  un  discours  perdu  ou  a-t-i!  t'té  inter- 
polé? Il  ne  se  trouve  pas  non  plus  chez  Léonce  de  Jérusalem. 


184  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

la  responsabilité  de  ses  autres  opinions,  c'est  que  je  voudrais 
trouver  là,  au  moins  dans  quelques  cas  particuliers,  l'origine  de 
l'imputation  de  monothélisme  qui  fut  dirigée  contre  les  Maro- 
nites, sans  aucune  preuve  positive  à  l'appui. 

Voici,  en  effet,  ce  qu'écrivait  Eutychès,  patriarche  melkite 
d'Alexandrie  (x^  siècle),  qui  fut  cité  depuis  par  Guillaume  de 
Tyr  (1),  Masoudi  etc.  (2)  :  k  II  y  eut,  du  temps  de  l'empe- 
reur romain  Maurice,  un  moine  nommé  Maron,  qui  affirma 
en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  deux  natures  et  une  seule  vo- 
lonté, une  seule  opération...  Après  sa  mort,  on  édifia  un  mo- 
nastère qu'on  appela  le  monastère  de  Maron  (3).  » 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  monastère  de  Maron  fut  fondé 
au  IV'  siècle;  de  plus,  on  se  demandera  pourquoi  Eutychès 
fait  vivre  Maron  sous  Maurice  (582-602)  et  pourquoi  il  affirme 
que  ce  Maron  reconnaissait  une  seule  volonté  et  une  seule  opé- 
ration. Or,  supposons  qu'Eutychès,  qui  semble  avoir  été  un 
homme  érudit,  ait  eu  entre  les  mains  l'exposé  de  la  foi.  Il 
aura  pu  facilement  ne  pas  reconnaître  le  célèbre  Severianus 
dans  le  syriaque  pL.-,jac,  mal  interpréter  son  texte  et  l'attribuer  à 
Jean  Maron  lui-même,  puis  placer  Jean  Maron  à  la  fin  du 
VI*  siècle  d'après  le  contenu  de  son  livre,  comme  j'ai  dit 
moi-même  plus  haut  qu'on  pouvait  le  faire.  Il  ne  le  nomma 
pas  patriarche  d'Antioche  parce  que  les  melkites  affirment 
«  avoir  conservé  l'antique  et  légitime  patriarcat  d'Antioche  (4)  » 
et  que  ce  Jean  Maron  dut  lui  sembler  un  usurpateur.  Enfin 
il  lui  rattacha  arbitrairement,  à  cause  de  la  similitude  des 
noms,  la  fondation  d'un    monastère   dont   il  avait   entendu 


(1)  Cf.  Perp.orlh.,  p.  113. 

(2)  Cf.  Le  Hure  de  Vavcrtisnemenl  et  de  la  réoisiun,  traduction  de  M.  le  baron 
Carra  de  Vaux,  Paris,  1897,  pp.  211-212,  218. 

(3)  Perp.  orth.,  p.  91. 

(4)  Perp.  orlh.,  p.  228. 

11  y  a  de  grandes  analogies  entre  les  œuvres  de  Jean  Maron  et  un  traité  très 
développé  publié  par  Blaï  :  Scriptorum  veterum  nova  colleclio,  t.  VII,  pp.  110-156. 
Ce  traité  a  pour  titi^e  :  Questions  du  très  savant  moine  Léonce  de  Jérusalem  contre 
ceux  qui  attribuent  à  N.-S.  Jésus-Christ  une  nature  composée,  avec  les  témoi- 
gnages des  Saints  et  V explication  de  leurs  piar oies.  Nous  y  renverrons  souvent.  On 
ne  peut  dire  toutefois  que  Jean  Jlaron  le  résume,  car  il  donne  j:les  citations  qui 
ne  sont  pas  chez  Léonce.  Celui-ci  cite  les  mêmes  auteurs  que  Jean  Rlaron, 
hors  Jacques  de  Saroug,  Denys  l'Aréopagite,  S.  Ephrem  et  Isaac  le  Syrien;  il  cite 
en  plus  Tiniothée  Œlure  et  ne  parle  pas  des  conciles. 


OPUSCULES     MAI'.OMTKS.  185 


parler  par  ailleurs.  —  Celte  explication,  ne  serait-elle  qu'ingé- 
nieuse, aurait  Tavantage  de  trouver  une  petite  cause  à  la  grave 
imputation  de  monothélisme  portée  sans  preuve,  de  divers 
côtés,  contre  les  Maronites. 


II 


FRAGMENTS  D  UNE    CIlRuNKjUE   SYRIAQUE    MARONITE,  d'aI'HÈS  LE 
MANUSCRIT  DE  LONDRES  :   ADD.  MS.    17.210  (l-OL.    l-lô). 

Nous  avions  transcrit  à  Londres  toutes  les  parties  lisibles 
de  cette  chronique  quand  nous  avons  appris,  en  la  tradui- 
sant (1),  que  M.  Nœldeke  en  avait  publié  la  fin.  Il  l'attribue 
lui-même  à  un  Maronite  (2).  Elle  a  donc  sa  place  toute  mar- 
quée parmi  ces  opuscules.  Son  importance  a  très  bien  été  mise 
en  relief  par  M.  Nœldeke,  auquel  nous  emprunterons  quelques 
notes. 


III 


ECRITS    DE    CONTROVERSE. 

On  trouvera  sous  ce  titre  deux  courts  opuscules  intitulés  : 
Controverse  entre  un  Syrien  et  un  Grec,  et  :  Paroles  de  Jean  le 
stylite  du  monastère  de  Saint-Mar  Zeouro  de  Saroug.  Ces 
deux  opuscules  inédits  sont  tirés  du  manuscrit  de  Paris,  sfj- 
riaque  203,  qui,  en  dehors  d'eux  et  des  œuvres  de  Jean  Maron, 
ne  renferme  aucun  autre  écrit  syriaque.  Nous  l'aurons  donc  pu- 
blié ici  tout  entier. 

La  controverse  entre  un  Syrien  et  un  Grée  roule  sur  l'addi- 

(1)  En  choi'chant  le  mot  m^mNfri..  Le  Dictionnaire  de  M.  Payne  Sniitli  me  ren- 
voya au  ti-avail  de  3L  Xœldeke.  —  J'ai  constaté  aussi  que  la  chronique  syriaque 
du  ms.  oriental  1017,  qui  commence  au  fol.  170,  après  la  chronique  dWphraate. 
n'est  qu'une  transcription  de  la  chronique  syriaque  de  BarHébreus.  J'en  avais 
aussi  relevé  inutilement  les  premières  pages. 

(•2)  Z.D.D.M.G.,  1875.  T.  XXIX,  pp.  82-99. 

Dor  Verfasserlebte  wahrscheinlich  in  Palastina,  das  er  vorzugsweise  im  .\uge 
hat.  Dazu  stimmt,  dass  er  ein  Maronit  war 


186  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tion  au  Trisagion  du  :  Crucifhvus  est  pro  nobis.  Les  Syriens 
usèrent,  en  effet,  de  cette  formule  longtemps  avant  les  Grecs,  et 
son  introduction  à  Constantinople  sous  Anastase  n'y  provoqua 
rien  moins  qu'une  sanglante  émeute  (1).  L'auteur  de  cet  écrit 
est  peut-être  un  écrivain  jacobite  David  fils  de  Paul  (2).  Mais 
les  idées  qu'il  renferme  étaient  communes  à  tous  les  Syriens 
et  même  aux  Maronites,  par  opposition  aux  Grecs  de  Constan- 
tinople. La  formule  qui  crucifixus  est  pro  nobis  n'a  du  reste 
en  elle-même  rien  d'hérétique. 


IV 


HISTOIRE    DE    DANIEL    DE   MARDIN. 

Ce  court  récit  des  tourments  qui  furent  infligés  à  un  moine 
est  intéressant,  parce  qu'il  nous  donne  un  exemple  du  dan- 
ger des  controverses  dans  l'empire  ottoman  au  xiv^  siècle. 
Daniel  avait  écrit  en  arabe  un  livre  sur  les  fondements  de 
l'Église,  ce  qui  lui  était  permis,  mais  il  voulut  établir  une 
comparaison  avec  les  fondements  des  autres  religions  et  cette 
prétention  l'amena  devant  le  juge,  comme  on  le  verra. 

Cette  histoire  inédite  est  tirée  du  manuscrit  syriaque  n°  244. 
Elle  en  occupe  la  dernière  page. 


DETAILS    SUR    BEYROUTH    AU    V*"    SIECLE. 

On  a  publié  en  Allemagne,  en  1893,  le  texte  syriaque  (3)  d'une 
vie  de  Sévère,  patriarche  d'Antioche,  par  Zacharie  le  Scolas- 
tique  (4),  auteur  d'une  Histoire.  Je  ne  connais  encore  aucune 
traduction  de  cette  biographie. 

(1)  Cf.  Land,  Anccdota  syriaca,  t.  III,  p.  224,  et  l'histoire  ecclésiastique  de  Jean 
d'Asie,  Revue  de  VOrient  Chrétien,  supplément  trimestriel  1897,  p.  465. 

(2)  Cf.  Assémani,  B.  0.,  t.  I,  p.  515. 

(3)  Qui  est  lui-même  une  traduction  du  grec. 

(4)  Das  Lebendes  Severus  von  AnHochie7i,hevausgegchen  von.  J.  Spanuth.  Gœt- 
tingue,  1893,  in-4"  do  32  pages. 


Ol'CScn.KS    AIAItO.MTHS.  187 

On  en  trouvera  ici  une  traduction  française,  lar  l;i  plus 
grande  partie  a  trait  à  Beyroutii  où  Sévère  et  Zaciiarie  font 
leurs  études  de  droit.  On  aura  ainsi  des  détails  minutieux  sur 
la  vie  des  étudiants,  chrétiens  ou  non,  dans  cette  ville,  et  sur 
les  livres  de  magie  qui  y  étaient,  paraît-il,  très  nombreux.  Inci- 
demment on  trouvera  le  nom  des  Églises  qui  existaient  alors  à 
Beyrouth,  on  apprendra  qu'il  y  avait  dans  cette  ville  un  théâtre 
et  un  amphithéâtre  avec  des  combats  de  gladiateurs  et  de 
bêtes,  etc.,  etc. 


I 


LES    ŒUVRES    INÉDITES     DE    JEAN    MARON ,    PATRIARCHE    DANTIOCIIE. 

(vif  SIÈCLE.) 

Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit  qui  ne  sont  qu'un 
seul  Dieu.  Ainsi  soit-il.  Nous  écrivons  le  livre  de  l'exposition 
de  la  sainte  foi  dû  au  célèbre  parmi  les  saints,  à  Mar  Jean  Ma- 
ron,  patriarche  d'Antioche. 

Ils  combattirent  le  bon  combat  dans  les  saints  Conciles, 
contre  ceux  dont  nous  venons  de  parler  (1).  Ces  conciles  sont  : 
le  concile  de  Nicée  et  ses  trois  cent  dix-huit  (Pères)  contre  l'im- 
pie Arius  ;  et  celui  de  Constantinople  avec  ses  cent  cinquante 
(Pères)  contre  l'impie  Macédonius  qui  blasphéma  contre  le  Saint- 
Esprit  et  dit  qu'il  était  une  créature;  et  celui  d'Éphèse  avec  les 
deux  cents  (Pères)  qui  se  rassemblèrent  dans  sa  première  ses- 
sion contre  le  rebelle  Nestorius,  et  le  (Concile)  célèbre  des  six 
cent  trente-six  (Pères)  qui  fut  réuni  à  Chalcédoine  au  sujet 
d'Eutychès. 

Pour  nous,  nous  confessons  la  vraie  foi  qui  fut  confirmée 
par  les  Saints  Pères  dans  les  conciles  que  nous  venons  de  rap- 
peler, et  d'après  leur  enseignement  nous  disons  :  Au  nom  du 
Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  Trinité  sublime  d'égale  es- 
sence, une  Divinité,  une  nature,  mais  trois  personnes  réunies 
qui  ne  sont  ni  séparées  ni  divisées  de  l'essence  unique.  Nous 
confessons  encore  que  l'un  de  cette  sublime  Trinité  d'égale 
essence,  et  adorable  en  tout,  qui  est  Dieu  le  Verbe,  par  la  volonté 
du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  dans  les  derniers  temps, 
pour  le  salut  du  genre  humain,  sans  changement  et  sans  mo- 
dification, s'incarna  du  Saint  (Esprit)  et  de  la  Sainte,  adorable 
et  pure  mère  de  Dieu  Marie  toujours  vierge.  Il  prit  une  chair 

(1)  Il  est  question,  plus  haut,  de  Nestorius  et  d'Eutj'chès. 


ŒUVRKS    DK   .IKAN    MARON.  1S9 

de  même  essence  et  de  môme  nature  que  la  nôtre,  à  l'exception 
du  péché,  passible  comme  la  nôtre,  animée  par  une  fimc  douée 
d'intelligence  et  de  connaissance  et  formée  de  deux  natures  :  la 
divinité  et  l'humanité,  chacune  d'elles  ayant  toutes  les  pro- 
priétés (1)  qu'emporte  son  nom.  (2)  D'où  l'on  reconnaît  en  vé- 
rité un  fils,  un  seigneur,  un  messie,  une  substance  et  nous  ne 
refusons  pas  de  dire  une  nature  du  Verbe  incarné,  comme  l'ont 
dit  les  Saints  Pères  (2),  de  même  essence  que  le  Père  pour  la 
divinité,  et  de  même  essence  que  nous  pour  l'humanité,  passible 
dans  la  chair  et  non  dans  la  Divinité,  limité  par  le  corps  et 
illimité  par  l'esprit,  le  même  étant  à  la  fois  terrestre  et  céleste, 
visible  et  connaissable. 

Attachés  à  ces  enseignements  que  nous  professons,  nous  ne 
disons  pas  qu'il  y  a  deux  fds,  ou  deux  Messies,  ou  deux  subs- 
tances, ou  deux  personnes,  mais  nous  disons  qu'il  y  a  un  seul 
seigneur  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  fils  de  Dieu,  Dieu  le  Verbe 
qui  s'incarna;  nous  confessons  que  le  Dieu  éternel  s'incarna  lui- 
même  dans  le  temps  pour  sauver  le  genre  humain.  Il  s'incarna, 
non  par  un  changement  de  la  divinité,  mais  par  son  union  avec 
l'humanité,  car  le  Verbe  possède  cette  nature  (divine)  sans 
changement  ni  modification,  aussi  bien  que  le  Père  qui  l'en- 
gendra avant  les  siècles,  et  tout  ce  que  l'on  imagine  de  la  divi- 
nité du  Père,  on  peut  aussi  l'attribuer  à  son  fils  unique,  car  il 

(1)  La  copie  du  ms.  de  Rome  qui  me  fut  envoyée,  au  lieu  de  |6^^:i>*;  v<>c»i..  porte 
LQjj.:i.>sioo  pLX^i  v®»^-  "  ^t  "^^'^^  *^i^^  '^■'^  volontés  et  opérations  qu'emportent 
leurs  noms  [\lo  i-^)  ».  Cette  phrase  est  dirigée  explicitement  contre  les  monothé- 
lites.  Du  reste,  la  leçon  du  manuscrit  de  Paris  oflVe,  au  fond,  le  même  sens. 

(2)  J.  M.  vient  de  dire  que  N.-S.  a  deux  natures  :  la  divinité  et  riuimanité. 
Ici  il  emploie  la  locution  «  une  nature  »  parce  que  des  Saints  Pères  l'ont  em- 
ployée au  sens  large  pour  montrer  l'unité  de  Notre-Seigneur,  La  phrase  suivante 
de  Jean  ftlaron  montre  bien  qu'il  se  borne  à  citer  une  locution  des  Saints  Pères, 
sans  la  prendre  au  sens  propre.  11  expliquera  du  reste  cette  locution  plus  loin, 
page  10,  etc.  (les  renvois  ont  trait  aux  chiffres  gras).  —  Il  ne  faut  pas  ou- 
blier que  la  philosophie  scolastique  n'existait  pas  et  que  les  mots  persvnne  et 
nature  étaient  mal  définis,  peut-être  même  n'étaient-ils  pas  définis.  Car  dans  cet 
ouvrage  polémique,  comme  dans  plusieurs  autres  de  cette  (''poque,  catholiques  ou 
jacobites,  que  j'ai  pu  lire,  onne  trouve  pas  une  seule  définition.  —  On  ne  s'éton- 
nera plus  après  cela  qu'il  y  ait  quelquefois  un  peu  de  vague  dans  les  argumen- 
tations, surtout  si  l'on  songe  que  les  catholiques,  qui  anathématisent  les  Xes- 
toriens,  furent  toujours  appelés  Nestoriens  par  les  monophysites.  et  que  les 
monophysites,  qui  anathématisent  les  Eutychiens,  furent  toujours  appelés  Euty- 
chieus  par  les  catholiques. 

ORIENT  CHRÉTIE>.  1* 


190  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

fut  engendré  de  la  même  essence,  et  Notre-Seigneur  l'enseignait 
à  Philippe  quandil  disait:  «  Celui  qui  me  voit,  voit  mon  père  (1),  » 
et  dans  un  autre  endroit  :  «  Tout  ce  qui  appartient  à  mon  père 
m'appartient  (2),  mon  père  etmoi  ne  faisons  qu'un  (3).  »  Chacun 
pourra  trouver  d'autres  passages  qui  démontrent  l'identité 
d'essence.  La  divinité  ne  commença  pas,  mais  elle  existait,  car 
au  commencement  était  le  Verbe;  l'humanité  n'existait  pas, 
mais  commença,  car  il  nous  la  prit.  C'est  l'enseignement  du 
bienheureux  Paul  :  «  Comme  il  était  semblable  à  Dieu,  il  avait 
le  droit  de  s'estimer  l'égal  de  Dieu,  mais  il  s'amoindrit  et  prit 
l'apparence  d'un  serviteur  de  la  race  d'Abraham  (4).  »  Il  ajoute 
aussitôt  au  sujet  des  enfants  qui  participent  à  la  même  chair  et 
au  même  sang,  que  (le  Verbe)  y  participa  de  même.  Ainsi  il  y  a 
un  fils,  à  la  fois  passible  et  au-dessus  de  la  souffrance,  mortel  et 
au-dessus  de  la  mort,  il  est  passible  et  mortel  en  tant  qu'homme, 
mais  ne  peut  souffrir  ni  mourir  en  tant  que  Dieu  ;  il  ressuscita 
sa  chair  qui  était  morte,  car  il  avait  dit  :  «  Détruisez  ce  temple 
et  en  trois  jours  je  le  rebâtirai  (5).  »  En  tant  qu'homme,  jus- 
qu'à la  résurrection,  il  était  passible  et  mortel;  (3)  mais  après 
la  résurrection  il  ne  pouvait  plus  souffrir  ni  mourir,  il  était  in- 
corruptible et  conservé  par  les  rayons  propres  à  la  divinité.  La 
chair  ne  se  changea  pas  en  la  nature  divine,  mais  il  conserva  les 
propriétés  de  l'humanité,  car  il  ne  possédait  pas  un  corps  sans 
limites,  cette  unité  ne  convient  qu'à  la  nature  divine,  quand  il 
demeurait  dans  son  premier  état;  il  disait  à  ses  disciples  : 
«  Voyez  mes  mains  et  mes  pieds,  c'est  bien  moi,  touchez-moi, 
voyez  et  reconnaissez  qu'un  esprit  n'a  ni  chair  ni  os,  comme 
vous  voyez  que  j'en  ai  (6).  »  Il  ne  dit  pas  :  comme  vous  voyez 
que  je  suis,  mais  comme  vous  voyez  que  f  en  ai,  afin  de  nous 
faire  connaître  ce  qui  avait  été  et  ce  qui  était,  et  de  même  il  pro- 
mit de  revenir  tel  qu'on  le  vit  monter  au  ciel  ;  c'est  ainsi  que  le 
verront  ceux  qui  croient  en  lui  et  ceux  qui  le  crucifièrent  «  re- 
garderont aussi  celui  qu'ils  transpercèrent  (7)  ».  Nous  adorons 

(1)  Jean,  xiv,  9.  Cf.  xii,  45. 

(2)  Jean,  xvi,  15.  Cf.  xvii,  10. 

(3)  Jean,  x,  30. 

(4)  Phil.,  u,  6,  7. 

(5)  Jean,  n,  19. 

(6)  Luc,  XXIV,  39. 

(7)  Jean,  xix,  37. 


(KUVRES    DE    JEAN    MAIION.  101 

donc  un  seul  fils  chez  leiiuei  nous  voyons  deux  natures  com- 
pU'les;  aussi  le  même  est  appelé  fils  de  Dieu  vivant,  et  fils  de 
David,  les  divines  Écritures  l'appellent  Dieu,  et  le  bienheureux 
apôtre  Paul  proclame  qu'il  y  a  un  Dieu  et  un  médiateur  entre 
Dieu  et  les  hommes  qui  est  Jésus,  le  Messie  incarné,  qui  se 
donna  lui-même  pour  la  rédemption  de  tous(l).  Mais  celui  qu'il 
dit  être  incarné,  en  un  autre  endroit  il  l'appelle  Dieu  :  «  Nous 
attendons  l'espérance  des  biens  et  la  révélation  de  la  gloire  de 
Dieu  grand  et  du  Sauveur  Jésus-Christ  (2).  »  Dans  un  autre  en- 
droit, il  dit  que  Dieu  a  subi  la  mort  à  cause  de  son  amour  pour 
les  hommes.  Et  ailleurs  :  «  Pour  gouverner  l'Église  que  Dieu  a 
-  cimentée  de  son  sang  (3).  »  Ailleurs  il  énonce  les  deux  (natures), 
«  le  Messie,  qui  est  le  Dieu  de  l'univers,  leur  est  apparu  dans  la 
chair,  à  lui  gloire  et  bénédiction  dans  les  siècles  des  siècles. 
Ainsi  soit-il  ».  Il  appelle  le  même  «  un  juif  qui  apparut  dans  la 
chair  (4)  et  qui  est  le  Dieu  de  l'univers  ».  Le  prophète  Isaïe  dit 
aussi  :  «  C'est  un  homme  de  douleur  qui  connaît  la  souffrance, 
il  souffrit  ainsi  à  cause  de  nos  péchés  et  s'humilia  à  cause  de 
nos  iniquités  (5).  »  Et  un  peu  plus  loin  il  ajoute  :  «  Qui  fera 
connaître  sa  génération  (Gj?  »  Celle-ci  n'est  pas  humaine.  Dieu 
dit  aussi  par  le  prophète  Michée  :  (4)  «  Et  toi,  Bethléem  de 
Juda,  tu  n'es  pas  la  moindre  du  royaume  de  Juda,  car  de  toi 
sortira  le  chef,  et  sa  sortie  eut  lieu  dès  le  commencement  des 
jours  du  monde  (7).  »  Quand  il  dit  :  De  toi  sortira  un  chef,  il 
parle  du  gouvernement  temporel,  et  quand  il  ajoute  :  sa  sortie 
eut  lieu  dès  le  commencement  des  jours  du  monde,  il  montre 
la  divinité  qui  fut  engendrée  du  Père  avant  la  création  du 
monde,  le  Verbe  de  Dieu  qui  s'incarna. 

Et  au  sujet  de  la  Sainte  Vierge  nous  confessons  qu'elle  est  la 
mère  de  Dieu,  car  elle  engendra  Emmanuel,  c'est-à-dire  Dieu 
avec  nous,  et  le  prophète  qui  le  nomma  par  avance  Emmanuel 
ajoute  un  peu  plus  loin  :  «  Un  enfant  nous  est  né  et  un  fils  nous 
a  été  donné,  le  pouvoir  est  sur  son  épaule,  on  l'appela  Admi- 

(1)  I  Tim.,  H,  5-G. 

(2)  Tite,  II,  13. 

(3)  Actes,  xx,  28. 

(4)  Le  ms.  de  Rome  porte  :  if"-'-'  ►-;<i-  ^r  ov:>a-»- 

(5)  Isaïe,  LUI,  3  et  5. 

(6)  IbkL,  f  8. 

(7)  Michée,  V,  2;  Matth.,  ii,  G. 


192  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN' 

rable,  Royal,  l'Ange  du  grand  conseil,  Dieu  maître  des  siècles,  le 
Prince  de  paix  et  le  Père  du  monde  à  venir  (1).  »  Si  donc  l'enfant 
né  delà  Vierge  a  été  appelé  Dieu  maître  (des  siècles),  celle  qui  l'a 
engendré  peut  avec  justice  être  appelée  mère  de  Dieu,  car  elle  est 
honorée  d'avoir  engendré  un  tel  fils  et  elle  est  à  la  fois  vierge, 
mère  et  servante  :  elleestmère  parce  qu'elle  engendra  l'homme, 
le  Messie  Notre-Seigneur  ;  elle  est  servante  parce  qu'elle  engen- 
dra son  maître  et  son  créateur.  On  rend  ainsi  compte  des  pa- 
roles :  sans  père,  car  il  fut  ainsi  appelé  par  le  divin  apôtre  Paul, 
sans  mère,  sans  famille,  ses  jours  n'ont  pas  de  commence- 
ment et  sa  vie  na  pas  de  fin.  Il  est  sans  père  comme  homme, 
car  il  ne  fut  engendré  en  tant  qu'homme  que  par  sa  mère.  Il 
est  sans  mère  comme  Dieu,  car  il  fut  engendré  de  toute  éter- 
nité par  un  père  éternel  avant  le  monde,  sans  commencement 
et  sans  fin;  il  est  sans  famille  comme  Dieu,  mais  en  eut  dès  qu'il 
devint  homme,  bien  que  sans  changement.  Matthieu  écrivit 
la  généalogie  de  Jésus-Christ,  fils  de  David,  fils  d'Abraham; 
l'évangélisteLucécrivitaussi  sa  famille.  Comme  Dieu,  il  n'eut  pas 
de  commencement,  car  il  naquit  avant  le  monde,  et  il  n'y  aura  pas 
de  fin  pour  sa  vie,  et  le  même  est  au-dessus  de  la  mort  et  de  la 
souffrance  par  sa  nature  divine;  mais  en  tant  qu'homme,  ses 
jours  eurent  un  commencement,  (5)  car  il  naquit  au  temps  de 
César  Auguste,  et  sa  vie  corporelle  eut  une  fin,  car  il  fut  crucifié 
sous  Tibère,  il  mourut,  fut  enseveli  et  ressuscita  le  troisième 
jour.  Après  la  résurrection,  il  possède  la  nature  humaine  im- 
mortelle et  il  viendra  tel  qu'il  est  monté,  selon  la  parole  des 
anges  :  «  Ce  Jésus  qui  vient  de  vous  quitter  pour  monter  au 
ciel  reviendra  tel  que  vous  venez  de  le  voir  monter  au  ciel  (2). 
Cet  enseignement  nous  fut  présenté  par  les  divins  prophètes, 
nous  fut  prêché  parla  cohorte  des  saints  apiHres,  nous  fut  trans- 
mis par  les  saints  orthodoxes  qui  apparurent  aux  diverses  épo- 
ques et  éclairèrent  la  sainte  Église  catholique  et  apostolique.  Et 
pour  montrer  à  chacun  que  nous  ne  parlons  pas  d'après  nous- 
même,  voici  des  témoignages  tirés  des  écrits  et  des  lettres  des 
Saints  Pères  ;  personne  n'aura  de  doute  à  leur  sujet,  car  Dieu 
qui  voit  tout  sait  que  nous  ne  diminuons,  ne  changeons  ni 


(1)  Isaïe,  i.\,  5. 

(2)  Actes,  I,  11. 


•  iKUVRHS    DK    .IKAX    MAIIdN.  K*3 

augmentons;  voici  leurs  noms  avec  leurs  écrits  et  leurs  lettres. 

Voici  d'abord  saint  Si/lvcslre,  dvcque  de  Rome  (1),  <jui 
présida  le  concile  de  Nicêe.  Il  dit  dans  sa  lettre  contre  les 
Juifs  :  Aussi  je  suis  incapable  de  connaître  et  d'enseigner  com- 
ment des  deux  natures  unies  ensemble  Tune  tombe  sous  le 
mépris,  l'autre  y  échappe. 

Saint  Athanase,  évètjue  d'Alexandrie  (2),  écrit  dans  son 
hymne  sur  l'âme  :  Le  verbe  de  Dieu  a  complètement  revêtu 
l'homme  et  Ta  fait  participer  en  tout  à  l'honneur  de  sa  nature,  et 
des  deux  natures  il  forma  une  moyenne. 

De  même,  de  son  discours  contre  Apollinaire  :  Le  mot  Mes- 
sie ne  désigne  pas  une  manière  unique,  mais  dans  ce  nom,  qui 
est  un,  l'événement  montre  un  témoignage  de  deux  natures,  de 
la  divinité  et  de  l'humanité  (3). 

De  saint  Flavien  l'ancien,  évèque  d'Antioche  (4),  dans  le 
commentaire  sur  Jean  l'Évangéliste  :  Il  se  montra  avec  un 
nuage  corporel,  lui  qui  prit  notre  nature  pour  nous  instruire 
de  ses  deux  natures,  de  l'humanité  visible  (6)  et  de  la  divinité 
réalisée  par  un  corps. 

De  saint  Basile,  évèque  de  Césarée  en  Cappadoce  (5),  dans 
le  chapitre  quatre-vingt  de  son  ouvrage  de  réfutation  contre 
Amomius  (6)  :  Si  tu  penses  que  c'est  l'homme  qui  fut  vaincu 
par  la  puissance  de  la  mort,  remarque  encore  que  le  même 
revint  de  la  mort  avec  du  butin.  Il  faut  donc  considérer  avec 
grande  i-éserve  comment  dans  un  seul  apparaît  la  vérité  de  deux 
natures. 

De  saint  Grégoire,  évèque  de  Nysse  (7),  dans  sa  lettre  au 

(1)  Pape  de  314  à  335.  dûo  xaxà  -rauiôv  rivw[iévwv  çOffewv,  f,  (lèv  [i;a  t.zç,\.tÀt.'z:  :% 
iiêpet;  -h  5è  sxépa  xoeîxtwv  uàGou;  Ttavxôç  à.r,to-dy^.  L(>oncc  de  Jériisa'.em,  chez  Maï. 
t.  YII,  p.  134.  —  Mai  ajoute  que  cette  lettre  de  saint  Sylvestre  est  perdue. 

(2)  aiort  en  373. 

(3)  Livre  1, 13;  Migne,  Patrol.  grecque,  t.  XXYI.  col.  1 1 10.  Xpicxô;  [iovoxpô-w;  oO  lé- 
Y£-ai  àlV  £V  aOxw  xû  ôvôfiaxi  évlôvxtéxaxc'pwv  rwv  TipayiAixtov  ôsîxvyxai  (jr.ixr'.T'a,  Ocoxr.xo; 
TE  y.ai  àvÔpwTxôxriXoç. 

(4)  Mort  en  404. '"Iva  àaçioxepa;  aùxoO  oioa/ûpiEv  xàç  çûcet:,  xal  xèv  ôp wsie-^ov  âv9pw:rv.. 
xai  XYjv  oià  xoO  cwjxaxoç  âvspYoOcav  Ôïoxrjxa,  Mai,  \  II,  P-  loD. 

(5)  JMort  en  379. 

(6)  Assémani  (B.  ().,  I,  p.  516)  a  lu  Eunouiius  sur  le  nis.  du  Vatican.  Voir  ci- 
dessous  p.  18  du  texte  syriaque  où  l'on  trouve  -  Eunoniius  »  à  propos  de  la  citation 
actuelle  qui  est  répétée. 

(7)  Jlort  de  390  à  4(|(  ». 


194  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

moine  Philipjje  (1)  :  Le  Messie  a  deux  natures  et  nous  montre 
ainsi  très  clairement  qu'il  a  la  substance  unique  d'une  créature, 
mais  que  la  différence  du  Verbe  et  de  la  chair  animée  est  con- 
servée, sans  confusion  ni  hésitation,  et  que  les  propriétés  du 
Verbe  ne  souffrent  aucune  atteinte. 

De  saint  Grégoire  le  Théologien  (2),  clans  sa  seconde  lettre  à 
Cledonius  :  Celui  qui  introduit  deux  fils,  l'un  de  Dieu  le  Père  et 
l'autre  de  la  mère,  et  qui  les  distingue  l'un  de  l'autre,  va  contre 
l'enseignement  orthodoxe  selon  lequel  il  y  a  deux  natures  :  Dieu 
et  l'homme,  comme  il  y  a  aussi  l'âme  et  le  corps,  mais  il  n'y  a 
ni  deux  fils,  ni  deux  Dieux  (3). 

Du  même,  dans  son  discours  sur  le  fils  contre  les  Ariens  : 
Dieu  est  appelé  père,  non  du  Verbe  (seul),  mais  aussi  de  la 
créature  ;  il  est  donc  certain  que  Dieu  est  le  Père  non  seulement 
de  la  créature,  mais  aussi  du  Verbe,  car  (le  Messie)  est  double,  et 
les  deux  choses  sont  vraies. 

De  saint  Ambroise,  évêque  de  Milan  (4),  dans  son  discours 
contre  les  Apollinaristes  :  Et  quand  nous  blâmons  ceux  qui 
apparurent  en  dernier  lieu  et  dirent  que  la  chair  et  la  divinité 
de  Notre-Seigneur  ne  forment  qu'une  nature,  quel  enfer  a  pu 
vonrir  un  tel  blasphème  (5)  !  Que  ne  dirons-nous  pas  des  Ariens 
qui  augmentèrent  la  mesure  de  leur  impiété  pour  commettre 
d'une  autre  manière  cette  plus  grande  erreur  que  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit  n'ont  pas  une  même  essence?  Les  autres 
s'efforcent  de  dire  que  la  chair  et  la  divinité  de  Notre-Seigneur 
ne  forment  qu'une  essence. 

Du  même,  dans  son  discours  contre  rempereur  Gratien, 
que  saint  Cyrille,  évêque  d'Alexandrie,  cita  au  premier  con- 
cile d'ÉpIièse  contre  l'impie  Nestorius  :  (7)  Cessons  toute  vaine 
dispute  de  mots,  car  il  est  écrit  que  le  royaume  du  ciel  n'est  pas 
dans  la  persuasion  des  paroles.   Le  changement  du  corps  et 


(1)  Assémani  (B.  0.,  I,  p.  516)  indique  Oiympius  comme  le  destinataire  de  cette 
lettre.  Cf.  infrap.l4. 

(2)  Mort  vers  389. 

(3)  Le  sens  de  ce  passage  se  trouve  dans  la  seconde  letti-e  à  Cledonius.  Jligne,  Pa- 
trol.  grecque,  t.  XXXVII,  p.  195. 

(1)  Mort  en  397. 

(5)  Cette  phrase  existe  chez  Léonce  de  Jérusalem  :  'AvEçû-^ia-àv  tivs;  triv  càpya  toO 

\i.saz^j.  Mai.  Vil,  p.  131. 


OHUVRES    DE    JKAN    MAHON.  lO.') 

celui  de  la  divinité  est  destiné  à  montrer  la  puissance  de  Dieu; 
c'est  un  seul  fils  de  Dieu  qui  parla  dans  les  deux  états,  car  il  a 
deux  natures;  mais  bien  que  ce  soit  toujours  le  même  qui  parle, 
on  voit  en  lui  tantôt  la  gloire  de  Dieu  et  tantôt  les  souffrances 
de  l'homme;  en  tant  que  Dieu,  il  parlait  des  choses  divines, 
car  il  était  le  Verbe,  et  en  tant  qu'homme,  il  parlait  des  choses 
humaines,  car  il  parlait  dans  cette  nature. 

De  saint  Ainphiloque,  évêque  cV Iconium  (1),  dans  son  expo- 
sition de  la  foi  pour  Séleucus  (Cf.  p.  14),  fds  de  Trajan  :  Je 
crois  au  Messie,  fils  de  Dieu,  fils  unique  en  deux  natures,  passible 
et  impassible,  mortel  et  immortel,  visible  et  invisible,  palpable 
et  impalpable,  sans  commencement  et  ayant  un  commencement, 
sans  limites  et  limité.  Il  fut  engendré  sans  commencement  et 
de  toute  éternité  par  Dieu  le  Père  dans  la  divinité,  et  le  même 
fut  engendré  à  la  fin  des  temps  dans  la  chair  par  la  Vierge 
Marie  et  le  Saint-Esprit. 

De  saint  Jean  Bouche  d'or,  qui  en  grec  est  appelé  Chrysos- 
tome  (2),  dans  la  lettre  qu'il  envoya  au  moine  Césaire  (3)  : 
Quel  enfer  a  fait  dire  que  le  Messie  n'a  qu'une  nature?  si  Ton 
n'admet  que  la  nature  divine,  ne  répudie-t-on  pas  nécessaire- 
ment tout  ce  qui  est  humain,  c'est-à-dire  notre  rédemption? 
Si  l'on  n'admet  que  la  nature  humaine,  ne  répudie-t-on  pas  la 
nature  divine?  Qu'ils  nous  disent  donc  laquelle  des  deux  na- 
tures a  perdu  ses  propriétés.  Car  si  l'on  proclame  l'unité,  il 
faut  nécessairement  que  le  caractère  de  l'unité  soit  conservé, 
sinon  on  n'aurait  plus  l'unitémais  la  confusion  et  la  destruction. 

Et  un  peu  plus  loin  (4)  :  Fuyons  ceux  qui  divisent,  quand 
bien  même  ils  reconnaîtraient  deux  natures,  car  elles  existent 


(1)  Au  lye  siècle.  —  Quelques  mots  de  ce  passage  sont  conservés  cliez  Léonce 
de  Jérusalem  :  "Eva  ulôv,  ôûo  ç-jctewv  uraÔyiTT);  te  xal  àTraÔoùç.  Maï,  t.  VII.  p.  13û. 

(2)  Mort  en  407. 

(3)  Chez  Migne,  Patrol.  grecque,  t.  LU,  col.  759. 

IIoîo;  o5v  aor,;  £|-/ip£-j?aTO  [xiav  Im.  yçio-tç)  Xéysiv  çûffiv  ;  ^  yàp  Tr;v  Oitav  yO-j-.v  xpa- 
toùvte;  ty]v  àv9pwTC:vYiv  àpvoùvrai,  çYiat  xrjv  rijASTs'pav  (Twir,p:av.  f,  -zry  àvOpa)::{vr,v  xstï- 
■/ovzzz  Tviç  ôsîaç  (pûffswi;  Tr)v  âpvYiciv  irotoùvTaf  sud  XavÉTwcav,  itoîa  à~o),<i)>,£Xî  t6 'io:ov, 
El  yàp  ËTt  sppwTa'.  t]  svMcrtc,  Ttâvxco;  xal  y-tià.  t?,;  évwsîw;  tSiiôfiaxa  àitOdwîSdOat  àviyxr], 
ETTct  où}(  evMCTi;  TOÛTO,  à).)>à  aûyyyaiç  xat  à?avtff[jL6i;  twv  çOo-etov. 

Une  partie  de  ce  texte  est  chez  Léonce  de  Jérusalem.  Mai.  t.  VII.  p.  1:30. 

(4)  IbicL,  col.  760.  4>uyw[1£v  toù;  Siaipoùvxa;.  El  yàp  xai  oiT-r,  r,  çOdi;,  à),X'  ouv  àotat- 
pstoç  xoù  àStà(T7ta(jT0i;  ■^  êvwtyi;,  yjv  èv  âvl  tw  r/j;  u'iôrriTo;  6[jio).OYO'J(Aev  îrpodw-to  xal  tiià 
OiroTTâiTcu  Ce  texte  est  aussi  chez  Léonce  de  Jérusalem.  .Alaï.  t.  VII.  p.  IC'J. 


196  '  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

sans  division  ni  scission,  et  nous  proclamons  l'unité  dans  une 
personne  créatrice  et  dans  une  substance. 

Du  même,  un  peu  plus  loin  (1)  :  Fuyons  ceux  qui  ont  la  folie 
de  proclamer  une  nature  après  l'unité,  car  par  la  pensée  de 
l'unité  ils  sont  portés  à  imposer  des  souffrances  à  Dieu  qui  ne 
souffre  pas. 

Bu  même,  dans  son  discours  sur  le  baptême  de  Notre-Sei- 
gneur  et  sa  tentation  par  Satan  :  Aussi  les  anges  quittent  le 
ciel  et  lui  apportent  des  louanges,  la  terre  l'exalte  (8)  et  le  Saint- 
Esprit  sous  la  forme  d'une  colombe  plane  au-dessus  de  la  tête 
du  Fils  et  sanctifie  la  nature  humaine  qui  est  mise  dans  la  per- 
sonne du  Fils;  et  la  voix  du  Père  se  fait  entendre  et  dit  :  «  Voici 
mon  Fils  chéri  dans  lequel  je  me  suis  complu.  »  Dieu  le  Père  s'est 
complu  en  vérité  dans  la  nature  humaine  qui  est  mise  dans  la 
personne  du  Verbe,  et  j'ai  compris  ici  exactement  le  mystère, 
car  ici  la  Sainte  Trinité  est  en  évidence  :  le  Fils  qui  est  baptisé, 
le  Saint-Esprit  qui  plane,  et  la  voix  du  Père  qui  insiste  et  dit  : 
«  Celui-ci  est  mon  Fils  chéri  dans  lequel  je  me  suis  complu.  »  On 
remarquera  que  la  parole  du  Père  a  deux  parties,  car  le  Fils 
ayant  deux  natures,  l'une  divine  et  l'autre  humaine,  la  phrase 
qui  le  concerne  a  aussi  deux  parties;  les  mots  :  Voici  mon  Fils 
chéri  indiquent  son  éternité,  et  dans  lequel  je  me  suis  complu 
ont  trait  à  la  nature  humaine  qui  est  unie  dans  la  personne.  Et 
que  les  adversaires  de  Dieu  ne  grincent  pas  ici  des  dents,  car 
nous  ne  reconnaissons  pas  deux  Fils,  ou  deux  Messies,  ou  deux 
Dieux,  mais  un  seul  Seigneur  Jésus-Christ. 

Du  même,  dans  son  discours  sur  l'Ascension  de  Notre- 
Seigneur  (2)  :  De  quelles  paroles  me  servirai-je  et  quels  mots 
proférerai-je,  je  n'en  sais  rien?  Cette  nature  très  vile,  cette  nature 
méprisable  qui  était  en  dessous  de  tout,  a  tout  vaincu  et  est 
montée  au-dessus  de  tout;  aujourd'hui  elle  a  été  placée  au-dessus 
de  tout,  aujourd'hui  les  anges  ont  reçu  ce  que  depuis  longtemps 


(1)  Ibid.  4'ijYa)|j,£v  toÙç  (jiav  çiiaiv  {/.s-rà  tïjv  evwaiv  Tspaxî'jofJilvûut;-  tïj  yàp  if,;,  [xtà; 
ETTivoîa  Tw  àTtaôsT  6ïco  TiâQoç  TrpoaaTTTS'.v  èTceîyovTai. 

(2)  Chez  Migne,  P.  gr.,  t.  L,  col.  448.  IIwc  etuw;  tI  ),aXVw;  uw;  s^evéyxw  lô  pfi\i.cc 
xo\tio;fi  çûffi;  ■})  vjxù:r,ç,  y)  Ttâvxwv  KffuveTWTÉpajUâvTwv  àvwTe'pa  yéyovî  (jri[Jiepov.  2v)|J.£pov 
a7r£),a6ov  ày^tlo^,  6  7iâ),at  £7ï69ouv  (jYi[A£pov  eTSov  àp/àyysXot,  ô  7tà).ai  etieôûjjlow,  Trjv  cpOfftv 
f^v  rifASTîpav  ànà  xoù  Opôvou,  àcrTpiuToyaav  toù  paTiXixoO  ,  ô6!^-(i  xal  xàXÀet  (jTO.êouuav 
àôavaTw. 


(KUVRES    DE    JEAN    .MARnN.  I!t7 

ils  attendaient  et  désiraient  voir,  aujourd'hui  les  arcliang-e.s 
purent  être  spectateurs  de  ce  qu'ils  attendaient  depuis  long- 
temps, ils  virent  notre  nature  resplendir  sur  le  sièg*,'  du  roi 
dans  une  gloire  immortelle. 

De  saint  Severianus,  év^f/ue  de  Gabala  (1),  dans  non  dis- 
cours sur  la  Nativité  de  Notre-Seigneur  selon  la  ehair  : 
L'humanité  de  Notre-Seigneur  n'est  pas  venue  accroître  sa  di- 
vinité, car  cette  natiu-e  n'admet  pas  d'augmentation,  elle  n'aug- 
mente ni  ne  diminue  en  rien,  mais  demeure  absolument  telle 
qu'elle  est,  elle  n'a  pas  pris  un  corps  parce  qu'elle  en  avait 
besoin,  mais  parce  que  cela  lui  a  plu.  Donc  celle  qui  a  pris  et 
celle  qui  a  été  prise  ne  forment  qu'une  personne.  Ainsi  quand 
nous  disons  Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  nous  proclamons  trois 
personnes,  mais  nous  annonçons  et  confessons  une  seule  na- 
ture, de  même  lorsque  nous  disons  divinité  et  Immaniti''  (9) 
nous  proclamons  deux  natures  et  confessons  une  personne. 
(Il  n'y  a  dans  la  Trinité  qu')  un  Fils,  une  volonté,  un  pou- 
voir, un  gouvernement  et  une  adoration  (2);  quand  nous  prions 
le  Père,  le  Fils  est  prié  avec  lui,  et  quand  nous  louons  le  Fils, 
le  Saint-Esprit  est  aussi  loué.  De  même  dans  l'opération,  le  Père 
veut,  le  Saint-Esprit  exécute,  le  Fils  termine,  mais  ils  ne  sont 
qu'un  en  tout,  car  leur  nature  est  une,  la  Trinité  est  conser- 
vée par  la  distinction  des  personnes.  La  foi  que  nous  prêchons 
est  une;  que  Dieu  daigne  l'admettre  près  de  lui,  et  que  ses 
miséricordes  soient  sur  nous  tous.  Ainsi  soit-il. 

De  saint  Proclus,  évëque  de  Constant inople  (3),  dans  son 
discours  sur  la  Nativité  de  Notre-Seigneur  selon  la  chair  (4)  : 

(1)  Contemporain  et  rival  de  S.  Jean  Chrysostome.  Un  de  ses  discours  est  im- 
primé chez  Uigne  :  Palrol.  grecque,  t.  LXIIl,  pp.  5:J1  ct53G;  t.  LVI,  col.  42'.t.  etc. 
Ces  discours  furent  attribués  à  S.  Jean  Chrysostome.  Voir  sur  Sévérianus,  jngue. 
Pair,  gr.,  t.  LXV,col.  10,  et  l'introduction  ci-dessus. 

(2)  Comme  nous  l'avons  déjà  dit  dans  l'introduction,  en  rapportant  cette  der- 
nière phrase  à  ce  qui  précède,  c'est-à-dire  au  Fils,  nous  rendrions  Severianus 
monothélite.  Or  cet  ami,  puis  ce  rival  de  saint  Jean  Chrysostome  vivait  bien 
avant  ces  questions  de  monothélisme  (et  même  de  monophysisme)  et  personne 
ne  l'a  jamais  accusé  d'avoir  professé  cette  erreur.  Assémani  supposait  donc  ce 
passage  interpolé.  Jusqu'à  ce  qu'on  ait  la  preuve  de  cette  interpolation,  il  suffira 
de  rattacher  cette  phrase  à  ce  qui  suit,  c'est-à-dire  à  la  Trinité,  comme  nous 
l'avons  fait,  pour  qu'elle  n'offre  qu'un  sens  orthodoxe. 

(3)  Patriarche  de  434  à  44(3. 

(4)  Le  texte  grec  de  ce  discours  est  perdu.  11  en  reste  une  traduction  syria-iu." 
et  on  en  trouvera  la  traduction  latine  chez  Migne,  P.  gr.,  t.  05,  col.  b\*'>. 


198  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

Nous  ne  dirons  pas  que  celui  qui  est  né  est  un  simple  homme, 
ni  un  Dieu  nu,  car,  si  le  Messie  n'était  qu'un  homme,  comment 
la  Sainte  Vierge  après  son  enfantement  serait-elle  demeurée 
vierge?  Cela  nous  apprend  à  confesser  deux  natures  dans  le 
Messie,  l'humanité  et  la  divinité  qui  ne  forment  qu'un  seul 
Jésus-Christ,  fils  unique. 

De  saint  Cyrille,  évêque  d'Alexandrie  (1),  dans  le  troisième 
tome  contre  Nestorius  :  Ce  n'est  pas  parce  qu'il  nous  res- 
semble que  celui  qui  est  Dieu  périra  jamais  ;  et  parce  qu'il  a  la 
nature  divine  et  une  forme  incorruptible,  il  ne  s'ensuit  pas 
que  nous  devions  en  exiger  autant  de  l'homme.  Il  faut  remar- 
quer qu'il  est  Dieu  en  même  temps  qu'homme  et  qu'avec  la 
nature  et  la  perfection  divine,  il  n'en  est  pas  moins  homme,  car 
il  possède  les  deux  natures,  il  est  Dieu  et  l'homme  Emma- 
nuel. 

•  Bu  même,  dans  son  commentaire  de  Jean  l'Évangéliste, 
livre  II,  chapitre  VI  (2)  :  Comme  il  avait  pris  la  livrée  du  ser- 
viteur et  qu'il  était  homme  puisqu'il  était  né  à  la  chair,  le  Verbe 
n'usait  pas  toujours  dans  sa  parole  de  la  liberté  et  de  l'autorité 
qui  conviennent  à  Dieu.  Bien  plus,  il  lui  arrivait  de  se  servir  de 
cette  dispensation  dans  les  choses  communes  à  Dieu  et  à 
l'homme.  Car  il  était  l'un  et  l'autre. 

Du  même,  dans  [ses  lettres)  à  Xiste,  évêque  de  Rome,  suc- 
cesseur de  Célestin  (3)  :  Je  reconnais  et  la  nature  du  Verbe 
Dieu  qui  est  impassible  et  immuable  (10)  et  la  nature  humaine 
qui  est  passible,  et  le  Messie  qui  est  un  dans  les  deux  (natures) 
et  avec  les  deux. 

Du  même,  dans  sa  lettre  à  Eulogius  (4)  :  Quand  on  parle  de 


(1)  Mort  en  444. 

(2)Migne,  P.gr.,  t.  LXXIII,col.358.'OçYàpïîûYi  xriv  toùôoûXou  [j.opçviv7r£ptx£![jisvoç  ôtà 
tô  £va)9r,vai  (rapxt,  oùx  ÈXsyÔspav,  oCiSà  àv£i[ji,évyiv  TcavTsXwç  el;  ÔeoTtpîT:^  Trappriciav  ÈTtotEiTO 
xr-jV  SixXsïtv  ïyj^triT:^  oï  (j.àX),ov  lOitt'Jx-t}  oi'  o'txovo(AÎav  Ë(j9'  ots,  vÎTisp  àv  TcpÉTto'.  Oetô  te  ôfioy 
v.aX  àvôpwTvw.  Kat  yàp  ^v  ovtm;  xaxà  xayxôv  àjjKyôxïpa. 

(3)  Ce  fragment  est  chez  Migne,  P.^r.,t.LXXVII,coI.  285:  oIoa&sxatàTraû^xrivxoù 
0£où  çûffiv  -/.ai  àxpSTTxov  y.at  àvaXXoiwxov ,  xat  xî)  xr,c,  ài/ôpwTtoxyjxoç  çÛ(T£i  ,  xaî  £va  èv  à(Jii>otv, 
xac  i%  àfjLcpoTv,  xov  Xpirrxôv.  Ce  texte  édité  par  Mai,  d'après  une  citation  de  Léonce  de 
Jérusalem,  s'éloigne  plus  de  l'original  que  celui  de  Jean  Blaron.  Cf.  Mai',  t.  VII, 
p.  132.  Chez  Mai  on  trouve  loùffxov  au  lieu  de  Xiste. 

(4)  Migne,  P.  gr.,X.  LXXYII,  col.  2"25.  "Otiou  oàp  Ëvwo-iç  mouÂ^tx^,  où/,  évô;  Ttpâyfjtaxoç 
(7v-|[;.atv£xai  (tùvo3oç,  àXX'  •/]  Sûw,  y\  uX£tovwv.  xal  oiacpoptov  àXXrjXoiç  xaxà  xriv  ç-jctv,  cité 
chez  Léonce  de  Jérusalem,  Mai,  t.  VII,  p.  I2G. 


ŒUVRES    \)K   .IE\.\    MAROX.  11)1) 

l'unité,  ce  n'est  pas  une  seule  chose  qui  est  unifiée,  mais  deux 
ou  plusieurs  de  nature  différente. 

Du  iiwme,  conire  ceux  qui  ne  placeiU  quunc  iialurc  coin- 
posée  dans  le  Messie,  dans  l'ouvrage  qu'il  fit  contre  les  mo- 
no})Ji]jsiles  :  Je  n'admets  pas  le  mélange,  qui  est  contraire  à  la 
foi  apostolique  et  à  la  tradition  orthodoxe,  car  le  mélange  éta- 
blit une  confusion  dans  les  natures,  mais  l'unité  ineffable  de  ces 
deux  natures,  quand  elle  est  bien  confessée,  les  conserve  sans 
confusion,  et  forme  avec  les  deux  une  seule  nature  incarnée  (1), 
qui  est  le  Messie  visible,  Dieu  et  homme  simultanément. 

Du  même,  dans  son  discours  à  Secundus  sur  l'àme  et  le 
corps  :  Si  nous  cherchons  une  démonstration  dans  le  composé 
qui  nous  constitue,  nous  autres  hommes,  nous  sommes  com- 
posés de  l'âme  et  du^corps  et  nous  voyons  en  nous  deux  na- 
tures, Tune  de  l'âme  et  l'autre  du  corps;  et  parce  que  nous 
sommes  composés  de  deux  natures,  nous  sommes  loin  d'être 
deux  hommes,  mais  un  seul  composé,  comme  je  l'ai  dit,  formé 
de  l'âme  et  du  corps,  et  non  une  destruction  des  deux. 

Chapitre  pour  montrer  que  par  une  nature  du  Verbe  in- 
carné, les  Saints  Pères  entendent  deux  natures,  car  par  incarné 
ils  annoncent  et  reconnaissent  une  nature. 

De  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  dans  son  commentaire  sur 
l'épitre  aux  Hébreux  (2)  :  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  est  un, 
et  qu'on  ne  croie  pas  le  Verbe  distinct  de  lui,  après  la  généra- 
tion corporelle  de  la  Sainte  Vierge  :  la  chair  ne  répugne  pas 
non  plus  à  l'unité  avec  le  Verbe  de  Dieu,  car  bien  que  nous 
conservions  deux  natures  différentes  et  inégales  qui  tendent 
simultanément  à  l'unité,  je  veux  dire  la  chair  et  Dieu  le  N'erbe, 
il  n'y  a  néanmoins  qu'un  Fils  formé  avec  les  deux.  Lune,  ani- 
mée par  une  âme  rationnelle,  est  vraiment  le  temple  qui  linitie 
Dieu  le  Verbe.  Et  quand  nous  disons  que  la  chair  est  unifiée 
dans  la  personne  du  Verbe  unique  de  Dieu  le  Père,  nous  ne 
voulons  pas  dire  qu'il  s'est  opéré  une  confusion  des  deux  na- 

(1)  Les  mots  une  nature  incarnée  indiquent  doux  natures.  Voir  le  chapitre  ci- 
dessous. 

(2)  Ce  passage  manque  parmi  les  fragments  conservés  du  commentaire  de  Cy- 
rille sur  rÉpître  aux  Hébreux. 


200  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tures  Tune  dans  l'autre,  car  chacune  d'elles  demeure  ce  qu'elle 
était,  mais  nous  entendons  que  le  Verbe  de  Dieu  s'unit  la 
chair.  (11) 

■  Du  même,  dans  la  lettre  à  Eulogius  déjà  citée  (1)  :  Il  nous 
faut  dire  à  nos  accusateurs  que  l'on  ne  doit  pas  fuir  et  re- 
pousser tout  ce  qu'enseignent  les  hérétiques,  car  ils  professent 
beaucoup  de  choses  que  nous  professons  nous-mêmes.  Ainsi 
les  Ariens  disent  que  Dieu  est  le  Père  de  l'univers  et  ce  n'est 
pas  pour  cela  qu'il  faut  fuir  leur  confession  [mais  ils  ne  di- 
ront pas  :  le  père  qui  possède  toutj.  De  même,  Nestorius  parle 
de  deux  natures  quand  il  marque  la  différence  de  la  chair  et 
de  Dieu  le  Verbe.  Devons-nous  le  nier?  la  nature  de  Dieu 
le  Verbe  est  bien  différente  de  celle  de  la  chair,  mais  ils  ne 
confessent  pas  l'unité  avec  nous;  et  nc^us,  par  contre,  nous 
confessons  un  Messie,  un  Fils,  un  Seigneur,  c'est-à-dire  l'unité 
de  Dieu  le  Verbe  qui  s'est  incarné. 

Du  même,  dans  le  commentaire  déjà  cité  de  l'Évangile  de 
Jean  au  livre  quatre  (2)  :  Il  y  a  lieu  de  s'étonner  de  ce  que 
l'évangéliste  saint  Jean  proclame  clairement  que  le  Verbe  s'est 
fait  chair,  il  ne  dit  pas  qu'il  fut  dans  la  chair,  mais  qu'il  fut 
chair,  et  cela  pour  montrer  l'unité.  Nous  ne  dirons  pas  non 
plus  que  le  Verbe  qui  vient  de  Dieu  le  Père  a  été  changé  en 
la  nature  de  la  chair  ni  que  la  chair  fut  changée  en  la  nature 
du  Verbe,  car  chacun  demeure  ce  qu'il  était  naturellement. 

Du  inème  :  Il  est  écrit  :  «  Où  le  fils  des  libres  est-il  parmi 
les  morts?  »  Comme  il  ne  mourut  pas  lui-même,  nous  dirons 
qu'il  mourut  selon  la  chair  et  nous  dirons  qu'il  supporta  cela 
non  pas  en  dehors  de  la  chair,  mais  en  elle  surtout;  et  il  re- 

(1)  aligne,  P.  gr.,  t.  LXXVII,  col.  225.  Xo-Ài  Sàtoî;  |j.£[j.:f  o[j.Évot:£-/.£Ïvo  XÉyîiv  •  ott  oO  TrâvTa. 
ôffa  Xéyouo-iv  ol  alpsTixoi,  çiyyôiv  xal  TrapatTîtcrÔai  -/pr,-  Tïo>,),à  yàp  6[Jio).OYoij<;tv  tôv  xxi 
rifjiEÏç  ô(;.o),oYoù[L£v.  OIov,  ot  '.Apîiavot  OTav  Xsywai  rôv  Traiépa,  oti  oyijAtoupy&i;  âatt  iwv 
ôXwv  xal  Kùpio;,  [Arj  Stà  toùto  çs-jysiv  •^(laç  àxôXouOov  xa-jxa;  xà;  ôfJioXoyîaç  ;  ovixw  y.at 
im  Nîaxopîoy  yàv  Xéyy)  Syo  oûctei:,  xyiv  Siaçopàv  t7r|[ji.a;vwv  xv^;  aapxo:;  xal  xoO  0£où 
Xoyou  ■  éxépa  yàp  v]  xoù  Aôyou  çuat;,  xai  éxépa  y)  xvi;  ffapxôç,  oO-céxi  xïjv  É'vtoaiv  ô[j.oXoy£t 
ti£6'  Yjjxwv.  'HaEÏ;  yàp  évwiavxE;  xaùxa,  ëva  Xpiuxov,  Ivx  utôv,  xov  aùxôv  £va  Kûpiov  ô[j.oXo- 
yo'j[jL£v  •  xai  XoiTTov  jxiav  xoù  (r)£0'j  ffiû(7iv  (7Ecapxw[J.£Vï'|V. 

(2)Migne,  P.gr.,  t.  LXXIII,COl.580.  KàvxoOxw.o/;  [j-âXiaxa  9a'jtj.àc;a'.  Tipoc/ixEi  xôv  àyiov 
eOayysXKTxyiv  <•  Kai  ô  Xôyo;  oàp^  ÈyàvExo  »  oiappriSïjv  àvax£xpay6xa •  où  yàp  oxi  yiyovEv  Èv 
ffapxî,  aXX  ôxi  yiyo-zE  gôlçi^,  o'j  xaxEvàpxvTîEv  e'.tceîv  ïva  OcÎ^y)  xr)v  evcouiv.  Kai  oO  o-f]  tiov 
ça[J.£v,  y;  xèv  EX  Haxpô;  0£Ôv  Aôyov  £Î;  xriv  XYJ;  aapxà;  jjLExaTïEuotïi'jÔat  çûaiv,  r^youv  xy)v 
aàpxa  [J.£xaxwpvii7a'.  T^po;  Aôyov  •  jj.£V£t  yàp  éxàxspov,  07ï£p  é'Txl  xrj   'fû(ï£i. 


ŒUVIŒS    ïn:   JKAN    MARON.  2(>1 

vêtit  avec  elle  la  gloire  divine,  car  il  mourut  et  ressuscita  selon 
la  loi  de  la  chair  et  dans  notre  nature. 

De  S,  Mar  Jacques  de  Balnan  de  Sorony  (1),  dans  le  dis- 
cours qu'il  prononça  sur  Lazare  des  quatre  jours  (2)  :  Marie 
dit  :  «  Jecrois,  Seigneur,  que  tu  es  le  Messie  qui  vient  et  viendra 
en  grande  gloire  avec  ton  père.  Je  crois,  Seigneur,  que  tu  n'as 
pas  de  père  parmi  les  mortels  ni  de  mère  dans  le  ciel.  (Com- 
ment un  seul  fds  peut-il  avoir  deux  pères?  Elle  savait  que  Jo- 
seph était  son  père  putatif!)  Je  crois.  Seigneur,  que  tu  as  formé 
le  premier  Adam,  et  le  vieillard  Siméon  te  louait  dans  le  saint 
Temple.  Je  crois,  Seigneur,  que  tu  as  deux  natures,  l'une  venant 
d'en  haut  et  l'autre  (12)  du  genre  humain.  Tu  as  la  nature  spi- 
rituelle du  père  et  la  nature  corporelle  de  la  fille  de  David,  l'une 
venant  du  Père  et  l'autre  de  Marie  sans  division,  l'une  de  l'es- 
prit et  l'autre  du  corps  sans  fraude.  Je  crois.  Seigneur,  que  le 
Père  n'est  pas  plus  ancien  que  toi  et  tu  peux  dire  avec  con- 
fiance que  tu  es  plus  ancien  que  celle  qui  t'a  engendré.  » 

Du  même,  sur  l'Église  elles  délracleurs  (3)  :  La  jeune  fille, 
principe  de  l'Église,  vint  en  jugement  avec  les  détracteurs  (4j, 
el  peu  après  il  dit  :  Je  proclame  deux  interprétations  en  Em- 
manuel :  il  est  en  vérité  à  la  fois  Dieu  et  homme,  car  nous  lui 
voyons  notre  nature  et  Dieu  annonce  sa  divinité  sans  division. 
Emmanuel  est  homme  et  Dieu  avec  nous,  non  comme  un  mé- 
lange des  deux,  mais  comme  parfait  des  deux  côtés. 

Du  même,  dans  son  discours  sur  tejeùnedeXolre-Seigneur 
el  sur  la  lenlalion  du  malin  (5)  :  Il  avait  faim  providentielle- 
ment et  naturellement,  et  les  deux  choses  avaient  une  cause 

(1)  Mort  en  521. 

(i)  AWiision  kquatriduanus  est  enim.  S.  JeanChrysostome  a  fait  deux  homélies 
sur  le  même  sujet  :  inqualriduanwn  Lazarum;  aligne.  P.  gr.,  t.  XLVIII.  cnl.  770,  et 
L,  col.  (341. 

(3>  Assémani,  B.  0.,  I,  p.  bhl  écrit  :  Discours  sur  l'Égliso  et  les  cuercheursiscru- 
tatores). 

(4)  Dans  le  ms.  117  du  Vatican,  fol.  9,  il  y  a  une  homélie  analogue  dont  le  titre 
(le  premier  vers)  est  :  isio.  puj\  ijioïj  ^  ic^^  Up-. 

La  citation  que  fait  Maron  ne  s'y  trouve  pas.  L'a-t-on  supprimée?  Voir  ci-iles- 
80US  les  altérations  du  texte  de  S.  Ephrem. 

(5)Cediscoursexisteau  Vatican,  ms.  n"  118,  fol. 9I-9(>.  M^'Graflin,  qui  prépare  une 
édition  complète  des  œuvres  de  .Jacques  de  Saroug,  m'en  montra  une  transcription  et 
une  photographie,  t-o;  l^j  ^  ^coii/.  est  remphicé,  dans  le  manuscrit  du  Vatican, 
par  )io'J  t^~^  ^^.oj^Wj 


202  REVUE  DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

dans  le  même  sujet  :  providentiellement  parce  qu  il  est  Dieu 
avec  son  père,  et  naturellement  parce  qu'il  s'incarna  dans  la 

fille  de  David. 

De  Mar  Ephrem  le  Syrien  (1),  dans  son  discours  des  prières  : 
Le  soleil  est  l'image  de  ta  grandeur,  la  lune  est  le  symbole  de 
ton  humanité.  Les  deux  natures  qui  étaient  cachées  en  toi, 
Seigneur,  (se  sépareront  enfin  sur  ta  croix). 

De  Mar  Ephrem,  dans  son  discours  sur  Notre-Seigneur  {2). 
La  grâce  a  atteint  les  bouches  blasphématrices  et  les  a  changées 
en  instruments  de  louange. 

Et  un  peu  plus  loin  :  Considère  l'humilité  de  Notre-Seigneur 
depuis  la  crèche  jusqu'au  tombeau  et  vois  qu'elle  ne  le  quitta 
plus  et  que  sa  grandeur  fut  changée  en  petitesse,  et  son  éléva- 
tion en  humilité  ;  tandis  que  son  humanité  était  visible  en  di- 
verses actions,  sa  divinité  apparaissait  dans  de  remarquables 
prodiges,  afin  que  l'on  connût  qu'il  n'y  avait  pas  une  nature, 
mais  deux.  Il  n'y  avait  pas  seulement  la  nature  humble  ou  la 
nature  sublime,  mais  bien  les  deux;  l'humble  et  la  sublime 
étaient  réunies  l'une  à  l'autre.  Ces  deux  natures  montrèrent 

(1)  Mort  en  379. 

(2)  Édité  pa\'Ue^LB.mj{SanctiEphraem  SyrlHymniet  Sermones,  t.  L.  Cf.  pp.  174 
et  223)  d'après  nn  ms.  du  Brit.  Mus.,  add.  14.570,  écrit  au  v"  ou  au  vi»  siècle.  II 
y  a  un  certain  nombre  de  variantes  entre  les  deux  textes.  Voici  celui  qu'édita 
M^'  Lamy  : 

liai»    "^)/o    ovi.   -O)    l-oi.;    ^y^o   :   |;>n\    \^o^    l^-a;^   x^o   ^po;    OiLoi.iMiN    V*^    ov;a-./ 
o,Loovk    :    loo,    l_>^N.io     |t)   gv\..«v>    iLdjsj-s    0)Lq_3>>     ;^^    |.i./     .oin-OO^eiN    )_io;^ooio    ojLoîai.)^, 
|oO)  j—  |oO)  jj;   :  )oo)^|.^   ^ooi^i-.-3;    r^  OO)  ooi  |oi>i    nskj-.ISj;   .Looj  ^X^tvio  |N..V-m    (SlC)   |l-oL^s 
^aj(  ^ïl  PI   .^oio;a.Jio   )jio;jo;.io   |.j_o  ^ol   jis/    .«..oiojou-i-  (içu^o  )oo,   )j^o    -^^  l»»)  P  «:'''•  VI 

yOOltOCli.^    yOJOl    I  J.:;.-»     yOOV.VL     pO)     ^^OO      .|.3uOLiOO    ^.io;     .OOO]    ,j*^.0>—     j-^O     j— J     .(SlC)     ^*J-0 

:  )t^C^   OO)    ^1    ;_st^oûj  p»  .^ooi...VNj    JLojlj    LoO)   ^jl^H  :  yoov^ïl»    JDoo.^^;  5.-./    .0001  y....; m.v) 
.|LoN^/    ^^^^00  )ooj   J--J   OO)   .pL^Q-  "^é^io  )oOl  ^'Lj   >».r^Nj;   P|    .|.^)a^OLj>  |oOi  ^ÏL;   oO) 

J'ajoute  que  le  texte  de  J.  M.  wt-aw/^  est  préférable  à  wLaa»^,  car  il  faut  un  mot 
qui  fasse  pendant  à  wtowSs.  De  même  le  texte  U^  low  t^  a^j  que  donne  Jean 
Maron  est  préférable  à  celui  de  Ms"'  Lamy,  car  ce  dernier  change  le  sujet.  Chez 
Jean  Maron,  le  sujet  est  partout  la  nature.  Chez  Ms'  Lamy,  c'est  Notre-Seigneur  au 
commencement  et  la  nature  à  la  fin.  Voici,  en  effet,  le  mot  à  mot:  «  afin  que  l'on 
connût  que  cet  Un  (Notre-Seigneur)  qui  se  tenait  entre  eux  (?)  n'était  pas  un,  mais 
deux,  car  il  n'y  avait  pas  seulement  la  nature  humble  ni  la  nature  élevée  seule, 
mais  les  natures  étaient  deux,  mélangées,  etc.  ».  —  J'ai  développé  cette  remarque, 
parce  qu'elle  nous  montre  comment,  grâce  à, d'intelligentes  retouches,  S.  Ephrem 
put  fournir  des  armes  aux  jacobites  comme  aux  catholiques.  C'est  là  une  diffi- 
culté sérieuse  pour  qui  veut  donner  une  édition  de  ses  œuvres. 


ŒUVHKS    DE   JKAN    MAUOX.  203 

leurs  particularités,  afin  que  personne,  d'après  les  particulari- 
tés des  deux,  ne  pensât  que  celui-ci  qui  était  double  à  cause 
de  l'union  était  simplement  un,  mais  bien  que  celui  qui  est  un 
par  essence  est  double  à  cause  de  l'union. 

Dumême  Mar  Eplirem,  dans  l'hymne  sur  la  naissance  de 
Notre- Seigneur^  oh  il  montre  les  natures  divine  et  limnaine  : 
Elle  le  glorifia  sur  la  montagne  où  elle  apparut  au  dehors.  Klle 
l'obscurcit  sur  le  bois  où  elle  se  cacha.  (13)  II  fut  glorifié  sur  la 
montagne,  elle  montra  sa  nature,  il  prit  l'apparence  des  morts 
et  montra  encore  sa  nature,  celle  que  les  animaux  ne  virent 
pas  et  que  les  anges  ne  peuvent  regarder. 

Du  même  Mar  Ephrem,  dans  le  symbole  de  la  foi  :  Qui  n'ad- 
mirera pas  la  diversité  de  tes  changements?  le  corps  cachait 
l'éclat  naturel  de  la  puissance,  les  vêtements  cachaient  la  na- 
ture humble,  le  pain  cachait  le  feu  qui  y  était. 

Du  discours  du  docteur  Isaac,  sur  le  symbole  de  la  /oi  :  Il 
n'était  pas  seulement  un  corps  simple  ;  mais  une  âme,  un  corps 
et  une  essence  formaient  une  seule  personne;  non  pas  une  na- 
ture simple,  mais  une  personne  simple.  Si  Ton  recherche  les 
natures,  on  trouve  qu'il  y  en  a  deux,  l'une  élevée  venant  du 
ciel,  et  l'autre  inférieure  venant  de  la  terre;  celle  qui  vient  de 
la  terre  est  connue,  celle  qui  vient  d'en  haut  est  cachée;  les  deux 
ne  forment  qu'une  personne,  celle  qui  est  cachée  est  unie  à 
celle  qui  est  visible. 

Discours  de  Mar  Isaac  le  second,  sur  le  char  d'Ézéchiel  : 
Pour  établir  la  vérité,  le  char  nous  donne  une  image  remar- 
quable. Dans  ce  symbole  mytérieux,  il  y  a  une  personne  et  deux 
figures,  l'une  humble  et  l'autre  forte.  Le  prophète  vit  une  subs- 
tance en  deux  modes  qui  étonne  les  yeux  du  spectateur  :  une 
moitié  est  le  feu  qui  dévore,  l'autre  moitié  une  clarté  moyenne. 
De  son  dos  et  au-dessus  c'était  un  feu  dévorant,  de  son  dos  et 
au-dessous  il  ressemblait  à  l'arc  des  nuages.  C'est  le  Messie  qui 
apparut  mystérieusement  dans  ce  char,  sa  divinité  et  son  hu- 
manité sont  visibles  :  les  deux  figures  que  l'on  voit  ne  forment 
qu'une  substance,  deux  natures  ne  forment  qu'un  Sauveur. 
Dans  le  char  on  trouve  son  image  mystérieuse,  dans  son  évan- 
gile on  trouve  sa  vérité  et  sa  justice,  on  trouve  son  umbre 
dans  le  char  et  son  corps  dans  l'Évangile. 

Du  même,  dans  son  discours  sur  l'Incarnation  de  Xotre- 


204  REVUE    DE    l'orient    CIIRETIEX. 

Seigneur  :  Que  l'on  ferme  la  bouche  hérétique  qui  rejeta  le 
corps  de  notre  Sauveur.  S'il  n'avait  pas  revêtu  un  corps,  pour- 
quoi aurait-il  été  à  la  circoncision?  qui  peut  circoncire  le 
feu?  qui  peut  revêtir  un  esprit?  s'il  n'a  pas  pris  un  corps, 
une  nature  vile  et  faible,  s'il  n'a  pas  deux  natures,  pourquoi 
compter  le  huitième  jour?  Ce  calcul  du  huitième  jour  ferme  la 
bouche  de  l'hérétique. 

Du  même,  irn  peii  plus  loin  :  Celui  qui  est  seul  et  qui  est  deux 
dans  une  substance  ;  Celui  qui  descend  avec  une  nature  et  re- 
monte avec  deux  natures  unies  ;  Celui  qui  descend  en  esprit 
et  monte  en  corps  et  en  esprit  ne  peut  être  connu  (14)  du  so- 
phiste ni  compris  de  l'insensé  (qui  prône)  une  nature  simple. 
Il  revêtit  une  nature  créée,  œuvre  de  ses  mains.  Gloire  à  lui  et 
que  ses   bénédictions  soient  sur  nous  en  tout  temps. 

De  saint  Isidore,  prêtre  de  Péluse  (1),  dans  sa  lettre  au 
diacre  Théodore  :  Il  est  impossible  d'employer  une  démons- 
tration naturelle  quand  nous  recherchons  ce  qui  surpasse 
la  nature,  bien  que  le  Verbe  de  Dieu  ait  été  chair  en  vérité  ;  ce- 
pendant le  Messie  qui  s'incarna  n'était  pas  un  simple  homme, 
il  était  surtout  Dieu,  et,  en  deux  natures,  il  est  le  Fils  unique  de 
Dieu. 

Du  même,  dans  sa  lettre  au  lecteur  Timothée  (2)  :  Garde  ton 
cœur  avec  grand  soin  et  n'accepte  jamais  une  seule  nature  dans 
le  Messie  après  l'Incarnation.  Car  la  profession  d'une  seule 
nature  entraîne  l'une  de  ces  deux  conséquences  :  ou  bien  Dieu 
a  été  changé  ou  bien  l'homme  s'est  évanoui,  ce  qui  est  la  mau- 
vaise opinion  de  Manès  qui  veut  jeter  tout  homme  au  feu  (éter- 
nel). 

Du  même,  dans  sa  lettre  à  Théophile  (3)  :  En  vérité  c'était 
un  homme  et  en  toute  justice  c'était  un  Dieu,  il  doit  être 
adoré  dans  les  deux  natures. 

De  Saint  Justin,  philosophe  et  martyr,  qui  était  de  Néapo- 

(1)  Mort  vers  440.  Une  partie  de  cette  citation  est  donnée  par  Léonce  de  Jéru- 
salem, îMaï,  t.  vu,  p.  135.  npo;  Gcooôfjiov  ôiàxovov  :  <•  GO  '{/i).ô;  àvÔpwTroc  ô  Xpiaxô;  èvav- 
6pto7i':^(7a:,  [j.àXXov  ôè  0sà;  Èv  é/aTÉpai;  xat;  çûcsiriv  et;  ÛTtdcpxsi  uiô;.  » 

(2)  Livre  I,  lettre  en,  chez  JMigne,  P.  gr.,  t.  LXXYIII,  col.  2.ô2.  Le  texte  de  Jean 
Maron  confirme  la  version  donnée  en  note  par  Jligne  :  [xtqttw;  tj.tav  Xpi^Toù  c^ûctiv 
fi.£TàTriv...  qui  est  celle  de  Léonce  de  Jérusalem,  Maï,  t.  YII,  p.  134. 

(3)  Livre  I,  lettre  xxni  chez  Migne,  P.  gr.,  t.  LXXVIII,  col.  196.  Il  faut  encore 
prendre  la  version  donnée  en  note  :  èv  àiAçoTlpaii;  -raïç  okxjîcv. 


ŒUVRES    DR    JKAN    MAIIOX.  205 

lis,  dans  le  chapitre  dix-huit  de  son  discours  sur  la  foi  (1)  : 
De  même  que  l'homme  est  un,  et  a  cependant  deux  natures  dif- 
férentes, dont  l'une  pense  et  l'autre  accomplit  ce  que  la  première 
a  pensé,  ainsi  l'àme  intelligente  songe  à  la  construction  d'un 
navire,  puis  elle  amène  peu  à  peu  (2)  à  terme  ce  qu'elle  a 
pensé;  de  même  il  y  a  un  Fils  et  deux  natures  :  (par l'une  il  fait 
des  prodiges),  par  l'autre  il  souffre  des  humiliations.  En  tant 
qu'il  vient  du  Père  et  qu'il  est  Dieu,  il  fait  des  prodiges;  en 
tant  qu'il  vient  de  la  Vierge  et  qu'il  est  homme,  il  supporte 
volontairement,  d'après  sa  nature,  le  crucifiement,  les  souffran- 
ces, et  autres  choses  analogues.  Si  l'on  pousse  l'exemple  jus- 
qu'ici, il  nous  donne  une  image  fidèle;  mais  si  l'on  compare,  du 

tout  au  tout,  les  différences 

De  Grégoire,  frère  de  Mar  Basile,  dans  la  lettre  quil  en- 
voya au  moine  Philippe  sur  l'objection  que  nous  font  tes 
Ariens  (3)  :  Puisque  Dieu  nous  y  pousse,  nous  ajouterons  briè- 
vement ce  qui  suit  :  le  Fils  est  passible  d'après  sa  nature;  si  on 
dit  qu'il  l'est  d'après  sa  nature  (15)  divine,  ce  qui  est  impos- 
sible, on  peut  leur  appliquer  les  paroles  du  vénérable  Séleucus 
(cf.  p.  7)  ;  s'il  est  passible  d'après  sanature  humaine.  Usera  impas- 
sible d'après  sa  nature  divine,  comme  les  fidèles  le  proclament. 
Ainsi  la  nature  de  même  essence  ne  reçoit  aucune  atteinte,  car 
nous  ne  disons  pas  que  la  divinité  et  la  chair  ne  forment  qu'une 
nature  comme  l'affirment  follement  ceux  qui  (confondent^  les 
essences,  mais  que  celui  qui  reçoit  la  souffrance  et  ne  souflre 
pas  est  double  sous  divers  points  de  vue.  Nous  résoudrons 

(1)  Expositio  rectfe  confessionis,choz  Migue,  P.  gr.,  t.  VI,  p.  1-220.  Lo  véritable  titre 
serait,  on  le  voit:  Expositio  fidei  ("Exôôfft:  Tïtatew;)  comme  le  portent  certains  mss. 
qui  tous  attribuent  cet  ouvrage  a  S.  Justin.  Robert  Etienne  l'édita  donc  parmi 
les  œuvres  de  ce  saint.  Jlais  depuis,  Jlichel  Lequien  trouva  que  l'ouvrage  favori- 
sait les  Nestoriens,  surtout  par  certaine  comparaison  où  il  s'agit  du  soleil 
(v.  Bligne,  loco  citato,  p.  1203).  Il  l'attribua  donc  à  Nestorius,  et  M.  Migne,  sans 
partager  son  avis  cependant,  mit  ce  traité  parmi  les  opéra  spm^ia  de  saint  .lustin. 
La  présente  publication  montre  qu'au  \if  siècle,  on  ne  doutait  pas  de  son  au- 
thenticité. La  division  de  l'ouvrage  qui  servit  à  Jean  Maron  ressemble  à  celle  du 
ms.  de  Clermont  qui  multiplia  les  chapitres  (v.  Jligne,  loco  citato,  p.  1-2(>G).  Ce 
passage  est  aussi  chez  Léonce  de  Jérusalem  (Mai,  VII,  p.  130),  à  l'exception  d<>  la 
phrase  où  il  est  question  du  navire  et  de  la  \m  du  texte. 

(2)  Il  faut  lire  :  à  l'aide  des  mains.' 

(3)  Sur  l'objection  des  Ariens  contre  les  catholiques.  C'est  la  même  que  la  lettre 
a  Olympius,  dit  Assémani,B.  0.,  t  1,  p.  51G.  Cependant  elle  porte  chez  Léonce  de 
Jérusalem  le  même  titre  que  chez  Jean  Jlaron. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  15 


206  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

aussi  cette  seconde  (question)  :  Nous  reconnaissons  une  diffé- 
rence de  personnes,  c'est-à-dire  de  substances;  sans  introduire 
de  confusion  de  personnes  comme  Séleucus,  nous  confessons 
que  la  Trinité  sainte  a  une  seule  essence  qui  ne  reçoit  ni  aug- 
mentation ni  diminution  :  le  Père  ne  précède  pas  le  Fils,  mais 
lui  est  égal  en  tout,  excepté  comme  cause.  Dès  maintenant  que 
l'on  ne  se  préoccupe  pas  si  le  Père  a  cessé  d'être  Père,  si  le 
Fils  a  cessé  d'être  Fils,  car  si  le  Père  a  toujours  existé  et  si  le 
Fils  a  toujours  existé,  il  est  évident  que  le  Père,  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit  n'ont  qu'un  être  et  une  essence,  bien  que  le  Fils 
ait  pris,  à  cause  de  nous,  une  nature  créée.  Oelui-ci  seul,  à  cause 
de  son  incarnation,  participe  aux  natures  créée  et  incréée,  mor- 
telle et  immortelle,  fmie  et  infinie.  Et  ce  n'est  pas  parce  qu'il  se 
fit  homme  dans  les  derniers  temps  qu'il  cessa  d'être  Dieu  et 
perdit  l'égalité  d'essence  avec  son  vrai  père;  voici,  en  effet,  la 
parole  de  Notre-Seigneur  :  «  Moi  et  mon  Père,  nous  sommes 
un;  je  suis  en  mon  Père,  et  mon  Père  est  en  moi,  etc.  »  Si  l'on 
reproche  au  Fils  sa  création,  son  humilité,  sa  mission  et  autres 
choses  semblables,  il  faut  savoir  que  tout  cela  est  dit  de  la 
chair  et  n'empêche  pas  le  Fils  d'avoir  toujours  même  essence 
que  le  Père,  bien  que  certains  l'aient  nié.  En  tant  que  Fils  uni 
à  la  chair,  il  a  même  essence  que  le  Père  et  lui  est  identique  : 
en  diffère  cependant,  mais  à  un  autre  point  de  vue.  Qui, 
parmi  ceux  qui  pensent  bien,  ne  sait  pas  que  tout  ce  qui  se 
ressemble  a  sa  source  dans  une  essence  unique  et  que  toutes  les 
choses  différentes  qui  se  trouvent  dans  le  même  être  ont  leur 
source  dans  des  essences  opposées?  Bien  que  tous  deux  ne  fas- 
sent qu'un  dans  une  unité  ineffable  et  inexprimable,  il  n'y  a 
pas  unité  de  nature,  je  parle  de  la  confusion  ;  la  divinité  est 
toute  différente  du  corps.  Le  Messie  a  deux  natures,  on  le  con- 
naît ainsi  en  toute  vérité,  et  il  a  une  personne  unique  comme 
fils  (1);  ainsi  il  garde  sans  confusion  et  sans  division  le  change- 
ment du  Verbe  et  de  la  chair  animée  et  ainsi  le  Verbe  conserve 

(1)  Les  dernières  phrases  sont  citées  par  Léonce  de  Jérusalem  sous  le  titre  : 
rçYiYopiou  NûffCTTQ;  Ttpàç  <I>îXtTi7rov  |j.ovà!|ovTa  nspl  toO  tmv  àpstavwv  àvTi6é(j£wi;,  -qz  "/)  àp^r), 

Voici  la  citation  :  Km  yàp  àpp^Tw  xai  àcppaTtw  évwcjsi  rà  iruvafAçÔTspa  Sv,  à'/X  oO 
xri  cpûast,  Sià  tô  àavy/yco'j  ^r]\i.l'  Ëxepov  yàp  xô  0£tov  Ttapà  xô  (7w[xa,  ÈTistffaxxov  yàp. 
ô  xoîvyv  Xpt(Txàc  Sûo  Û!îâp-/a)v  çOffetç,  xal  £v  aùtaï;  à>.r;&(J6;  yvwpisôfjiîvoç,  (Aovaotxov 
TtpôffWTTov,  àaûyxMXCiv  cijj.w;.  Mai,  t.  Vil,  p.  loi. 


fKUVRKS    UK   JEAN    MAROX.  207 

ses  propriétés  sans  aucune  atteinte.  (16)  Nous  avons  écrit  ces 
quelques  mots  pour  reprendre  ceux  de  Seleucus  qui  manquent 
(de  foi),  et  pour  votre  instruction  et  celle  des  amis  de  la  vérité.  Je 
vous  demande  de  garder  constamment  votre  esprit  de  Terreur. 

De  Saint  Proclus,  évcquede  Consianlinojjlc,  dans  son  dis- 
cours sur  la  mère  de  Dieu  incarné  :  Le  même  est  vrai  Dieu  et 
vrai  homme,  de  même  essence  que  le  Père  en  ce  qu'il  est,  et  de 
même  race  que  moi  en  ce  qu'elle  est,  excepté  le  péché;  il  a  la 
nature  divine  et  incréée,  il  m'a  emprunté  (ma  nature)  sans  ses 
désavantages;  il  est  un  seul  fils;  les  natures  ne  sont  pas  sépa- 
rées en  deux  personnes,  comme  le  dit  Nestorius,  mais  une 
mystérieuse  Providence  unit  les  deux  natures  sans  confusion  en 
une  personne  (1). 

De  Saint  Ambroise,  évêc/ue  de  Milan,  dans  son  discours 
sur  Vexplication  de  la  foi  (2)  :  Ceux  qui  font  du  Messie  un 
homme  simple,  ou  de  Dieu  le  Verbe  un  être  passible,  (et  disent) 
qu'il  se  changea  en  chair,  ou  qu'il  a  même  essence  que  le  corps, 
ou  qu'il  apporta  ce  corps  du  ciel;  ou  que  Dieu  le  Verbe 
était  mortel  et  avait  besoin  que  le  Père  le  ressuscitât,  ou  qu'il  prît 
un  corps  sans  âme  ou  une  âme  sans  intelligence,  ou  que  les 
deux  essences  du  Messie  forment  comme  un  mélange  ou  ne 
forment  qu'une  essence  unique;  enfin  ceux  qui  ne  confessent 
pas  avec  nous  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a  deux  natures 
sans  confusion  et  une  seule  personne,  parce  qu'il  n'y  a  qu'un 
Messie  et  qu'un  Fils,  tous  ceux-là  sont  maudits  par  la  Sainte 
Église  Catholique  Apostolique. 

De  Mar  Isaac  le  Syrien,  disciple  de  Mar  Ephrem  le 
Syrien  (3),  dans  son  discours  sur  la  foi  orthodoxe  :  Ce  qui 

(1)  La  fin  est  citée  par  Léonce  de  Jériisaleni  :  Kai  ëstiv  £Î;  uîà;,  o-j  twv  ç-jffïwv 
£iç  ôuo  ■uTtocrxào'etç  ôtYîpyifiévMV,  àX\6.  iz  çpuKTv;;  o'.y.ovo[jLta;  Ta;  ô'jo  suffi-.;  v.z  [jiîav 
uTtôfftaffiv  évwffâffy]!;.  IMaï,  t.  VII,  p.  134. 

(2)  Il  y  a  quelques  divergences  entrée»  t(\\te  de  .Jean  .Maron  et  le  texte  parallèle 
suivant  :  Toù  àyîovi  'Ajxêpoaîou  ÈTrtffxoTrou  MeotoXdivwv  if.  tî^;  £p(i.r,veta<;  toù  àyiov  Tj^to).o\)  : 
«  Toù;  Sa  /iyovTa;  ([^.età  xà  h  (xÉffO)  nvà)  xà;  çûffïi;  xoO  .XoiffxoO  xaxà  àvâxp«(Tiv  ffuy/oi- 
âeîaa;  [lîav  sivai  çûa'iv,  xai  (Ar)  6[i.o>.oYoOvxa;  tov  xvptov  riUÛv  'Ir,ffo"jv  Xptffxov  ôûo  l'/v.'i 
cpyffEt;  àffUYX.Oxouç,  £V  5è  TtpofftoTxov,  xâ6'  6  xal  eî;  xûpio;,  xoOxoy;  àva9£|AaxiÇet  f,  xa6o).tXT; 
xal  à7xocxo),txyi  êxxXiriffia.  »  IMaï,  t.  VII,  p.  131. 

(3)  Jacques  d'Édesse  (addit.  ms.  1-2.172.  fol.  123)  nous  aprend  qu'il  y  eut  trois 
docteurs  Isaac,  dont  deux  orthodoxes  et  un  Chalcédonien.  Le  premier,  prêtre 
d'Amid,  disciple  d'Ephrem,  alla  à  Rome  sous  Arcadius.  C'est  de  celui-là  qu'il  est 
question  ici.  —  Le  second,  prêtre  d'Édesse  vivait  sous  Zenon.  —  Le  troisième  vi- 


208  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mourut,  clans  sa  nature,  fut  le  corps;  ce  qui  ne  mourut  pas 
ressuscita  ce  qui  était  mort,  car  la  divinité,  mes  frères,  ne 
laissa  pas  le  corps  dans  la  souffrance.  L'intelligence  était  dans 
le  corps,  dans  le  tombeau  et  dans  l'univers,  mais  non  enfermée 
comme  l'àme  qui  vivait  en  lui,  car  Fàme  y  était  enfermée 
et  quitta  le  corps  après  le  cri  (à  la  fm  de  la  passion);  mais  celui 
qui  enferma  l'àme  était  dans  le  corps  quand  il  mourut  ;  l'àme, 
qui  sortit  du  corps,  n'y  existait  plus  dans  le  tombeau,  mais 
l'essence  qui  était  à  l'intérieur  du  corps  ne  le  quitta  pas. 

L'àme  jusqu'à  la  fm  ne  revêtit  plus  le  corps  qu'elle  abandonna, 
mais  l'essence  qui  revêtit  le  corps  y  resta  jusqu'à  la  fm. 

De  Saint  De ny s,  disciple  de  V apôtre  Paul,  dans  son  traité 
des  noms  divins  (1)  :  (17)  La  divinité  fut  aussi  appelée  aimant 
les  hommes  (philanthrope),  effectivement  et  éminemment, 
parce  qu'elle  s'unit  à  nous  en  toute  vérité,  dans  l'une  de  ses 
personnes  pour  tout  ce  qui  était  de  nous.  Elle  appela  à  elle, 
attira  et  éleva  l'humilité  de  notre  humanité.  Ainsi  fut  constitué 
le  simple  Jésus,  et  ce  qui  était  une  essence  (éternelle)  prit  un 
intervalle  du  temps  et  vint  dans  notre  nature,  lui  qui  était  au- 
dessus  de  tous  les  ordres  dans  toutes  les  natures.  11  possédait 
néanmoins  dans  leur  perfection  les  propriétés  de  son  essence 
sans  changement  et  sans  confusion.  L'enseignement  occulte  de 
nos  pères  et  de  nos  divins  docteurs  nous  fit  connaître  tout  cela 
avec  toutes  les  autres  lumières  qui  procèdent  de  Dieu  et  con- 
séquemment  avec  les  paroles  divines.  Nous  professons  aussi 
toutes  ces  choses. 

Du  décret  du  concile  d'Antioche  contre  Paul  de  Samo- 
sate  :  Nous  confessons  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  né  du  Père 
par  l'Esprit  avant  tous  les  siècles  et  né  de  la  Vierge  dans  la 
chair  à  la  fm  des  jours.  Il  est  une  personne,  composée  de  la  di- 
vinité céleste  et  du  corps  humain. 

vaitàÉdcsse,  sous  l'ôvèque  Paul,  et  devint  nestorien  sous  Asclépias.  —  Il  est  encore 
question  du  premier  chez  Land,  Anecd.  Syriaca,  t.  III,  p.  84. 

(1)  V.  Migne,  P.  gr.,  t.  III,  col.,  592.  <l>i),àv6pw7rov  ôè  StasspôvTwç,  ÔTt  toï;  y.aô'  r,iJLàç 
upo;  àXviÔctav  ô),iy.w:  Èv  [jiia  tûv  aÙTri;  imoaiiatiùv  £x.oivwvr)(7£v,  àvàxaXoujxévy)  upô;  éau- 
xriv,  7.7.1  àvaxtOstaa  x-?)v  àvÔpwuîvYiv  Icr-^aTiàv,  è;  ■^ç  àpp^xw;  ô  à7t>,oûç  'lïiooû;  (juvsxÉâï], 
xas  irapàxao'tv  zWricfz  ypovtxr.v  6  àioio;,  xai  e'ica)  xyj;  xa6'  yiiaôc;  Èysyâvet  çiiffEo);,  6  Trâar,; 
XTiZ  xaxà  Tiàcav  ©ûffiv  xoc^ew;  •CiTTEpoyffîw;  àxêsêrixà);  (j,£xà  xyjç  àiJ.£xao6Xou  xal  àffuyxûxou 
twv  oîxsîwv  lôpO(7£w;.  Kal  ôaa  aïlo:  Ôeoupytxà  çwxa  tûï;  lo-^ioiz  àxoXoOÔw;  yj  xùiv  èvôÉwv 
•r)[Atôv  xa9riy£[ji6v(ov  xpyoia  itapâôoiji;  êxsavxoptxw;  r^[).Xv  ÈStop-ôffaxo,  xaùxa  xal  r,[i.s.X:  [xs- 
[A\Jvi[A£6a. 


<n;uvi{i;s  iiK  .ii;a.\  .mari in.  20'.J 

De  Saint  Flavien,  dans  la  lettre  qu'il  envoya  à  l'ciniic- 
reur  T/wodose  (1)  :  Flavien,  ôvûque  deConstantinople,  au  fidèle 
empereur  Tliéodose  qui  aime  le  Messie,  salut.  —  Pour  le  prêtre 
de  Dieu  et  pour  celui  qui  prêche  le  divin  enseignement,  il  ny 
a  rien  de  beau  comme  de  renseigner  celui  qui  nous  interroge 
sur  notre  espérance  et  sur  notre  grâce  (2).  Nous  n'avons  pas 
honte  de  Tévangile  du  Messie,  car  il  est  la  force  de  Dieu  qui  aide 
au  salut  de  tous  les  croyants  (3);  et  comme,  par  la  miséricorde  du 
Messie  tout-puissant,  nous  avons  été  placés  serviteurs  de  l'évan- 
gile, nous  avons  la  vraie  foi  sans  reproches,  car  nous  sui- 
vons toujours  les  Livres  divins,  le  symbole  des  Saints  Pères  qui 
se  réunirent  à  Nicée  (1)  et  à  Kplièse  et  (l'enseignement)  de  Cy- 
rille (5),  évêque  mémorable  d'Alexandrie. 

Nous  prêchons  Notre-Seigneur  Jésus,  qui  naquit  dans  sa  di- 
vinité de  Dieu  le  Père  sans  commencement,  avant  les  siècles,  et 
dans  son  humanité  de  la  Vierge  Marie  à  cause  de  nous  et  pour 
notre  salut,  à  la  fin  des  temps;  Dieu  complet  et  homme  com- 
plet, car  il  prit  une  âme  intelligente  et  un  corps;  consubstan- 
tielau  Père  dans  sa  divinité  et  à  sa  mère  dans  son  humanité.  (18) 
Nous  attribuons  ainsi  deux  natures  à  Notre-Seigneur,  mais 
après  qu'il  eut  pris  un  corps  de  la  Vierge  et  après  son  incar- 
nation en  une  personne  et  une  substance  ;  nous  confessons  un 
Messie,  un  Fils,  un  Seigneur,  et  nous  ne  refusons  pas  de  dire  : 
une  nature  de  Dieu  le  Verbe  qui  prit  un  corps  et  s'incarna,  parce 
que,  avec  les  deux,  il  n'y  a  qu'un  seul  Seigneur  Jésus-Christ. 

De  Grégoire  le  Théologien,  évéque  de  Xazianze,  dans  s<>n 
discours  à  Syntacticus  :  Nous  avons  tout  dit  quand  nous  le  re- 
connaissons un  par  essence  et,  sans  division  d'adoration,  en 
trois  personnes,  ou  substances,  comme  le  préfèrent  quelques- 
uns.  Et  si  l'on  appelle  les  natures,  c'est-à-dire  les  essences, 
des  choses  subsistantes,  ce  qu'elles  ne  sont  pas,  comme  nous 
l'avons  montré  d'abord,  nous  dirons  :  ces  deux  natures  que  nous 
confessons  dans  cette  personne  unique  de  Dieu  le  Verbe  après 

(1)  A'oir  Migiio,  P.  !jr.,  t.  LXV,  col.,  8'.Kl,  sous  lo  titiv  :  'Avi-vcaçov  rf,;  io-.oyiipov 
uiCTTEw;    «tXaêtavoù   ÈTtiaxÔTiou    KwvffxavxtvouTvdXewç,    ÈTt'.ooÔeiar,;  Trap'  auTOÛ   a'.Tr;<TavTi 

"(•2)  Cf.  I  Pierre,  m,  15. 

(3)  Cf.  Rom.,  I,  16. 

(4)  Le  texte  grec  ajoute  ici  :  et  à  Constantinople. 

(5)  Le  texte  grec  porte  :  à  Éphèse  sous  [là  diroction  do)  Cyrille.. 


210  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

l'unité,  c'est-à-dire  la  divinité  et  l'humanité,  seront  donc  re- 
connues, d'après  leurs  noms,  comme  ses  choses  subsistantes; 
or,  si  tu  donnes  aussi  le  nom  de  choses  subsistantes  aux  per- 
sonnes, c'est-à-dire  aux  substances,  comme  on  l'a  dit  auparavant, 
nous  ne  pourrons  plus  dire  que  notre  essence  se  trouve  chez 
le  Messie,  ni  quant  au  nom,  ni  quant  à  la  chose,  comme  si 
elle  avait  en  lui  une  personnalité  caractéristique;  et  pour 
montrer  qu'il  en  est  ainsi,  écoute  les  paroles  analogues  à 
celles-là  que  disait  sat'nt  Athanase  dans  son  discours  contre 
Apollinaire;  il  disait  que  le  jMessie  ne  s'entend  pas  d'une  seule 
manière,  mais  que,  dans  ce  nom  qui  est  un,  on  trouve  l'indica- 
tion de  deux  choses  :  de  la  divinité  et  de  l'humanité  ;  et  le  divin 
Basile  enseigne  des  choses  analogues  dans  son  ouvrage  écrit 
pour  réfuter  Eunomius  (1).  Il  lui  dit  au  chapitre  quatre-vingt  : 
Si  tu  penses  que  l'homme  a  été  vaincu  par  la  puissance  de  la 
mort,  remarque  que  le  même  est  revenu  vainqueur  de  la  mort; 
il  faut  donc  considérer,  avec  humilité  et  crainte,  que  dans  un  et 
dans  le  même  on  voit  la  vérité  des  deux  natures,  je  veux  dire  de 
la  divinité  et  de  l'humanité  (2).  Cyrille,  véritable  rempart  (de 
l'Église),  adhérait  au  même  enseignement  quand  il  écrivait  à 
Eulogius  et  lui  disait  :  «  Quand  on  entend  parler  d'unité,  il  ne 
s'agit  pas  du  rassemblement  d'une  seule  chose,  mais  de  deux 
ou  de  plusieurs  qui  ont  des  natures  différentes  les  unes  des 
autres  (3).  »  Il  disait  encore  :  «  Que  répondent  à  cela  ceux  qui 
imposent  le  mot  d'unité  au  Messie?  Ils  nient  le  nom  des  choses, 
sous  le  prétexte  de  l'unité  vraie,  et  lorsqu'ils  se  croient  sages,  ils 
sont  insensés.  » 
De  Saint  F lavienV Ancien,  évêque  d'Antioche,  (19)  dans 


(1)  Ce  traité  se  trouve  chez  Migne,  P.  gr.,  t.  XXIX,  p.  498,  etc.  On  trouve  même 
(P.  gr.,  t.  XXX,  p.  835)  l'ouvrage  d'Eunomius  que  réfuta  Basile.  Dans  un  ouvrage 
du  v'=  siècle,  on  trouve  mentionné,  parmi  les  œuvres  de  Basile,   m.viQjc/  i.q\» 

lisxso  lo  .\  ->n  n  m;  ^o,.  Vie  de  Sévère,  éd.  Spanuth.  Gœttingue,  1893,  p.  14,1.  6.  —Le 
texte  cité  ici,  l'a  déjà  été  p.  6.  Une  partie  de  ce  texte  a  été  conservée  chez  Léonce  de 
Jérusalem  :  'Ex  toutou  oeï  (juvtopàv,  ôuw;  èv  tw  évl  xal  "zSxx.v-zCt  âxaxipa;  çûffswç  aTto- 
ôeiyô^  ri  à),Yi6£'.a.  • 

(2)  Cette  citation  ligure  déjà  plus  haut,  p.  6.  Ainsi  Grégoire,  comme  Léonce  de 
.Jérusalem,  fait  en  partie  les  mêmes  citations  que  Jean  Maron.  Quand  on  aura 
publié  tous  les  traités  contre  les  monophysites,  on  pourra  sans  doute  établir 
entre  eux  une  filiation,  et  montrer  que  leurs  citations  ne  sont  pas  toujours  de 
première  main,  mais  do  seconde  ou  de  troisième. 

(3)  Cité  plus  haut.  Y.  p.  10. 


OHUVRES    DE   JEAN    MAHON.  iill 

son  explication  de  l'évangile  de  Luc  l'évangêlisle  :  Notre- 
Seigneur  nous  écrit  en  toute  manière  comment  nous  devons 
honorer  Dieu  et  il  montre  souvent  sa  nature,  dont  les  signes  (1  ) 
et  les  manifestations  sont  nombreuses  et  évidentes  sur  son  ar- 
rivée dans  le  corps  et  sur  sa  divinité  qui  est  réalisée  dans  le 
corps,  car  il  tâche  que  nous  le  rencontrions  sous  ses  deux  na- 
tures. Et  saint  Basile  dans  le  livre  des  chapitres  dit  :  "  Par  ces 
paroles,  nous  ne  disons  pas  qu'il  y  a  deux  fils,  car  il  n'y  en  a 
qu'un,  mais  nous  voulons  faire  connaître  chacune  des  deux  na- 
tures. »  Pierre,  chef  des  Apôtres,  dit  :  «  Le  Messie  a  souffert 
pour  nous  dans  la  chair.  »  Cyrille  écrivit  aussi  à  Xiste,  évèque 
de  Rome  :  «  Je  connais  la  nature  de  Dieu  le  Verbe,  impassible 
et  immuable,  et  la  nature  passible  de  l'homme,  et  le  Messie  est 
un,  formé  des  deux  et  avec  les  deux  (2).  » 

Saint  Proclus,  évét/ue  de  Constantinople,  donne  les  mêmes 
enseignements  dans  son  discours  sur  le  dogme  du  samedi 
avant  le  carême  :  Le  même  est  véritablement  Dieu  et  homme, 
de  l'essence  du  Père  et  de  la  même  race  que  moi,  à  l'exception 
du  péché,  et  cela  ne  fait  qu'un  seul  fils,  car  les  deux  natures  ne 
furent  pas  divisées  en  deux  personnes,  mais  une  Providence 
vénérable  unit  les  deux  natures  en  une  personne  (3). 

Extrait  de  l'enseignement  de  saint  Sévère  (4)  de  sa  troi- 
sième lettre  à  Sergius,  surnommé  le  Grammairien  (5)  :  Tu 
me  disais  au  sujet  de  saint  Cyrille  :  «  Ce  Père  semble  dire  que  les 
natures  sont  unies  aux  propriétés  et  que  le  Verbe  de  Dieu  in- 
carné est  complètement  un,  quant  à  la  nature  et  quant  aux  pro- 
priétés, »  et  tu  ajoutais  que  je  t'en  avais  annoncé  autant  lorsque 
tu  me  questionnais.  —  S'il  a  prononcé  un  tel  jugement,  et  moi 
aussi  (je  l'ai  fait),  mais  comment  cela  (pourrait-il  être)  lorsque 
j'ai  confirmé  par  beaucoup  de  témoignages  et  ai  montré  qu'il 
ne  convient  pas  de  dire  d'Emmanuel  qu'il  a  une  essence  et  une 
signification  ou  une  propriété  (6)  ?  Ensuite  tu  combats  à  nou- 

(1)  Je  lis  pLfcj  au  lieu  do  1-:^-. 

(2)  Cité  plus  haut,  pp.  9-10. 

(3)  Ce  texte  existe  avec  quelques  mots  ou  plus  ot  sous  un  autro  titre  à  la 
page  16. 

(4)  îtfort  à  Alexandrie  en  854  des  Grecs  (543).  B.  H.  C.  E.,  I.,  p.  il,'. 

(5)  La  correspondance  de  Sergius  avec  Sévère  existe  au  British  Muséum  dans  le 
ms.  add.  17.154.  Cf.  catal.  Wright,  p.  557. 

((3)  Cette  phrase  est  chez  Léonce  de  Jérusalem  :  'laOi  ouv  [xr,  oûtw;  ëxeiv  tô  cù.rfiU, 


212  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

veau  contre  ces  paroles  et  tu  fais  une  apologie  à  leur  sujet;  tu 
apprendras  de  moi  que  nous  n'avons  jamais  enseigné  autre 
chose  (1):  que  le  mot  de  consubstantialité  (2)  n'est  pas  l'in- 
dice d'une  seule  signification,  mais,  quand  on  l'applique  à  la 
Sainte  Trinité,  il  a  rapport  à  la  nature  des  trois  personnes,  et 
quand  on  l'applique  à  l'Incarnation  divine,  il  indique  la  réu- 
nion naturelle  des  choses  qui  ont  (chacune)  une  essence,  et 
non  des  parties  d'une  seule  espèce.  (20)  Je  sais  parfaitement 
que  personne  de  ceux  qui  prônent  la  raison,  la  connaissance  et 
l'immortalité,  propriétés  de  l'àme  humaine,  n'osera  dire  que  ceci 
est  la  signification  d'une  seule  essence  avec  le  corps  mortel 
et  passible,  ou  pour  l'homme  qui  est  formé  des  deux;  à  plus 
forte  raison  et  de  la  même  manière  dirons-nous  courageuse- 
ment d'Emmanuel,  qu'aucun  homme  intelligent  ne  dira  que  la 
nature  du  Verbe  et  (celle)  de  la  chair  animée  et  intelligente 
qu'il  s'est  unie  personnellement  ne  forment  qu'une  essence  et 
n'ont  qu'une  signification  (3).  Je  n'ai  pu  voir  non  plus  comme 
tu  distingues  la  signification  des  natures  lorsque  tu  dis  que  la 
signification  du  Verbe  s'est  unie  à  la  signification  du  corps.  Le- 
quel des  Pères  à  la  parole  divine  as-tu  trouvé  qui  ait  jamais  in- 
troduit dans  l'Église  cette  doctrine  et  cette  parole  si  sotte?  Car 
tous  ne  prônaient  l'unité  de  nature  qu'afm  de  montrer  par  là  que 
les  significations  qui  vont  naturellement  ensemble  apparaissent 
clairement  unies.  Et  moi  qui  ai  prêché  durant  six  ans  (4)  dans 
l'Église  d'Antioche  et  qui  ai  écrit  de  nombreuses  lettres,  mon- 
tre-moi si  j'ai  dit  une  seule  fois,  n'importe  où,  qu'Emmanuel  est 
d'une  seule  essence  ou  d'une  seule  signification  ou  d'une  pro- 
priété. 

Du  même,  au  chapitre  neuf  de  son  second  discours  :  Que 
personne  ne  blâme  le  concile  de  Chalcédoine  d'avoir  reconnu 
deux  natures  dans  le  Messie,  Dieu  nous  en  garde,  mais  de  ce  qu'il 


•Ml  itpooaTïoçrjaavTÔ;  [ic-u  xat  ôià  TtXetovwv  ij.apTupiwv  à7roÔ£Î;avTo;,  w;  où  x^'^ 
XeyEtv  TÔv  'EjjLfjLavouriX  [j.tàs  oCiCTla;  ii  xal  ttoiôttito;  xat  Évà;  ioiw[j.aTo;.  ÎMaï,  t.  VII, 
p.  138. 

.(1)  Je  lis  :  tv-lv-/. 

(2)  Je  lis  :  )^.^j-.aji  comme  |i.a^Q-». 

(3)  Cette  dernière  phrase  est  encore  citée  chez  Léonce  de  Jérusalem  :  Maï,  t.  VIT, 
p.  138. 

(4)  512-518. 


(«OUVRES    DE   JEAN    MARO.V.  213 

a  refusé  de  reconnaître  l'unité  des  personnes,  celle  de  deux  (per- 
sonnes). 

Du  même,  au  chapitre  trente-deux  du  second  discours  : 
Comment  ne  serait-ce  pas  une  erreur  et  un  écart  en  dehors  de 
tout  l'enseignement  (de  l'Eglise)  que  Dieu  le  Verbe,  qui  est 
appelé  Messie  après  son  union  avec  la  ciiair  animée  d'une  àme 
intelligente,  ait  été  connu  avant  l'union  par  ce  qui  devait  cons- 
tituer le  Messie?  Et  Grégoire  le  Tliéologien  dans  son  panégyri- 
que a  dit  :  «  11  est  un  de  deux  et  deux  par  un.  » 

Du  même,  au  chapitre  trente  du  troisième  discours  <i 
Sergius  appeté  le  Grammairien  :  Ainsi  donc  par  le  seul  Em- 
manuel, deux  étaient  visibles,  Dieu  et  l'homme.  Et  si  quelqu'un 
interroge  sur  les  deux  qui  apparaissent  par  le  seul  Emmanuel, 
que  celui  qui  demande  cela  écoute  :  Grégoire  reconnaissait  aussi 
deux  natures  à  Dieu  et  à  l'homme  ;  il  disait,  en  effet,  dans  la  lettre 
à  Cledonius  :  (21)  «  Il  y  a  deux  natures,  Dieu  et  l'homme  (1).  » 
Si  donc  Grégoire  a  reconnu  deux  natures.  Dieu  et  l'homme,  il 
a  dit  par  là  même  que  Dieu  et  l'homme  apparaissaient  dans  le 
seul  Emmanuel  et  par  suite  nécessairement  que  deux  natures 
apparaissaient  par  le  seul  Emmanuel.  Et  comme  Emmanuel 
est  certainement  un  après  l'union ,  on  voit  après  l'union  deux 
natures  dans  le  seul  Emmanuel. 

Et  encore  au  chapitre  cent  deux  du  'PiAaXr/Jr.c  r2)  oit  il 
parle  de  Cyrille  dans  le  scholiuni  :  Quand  Dieu  le  Verbe  s'unit 
à  la  chair,  les  natures  demeurèrent  sans  confusion,  avec  l'unité 
et  le  rapprochement  de  deux  choses  qui  sont  et  demeurent  dans 
une  seule  personne  et  dans  un  seule  subsistance  du  Verbe  in- 
carné. C'est  ce  qu'on  appelle  l'unité  personnelle. 

Du  même,  dans  ce  quil  écrivit  à  Nephatius  (3).  Nous  sa- 
vons, nous  aussi,  que  les  natures  qui  constituent  le  Messie  de- 
meurèrent sans  confusion  et  sans  changement,  ainsi  la  chair 


(1)  Cité  plus  haut,  p.  6. 

(2)  Cet  ouvrage  de  Sévère  est  mentionné  par  Bar  Ilébrous  et  existe  au  British 
Muséum.  Cf.  Chron.  ecclés.,  I,  190,  et  Catal.  des  mss.  syi-.  du  British  Muséum.  OôTb, 
926a,  935a,  943b.  Zacharie,  dans  la  Vie  de  Sévère,  p.  28  (Spanuth,  Gœttingue^  181)3, 
32  pages  in-4°),  nous  donne  la  cause  de  la  composition  de  cet  ouvrage  :  Sévère 
voulut  réfuter  les  Nestoriens  qui  tronquaient  des  passages  de  Cyrille  pour  faire 
croire  qu'il  enseignait  leurs  erreurs. 

(3)  Léonce  de  Jérusalem  cite  aussi  le  symbole  de  la  foi  ■:ïpô;  >'r,?i).'.ov.  Mai, 
t.  VII,  p.  136. 


214  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

demeura  chair  et  la  divinité  divinité,  aucune  d'elles  ne  passa 
à  la  nature  de  l'autre. 
Fin,  avec  Vaide  de  Dieu,  des  témoignages  des  Saints  Pères. 


Profession  de  la  foi  orthodoxe  du  saint  concile  réuni  à 
Antioche  (1)  au  temps  de  Gallien,  empereur  de  Constanti- 
nople  (2).  Les  chefs  de  ce  concile  étaient  Denys,  évêque  de  Rome, 
Denys,  évêque  d'Alexandrie,  et  Grégoire  le  Thaumaturge,  évêque 
de  Néocésarée  dans  le  Pont. 

Nous  croyons  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  qui  naquit  de 
Dieu  le  Père  avant  le  temps  par  le  Saint-Esprit  et  naquit  à  la 
fin  des  jours  de  la  Vierge,  est  une  personne  composée  de  la  di- 
vinité céleste  et  de  la  chair  humaine. 

Même  avec  ce  qu'il  tient  de  l'homme  il  est  Dieu  complet,  et 
même  avec  la  Divinité  il  est  homme  complet;  mais  il  n'est  pas 
homme  en  tant  que  Dieu;  de  même  il  est  adorable  tout  en- 
tier même  avec  le  corps,  mais  il  n'est  pas  adorable  en  tant 
que  corps;  il  prie  même  avec  la  divinité,  mais  il  ne  prie  pas 
en  tant  que  Dieu;  il  est  tout  entier  incréé  même  avec  le  corps, 
mais  il  n'est  pas  incréé  en  tant  que  corps.  Il  a  été  fait  tout 
entier  même  avec  la  Divinité,  mais  il  n'a  pas  été  fait  en  tant 
que  Dieu,  car  il  estde  l'essence  de  Dieu,  même  avec  le  corps,  mais 
il  n'est  pas  de  l'essence  de  Dieu  en  tant  que  corps.  De  même, 
il  n'a  pas  l'essence  humaine  en  tant  que  Dieu,  mais  plutôt  il 
a  notre  essence  par  la  chair  avec  la  divinité.  De  même,  quand 
nous  le  disons  de  la  nature  divine  par  l'esprit,  nous  ne  le  di- 
sons pas  de  la  nature  de  l'homme  par  l'esprit,  et  quand  nous  le 
proclamons  de  la  nature  de  l'homme  par  la  chair,  nous  ne  le 
proclamons  pas  de  la  nature  de  Dieu  par  la  chair.  De  même 
(22)  il  n'est  pas  de  notre,  nature  par  l'Esprit ,  mais  il  est  par  là 
de  la  nature  divine  ;  et  il  n'est  pas  de  la  nature  divine  par  la 
chair,  mais  bien  de  la  nature  humaine.  Nous  avertissons  de  ces 
choses  et  nous  le  décrétons,  non  pour  séparer  chaque  personne 
qui  est  inséparable,  mais  pour  marquer  la  distinction  des  pro- 
priétés de  la  divinité  et  de  la  chair. 


(1)  L'an  264. 

(2)  253--268. 


(»i:i;mii;s  dp;  .iean  .makon.  21.") 

Van  six  cent  trente-six  d'Alexandre  (I),  la  vinfjtièmc 
année  de  l'empereur  victorieux  Constantin,  se  réunit  le  saint 
concile  de  Nicée;  Sylvestre  était  patriarche  de  Rome, 
Alexandre  d'Alexandrie,  Eustathius  d'Antioche,  Macaire  de 
Jérusalem  et  Alexandre  de  Constantinoph'. 

Il  anathûmatisa  Timpie  Arius,  et  Kusèhe  de  Nicoméilie  et 
Théognis  de  Nicée  avec  tous  leurs  adhérents  et  ceux  qui  se 
trompèrent  à  leur  suite.  Voici  la  cause  pour  laquelle  ces  irapies 
furent  anathéniatisés  :  ils  disaient  dans  leurs  blasphèmes  que 
le  fils  vivant  de  Dieu  n'était  qu'une  créature,  qu'il  était  l'esclave 
et  le  serviteur  de  Dieu  tout  en  étant  la  première  des  créatures. 
A  cause  de  ces  blasphèmes  et  d'autres  semblables,  le  saint 
concile  les  anathématisa  ainsi  que  tous  leurs  adhérents;  il  dé- 
créta vingt  canons  et  le  symbole  suivant  : 

Nous  croyons  en  un  Dieu,  pèro  tout-puissant,  créateur  du  ciel 
et  de  la  terre  et  de  toutes  les  choses  visibles  et  invisibles,  et  en 
un  Seigneur  Jésus-Christ,  fds  unique  de  Dieu  ;  c'est  celui-ci  qui 
fut  engendré  du  Père,  de  l'essence  du  Père,  avant  tous  les 
siècles,  lumière  de  lumière.  Dieu  vrai  de  Dieu  vrai,  engendré 
et  non  créé,  de  même  essence  que  son  Père,  de  la  nature  du  Père 
par  laquelle  tout  fut  (fait).  Pour  nous  autres  hommes  et  pour 
notre  salut,  il  descendit  du  ciel,  il  prit  un  corps  du  Saint-Esprit 
et  de  la  Vierge  Marie  et  fut  homme.  Il  fut  crucifié  pour  nous  au 
temps  de  Ponce  Pilate,  souffrit,  mourut,  fut  enterré,  ressuscita 
le  troisième  jour  comme  il  était  écrit,  monta  au  ciel,  s'assit  à 
la  droite  de  son  père  d'où  il  viendra  avec  grande  gloire  pour 
juger  les  vivants  et  les  morts,  et  son  royaume  n'aura  pas  de 
fm.  (Nous  croyons)  au  Saint-Esprit,  le  maître  qui  vivifie  tout, 
qui  procède  du  Père  et  est  adoré  et  loué  avec  le  Père  et  le  Fils, 
qui  a  parlé  par  les  prophètes  et  les  apôtres.  (Nous  croyons)  en 
une  Église  sainte,  catholique  et  apostolique.  Nous  confessons  un 
baptême  pour  la  rémission  des  péchés;  nous  attendons  la  ré- 
surrection des  morts  et  la  vie  nouvelle  du  monde  futur.  Amen. 
Et  ceux  qui  disent  du  Saint-Esprit  (23)  qu'il  y  eut  un  temps  où 
il  n'existait  pas,  qu'il  vint  de  rien,  ou  d'une  autre  personne,  ou 
qu'il  est  d'une  autre  nature,  ceux-là  sont  anathéniatisés  par 
l'Église.  Et  ceux  qui  disent  du  Fils  du  Dieu  vivant  qu'il  est  une 

(1)  325  de  notre  ère. 


2W  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

créature  ou  qu'il  est  sujet  au  changement  et  aux  transforma- 
tions, ceux-là  sont  maudits  par  la  Sainte  Église  Catholique  et 
Apostolique. 

Définition  que  firent  les  saints  dans  le  même  concile  de  Nicée 
au  sujet  de  la  Trinité  consubstantielle. 

De  même  nous  croyons ,  nous  confessons  et  nous  adorons  la 
Trinité  sainte  dans  une  unité  sans  confusion,  et  de  la  même 
manière  l'unité  sainte  dans  la  Trinité  sans  séparation,  sans 
commencement  et  sans  division.  De  même  que  la  Trinité  sainte 
existe  sans  confusion,  elle  existe  aussi  sans  division  :  sans  con- 
fusion à  cause  de  la  propriété  (1)  des  personnes;  sans  division, 
car  elle  est  toute-puissante  et  le  Fils  est  tout-puissant,  et  le 
Saint-Esprit  est  tout-puissant.  Les  trois  personnes  sont  sans 
commencement  et  éternelles,  elles  existent  dans  l'unité  qui  est 
dans  la  Trinité,  incréées,  indivisibles,  sans  confusion,  insépa- 
rables, sans  commencement,  éternelles,  consubstantielles, 
inaccessibles,  comme  il  est  écrit.  Nous  avons  un  Dieu  dont  tout 
(procède),  à  lui  la  gloire  avec  son  Fils  chéri  et  le  Saint-Esprit 
consubstantiel.  Amen. 

Fin  du  concile  de  Nicée.  Que  sa  prière  soit  avec  nous. 

On  réunit  encore  le  concile  des  cent  cinquante  Saints  Pères 
en  la  ville  impériale  de  Constantinople,  Van  six  cent  soixante 
d'Alexandre  (2),  et  la  seconde  année  de  Théodose,  empereur 
puissant  et  chrétien  sincère,  loi^sque  Damase  était  patriar- 
che de  Rome;  et  Timothée,  frère  de  saint  Pierre,  patriar- 
che d' Alexandrie  ;  et  Mèlèce,  patriarche  d'Antioche,  mais 
il  mourid  durant  le  concile  et  Flavien  le  remplaça;  et 
Cyrille,  évéque  de  Jérusalem;  et  Nectaire,  de  Constanti- 
nople. 

Il  anathématisa  Macédonius  qui  enseignait  que  le  Saint- 
Esprit  était  une  créature  faite  par  le  Fils.  Aussi  cet  impie  fut 
anathématisé  dans  ce  concile  ainsi  que  tous  ses  adhérents  et  on 
décréta  quatre  canons  et  une  définition  de  la  foi  orthodoxe, 

(1)  Le  scribe  avertit  ici  que  son  ms.  porte  \io^^j^^^,runilé.  Il  a  remplacé  ce  mot 
dans  le  texte  par  li-o-p,  la  propriélé. 

(2)  En  381.  La  date  précédente  est  inexacte.  Il  faut  lire  :  en  692  de  l'ère  d'A- 
lexandre. 


«KUVHHs  dp;  .fkax  .maf{on.  217 

celle  qui  avait  été  promulguée  par  les  Saints  Pères  au  concile  de 
Nicée,  et  on  y  ajouta  :  et  cti  un  Seigneur  le  Saint-Esprit,  etc., 
et  ils  l'appelèrent  Seigneur  et  Dieu  et  vivifiant  tout,  et  (ils 
confessèrent)  un  baptême  et  la  résurrection  des  morts  et  la 
vie  nouvelle  du  monde  futur,  amen. 

Concile  d'Éphèse,  l'an  (24)  sept  cent  (juaranie-trois  d'A- 
lexandre le  Macédonien,  la  vingt-deuxième  année  du  règne 
de  Théodose  le  jeune  (1),  lorsque  Célestin  était  patriarclie 
de  Rome,  Cyrille  d'Alexandrie,  Juvénal  de  Jérusalem,  Jean 
d'Antioche  et  Nestorius  de  Constantinople. 

Nestorius  fut  déposé  et  remplacé  par  Maxime;  il  fut  anatlié- 
matisé  parce  qu'il  ne  voulut  pas  appeler  la  Sainte  Vierge  Marie 
mère  de  Dieu  mais  mère  du  Messie,  et  il  n'appelait  pas  le 
fils  de  Dieu  fds  de  la  Vierge  mais  fils  de  lliornrne,  comme 
l'un  des  prophètes;  il  appelait  celui  qui  naquit  de  la  \'ierge 
Marie  un  simple  homme,  et  le  Verbe  vint  et  demeura  en  lui. 
Il  fut  anathéraatisé  et  chassé  de  ce  saint  synode  avec  tous  ceux 
qui  adoptèrent  son  abominable  enseignement,  à  cause  de  ces 
blasphèmes  qu'il  avait  prononcés.  (Ce  cojicile)  confirma  le 
concile  de  Nicée  à  l'occasion  du  symbole  impie  que  présentèrent 
les  prêtres  Pélad  et  Pléia  et  ce  saint  concile  enseigna  que  Marie 
est  vraiment  et  sans  aucun  doute  mère  de  Dieu;  il  anathé- 
matisa  tous  ceux  qui  ne  la  reconnaîtraient  pas  pour  mère  de 
Dieu,  au  contraire  des  enseignements  impurs  et  trompeurs 
de  l'impie  Nestorius. 

Anathème  qui  fut  envoyé  à  Nestorius  en  personne,  un  jour 
après  qu'il  eut  été  décrété  par  le  concile  : 

Nous,  le  saint  concile,  qui,  par  la  bonté  de  Dieu,  selon  l'ordre 
des  illustres  empereurs  fidèles  et  aimant  Dieu,  nous  sommes 
rassemblés  à  Éphèse  :  0  Nestorius,  nouveau  juif,  sache  qu'à 
cause  de  ta  prédication  impie  et  de  ta  rébellion  contre  les  ca- 
nons orthodoxes,  selon  les  lois  de  l'Église,  le  -22  du  mois  cou- 
rant de  Khaziran  (juin),  tu  es  rejeté  du  concile  et  tu  deviens 
étranger  à  toute  l'étendue  de  l'Église. 

Nous  commençons  le  concile  de  Chalcédoine  qui  fut  réuni 

(1)  En  431. 


218  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Van  762  cV Alexandre  (1),  la  première  année  de  l'illustre 
empereur  Marcien;  lorsque  Léon  était  patriarche  de  Rome, 
Dioscore  d'Alexandrie  {celui-ci  fut  déposé  et  saint  Protérius 
le  remplaça),  Maxime  d'Antioche,  Juvénal  de  Jérusalem  et 
Anatole  de  Constantinople. 

Il  anathématisa  le  rebelle  Nestorius  qui  renia  la  mère  de 
Dieu,  la  Sainte  Vierge  Marie,  quand  il  dit  qu'elle  était  la  mère 
d'un  simple  homme;  il  anathématisa  Eutychès  et  Dioscore,  son 
partisan,  parce  qu'ils  imaginèrent  que  la  divinité  et  l'humanité 
de  Notre-Seigneur  ne  formaient  qu'une  nature  composée,  im- 
piété qui  surpasse  toutes  les  impiétés  et  tous  les  blasphèmes.  Il 
confirma  la  foi  de  Nicée,  fit  trente-six  canons,  et  à  la  fin  (25)  de 
chaque  canon  il  prononça  un  anathème  contre  celui  qui  s'écarte 
de  la  foi  des  trois  cent  dix-huit  Pères  de  Nicée  et  y  change  si 
peu  que  ce  soit  en  mal.  Et  ceux  qui  furent  anathématisés,  chassés 
et  rejetés  de  la  Sainte  Église,  se  mirent  à  aiguiser  leur  langue 
injuste  et  dirent  que  le  concile  n'avait  pas  été  réuni  selon  les 
règles.  Le  saint  concile  des  six  cent  trente-six  Pères  fit  aussi 
la  profession  de  la  vraie  foi  suivante  :  «  Nous  adhérons  aux 
Saints  Pères  de  Nicée,  nous  confessons,  et  enseignons  tous  à 
confesser,  un  seul  fils  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  complet 
dans  la  divinité,  consubstantiel  avec  le  Père  et  l'Esprit,  et 
complet  dans  son  humanité  comme  nous  à  l'exception  du  péché, 
unité  sainte  de  deux  natures,  car  le  Verbe  est  Dieu  en  vérité, 
et  le  même  est  homme  complet  avec  une  âme  rationnelle  et  un 
corps,  de  la  nature  du  Père  par  sa  divinité  et  de  notre  nature 
par  son  humanité,  semblable  à  nous  en  tout  à  l'exception  du 
péché,  né  du  Père  avant  les  siècles,  sans  commencement  par 
sa  divinité  et  né  de  Marie  sans  changement  à  la  fin  des  temps, 
pour  notre  salut,  par  son  humanité.  Le  même  est  un  seul  Fils 
et  un  Seigneur  unique,  grâce  à  la' sainte  unité  en  deux  natures, 
sans  confusion,  sans  changement  et  sans  division.  Cette  unité 
n'enlève  aucunement  la  diversité  des  deux  natures,  mais  con- 
serve plutôt  chacune  des  natures  dans  sa  propriété,  c'est-à-dire 
chaque  être  demeure  ce  qu'il  est,  et  concourt  en  une  seule  per- 
sonne. Il  n'est  pas  divisé  en  deux  personnes  ou  séparé  ou 
mélangé  en  rien,  mais  il  est  un  seul  et  Fils  unique.  Dieu  le 

(1)  En  451 . 


i»i;uvRi:s  i)K  .ii:an  mahox.  219 

Verbe,  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  comme  les  prophètes  l'a- 
vaient prévu  d'avance  à  son  sujet,  comme  Xotre-Scifriitur 
Jésus-Clirist  nous  Ta  enseigné  et  selon  le  symbole  que  nous 
léguèrent  nos  pères  de  Nicée.  » 

Telle  est  la  profession  de  loi  des  Saints  Pères  rassemblés  ;iii 
concile  de  la  ville  de  Chalcédoine,  dans  laquelle  ils  professent 
que  la  Sainte  Vierge  est  mère  de  Dieu  et  que  Dieu  le  Verbe 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ  n'a  qu'une  seule  personne.  Ils 
confessèrent  aussi  qu'il  y  a  union  sans  division,  ni  séparation, 
ni  mélange,  ni  confusion.  En  plus,  ils  anatliématisèrent  .Xes- 
torius,  Eutychès,  et  Dioscore  partisan  d'Eutychès,  qui  le  rerut 
dans  sa  communion  au  second  concile  d'Éphèse.  Léon  et  toute 
l'assemblée  adhérèrent  à  cela. 

Ainsi,  mes  frères,  fidèles  cro3^ants,  fds  de  la  sainte  Église 
catholique,  soyez  de  vrais  chercheurs  et  instruisez-vous  les  uns 
les  autres;  voyez  ce  qui  a  été  professé  par  le  saint  concile  et 
par  saint  Léon  et  ce  qui  a  été  enseigné  par  nos  (26)  Saints 
Pères  que  nous  avons  cités  ci-dessus;  voyez  comme  leurs 
témoignages  concordent  bien  avec  les  nôtres  du  concile  de 
Chalcédoine  où  la  vérité  a  témoigné  par  le  pape  de  Home  saint 
Léon  et  les  six  cent  trente-six  saints. 

Que  leur  prière  soit  avec  nous  et  avec  vous.  Amen. 


Quelques  questions  contre  ceux  qui  ne  reconnaissent 
qu'une  nature  dans  le  Messie,  c'est-à-dire  contre  ceux  qui 
confondent  et  mélangent  la  simplicité  de  la  nature  de  Dieu 
le  Verbe  avec  la  chair,  et  disent  qu'il  n'a  qu'une  nature  (1). 

Dites-nous,  ô  saints  frères,  cette  nature  unique  que  vous 
confessez  dans  Notre-Seigneur  après  l'unité  est-elle  consubs- 
tantielle  au  père,  oui  ou  non? 

S'ils  disent  oui,  il  s'ensuit  que  la  chair  est  de  même  na- 
ture que   Dieu  ;  s'ils  disent  non,  il  s'ensuit  qu'à  cause  de  la 

(1)  Léonce  de  Jérusalem  emploie  contre  ces  monophysites  le  même  mode  de 
raisonnement  que  Jean  Maron,  Mai,  t.  VII,  p.  119-1-22;  au  lieu  de  queh/ues  (jues- 
lions,  on  pourrait  traduire  résumé.  Ce  résumé  pourrait  être  fait  par  Jean  Maron 
d'après  un  autre  ouvrage  ou  bien  par  un  anonyme  d'après  un  travail  plus  long 
de  Jean  Maron. 


220  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

chair,  le  Fils  ne  sera  pas  cousubstantiel  au  Père.  —  Et  après 
l'avoir  embarrassé  ainsi,  demande-lui  encore  :  Dis-moi  par 
quelle  nature  il  est  égal  au  Père  et  par  quelle  nature  il  est 
égal  à  l'homme;  s'il  dit  :  Il  est  égal  au  Père  par  la  nature 
divine  et  à  nous  par  la  nature  humaine,  il  confesse  donc  deux 
natures  après  l'union.  — Et  s'il  ne  le  veut  pas  (on  dira)  :  Cette 
nature  que  vous  confessez,  est-ce  celle  qui  existait  avant  l'union, 
oui  ou  non?  S'ils  disent  oui,  il  s'ensuit  que  ce  n'est  pas  cette 
nature  formée  de  deux,  et  s'il  te  dit  non,  dis-lui  alors  :  Tu 
formes  une  nouvelle  nature  après  l'union,  laquelle  n'est  ni 
divine  ni  humaine.  —  Dis-lui  :  0  père,  est-ce  que  le  Père  et  le 
Verbe  n'ont  qu'une  nature,  oui  ou  non?  S'il  dit  oui,  tu  seras  en 
droit  de  lui  demander  :  Le  Père,  Dieu  le  Verbe  et  la  chair 
forment-ils  une  nature,  oui  ou  non?  S'il  dit  oui,  tu  répondras  : 
Alors  le  Père,  le  Verbe  et  la  chair  du  Verbe  ne  forment  qu'une 
nature;  comment  un  tel  manque  d'intelligence  peut-il  avoir 
lieu,  le  Père  et  la  chair  de  Dieu  le  Verbe  ne  former  qu'une 
nature!  —  Dis-moi,  cette  nature  unique  et  composée  que  tu 
attribues  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  est-elle  dans  la  Trinité 
ou  en  dehors  de  la  Trinité,  oui  ou  non?  S'il  dit  oui,  réponds  : 
c'est  impossible,  mais  le  Verbe  en  particulier  a  uni  sa  nature 
divine  à  la  nature  humaine  en  dehors  du  péché.  —  Cette  nature 
unique  que  tu  prônes  en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  est-elle 
consubstantielle  à  son  père  ou  à  Marie  ?  Si  tu  dis  :  Au  Père,  tu 
nies  l'humanité;  si  tu  dis  :  A  Marie,  tu  le  fais  un  simple  homme. 
—  Dis-moi,  ô  père,  la  nature  que  le  Verbe  avait  avant  l'union, 
l'a-t-il conservée  après  l'union,  oui  ou  non?  S'il  dit  oui,  réponds  : 
Tu  as  raison;  s'il  dit  non,  réponds-(27)  lui  :  Il  a  donc  changé, 
et  s'il  est  vrai  que  cette  nature  est  éternelle,  qu'elle  n'augmente 
ni  ne  diminue  et  ne  reçoit  pas  d'accroissement,  comment  cela 
peut-il  être?  et  alors,  dis-moi,  cet  homme  complet  qu'il  s'est 
uni,  à  l'exception  du  péché,  comment  pouvait-il  être  de  la 
nature  humaine  que  tu  renies?  —  Dis-nous,  ô  père  :  ces  deux 
natures  qui  s'unissent  sont-elles  caractéristiques,  oui  ou  non?  S'il 
répond  qu'elles  sont  caractéristiques,  il  va  contre  la  vérité,  car 
il  donne  au  Messie  deux  personnes  ou  figures;  dis-lui  alors: 
Grégoire  a  dit  que  des  natures  caractérisées  ne  peuvent  s'unir 
ensemble,  comment  dis-tu  qu'il  n'y  a  pas  de  nature  sans  per- 
sonne. —  Dis-moi,  ô  saint  père,  la  divinité  et  l'humanité  ne 


(«OUVRKS    DE   JKA.V    MAIiuX.  -^21 

forment-elles  qu'une  nature,  oui  ou  non?  S'il  répond  oui,  Haiui 
CijriUe  d' Alexandrie  le  blâme  dans  le  discours  qu'il  écrivit 
à  l'empereur  Théodose;  il  dit,  en  effet  :  La  «iivinilé  et  l'huma- 
nité ne  forment  pas  une  seule  nature;  Grét/o/j-c  de  \ysse  et 
Grégoire  de  AY/:./^^>/;t' disent  aussi  que,  mémo  dans  l'union  inef- 
fable et  inexplicable,  deux  ne  font  qu'un,  mais  pas  dans  une 
nature.  —  Dis-nous,  opère,  cette  nature  qui  résulte  de  deux,  est- 
elle  la  nature  unique  du  Père  et  du  Fils  ou  bien  une  autre  ? 
S'il  dit  que  c'est  la  nature  du  Père  et  du  Fils,  il  se  trompe,  car 
celle  du  Père  ne  résulte  pas  de  deux  ;  s'il  dit  que  c'en  est  une  autre, 
qu'il  nous  indique  laquelle;  Cyrille  lui  dit  alors  :  «  Les  natu- 
res sont  demeurées  distinctes  dans  l'union  »  ;  et  Paul  dit  :  «  Il 
créa  les  deux  en  personne  et  il  ajusta  les  deux  en  un  corps  avec 
Dieu,  et  il  fit  les  deux  un  »  ;  cela  montre  qu'il  y  a  une  personne 
formée  de  deux  natures.  —  Dis-moi,  ô  père,  le  Messie,  après 
l'union,  peut-il  être  connu  et  dans  la  divinité  et  dans  l'hu- 
manité, oui  ou  non?  S'il  dit  non,  il  se  trompe,  car  il  rend  vaines 
l'humanité  et  la  divinité  de  Noire-Seigneur  Jésus-Christ;  s'il 
dit  oui,  on  voit  dès  lors  avec  évidence  que  (le  Messie i  se  ma- 
nifesta en  deux  natures.  S'il  t'interpelle  avec  mauvaise  vo- 
lonté et  dit  qu'il  n'y  a  pas  de  nature  sans  personne  (I), 
réponds-lui  :  Si  la  chair  ne  subsiste  pas  par  elle-même,  elle 
n'est  pas  une  personne;  mais  si  tu  confesses  qu'elle  subsiste  par 
elle-même,  alors  il  l'a  revêtue  et  voilà  que  nous  avons  une  per- 
sonne dans  une  autre  personne,  comme  l'a  dit  \eslorius,  et  l'on 
aura  vu  l'homme  qui  revêt  Dieu,  comme  un  prophète,  et  non 
Dieu  qui  revêt  l'homme,  ainsi  que  le  dirent  Paul  de  Samosate  et 
Artémon.  Mais  si  le  Verbe  de  Dieu  n'a  qu'une  personne,  et  si 
le  vêtement  des  membres  a  été  composé  dans  la  personne  du 
Verbe  et  n'a  pas  été  constitué  en  dehors  d'elle,  on  voit  très 
bien  qu'il  n'y  a  qu'une  personne  ayant  l'union,  pendant  l'union 
et  après  l'union  de  l'incarnation,  et  la  chair  forme  une  na- 
ture, sans  être  un  mot  vain  et  trompeur,  comme  l'a  dit  Manès, 
et  elle  n'est  pas  confondue  avec  la  nature  du  Verbe,  comme 
l'a  dit  Apollinaire,  et  elle  ne  possède  pas  une  âme  sans  intel- 
ligence, comme  l'a  dit  Eutijchès  (28)  l'insensé  ;  mais  elle  a  une 
âme  intelligente.  Et  je  ne  place  pas  cette  chair  en  dehors  du 

(1)  Telle  était  au  fond  la  conviction  des  Jacobites.  Aussi  pour  eux  les  catholiques 
étaient  des  Nestoriens. 

ORIEM   CHRÉTIEN.  16 


222  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Verbe,  ni  avant  l'union,  ni  après  ;  car  dès  que  la  chair  exista, 
elle  fut  aussitôt  la  chair  de  Dieu  le  Verbe,  elle  fut  aussitôt 
trouvée  la  chair  de  Dieu  qui  voulut  s'incarner.  Si  la  chair  a  été 
formée  par  le  Saint-Esprit  dans  la  personne  du  Verbe,  qui 
osera  dire  follement  que  la  chair  est  en  dehors  d'elle?  Ceux-ci 
cherchent  à  n'avoir  qu'une  personne,  en  disant  que  la  chair 
qui  est  en  dehors  de  la  personne  n'est  pas  subsistante,  car 
si  c'est  une  personne  en  dehors  d'une  personne  subsistante, 
ils  doivent  reconnaître  deux  personnes.  Il  ne  leur  suffit 
pas  de  l'exemple  de  l'àme  qui  ne  précède  pas  le  corps  dans 
le  sein,  et  si  personne  ne  sait  où  l'àme  et  le  corps  s'unis- 
sent, à  plus  forte  raison  ni  les  hommes,  ni  les  anges,  ni  les 
chérubins,  ni  les  séraphins  ne  sauront  où  a  lieu  cette  union  du 
Fils,  si  ce  n'est  le  Fils  lui-même.  Mais  vous,  ô  contempteurs, 
pour  qui  la  nature  et  la  personne  ne  font  qu'un,  il  faut 
donc,  partout  où  les  Saints  Pères  parlent  de  trois  personnes 
dans  la  Trinité  sainte  d'une  seule  essence  et  nature,  que  vous 
y  reconnaissiez  trois  natures,  comme  les  Ariens  et  les  Euno- 
méens,  et  partout  où  ils  parlent  d'une  nature,  vous  devez 
comprendre  une  personne  comme  Sabellius;  et  quand  vous 
dites  que  deux  natures  forment  une  personne  pour  le  Messie, 
vous  entendez  donc  qu'elles  forment  une  nature  (composée)  de 
la  chair  et  de  la  divinité  comme  Apollinaire. 


Nous  écrivons  encore  quelques  mots  contre  les  Nestoriens. 

L'apôtre  saint  Pauld.àX\  :  «  Dieu  s'est  réconcilié  avec  nous  par 
la  mort  de  son  Fils  »  ;  et  encore  :  «  Il  n'a  pas  épargné  son  Fils, 
mais  l'a  livré  pour  nous  tous  »;  et  encore  :  «  Il  a  parlé  avec 
nous  par  son  Fils  ».  Si  donc  tu  reconnais  deux  personnes,  quelle 
sera  cette  personne  (dont  parle  l'apôtre)?  sera-t-elle  divine  ou 
humaine?  Et  si  tu  places  dans  le  Messie  deux  natures  ou  per- 
sonnes, crois-tu,  oui  ou  non,  que  l'enseignement  de  la  Sainte 
Église  reconnaît  trois  personnes?  Si  tu  reconnais  trois  person- 
nes, places-tu  en  dehors  de  l'adoration  l'une  de  ces  trois  per- 
sonnes que  tu  reconnais  dans  le  Messie,  ou  le  Père,  ou  le  Fils, 
ou  le  Saint-Esprit?  Et  si  tu  enlèves  à  l'adoration  l'une  de  ces 
personnes  que  tu  places  dans  le  Messie,  comment  es-tu  chré- 


ŒUVRES    DK    .fKAX    MAUON.  2'23 

tien,  toi  qui  ne  révères  pas  celui  qui  est  né,  a  souffert,  (29)  a 
été  crucifié,  ef  (enfin)  est  mort  pour  nous.  Et  si  tu  ne  confesst'S 
pas  trois  personnes,  comment  peux-tu  ne  pas  te  faire  païen, 
lorsque  tu  adores  une  quadruplicité,  c'est-à-dire  une  créature. 

Celui  qui  adore  quatre  personnes,  est-il  chrétien,  oui  ou  non? 
—  S'il  répond  non,  demande-lui  :  Dis-moi,  frère,  le  Messie  est-il 
Dieu  ou  homme?  et  s'il  te  répond  qu'il  est  homme,  il  confesse 
ainsi  quatre  personnes,  car  l'homme  ne  peut  pas  exister  sans 
personne.  — Demande-lui  encore  :  Qu'est  donc  ce  Messie?  est- 
il  Dieu  ou  homme?  S'il  répond  qu'il  est  Dieu,  dis  :  Alors  le  Père 
est  aussi  Messie.  —  Demande-lui  encore  :  Ce  Messie  lui-même, 
qu'est-il?  Si  tu  dis  :  c'est  Dieu  incarné  et  fait  homme,  tu  indiques 
une  chair  animée  d'une  âme  rationnelle  et  capable  de  connais- 
sance, car  Paul  a  dit  :  «  Par  là  est  apparu  le  Messie  dans  la 
chair,  il  est  le  Dieu  de  l'univers.  »  Ce  qu'on  ciierchait  est  dé- 
montré, Jean  VÉvangéliste  a  dit  :  «  Au  commencement  était 
le  Verbe  et  le  Verbe  était  en  Dieu,  et  le  Verbe  était  Dieu.  »  Ce 
Verbe  qui  au  commencement  était  en  Dieu,  est-il  celui  qui  a 
apparu  aux  Juifs  dans  la  chair,  et  le  Dieu  de  l'univers,  ou  bien 
ce  Messie  incarné  est-il  un  autre  Dieu  ?  Or  le  prophète  Isaïe  a 
dit  :  «  Un  fds  nous  est  né,  et  un  enfant  nous  est  donné,  et  son 
nom  est  appelé  Admirable,  Conseiller,  Dieu  puissant  des  siècles  »  ; 
or  ce  fds  qui  nous  a  été  donné  et  qui  est  appelé  Admirable, 
Conseiller,  Dieu  puissant  des  siècles,  est-il  Dieu  le  \'erbe  qui 
était  au  commencement  auprès  de  Dieu,  comme  il  est  écrit,  ou 
bien  est-il  un  autre  Dieu  ?  S'il  est  le  même,  nous  voyons  évi- 
demment que  Dieu  le  Verbe,  qui  naquit  dans  la  chair,  est  le 
même  que  le  Messie  qui  apparut  aux  Juifs  dans  la  chair,  lequel 
est  le  Dieu  de  l'univers  pour  ceux  qui  le  connaissent  et  le  con- 
fessent, et  il  fut  appelé  Admirable  et  Dieu  vrai.  Si,  au  contraire. 
Dieu  le  Verbe  qui  était  au  commencement  auprès  de  Dieu, 
est  différent  du  fds  qui  naquit  pour  nous  et  fut  nommé  Dieu 
puissant  des  siècles,  voilà  que  tu  introduis  un  nouveau  Dieu  et 
tu  deviens  répréhensible,  parce  que  tu  en  fais  deux,  et  Jean 
l'Évangéliste  a  dit  :  «  Le  Dieu  unique,  qui  est  dans  le  sein  de 
son  Père,  celui-là  nous  l'a  raconté.  »  —  Dis-nous,  ô  saint  frère, 
au  sujet  de  ce  fds  unique  de  Dieu,  est-il  le  Fils  de  Dieu  qui  naquit 
de  la  race  de  David,  ou  bien  un  autre  ?  S'il  est  celui-là,  voici 
que  le  Fils  de  Dieu  est  né  dans  la  chair;  si  tu  dis  que  le  Fils 


224  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

unique  de  Dieu  dans  le  sein  de  son  Père  est  différent  du  Fils  (30) 
de  Dieu  né  de  la  race  de  David,  voilà  que  tu  donnes  deux  fils  à 
Dieu  le  Père,  et  tu  ne  peux  plus  dire  qu'il  est  unique. 

Jean  l'Évangéliste  a  écrit  :  «  Notre-Seigneur  dit  à  ses  disci- 
ples (1)  :  Croyez  en  Dieu  et  croyez  en  moi.  »  Ce  Jésus  qui  dit  à 
ses  disciples  de  croire  en  lui,  est-il  Dieu  le  Verbe  ou  bien  un 
homme?  S'il  est  un  homme,  ses  disciples,  en  croyant  en  lui, 
crurent  en  un  homme,  et  s'ils  ne  crurent  pas  en  lui,  ils  n^iépri- 
sèrent  le  Verbe  qui  leur  dit  de  croire.  Celui  qui  croit  comme 
les  Apôtres  confessera  que  le  Messie  est  vrai  Dieu  ;  cela  paraît 
sortir  de  la  bouche  sainte  des  apôtres  en  la  personne  de  Thomas 
qui  s'écrie  :  «  Mon  Seigneur  et  mon  Dieu  »  ;  et  dans  un  autre 
endroit  :  «  Car  le  Père  a  désigné  celui-ci  comme  Dieu  ».  Paul  a 
dit  (2)  :  «  Il  fit  dans  sa  personne  une  place  pour  nos  péchés  et  il 
sacrifia  les  péchés  de  beaucoup  »  ;  et  encore  (3)  :  «  S'ils  l'avaient 
connu,  ils  n'auraient  pas  sacrifié  le  Seigneur  de  gloire  ».  Et 
David  B,  dit  (4)  :  «  Ton  siège,  ô  Dieu,  est  dans  les  siècles  des 
siècles,  »  Et  le  prophète  Jérémie  a  dit  (5)  :  «  C'est  notre  Dieu, 
et  n'en  imaginons  pas  un  autre  avec  lui;  il  a  trouvé  la  voie 
de  la  sagesse  et  de  la  justice  et  l'a  donnée  à  Israël  son  serviteur 
et  à  Jacob  son  ami.  »  Et  plus  loin  il  dit  (6)  :  «  On  l'a  vu  sur 
la  terre  et  il  a  demeuré  avec  les  hommes.  »  Et  David  dit  en- 
core :  «  Le  maître  des  dieux  paraîtra  à  Sion  ».  Ce  Dieu  dont 
parle  Jérémie,  qui  est  notre  Dieu,  et  nous  ne  devons  pas  en  ima- 
giner un  autre  avec  lui,  est-il  Dieu  le  Verbe  ou  bien  en  est-il 
un  autre  comme  tu  le  penses  ?  S'il  en  est  un  autre,  comme  tu 
l'enseignes,  voilà  que  tu  introduis  inintelligemment  un  nouveau 
Dieu.  Et  si  c'est  le  même  en  vérité,  et  qu'il  n'y  ait  pas  de  Dieu 
en  dehors  de  lui,  comme  parlent  les  prophètes,  et  nous  croyons 
tous  en  lui,  si  le  Dieu  unique  est  celui  qui  apparut  sur  la  terre 
par  une  chair  animée  et  douée  d'intelligence,  puis  demeura  et 
conversa  avec  nous,  c'est  alors  ce  qu'il  fallait  démontrer.  Où  et 
comment  as-tu  vu,  ô  frère  sage  et  docteur  illustre,  qu'une 


(1)  Jean,  xiv,  1. 

(2)  Hébr.,  i,  3. 

(3)  I  Cor.,  II,  8. 

(4)  Ps.  XLiv,  7. 

(5)  Baruch,  m,  36-37. 

(6)  Ibid.,  38. 


ŒUVRES    DE   JEAN    MAROV.  225 

femme,  en  enfantant,  ait  donné  deux  personnes  à  un  seul  fils? 
iMédite  les  paroles  des  témoigna^'-es  véritables  de  l'Évangile  et 
de  l*aul  dans  le  discours  que  fit  le  saint  évoque  Marlyrius  con- 
tre Nestorius  votre  père.  Écoute  donc,  toi  qui  aimes  à  séparer 
les  fils  et  les  personnes  et  médite  ces  paroles  divines  qiii  nous 
enseignent  nommément  les  notions  d'une  personne  et  d'une 
(31)  substance  dans  le  Messie  (1).  Et  d'abord  le  prophète,  en  la 
personne  du  père,  dit  de  lui  (2)  :  «  Voici  que  j'envoie  mon  ange 
devant  ta  face  pour  préparer  la  voie  devant  toi.  »  Il  dit  la  [are 
pour  un  seul  et  non  pour  plusieurs.  Et  le  prophète  Zacharie, 
père  de  Jean,  prophétise  et  dit  à  son  fils  (3)  :  «  Et  toi,  enfant,  tu 
seras  appelé  prophète  du  Très-Haut,  car  tu  iras  devant  la  face 
du  Seigneur  pour  préparer  sa  voie.  »  Il  dit  aussi  sa  face  et  non 
ses  faces,  comme  tu  l'enseignes.  Et  Notre-Seigneur  dit  de  lui- 
même  (4)  :  «  Comme  le  Père  a  la  vie  en  lui-même,  il  a  aussi 
donné  au  Fils  d'avoir  la  vie  en  lui-même.  »  Il  dit  e)i  lui-même 
et  non  en  eux-mêmes  comme  tu  l'enseignes.  Et  l'évangéliste 
Luc  a  dit  (.j)  :  «  Quand  les  jours  de  son  ascension  furent  accom- 
plis, il  prépara  sa  face  à  aller  <à  Jérusalem  et  il  envoya  des 
messagers  devant  sa  face;  ils  allèrent,  entrèrent  chez  les  Sama- 
ritains et  ne  le  trouvèrent  pas,  parce  que  sa  face  était  tournée 
pour  aller  à  Jérusalem.  »  —  Il  dit  encore  (6)  :  «  Son  visage  brilla 
comme  le  soleil.  »  —  Et  l'apôtre  Paul  dit  (7)  :  «  Tour  éclairer 
la  science  de  la  gloire  de  Dieu,  à  la  face  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ.  »  —  Et  encore  (8)  :  «  Moi,  ce  que  j'ai  donné,  (je 
parle)  de  ce  que  j'ai  donné  à  cause  de  vous,  je  l'ai  donné  à  la 
personne  de  Jésus-Christ.  »  —  Le  même  apôtre  dit  encore  dans 

(1)  Cette  argumentation,  plus  forte  clans  le  texte  que  dans  la  trailuction,  repose 
sur  ce  que  les  mots  ^^oojlû  et  l^oj'^s,  -<  personne  »  et  •<  substance  »,  se  trouvent  dans 
tous  les  textes  cités,  appliqués  au  sinj,^ulier  au  Messie.  Donc,  conclut  l'auteur,  le 
Messie  n'avait  qu'une  personne  et  une  substance.  Jean  Maron  semble  prendre  ses 
citations  chez  Martyrius,  patriarche  de  Jérusalem,  qui  mourut  on  185. 

(2)  Luc,  vu,  il. 

(3)  Luc,  I,  76. 

(4)  Jean,  v,  26. 

(5)  Luc,  IX,  51-53.  Textuel  dans  la  Peschito.  hors  ic^v^ii.  pour  i^^i.  et  ^)l-ie^  pour 

(G)  Matth.,  XVII,  2. 

(7)  II  Cor.,  IV,  G.  Textuel,  mais  ^  et  vPo  m:in(|ueu(. 

(8)  II  Cor.,  II,  10.  ii^û-=Lji»  ,^  mauqu(\ 

(9)  II  Thessal.,  i,  0.  Textuel,  mais  en  place  de  ;io^  la  Peschito  a  M-^. 


226  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

un  autre  lieu  (9)  :  «  Ceux-ci  seront  punis  d'une  perdition  éter- 
nelle devant  la  personne  de  Notre-Seigneur  et  devant  la  gloire 
de  sa  puissance.  »  —  Et  encore  (1)  :  «  Avec  les  deux  en  sa  per- 
sonne il  créera  un  homme  nouveau.  »  —  Il  dit  dans  un  autre 
endroit  (2)  :  «  En  abandonnant  sa  chair,  il  dépouilla  les  princi- 
pautés et  les  puissances  et  les  fit  rougir  ouvertement  en  sa  per- 
sonne. »  —  Et  il  dit  dans  (la  lettre)  aux  Hébreux  (3)  :  «  Il  fit 
dans  sa  personne  une  place  pour  nos  péchés,  et  dans  sa  personne 
il  immola  les  péchés  (4)  de  beaucoup.  » 


(1)  Eph.,  11,  15.  Textuel. 

(2)  Col.,  II,  15.  Textuel,  mais  au  lieu  de  0)V^  on  a  o)Voû-=. 

(3)  I,  3,  au  lieu  de  vs»)^?  on  a  |ovô— ;  et  la  seconde  partie  de  la  phrase  n'est  pas 
ici.  En  somme,  ces  citations  montrent  que  Jean  Maron  (ou  plutôt  Martyrius)  cite 
de  mémoire  (ce  qui  est  peu  probable,  car  il  ne  pouvait  savoir  par  cœur  tous  les 
passages  qui  renferment  le  mot  ■personne),  ou  traduit  sur  un  texte  grec  (c'est  le 
plus  probable),  ou  cite  un  texte  sj-riaque  différent  de  la  Peschito. 

(4)  Il  faut  lire  ]'o^'-^  — =;  comme  ci-dessus. 

F.  Nau. 
{A  suivre.) 


RÈGLEMENTS  GÉNÉRAUX 

DE  L'ÉGLISE  ORTHODOXE  EN  TLIUjl  IK 


V.  —  LE  CONSEIL  MLXTE. 

L'ingérence  des  laïques  dans  les  choses  du  sanctuaire  se 
manifeste  à  chaque  page  de  l'histoire  byzantine.  Plus  fréquente 
encore  s'il  se  peut,  et  non  moins  funeste,  elle  se  retrouve  sous  la 
domination  turque;  cette  immixtion  était  devenue,  depuis  1403, 
comme  une  nécessité  sociale,  àcause  même  de  l'autonomie  civile 
accordée  par  les  vainqueurs  à  l'Église  orthodoxe.  Sans  doute  au 
Patriarche  seul  était  dévolue  la  double  autorité  civile  et  reli- 
gieuse; mais  cette  autorité,  il  ne  pouvait  l'exercer  seul  et  sans 
contrôle.  L'histoire  et  l'organisation  intérieure  du  Saint-Synode 
nous  en  ont  déjà  fourni  une  première  preuve  ;  la  constitution  du 
Conseil  Mixte  n'est  pas  moins  instructive. 

A  l'époque  byzantine,  le  patriarche  avait  autour  de  lui  tout 
un  cortège  de  hauts  dignitaires  laïques,  dont  les  fonctions  res- 
pectives, encore  mal  définies,  survécurent  pour  la  plupart  à  la 
chute  de  l'empire,  mais  en  s'amoindrissant  et  se  sécularisant 
chaque  jour  davantage.  C'est  de  cette  oligarchie  de  fonction- 
naires que  devait  sortir,  à  l'âge  suivant,  l'aristocratie  douteuse 
et  mélangée  des  Phanariotes,  hommes  ingénieux  et  polis,  par- 
venus à  force  de  bassesses  à  une  sorte  d'indépendance  et  de  pou- 
voir, dédaignant  leur  patrie,  mais  la  servant  par  leur  prospé- 
rité (1).  A  côté  du  Phanariote,  riche  et  influent,  se  pressait 
V archonte  ou  notable,  simple  bourgeois,  enrichi  par  le  petit 
commerce,  et  généralement  plus  attaché  aux  traditions  de  la 
race.  Tandis  que  le  premier  servait  son  pays  dans  des  emplois 

(])  Yillemain.  Lascaris  (Paris,  1837),  p.  ICo-dl. 


228  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

publics  et  n'exerçait  sur  l'Église  qu'une  sorte  de  protectorat 
intermittent  et  capricieux,  le  second,  plus  étroitement  mis  en 
contact  avec  le  haut  clergé,  prit  graduellement  sur  les  affaires 
une  part  très  active,  qui  ne  tarda  pas  à  devenir  prépondérante. 
Le  patriarche  Samuel  I"  (1763-68)  confia  à  quatre  notables,  pris 
mi-partie  parmi  les  fonctionnaires  et  les  négociants,  l'admi- 
nistration des  revenus  de  la  nation  (1).  Ils  portaient,  en  cette 
qualité,  le  nom  à'épitropes.  Cette  institution,  comme  toutes 
celles  de  Samuel,  ne  semble  pas  avoir  donné  de  bien  grands 
résultats  :  les  métropolitains  du  Synode  avaient  encore  trop 
d'influence  pour  admettre  dans  la  gestion  des  deniers  publics 
le  contrôle  importun  des  épitropes. 

Un  nouvel  essai  fut  tenté,  en  1847,  par  le  gouvernement  turc 
lui-même.  La  Porte  voulait  adjoindre  au  S. -Synode  trois  mem- 
bres laïques,  qui  seraient  chargés  d'administrer  les  affaires 
purement  temporelles;  elle  avait  désigné,  pour  remplir  ce  ivMe, 
le  grand  logothète  Aristarchi-Bey,  l'ex-prince  de  Samos  Vogo- 
ridès,  et  un  riche  négociant  de  Chiaos,  Jean  Psichri,  plus  connu 
sous  le  sobriquet  de  Misé  lanni  (2).  Les  Synodiques  opposèrent 
à  cette  mesure  une  telle  résistance  qu'il  fallut,  cette  fois  encore, 
en  différer  l'exécution. 

Tout  autre  fut  l'issue  de  la  lutte  engagée,  dès  1856,  entre 
les  deux  corps  :  le  triomphe  des  laïques  fut  complet,  et,  le 
27  janvier  (8  février)  1862,  la  Porte  donnait  son  approbation 
au  règlement  organique  du  Conseil  Mixte,  qui  assurait  aux 
laïques  la  plus  large  part  dans  la  gestion  des  affaires. 


RÈGLEMENT  ORGANIQUE  DU  CONSEIL  MIXTE  (3). 

I    I.    —    COMPOSITION    DU    CONSEIL    NATIONAL    MIXTE  PERMANENT  (4j. 

Art.  P^  —  Le  Conseil  National  Mixte  Permanent  se  compose 
de  douze  membres,  quatre  Métropolitains  et  huit  laïques.   La 

(1)  N.  Matha,  KaTâ),OYo;  laTopixo;  tûv  llarpiap/àiv  (Allièucs,  1884),  p.   155. 
(2)EiCHMANx,  Die  Reformen  des  osmanischen  Beic/ios  (Berlin,  1858),  p.  21. 

(3)  Réédité  clans  Tevixot  Kavovtaixot,  etc,  p.  37-45. 

(4)  C'est  la  désignation  officielle,  à  laquelle  le  devoir  de  traducteur  m'interdit 
de  rien  changer. 


RKGLEMENTS    GÉNÉRAUX    DK    l'ÉCUSH    nl'.TIlOlXtXi;    KN    TlIlQIJIi;.    220 

présidence  est  attribuée,  par  rescrit  patriarcal,  à  Tim  desniétro- 
politains,  le  premier  des  quatre  dans  la  hiérarciiie.  Toutes  les 
fois  que  des  affaires  importantes  rendent  nécessaire  la  présence 
du  patriarche  dans  le  Conseil,  c'est  lui  qui  préside,  qu'il  vienne 
de  lui-même  au  Conseil,  ou  qu'il  y  soit  appelé.  Le  Conseil  aura 
deux  secrétaires,  le  premier  et  le  second,  capables  de  traduire 
dans  les  quatre  langues,  grecque,  turque,  bulgare  et  française. 

Art.  2.  La  durée  des  fonctions  des  membres  du  Conseil  Natio- 
nal Mixte  Permanent  est  fixée  à  deux  ans,  mais,  chaque  année, 
l'assemblée  est  renouvelable  par  moitié. 

Art.  3.  Les  quatre  membres  ecclésiastiques  du  dit  Conseil 
sont  pris  parmi  les  membres  du  Saint-Synode;  leur  choix  appar- 
tient au  Patriarche  et  aux  membres  du  Synode. 

Art.  4.  —  L'élection  des  membres  laïques  du  Conseil  a  lit'U 
de  la  manière  suivante.  Au  jour  fixé,  le  Patriarche  informe  les 
habitants  des  paroisses  de  Constantinople  et  du  Bosphore  qu'ils 
peuvent  procéder,  d'après  le  rôle  suivant,  à  la  nomination  de 
délégués  dans  chaque  paroisse.  Voici  comment.  Les  paroisses  du 
Phanar  et  de  Djoubali  nomment  deux  délégués;  —  les  paroisses 
de  Palinos,  des  Taxiarques  et  de  Xyloporta,  deux;  —  les 
paroisses  de  Mouchliou  et  de  Photira,  un;  —  les  paroisses 
d'Edirné-Kapou ,  Salmatobroukiou,  Sarmasikiou,  Egri-Kapou, 
Top-Kapou  et  Tekfour-Séraï,  deux;  —  la  paroisse  de  Mermer- 
Koiîlé,  un;  —  toutes  les  paroisses  de  Psamathiaet  de  Belgrade 
réunies,  deux;  —  les  paroisses  de  Ste-Kyriaki  et  de  Ste-Espé- 
rance,  un;  —  la  paroisse  de  Haskeuï,  un;  —  les  paroisses  de 
Tatavla,  deux;  —  les  paroisses  de  Péra,  deux;  —  la  paroisse  de 
Vlangua,  un  ;  —  les  paroisses  de  Galata,  deux  ;  —  la  paroisse  d'Or- 
takeuï,  un;  —  la  paroisse  de  Béchik-Tach,  un;  —  les  paroisses 
de  Kouroutchesmé,  Arnaoutkeuï  et  Bébèk,  deux;  —  la  paroisse 
de  Boyadjikeui,  un;  —  les  paroisses  de  Sténia  et  de  Yéni  Keuï, 
deux  (1).  Tous  ces  délégués,  choisis  sans  distinction  de  race, 

(1)  Soit,  au  total,  vingt-six  délégués  pour  quarante-deux  paroisses.  La  nomina- 
tion de  ces  représentants  de  quartiers  est  elle-même  soumise  à  un  règlement 
fort  minutieux,  qui  l'orme  le  3"'«  chapitre  du  llè'jlemcnl  électoral  des  Paroisses  de 
Varchevêchè  de  Constantinople  ('Ex).oyixô;  KavovKjjxô:  ~û>y  Ivoptwv  -rij;  :\p7it-t(7xoîrfi; 
Ku)V(jTavTivouT:6),£wç).  Ce  règlement  a  ét(^  plusieurs  fois  modifié,  notamment  en 
1887  et  en  1897;  c'est  une  des  nombreuses  questions  sur  lesquelles  on  revient 
sans  cesse  dans  les  délibérations  des  deux  coriis  administratifs  de  l'Église  ortho- 
doxe. Nous  y  reviendrons  nous-mêmes  ailleurs. 


230  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

doivent  être  des  hommes  probes  et  droits,  jouir  dans  la  nation 
de  l'estime  de  tous  et  relever  ab  antiquo  du  gouvernement  impé- 
rial. Au  jour  déterminé,  ils  se  rendent  au  Patriarcal,  où,  réunis 
ensemble,  ils  constituent  avec  le  S. -Synode  et  les  membres  du 
Conseil  Mixte  l'assemblée  électorale.  En  premier  lieu,  celle-ci 
désigne  d'un  commun  accord  les  candidats  éligibles.  Tous  les 
membres  de  l'assemblée  électorale  ont  le  droit  de  proposer 
comme  candidats  ceux  qu'ils  estiment  avoir  les  qualités  re- 
quises pour  cela.  On  inscrit  leurs  noms  sur  un  registre  spécial , 
et  c'est  parmi  ces  candidats  que  l'on  choisit,  au  scrutin  secret  et 
à  la  majorité  des  voix,  les  membres  du  Conseil  Mixte.  Toutes 
les  opérations  relatives  à  ce  sujet  sont  régulièrement  consignées 
au  protocole. 

Art.  5.  —  Dès  que  l'élection  est  terminée,  le  Patriarche  fait 
connaître  à  la  Sublime  Porte  les  noms  des  membres  ecclésiasti- 
ques et  laïques,  afin  qu'ils  soient  approuvés  et  confirmés  (1). 

Art.  6.  —  La  disposition  indiquée  plus  haut  qui  fixe  à  deux 
ans,  pour  tous  les  membres,  la  durée  de  leurs  fonctions,  ne 
s'applique  pas  aux  membres  ecclésiastiques;  en  conséquence, 
ceux-ci  devront  être  renouvelés  et  remplacés  par  d'autres,  dès 
que  leurs  fonctions  de  membres  du  Saint-Synode  auront  pris 
fin. 

Art.  7.  —  Aucun  des  membres  susdits  ne  pourra,  à  l'expi- 
ration des  deux  ans,  se  porter  de  nouveau  comme  candidat, 
avant  deux  autres  années  révolues. 

Art.  8.  —  Les  membres  du  Conseil  Mixte  doivent  être  choi- 
sis parmi  ceux  qui  ont  à  Constantinople  leur  domicile  fixe, 
appartiennent  ab  antiquo  à  l'empire  ottoman,  ont  plus  de  trente 
ans,  possèdent  l'expérience  des  affaires,  jouissent  enfin  de  l'es- 
time générale  et  de  la  confiance  du  gouvernement  comme 
de  la  nation. 

Art.  9.  —  Une  fois  qu'un  membre,  acceptant  sa  nomination, 
sera  entré  en  fonction,  il  ne  pourra  se  retirer  avant  l'expira- 
tion des  deux  années,  à  moins  d'une  raison  très  justifiée. 

(1)  Pour  la  première  élection  de  février  1862,  la  moitié  des  membres  du  futur 
Conseil  Mixte  devait  être  prise  parmi  les  membres  de  l'Assemblée  nationale  provi- 
soire qui  représentaient  déjà  les  paroisses  de  la  capitale;  les  quatre  autres,  au 
contraire,  devaient  être  choisis  en  dehors  de  cette  assemblée.  Cette  mesure  essen- 
tiellement provisoire  est  rappelée  dans  une  remarque  sm  présent  article  5,  dont  il 
est  superflu  de  donner  une  traduction  littérale. 


RÈGLEMENTS    riKNÉllAUX    DE    l/ÉdMSE    OIlTIKiDoXE    EN    TLIUjI  IK.    -231 

Art.  10.  —  Si,  dans  Texercice  <le  son  mandat,  un  nieinliro 
démissionne  pour  un  motif  plausible,  ou  s'il  vient  à  mourii-,  le 
Patriarche,  de  concert  avec  le  S. -Synode  et  les  autres  membres 
de  Conseil  Mixte,  pourvoit  à  son  remplacement,  pour  le  temps 
qui  reste  à  courir,  et  en  informe  la  Sublime  Porte.  Celui  qui  est 
ainsi  nommé  peut  se  porter  candidat  pour  la  période  suivante. 

Art.  U.  —  Aucun  membre  n'est  autorisé  à  s'absenter  du- 
rant plus  de  deux  mois;  s'il  prolonge  son  absence  au  delà  de 
ce  terme,  on  doit  le  remplacer  par  un  autre  membre,  de  la  ma- 
nière indiquée  à  l'article  précédent;  cette  nomination  est  por- 
tée à  la  connaissance  de  la  Sublime  Porte  pour  être  confirmée. 

Art.  12.  —  11  est  interdit  aux  membres  de  s'absenter  pen- 
dant les  séances  ordinaires.  Si  quelqu'un  ne  peut,  durant  plus 
d'un  mois,  y  prendre  part,  il  en  informera  le  président  du  Con- 
seil. Celui  qui  s'absenterait  au  delà  de  ce  terme  sans  en  donner 
avis,  devrait  envoyer  sa  démission  ou  être  remplacé  par  un 
autre,  conformément  à  l'article  10. 

Art.  13.  —  Un  membre  du  Conseil  est-il  accusé  de  s'être 
laissé  corrompre  par  des  présents,  on  applique,  si  c'est  un  des 
métropolitains,  l'article  S  du  règlement  des  Évèques  (1);  si 
c'est  un  laïque,  on  informe  du  fait  la  Sublime  Porte,  afin  qu'elle 
juge  et  prononce  la  sentence,  selon  le  code  pénal  ottoman. 

Art.  14.  —  Le  Conseil  National  Mixte  possédera,  au  palais 
patriarcal,  un  bureau  pour  y  tenir  ses  séances  ordinaires; 
celui-ci  sera  dirigé  par  le  premier  secrétaire,  d'après  les  ins- 
tructions du  Conseil. 

Art.  15.  —  Les  membres  laïques  du  Conseil  ne  reçoivent 
pas  de  traitement;  l'exercice  de  leurs  fonctions  est  gratuit. 


§    2.    —    DEVOIRS    DES    MEMBRES    DU    CONSEIL   MIXTE. 

Art.  1".  —  Le  Conseil  National  Mixte  permanent  tient  or- 
dinairement deux  séances  par  semaine. 

Art.  2.  —  Les  actes  écrits  soumis  au  Conseil  doivent  porter, 
avec  un  numéro  d'ordre,  la  date  de  leur  arrivée;  c'est  dans  cet 

(1)  Ce  règlement  sera  donné  plus  loin  dans  son  intégralité. 


232  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRÉTIEN. 

ordre  qu'on  les  examinera,  à  moins  d'une  affaire  urgente,  qu'il 
faille  mettre  avant  toute  autre. 

Art.  3.  —  Le  Conseil  doit  veiller  de  près  à  la  bonne  admi- 
nistration des  écoles  et  des  hôpitaux  de  la  nation  et  des  autres 
établissements  d'utilité  publique;  il  contrôle  leurs  recettes  et 
dépenses  non  moins  que  celles  des  églises  de  la  capitale,  connaît 
de  toutes  les  contestations  relatives  aux  revenus  des  monastères 
relevant  du  siège  œcuménique,  aux  testaments  (1),  aux  actes 
de  fondation  (2),  à  la  dot  et  aux  présents  de  noces  (3)  ;  c'est  à  lui 
qu'appartient  l'examen  de  toutes  les  affaires  non  spirituelles 
renvoyées  au  patriarcat  par  la  Sublime  Porte.  Pour  les  ques- 
tions relatives  aux  vakoufs ,  aux  terres  publiques  et  aux  règle- 
ments généraux  du  gouvernement,  elles  ressortiront  naturel- 
lement, comme  dans  le  passé,  des  tribunaux  et  des  conseils 
établis  par  le  gouvernement. 

Art.  4.  —  Quand  il  s'agit  d'une  action  introduite  par  les 
fidèles  d'un  diocèse  contre  leur  évêque,  si  la  matière  du  débat 
est  d'ordre  temporel,  le  Conseil  prend  les  mesures  convenables, 
suivant  l'article  8  du  règlement  sur  les  élections  épiscopales. 

Art.  5.  —  L'administration  des  écoles  et  des  autres  établis- 
sements d'utilité  publique  est  confiée  par  le  Conseil  à  des  épi- 
tropes  et  à  des  éphores  nommés  par  lui,  de  l'avis  et  du  consen- 

(1)  Voir  la  jurisprudence  relative  à  cette  question  dans  le  récent  ouvrage  de 
Milt.  G.  M.  Karavolvyro,  le  Droit  successoral  en  Turquie  ab  intestat  et  par  testa- 
ment, codifié  d'après  le  Chéri  et  le  droit  byzantin,  in-S'de  214  p.  (Constantinople, 
1898),  p.'  13G-137.  L'auteur  rapporte  trois  arrêts  delà  cour  de  cassation  qui  confu-- 
ment  cette  attri"bution  du  Conseil  Mixte. 

■  (2)  Autrement  dits  Vakfiyés,  titres  d'un  vakouf.  Les  biens  vakoufs  sont  ceux 
qui  ont  ét(''  soustraits  au  droit  de  nue-propriété  de  l'État  par  une  donation  faite 
par  un  particulier,  dans  un  but  de  bienfaisance  ou  de  piété,  au  profit  d'une  per- 
sonne morale,  comme  une  mosquée,  un  hôpital,  une  asile,  un  couvent,  une  école 
et  même  une  église.  Ce  sont  le  plus  souvent  des  immeubles;  après  une  redevance 
accompagnant  l'acte  de  fondation  ou  de  consécration,  le  possesseur  garde  les 
biens  ainsi  affectés,  comme  tenancier,  moyennant  une  redevance  annuelle.  Les 
vakoufs  ne  peuvent  être  vendus  pour  cause  de  dettes,  et  ne  passent  par  héritage 
qu'au  fils  du  possesseur.  Ils  sont  d'ailleurs  soumis  aux  dispositions  spéciales  prises 
par  le  fondateur,  dans  l'acte  dédicatoire,  et  c'est  aux  actes  de  ce  genre  que  le  rè- 
glement fait  ici  allusion.  Voir  sur  cette  institution  propre  à  la  Turquie  et  aux 
pays  où  le  Chéri  est  en  vigueur,  Nie.  de  Tornauw,  le  Droit  musulman  exposé 
cVaprès  les  sources,  trad.  Eschbach,  Paris,  1860,  pp.  193-198;  —  Milt.  Karavokyro, 
KXetç  Tî);  cvjvr;6ou;ô9tû[Aavix^;  vo[Ao8£(TÎa;,  Constantinople,  1882,  p.  55-57. 

(3)  On  fait  une  distinction  entre  les  présents  accessoires  (Tpi-/w[ia)  et  la  dot 
proprement  dite  (upoï;). 


RÈGLEMKXTS-  GKNKRAUX    DK    l'kgiJSM    (iHTIIODoXrO    KN    TUR'^UIK.    23:5 

tement  du  Patriarche;  il  ne  doit  désigner  que  des  IjoninK-s 
probes  et  capables,  appartenante!  la  religion  orthodoxe,  suj'-ls 
de  l'empire. 

Art.  g.  —  Tous  les  ans,  il  examinera  et  contrôlera  la  comp- 
tabilité de  ces  épitropes  ;  il  fera  enregistrer  sommairement, 
par  son  premier  secrétaire,  dans  un  grand  cahier  spécial,  les 
bilans  des  recettes  et  dépenses  de  l'année. 

Art.  7.  —  A  la  fin  de  chaque  année,  la  comptabilité  <hj 
trésor  sera  contrôlée  par  les  nouveaux  titulaires  en  présence  de 
l'assemblée  électorale;  le  trésorier  produira  pour  chaque  dépense 
les  décisions  écrites  du  Conseil;  ces  dernières  seront  réunies 
en  un  dossier  qu'on  déposera,  après  l'avoir  scellé,  dans  les  ai-- 
chives  du  Conseil. 

Art.  8.  —  Le  Conseil  fixera  le  tarif  des  droits  à  percevoir  par 
le  trésor  national,  et  le  soumettra  à  l'approbation  de  la  Sublime 
Porte.  Tous  les  deux  ans,  il  nommera,  pour  percevoir  ces  droits, 
un  caissier  digne  de  confiance  et  sous  caution;  celui-ci  ne 
pourra  rien  dépenser,  pas  même  une  obole,  sans  l'autorisation 
écrite  du  Conseil.  Les  devoirs  du  caissier,  comme  ceux  du  se- 
crétaire et  des  autres  employés,  seront  déterminés  par  le  Con- 
seil. 

Art.  9.  —  Une  séance  a  le  quorum  suffisant,  quand  les 
deux  tiers  des  membres  sont  présents.  Dans  les  délibérations, 
on  se  sert,  au  besoin,  du  suffrage  :  c'est  alors  la  solution  de  la 
majorité  qui  prévaut;  si  les  votes  sont  égaux,  on  s'en  tient  à  la 
partie  qui  a  pour  elle  l'avis  du  président. 

Art.  10.  —  Dès  que  le  Conseil  National  Mixte  entrera  en 
fonctions,  il  fera  usage  d'un  sceau  à  trois  pièces;  la  première  de 
ces  pièces  sera  gardée  par  les  quatre  membres  ecclésiastiques, 
les  deux  autres  par  les  huit  membres  laïques,  et  la  clef  par  le 
président.  On  marquera  de  ce  sceau  les  actes  de  fondations 
pieuses,  les  testaments,  les  obligations  des  églises  et  des  au- 
tres dettes  de  la  nation,  et  autres  actes  semblables.  Les  sentences 
judiciaires  du  Conseil,  après  avoir  été  signées  par  tous  les  mem- 
bres, seront  également  marquées  de  ce  sceau.  Tous  les  actes 
dont  il  vient  d'être  question  devront  recevoir  la  sanction  du 
patriarche.  Toute  pièce  élaborée  dans  le  Conseil  et  expédiée  par 
lui,  sera  écrite  sur  papier  timbré  et  inscrite  préalablement  au 
Registre. 


234  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN.  '      • 

Art.  11.  —  Le  Conseil  examinera  les  contestations  relatives 
aux  héritages  s'élevant  entre  chrétiens  lorsque,  à  la  demande 
des  deux  parties,  l'affaire  sera  portée  au  Patriarcat. 

Art.  12.  —  Tout  testament  d'un  chrétien  orthodoxe,  s'il  est 
conforme  aux  lois  et  aux  décrets  du  gouvernement  impérial  et 
ne  s'écarte  pas  du  règlement  sur  la  succession  des  chrétiens 
promulgué  naguère  par  Ordonnance  Impériale  (1),  doit  être  re- 
connu authentique  et  valable  par  toutes  les  autorités  locales  ;  en 
conséquence,  le  Conseil  Mixte  veillera  à  la  pleine  exécution  des 
dispositions  contenues  dans  ces  testaments. 

Art.  13.  —  Tout  acte  émanant  des  évêques,  et  relatif  aux 
revenus  et  dépenses  de  l'école  et  de  l'hôpital  national,  et  des  au- 
tres établissements  d'utilité  publique,  des  églises  et  des  monas- 
tères de  la  capitale,  ou  encore  aux  testaments,  aux  actes  de  fon- 
dations pieuses,  aux  dots  et  aux  présents  de  noces,  doit  être 
sanctionné  par  le  Conseil  Mixte. 

Art.  14.  —  Les  demandeurs  dans  un  procès  amené  par  l'un 
des  objets  spécifiés  à  l'article  3  (2),  sont  tenus,  avant  l'ouver- 
ture de  la  procédure,  de  fournir  une  caution  pour  les  frais  à  ré- 
sulter pendant  la  durée  des  débats. 

Art.  15.  —  Les  membres  du  Conseil  devront  veiller  à  ce 
que  le  patriarche  apporte  tout  son  zèle  et  ses  soins  à  la  bonne 
administration  des  établissements  religieux  situés  dans  l'empire 
et  appartenant  aux  orthodoxes,  à  la  bonne  gestion  de  leur  re- 
venus suivant  l'esprit  des  chrysobulles,  des  testaments,  des  pri- 
vilèges et  des  actes  de  fondations  ;  si  une  dette  se  produit,  le 
patriarche  se  concertera  avec  les  chefs  spirituels  de  ces  établis- 
sements. 

Art.  1G.  —  Tout  membre  du  Conseil,  comme  tout  fidèle  or- 
thodoxe, a  le  devoir,  quand  il  lui  arrive  de  surprendre  dans  le 
clergé  des  écarts  de  conduite,  d'en  informer  le  Patriarche  et  le 
Saint-Synode,  pour  qu'on  prenne  les  mesures  nécessaires. 


Le  règlement  général  qu'on  vient  de  lire  fut  complété,  la 

(1)  La  constitution  vizirielle,  ici  mentionnée,  est  de  1861  (7  safer  1278);  voir  le 
texte  dans  Nikolaïdès,  '08w[j.avtxot  KwSixs;,  tome  11  (Constantinople,  1890),  p.  1141- 
44. 

(2)  Par  exemple,  une  dot,  un  testament,  etc. 


RÈGLEMENTS    GÉXÉRArX    DE    l/ÉOLISE    ORTHODOXE    EN    TIIUjIIE.     2^)d 

môme  année,  par  un  autre  rèf,donient,  d'un  caractère  moins 
officiel,  destiné  à  régir  la  police  intérieure  de  rassembhJo.  Ce 
second  document,  n'ayant  pas  été  soumis  à  l'approbation  de  la 
Porte,  ne  se  trouve  ni  dans  le  recueil  officiel  publié  en  11S88  par 
le  Patriarcat,  ni  dans  la  Législation  Ottomane  de  Nicolaïdès. 
Toutefois,  comme  on  y  renvoie  souvent  dans  les  publications 
orthodoxes,  je  crois  utile  d'en  donner  ici  la  traduction.  Je  la  fais 
sur  le  texte  contenu  dans  une  rarissime  brocliurc,  qui  ne  porte 
pas  de  date,  mais  les  signatures  qui  la  terminent  indiquent  assez 
l'époque  de  sa  rédaction.  Parmi  les  trente-un  articles  qui  compo- 
sent cette  pièce,  plusieurs  ne  sont  qu'une  réédition  des  articles 
du  règlement  général;  je  n'ai  pas  cru  pour  cela  devoir  les 
négliger  :  tels  qu'ils  sont  présentés,  ils  forment  comme  un  résumé 
substantiel  des  dispositions  données  ci-dessus.  A  ce  titre  seule- 
ment, le  lecteur  sera  sans  doute  heureux  de  les  retrouver. 

I  3.  —  STATUT  ORGANIQUE  DU  FONCTIONNEMENT  DU  CONSEIL  NATIONAL 

MIXTE  PERMANENT  (1). 

Art.  1.  Juridiction) — Suivant  le  règlement  approuvé  pour 
son  institution,  le  Conseil  national  mixte  permanent  doit  :  1" 
Surveiller  et  contrôler  la  bonne  administration  des  écoles  nati"> 
nales,  des  hôpitaux  et  autres  établissements  d'utilité  publique, 
leurs  recettes  et  dépenses  et  celles  des  églises  de  la  capitale 
(art.  3  du  règlement  sur  les  devoirs  du  C.  N.  M.)  :  — 2"  Nommer, 
de  concert  avec  le  Patriarche,  les  épitropes  et  les  éphores  chargés 
de  diriger  les  écoles  nationales  et  autres  établissements  d'utilité 
publique  (art.  .j);  —  3°  Examiner  et  vérifier  tous  les  ans  la 
comptabilité  de  ces  épitropes,  et  enregistrer,  dans  un  cahier 
spécial,  le  bilan  des  recettes  et  dépenses  de  l'année  (art.  6);  — 
4°  Connaître  de  toutes  les  contestations  relatives  aux  revenus 
des  monastères  relevant  du  siège  œcuménique,  ou  aux  testa- 
ments, titres  de  fondations,  présents  de  noces  et  dots  (art.  3). 

II  en  est  de  même  des  différends  s'élevant  entre  chrétiens  au 
sujet  d'un  héritage  (art.  11);  —  5°  Veiller  cà  l'exécution  des  dis- 
positions contenues  dans  les  testaments  des  chrétiens  orthodoxes 
(art.  12);  —  6"  Prendre  les  mesures  convenables,  suivant  l'ar- 

(1)  AiopYavt(T[jLÔ;  TYj:  uTTEpriTia;  xovi  Atapxo-j;  'EQvixoù  MixtoO  S-j|jLooy),{o'j  (CoilStUiUi- 
iiople,  18G"2),  brocli.  8"  de  M  p. 


236  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

ticle  6  du  règlement  sur  l'élection  des  évêques,  toutes  les  fois 
que  les  fidèles  d'un  diocèse  intentent  une  action  contre  leur 
évêque,  et  que  l'objet  du  débat  est  d'ordre  temporel  (art.  4);  — 
T  Connaître  en  général  de  toutes  les  affaires  non  spirituelles 
que  la  Sublime  Porte  renvoie  au  Patriarcat  (art.  3). 

Art.  2.  Composition.  —  Le  Conseil  mixte,  composé  de  douze 
membres,  quatre  métropolitains  et  huit  laïques,  est  présidé 
par  le  métropolitain  le  plus  élevé  dans  la  hiérarchie,  suivant 
l'article  1"  du  règlement  sur  la  composition  du  Conseil  Mixte, 
ainsi  conçu  :  «  Le  Conseil  N.  M.  se  compose  de  douze  mem- 
bres, quatre  évêques  et  huit  laïques;  la  présidence  est  donnée 
par  rescrit  patriarcal  à  l'un  des  évêques,  le  premier  des  quatre 
dans  la  hiérarchie.  »  Quand  des  affaires  importantes  rendent 
nécessaire  la  présence  du  patriarche,  c'est  lui  qui  préside, 
qu'il  vienne  de  lui-même  au  Conseil  ou  qu'il  y  soit  appelé.  A 
défaut  du  président  ordinaire,  absent  ou  empêché,  il  est  rem- 
placé par  celui  qui  vient  immédiatement  après  lui  dans  la  hié- 
rarchie épiscopale. 

Art.  3.  —  Le  Conseil  a  trois  employés  proprement  dits  :  deux 
secrétaires,  le  premier  et  le  second,  et  un  caissier.  Ils  sont  nom- 
més et  révoqués  par  décision  du  Conseil  présidé  par  Sa  Toute 
Sainteté. 

Art.  4.  Séances.  —  Le  Conseil  tient  séance  au  Patriarcat  le 
mardi  et  le  vendredi  de  chaque  semaine,  à  Oh.  1/2  du  matin. 
Si  le  jour  de  séance  tombe  un  jour  de  fête,  la  séance  est  renvoyée 
au  mardi  ou  au  vendredi  suivant.  Les  fêtes  de  ce  genre  qui  ont 
lieu  dans  le  courant  de  l'année  sont  :  V  toutes  les  fêtes  de 
Notre-Seigneur  et  de  la  Sainte  Vierge;  2°  le  lundi  et  le  mardi 
de  la  première  semaine  de  carême;  3°  les  trois  derniers  jours 
de  la  semaine  sainte;  4°  toute  la  semaine  de  Pâques;  5°  dans  le 
mois  de  janvier  :  le  1"  (saint  Basile),  le  7  (saint  Jean),  ïe  30 
(les  trois  Hiérarques);  en  avril  :  le  23  (saint  Georges);  en  mai  : 
le  21  (saints  Constantin  et  Hélène);  en  juin  :  le  24  (nativité  de 
saint  Jean),  le  28  (saints  Pierre  et  Paul)  ;  en  juillet  :  le  20  (saint 
Elle,  le  prophète)  ;  en  août  :  le  29  (décollation  de  saint  Jean)  ; 
en  septembre  :  le  14  (exaltation  de  la  sainte  Croix);  en  octobre  : 
le  26  (saint  Démétrius);  en  décembre  :  le  6  (saint  Nicolas). 

Art.  5.  —  Pour  qu'une  séance  ait  le  quorum  voulu,  il  faut 
que  les  deux  tiers  des  membres  soient  présents. 


RÈGLEMENTS    GÉNÉRAUX    DE    l'ÉG[,|S;E    OUTIK.Dr.XE    EN    TtlKjCIi;.    237 

Art.  0.  —  1«)  Sniiwes  (j&nrralcs.  —  Les  séances  du  Conseil 
se  divisent  en  èéSincca  jm/icùiircs,  dans  lesquelles  il  n'a  simple- 
ment qu'à  résoudre  les  questions  particulières,  et  en  séances  7^'- 
nérales,  dans  lesquelles  il  examine  et  juge  les  aiïaires  relatives 
aux  questions  qui  intéressent  toute  la  nation.  Dans  une  seule 
et  même  séance,  le  Conseil  peut  se  constituer  on  séance  judi- 
ciaire, après  avoir  tenu  une  séance  générale,  et  inversement. 

Art.  7.  —Au  début  de  toute  séance  générale,  on  lit  le  pro- 
cès-verbal delà  séance  précédente.  Si  personne  parmi  les  mem- 
bres n'a  d'observation  à  faire  sur  ce  procès- verbal,  on  l'adopte 
tel  qu'il  est;  dans  le  cas  contraire,  chacun  pré.sente  les  obser- 
vations qu'il  estime  nécessaires,  et,  après  examen,  on  les  ins- 
crit au  procès-verbal.  Celui-ci  est  ensuite  signé  par  le  prési- 
dent et  les  membres.  Personne  ne  peut  prendre  la  parole  avant 
la  lecture  du  procès- verbal,  ni  revenir  sur  un  point  de  ce  der- 
nier, une  fois  qu'on  l'aura  adopté. 

Art.  8.  —  L'admission  aux  séances  générales  du  Conseil 
est  interdite,  à  moins  qu'on  ne  soit  convoqué  par  le  Conseil  lui- 
même. 

Art.  9.  —  Une  fois  le  procès-verbal  lu,  rectifié  et  adopté,  le 
Conseil  passe  à  l'examen  et  à  la  solution  des  questions  pro- 
posées en  suivant  le  programme  fixé  d'avance  dans  l'ordre  du 
jour. 

Art.  10.  —  Lorsqu'un  membre  désire  soumettre  une  propo- 
sition à  l'examen  et  à  la  décision  du  Conseil,  il  doit  la  faire  con- 
naître à  ce  dernier  une  séance  à  l'avance. 

Art.  11.  —  Quelqu'un  propose-t-il  d'examiner  une  question 
avant  le  tour  assigné  à  cette  question  dans  le  programme  de 
Tordre  du  jour,  le  Conseil  décide  s'il  y  a  lieu  de  le  faire. 

Art.  12.  —  Le  Conseil  dans  ses  délibérations  procède  géné- 
ralement par  scrutin  ouvert,  et  c'est  l'avis  de  la  majorité  qui 
tranche  la  question.  Le  président  n'a  qu'une  seule  voix;  toute- 
fois, en  cas  d'égalité  dans  les  suffrages,  c'est  la  partie  à  laquelle 
il  a  donné  sa  voix  qui  l'emporte.  —  Le  Conseil  se  sert  du  scru- 
tin secret  toutes  les  fois  qu'à  la  demande  d'un  membre  il  en 
prend  la  décision.  Dans  ce  cas,  si  les  suffrages  sont  égaux,  on 
procède  à  un  second  tour  de  scrutin  ;  si  le  résultat  est  encore  le 
même,  le  président,  sans  regarder  dans  l'urne,  en  retire  un 
bulletin. 


ORIENT   CHRETIEN. 


238  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Art.  13.  —  2°)  Séances  judiciaires.  —  Quand  le  Conseil 
tient  séance  judiciaire  pour  des  démêlés  particuliers,  il  a  le  droit 
de  confier  l'enquête  et  l'éclaircissement  de  ces  démêlés  à  des 
commissions  choisies  par  lui  dans  son  sein,  ou  au  dehors.  Ces 
commissions  soumettront  leur  rapport  au  conseil,  lequel  garde 
toujours  la  liberté  de  prendre  la  décision  qui  lui  paraîtra  la 
plus  juste. 

Ârt.  14.  —  Comme  autorité  judiciaire,  le  Conseil  doit  se 
conformer  aux  lois  en  vigueur  dans  le  Patriarcat,  et  aux  cou- 
tumes locales  existantes. 

Art.  15.  —  La  procédure  se  conformera,  dans  sa  marche, 
aux  dispositions  qui  seront  promulguées  à  ce  sujet. 

Art.  15  bis.  —  Quand  les  séances  du  Conseil  sont  judi- 
ciaires, les  personnes  intéressées  pourront  être  autorisées  à 
comparaître  avec  des  conseillers,  à  moins  que  ces  derniers  ne 
soient  exclus  du  Conseil  par  le  président. 

Art.  16.  —  Les  sentences  judiciaires  du  Conseil  sont  défi- 
nitives, pourvu  qu'elles  revêtent,  dans  leur  promulgation,  les 
formes  exigées  par  le  règlement  (art.  10). 

Art.  17.  Forme  des  jugements  et  des  décrets.  —  Les  décrets 
généraux  du  Conseil,  de  même  que  ses  sentences  judiciaires, 
sont  rédigés  par  le  secrétaire  à  l'aide  des  procès-verbaux.  A 
la  séance  qui  suit  immédiatement,  ces  actes  sont  soumis  au 
Conseil  avant  toute  autre  chose.  Une  fois  qu'ils  sont  adoptés 
dans  leur  première  teneur  ou  moyennant  les  rectifications  né- 
cessaires, on  les  transcrit  sur  le  registre  des  jugements,  où  ils 
sont  signés  par  les  membres  qui  ont  assisté  à  la  délibération  ou 
au  verdict.  On  dresse  de  ces  actes  une  copie  absolument  sem- 
blable, marquée  du  sceau  du  Conseil,  signée  par  le  président 
et  le  secrétaire  et  contenant  la  transcription  des  autres  signa- 
tures du  registre,  puis  on  l'envoie  au  Patriarche  pour  qu'il 
donne  suite  à  l'exécution  de  la  sentence. 

Art.  18.  Du  président.  —  Le  président  du  Conseil  annonce 
l'ouverture  et  la  clôture  des  séances  ;  il  donne  la  parole  à  qui 
la  demande,  dirige  les  débats,  met  les  questions  aux  voix, 
signe  les  procès-verbaux  avec  les  autres  membres.  Quand  il 
se  présente  quelque  affaire  grave  et  urgente,  il  convoque  le 
Conseil,  avec  l'assentiment  du  Patriarche,  en  séance  extraor- 
dinaire. 


RKflLEMENTS    GÉNÉRAUX    DK    l/ÉGLISK    MllTIIODOXI':    EN    TLI{<jrii:.    230 

Art.  10.  Des  membres.  —  Tout  membre  du  Conseil  doit 
assister  régulièrement  aux  séances.  S'il  lui  arrive  d'en  êti-c 
empcclié,  il  doit  en  donner  avis  d'avance,  et  faire  connaître  le 
motif  de  son  absence.  On  mentionne  cette  particularité  dans 
le  procès-verbal  du  jour.  Si  l'absence  d'un  membre  se  pro- 
longe au  delà  d'un  mois,  on  applique  les  dispositions  indiquées 
dans  l'article  12  du  règlement  sur  la  composition  du  Conseil 
National  Mixte. 

Art.  20.  —  En  entrant  au  Conseil,  les  membres  inscrivent 
leur  nom,  de  leur  propre  main,  sur  un  registre  ouvert  à  cet 
effet. 

Art.  21.  — La  démission  donnée  par  un  membre  est  soumise 
au  Conseil,  qui  décide  s'il  y  a  lieu,  d'après  les  motifs  allégués, 
de  la  recevoir  ou  non,  suivant  les  dispositions  des  articles  0  et 
10  du  règlement  sur  la  composition  du  Conseil.  Dans  les  deux 
cas,  la  décision  du  Conseil  est  transmise  sans  retard  et  par 
écrit  à  S.  S.  le  Patriarche  et  au  membre  démissionnaire. 

Art.  22.  —  Les  demandes  de  permission  pour  partir  en 
voyage  sont  également  soumises  au  Conseil  ;  celui-ci  prend  une 
décision,  suivant  l'article  11  de  son  règlement,  et  la  transmet 
sans  retard  au  Patriarche  et  à  celui  qui  désire  partir. 

Art.  23.  Du  secrétaire.  —  Le  premier  secrétaire  a  la 
direction  du  bureau.  Quand  le  Conseil  tient  une  séance  géné- 
rale, c'est  lui  qui  est  chargé  du  procès-verbal,  dont  il  donne 
lecture  au  début  de  la  séance  suivante.  Il  le  signe  après  le  prési- 
dent et  les  autres  membres.  En  outre,  il  rédige  l'ordre  du  jour 
qu'il  présente  au  président,  veille  à  la  confection  des  actes  et 
autres  documents  indiqués  par  le  procès-verbal  et  à  leur  signi- 
fication aux  personnes  intéressées.  Il  est  chargé  du  proto- 
cole et  de  sa  rédaction,  suivant  l'article  2  du  règlement  sur 
les  devoirs  des  membres,  et  entretient  dans  les  archives  du 
Conseil  l'ordre  nécessaire.  Il  note  sur  toutes  les  pièces,  péti- 
tions, rapports,  adressés  au  Conseil,  la  date  de  leur  réception, 
et  les  communique  au  président.  Celui-ci  les  ouvre  et,  après 
en  avoir  pris  connaissance,  les  retourne  au  secrétaire,  qui 
rédige  un  rapport  à  ce  sujet  et  le  soumet  au  Conseil,  en  y 
joignant  une  ébauche  des  choses  essentielles  à  répondre.  Enfin, 
il  gère  la  subvention,  votée  par  le  Conseil,  pour  couvrir  les 
frais  du  bureau. 


240  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Quand  le  Conseil  tient  une  séance  judiciaire,  le  secrétaire 
remplit  toutes  les  fonctions,  exerce  tous  les  droits  que  lui 
confie  et  octroie  la  constitution  sur  la  procédure  en  vigueur 
au  sein  du  Conseil  National  Mixte  Permanent. 

Art.  24.  —  Outre  les  fonctions  qui  précèdent,  le  secrétaire 
exerce  encore  celles  de  notaire.  En  cette  qualité,  il  rédige,  dans 
les  formes  usitées,  tous  les  actes  auxquels  les  contractants 
doivent  ou  veulent  donner  la  valeur  d'un  document  officiel. 
Avec  l'assentiment  du  Conseil  et  l'autorisation  écrite  du  prési- 
dent, il  délivre  des  copies  des  originaux  dont  il  a  la  garde.  Il 
légalise  les  signatures  et  constate  la  date  des  actes  sous  seing 
privé,  suivant  le  règlement  qui  sera  publié  à  ce  sujet. 

Art.  25.  —  Le  bureau  sera  constitué  de  telle  sorte  qu'on  y 
puisse  traduire  les  actes  nécessaires  en  turc,  en  français  et  en 
bulgare. 

Art.  26.  —  Un  règlement  spécial  fixera  ultérieurement  les 
formalités  relatives  aux  testaments,  et  la  taxe  des  droits  d'écri- 
ture à  percevoir  au  profit  du  Trésor  national  (1). 

Art.  27.  —  Le  bureau  devra  avoir,  pour  tous  ces  actes  , 
un  répertoire  notarial,  où  ils  seront  enregistrés  chaque  jour 
sous  un  numéro  d'ordre;  on  notera  en  même  temps  sur  l'ori- 
ginal les  actes  de  toute  espèce  se  référant  au  ressort  notarial 
du  bureau. 

Art.  28.  —  Tous  les  livres,  tous  les  registres  du  bureau 
doivent  être  numérotés,  et  porter,  à  la  première  et  à  la  dernière 
page,  le  sceau  du  Conseil  et  la  signature  du  président. 

Art.  29.  —  Les  employés  du  Conseil ,  de  même  que  ses 
membres,  doivent  observer  la  discrétion  nécessaire  sur  toutes 
les  délibérations  et  décisions  de  l'Assemblée. 

Art.  30.  Du  caissier.  —  Le  caissier  a  pour  fonction  de 
tenir  en  ordre  les  comptes  du  Conseil  Mixte,  et  d'en  dresser 
tous  les  ans  le  budget  avec  l'exposé  des  motifs.  Il  enregistre  et 
contresigne  les  mandats  de  paiement  délivrés  par  le  secrétaire, 
à  la  suite  des  décisions  du  Conseil  ;  en  un  mot,  il  s'occupe  de 
tout  ce  qui  a  rapport  à  la  comptabilité  du  Conseil,  conformé- 
ment à  ses  instructions  sur  chaque  matière. 

Art.  31.  —  Le  Conseil  correspond  directement  avec  le  Pa- 
triarche et  le  S. -Synode  par  son  président  ordinaire  ou  l'un  de 
ses  membres.  [Suivent  les  signatures.) 


RÈGLEMENT.^    OKNKRALX    DK    l/KliLISK    m|;t||(  »|)0\K    EN    TL'IUjI.  IK.     211 

Los  divers  règlements  qu'on  vient  de  lire  indiquent  trop  clai- 
rement les  attributions  du  Conseil  Mixte,  pour  qu'il  soit  néces- 
saire d'insister  davange  sur  ce  point.  Parmi  ces  attributions,  il 
est  vrai,  il  en  est  plusieurs  qui  ont  été  modifiées  par  la  circulaire 
vizirielle  du  22  janvier  1891,  sur  laquelle  nous  aurons  à  revenir 
plus  tard,  à  cause  de  son  extrême  importanre.  C'est  cette  pièce 
qui  mit  fin  à  la  grosse  question,  longtemps  pendante,  des 
privilèges  civils  du  Patriarcat;  en  donnant  satisfaction  à  ce 
dernier  sur  différents  points,  la  Sublime  l'orte  a  du  même  coup 
confirmé  les  pouvoirs  du  Conseil  Mixte,  et  c'est  désormais 
entre  les  mains  de  cette  assemblée  que  reposent  tous  les  grands 
intérêts  de  la  nation,  les  meilleures  garanties  de  son  avenir. 
Le  S. -Synode,  qui  avait,  durant  plusieurs  siècles,  détenu  le 
pouvoir,  ne  possède  plus  maintenant  qu'une  autorité  très 
amoindrie,  et  n'intervient  que  dans  les  questions  purement 
religieuses;  il  utilise  souvent  ses  loisirs  forcés  à  organiser  de 
petites  coteries  dont  l'infaillible  résultat  est  un  changement  de 
Patriarche. 


VI.  —  LES  MÉTROPOLITAINS. 

Les  deux  assemblées  dont  nous  avons  parlé  jusqu'ici,  !<■ 
S. -Synode  et  le  Conseil  Mixte,  s'appellent,  d'un  nom  collectif, 
les  Deux  Corps,  -y.  \Jo  ^-coy-a^a;  à  elles  seules,  elles  forment 
toute  l'Église  dirigeante,  réunissant  le  triple  pouvoir  législatif, 
judiciaire  et  exécutif.  C'est  d'elles  que  relèvent  tous  les  titulaires 
de  l'Église  orthodoxe,  à  tous  les  degrés  de  la  hiérarchie,  depuis 
le  Patriarche  jusqu'au  dernier  higoumène  du  plus  pauvre 
monastère.  Les  métropolitains,  en  dépit  des  apparences,  sont 
entièrement  à  la  discrétion  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  assem- 
blées; elles  ont  si  bien  absorbé  les  prérogatives  et  les  droits 
réels  attribués  par  les  anciens  canons  à  cette  dignité,  que  le 
nom  de  métropolitain  n'est  le  plus  souvent  qu'un  titre  d'hon- 
neur, tout  comme  celui  d'exarque.  A  cet  égard,  rien  n'est 
instructif  comme  l'examen  du  règlement  qui  régit  les  hautes 
prélatures  orthodoxes.  Le  voici  dans  toute  sa  teneur. 


242  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 


RÈGLEMENT    SUR    LES    CONDITIONS    REQUISES   POUR    ÊTRE    ÉLIGIBLE    A 
L'ÉPISCOPAT,    et   sur    le    MODE    D'ÉLECTION    DES    ÉVÈQUES    (1). 

j^^-Y^  l^\  —  Tout  candidat  à  l'épiscopat  doit  :  P  être,  par 
sa  naissance,  sujet  de  l'empire  et  avoir  toujours  eu  une  con- 
duite irréprochable  envers  le  gouvernement  comme  envers  la 
nation;  2°  présenter  des  certificats  de  bonne  conduite,  émanant 
des  personnes  au  milieu  desquelles  il  a  vécu  avant  d'avoir  été 
attaché  au  patriarcat  ou  à  quelque  évêché;  3°  avoir  l'intégrité 
corporelle  et  l'âge  requis  par  les  canons  de  l'Église;  4°  s'être 
fait  connaître  de  l'Église  par  les  fonctions  qu'il  aura  fidèlement 
remplies  pendant  cinq  ans  parmi  les  ecclésiastiques  attachés 
au  patriarcat  ou  à  quelque  évêché,  pour  y  acquérir  une  con- 
naissance suffisante  des  affaires  ecclésiastiques  et  l'expérience 
qu'exige  l'administration  d'un  diocèse  ;  5°  savoir,  en  dehors  du 
grec,  le  turc  ou  le  slave,  suivant  le  diocèse  pour  lequel  il  sera 
désigné. 

Art.  2.  —  Seront  désormais  éligibles  à  un  évêché  tous  ceux 
qui  auront  un  diplôme  constatant  qu'ils  ont  achevé  leurs  études 
de  théologie-  orthodoxe ,  ou  encore  ceux  qui,  sans  avoir  un 
diplôme  de  ce  genre,  n'en  sont  pas  moins  honnêtes  et  vertueux 
et  possèdent  une  connaissance  complète  de  la  religion.  Ceux 
de  ces  candidats  qui  ont  fait  leurs  études  à  l'étranger  doivent, 
à  leur  retour,  avoir  une  conférence  avec  les  professeurs  de 
l'École  théologique  de  la  capitale  et  en  obtenir  un  certificat 
d'aptitude.  Quant  aux  autres  qui  n'ont  pas  de  diplôme,  ils  subi- 
ront un  examen  à  l'École  théologique  pour  obtenir,  en  bonne 
règle,  cette  pièce;  s'ils  réussissent  à  l'avoir, ils  pourront  compter 
parmi  les  candidats,  mais  non  dans  le  cas  contraire. 

Art.  3.  —  On  regarde  aussi  comme  éligible,  même  sans 
qu'il  soit  resté  pendant  cinq  ans  attaché  au  patriarcat  ou  à  quel- 
que évêché,  tout  sujet  connu  de  l'Église  qui  jouit  de  la  consi- 
dération publique  pour  sa  vertu  et  sa  science;  mais  il  devra 
d'abord  subir  les  examens,  suivant  l'article  précédent. 

(1)  On  fera  connaître  ces  diverses  taxes  dans  une  étude  ultérieure  sur  les  linances 
de  l'Église  orthodoxe. 

(2)  Cf.  Fevtxol  xavovt(T[xoî,  p.   11-18.  —  Nicolaïdès,  'OÔwjjLavixot  Kcôotxcç,   tome  3, 
Constantinople,  1890),  p.  2758  2763. 


RÈGLEMENTS    (lÉXÉRAUX    DE    l/ÉdLISE    OliTIKU.oXE    EX    Tl  IJQUIE.    243 

Art.  4.  —  Le  choix  et  la  nomination  d'un  évoque  à  un  siège 
vacant  résultent  du  vote  ctde  la  reconnaissance  du  Saint-Synude, 
suivant  l'usage  en  vigueur  dans  l'Église  ab  anlliiao.  Dans  ce 
but  le  Saint-Synode,  sous  l'impulsion  et  avec  l'autorisation  du 
Patriarche,  dresse  une  liste  de  tous  ceux  qui  ont  les  qualités 
requises.  Quand  un  siège  devient  vacant,  il  choisit,  parmi  ces 
aspirants,  trois  candidats,  en  ayant  soin  de  toujours  préférer, 
entre  des  sujets  doués  d'égales  qualités,  ceux  qui  ont  exercé 
plus  longtemps  et  plus  fidèlement  leurs  fonctions  ecclésiasti- 
ques; après  quoi  il  se  rend  à  l'église  où,  après  avoir  célébré  la 
fonction  sacrée,  il  nomme  définitivement,  encore  au  scrutin  se- 
cret, l'un  des  trois  candidats.  Si  les  suffrages  sont  égaux,  c'est 
la  voix  du  Patriarche  qui  l'emporte. 

Art.  5.  —  Quand  un  évêque  vient  à  mourir,  le  Synode  ne 
doit  pas  procéder  à  la  nomination  de  son  successeur  avant  d'a- 
voir reçu  la  notification  officielle  du  décès,  signée  par  le  clergé 
et  les  laïques  du  lieu. 

Art.  6.  —  Suivant  les  prescriptions  des  saints  canons  de 
l'Église,  tout  évêque,  comme  le  Patriarche  lui-même,  occupe 
son  siège  pour  la  vie,  à  moins  qu'il  ne  commette  des  actes  exi- 
geant sa  déposition,  d'après  les  lois  de  l'empire,  par  exemple, 
la  trahison  envers  l'État,  l'injustice  et  l'oppression  à  l'égard  des 
habitants,  et  autres  crimes  semblables.  En  conséquence,  les 
translations  d'un  siège  à  un  autre  sont  désormais  interdites, 
à  moins  d'une  raison  légitime.  Voici,  par  exemple,  un  diocèse 
dont  la  population  ou  la  position  réclame  le  choix  d'un  évêque 
déjà  éprouvé  et  très  expérimenté  :  en  ce  cas,  suivant  une  cou- 
tume assez  rare  dans  l'Église,  mais  usitée  pourtant  dès  l'ori- 
gine, le  Saint-Synode,  de  concert  avec  le  Patriarche,  recherche 
parmi  les  évoques  déjà  en  exercice  trois  candidats  convenables; 
puis,  se  rendant  à  l'église,  il  procède  à  l'opération  d'usage  (le 
vote)  et  nomme,  à  la  majorité,  l'un  des  trois  candidats.  On  de- 
mande à  l'élu  s'il  accepte  son  changement  :  refuse-t-il  d'aban- 
donner le  siège  qu'il  occupe,  le  Synode  s'adresse  à  l'un  des 
deux  autres  candidats.  Il  n'y  a  qu'une  seule  translation  de  per- 
mise; encore  ne  l'est-elle,  nous  l'avons  dit.  que  pour  île  très 
graves  raisons  (1). 

(1)  En  fait,  cet  article  n'est  pas  appliqué;  il  y  a  autant  de  translations  qu'il 
plaît  au  Synode  d'en  accorder  ;  on  reviendra  ailleurs  sur  cette  intéressante  question. 


244  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Art.  7.  —  Tous  les  évêques  en  général  ont  le  devoir,  confor- 
mément aux  canons  de  FÉglise,  de  résider  dans  leur  diocèse,  de 
le  visiter  à  des  époques  fixes,  suivant  la  coutume  établie,  et  de 
veiller  aux  intérêts  spirituels  de  leurs  ouailles  sans  leur  être  à 
charge.  Ils  n'ont  pas  le  droit  de  prendre  à  leur  service  des  évê- 
ques titulaires  et  de  les  charger  d'expédier  leurs  propres 
affaires,  hormis  le  cas  d'extrême  vieillesse  ou  de  maladie  incu- 
rable, ou  quand  un  autre  motif  plausible,  d'ordre  religieux  ou 
politique,  oblige  de  les  mander  eux-mêmes  à  Constantinople. 

Art.  8.  —  D'après  la  teneur  de  l'article  6,  tous  les  évêques 
en  exercice  sont  nommés  à  vie  à  leur  siège.  S'il  arrive  que  les 
fidèles  d'un  diocèse  intentent  une  action  contre  leur  évêque,  le 
Saint-Synode  emploie  d'abord,  pendant  un  temps  convenable, 
toutes  les  mesures  de  conciliation;  il  a  recours  aux  évêques  voi- 
sins pour  ouvrir  une  enquête  et  rétablir  la  paix.  Mais  si  les  péti- 
tionnaires persistent  à  réclamer  le  procès,  l'évêque  accusé  est 
mandé  à  Constantinople.  Les  griefs  allégués  sont-ils  d'ordre 
religieux,  la  cause  ressort  seulement  du  Saint-Synode,  suivant 
les  canons  de  l'Église;  ont-ils  au  contraire  pour  objet  des  ma- 
tières d'ordre  temporel,  le  Patriarche,  de  concert  avec  le  Synode, 
nomme  une  commission,  composée  des  quatre  métropolitains 
et  de  quatre  laïques  du  Conseil  Mixte.  Ceux-ci  examinent  en- 
semble les  dépositions  des  deux  parties,  formulent  leur  avis  et 
adressent  par  écrit  (dans  un  mazbataj  leurs  conclusions  au  Pa- 
triarche. Alors  on  stipule  les  peines  nécessaires,  conformément 
aux  lois  de  l'empire,  et  on  en  réfère  à  la  Sublime  Porte.  Si  le 
délit  commis  par  le  métropolitain  ou  l'évêque  est  un  délit 
énorme,  le  Patriarcat  commence  par  dépouiller  tout  à  fait  le 
coupable  du  titre  spirituel  qu'il  porte,  et  on  le  châtie  d'après 
les  dispositions  du  code  pénal. 

Art.  9.  —  Suivant  la  loi  promulguée  par  le  gouvernement 
impérial  au  sujet  des  conseils  provinciaux,  les  évêques  des  pro- 
vinces sont  tenus  d'assister  au  Conseil  du  chef-lieu  de  leur  vi- 
layet,  et  d'y  remplir  ce  qu'exige  leur  fonction.  S'ils  sont  malades 
ou  absents,  ils  y  délégueront  un  ecclésiastique;  ils  désigneront 
aussi  des  ecclésiastiques  pour  les  représenter  au  conseil  des  ca- 
zas. 

Art.  10.  —  Les  évêques  ne  peuvent  pas  disposer  par  testa- 
ment de  leur  fortune  personnelle.  Quand  l'un  d'eux  vient  à 


RÈGLEMENTS    GENÉRArX    DK    i/kgMSK    OICIIIuDOXK    KN    TflKjlIi;.    2  I.") 

mourir,  on  commence  par  pnJlover  sur  Tlioii-ic  de  quoi  couvrir 
les  frais  des  funérailles,  des  services  funèbres  et  des  aumônes. 
Le  reste  de  sa  fortune  mobilière  ou  innnobilière  est  divisé  en 
trois  parts  égales.  La  première  sert  à  doter  la  métropole  ou 
l'évêché;  on  l'affecte  à  l'achat  d'immeubles  à  augmenter  succes- 
sivement de  leurs  propres  revenus,  jusqu'à  ce  que  le  produit  de 
ces  derniers  soit  égal  au  montant  du  traitement  de  Tévèque.  Ce 
résultat  obtenu,  les  revenus  à  recueillir  de  ce  premier  tiers  des 
biens  épiscopaux  seront  consacrés,  d'une  façon  analogue,  au 
profit  des  établissements  publics  du  diocèse.  Le  second  tiers 
appartient  aux  héritiers  du  défunt.  Quant  au  dernier  tiers,  on 
en  affectera  la  moitié  aux  établissements  nationaux  de  bienfai- 
sance de  Constantinople;  l'autre  moitié  sera  employée  en  acliats 
d'immeubles,  à  titre  de  dotation  en  faveur  du  siège  œcuménique, 
jusqu'àceque  les  revenus  produits  par  ces  immeubles  égalent  !<■ 
montant  delà  liste  civile  du  Patriarche.  Ce  qu'on  recueillera  en- 
suite de  ce  chef  servira  à  acheter  des  immeubles,  dont  les  reve- 
nus seront  affectés  à  l'entretien  des  établissements  de  bienfai- 
sance que  la  nation  possède  dans  la  capitale.  Si.  parmi  les  biens 
du  défunt,  il  en  est  qui  proviennent  de  ses  parents  par  suite  d'un 
bien  établi,  le  testament  qu'il  fera  de  ces  biens  aura  force  héritage 
et  valeur  ;  mais  si  ce  testament  n'existe  pas,  les  biens  en  question 
seront,  comme  les  autres,  divisés  en  trois  parts,  ainsi  <iu'il  a 
été  dit.  Les  dispositions  qui  précèdent  s'appliquent  à  la  fortune 
des  prélats  de  toute  classe,  depuis  le  Patriarche  jusqu'aux  sim- 
ples évoques;  mais  pour  leur  mise  en  vigueur,  on  devra  se  con- 
former aux  décrets  relatifs  aux  terres  publiques  ainsi  qu'aux 
lois  des  vakoufs. 

Art.  11.  —  Quand  le  défunt  est  un  patriarche  ou  un  métro- 
politain en  disponibilité  ou  un  évêque  titulaire,  on  prélèvera 
d'abord  sur  la  fortune  laissée  par  lui  la  somme  nécessaire  pour 
les  funérailles,  les  aumônes  et  autres  dépenses  indispensables: 
on  la  divisera  ensuite  en  trois  parts  égales,  dont  Tune  sera 
abandonnée  à  ses  héritiers  légaux,  l'autre  servira  à  acheter  des 
immeubles,  pour  la  dotation,  en  parties  égales,  du  siège  œcumé- 
nique et  des  établissements  nationaux  de  la  capitale,  la  troi- 
sième sera  attribuée  aux  établissements  publics  du  pays  natal 
du  défunt. 

Art.  12.  —  La  fortune  d'un  Patriarche  décédé  sur  le  siège 


246  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

œcuménique  sera  de  même  partagée  en  trois  portions  égales  : 
Tune,  restant  au  siège  œcuménique,  est  consacrée  à  acquérir 
des  immeubles  ;  la  seconde  est  laissée  aux  héritiers  légaux  ;  quant 
à  la  troisième,  on  en  garde  encore  la  moitié  pour  la  dotation  du 
siège  œcuménique;  l'autre  moitié  est  affectée  aux  établisse- 
ments publics  de  la  capitale. 

Art.  13.  —  A  la  mort  d'un  ecclésiastique  en  activité  de  ser- 
vice, quatre  des  plus  notables  orthodoxes  du  voisinage  et  quatre 
ecclésiastiques  ont  soin  de  dresser  un  inventaire  de  sa  fortune 
et  d'}^  apposer  les  scellés.  Ils  préviennent  ensuite  le  Patriarche 
œcuménique,  qui  envoie  les  instructions  nécessaires  sur  les 
mesures  à  prendre.  Ces  mêmes  notables  se  chargent  des  obsè- 
ques et  des  services  funèbres. 

Art.  14.  —  On  dressera  dès  maintenant  un  tableau  où  seront 
inscrits  tous  les  clercs  éligibles  à  l'épiscopat,  même  ceux  des 
provinces  de  l'empire,  c'est-à-dire  tous  ceux  qui  auront  les  qua- 
lités requises  pour  cela  et  qui  seront  mandés  par  lettres  pa- 
triarcales. Ensuite,  à  mesure  que  d'autres  candidats  se  présen- 
teront, on  les  inscrira  sous  une  date  déterminée,  suivant  l'ar- 
rivée des  lettres  de  recommandation.  On  n'oubliera  pas  de 
mentionner  dans  ces  lettres  les  qualités  personnelles  du  candi- 
dat. Celui-ci  devra  passer,  à  l'Ecole  théologique,  un  examen 
préalable,  suivant  l'article  ci-dessus  formulé  au  sujet  des  exa- 
mens en  théologie. 


A  l'instar  de  Constantinople,  chaque  éparchie  possède  un  Con- 
seil Mixte,  dont  les  attributions  sont  analogues  à  celles  du  Con- 
seil de  la  capitale.  Toutefois,  il  n'existe  pas  pour  ces  assemblées 
provinciales  dérèglement  uniforme;  chaque  métropole  doit  se 
conformer  aux  traditions  locales.  Il  est  actuellement  question 
d'élaborer  un  règlement  applicable  à  tous  les  évêchés  du  Pa- 
triarcat; on  ne  manquera  pas,  quand  ce  document  aura  vu  le 
jour,  d'en  donner  connaissance  au  lecteur. 

Constantinople. 

L.  Petit, 

des  Augustins  de  l'Assomplion. 


LE 

SYNODE  DE  MAR  JÉSl  VAH 


Au  mois  de  décembre  1S07,  nous  avons  eu  l'agréable  oblig-a- 
tion  de  nous  rendre  à  Rome  pour  présenter  nos  hommages  et 
nos  remerciements  à  Sa  Sainteté  le  pape  Léon  XIII.  Pendant  le 
trop  court  séjour  que  nous  avons  pu  faire  dans  la  \'ille  EtiT- 
nelle,  nous  avons  cependant  eu  la  satisfaction  de  travailler 
quelque  temps  au  Musée  Borgia.  Nous  avons  profité  de  cette 
occasion  pour  prendre  copie  du  synode  tenu  par  Mar  Jésuyab, 
patriarche  nestorien  en  Tannée  8  d'Hormizd,  c'est-à-dire  l'an 
588  de  notre  ère  (1).  Ce  texte  contenu  dans  le  manuscrit  qui 
porte  la  cote  K.  VI,  4,  avait  déjà  été  signalé  par  le  savant 
M.  Guidi  et  décrit  sommairement  par  M.  Cersoy  dans  la 
Zeitschrift  fur  Assyriologie,  octobre  1894. 

Ce  synode  nous  a  paru  particulièrement  intéressant  parce 
qu'il  donne  une  idée  de  l'état  de  l'Église  nestorienne.  un  siècle 
environ  avant  que  la  domination  musulmane  ne  vint  changer 
les  conditions  de  son  existence,  et  nous  croyons  que  pour  cette 
même  raison  il  intéressera  les  lecteurs  de  la  Revue  de  /'Oi-ient 
chrétien. 

Notre  désir  eût  été  de  publier  le  texte  avec  des  caractères 
syriaques  orientaux,  mais  la  Revue  n'a  pas  encore  à  sa  dispo- 
sition cette  sorte  de  caractères  et  pous  avons  dû  nous  servir  de 
ceux  que  nous  avons  fait  graver  pour  la  publication  de  la  Pa- 
trologie  syriaque. 

H.  Graffin. 

(1)  Voyez  Le  Quien,  Oriens  ChristUtnus,  t.  II.  col.  119.  Paris,  1740. 


SYNODE  DE  MAR  JESUYAB  CATIIOLIGOS 

PATRIARCHE  d'oRIENT, 

ET  DES  AMIS  DE  DIEU  LES  MÉTROPOLITAINS,  CHEFS  DES  PROVINCES, 

ET  DES  VERTUEUX  ÉVÉQUES, 

CHEFS  DES  CIRCONSCRIPTIONS  DES  PROVINCES. 


Le  commencement  de  nos  présents  écrits  ecclésiastiques  et 
synodaux,  légaux  et  canoniques,  doit  être  une  action  de  grâces 
continue,  pour  nous  et  pour  tous,  offerte  dûment  de  notre  part, 
comme  de  la  part  des  serviteurs  de  tous,  à  Dieu,  Maître  de  tout, 
qui  est  le  dispensateur  de  nos  biens  et  le  gouverneur  de  notre 
vie,  le  créateur  et  le  maître  de  tout  ce  qui  a  été  et  de  tout  ce 
qui  se  fait,  l'organisateur  et  l'ordonnateur  des  deux  mondes, 
c'est-à-dire  :  de  ce  monde  mortel  qui  a  commencé  par  la  créa- 
tion et  qui  finira  puisqu'il  n'a  qu'un  temps;  et  de  cet  autre 
monde  immortel  qui  est  au-dessus  de  la  mesure  des  temps, 
celui  qui  a  eu  un  commencement  créé,  mais  qui  n'étant  pas 
périssable  n'aura  pas  de  fin,  et  durera  indéfiniment,  selon  la 
volonté  de  Celui  qui  ordonne  tout,  de  Celui  qui  a  pourvu  aux 
mœurs  par  la  lumière  de  la  raison,  qui  l'a  soutenue,  fortifiée 
et  embellie,  par  l'établissement  de  lois  et  d'ordonnances  di- 
gnes d'elle. 

C'est  encore  lui  qui  par  la  puissance  de  son  commandement 
nous  a  amenés,  nous,  adorateurs  de  Sa  Seigneurie,  et  les  chefs 
de  ses  troupeaux,  à  nous  réunir  en  ce  siècle  en  son  nom  pour 
les  mettre  en  ordre  et  organiser  les  parties  de  son  troupeau. 
Nous  affermirons  ainsi  les  premiers  principes  institués  divine- 
ment par  les  maîtres  de  vérité,  nous  ajouterons  les  desiderata 
nécessairement  utiles  aux  disciples  de  vérité,  nous  examine- 
rons les  défauts,  de  sorte  que  le  tout  forme  un  sacrifice  de  ré- 
conciliation à  l'égard  de  Dieu  et  un  remède  bienfaisant  pour 
ses  serviteurs.  Il  a  plu  à  sa  sollicitude  de  se  retourner  vers 
nous  avec  miséricorde  en  visitant  la  terre  dans  nos  jours  et 
dans  notre  temps  plein  d'angoisse,  car,  pour  la  paix  de  l'uni- 
vers entier  et  pour  la  joie  de  ses  habitants  et  par  ses  mains  et 


SVNODK    KK    MAIi    JKSCVAI! .  210 

par  ses  ordres  puissants  et  excellents  et  sages,  il  a  montré  la 
richesse  de  sa  clémence  incommensurable,  en  suscitant  do 
la  famille  célèbre  du  royaume  glorieux  un  excellent  maître, 
héros  et  vainqueur,  ami  de  la  paix,  ami  des  hommes,  sei- 
gneur perpétuel,  Ilormizd,  le  roi  des  rois.  Et  ce  Seigneur 
excellent  et  victorieux,  le  roi  des  rois,  par  une  pensée  méié-e 
de  l'amour  de  Dieu  et  de  l'amour  des  hommes  et  riche  «l'une 
étonnante  sagesse,  a  orné  son  royaume  et  fait  dos  terres  de 
son  gouvernement  une  demeure  nuptiale  procurant  la  joie  du 
cœur  à  ses  habitants,  et  il  en  a  arraché  les  vices  comme  autant 
d'épines  nuisibles  et  d'amères  ivraies.  Il  y  a  planté  des  bien- 
faits comme  des  arbres  fruitiers,  et  comme  un  grain  excellent 
en  peu  de  temps  il  a  ressuscité  le  territoire  de  son  royaume  de 
la  mortalité  des  mauvaises  actions  et  l'a  rempli  de  la  richesse 
durable  des  bonnes  actions.  De  plus,  il  a  montré  l'élan  de  sa 
miséricorde  et  l'abondance  de  sa  charité  envers  notre  peuple 
chrétien,  serviteurs  et  soumis  à  Sa  Seigneurie,  et  nous  tous 
dans  une  pensée  sincère  et  exempte  de  perfidie  et  de  fraude  et 
comme  serviteurs  et  obligés  de  Sa  Seigneurie,  nous  prions  pour 
Sa  Seigneurie  la  nuit  et 'le  jour,  afin  que  sa  puissance  subsiste 
éternellement  et  que  celui  qui  habite  les  cieux,  le  Maître  des 
rois,  soit  avec  lui  en  toute  chose  éternellement,  et  que  les  habi- 
tants de  la  terre  et  que  ceux  qui  résident  dans  l'univers  soient 
soumis  à  Sa  Seigneurie  pour  toujours,  selon  qu'il  plaira  à  Dieu. 

Cette  réunion  synodale  a  eu  lieu  en  l'an  8  du  règne  du 
Maître  excellent,  vainqueur  et  pacifique  et  ami  des  hommes. 
Hormizd,  le  roi  des  rois  (1).  Puisse-t-il  être  conservé  comme  il  l'a 
été  par  la  protection  céleste  dans  la  joie  du  cœur  et  la  santé  du 
corps  et  l'accomplissement  de  ses  volontés  selon  la  volonté  du 
Seigneur. 

Nous  fûmes  convoqués  canoniquement  de  la  part  du  chef  des 
Pères,  chefs  des  administrations  de  saintes  Églises,  Mar  Jé- 
suyab,  le  catholicos.  Patriarche  de  l'Orient;  et  nous  nous  réu- 
nîmes et  nous  nous  donnâmes  rendez-vous  canoniquement, 
nous  les  métropolitains,  chefs  des  provinces,  et  nous  évêques, 
chefs  des  circonscriptions  des  provinces  par  l'administration 


(1)  Cette  année  correspond  à  l'année  588  de  notre  ère.  Voyez  Assemam.  Biblk- 
theca  OrienlaUs,  t.  111,  p.  111.  Rome,  17-'5. 


250  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

céleste  selon  la  tradition  respectée  clans  les  Églises  depuis  un 
temps  immémorial. 

Quant  à  nous  qui  par  la  désignation  céleste  et  par  ordre 
royal  tenons  et  gouvernons  les  sièges  patriarcaux  et  apostoli- 
ques de  nos  pères  dans  ce  royaume  glorieux,  Maître  des  rois, 
nous  sommes  venus  chez  le  saint  chef  et  père  universel  Mon- 
seigneur le  Patriarche,  en  la  quatrième  année  de  sa  princi- 
pauté, et  nous  sommes  arrivés  [devant  le  siège  paternel  et 
patriarcal  constitué  catholiquement  et  affermi  paternellement 
par  Tautorité  du  Christ,  suivant  Tordre  apostolique  dans  la 
résidence  de  campagne  de  Mahoza  (1)  la  capitale  du  royaume  ;  et 
rassemblés  par  Tordre  céleste,  nous  avons  fermement  confiance 
qu'est  avec  nous  et  nous  préside  avec  une  royale  autorité,  Jésus 
notre  vivificateur,  selon  sa  promesse  envers  nous  :  «  Où  deux 
ou  trois  sont  réunis  en  mon  nom,  je  suis  parmi  eux.  »  Et  aus- 
sitôt réunis,  nous  nous  sommes  disposés  immédiatement  à  être 
régénérés  les  uns  par  les  autres  et  à  être  réformés  mutuellement 
dans  un  esprit  humble,  car  si  Texemple  de  ces  réformes  se 
répand  de  chez  nous  comme  de  la  part  des  chefs  des  troupeaux, 
nous  pourrons  faire  progresser  avec  sûreté  et  honneur  les  en- 
seignements, les  lois  et  les  règlements,  dans  les  parties  de  nos 
troupeaux  ;  de  sorte  que  depuis  le  sommet  de  la  hiérarchie  les 
réformes  se  propageront  sans  obstacle  et  atteindront  toutes  les 
parties  des  parterres  du  jardin  de  TÉglise,  paradis  divin  fécondé 
par  les  eaux  de  la  grâce  où  s'épanouissent  les  fruits  de  la  récon- 
ciliation qui  augmentent  la  justice  et  couvrent  le  péché.  C'est 
dans  cette  confiance  et  ce  doux  espoir  qui  ne  sera  pas  déçu,  que 
nous  nous  sommes  réunis ,  moi  le  Patriarche  et  nous  les  mé- 
tropolitains archevêques  dont  les  noms  sont  inscrits  à  côté  de 
nos  sceaux  et  dans  nos  signatures,  par  lesquelles  se  conclut  le 
présent  livre.  De  réels  avantages  jailliront  de  ce  livre  qui  rejette 
tout  faux  préjugé  et  qui  est  plein  d'intérêt  et  de  soulagement 
pour  les  disciples  du  Christ,  que  nous  prions  d'adopter  notre 
enseignement  et  auxquels  nous  ordonnons,  en  vertu  de  la 
parole  de  Notre-Seigneur,  d'adhérer  avec  réflexion  et  sans 
négligence,  avec  exactitude  et  sans  hésitation,  par  discipline 
et  saïis  révolte  envers  Tordre,  de   repousser  loin  d'eux    les 

(1)  Voyez  sur  cette  ville  Assemam,  Bibliotheca  Orientalis,  t.  lY,  p.  dcclxi. 


SYMiDrO    ])K    MAU   .IKSrVAIi.  251 

souillures  et  les  taches  qui  offensent  et  qui  rendent  coupables, 
de  garder  le  sacrement  du  bain  de  leur  sanctification  d'une 
manière  convenable  et  inimacui('e  jusqu'au  dernier  soupir, 
jusqu'au  jour  du  Christ;  car  c'est  par  de  tels  sacrifices  que 
l'homme  plait  à  Dieu,  selon  qu'il  est  écrit.  Il  nous  faut,  en 
effet,  affermir  deux  choses  entre  nous,  à  savoir  la  détermina- 
tion de  la  vraie  Foi  et  les  définitions  des  lois  qui  conduisent 
à  la  vertu,  suivant  l'évangélisation  faite  par  l'intermédiaire 
des  Apôtres  et  suivant  cette  doctrine  enseignée  par  les  Pères, 
qui ,  après  avoir  commencé  à  Jérusalem ,  en  vertu  de  la  pro- 
messe de  Notre-Seigneur,  en  peu  de  temps  se  répandit  comme 
avec  les  aileà  de  l'esprit,  remplit  la  terre  jusqu'aux  confins 
de  l'univers,  prit  racine  de  manière  à  résister  à  toute  extirpa- 
tion et  étendit  ses  rameaux  par  un  miracle  continu  dans  les 
nombreuses^  parties  du  monde  pour  le  témoignage  de  toutes 
les  nations,  selon  qu'il  est  écrit. 

CANON  PREMIER  (I) 

Il  convient  donc  de  placer  et  d'établir  en  tête  de  ces  canons 
la  Foi  véritable  :  car  elle  est,  pour  ainsi  dire,  le  principe  de 
tous  les  degrés  de  la  crainte  de  Dieu,  l'ornement  et  l'éclat  de 
toutes  les  formes  des  beautés  de  la  justice;  c'est  elle  que  Notre- 
Seigneur  a  prêchée  d'abord  et  transmise  par  les  douze  dis- 
ciples à  tous  ceux  qui  furent  évangélisés  et  devinrent  les  dis- 
ciples de  son  Évangile  ;  c'est  elle  que  prêchèrent  et  enseignèrent 
complètement  et  sans  amoindrissement  les  premiers  Pères 
dans  leurs  monastères;  c'est  elle  que  dans  des  expressions 
parfaites,  dans  des  réponses  condensées,  ont  exprimée,  ensei- 
gnée et  écrite  ou  envoyée  aux  Églises  de  toutes  les  contrées 
les  trois  cent  dix-huit  saints  Pères  réunis  à  Xicée  et  les  cent 
cinquante  réunis  à  Byrance  sur  la  résurrection  des  morts  et 
sur  la  vie  nouvelle  dans  le  monde  futur. 

Et  après  avoir  ainsi  prêché  la  vérité  avec  magnificence  et 
intégrité,  ils  sont  repartis  de  ce  même  point  pour  anathéma- 

(1)  Le  texte  syriaque  donne  ici  Le  mot  chapitre,  au  lieu  du  mot  canon  que  Ton 
trouve  sous  tous  les  numéros  suivants  :  ce  doit  être  une  erreur  du  copiste,  à 
moins  cependant  qu'il  n'y  ait  quelque  chose  d'omis  dans  la  copie  du  Musée 
Borgia. 


252  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

liser  Arius  et  les  enfants  de  son  erreur,  à  savoir  ceux  qui  disent 
qu'il  y  eut  un  moment  où  II  n'était  pas,  qu'avant  de  naître  II 
n'était  pas,  ou  qu'il  est  né  de  rien,  ou  qui  disent  qu'il  est  d'une 
autre  personne  et  d'une  autre  essence,  ou  qui  pensent  que 
Lui,  le  Hls  de  Dieu,  est  changeant  et  variable  :  ceux-là,  l'Église 
catholique-et  apostolique  les  excommunie. 

Puis  des  hérétiques,  dans  leur  entêtement,  ont  osé  attribuer 
à  la  nature  et  à  la  personne  Divine  et  humaine  et  à  l'essence  du 
Verbe  les  propriétés  et  les  souffrances  de  la  nature  de  l'huma- 
nité du  Christ;  propriétés  qui  parfois,  à  cause  de  la  parfaite  unité 
entre  l'humanité  du  Christ  et  sa  Divinité,  ont  été  attribuées  à 
Dieu  providentiellement  et  non  naturellement.  Telle  est  la  Foi 
des  Pères  par  laquelle  sont  réduits  au  silence  le  paganisme,  le 
judaïsme  et  l'hérésie,  de  laquelle  se  glorifie  et  s'honore  le 
christianisme  :  et  quiconque  ne  se  conforme  pas  à  ces  dogmes, 
se  fait  du  tort  à  lui-même  et  méconnaît  la  vérité. 

CANON  II 

Apologie  des  écrits  et  de  la  doctrine  de  saint  Théodore  et 
réfutation  des  hérésiarques  qui  ont  répandu  une  fausse  nou- 
velle. 

Après  la  vérité  de  la  Foi,  il  convient  à  présent  de  parler, 
des  docteurs  et  des  prédicateurs  de  la  vérité.  Nous  nous  éten- 
drons donc  nécessairement  maintenant  sur  l'un  d'eux,  dé- 
terminés par  les  circonstances  ;  c'est-à-dire  sur  saint  Théodore 
exégète,  qui  était  dans  le  pays  de  Cilicie,  évêque  de  la  ville  de 
Mopsueste;  lui  qui  vécut  une  vie  honnête  et  pénible,  s'illustra 
pendant  quarante-cinq  ans  dans  la  dignité  épiscopale,  et  avec 
une  judicieuse  intelhgence  soutenue  par  la  protection  de  la 
grâce,  commenta  les  livres  saints  et  combattit  les  doctrines 
étrangères  des  cultes  de  vanités,  remplit  les  archives  ecclé- 
siastiques d'un  brillant  trésor  de  doctrines  et  de  commentaires 
spirituels  pour  le  soulagement  et  l'édification  des  lecteurs  et 
jdes  auditeurs,  et  au  moyen  du  sabre  spirituel  qu'est  la  parole 
de  Dieu  combattit  contre  les  trompeurs  qui  comme  des  chefs 
de  l'erreur  ont  répandu  des  doctrines  contre  la  vérité  :  son 
enseignement  est  confirmé  par  les  beautés  de  sa  vertu,  et  sa 
vertu  est  scellée  par  son  attachement  à  la  vérité.  Notre-Sei- 


SVNUDH    I)H    MAH    .IKSI  VAIi.  2r>3 

gneur  a  témoigné  en  sa  faveur  par  les  miracles  et  les  secours 
qui  provinrent  de  son  intercession.  Pendant  sa  vie,  en  elïet, 
il  brillait  parmi  les  docteurs  de  vérité,  et  après  sa  mort,  son 
nom  fut  aimé  et  sa  mémoire  se  répandit  dans  toutes  les  Églises 
de  Dieu.  Les  écrits  et  les  commentaires  du  Saint  sont  recher- 
chés et  vénérés  par  tous  ceux  dont  la  foi  est  droite  et  qui 
n'ont  point  fait  d'avances  à  Terreur.  Car  ses  commentaires  et 
ses  enseignements  ont  conservé  la  vérité  de  la  Foi  apostolique 
selon  l'indication  faite  par  les  prophètes  et  selon  la  prédi- 
cation faite  par  les  apôtres  (1). 

Ainsi  le  bienheureux  Jean  Chrysostome  lui-même,  tandis 
qu'il  était  injustement  conduit  en  exil  et  que  déjà  il  était  près 
de  partir  vers  Notre-Seigneur  qui  allait  couronner  ses  com- 
bats ,  rappela  ce  commentateur  comme  un  docteur  de  vérité  et 
lui  écrivit  une  lettre  dans  un  moment  d'angoisse  en  lui  disant  : 
«  Nous  nous  souvenons  certes  de  ton  amour  ardent,  correct 
et  sans  tache,  et  nous  nous  réjouissons  de  ce  que  tu  es  un  tré- 
sor de  l'Église  établi  dans  le  pays  de  Cilicie.  » 

Mais  Satan,  cet  ennemi  de  la  vérité,  voyant  ces  choses,  en 
fut  irrité  (2)  et  fit  répandre  contre  lui,  par  des  hérétiques,  de 
faux  bruits  de  mensonge;  il  en  trompa  beaucoup  et  les  disposa 
par  son  fiel  à  rejeter  les  enseignements  divins  de  ce  Do<-teur  de 
l'Église.  De  plus,  même  maintenant,  devant  le  concile  des 
Pères  il  a  été  dit  qu'en  ce  temps-ci,  certes,  il  s'est  trouvé  des 
hommes  qui  portent  le  nom  d'orthodoxes  et  qui  ne  sont  par 
leur  effronterie  que  des  perturljateurs  de  l'orthodoxie ,  des  doc- 
trines et  de  la  tradition  de  l'Église.  Ils  combattent  par  une 
opposition  acharnée,  mais  impuissante,  l'énergie  puissante  de 
la  doctrine  de  la  vérité,  celle  qui  est  amassée  et  exposée  sous 
la  protection  de  la  grâce  dans  les  écrits  et  les  traditions  de 
l'exégète,  et  avec  d'autres  choses  que,  dans  leur  divagation, 
ils  ajoutent  contre  lui. 

Ils  attaquent  aussi  la  traduction  que  l'Exégète  a  faite  sous 
l'inspiration  de  l'Esprit  du  livre  du  bienheureux  Job,  en  di- 
sant que  ce  livre  est  écrit  avec  sophisme  et  arrogance,  par 
quelqu'un  des  sophistes  qui   n'ont  point  cure  de   la  vérité. 

(1)  Le  texte  sjriaque  donne  ici  le  mot  j^rophèle,  mais  c"cst  évidemment  une 
erreur  du  copiste. 
2.  Leg.  >*.^h;. 

ORIENT    CIIRÉTIF.N.  18 


254  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mais  qui  s'efforcent  de  répandre  des  histoires  en  des  inno- 
vations pétries  de  rêveries  étrangères  au  droit  même  ;  par  une 
lecture  attentive,  il  deviendrait  vrai  et  évident  à  tous  ceux  qui 
comprennent  bien  que,  à  part  une  petite  partie,  ce  livre  est 
rempli  de  mots  vides  qui  aboutissent  au  blasphème  et  au  men- 
songe; ils  ont  osé  même  dire  que  le  livre  du  bienheureux  Jol) 
n'a  pas  été  écrit  par  Moïse  et  ont  accepté  avec  complaisance 
cette  divagation,  afin  qu'il  y  eût  lieu  pour  eux  d'insulter  tous 
les  maîtres.  L'homme  qui  a  été  certes  dans  sa  vie  et  même 
après  sa  mort  l'inspirateur  de  sagesse  aux  enfants  de  la  grâce 
est  maintenant  livré  à  la  discussion  des  muets  et  des  effron- 
tés, qui  sont  autant  de  sangsues  et  de  grillons  dans  les  en- 
coignures et  les  trous  de  la  démence,  comme  les  Juifs  contre 
Notre-Seigneur. 

Or  nous  déclarons,  suivant  la  parole  toute-puissante  de  Dieu 
et  qui  renferme  toute  hauteur  et  profondeur,  que  nul  dans  la 
hiérarchie  ecclésiastique  n'est  autorisé  secrètement  ou  ouverte- 
ment à  insulter  ce  Docteur  ecclésiastique,  ni  à  attaquer  ses 
saints  écrits,  ni  à  accepter  cette  autre  interprétation  étrangère 
à  la  vérité,  à  savoir  qu'il  a  traduit,  disent-ils,  en  homme  ai- 
mant le  mensonge,  qui  préfère  l'ornement  de  mots  étrangers 
à  la  vérité,  comme  les  courtisanes  qui  aiment  la  vile  parure. 
Et  celui  qui  osera,  secrètement  ou  ouvertement,  s'opposer  à 
ce  que  nous  venons  de  dire  ci-dessus  et  d'écrire,  sera  excom- 
munié et  étranger  à  toutes  les  réunions  ecclésiastiques  jus- 
qu'au moment  où,  revenant  à  sa  raison,  il  redeviendra  le 
disciple  sincère  des  maîtres  contre  lesquels  s'exerçait  la  sot- 
tise de  ses  paroles. 

{La  suite  au  pivchain  numéro.) 


SYNODE    DK    MAR   .II'SUVAF!.  255 

JLlLaK^O    ^00|90    )oO|9    ^^39     li^OO    IlO-Si^O    y^^\     )j'^^l^ 

)iQ^V>  )Joi  jbaS^9  ^9  ojoi  : )  >o^\ ^  yoou'U;  )  im'^^ooo 
J)    ooi   )^V>X^;6   )    >'  î  I  ->j    ^/   ^\%V>o   ),^  /^\    ^/    d'^ï 

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oi'j!,  »  y\  ^9  ojoi  :oiK^poi  )V>^  oôK.iOL^o  é\n\^^  >oN 
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)jLjta_o;    Ir/.viXKA  ^;,,N-  ^^-^   K^)J^/?    )iy  »"  m   T. 

y        9 


256  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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^^^N^^-î^j  ly,  )-iLLL>  j)Q-2;  ,)i^  ^-2;  M^Jo  iilx^ 

K:^v^  v^pof  )-;iki:  )i-^^  ji^isiio  yLio  i-^jo  )l^^ 

)  ^\  io^9  0^->k^  K^  oiJt^o/9  )Lb.9JJ  01^:^0  otlonN  v>\ 
oiloiN>o   y^_^ojJ   oi>o....j  JyoJ^j    )-i.-=>j    o  ^"^  )   ^  l   1-^9 j 

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K.^J^^    ^^?     ^^    I     «'nli^OOiJQ.iP    )-JO(    ju^AQJLd    ^9     )oO| 

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Vi^K^O    yJ^     )    nN;^    ^^^     9>.<^^9O0|    )    I    I    y    ï^     VL^90 

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;V^;     |LJL^)a^a^w..IïO    |..2u^9     )io^.l^  ^0^^..!^.    JJL>'>>CV»     p9  9COcd 


SVNdDK    I)K    MAI!    .IKsrVAK. 


ôlJii   l-^^I^aâf^..^^  ^^  K^I-JQJLO  ^t-^ol/o    ,_jLjlJld1/o 
^m  /nyaooi  Q-^^f  lu/   OLui   |.-ao  n  m  /«=>/   ^i-^..o   vco-^V^ocx 

\iki:i>^s^  ).-Ll.^jio  poii/   llaioVoD  ^i^fioo  ^l'^'i^"/ 
|Ld/o  \1.\  Ylsû.*»^  oflo^  ^JLi/o  I^L^^  Iv^  )JS>  ..  ^iiiV)  Ifoi 

{..Ll^X^  \J^k^   U-i.ÙLio  U^^ojL^   MoU/    'i-^o 
^^:i^9   Klj^^Jk^o  >  11  /\  i'A,  ^  ;|  i«'v)t   |_i^^>aâL^  ^»  nl/o 

yoj/   .^^ajLj  )— .Ci»oi;^3LS  K^jL^l  )Vj-^v  Ji»  ^io;  y^\  );>'ol 
).ik.fv3  K:^)l3  (l)Kl/;  \iyL  M^!  o(K.:Liii;  )ldiio  ^oilîbo 

(1)  Leç.  uoiot^^/v 


258  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

)  t  J>^f\é-s  )v),  Oj  ^  o-^ciioo  )io  ^  1.  Il  )  >^nt^  jo»;    J-ijoS^ 
pS^l  ^^s.^  )joua  ji-^^  sXXaxao  )iaûi;j    sOioxxa^ 

oj-^^^si^  ^-.LicuÙLV  ^'oi-iajij  ^N  »/  ),  ^.  ,/Aag>y  ^  /  v> 

|Uiv>^  rtN^Nrt    oi^O    JlfTf>V>0    )    liyoJ^JSO    |-J9iQ^    OUL^    .    »  \  ^  1» 

)■/. /»V>;   ^^o^-.^L^o,\^X  IJ9  90:^0  )-L^oi   jL^o  ^o^  j); 
voo^o  .yloL  I  «^  Nv>  N   ogo^  n  1»  >  t  /  «>  » nK^  V001-.00.9 

?"  9  9  P  !> 

)   >oo..lo  :)l',.,tv  it    )io  I  v>  »oi»   )   v>o  ..l  ^9   ojoi  :  yK  1  V  ^ 

)     V>{    N     )^»JJ     oC^^-iOO    ).— ^OÎJ    )     ^    ^^f    ^yi—/    ^01;     )>Q-i^J 

•Kd9    y^\    Jb^CL^li^    yOOI^O; 


.Ol^I 


(l)Leg.  s^a^ûJC?). 
(2)  Leg.  1^*;-/. 


SVNODK    I)K    .MAR    .IKSUVAIi.  :i~>0 

)lo  I  v>  .oi  j,v>./.g>  )m'^^>o  ^^of  |joïn  ^o-^lmi  "^-i^  )^V-^ 
J^^^^^M  yo  II v>  ^^^j  )— à»  po)    v>\»   ^l   ot-.K-i),-s  :|»V*» 

J^-i^V^  liai/  aai/o  oj^/  M('^rnr.   JJo  M-^^-:>^.^? 

"^XSf     jiV-^^     09t-ltO    O^too    Oâ^/o    OlS^^    )i|    y    ^ffî\ 

vCDo-^;/;  oi-2ov-«2  ^^^  )   •>  v>  )oi  ^2o  >  .  l  g>K-^  )>|  tN 
.  ^   o/   Jooi  ^«oioJ^/   jl   ^.^v^Kj;  ^^-oo  :)ooi  ^oioK:^/  )Jf 

)K-^2Saj   ilKia^  a-..V-^/    )J^^K.>n\   oiloK-i/jo  oild_jLj/îO 


260  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

^9i9   JJQJLÛ 

)._i^^^,  oiîà.jL^.:^.jL:>o^o  s-oto^to  ^^«J.,  Uot^  v^s^' 
^^i.  jiaxA-oi;  lî^jL  îK^  ^_>o  v^).:xa^  ^^-^io  ^coiiio 
)„ii^û  ^i.  ^;  aj<^  .li.s>\  ik^i  14a^  y^o^^  ^  ^%1 

li^ilv^  ^j:il/  ^^J.o  ^^X^^il  ).±Lx6  .jL-^:^o   j-^Laui 
)ia^;   IV^^i^Ls  V^>^î    j.:^-^-:.   Uo4:5o  )la3aû.xïi^/, 

sjii^l/    )o^j    )K^v^  ^oioKl/;    ^oî;   |.Ju.^^^o  )-^Q.iaijo 

I^OJud    OllQ_JL-2L_^wiO   ^._^-30|    )»•,     »     >n    .j»V-*9    OJ._JL-2u^0L. 

90UCD0  .)»i-Ji»   oiK^iCLauIi  dloîKlio  )-b^-L^^o   .oiloîKilio; 

.OOOI    ^«9  9     Ot.-JL.^9     J.-l99a.bw«dO    JJLol| — 2    yV-^    ^O(0L-^.-b.    JOOI 

(1)  Leg.  ^^-■«. 


sv.XHiiK  i)i;  .MAii  .ii';si:vAi:.  201 

oiJLp^  ^oi.^aâ  oi.jpo^  u  -^ioo  oii^an  yoL^^^y  oila:»  iN^o 
s^oiaiijLaSo  )..JuJ>^^9  v-oicLsKd  ^*^,Jlioo  .  >  -^  -^  JoC^» 
.^I^i^  a^^ûi;  Jo  Mp'i  vî^^î  ^-^-/  ybo^s^  ^^b. 

Of.^  ^^  )oo(  s:xJ>V-co  |^9aL_m.3JJ    <^  r>   /  >  v  ^   jooi   '^^tïoo 

.vJL-^U/j  ))-^j  ^^^ot  ^3  ot->n  en ^o  oilç>  \y..**  y-^^  )^t~^i 
^•^ûK.20?  ^'LiLi/  a^^  j-Joi  ^ol^  )-l_5jjsj  It^/J^/  )îo«-^/î 
^oiQ„sK_ai>  )iQ.-?».^-ji    )v-^»._i.K-3  yx  ,«1  mo  ^^-L-co/j  .jî^Ji 


262  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

1/    .yOOÎ:^  '^    /^    )»(-*  ^^    <=^?    V«JO«    IL^^ÛûâQ.^    ^ 

i^^  ^  ^/H^;   iL»'Aï^  )K-^itJil  ^-L.*oVioo   ^-JLil 
yOO^S^^    >^t^  ooi  I^V^;   o|JUV^9   oiJLbOf   ^(    I'VJl^  ^*paJ9 

oudKo    oKâ^   )    tox»   j^iot.^   JJ;   yo^  V>)    î;   a.^V.^{    ^9 

N^..^  jLii-^  .)<i^;   U^Pi.  ^^J-icik  )U/    v?oi^  )o<^? 
*)ia->  x^»  CH  >  i^H\  jLbaaul^  )ooi  oiiav>2>  vâ/o  ^cLLwLd  3/9 

)f<^\vt\  à^jiioi  )-^^-=>  «'  ^^^^^^  ^^-^^  ^  ^'^r^ 

VOOC^^    ^^    )»^(-,DQ.  JO    |-V>v.,..   >0    JOOM     >    Il    ^J^OO    ^V-^/ 
IV^Vi    Vy^l     )oé,0    OMOOI^    )i/,    )-2op.    .).JJU    J-^ilD 

(1)  Leg.  .^v»-v 

{1m  suite  au  prochain  numéro. ) 


FRAGMENT 

D'UNE  VERSION   G01>TE 

DE  L'APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 


Le  manuscrit  que  nous  publions  ici  fait  partie  des  collections 
du  Musée  du  Louvre,  où  il  est  catalogué  sous  le  numéro  1:  il 
avait  appartenu  à  Dévéria,  qui  l'a  laissé  au  Musée  avec  d'autres 
fragments  de  manuscrits  coptes  relatifs  à  la  vie  des  saints. 

Ce  fragment,  écrit  en  copte  thébain,  peut  appartenir  au 
iv'  siècle  après,  Jésus-Christ;  c'est  un  des  rares  monuments 
coptes  que  nous  possédions  de  cette  époque  :  cette  date  en  fait 
son  principal  intérêt.  Le  texte,  écrit  en  une  écriture  de  très 
beau  type,  est  très  bien  conservé.  Quelques  caractères  seuls 
manquent,  mais  ils  se  rétablissent  sans  aucune  difficulté;  nous 
avons  mis  ces  lettres  entre  crochets. 

Le  texte  commence  au  chapitre  III,  verset  i,  correspondant 
à  la  page  289  du  manuscrit,  et  se  termine  au  chapitre  \l,  ver- 
set 5,  page  296  du  manuscrit.  Les  changements  de  paragra- 
phes sont  indiqués  par  une  lettre  onciale  dans  laquelle  quel- 
quefois se  trouve  à  l'intérieur  une  deuxième  lettre;  l'ensemble 
du  groupe  est  lui-même  accompagné  du  signe  "S  ;  enfin  un  tiret 
précède  chaque  verset. 

Il  nous  suffit  de  donner  le  texte  de  ce  manuscrit  avec  la 
traduction,  et  nous  laissons  à  d'autres  plus  autorisés  que  nous 
le  soin  d'en  faire  le  commentaire. 

Jean  Clédat. 


264  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


CHAPITRE  III 

Les  versets  I,  2,  3  manquent ,  le  texte  ne  commence  qu'au 
verset  4. 


4.  • —  .Mais  tu  as  une  poignée  d'hommes  dans  Sardes  qui 
n'ont  point  souillé  leurs  vêtements.  Et  ils  marcheront  avec 
moi  dans  des  vêtements  blancs,  parce  qu'ils  sont  dignes. 

5.  —  Celui  qui  sera  victorieux  sera  vêtu  semblablement  de 
vêtements  blancs,  et  je  ne  ferai  point  détruire  son  nom  du  livre 
de  la  vie ,  et  je  confesserai  son  nom  devant  mon  Père  et  devant 
ses  anges. 

6.  —  Celui  qui  a  une  oreille,  qu'il  entende,  à  savoir  :  les 
choses  que  dit  l'Esprit  aux  Eglises. 

7.  —  Écris  à  l'ange  de  l'Église  de  Philadelphie,  à  savoir  :  ces 
choses,  les  choses  que  le  Saint  a  dites  :  «  Le  véritable,  celui  qui 
a  la  clef  de  David,  s'il  ouvre,  personne  ne  peut  fermer,  et  s'il 
ferme,  personne  ne  peut  ouvrir.  » 

8.  —  Je  connais  tes  œuvres.  J'ai  placé  (donné)  devant  toi  une 
porte  ouverte  que  personne  ne  peut  fermer,  parce  que  ta  force 
est  petite ,  et  tu  as  gardé  mes  paroles ,  sans  que  tu  renonces  à 
mon  nom. 

9.  —  J'ai  placé  (donné)  quelques-uns  hors  la  Synagogue  de 
Satan,  de  ceux  qui  disent,  à  savoir  :  Nous  sommes  des  Juifs, 
que  des  (Juifs):  ils  ne  le  sont  point,  mais  ils  mentent.  Voici 
que  je  les  ferai  aller,  en  sorte  qu'ils  adorent  à  tes  pieds,  et  tu 
connais  que  je  t'aime. 

10.  —  Parce  que  tu  as  gardé  la  parole  de  ma  patience,  et  moi 
aussi  je  te  conserverai  hors  de  l'heure  de  la  tentation  qui  vient 
d'en  haut  sur  la  terre  entière  pour  éprouver  ceux  qui  habitent 
sur  la  terre. 

11.  —  Je  viens  vite.  Garde  ce  que  tu  as  dans  la  main ,  en  sorte 
que  personne  ne  prenne  ta  couronne. 

12.  —  Celui  qui  aura  vaincu,  je  ferai  de  lui  une  colonne  dans 
le  temple  de  mon  Dieu,  en  sorte  qu'il  n'en  sorte  pas  encore;  et 
j'écrirai  au-dessus  de  lui  le  nom  de  mon  Dieu ,  et  le  nom  de  la 


FRA(;.Mi:\T    D  UNE    VKIISIOX    COF'TK    DrO    |/aI'(»(AI,M'SF:.  2^]7) 

ville  de  mon  Dieu,  la  Jérusalem  nouvelle  qui  vient  «lu  ciel 
d'auprès  de  mon  Dieu,  et  mon  nom  nouveau. 

13.  —  Celui  qui  a  une  oreille  là,  entende  ce  que  TKsprit  dit, 
à  savoir  :  aux  Eglises. 

11.  —  Écris  à  range  de  l'Eglise  qui  est  dans  Laodicée,  à  sa- 
voir :  ces  choses,  les  (choses)  qu'il  a  dites,  à  savoir  :  Amen,  le 
témoin  fidèle ,  véritable ,  le  commencement  de  la  création  de 
Dieu, 

15.  — Je  connais  tes  œuvres,  à  savoir  :  tu  n'es  point  froid, 
tu  n'es  point  chaud  ;  il  est  bon  (préférable)  que  tu  aies  froid  ou 
que  tu  aies  chaud. 

16.  —  Parce  que  tu  es  une  eau  tiède,  tu  n'es  point  froid,  tu 
n'es  point  chaud  ;  je  te  vomirai  hors  de  ma  bouche. 

17.  —  Parce  que  tu  dis,  à  savoir  :  «  Je  suis  riche,  et  je  puis 
faire  riche,  et  je  n'ai  besoin  de  rien,  »  tu  ne  connais  pas.  à  sa- 
voir :  que  tu  es  malheureux,  misérable  et  pauvre  et  aveugle,  lu 
es  nu. 

18.  —  Je  te  conseille  d'acheter  de  l'or  de  ma  main,  purifié 
dans  le  feu,  en  sorte  que  tu  sois  riche;  et  des  vêtemeats  blancs, 
à  savoir  :  tu  les  revêtiras,  afin  que  ne  se  manifeste  pas  au  dehors 
la  honte  de  ta  nudité,  et  un  collyre  pour  tes  yeux,  afin  que  tu 
me  voies. 

19.  —  Ceux  que  j'aime,  je  les  éprouve,  afin  de  les  instruire; 
aie  du  zèle  encore  et  que  tu  fasses  pénitence. 

20.  —  Me  voici  devant  la  porte,  et  je  frappe.  Si  quelqu'un  en- 
tend ma  voix,  il  ouvre  la  porte.  J'entrerai  vers  lui,  afin  de 
manger  avec  lui,  et  lui  avec  moi. 

21.  —  Celui  qui  sera  vainqueur,  je  ferai  en  sorte  qu"il  soit 
assis  près  de  moi  sur  mon  trône;  comme  moi-même  j'ai  été 
vainqueur,  et  je  suis  assis  près  de  mon  Père  sur  son  trône. 

22.  —  Que  celui  quia  une  oreille  là,  qu'il  entende,  à  savoir  : 
les  choses  que  dit  l'Esprit  aux  Églises. 


CHAPITRE  IV 


1.  —  Après  cela,  j'ai  vu  une  porte  qui  ouvre  dans  le  ciel_;  et  la 
première  voix  que  j'ai  entendue  était  comme  une  trompette  qui 


266  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

parle,  disant,  à  savoir  :  «  Viens  en  ce  lieu,  afin  que  je  t'apprenne 
ce  qui  arrivera  après  ces  choses.  » 

2.  —  Je  fus  en  l'ICsprit,  et  voici  qu'un  trône  fût  placé  dans 
le  ciel,  quelqu'un  était  assis  sur  le  trône. 

3.  —  Et  celui  qui  est  assis  est  semblable  à  la  vision  d'une 
pierre  de  jaspe  et  de  sardoine;  une  lumière  environnait  le 
trône,  qui  est  semblable  à  une  émeraude. 

4.  —  Et  autour  du  trône,  il  y  avait  vingt-quatre  trônes; 
vingt-quatre  prêtres  sont  assis  sur  les  trônes.  Ils  sont  revêtus 
de  vêtements  blancs;  des  couronnes  d'or  sont  sur  leurs  têtes. 

5.  —  Et  sortaient  des  trônes  des  éclairs  et  des  voix  et  des 
tonnerres.  Il  y  avait  sept  lampes  ardentes  brûlant  devant  le 
trône,  lesquelles  sont  les  p]sprits  de  Dieu. 

G.  —  Et  devant  le  trône  je  vois  une  mer  de  verre  qui  est 
semblable  à  un  cristal,  et  au  milieu  du  trône  et  autour  je  vois 
quatre  animaux  pleins  d'yeux  devant  et  derrière. 

7.  —  Le  premier  animal  est  semblable  à  un  lion;  le  deuxième 
animal  est  semblable  à  un  veau;  le  troisième  animal  a  la 
figure  humaine;  le  quatrième  animal  est  semblable  à  un  aigle 
qui  vole. 

8.  —  Et  les  quatre  animaux  avaient  chacun  six  ailes  depuis 
leurs  griffes;  autour  d'eux,  à  leur  intérieur  (ils  étaient)  pleins 
d'yeux,  et  ils  ne  cessaient  point  de  dire  le  jour  et  la  nuit  :  «  Est 
Saint,  est  Saint,  est  Saint  le  Seigneur  Dieu,  le  Tout-Puissant 
qui  est,  et  qui  était,  et  qui  viendra.  » 

9.  —  Et  quand  les  animaux  donnaient  la  gloire,  et  l'hon- 
neur, et  la  reconnaissance  à  celui  qui  est  assis  sur  le  trône,  qui 
vit  jusqu'aux  siècles  des  siècles, 

10.  —  Les  vingt-quatre  prêtres  se  prosternaient  en  face  de 
celui  qui  est  assis  sur  le  trône,  en  sorte  qu'ils  adoraient  celui 
qui  vit  jusqu'aux  siècles  des  siècles,  et  en  sorte  qu'ils  jetaient 
leurs  couronnes  en  face  du  trône,  en  disant,  à  savoir  : 

11.  —  «  Tu  es  digne,  Seigneur  Dieu,  de  recevoir  la  gloire  et 
l'honneur,  et  la  puissance,  car  tu  as  créé  toutes  choses,  et  elles 
sont,  et  elles  étaient  à  cause  de  ta  volonté.  » 


FRAGMENT    d'uXE    VERSION    ropTK    KK    i/aI>OCALYI'SE.  207 


CHAPITRE  V 


1.  —  Et  j'ai  vu  un  livre  clans  la  main  dniite  de  celui  qui  est 
assis  sur  le  trône,  étant  écrit  devant  et  derrière,  étant  scellé  de 
sept  sceaux. 

2.  —  Et  j'ai  vu  un  ange  puissant,  criant  avec  une' grande 
voix,  à  savoir  :  «  Qui  est  digne  d'ouvrir  le  livre  et  de  le  délier 
de  ses  sceaux?  n 

3.  —  Et  personne  ne  fut  capable  ni  dans  le  ciel,  ni  sur  la 
terre,  ni  sous  la  terre,  d'ouvrir  le  livre,  ou  bien  de  regarder 
vers  lui. 

4.  —  Et  je  me  lamentai  beaucoup,  parce  qu'il  ne  s'était 
trouvé  personne  qui  fût  digne  d'ouvrir  le  livre  ou  de  regarder 
vers  lui. 

5.  —  Un  des  vieillards  me  dit,  à  savoir  :  «  Ne  te  lamente 
pas.  Voici  celui  qui  a  vaincu  le  lion  de  la  tribu  de  Juda,  la  ra- 
cine de  David,  en  sorte  qu'il  ouvre  le  livre  et  ses  sept  sceaux.  » 

(3.  —  Et  j'ai  vu  au  milieu  du  trône  et  des  quatre  animaux, 
et  au  milieu  des  prêtres,  un  agneau  deliout  comme  s'il  avait  été 
immolé  (comme  qui  a  été  immolé),  ayant  sept  cornes,  et  sept 
yeux  qui  sont  les  sept  Esprits  de  Dieu,  qui  sont  envoyés  eux- 
mêmes  sur  la  terre  tout  entière. 

7.  —  Et  il  vint,  il  prit  le  livre  de  la  main  droite  de  celui 
qui  est  assis  sur  le  trône. 

8.  —  Et  lorsqu'il  l'eut  pris,  les  quatre  animaux  se  prosternè- 
rent, et  les  vingt-quatre  prêtres  en  face  de  l'Agneau,  une  cithare 
auprès  de  chacun,  et  des  coupes  en  or  pleines  d'arômes  qui 
sont  les  prières  des  saints. 

9.  —  Et  ils  chantaient  (m.  à.  m.  ils  disaient)  un  cantique 
nouveau  en  disant,  à  savoir  :  «  Tu  es  digne  de  recevoir  le  livre 
et  d'ouvrir  les  sceaux,  parce  que  tu  as  été  immolé  et  tu  nous  as 
achetés  pour  notre  Dieu,  par  ton  sang,  de  toute  tribu,  et  lan- 
gue et  peuple  et  nation. 

10.  —  Et  tu  as  fait  de  nous  une  royauté  pour  notre  Dieu,  et 
des  prêtres,  et  ils  régneront  sur  la  terre.  » 

11.  —  Je  voyais  et  j'entendais  comme  la  voix  d'anges  nom- 


268  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

breux  autour  du  trône,  et  des  prêtres,  et  des  animaux,  leur 
nombre  faisant  des  myriades  de  myriades  et  des  mille  de  mille. 

12.  —  Ils  disaient  d'une  voix  forte,  à  savoir  :  «  Il  est  digne, 
l'ao-neau  qui  a  été  immolé,  de  recevoir  la  force,  la  richesse,  et 
la  sagesse,  et  la  puissance,  et  Thonneur,  et  la  gloire,  et  la 
bénédiction.  » 

13.  —  Et  toutes  créatures  qui  sont  dans  le  ciel,  et  sur  la  terre, 
et  sous  la  terre,  et  dans  la  mer,  et  toutes  celles  qui  sont  dans 
eux,  je  les  ai  entendues  disant,  à  savoir  :  «  Bénédiction  à  celui 
qui  est  assis  sur  le  trône  et  à  lagneau,  et  l'honneur,  et  la 
gloire,  et  la  force  jusqu'aux  siècles  des  siècles.  »  Et  les  quatre 
animaux  disaient,  à  savoir  :  «  Amen.  »  Et  les  prêtres  se  pro- 
sternèrent, ils  adorèrent. 

CHAPITRE  VI 

1.  —  Et  je  vis,  lorsque  l'agneau  ouvrit  l'un  des  sceaux.  J'en- 
tendis l'un  des  quatre  animaux  comme  une  voix  de  tonnerre 
dans  le  ciel,  disant,  à  savoir  :  «  Viens.  »  Je  regardai. 

2.  —  Et  voici  un  cheval  blanc.  Dans  la  main  de  celui  qui 
le  montait  était  un  arc,  et  ils  lui  donnaient  une  couronne;  il 
sortit  victorieux  et  vainqueur,  de  sorte  qu'il  vaincra. 

3.  —  Lorsqu'il  ouvrit  le  second  sceau,  j'entendis  le  deuxième 
animal  disant,  à  savoir  :  «  Viens.  »  * 

1.  —  Et  il  arriva  un  cheval  rouge,  et  ils  donnaient  à  celui 
qui  est  assis  sur  lui  de  dérober  la  paix  de  dessus  terre,  afin  qu'ils 
s'entre-tuassent;  et  ils  lui  donnaient  un  grand  glaive. 

5.  —  Lorsqu'il  ouvrit  le  troisième  sceau,  j'entendis  le  troi- 
sième (animal). 


MANUSCRIT  (:01>TE  N'  4 


DU  MUSÉE  DU  LOUVRE 


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ORIENT   CHRETIEN. 


19 


270 


REVUE 


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•271 


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272 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRÉTIEN. 


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FRAGMENT    D  UNE    VEUSIO.X    Cr)PTE    DE    L'AI'0(;ALVfSK 

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273 


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274 


REVUE    DE    l'orient    CHRP^TIEN. 


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FRAGMENT    d'uNE    VEHSION    (OPTE    DE    LAI'OCALVI'SE.  275 


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276 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 


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eiA(;il6     2IAAOc' 

eieeenoc' 

A'iMO  AK    (-ipti    Ll 


non  iiovnirr 
(ipo   nritiinio' 


r(i      A'."(()    IIO'/II 
llli-A'.(()    (M-IIAp 
PPO    <;^pAI     (-Ail 
IIKAi'-AI    IIA/ 

A'.'to  Al  (;(()'in  II 
()(:  irr(:(:iiii  ii^ii 

Il    AIT(;A()(; 
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IIK(()-r(:    II    11(1 

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ii(;  np(i((:)  r.vTO 
|)()(:  un  11(11} 

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(|u  n,"iA'  Il  (ri  nu 

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<|)IA-A'.tO    II  AU  A 
?THIIII    IITAIO- 

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iiecuo'/-Avto 


•278 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 


C(UIIT    IIIU      UT 

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A 

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Il  (;(|)pAi-i(;- Al 
ctoTu  eiiuee 

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(i(|A:a)uuo(; 

3:(îAUC)V- AVtO 


FHA(iMKNT    I)  VSK    \'i;i!SI(  t.\    cul'Tl';    I)K    l/AroCALVI'S[-: 


279 


A(|(;l      (HIOA   IIOI 

A 

|>(t),"J       A'/(()     ll(;r 
AAf:'    Hp()(|'    A\"t 
IIA(|    cnp(H|  (|l 
II"fpilllH'  flBOA 
2I:XII    IIKA^'   .\H 
KAC      tîVeetDlli 


Il    ll(;'.|>ll'/. 
A'.<()    A'.+IIA<| 

iioviioo'  ii(;ii 

<|(;'  iri(;|>(M| 

()'.(()iiA(;  iriiK:^ 
."j()ur(:  in;(|)|>A 
ric-Ai  (uorin; 
IIIH;Ï    î'jour  II 


LA  GRANDE  DOXOLOGIE 

ÉTUDE  CRITIQUE 


§  I 

Un  des  plus  anciens  textes  liturgiques,  commun  à  tous  les 
rites,  est  le  magnifique  cantique  que  les  Grecs  nomment  Grande 
Doxologie  —  MîYaA-/;  lz\zi.z-{\-j.  —  et  que  les  Latins  désignent 
simplement  par  ses  premiers  mots  :  Gloria  in  excelsis. 

La  première  mention  que  nous  ayons  de  cette  pièce  litur- 
gique est  donnée  par  l'ancien  Liber  Pontificalis  de  l'Église  ro- 
maine; d'après  la  notice  qui  y  est  consacrée  au  pape  saint  Téles- 
phore,  celui-ci  en  aurait  introduit  l'usage  à  Rome,  pour  la  fête 
de  Noël,  à  la  messe.  A  cette  époque,  vers  l'an  135,  la  langue  li- 
turgique de  Rome  était  encore  le  grec. 

Si  nous  en  croyons  d'anciens  auteurs  ecclésiastiques,  l'état 
actuel  du  Gloria  serait  dû  à  saint  Hilaire  de  Poitiers  (f367),  qui 
l'aurait  composé  (ou  plus  vraisemblablement  complété),  au  re- 
tour de  son  exil  en  Orient. 

Entre  ces  deux  versions,  rien  d'historique  ne  se  rattache  à  ce 
cantique.  Qu'était-il  à  l'époque  de  saint  Télesphore?  qu'est-il 
devenu  jusqu'à  saint  Hilaire?  Autrement  dit,  quel  était  son  état 
primitif?  comment  le  texte  reçu  s'est-il  formé? 

Le  texte  dont  usent,  avec  de  légères  variantes,  les  liturgies 
romaine  et  byzantine  nous  est  donné  pour  la  première  fois  par 
le  célèbre  Codex  Alexandrin,  à  la  suite  de  la  version  grecque  des 
Écritures. 

Parallèlement  à  ce  texte,  figure  celui  du  livre  VII  des  Consti- 
tutions Apostoliques,  modifié  dans  un  sens  arien  (Migne.,  Pair. 
grœc.,l,  1055). 

Enfin,   un  troisième  texte  plus  simple  que  les  précédents, 


LA    (illANDK    DOXOI.OOin. 


281 


mais  se  rapprochant  de  celui  des  Const.  Apost.,  a  été  longtemps 
en  usage  dans  la  liturgie  ambrosienne  de  Mil;m;  il  a  dôi;'i 
quelque  peu  été  interpolé  à  la  fin  du  iV  siècle  ou  au  début  du  V  : 
nous  le  verrons  par  la  suite  (1). 

Rapprocher  ces  textes,  en  faire  ressortir  ce  qu'ils  ont  de  rorn- 
mun,  rechercher,  s'il  y  a  lieu,  leurs  règles  de  composition  litté- 
raire, en  donner,  s'il  est  possible,  une  version  critique,  tel  est 
le  sujet  de  cette  étude. 


I 

ConslUulions  Apostoliques 
xal  £711  y?j;  £Îpr;vvT 


EV  avopwTCot;  suooxia. 
Alvoù[i£v  as,  y[j.voù[JL£v  ce, 
eO).oYO'j[j.£v  Ce,  5o|o).oyoy[i.£v 

Ci, 

7Cpoa>cuvoij(X£v  os, 


ôià  Tou  [lEYotXou  àpxiÉpew;, 
de  TÔv  ôvTa  ôcôv,  àyévvriTov 
£va,  à[Aitpô(7tTov  [idvov, 
Sià  T/jv  [ji£YâXriv  ctoù  ô6?av. 


Kupiï  pactXeij,  ÈTioypâviî 


Beà  HaTYip  TiavTOvtpâTwp. 


^    II.    —    LK    TKXTE. 

II 

Texlus  receptus. 

Byz.  A6?a  iv[Toli;]  y4»tTToi; 

(■)£W. 

Rom.   Gloria     in    oxcolsis 

Deo.  1 

xal  kizi  ynz  slpYivr) 

Et  in  terra  pax 

Èv  àvôpwitotç  £05oy.ia[;] . 
hominibtis     lïonn'    volun- 
tatis.  1 

"V[AVO'JfA£V    (Tî, 

Laiulamus  te.  | 

£0).O'^OÙ(X£V   «£•  TTpOaX'JVO'JfJLîV 

(ï£, 

Benedicimus  te.  |  Adora- 
mus  te.  I 

5o?o).0Y0Ù[i£v      <7£"      rjy_apt- 

(ÎTOÙjlEV   doi, 

Gloi-ificamus  to.  j  Gratias 
agimus  tibi, 


£ià  TYiv  (isY*^''!"'  <^°"-'  Sô^av.  ] 
propter  magnam  gloriani 
tuam.  I 

Kûpi£  pauiAEÙ.  £:ToypâviE 
Donune Deiis,  rex cœlestis, 

0££,  natrip  itavToxpdtTwp" 


m 


Lilurgie  ambrosienne. 


(iloria  in  oxcelsis  Deo. 


<'t  in  terra  pax 

iioniinibiis  bon;i'  volnnta- 

tis.  i 

Laudanuis  te,  hyniniiui  di- 
cinius  tibi  ; 


Benedicimus  te.  glorilica- 
nuis  [te], 

adoramus  te:  gratias  tibi 
açinius, 


propter  magnam  gloriani 
tuam.  I 

Domine  [Deus]  Rex  cœle.s- 
tis: 


(1)  Cf.  llcvue  du  Chant  Gréf/orien,  Grenoble;  février  et  avril  1897,  articles  du 
R""»  P.  Dom  Pothier;  décembre  180S.  art.  de  Dom  Janssen;  Chanls  ambrosiens  et 
grégoriens,  édités  par  le  R.  P.  Mocquereau,  Solesmes. 


282 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 


Kûpis  ô   0£Ô;,  ô  natrip  xoO 

XptaTOÙ, 


Toû  àpiwfJLOU  a[Xvoù,  oç  aipsi 


■/.a9»)(j.£voi;  cTtl  twv  yîpoviêetjj,, 


"Oti  tù  cT  fAÔvo;  "Afio;,  crJ 


si  1J.ÔV0;  K'jpto; 


XpKJiô; 


lïjaoui; 


xoù  0EOÙ  7ràar,ç 

ItMCi  Yifxwv.  Al'  OÙ  TOt  ôo^a, 
Ti}i.ïl  xat  aÉêac  [si;  toù; 
aiwvdcç.  'Aji.i^v.] 


Deiis  Patei"  omnipotons.  | 

KOpt£  YIÈ  [lovoyevè;,    'IviCTOù 

Domine     Fili      unigonite, 

Jesii 

Xpiaxè,  xat  "A."ftov  Hveùpia.  ] 

Christe    [cum  sancto  spi- 

ritii]. 

K-jpi£    ô  0ÎÔ;,  ô    à[Avoç  toO 

0£OÛ, 

[loiiiine  Dons,  agnus  Doi, 

ô  'uIô;toù  IlaTpo;'  ô  a'tpwv 
Filius  Patris.  |  Qui  tollis 
Trjv  àjAapTÎav  toù  x6(T(/.ov 
poccata  mundi. 
iïvfiTov  ^f-â;,  ô  a'iptov 
miserere  nobis.  |  Qui  tollis 
xà;  àjxapTià;  toù  xô^jj-ou.  | 
peecata  mundi, 
Ilpô<JO£|at  Tr)v  ôe'riCTtv   ïijjlwv, 
suscipe  deprecationem  no- 
strani. 

ô  y.aÔYiiJLcvo;  iv  Ss^ià  xoù 
Qui  sedes  ad  dexteram 
Ilaxpôi;,  xal  l/.sYiaov  Tjiià;. 
Patris,  miserere  nobis. 


"Oxi  n\)  £1  (j.6voç  "Ayio:,  où 
quoniamtu  solus  sanctus.| 

tl  |j.6vo;  KOptoç,  [cù  £1 
Tu  solus  Dominus.  |  Tu 
[xôvoî  "r^'icrxo;],  'Iricroù; 
solus  altissimus,  Jesu 
Xpt(jx6;  [iv  'AYÎto  nv£Oti.axt] 
Christe.  |  Cum  sancto  Spi- 
ritu, 

£tç  ôô|av  0£oîj  ïlaxpô;. 
in  gloria  Dei  Patris.  | 

'.4[JIY1V. 

Amen. 


Deus  Pater  omnipotens. 
Jesu 

Christe  ;  Sancte  Spiritus  ; 

Domine    Deus,   lilius  Pa- 
tris. [ 

Agnus  Dei,  qui  tollis 

peecata  nuindi, 


suscipe  deprecationem  no- 
stram.  1 

(Jui  sedes  ad  de.xteram 

Patris,  miserere  nobis; 
miserere    nobis,   subveni 
nobis, 

dirige  nos,  conserva  nos, 
mundanos,  pacifica  nos.  | 
Libéra  nos  ab  inimicis,  a 
tentationibus,  ab  h;i3reti- 
cis,  ab  arianis,  a  schisma- 
ticis,  a  barbaris.  | 

quia  tu  solus  sanctus;  tu 


solus  Dominus,  tu  solus 
Altissimus,  Jesu 
Cliriste, 


in  gloria  Dei  Patris.   | 
Cum  Sancto    Spiritu,    in 
swcula  sa^culorum.  Amen. 


De  prime  abord,  le  nM,  en  dehors  des  interpolations  qui  le 


LA    (iRAXDE    DOXOLOdIi;.  283 

distinguent  des  autres,  paraît  avoir  été  retouciié  par  une  main 
arienne. 

Il  suffit  défaire  ressortir  la  phrase  Kjp'.t  i  (-)e;:.  :  \\y.-.r,p  t;j 
XpwTij,  qui  enlève  nominativement  au  Christ  la  qualité  divine; 
le  y.aOr,;Asvc;    ïrd  -rwv  y.zpz-jcv.[j..  adressé  au  Père,  au  lieu    du 

Mais,  ces  passages  mis  à  part,  ce  texte,  rapproché  de  celui  de 
Milan,  témoigne  évidemment  d'un  usage  antérieur  à  celui  du 
textus  receptus  :  d'un  côté,  avec  la  version  arienne;  de  l'autre, 
avec  la  version  catholique.  Nous  ignorons,  il  est  vrai,  si  celles 
des  ariens  a  été  faite  sur  l'autre,  ou  si  l'ambrosienne  est  une 
correction  de  celle-là;  ce  qui  est  remarquable,  c'est  que  ni  dans 
l'une,  ni  dans  l'autre,  ne  se  retrouvent  les  passages  caractéris- 
tiques des  textes  actuellement  en  usage. 

Si  nous  rapprochons  ces  faits  de  l'affirmation  qui  attribue  à 
saint  Hilaire  une  part  prépondérante  dans  la  formation  de  ce 
cantique,  nous  devons  reconnaître  et  admettre  provisoirement  : 
que  le  texte  de  Milan  a  de  fortes  chances  pour  être  (à  peu  de 
chose  de  près)  le  texte  occidental  ancien; 

Que,  dans  la  seconde  moitié  du  \\°  siècle,  saint  Hilaire  au- 
rait importé  les  additions  déjà  usitées  en  Orient  ; 

Que  ces  additions,  dans  les  textes  grecs,  ont  pu  être  faites 
pour  répondre  à  celle  des  ariens; 

Que  le  texte  primitif  d'Orient  aurait  donc  été  plus  simple,  se 
rapprochant  à  la  fois  de  celui  de  Milan  et  de  celui  des  Const. 
Apost. 

Ces  deux  derniers  donnent,  dans  le  même  ordre,  les  formules 
de  louanges  AIvsjij.sv  7t,Lai(cIami(s  te,  et  ce  qui  suit;  tandis  que 
les  autres  textes  les  donnent  dans  un  ordre  différent  des  deux 
premiers  ainsi  qu'entre  eux  (1).  De  plus,  dans  l'une  ou  l'autre 
version  du  textus  receptus,  ïxl^cu^^.tv  gz,  oul'jy.vîjy.sv  zi  a  disparu, 
tandis,  fait  curieux,  que  le  n"  I  offre  une  lacunft  à  ir/ac'.^TCjy.Ev 

Momentanément,  on  pourrait  donc  admettre  que  les  anciens 
textes  offraient  des  formules  plus  brèves,  différemment  com- 
plétées ici  et  là.  Les  points  primitifs  et  principaux  auraient  été 
•calqués  sur  la  vieille  formule  de  glorification  : 

(1)  Cf.  Christ.,  Anlliologia  rjrxca,  j).  oS  et  .>9,  lîoto. 


284  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

2Ici   r.pir.tt.  Qchz:^       —îi  Trpizîi  u[-;.vsç,      azl  ob^^x  r.pir^ti (1) 

AîvoÙlJ.sv  Ce.  û[j.vcy[XcV  es,        oc;oacyou[j.£v  gz 

Plus  tard,  les  autres  intercalations  seraient  apparues  rappor- 
tant à  l'action  de  grâces  le  cà  tv-*  [j.z-(xK-qv  go-j  côçav,  que  le  n°  I 
rattache  à  la  glorification,  à  travers  la  longue  interpolation,  oioc 
Tcj  [j.î-'âXou. 

Dans  ce  qui  suit,  les  invocations  au  Père  sont  différemment 
ponctuées.  C'est  peut-être,  dans  le  texte  romain,  l'intercalation 
du  mot  Deics  entre  Domine  et  Rex  (elle  figure  également  en 
certains  mss.  milanais)  qui  a  nécessité  la  modification  de  la 
ponctuation  :  Domine  Deus,  Bexcœlestis,  Deus  Pater  omnipo- 
tens,  au  lieu  de  :  Domine  rex,  cœlestis  Deus,  Pater  omnipo- 
tens;  nous  verrons  plus  loin  quelle  est  la  forme  préférable. 

L'invocation  au  Fils  ne  paraît  avoir  commencé  primitivement 
qu'avec  le  Kùpiz  ô  Heoç  qui  précède  la  mention  de  l'agneau  di- 
vin. Les  mss.  ambrosiens  ne  donnent  en  effet  que  Jesu  Christe, 
Sancte  Spiritus;  cette  dernière  invocation  ne  figure  même  que 
dans  une  partie  des  mss.  grecs  ou  latins,  et  les  deux  sont  entiè- 
rement omises  dans  les  Const.  Apost. 

L'invocation  à  l'Esprit-Saint  dérange  manifestement  le  sens 
de  la  phrase  et  la  coupe  littéraire.  Que  signifie  en  effet,  dans 
le  texte  III,  Jesu  Christe;  Sancte  Spiritus,  Domine  Deus,  Fi- 
lius  Patris?  Et  dans  le  rite  byzantin  cette  mention  de  l'Esprit- 
Saint  ne  se  présente-t-elle  pas  encore  plus  mal?  Kjpf.s  Ylà 
;j.cvsYsvèç,  'I-/;aou  Xpic7-à,  y.ai  "Ayicv  \\vvj\xy.  :  Jésus-Christ  n'est 
cependant  pas  le  Fils  unique  avec  le  Saint-Esprit  ou  le  Fils 
unique  et  le  Saint-Esprit?  Les  versions  romaines,  plus  fidèles 
au  sens  du  contexte ,  ont  généralement  rejeté  à  la  glorification 
finale  cette  mention  où  elle  a  parfaitement  sa  place. 

"Oti(7Ù  zl  [j.ovoç  "Ayiîç,  etc.,  correspond,  en  effet,  à  une  formule 
hébraïque  bien  connue  ;  et  peut  être  tourné  ainsi  :  A  toi  seul  la 
sainteté,  à  toi  seul  la  domination,  ô  Jésus-Christ,  —  avec  le 
Saint-Esprit,  —  dans  la  gloire  du  Père.  De  cette  façon,  les  trois 
personnes  de  la  Trinité  sont  commémorées,  et  certains  mss.  font 
preuve  de  cette  coutume  dans  le  rit  byzantin,  d'où  elle  a  depuis 
disparu. 

(1)  Const.  Apost.,  "Yu.'joç,  éffTTÉptvo;,  et  pour  le  texte  latin,  Te  decel  hius,  la  règle 
de  saint  Benoît  et  les  bréviaires  monastiques;  pour  le  chant  :  Liber  Responsoria- 
lis,  p.  42;  Libei-  Antiplionarius,  p.  1023  {Aller  Tonus).  Édition  de  Solesraes. 


LA    <;itA\IM';     iM»\n|,()(,||;.  28.J 

Les  textes  I  et  III  sont  unanimes  à  rejeter  l'invocation  è/.îr.T:/. 
et  la  répétition  de  5  yXpurj,  f/iti  lof //s. 

Dans  les  Const.  Apost.  le  !  \pb7iz:/y.'.  parait  se  rattacher  k  ce  qui 
précède,  les  mss.  latins  sont  unanimes  sur  le  môme  point,  tandis 
que  les  grecs  le  rapportent  à  ce  qui  suit,  r.pb'jlt'z^'.  -.r,y  lir,zv,  -'çj.wt, 
z  y.yjyqixzvz:  ;  nous  verrous  plus  loin  que  telie  paraît  être  la  forme 
ancienne. 

Les  longues  invocations  que  contient  ensuite  le  texte  ambro- 
sien  lui  sont  absolument  particulières,  on  ne  les  a  point  jusqu'ici 
rencontrées  autre  part.  iMais  elles  sont  très  précieuses  en  ce  ^cns 
qu'elles  datent  approximativement  la  date  de  l'interpolation. 

Libéra  nos ab  arianis,...  a  barbaris,  ne  peut  s'étendre  plus 

bas  que  le  milieu  du  v^  siècle  et  peut  remonter  très  haut  dans 
le  iv°  :  peut-être  dès  lors  ces  supplications  seraient-elles  dues 
à  saint  Ambroise. 

On  peut  les  rapprocher  des  formules  litaniques  :  -(07:v.  ïiA^zzi 

Le  cantique  sacré  est  terminé  par  une  invocation  faite  sur  un 
texte  bien  connu  et  qu'il  suffit  de  prendre  tel  qu'il  est  : 

"Oti  (7j  zi  ;xivcç  'Ayisç,  au  ti  [j.ivoç  K'js',;ç.  '\r^-zz\iz  Xp'.sTbç,  sir  sirav 
(-)scj  Wy-plz. 

C'est  le  texte  romain  qui  paraît  avoir  ajouté  le  lu  soins  Alfis- 
simus,  que  l'ambrosien  a  également  adopté  et  qui  figure  dans 
quelques  manuscrits  grecs,  7j  si  ;j.iv:ç  "Y'l'.:;-o:. 

Le  texte  ancien  de  la  Grande  Doxologie,  tel  qu'il  résulte  de 
ces  rapprochements,  serait  donc  notablement  plus  court  que 
celui  qui,  à  la  longue,  est  demeuré  seul  en  usage.  Il  ne  paraît 
pas  avoir  contenu  la  mention  du  Saint-Esprit. 

Cette  mention  dans  le  n°  III  est  rejetée  tout  à  fait  à  la  fin,  et 
est  suivie  de  Y ùi  sa'cula  sœculorum,  formule  absolument  isolée 
au  milieu  des  autres  versions.  Toutefois,  le  texte  I  otTrait  peut- 
être  une  conclusion  analogue  :  aol  c;:a.  t'.;xy;  v.xl  Giiy;  appelle 
directement  l';-.;  tcjç  alwva;  qui  figure  du  restée  un  peu  plus 
loin  à  la  suite  de  Vs-jyr,  ï-'  àp'.jTw  (Pair,  g/-.,  I,  1038). 

Le  chœur,  dans  ce  cas,  aurait  parfaitement  pu  terminer  le 
cantique  par  la  formule  s'.;  s:;:cv  Wssu  IlaTpbr,  tandis  que  le  prési- 
dent aurait  continué  :  ctjv  X^U,)  nv£j;j.3!T'.,  -U  ':^;  a'.wviç  twv 
a'.wv(.)v.  Ch.  'Airr.v,  OU  tout  autre  ckpliouèse  analogue. 

Ce  ne   serait  qu'après  cette    exclamation    qu'auraient   été 

ORIENT  CHRÉTIEN.  20 


286  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

chantés  les  versets  tirés  des  Psaumes  qui  suivent  la  Grande 
Doxologie  partout  où  elle  est  usitée  dans  la  liturgie  matutinale  ; 
mais  ceci  est  plutôt  du  ressort  d'une  étude  liturgique  qui  sort 
du  cadre  de  la  présente,  où  nous  nous  en  tenons  à  la  correction 
du  texte  ecclésiastique,  laissant  de  côté  les  textes  scripturaires 
qui  le  complètent. 

§    III,  —    LA  FORME. 

Supposons  donc  momentanément  que  nous  possédions  ce  texte 
primitif  de  la  Grande  Doxologie,  cherchons-en  la  forme,  les  di- 
visions, en  nous  servant,  puisqu'il  s'agit  d'un  texte  grec,  de  la 
ponctuation  qui  lui  est  donnée  dans  les  livres  byzantins. 

Ao^a  £v  û'iijToiç  t)£0),  v.ai  27:1  y/jç  elpr^vTi,  èv  àvfJpoWciç  z'joc/.ix'  yl- 
vcj[j.îv  c-£,  6[J.vcU;j.zv  gs,  ooçoXc\'C\)[j.zv  et.  oiy.  ir^v  [j.cyaX'^v  crcu  Scrav.  Kuptô 
HactAsu,  kr.o'jpâvit  Bsè,  IlaT'J^p  TravTCV.pa-rwp'  v.ùpie  c  ©sic,  à  àV,vcç 
Toû  6î2u,  ô  Yloç  Toli  lla-pbç,  c  aipojv  T-rjV  â.iJ.y.p'iy.v  tcîj  7,6i7[j.ou.  YlpoGCZ^y.'. 
ty;v  0£"/]aiv  r,[uov^  6  7.a6-(^;j.£voç  àv  ot'zix  tcj  IlaTpbç,  y.aî  èAcr^usv  -/jij.àç. 
"Oti  gj  îi  [j-svcç;  "Avtoç,  cù  zi  [j.ivoç  K'jpicç,  'T/jcojç  XpiGTOç,  s'.ç  o6;av 
6£;u  lIîiTpiç. 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte  que  ce  cantique  est  formé  de 
petites  incises  quasi  égales  groupées  par  trois  ou  par  quatre. 
Bien  plus,  si  nous  tenons  compte  de  l'usage  byzantin  qui  le  par- 
tage en  sorte  de  strophes,  nous  reconnaîtrons  que  chacune  de 
ces  grandes  phrases  ou  strophes  renferme  une  grande  incise 
formées  de  trois  petites  et  une  de  quatre,  dans  l'ordre  ci-après. 


Aô^a  Iv  G'];((JTOi;  ôeôi*  xai  im  Y^iî  etpy^vr/  Èv  àv6pwTT0i;  euooxia. 
Alvoïï[i.£V  av  uavou[ji£v  ce*  8o^o)kOYOÛ[/.£v  av 
Atà  Tïiv  [i.£YâXy,v  cou  ooçav. 


Kupi£    paaiXsÏÏ-    £7T0llpàvi£  0££*    riaTTip   TraVTOXpOCTOjp* 

Kupi£  ô  0£o;*  ô  auvo;  xoîi  0£ou-  ô  Vlôç  toÙ  Ilaipoi;' 
0  aiptijv  TTiV  àp-apTiav  tou  xo'fffxou. 


I.A    (iUAMiK    iJOXoLOdIK.  287 


III 


ripoiTûî^ai   T71V  S£r,(Ttv  Yi(xo)V  ô  xaO-r'fxevoç  Iv  û£;ta  too  rTarpô;-    y.at  eXeV.tov  r/xï;. 
Oti  eu  c£  po'voç  "Ayto;*  ffù  Et  fxovo<;  Kupio;'  'Iricoù;  XpiCTo;- 
Et;  Sd^av  0£ou  ria-rpoi;. 

Qu'est-ce  à  dire?  Sinon  que  cette  suggestive  disposition  de 
la  doxologie  ne  s'est  point  laite  au  hasard.  Elle  ne  peut  guère 
être  que  le  résultat  d'une  recherche  parfaitement  voulue,  et  la 
forme  régulière  qui  en  résulte  va  nous  mettre  tout  à  l'heure  sur 
la  voie  d'une  petite  découverte  des  plus  curieuses,  là  où  peut- 
être  on  ne  l'aurait  point  été  chercher. 

Quant  à  connaître  l'exécution  primitive  de  ce  cantique,  il 
faut  chercher  ce  que  l'usage  liturgique  des  diverses  églises  en 
a  pu  conserver. 

Le  rit  byzantin  le  fait  chanter  en  grandes  strophes  alternées 
par  les  deux  chœurs;  le  rit  romain  ignore  ces  grandes  subdivi- 
sions et  les  deux  chœurs  alternent  tantôt  les  petites  incises, 
tantôt  les  grandes,  suivant  le  sens;  le  rit  ambrosien  paraît 
réunir  les  deux  usages,  les  chœurs  élevant  tour  à  tour  la  voix 
sur  les  grandes  incises,  et  se  réunissant  pour  dire  celles  qui 
closent  les  différentes  parties  de  ce  cantique. 

Il  est  possible  que  cette  façon  de  chanter  ait  été  la  ijonne. 
Kùpit  BacTÙsj,  etc.,  aurait  été  comme  une  strophe  dite  par  un 
chœur;  Kùpiz  z  0cbç,  l'antistrophe  dite  par  l'autre  chœur;  et  O 
a.lpo)v  une  sorte  d'i'fûy.viov  réunissant  les  deux  chœurs. 

Deux  textes  empruntés  ailleurs  ouvrent  et  ferment  le  chant 
de  la  Grande  Doxologie.  En  réunissant  dans  un  même  diagramme 
les  cadences  finales  des  autres  phrases,  immédiatement  nous 
nous  trouvons  en  présence  d'un  rythme  tonique  répété  réguliè- 
rement à  la  fin  et  souvent  au  milieu  de  chaque  phrase  (1 1  : 

12         3         4        5 
ace.  ace. 

Ao-  Ço-        Xo-         yOÛ-        [JL£V        (7£ 

f/eyi-     Xrjv       adù         86-     çav. 
(1)  Rythmé  d'après  les  règles  données  par  lo  R.  P.  Boiivy  -.Poêles et  Mélodies. 


288 


REVUE    DE 

L  ORIENT 

CHRETIEN 

£7toupa- 

vie(l) 

©£- 

ï. 

naT>,p 

TTav- 

TO- 

xpa- 

xojp. 

ïto; 

TOti 

Ila- 

Tpot;. 

àptapTi- 

av 

TOÎJ 

XOff- 

[AOU. 

5^V(2) 

GtV 

•^r 

[XtOV. 

ÔE^ta 

TOÎJ 

n«- 

TpOÇ. 

èU-n-  (2) 

GOV 

■h- 

[^aç. 

Et  quelle  est  cette  cadence  rythmique  qui  se  répète  9  fois 
sur  14  dans  ce  texte  ecclésiastique?  Pas  une  autre  que  la  cadence 
connue  seulement  jusqu'ici  dans  les  textes  latins,  et  désignée 
sous  le  nom  de  cursus,  modifiée,  bien  entendu,  d'après  les 
règles  de  l'accentuation  grecque  (2). 

Non  seulement  le  cantique  qui  nous  occupe  est  le  premier  té- 
moin de  l'emploi  du  cursus  dans  la  littérature  liturgique  grecque, 
mais  encore  il  est  un  texte  précurseur  de  la  prose  syntonique. 

Si  les  différentes  parties  dont  il  est  formé  n'ont  point  entre 
elles  les  rapports  étroits  qui  règlent  les  automèles  eWe^proso- 
moia,  elles  ont  cependant  une  certaine  équivalence,  presque  une 
mesure,  résultant  en  premier  lieu  de  l'emploi  des  cadences  cur- 
sives. 

Les  pièces  latines  analogues  n'ont  pas  un  rythme  plus  étroit. 
«  cantus  accurati,  cantus  bene  procurati,  quos  metricos  dicere 
possumus  ;  jocene  suntmensurabiles;  sa^pe  ita  canimus  ut  quasi 
versus  pedibus  scandere  videamur.  »  (Aribon,  dans  Gerbert, 
Scriptores.) 

Et  lorsque  saint  Hilaire  puisa  dans  la  liturgie  grecque  les 
additions  au  texte  ancien,  ces  additions  avaient  été  réglées  à 
peu  près  delà  même  façon  que  les  incises  primitives.  La  repro- 
duction du  textus  receptus  corrigé  sur  la  version  donnée  plus 
haut,  sera  plus  claire  que  toute  explication. 


Aô^a  £v  u'I/t'axoiç  0£to'  xat  £7:1  Y'^lî  £?p>ivr,*  £v  àvOpwTTOti;  Euooxîst. 
Aîvo'!jij.£v  cv  uavouy.£v  cz'  oo^oÀoyoûiJLEv  ff£* 

(1)  lotacisme. 

(2)  Nous  traitons  en  ce  moment  de  la  même  (luestion  flans  ses  rapports  avec 
le  cliant,  dans  la  Tribune  de  Saint-Gervais  (Paris). 


LA    fIRANDH    DOXOLOGU;. 


289 


(Interpol.)  EOXoyoutisv  as-  Trpotrxuvoîjjjiev  r;v  cù/ypiiTotii/cv  <jol 
Aià  T71V  [jL£YV.Àr,v  <TOÛ  oo;otv. 


Kûpie  flaaiXeu-  îTroupâvie  0c£'  flaTT^p  iravToy.paTojp. 
(Interpol.)   KOpis  YU*  (jLOvoYSvà;-  'Irjoroj  XpiaT£" 

Kupie  ô  0£Ô;*  6  à'fxvoç  tou  0£ou*  ô  Ytoç  toÎÎ  IlaTpcç' 
0  aiptov  Tï]v  àjxapTtav  toù  xdffixou. 


iir 


(Interpol.)   'EXsïiuov  r,[ji,5{;'  ô  aipwv  xà;  àixapTiàç  tou  xôuaou  (?). 

Ilpodâê^at   TYjv    0£Y)(Tiv  yiu.(ov  ô  y.a6-/iy.£voç  Iv  0£;i5t  toÎj    HaToô;-  x. 

i£Xîr,(ïOv  v;;jLÎ;' 
Oti  cjÙ  eî  [xovo; '^Ayio;*  cù  £t  t^ovoç  Kôpio;'  'Iy)(TOÛ;  Xpiffxoç* 
Eîç  ooçav  0£ou  riarpôi;. 
Excpov/îdiç.  Dot  oo';a,    Tiu.y)  xal  «jÉSaç,  cùv  'Ay^V  nveuaa-ci,   £Î;  Toù;    atoivà; 
Ttov  aiwvwv.  Xopoç.  'Au.v)v. 

Il  est  à  remarquer  qu'en  s'inspirant  de  la  ponctuation  byzan- 
tine pour  les  trois  premiers  y.(oXà,  et  de  la  romaine  pour  les  sui- 
vants, on  peut  obtenir  aussi  une  certaine  équivalence  des  par- 
ties, conservant  trois  par  trois  les  grandes  incises,  mais  qui  a 
le  tort  de  déranger  l'arrangement  primitif,  et  d'aller  contre 
plusieurs  traditions;  elle  donnera  cependant  la  clef  de  plusieurs 
des  additions  que  la  Grande  Doxologie  a  subies;  voici  le  texte 
ainsi  modifié. 


\.   Aô;a  £v  6'|t'(JT0t<;  ©eôi'  xal  etci  Y'^iî  sîpvivy]'  sv  àvOpwTtoK;  EÙooxia* 

2.  AtVOUUEV  ff£,  £ÙX0Y0UtJL£V  (T£*   UlJt.VO!JIJLev  ff£,   TTpOa/.'JVOÎjlJI.ÇV  QV    £Ù/apiiJTO'!!tJl£ V   «TOI* 

3.  Ata  Ty;v  [kffâXr^^  doû  oo;av. 


1. 

2. 

[ou) 
3. 


Kupt£  ô  0£O(;-  BafftX£ÎÎ  £TTOupavt£-  IlaTr'o   TravTOxpaTojp" 
Kupte  VU*  [j(.ovoY£V£Ç'  'lr;(Joïï  Xpiarâ' 
KupiE  YΣ  [xovoyEvâ;*  'lïjaoîi  Xpiffrr  xat  '"'.Ayiov  IIvEUfxa' 
KupiE  Ô  0£C);*  ô  aiAvoç  tou  0£OÎÎ-  ô  Yiôç  xou  Wol-oo^. 


290  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 


III 


1.  '0  aipojv  T/|V  àixaptiav  tou  xoajxou*  IXÉ-ziacv  '^u.aç* 

2.  '0  atpwv  ràç  ày-aptià;  xoû  xoafxou'  ripo'ffOîçat  r/iv  0£7|(jiv  ^[xwv. 

3.  '0  xaOTqi/evo;  ev  û£^ta  TOÎi  Tlarpoç"  IXériaov  r,(xaç. 


IV 

1.  "Oti  cÙ  £Î  ÎJ.ÔVO;  "Ayioi;*  au  eî  uovoi;  Kupioç* 

2.  Su  el  u.ovo;*r']>iffTo;'  'Iviffoû;  Xpiffioç* 

3.  — ùv  'Ay'w  IIvEtjfxaTr  si;  oô^av  0eou  ITarpoç. 

A  tjLr,v . 

Inutile  de  dire  que  si  les  vM\y.  d'une  même  grande  strophe 
ont  entre  eux  une  certaine  équivalence,  il  ne  faut  point  la  cher- 
cher avec  ceux  des  autres  strophes,  non  plus  que  le  poids  et  le 
nombre  rythmiques  résultant  de  l'emploi  régulier  du  cursus. 

Ainsi,  l'observation  des  cadences  rythmiques,  l'équivalence 
des  incises  dans  les  deux  premiers  arrangements  donnés  plus 
haut  et  particuliers  à  la  forme  byzantine,  nous  donnent  toute 
raison  de  croire  à  l'origine  grecque  de  la  pièce,  origine  à  la- 
quelle on  a  pu  conclure  par  d'autres  raisonnements.  (Duchesne, 
Origines  du  culte  chrétien.) 

La  prose  nombreuse  et  équivalente,  avec  cadences  cursives 
dans  laquelle  elle  est  écrite,  continuera  désormais  d'être  employée 
par  les  auteurs  ecclésiastiques  dans  les  liturgies  latines.  Nous 
verrons  par  la  suite  les  Grecs,  la  transformant,  remplacer  par 
leurs  hirmi  et  leurs  tropaires  les  textes  scripturaires,  enthou- 
siasmés de  la  régularité  rythmique  des  nouvelles  compositions, 
dans  lesquelles  ils  garderont  cependant  jusqu'à  l'époque  des 
mélodes  de  la  ville  sainte  l'usage  du  cursus  latin,  si  fortement 
empreint  dans  les  cadences  littéraires  de  la  Grande  Doxologie. 

Amédée  Gastoué, 

Professeur  à  l'École  de  chant  liturgique  de  Paris 
(Scliola  Cautorum). 


BIBLIOGRAPHIE 


Bibliothèque  de  l'enseignement  de  l'Histoire   ecclésiastique.  An 
ciennes  littératures  chrétiennes.  —  II.  L<i  littérature  syrid.ipu-.  par 
Rubens  Duvai..  Paris,  LecolïVe,  1S9'.I.  In-12,  pp.  .\v-4'2(). 

En  contribuant,  dans  une  large  mesure,  à  remplir  le  programme  de  la 
Bibliothèque  de  l'enseignement  de  l'Histoire  ecclésiastique,  le  livre  de  M.  Ru- 
bens Duval  atteint  en  même  temps  un  autre  but,  et  s'ofïre  aux  syriacisants 
comme  le  guide  sûr,  le  manuel  indispensable,  qui,  toujours  consulté,  rend 
aux  travailleurs  cette  perpétuité  de  services  qui  constitue  1'  «  ouvrage  de 
bibliothèque  ».  Telle  est  l'impression  qui  se  dégage  de  la  lecture  de  cette 
étude  de  la  Littérature  syriaque. 

La  période  littéraire  du  syriaque  embrasse  onze  siècles;  et  des  œuvres 
que  les  circonstances  religieuses  ou  politiques  produisirent  au  cours  d'une 
aussi  longue  époque,  celles  qui  ont  survécu  aux  ravages  du  temps  se  trou- 
vent en  grande  partie  dans  nos  bibliothèques  d'Europe.  Bien  que  «  les  textes 
édités  jusqu'à  ce  jour  forment  une  collection  de  plus  de  deux  cents  vo- 
lumes, dont  la  majeure  partie  a  paru  pendant  ce  siècle  »  (p.  xi),  de  nom- 
breux manuscrits,  connus  par  les  catalogues  des  bibliothèques,  attendent 
leurs  éditeurs. 

Pour  nous  initier  à  cette  littérature,  nous  n'avions  comme  manuel  pra- 
tique que  le  travail  de  W.  Wright  (1).  Il  importait  de  posséder  un  livre  de 
caractère  moins  exclusivement  pédagogique,  en  même  temps  que  plus 
complet.  Personne  mieux  que  le  docte  professeur  du  Collège  de  France  ne 
pouvait  mettre  plus  de  compétence  à  remplir  cette  lacune. 

Il  convenait  en  premier  lieu,  grâce  aux  éléments  d'information  dont  on 
dispose  aujourd'hui,  d'écarter  une  cause  d'erreur  qu'amena  jadis  la  confu- 
sion des  deux  termes  à'araméen  et  de  chaldéen.  Loin  de  devoir  être  ratta- 
chée à  l'ancienne  littérature  chaldéenne,  la  littérature  syriaque  est  étroite- 
ment liée  à  l'évangélisation  de  la  Mésopotamie  et  d'Édesse.  sa  capitale, 
tenant  d'une  part  à  la  littérature  sacrée  juive  et  chrétienne,  de  l'autre  à  la 
culture  grecque.  Cette  multiplicité  d'origine  fut  l'une  des  causes  qui  empê- 
chèrent les  lettres  araméennes  d'offrir,  dans  leurs  plus  anciens  monuments. 
un  caractère  original.  Et  cependant,  les  chroniques  .syriaques,  ecclêsias- 

(î)  Syriac  Literature.  Encyclopiedia  Britannica,  vol.  XXU,  1887,  p.  8-24-83G,  réimprimé 
sous  le  titre  de  A  short  history  of  Syriac  Literature,  Londres,  1894. 


292  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tiques  et  profanes,  les  Actes  des  Saints  et  des  Martyrs  fournissent  sur  les 
chrétientés  de  Mésopotamie  et  de  Perse^  sur  les  hérésies  et  même  sur  les 
anciens  cultes  païens,  des  données  historiques  de  premier  ordre;  les  ver- 
sions bibliques  et  leurs  commentaires  apportent  une  utile  contribution  à 
l'étude  du  texte  hébreu  autant  que  des  versions  grecques  de  l'Écriture;  les 
traités  dogmatiques,  les  traductions  des  canons  ecclésiastiques  grecs, 
mêlés  de  lois  civiles,  éclairent  l'histoire  du  dogme  et  de  la  discipline  reli- 
gieuse orientale;  les  traductions  syriaques  des  œuvres  des  saints  Pères  ou 
des  traités  de  sciences  profanes  font  revivre  nombre  d'ouvrages  dont  les 
originaux  ont  péri.  Disciples  des  Grecs,  les  Syriens  devinrent,  en  matière 
de  philosophie  et  de  sciences ,  les  maîtres  des  Arabes,  et  leur  transmirent, 
par  la  voie  de  ces  traductions  syriaques,  les  œuvres  des  Grecs.  Avec  la 
pliilosophie  aristotélicienne,  les  Syriens  cultivèrent  la  philosophie  gnomi- 
que,  et  accordèrent  une  grande  faveur  à  des  collections  où  l'on  voit  figurer, 
à  la  suite  des  Maximes  de  Platon,  de  Pythagore,  de  Ménandre,  les  sentences 
de  saint  Sixte.  Ils  ne  négligèrent  ni  la  rhétorique,  ni  la  "grammaire,  non 
plus- que  la  chimie,  la  médecijie,  l'astronomie,  les  mathématiques,  ne  lais- 
sant guère  à  leurs  maîtres,  semble-t-il,  que  les  traités  musicaux.  Cette 
branche  des  sciences  grecques  n'est  représentée  en  syriaque  que  par  des 
traités  de  métrique,  et  les  ouvrages  par  lesquels  les  Arabes  auraient  connu 
la  théorie  musicale  grecque  ne  nous  sont  point  parvenus. 

Sur  toutes  ces  parties  de  littérature  et  de  sciences,  il  est  bon  de  voir  de 
quelle  manière  les  Syriens  se  sont  approprié  la  culture  grecque,  pour  en 
rendre  tributaires,  à  leur  tour,  les  Arabes;  et  l'intermédiaire  des  traduc- 
tions syriaques  ne  doit  pas  être  perdu  de  vue  lorsqu'on  étudie  l'aristoté- 
lisme  ou  les  mathématiques  dans  les  philosophes  musulmans.  Aussi  le  plus 
grand  intérêt  s'attache-t-il  aux  publications  de  cet  ordre. 

Relativement  à  la  poésie  syriaque,  M.  Rubens  Duval  mentionne  les 
hypothèses  émises  sur  l'origine  de  cette  forme  littéraire,  de  tout  temps 
cultivée  parmi  les  Syriens.  Sans  que  l'on  puisse  accepter  la  théorie  d'une 
provenance  hébraïque  directe  du  moule  poétique  syrien,  ni  renouer  le 
lien  qui  rattacherait  l'hymnographie  syriaque  à  l'hymnographie  byzantine, 
on  doit  d'ores  et  déjà  constater  que  «  l'intérêt  qu'offre  la  poésie  syriaque 
dépasse  le  cercle  des  orientalistes  *  (p.  18),  en  attendant,  peut-être,  des 
travaux  à  venir,  conciliant  ce  que  renferment  de  vrai  ces  deux  hypothèses, 
qui  donneraient  à  la  poésie  syriaque  les  mêmes  sources  qu'à  la  littérature 
elle-même. 

Au  défaut  d'une  histoire  complète  de  la  littérature  syriaque,  que  le  petit 
nombre  relatif  des  publications  en  cette  langue  ne  permet  pas  de  donner 
encore,  M.  Rubens  Duval  consacre  la  seconde  partie  du  livre  à  de  substan- 
tielles notices  sur  les  écrivains  syriaques,  classés  chronologiquement. 

Saint  Ephrem  ouvre  la  série,  les  auteurs  antérieurs,  dont  on  ne  possède, 
à  1  exception  d'Aphraate,  que  des  œuvres  incomplètes  ou  incertaines,  ayant 
été  étudiés  dans  la  première  partie.  La  notice  consacrée  à  saint  Éphrem 
redresse  certaines  légendes  concernant  cet  auteur  et  manifeste  la  discor- 
dance entre  la  grâce  littéraire  de  ses  œuvres  poétiques  et  la  réalité  plus 
que  sévère  de  son  aspect  physique.  Après  lui.  une  pléiade  peu  éclatante  de 


i!ii:i-io<iRAi'iiii;.  293 

disciples  forme  la  transition  iiifiiant  à  la  hi'iilantc  période  des  \",  vi"  et 
vii°  siècles,  qui  comprend  Ignace  d'Antiociie,  Raljbuies,  Jacques  de  Sarug, 
qu'il  faut  compter  parmi  les  monopiiysites  (p.  353).  Durant  l'invasion 
musulmane,  la  littérature  syriaque  continufï  ses  dévelopj)ements,  et  les 
concpiérants  ne  dédaignèrent  pas  de.  l'apiirendre,  jusqu'à  ce  que  l'aralje, 
devenant  à  son  tour  une  langue  littéraire,  parvint  à  suj)j)lanter  le  syriaque. 
Dans  cette  période,  la  littérature  suit  chez  les  Orientaux  et  les  Occidentaux 
(Nestoriens  et  Jacobifcs)  des  phases  diverses,  parfois  opposées,  que  cou- 
ronnent d'un  côté  Ebedjésu,  de  l'autre  Barhébréus. 

Les  nombreux  problèmes  histori<pics  et  littéi-aires  tenant  à  l'histoire  des 
lettres  syriaques  sont  rappelés  dans  ce  livre,  et  les  lecteurs  suivront  facile- 
ment l'auteur  dans  ces  développements.  D'ailleurs  «  une  carte  géographique 
jointe  au  volume  donne  un  aperçu  du  domaine  littéraire  des  Syriens  et 
aidera  le  lecteur  à  s'orienter  »  (p.  xv)  ;  et  de  copieuses  notes,  où  peu  d'omis- 
sions se  laissent  constater,  fournissent  les  documents  complémentaires  au 
texte,  les  références  des  catalogues  de  bibliothèque  et  les  éditions  ou  les 
traductions  des  auteurs  syriaques.  Ceux  qui  auront  à  faire  de  ce  livre  un 
instrument  habituel  de  travail  seront  dirigés  dans  leurs  recherches  par  un 
Index  des  auteurs  et  des  ouvrar/es  anonymes,  plus  étendu  que  la  partie  cor- 
respondante du  volume  de  W.  Wright.  On  pourrait  peut-être  désirer  une 
seconde  nomenclature  détaillant  les  matières  traitées  incidemment,  les 
ouvrages  grecs  et  autres  traduits  en  syriaque  et  les  sujets  particuliers  de 
certaines  œuvres  complexes,  que  l'on  trouve  moins  pronq)tement  au  moyen 
de  la  seule  table  finale  des  matières.  Mais  les  recherches  ne  sont  ni  bien 
longues  ni  fastidieuses  dans  un  ouvrage  aussi  méthodiquement  rédigé,  que 
la  sobriété  et  la  précision,  mises  au  service  d'une  haute  compétence  scien- 
tifique, rendent  facilement  accessible  au  public  de  la  Biblùilhi-que  de  ren- 
seignement de  V Histoire  ecclésiastique ,  et  les  nombreux  lecteurs  de  cette 
histoire  de  la  littérature  syriaque  se  laisseront  guider  avec  une  sécurité 
d'autant  plus  entière  que  l'auteur  se  montre  impartial  et  soucieux  de 
rendre  justice  à  tous. 

Liiiueé. 

D.  J.  Pakisot. 


G.  WOBBERMIN.  —  Altchristliche  liturgische  Stûcke  aus  der  Kir- 
che  Aegyptens,  nebsteinem  dogmatischen  Brief  des  Bischofs  Sera- 
pion  von  Thmuis.  Lcii)zig,  llinrichs,  1899. 

La  plus  ancienne  liturgie  alexandrine  connue  jusqu'ici  était  celle  qui 
porte  le  nom  de  saint  Marc  et  "qui  remonte  au  iv"  siècle;  rapprochée 
de  la  liturgie  copte*de  saint  Cyrille  et  delà  liturgie  abyssinienne  des  Douze 
Apôtres,  elle  pourrait  donner  le  moyen  de  reconstituer  l'ancien  rite 
alexandrin.  Voici  qu'on  nous  révèle  un  nouvel  élément  de  première  im- 
portance pour  ce  travail  ;  c'est  une  liturgie  grectiue  d'Alexandrie  anté- 
rieure au  schisme  de  Dioscore  et  datant  du  iV  siècle.  M.  Wobbennin   a 


294  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

eu  le  bonheur  de  la  découvrir  dans  un  manuscrit  grec  du  xi«  siècle,  au 
monastère  de  Lavra  du  Mont  Athos.  C'est  une  série  de  trente  pièces  se 
rapportant  à  la  messe,  à  l'administration  des  sacrements,  à  la  sépulture 
et  à  la  synaxe  dominicale  ;  elles  sont  suivies  d'u'ne  épître  «  sur  le  Père  et 
le  Fils  »,  qui  a  été  écrite  avant  le  synode  d'Alexandrie  de  362.  Mais  cette 
sorte  de  rituel  ou  d'eucologe  ne  renferme  pas  tout  l'usage  liturgique  de 
l'Église  k  laquelle  il  était  destiné  ;  rien  dans  ces  prières  n'interdit  de  les 
attribuera  l'époque  indiquée,  cà  l'Egypte  et  même  àSérapion  deThmuis,  du 
moins  celles  qui  portent  son  nom.  La  partie  principale  est  celle  qui  con- 
cerne la  messe  et  qui,  comparée  au  type  syrien,  parait  se  rapporter  à  une 
unité  de  modèle  plus  grande  qu'on  ne  l'avait  cru.  La  synaxe  s'ouvre  par 
une  double  prière,  l'une  précédant,  l'autre  suivant  les  lectures  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament  ainsi  que  l'homélie.  Après  la  prière  sur  les  ca- 
téchumènes, ceux-ci  sont  congédiés,  et  les  saints  mystères  commencent. 
Il  n'est  pas  question  des  pénitents.  Viennent  alors  des  oraisons  pour  les 
malades,  pour  les  fruits  de  la  terre,  pour  l'Église  locale,  pour  les  divers 
ordres  qui  la  composent  :  évêque,  prêtres,  diacres,  sous-diacres,  lecteurs, 
interprètes,  moines,  vierges  et  enfin  les  familles.  L'assemblée  se  met  à 
genoux,  le  célébrant  récite  de  nouveau  cinq  autres  prières  pour  elle,  pour 
tout  le  peuple  fidèle,  les  catéchumènes  et  les  malades.  Mention  spéciale 
est  faite  que  cela  avait  lieu  avant  la  prière  de  l'oblation.  Celle-ci  porte  le 
nom  de  Sérapion  et  se  trouve  en  tète  du  recueil.  Le  Tersanctus  est  placé 
après  l'invocation  solennelle  du  commencement;  l'anamnèse  suit  immédia- 
tement avec  une  invocation  cà  Dieu  pour  l'Église  catholique,  qui  est  à  re- 
marquer parce  qu'elle  se  trouve  dans  la  Didachè.  Puis  vient  l'épiclèse,  et 
l'officiant  continue  en  priant  pour  les  morts,  et  pour  ceux  qui  ont  fourni 
les  oblations.  II  n'est  pas  question  du  Pater,  qui  se  plaçait  probablement  à 
cet  endroit.  La  fraction  du  pain  est  mentionnée  avec  une  prière  spéciale, 
et  ensuite  a  lieu  la  distribution  des  saintes  espèces  aux  clercs,  et  après  une 
prière  accompagnant  l'imposition  des  mains  sur  le  peuple,  la  communion 
des  fidèles;  et  la  messe  se  termine  par  une  formule  d'action  de  grâces. 

Les  prières  baptismales  n'ont  pas  de  caractère  spécial.  Celles  de  la  col- 
lation du  diaconat,  de  la  prêtrise  et  de  l'épiscopat  mentionnent  l'imposition 
des  mains  et  l'ordre  conféré. 

Les  deux  premières  prières  des  onctions  se  rapportent  encore  à  la  litur- 
gie du  baptême  ;  la  troisième  est  celle  de  l'extrême-onction  et  mérite  d'être 
signalée  à  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  de  ce  sacrement.  La  prière  pour 
les  morts  est  très  belle;  elle  présente  plus  d'une  analogie  avec  celle  que 
donnent  les  Constitutions  Apostoliques . 

La  découverte  de  M.  Wobbermin  ouvre  donc  un  nouveau  champ  aux 
érudits  qui  s'occupent  des  monuments  des  anciennes  liturgies  ou  de  l'his- 
toire de  l'Église  d'Alexandrie.  Ces  anciens  morceaux  liturgiques  chrétiens 
de  V Église  d'Egypte,  comme  les  appelle  le  savant  Alleirftind,  comblent  ime 
lacune  pour  la  période,  qui  embrasse  une  partie  de  la  vie  de  saint  Atha- 
nase.  Il  y  aurait  lieu  de  les  comparer  avec  les  autres  liturgies  orientales, 
soit  celles  d'Alexandrie,  en  désignant  sous  ce  nom  la  grecque  dite  de  saint 
Marc,  les  trois  coptes  et  les  abyssiniennes,  soit  celles  des  autres  rites,  et 


lUIîMOGIiAI'HIK.  295 

avec  la  liturgie  (les  Constitutions  A])()st(jli(iucs  ctde  l;i  I)i(l;icliè.  Ce  travail  dr- 
comparaison  est  indispcnsiibU;  si  l'on  veut  se  rendre  un  compte  exact  de  la 
découverte  que  nous  devons  à  M.  Wobbermin;  pour  ces  morceaux,  comme 
pour  les  autres  liturgies,  entendues  au  sens  complet,  c'est-à-dire  en  ce  qui 
concerne  l'administration  des  sacrements  aussi  bien  (jue  le  sacrifice,  on 
pourrait  l'étendre  à  nos  liturgies  occidentales  les  plus  anciennes  (Ij.  Cettf 
révélation  d'un  document  de  cette  importance  est  une  véritable  bonne 
fortune  et  diminue  la  pénurie  (jue  l'on  avait  à  regretter  pour  la  liturgie 
égyptienne  de  cette  époque.  Découvrira-t-on  jamais  les  textes  coptes  de 
celle  qui  était  en  usage  aux  mêmes  siècles  dans  les  endroits  où  le  grec 
était  incompris?  cette  découv(>rte  est-elle  même  ])ossibIe?  L'avenir  le  dira 
sans  doute. 

Dom  Paul  Uenai  din. 
Bénéiliclin. 


Liturgies  eastern  and  -western  being  the  texts  original  or  trans- 
lated  of  the  principal  liturgies  of  the  church,  edited  witb  intro- 
ductions and  appendices  by  F.  E.  Brruitman,  M.  A.  Pusey  librarian,  on 
the  basis  of  the  former  work  by  C.  E.  Hammond,  M.  A.  vol.  I.  Eastern 
Liturgies.  Oxford,  Clarendon  Press,  ISQC).  In-<S,  civ-GOS  ji. 

Si  les  chrétiens  des  diverses  Églises  orientales  voulaient  enfin  se  montrer 
justes  envers  leurs  frères  de  l'Occident,  au  lieu  de  leur  reprocher  sans 
cesse  de  n'avoir  pas  de  plus  grand  désir  que  de  les  latiniser,  tout  au 
contraire,  ils  leur  montreraient  une  vive  reconnaissance  pour  l'ardeur 
avec  laquelle  ils  s'efforcent  d'étudier,  de  faire  connaître  et  de  conserver 
leurs  rites  particuliers.  Les  efforts  que  nous  autres  Latins  nous  n'avons 
cessé  de  faire  pour  encourager  et  maintenir  ces  rites  dans  tout  leur  éclat 
et  dans  toute  leur  pureté,  un  volume  ne  suffirait  pas  pour  les  mettre 
pleinement  en  lumière,  tandis  que,  de  notre  côté,  nous  pourrions  à  juste 
titre  nous  plaindre  du  mépris  qu'en  Grèce,  en  Syrie,  etc.,  on  affecte  pour 
nos  rites  occidentaux,  rites  qu'il  n'est  jamais  venu  à  l'esprit  d'un  savant 
de  ces  régions  d'examiner  même  superficiellement,  encore  moins,  par 
conséquent,  de  faire  l'objet  de  recherches  érudites.  Où  donc,  sinon  en 
Occident,  les  œuvres  multiples  des  littératures  profane  et  religieuse  de 
l'Orient  ont-elles  été  étudiées  et  publiées  avec  le  plus  de  soin?  Ne  sont-ce 
pas  des  Occidentaux  qui  déploient  un  zèle  incessant  et  dépensent  des 
sommes  considérables  pour  découvrir  et  acquérir  ces  précieux  manuscrits 
grecs,  arabes,  syriaques,  etc.,  auxquels  les  Orientaux  des  temps  modernes 
n'ont  commencé  à  attacher  quelque  importance  que  lorsqu'ils  ont  fini  par 
constater  combien  ils  étaient  précieux  pour  nous. 

Pour  ne  pas  entrer  dans  de  plus  grands  détails,  ne  sont-ce  pas  des 
Français,  des  Italiens,  des  Anglais  et  des  Allemands  qui  ont  publié  les 
meilleures  éditions  d'une  foule  de  livres  d'église  en  usage  en  Orient  et,  en 


296  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

particulier,  des  liturgies  proprement  dites  ou  messes  orientales?  Et,  tandis 
que  les  chrétiens  grecs^  arméniens,  coptes,  etc.,  séparés  les  uns  des 
autres  par  des  rivalités  et  des  antipathies  invétérées,  quoique  vivant 
souvent  dans  les  mêmes  villes  et  villages,  se  'gardent  bien  de  faire  le 
moindre  effort  pour  connaître,  ou  même  affectent  d'ignorer  les  coutumes 
et  pratiques  religieuses  de  leurs  frères  de  rites  différents,  tout  au  con- 
traire, de  nombreux  auteurs  appartena'ht  à  l'Europe  occidentale  se  sont 
imposé  la  tâche  d'étudier  tous  ces  rites  avec  soin,  de  rechercher  leurs 
origines,  de  faire  ressortir  leurs  beautés,  de  les  comparer  entre  eux  et  de 
montrer  leur  unité  sous  les  variétés  qui  les  différencient  (1). 

Innombrables  sont  les  livres  contenant  des  prières  et  des  rubriques 
propres  aux  Églises  orientales,  qui  ont  vu  le  jour  en  dehors  des  contrées 
occupées  par  ces  Eglises,  et,  parmi  eux,  il  faut  distinguer  les  ouvrages 
dans  lesquels  leurs  auteurs  se  sont  plu  à  réunir  ensemble  les  textes  de 
toutes  les  messes  orientales.  11  suffira  de  citer  celui  qui  a  rendu  célèbre 
le  nom  de  Renaudot  et  ceux  qui  ont  été  publiés  depuis,  en  Angleterre, 
par  M.  Hammond  en  1878,  par  M.  Swainson  en  1884  et  enfin,  en  1896,  par 
M.  Brightman. 

Ce  dernier  auteur,  profitant  des  travaux  de  ses  devanciers  et  les  com- 
plétant avec  un  zèle  et  une  science  des  plus  remarquables ,  nous  a  donné 
un  livre  qui  désormais  fera  autorité  pour  ce  qui  concerne  les  liturgies 
orientales.  Dans  un  volume  de  700  pages  environ  et  d'un  format  commode 
il  a  réuni  les  textes  de  ces  liturgies,  qu'il  divise  en  quatre  types  :  le  type 
syrien,  le  type  égyptien,  le  type  persan  et  le  type  byzantin.  Une  longue  et 
savante  introduction  contient  une  énumération  détaillée,  avec  examen  cri- 
tique, des  manuscrits  et  des  livres  imprimés  qui  renferment  ces  textes  (2). 
A  la  suite  du  corps  de  l'ouvrage  de  nombreux  appendices  mettent  sous  les 
yeux  du  lecteur  quelques  autres  textes  pouvant  faire  comprendre  par 
quelles  modifications  successives  ont  passé  les  liturgies  de  l'Orient  avant 
d'arriver  à  leur  état  actuel.  Des  tables  fort  complètes  et  un  glossaire  de 
termes  liturgiques  terminent  le  volume. 

La  partie  la  plus  parfaite  de  l'œuvre  de  M.  B.  est  évidemment  celle  qui 
contient  les  liturgies  ou  messes  grecques,  parce  que  ces  dernières  nous 
sont  données  dans  leur  langue  originale.  Toutes  les  autres  liturgies  sont 
simplement  traduites,  non  pas  en  latin,  comme  dans  les  recueils  simi- 
laires, mais  en  anglais.  Tout  d'abord  ce  choix  de  l'anglais  nous  paraît  na- 
turellement quelque  peu  regrettable,  à  nous  catholiques  habitués  à  consi- 
dérer le  latin  comme  une  langue  plus  ecclésiastique  que  les  idiomes  parlés 
actuellement.  En  second  lieu,  quelle  que  soit  la  langue  adoptée  pour  sup- 
pléer aux  textes  originaux  des  liturgies,  arménienne,  copte,  etc.,  et  quelle 

(1)  Bien  entendu  il  faut  ranger  au  nombre  de  ces  auteurs  des  hommes  tels  qu'Assémani, 
Allatius,  ïuki,  etc.,  lesquels,  quoique  nés  en  Orient,  n'ont  pu  rendre  de  si  grands  services, 
en  donnant  de  remarquables  éditions  de  textes  liturgiques  orientaux,  que  parce  que 
leur  zèle  et  leurs  talents  étaient  nés  et  s'étaient  développés  dans  des  milieux  latins. 

(2)  Quelques  erreurs  se  sont  glissées  dans  les  références  bibliographiques.  Par  exemple 
pourquoi  le  nom  bien  connu  de  M.  Legrand,  auteur  de  la  Bibliographie  hellénique,  est-il 
écrit  Legrande,  toutes  les  fois  qu'il  est  cité? 


BlIiLIOGRAI'Illi;.  297 

que  soit  la  valeur  de  la  traduction  —  elle  est  très  grande  dans  le  livre  de 
M.  B.  —  il  est  certain  que  le  lecteur  érudit  n'est  pas  pleinement  satisfait  : 
il  voudrait  avoir  ces  textes  eux-mêmes  sous  les  yeux.  Sera-t-il  possible  de 
les  donner  un  jour  dans  une;  nouvelle  et  drliriitive  édition,  nialgrt-  les  frais 
considérables  que  cela  entraînerait?  évidemment  oui.  Souliaitons  que  la 
munificence  de  la  Clarendon  Presx,  à  laquelle  la  .science  doit  tant  déjà, 
permette  d'entreprendre  une  œuvre  qui  serait  le  couronnement  des  tra- 
vaux de  Renaudot  et  de  ses  successeurs,  et  ajoutons  que  s'il  est  un  savant 
([ui  puisse  la  mener  à  bien,  c'est  sans  contredit  M.  lirightman  (1).    . 

Et  même,  étendant  notre  souliait  plus  loin  encore,  nous  voudrions  que 
dans  un  deuxième  volume  on  réunit  les  textes  slavon,  roumain,  arabe,  etc. 
des  messes  orientales  qui,  bien  que  n'appartenant  pas  à  des  rites  diffé- 
rents, ont  été  traduites,  avec  l'approbation  de  l'Eglise,  dans  ces  différentes 
langues,  devenues  ainsi  des  langues  liturgiques  autorisées.  Peu  de  livres 
nous  donneraient  alors  une  idée  plus  claire  de  cette  richesse  de  formes  et 
de  cette  variété  de  rites  qui,  chez  les  catholiques,  rehausse  lamagnilicence 
du  plus  sublime  des  actes  d'un  culte  absolument  un  dans  le  fond,  du  sa- 
crifice eucharistique. 

Léon  Clugnet. 


Note    sur  plusieurs  ouvrages    offerts    par    l'Université    d'Upsal. 

Die  Inschrift  des  Kunigs  Mesa  von  Moab,  von  K.  G.  Amandus  Nordlander. 
Leipzig,  1896.  —  Thèse  de  doctorat  présentée  à  la  faculté  de  philoso- 
phie d'Upsal.  C'est  une  étude  linguistique  et  historique,  précise  et  com- 
plète, de  la  fameuse  stèle  dont  la  découverte  est  due  principalement  à 
notre  compatriote,  M.  Clermont-Ganneau,  et  qui  est  la  pierre  angulaire 
de  l'épigraphie  sémitique.  Dans  cette  inscription ,  Mesa,  roi  de  Moab, 
contemporain  d'Achab  et  de  ses  successeurs,  célèbre  ses  victoires  contre 
Israël  et  se  glorifie  des  villes  qu'il  a  fondées.  A  la  fin  de  la  brochure, 
un  dessin  montre  l'inscription  dans  Tétat  où  elle  est  aujourd'luii  au 
Louvre. 

Die  Sprache  der  Contracte  Nabù-Nâ'ids  (555-538  v.  Chr.)  mit  beriirkgic/ili- 
gung  der  contracte  Nebukadrezars  und  Cyrus,  von  K.  L.  TalhivLst,  Hel- 
singfors,  1890.  —  Très  nombreux  sont  les  contrats  du  temps  de  Nebu- 
kadrezar,  de  Nabù-UcVid  et  de  Cyrus  :  quittances,  contrats  de  louage, 
contrats  de  vente  d'esclaves,  de  terres  et  d'autres  choses,  lettres  de 

(1)  M.  Brightman  est  protestant,  mais  nous  devons  reconnaître  (|u'il  a  montre  la  plus 
scrupuleuse  impartialité.  On  en  a  la  preuve  dès  la  première  page  de  son  livre,  dans  la  dé- 
dicace qui  s'adresse  à  l'archevêque  orthodoxe  du  Jourdain,  à  l'i-vèque  anglican  de  Lincoln 
et  au  prieur  du  monastère  bénédictin  du  Mont-Cassin. 

(-2)  C'est  une  étude  comparative  de  ce  genre  qui  a  fourni  des  aperçus  si  inléressanls  à 
notre  distingué  confrère,  le  R.  P.  Dom  Cagin,  dans  son  remarquable  tra\ail  surl'Auli- 
phonaire  ambrosien.  [Paléographie  musicale  'les  Béncdiclins  de  Solesmes,  t.  V,  Intro- 
duction.) 


298  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

donation,  contrats  de  mariage,  décisions  juridiques,  contrats  de  société, 
comptes  et  inventaires,  etc.  La  langue  de  ces  contrats  est  étudiée  de  la 
façon  la  plus  minutieuse  et  la  plus  méthodique,  dans  ses  rapports 
avec  l'hébreu,  l'arabe  et  l'araméen. 

Studia  in  oracula  silnjllina,  par  Emil  Fehr,  Upsal,  1893.  —  Thèse  pré- 
sentée à  la  faculté  de  philosophie  d'Upsal.  —  L'on  sait  par  quelques  vers 
fameux  de  Virgile  et  par  un  passage  connu  de  Celse  en  quelle  estime 
ont  été  tenus  à  Rome  les  livres  sibyllins.  Quels  sont  l'origine  de  ces 
oracles,  le  temps  où  ils  ont  été  composés,  la  doctrine  qu'ils  renferment? 
Ce  sont  les  questions  que  l'auteur  met  toute  sa  science  et  toute  son  ingé- 
niosité à  résoudre.  Quoique  répandus  parmi  les  païens,  et  comparables 
par  beaucoup  de  côtés  aux  livres  orphiques ,  les  livres  sibyllins  n'ont 
pas  été  principalement  écrits  sous  des  influences  païennes.  Les  in 
fluences  juives  y  sont  plus  sensibles,  et  les  influences  chrétiennes  sont, 
en  quelques-uns,  tout  à  fait  dominantes.  Les  oracles  sibyllins  ont  une 
cosmogonie  très  voisine  de  la  cosmogonie  biblique  et  une  eschatologie 
messianique.  Dans  les  détails  se  manifeste  un  syncrétisme  très  large, 
dont  l'étude  présente  un  grand  intérêt.  Ces  livres  auraient,  en  somme, 
été  composés  depuis  la  moitié  du  ii^  siècle  avant  le  Christ,  jusqu'au  m''  siè- 
cle après.  —  L'auteur  parle  du  «  genre  apocalyptique  »  et  du  «  pseudo- 
Daniel »  avec  une  liberté  qui  doit  exciter  quelque  défiance  chez  les  es- 
prits soucieux  de  garder  le  respect  des  livres  saints. 

Syntax  der  zahhvôrter  im  alten  testament,  par  Sven  Herner,  Lund,  1893.  — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  de  philosophie  de  Lund.  Les  règles  de  la 
syntaxe  des  noms  de  nombre  dans  les  langues  sémitiques  sont  compli- 
quées et  étranges.  M.  Sven  Herner  e.st  digne  de  louanges  pour  avoir 
consacré  à  l'examen  de  cette  question  grammaticale,  relativement  aux 
textes  de  l'Ancien  Testament,  les  ressources  d'une  science  philologique 
patiente  et  étendue. 

Prcemium  et  spécimen  lexici  synonymici  arahici  Attha'âlibn;  edidit, 
vertit,  notis  instruxit  Joseph  Seligmann.  —  L'auteur  donne  le  texte 
de  quelques  pages  du  fiqh  el-logat  de  Ta 'alibi,  avec  une  traduction, 
une  introduction  et  des  notes  en  latin.  Cette  publication  paraît  un  peu 
ancienne.  At-Ta 'alibi,  l'un  des  érudits  les  plus  féconds  de  l'Islam,  flo- 
ris.sait  au  iv<^  siècle  de  l'hégire  (961  à  1037  du  Ch.)  Son  dictionnaire 
des  synonymes  intitulé  ^qh  el-logat,  science  complète  du  langage,  a  eu 
plusieurs  éditions  dont  la  plus  remarquable  est  celle  du  P.  L.  Cheïkho, 
de  l'Université  catholique  de  Beyrouth. 

De  Chovarezmia  expiignata,  ex  annalibus  syriacis  nbulpharagii  locus,  par 
C.  G.  Gellerstedt,  1848.  —  Thèse  présentée  à  la  faculté  de  philosophie 
d'Upsal.  C'est  un  extrait  de  la  très  célèbre  chronique  de  Bar  Hebrœus; 
l'auteur  avait  à  sa  disposition  des  copies  faites  à  la  bibliothèque  Yaticane 
par  Tullberg  et  l'édition  de  Brunsius  et  Krischius.  —  Dans  ce  récit, 
fort   intéressant,  de    la  conquête   du    Kharezm    par  les   Mongols,  au 


luiiLioiiRAi'iiir;.  290 

Mii«  siècle ,  on  relève  ce  fait  :  (|if  une  princesse  chrétienne ,  mari(?e 
selon  la  mode  mongole  au  conquérant  Iloulagou,  fut,  pendant  tout  le 
règne  de  ce  prince,  un  grand  appui  pour  les  chrétiens. 

Gregorii  Bar  Ilchrael  in  Jcmiam  Scholia,  edidit  0.  F.  Tuiiberg,  L'psai, 
1842.  —  Edition  syria(|uc  accom])a,i:n(''('  de  notes,  non  <le  traduction.  On 
relèverait  dans  les  notes  nombre  d'indications  iinguisfiiiues  curieuses  : 
L'hébreu  mîn,  genre,  est  identifié  par  I5ar  Hebraeus  avec  le  grec  iii^vr^, 
«  mois  ».  —  Le  persan  c/iamc/i/r,  «  a  scimitar,  un  cimeterre  »,  est  ])assé 
dans  le  grec  aarj-Avipa.  —  Le  syriaque  aalra,  hébreu  aschrâ,  la  planète 
Vénus,  est  de  la  même  origine  que  le  persan  stûra,  sanscrit  védique 
stâra,  grec  (Jaiyjp,  français  «  astre  ».  Il  serait  facile  de  pousser  lacom- 
paraisonjusqu'à  Ischtar  et  Astarté. 

Gregorii  Bar  Hebraei  in  jisalmos  acholiorum  spécimen,  edidit  0.  F.  Tull- 
berg,  Upsal,  1842.  Quelques  pages  de  texte  syriaque  de  ce  commentaire 
des  Psaumes,  avec  une  traduction  latine  et  des  notes.  Il  est  intéressant 
de  remarquer  combien  la  méthode  de  Bar  Ilebrccus  est  savante.  Il 
invoque  les  opinions  d'un  grand  nombre  d'auteurs  :  saint  Athanase,  saint 
Hippolyte,  saint  Basile ,  saint  Épiphane,  Origène,  Aipiila,  Symmaque, 
Jacques  d'Edesse,  Daniel  Salcliensis.  —  et  il  se  reporte  aux  versions  des 
Psaumes  grecque,  arménienne  et  copte. 

Etudes  sur  l'Hexaméron  de  Jacques  d'Edesse,  par  Arthur  Hjelt,  Helsingfors. 
1892.  —  L'auteur  de  cette  thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Hel- 
singfors est  un  élève  de  M^'-  Graffin ,  professeur  à  l'Institut  catholique 
de  Paris,  et  l'ouvrage  qui  en  est  l'objet  avait  déjà  été  étuilié  par  M.  l'abbé 
Martin,  professeur  au  même  Institut.  L'hexaméron  de  Jacques  d'Edesse 
est  un  livre  curieux,  comme  il  s'en  écrivit  beaucoup,  par  la  suite,  durant 
le  moyen  âge.  C'est  une  encyclopédie  où,  à  propos  des  premiers  ver.sets 
de  la  Genèse,  sont  passées  en  revue  toutes  les  sciences  humaines.  Jac- 
ques d'Edesse  avait  pour  modèle  en  ce  genre  Thexaméron  de  Jean 
Philoponus.  M.  Hjelt  s'est  attaché  surtout  à  la  partie  géographique  du 
livre;  elle  est  intéressante,  bien  que  très  étroitement  dépendante  des 
enseignements  de  Ptolémèe.  C'est  avec  raison  que  M.  Hjelt  a  dissipé 
certaines  illusions  que  M.  l'abbé  Martin  s'était  faites  sur  les  mérites  de 
Jacques  d'Edesse  comme  géographe  ;  il  est  clair  que  l'auteur  syriaque 
n'a  point  exploré  l'Hindoustan  ni  l'Afrique  centrale,  ni  deviné  l'Amé- 
rique. Malgré  cela  cet  écrivain,  d'une  époque  ancienne,  à  peine  posté- 
rieure à  l'âge  de  Mahomet,  est  l'un  des  érudits  les  plus  féconds,  des 
philologues  et  des  exégètes  les  plus  distingués  de  la  littérature  syriaque. 
Les  fragments  de  son  texte  que  publie  M.  Hjelt  sont  autographiés  et 
traduits  en  latin.  La  transcription  en  syriaque  des  noms  géographiques 
grecs  donne  lieu  à  des  remarques  linguistiques  curieuses. 

Bibliothecae  rpsaliensis  historia,  auctore  Olavo  0.  Celsio,  Upsal.  1745.  — 

'  Tous  les  érudits  savent  quel  est  l'intérêt  des  histoires  de  bibliotliè(iues. 

Celle-ci,  écrite  il  y  a  150  ans,  porte  les  traces  du  mouvement  intollec- 


300  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tuel  en  Suède  sous  les  grands  règnes  de  Gustave-Adolphe  et  de  Chris- 
tine ,  et  jusqu'au  milieu  du  xviii'^  siècle.  Gustave-Adolphe  est  le 
fondateur  de  la  bibliothèque  de  l'académie  d'Upsal  ;  il  restaura  cette 
ancienne  université,  sous  l'inspiration  de  Skitt  et  d'Oxenstiern.  A  la 
suite  de  son  nom,  on  rencontre  dans  ce  récit  les  noms  fameux  de  Huet, 
de  Gerhardt  et  Isaac  Voss,  de  Heinsius,  de  Pierre  des  Ursins,  de  Rud- 
beck  et  de  Linné.  C'est  à  Isaac  Voss  que  la  bibliothèque  doit  le  manu- 
scrit du  commentaire  d'Origène  à  l'Evangile  de  saint  Matthieu.  Laurent 
Odhelius  y  déposa  des  manuscrits  rabbiniques.  Sparwenfeld,  qui  avait 
visité  presque  toute  TEurope  et  une  partie  de  l'Afrique,  l'enrichit  d'une 
collection  de  livres  imprimés  et  manuscrits^  slaves,  russes,  bohémiens, 
hongrois,  polonais,  moldaves,  illyriens.  Ce  savant  commença  une  ver- 
sion suédoise  de  l'ouvrage  de  Saavedra  intitulé  «  la  Couronne  gothique  », 
et  prépara  un  lexique  latin-slave-russe-germain.  La  bibliothèque  absorba 
en  outre  diverses  bibliothèques  particulières  :  la  Bergiana,  qui  contenait 
beaucoup  de  livres  slavons,  Ik  Buskagriana,  qui  en  contenait  de  rabbini- 
ques, ÏEnnemannia,  qui  en  renfermait  d'arabes.  Elle  acquit,  par  l'in- 
termédiaire d'Henricus  Benzelius,  un  lot  de  manuscrits  arabes,  turcs, 
coptes,  éthiopiens,  rabbiniques,  que  ce  savant  acheta  à  Constantinople 
et  au  Caire,  au  prix  de  L800  thalers.  Petrus  Schoenstrom,  revenant 
d'une  longue  captivité  en  Sibérie,  lui  fit  don  de  précieux  documents 
slavons  et  tartares.  L'un  de  ces  documents  est  une  généalogie  des  nobles 
moscowites ,  ouvrage  dont  le  Czar  Fedor  Alexiowitz  acheta  plusieurs 
exemplaires  qu'il  fit  ensuite  brûler  ;  un  autre  est  l'histoire  généalogique 
des  Tartares  par  «  Abulgasi  Bagadur,  fils  d'Arab  Muchmet  Khan  ». 
Schoenstrom  traduisit  ce  livre  en  allemand.  Une  traduction  française 
fut  faite  sur  cette  version  allemande  et  publiée  en  Belgique,  à  l'insu  du 
donateur  suédois  et  sans  qu'il  y  fût  nommé.  (Cette  traduction  est  celle 
de  Leyde,  1726;  une  édition  anglaise  de  ce  célèbre  ouvrage  fut  donnée 
en  1730;  le  texte  fut  édité  avec  tradviction  française,  à  Saint-Pétersbourg, 
de  1871  à  1874  :  Histoire  des  Mogols  et  des  Tatares,  par  Aboul-Ghazi 
Behadour-Khan  publiée,  traduite  et  annotée  par  le  B""  Desmaisons, 
2  vol.)  Enfin  un  magnifique  don  fait  à  la  bibliothèque  d'Upsal  est  celui 
de  Gabriel  de  La  Gardie,  qui  comprend  le  fameux  manuscrit  d'argent, 
Codex  argenteus,  c'est-à-dire  la  traduction  des  Évangiles  en  haut  gothique 
par  Ulfilas.  —  L'on  voit  que  les  fastes  de  la  bibliothèque  d'Upsal  ne 
sont  pas  dépourvus  de  gloire. 

Catalogus  centuriae  librorum  rarassimorum  manuscript.  et  partim  impres- 
sorum  arabicorum ,  persicorum ,  tui'cicorum,  graecorum,  latinorwn,  etc. 
Qua  anno  1705  bibliothecam  ptiblicam  academiae  upsalensis  auxit  et 
exornavit  vir  illnstris  et  generosissimus  Joan.  Gabr.  Sparvenfeldius. 
Upsal,  1706.  —  C'est  l'inventaire  du  don  fait  par  Sparwenfeld  à  la  bi- 
bliothèque d'Upsal,  publié  en  témoignage  de  reconnaissance,  aux  frais 
de  cette  même  bibliothèque. 

Codices  Arabici ,  Persici  et  Turcici  bibliothecae  regiae  universitatis  iipsa- 
liensis,  par  Tornberg,  Lundae,  1840.  Sans  répondre  à  toutes  les  exigences 


niFîLionuApmi.;,  301 

de  l'érudition  actuelle,  notainiiient  en  ce  qui  concerne  les  dates  des 
manuscrits  et  les  indications  sur  les  auteurs,  ce  catalogue  est  encore 
très  estimable  et  doit  être  consulté  par  les  orientalistes,  il  comprend 
512  numéros,  ce  qui  constitue  une  collection  considérable.  Indiquons, 
comme  pouvant  plus  particulièrement  intéresser  nos  lecteurs,  les 
numéros  suivants  :  4S<.>,  Réponse  à  une  lettre  du  pajje  de  Home  qu'il 
envoya  par  son  disciple  Baptiste  au  patriai'che  Joacliim,  à  Damas,  com- 
posée par  le  disciple  [de  ce  patriarche]  Kir  Ana^stase  el-Marmeniti, 
métropolite  de  Tripoli,  Tyr,  Sidon,  Beyrouth  et  des  contrées  adjacantes; 
—  492,  Sur  la  différence  qui  existe  entre  les  Eglises  grecque  et  romaine 
toucliant  la  procession  du  Saint-Esprit  (c'est  peut-être  Tœuvre  d"un 
missionnaire),  —  et  surtout  480,  Long  traité  d'Abou'I-Berakat,  vulgaire- 
ment appelé  Ibn-Keber,  prêtre  égyptien,  sur  la  théologie,  l'histoire 
sacrée  et  la  liturgie  des  Coptes. 

B""  Carra  de  Vaux. 


Besse  (Dom),  de  l'Ordre  de  S.  Benoît.  —  Le  Moine  'hntf'diclin.  Paris,  Ûu- 
din,  10,  rue  de  Mézières,  1898.  In-8®,  264  p.  avec  plusieurs  grav. 

Excellente  monographie  qui  atteint  parfaitement  le  but  que  l'auteur 
s'est  proposé,  c'est-à-dire  de  faire  connaître  au  lecteur  «  ce  qu'est  la  vie  mo- 
nastique d'après  la  règle  de  Saint-Benoit  et  quelles  sont  les  occupations 
journalières  du  moine,  l'esprit  qui  l'anime,  le  milieu  dans  lequel  il  passe 
sa  vie,  les  secours  qu'il  y  trouve  et  les  services  qu'il  est  à  même  de  rendre 
aux  hommes  ses  frères  ». 

Mélanges  de  Uttévature  et  dliistoire  religieuses  publies  à  Voccasion  du  ju- 
Irilè  épiscopal  de  i/er  de  Caôrières,  évêque  de  Mont/)ellier,  liS74-l899. 
Tome  premier.  Paris,  Picard,  1899.  \n-i'^,  v-575  p. 

Ce  recueil,  qui  est  formé  sous  l'habile  direction  de  M.  l'abbé  Douais, 
vicaire  général  de  Montpellier,  contiendra  un  grand  nombre  d'articles  ou 
mémoires,  absolument  inédits,  sur  les  sujets  les  plus  divers  se  rapportant 
à  l'histoire  générale,  à  la  patristique,  à  la  liturgie,  à  l'archéologie,  à  la  si- 
gillographie,  etc.  Leurs  auteurs,  religieux,  prêtres  du  clergé  séculier  et 
laïques,  sonttous  connus  dans  le  monde  littéraire  et  scientifique.  Il  suffira 
de  citer  M.  l'abbé  Duchesne,  le  R.  P.  Denifle  et  M.  Gaston  Boissier. 

Le  1^''  volume  qui  vient  de  paraître  est  composé  de  23  articles  présen- 
tant tous  un  grand  intérêt,  parmi  lesquels  les  suivants  doivent  être  signa- 
lés de  préférence  aux  lecteurs  de  la  Revue  de  VOrient  Chrétien  : 

Les  origines  de  VÉpiscopat,  par  M.  l'abbé  Douais  ;  Les  sentences  de  Jésus 
découvertes  à  Behnesa,  par  M.    l'abbé  Jacquier;   Inscription  chrétienne 

OHIKNT    CHltÉTlKN.  Il 


302  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

inédite,  Tps.r  le  P.  Germer-Durand;  Saint  Adrien  de  Calabre.  Le  monas- 
tère basilien  et  le  collège  des  Albanais,  par  M.  Jules  Gay. 

Bellet  (Charles-Félix).  —  La  prose  rythmée  et  lacritique  hagiographique. 
Nouvelle  réponse  aux  Bollandistes,  suivie  du  texte  de  l'ancienne  Vie  de 
saint  Martial.  Paris,  Picard,  1899.  ln-8°,  50  p. 


SOMMAIRE  DES  RECUEILS  PERIODIQUES 

Échos  d'Orient. 

Avril-mai  1899.  —  G.  Jacquemier  :  Vextrème-onction  chez  les  Grecs.  — 
L.  Petit  :  Le  canoniste  Agapios  Léonardos.  —  J.  F^argoire  :  Etienne  de 
Byzance  et  le  cap  Acritas.  —  R.  Souarn  :  Un  texte  de  saint  Épiphane.  — 
S.  Vailhé  :  L'ancien  patriarcat  dWntioche.  —  E.  Lamerand  :  La  légende 
de  Z"'A$t6v  lattv.  —  A.  Hergès  :  Le  monastère  des  Agaures.  —  M.  Théar- 
vie  :  Le  patriarcat  œcuménique  dans  les  Iles,  en  Bulgarie  et  en  Bosnie. 

Bessarione. 

Janvier- février  1899.  —  La  S.  Sede  et  la  Nazione  armena.  —  Les  mo- 
nastères de  Bithynie.  —  /  viaggi  in  Terrasnnta  del  P.  Lorenzo  di 
S.  Lorenzo,  dipoi  cardinal  Lorenzo  Cozza,  narrati  da  lui  medesimo. 
—  Un  documerito  veneto  sul  Cardinale  Bessarione  a  Spalato.  —  Velle- 
nismo  neW  istruzione.  —  Un  tentativo  d'unione  délie  chiese  orientali  dissi- 
dente nel  spcolo  XVH.  —  Corrisjiondenze  dalV  Oriente. 

Analecta  Bollandiana. 

Vol.  XVIII,  fasc.  1.  —  Vauteur  et  les  sources  de  la  Passion  des  saints 
Gorgone  et  Dorothée.  —  La  vie  de  saint  Firmanus,  abbé  au  diocèse  de 
Fermo,  par  Thierry  d'Amorbach.  —  Les  vies  primitives  de  saisit  Pierre  Cé- 
lestin.  Nouvelles  observations.  —  Quelques  pages  supprimées  dans  le  tome 
cinquième  du  spicilège  de  Dom  Luc  d'Achery.  —  Max  Bonnet  :  Note  sur  les 
Actes  d'Appollonios. —  Bulletin  des  publications  hagiologiques.  —  Traité 
des  miracles  de  saint  François  d'Assise,  par  le  B .  Thomas  de  Celano. —  Tria 
folia  sequentia  Catalogi  codicum  hagiographicorum  graecorum  bibliothe- 
cae  vaticanae. 


151151, lOCRAIMIIi:.  303 


Revue  bénédictine. 

Mai  1899.  —  D.  Ursmcr  Baillière  :  Doin  Anselme  /irrlhod,  hoUnndinte.  — 
D.  Germain  Morin  :  Notes  sur  divers  mannsciils.  —  D.  Hugues  Gaïsser  : 
Le  système  musical  de  V Église  grecque,  II. 

Jxiin  1899.  —  D,  Germain  Morin  :  Un  nouveau  recueil  inédit  d'hoinélies  de 
saint  Césaire  d'Arles.  —  D.  Ur.smor  Haillèrc  :  Lettres  de  Jean  Des  lin 
ches  à  Dom  Berthod.  —  D.  Ursmer  Baillèro  :  Guillaume  de  Hijchcl,  ahhi' 
de  Saint-Trond  et  les  reliques  des  saints  de  Cologne. 


Le  Directeur-Gérant 
F.  Charmetant. 


TYPOGRAPHIE    FIRMIÎS-DIDOT    ET   c".   —   MESML   (ELRE). 


Librairie  ALPHONSE  PICARD    et  fils,  82,  rue  Bonaparte 

Barbet  de  Jouy  (M.).  Les  mosaïques  chrétiennes  des 
basiliques  et  des  éf^lises  de  Uonie,  décrites  et  expliquées. 
P.,    1857,    1   vol.    in-8   br.,  xxx-Ki2  pages.    .      I    fr.   iiO 

Verneilh  (F.  de).  L'architecture  Byzantine  en  F^rance.  P., 
1852,  1  vol.   in-4,  br.   (12  pL),   316  p 15  fr. 

—  Des  influences  Byzantines  1855,  in-4  (4  pL;   .   .     5  fr. 

—  Le  premier  des  monuments  Gothiques  (liasilique  de 
Saint-Denys,  collégiale  de   Poissy),  in-4,    br.    .   .     2  fr. 

Pierre  Dubois.  De  recuperatione  Terre  Sancte,  traité  de 
politique  générale  du  commencement  du  xiv^  siècle,  publ. 
par  Gh.-V.  Langlois  (fasc.  9), in-8  br.,  xxiv-144  p.     4  fr. 

Duchesne  (L'abbé  L.).  Les  premiers  temps  de  l'état  pon- 
tifical (75^1-1073.).  P.,  1898,  in-8,  224  pages  .   .     4  fr. 

Mélanges  de  littérature  et  d'histoire  religieuses, 

publiés  à  l'occasion  du  jubilé  épiscopal  de  Mgr  Cabrièro, 

évêque  de  Montpellier,  1874  1899, in-8  br.,  v-571  p.     10  fr. 

Contenant  des  articles  de  MM.  l'abbé  Douais,  abbé  .lacquier,  Boissier, 
abbé  Battifol,  Dom  Morin,  abbé  Duchesne,  baron  Desazars,  L. Roche,  Doni 
Cagin.  Père  Doussot,  Père  Denifle,  abbé  Poujol,  etc.,  etc. 

Bibliothèque  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Première 
partie  :  Bibliographie  par  les  PP.  de  Backer;  seconde 
partie  :  Histoire,  parle  P.  Garayon.  Nouvelle  édition,  par 
Garlos  Sommervogel,  S.  .1.  Strasbourgeois,  publié  par  la 
province  de  Belgique,  1890-1898.  Tomes  I-VIII;  A.-Z  et 
supplément  Aage-Casaletti,  8  vol,  in-4  à  2  col.    .     320  fr. 

Pisani  (L'abbé  P.).  La  Dalmatie  de  1797-1815,  épisode 
des  conquêtes  Napoléoniennes.  1892,  1  vol,  in-8  (xxxvi- 
490  p.),  héliog.,  10  cartes  en  coul 10  fr. 

Belin  (A.).  Histoire  de  la  latinité  de  Constantinople,  2'  édit. 
préparée  par  l'auteur,  revue,  augmentée  et  continuée 
jusqu'à  notre  temps  par  le  R.P.  Arsène  de  Ghatel,  ex-pro- 
vincial des  Gapucins  de  Paris,  ex-préfet  apostolique  de  la 
mission  de  Gonstantinople,  avec  deux  plans  et  des  gra- 
vures. 1894,  1  vol.  in-8  (547  p.),  pi.  et  gr.    .    .    .      10  fr. 


DOCUMENTS  RELATIFS  AUX  ÉGLISES  DE  L'ORIENT 

ET  A  LEURS  RAPPORTS  AVEC  ROME 
Par  A.  D'AVRIL 

3"  édition,  in-8»  de  62  pages.  —  Paris,  CIIALLAMEI..  —  Prix  :  2  fr.  50 


LE  m:^iiom:eitis]\j:e 

LE  GÉNIE  SÉMITIQUE  ET  LE  GÉNIE  ARIAN  DANS  L'ISLAM 
Par  CARRA  DE  VAUX 

In-12  de  232  pages.  —  Paris,  CHAMPION,  1898.  —  Prix  :  3  fr.  50 


BIBLIOGRAPHIE 

DU 

CULTE  LOCAL  DE  LA  VIERGE  MARIE 

Par  Léon  CLUGNET 

i"''  Fascicule  (Province  ecclésiastique  d'Aix) 

In-8\  —  Paris,  Picard,  1899. 
Prix  :  G  fr. 

HYMNOGRAPHIE    POITEVINE 

Par  Dom  J.  PARISOT 

MOINE  BÉNÉDICTIN 

In-8"  de  30  pages.  —  LIGUGÉ,  aux  bureaux  du  "  Pays  Poitevin  ",  1898. 

LA 

LITTÉRATURE    CHRÉTIENNE 

DE  L'EGYPTE 

Par  Dom  Paul  RENAUDIN 

.MOINE     BÉNÉDICTIN 

In-B"  de  3U  pages.  —  Lyon,  VITTE,  1899. 


Typographie  Firmiu-Didot  et  C'«.  —  Paris. 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


4«  ANNÉE.  —  N°  3.  —  1899 


PARIS 

LIBRAIRIE   ALPHONSE    PICARD   ET  FILS 

82,    RUE   BONAPARTE,   82 

1899 


SOMMAIRE 


,  ,  Pages. 

I.  -  RÈGLEMENTS  GÉNÉRAUX  DES  ARMENIENS  CATHO- 

LIQUES, par  le  R.  P.  Petit,  des  Augustins  de 
l'Assomption 305 

II.  -  OPUSCULES  MARONITES  {suite),  par   M.  l'abbé  F. 

Mau 318 

III.  —  LA  BÉNÉDICTION  LITURGIQUE  DES  RAISINS,  par  le 

B.  P.  »om  Parîsot,  O.  it.  B 354 

IV.  -  NEUF  CHAPITRES  DU  «  SONGE  DU  VIEL  PELERIN  » 

DE  PHILIPPE  DE  MÉZIÈRES,  RELATIFS  A  L'ORIENT, 

par  II.  Ed.  Blocliet .  364 

V.  —  LA  VIE   DU  MOINE  RABBAN   YOUSSEF   BOUSNAYA, 

{suite),  par  M,  l'abbé  a,-B.  Chabot 380 

VI.  —  L'ORDINAL  COPTE  {suite),  par  le  R.  P.  V.  Ermoni, 

des  Prêtres  de  la  Mission 416 

VII.  —  PROTESTANTISME  ET  CATHOLICISME  CHEZ  LE  PEU- 

PLE NESTORIEN.  UNE  REVUE  NÉO-SYRIAQUE  A 
OURMIAH,  par  M.  «ï.  Babaklian,  d'Ourmiah^ 
officier  d'Académie 428 

VIII.  -  LES  ÉVÊQUES  JACOBITES  DU  VHP  an  XIIP  SIÈCLE 

^       D'APRÈS  LA  CHRONIQUE  DE  MICHEL  LE  SYRIEN, 

par  M.  l'atolJé  J.-B.  Chabot 444 

IX.  —  MÉLANGES.  —  Le  culte  de  S.  Julien  du  Mans  dans 

l'Église   Russe,  par  le  R.  P.  Dom   Benaudîn, 

©.  S.  B 453 

X.  —  BIBLIOGRAPHIE - 455 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel)  paraît  par  fascicules 
formant  chaque  année  un  volume  de  plus  de  500  pages  in-8o,  avec  des  textes 
en  langues  grecque,  slaves,  syriaque,  arabe,  arménienne,  copte,  etc.,  et 
des  planches. 

ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 

A  la  LIBRAIRIE  Alplioase  RICARD, 

RUE    BONAPARTE,    82. 

Prix  de  l'abonnement  : 

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On  peut  se  procurer  les  volumes  qui  ne  sont  pas  épuisés  à  raison  de  10  fr.  le  vol. 


Les  communicaUons  relatives  à  Li  rcdaclion  doivent  être  envoyées  au  Secrétariat  de 
la  Revue  de  rOrient  Chrétien,  rue  du  Regard,  20,  à  Paris. 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient,  dont  un  exemplaire  aura 
été  adressé  .i  la  Revue  de  rOrlent  Chrétien,  chez  MM.  A.  PICARD  et  Fils,  libraires, 
rue  Bonaparte,  8-2,  à  Paris. 


RÈGLEMENTS   GÉNÉRAUX 

DES  ARMÉNIENS  CATHOLIQUES 


La  récente  élévation  an  siège  patriarcal  de  Cilicie  de  S.  B. 
M^''  Paul  Pierre  XI  Emmanuélian  a  attiré  sur  la  communauté 
arménienne  catholique  l'attention  de  tout  le  monde  chrétien. 
Notre  Revue  ne  saurait  mieux  intéresser  ses  lecteurs  à  ce  grand 
événement  qu'en  leur  mettant  sous  les  yeux  les  règlements 
qui  régissent  cette  communauté.  Ces  règlements,  j'ai  hâte  de 
le  dire,  n'ont  pas  encore  force  de  loi.  Le  Saint-Siège,  pour  des 
raisons  qu'il  ne  nous  appartient  pas  de  juger,  leur  a  refusé 
jusqu'ici  sa  haute  approbation.  Ils  n'en  constituent  pas  moins, 
dans  leur  état  actuel,  le  seul  code  en  vigueur  chez  les  Armé- 
niens catholiques,  et  viendraient-ils  à  être  remplacés  par  d'au- 
tres qu'ils  garderaient  encore  la  valeur  d'un  document  histo- 
rique. 

La  traduction  qu'on  va  lire  a  été  faite  à  notre  intention  par 
un  fonctionnaire  arménien  d'une  rare  compétence.  Je  la  publie 
en  n'y  apportant  que  de  légères  modifications.  Certains  points 
réclameraient  peut-être  un  commentaire  étendu;  je  m'en  suis 
abstenu  à  cause  du  caractère  provisoire  de  la  pièce.  C'est  déjà 
beaucoup  que  de  pouvoir  en  donner  le  texte,  dont  toutes  les 
autorités  religieuses  veulent  empêcher  la  divulgation.  Pour 
louable  que  soit  cette  réserve,  je  n'ai  pas  cru  devoir  m'y  arrê- 
ter. La  vérité  n'a  rien  à  perdre  à  sortir  du  puits.  Je  reviendrai 
d'ailleurs,  dans  un  autre  article,  sur  les  origines  historiques 
de  ce  document,  que  le  défaut  de  place  ne  me  permet  pas  de 
faire  connaître  aujourd'hui. 

L.  Petit, 

des  Augustius  de  l'Assomption. 

Constantinople. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  22 


PROJET  DE  REGLEMENT 

DE    LA    COMMUNAUTÉ    ARMÉNIENNE    CATHOLIQUE 


CHAPITRE  I" 


DISPOSITIONS    GENERALES. 


Art.  l*^"".  —  Les  Arméniens  catholiques  sujets  de  l'Empire  Ottoman  ont, 
en  tant  que  communauté,  une  administration  particulière  qui  est  fondée 
sur  les  firmans  impériaux  et  sur  les  principes  et  dispositions  renfermées 
dans  le  bévat  patriarcal. 

Art.  2.  —  La  fonction  du  patriarche  consiste  à  veiller  aux  besoins  spi- 
rituels et  temporels  de  la  communauté  arménienne  catholique  suivant  la 
doctrine  catholique  et  conformément  aux  droits,  privilèges  et  rites  anciens 
de  l'Église  arménienne  catholique,  dans  les  limites  des  droits  du  gouver- 
nement impérial  ainsi  que  des  privilèges  accordés  par  lui  ab  anliquo. 

Art.  3.  —  Les  propriétés  nationales  s'administrent  suivant  les  lois  du 
gouvernement  ottoman. 

Art.  4.  —  Toutes  les  propriétés,  de  quelque  nature  qu'elles  soient,  ac- 
quises au  moyen  de  souscriptions  publiques  ou  provenant  de  dons  faits  à 
la  communauté  ou  au  patriarcat  par  des  bienfaiteurs  nationaux,  sont  pro- 
priétés de  la  communauté,  bien  que  leur  administration  soit  confiée  à 
une  personne  privée. 

Art.  5.  —  Il  est  interdit  d'agir  contrairement  aux  intentions,  buts  et 
conditions  posées  par  les  donateurs,  relativement  aux  édifices  construits 
par  eux,  ou  aux  dons,  legs  et  testaments  de  toute  nature  par  eux  consti- 
tués. 

Art.  6.  —  Sont  soumis  au  contrôle  de  la  communauté,  en  ce  qui  concerne 
les  intérêts  de  cette  dernière,  tous  dons,  églises,  cimetières,  hôpitaux, 
écoles  de  tout  rang,  édifiés  de  ses  propres  deniers  par  un  individu  appar- 
tenant à  une  classe  quelconque  de  la  communauté,  ou  au  moyen  de  sous- 
criptions publiques,  sous  condition  de  constituer  des  propriétés  de  la 
communauté,  et  en  général  tous  biens  appartenant  aux  intérêts  généraux 
de  la  communauté.  Celle-ci  exerce  ce  contrôle  suivant  les  moyens  indi- 
qués par  ce  règlement  dans  les  limites  des  dispositions  renfermées  dans 
l'article  précédent. 


RÈGLEMENTS    (lÉNÉRAUX    DES    ARMÉNIENS    CATHOLIQUES.       307 


CHAPITRE  II 


DU    CATIIOLICnS-I'ATRlAHCIIE. 


Art.  7.  —  Le  Catholicos-Patriarclic  do  Cilicio,  dont  !a  résidonco  est  fixée 
à  Constantinople,  est  le  chef  de  la  communauté  et  de  l'administration 
arménienne  catholique,  par  firman  impérial;  il  détient  le  pouvoir  exécutif 
et  représente  la  communauté  auprès  du  gouvernement;  il  est  l'intermé- 
diaire officiel  entre  l'État  et  la  communauté  pour  tous  les  ordres,  toutes 
les  recommandations  du  gouvernement  à  la  communauté. 

Art.  8.  —  Le  C.-P.  préside  de  droit  tous  les  conseils,  toutes  les  assem- 
blées de  la  nation  et  il  possède  un  droit  de  veto  dont  il  fait  usage  dans  les 
limites  de  l'article  35. 

Art.  9.  —  Le  C.-P.  régit  les  affaires  spirituelles  avec  le  concours  du 
Synode  et  des  Assemblées  ecclésiastiques,  et  les  affaires  temporelles  avec 
le  concours  du  Conseil  administratif  ou  des  assemblées  générales. 

Art,  10.  —  Tous  les  documents  officiels  émanant  du  C.-P.  seront  enre- 
gistrés et  conservés,  suivant  la  nature  du  sujet,  par  les  soins  du  Conseil 
administratif  ou  du  Conseil  ecclésiastique,  sous  la  surveillance  et  la  res- 
ponsabilité de  chacun  de  ces  conseils. 

Art.  il  —  Le  C.-P.  est  élu.  d'après  les  dispositions  suivantes,  parmi  les 
ecclésiastiques  arméniens  catholiques,  sujets  de  l'empire  Ottoman,  qui 
relèvent  du  siège  patriarcal  : 

Lorsque  le  siège  patriarcal  devient  vacant,  le  Vicaire,  remplissant  les 
fonctions  de  locum  tenens,  en  informe  la  Sublime  Porte  et  convoque  immé- 
diatement le  Synode.  Dès  que  celui-ci  est  régulièrement  constitué  dans 
son  intégrité,  le  locum  teneîis  con-voqiie  également  les  deux  Conseils  ecclé- 
siastique et  général.  Ces  deux  Conseils,  réunis  sous  sa  présidence,  élisent 
dans  leur  session  de  ce  jour,  parmi  les  évoques  relevant  du  siège  patriar- 
cal, cinq  évêques  (1)  propres  à  remplir  les  fonctions  de  C.-P.  et  ils  pré- 
sentent au  Synode  la  liste  de  leurs  noms  par  ordre  hiérarchique. 

Art.  12.  —  Pour  former  la  liste  des  candidats,  il  faut  que  les  2/3  de  la 
totalité  des  membres  des  deux  Conseils  ecclésiastique  et  général  soient  pré- 
sents et  qu'une  majorité  des  2  3  des  votes  des  membres  présents  soit 
obtenue. 

Art.  13.  —  Ne  peut  être  élu  C.-P.  un  ecclésiastique  qui  a  subi  une  con- 
damnation pour  délits  civils  ou  ecclésiastiques  ou  qui  se  trouve  en  juge- 
ment. 

Art.  14.  —  Le  Synode,  dans  une  seule  et  même  session,  élit,  parmi 


(i)  De  simples  prêtres  peuvent  aussi  se  trouver  parmi  les  cinq  candidats  au  trône 
patriarcal.  Celte  question  est  soumise  à  la  décision  du  Synode  qui  doit  se  réunir  ultérieu- 
rement. 


308  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  cinq  candidats  qui  lui  sont  présentés,  le  C.-P.,  à  la  majorité  des  2/3  de 
la  totalité  de  ses  membres. 

Toute  pression  sur  le  Synode  est  strictement  interdite. 

Art.  15.  En  même  temps,  le  Synode  et  les  deux  Conseils  ecclésias- 
tique et  général  rédigent  une  pétition  à  la  Sublime  Porte  dans  laquelle  ils 
sollicitent  pour  le  candidat  élu  le  bérat  patriarcal. 

Art.  16.  —  Le  Synode  et  le  patriarche  nouvellement  élu  présentent  en 
même  temps  au  Saint-Siège  de  Rome  le  mode  et  le  résultat  de  l'élection  et 
sollicitent  pour  l'élu  la  confirmation  spirituelle  ainsi  que  l'honneur  du 
pallium. 

Art.  17.  —  Le  patriarche  élu  (suivant  les  dispositions  précédentes)  prend 
immédiatement  possession  du  trône  patriarcal,  et  l'intronisation  accom- 
plie, il  jouit  de  tous  les  droits  et  privilèges  qui  appartiennent  ab  antiquo 
au  siège  patriarcal,  comme  siège  patriarcal  d'Orient,  et  dont  le  patriarche 
est  le  gardien  par  le  fait  de  ses  fonctions,  qui  lui  donnent  le  pouvoir 
d'en  user  dans  leur  plénitude. 

Mais  tant  qu'il  n'a  pas  reçu  le  bérat  de  la  Sublime  Porte,  il  ne  peut 
procéder  à  des  actes  officiels  comme  chef  de  communauté. 


CHAPITRE  III 


DU    VICAIRE    PATRIARCAL. 


Art.  18.  —  L'élection  du  Vicaire  patriarcal  a  lieu  de  la  façon  suivante  : 

Sur  l'invitation  du  C.-P.,  les  Conseils  ecclésiastique  et  général  forment 
un  Conseil  mixte  qui  présente  au  C.-P.  une  liste  de  trois  ecclésiastiques 
au  service  du  Siège  patriarcal.  Le  C.-P.  choisit  l'un  des  membres  portés 
sur  cette  liste,  à  la  majorité  des  suffrages  du  Synode;  il  lui  remet  de  sa 
propre  autorité  la  bulle  épiscopale  et  le  consacre. 

Art.  19.  —  Les  conditions  indiquées  dans  la  l""®  partie  de  l'article  11  et 
dans  l'article  14,  en  ce  qui  concerne  l'élection  du  patriarche,  sont  exigibles 
pour  l'élection  du  Vicaire  patriarcal. 

Art.  20.  —  La  mission  du  Vicaire  patriarcal  consiste  à  gérer  le  vica- 
riat du  C.-P.,  conformément  aux  ordres  et  recommandations  de  celui-ci;  à 
présider  par  délégation  les  Conseils  religieux  et  administratif,  et  au  be- 
soin le  Conseil  général  ;  à  remplir  en  cas  de  vacance  du  Siège  patriarcal 
les  fonctions  de  locum  tenens  jusqu'à  l'élection  du  nouveau  patriarche. 
Le  Vicaire  patriarcal  peut  toujour  assister  aux  séances  des  Conseils  ad- 
ministratif et  général,  mais  sans  voter. 

Art.  21.  —  S'il  se  produit  une  plainte  ou  un  différend  au  sujet  des  actes 


RÈGLEMENTS    GÉNÉRAUX    DES    ARMÉNIENS    CATHOLIQUES.       309 

officiels  du  Vicaire  patriarcal,  on  a  recours  au  patriarche.  Celui-ci,  d'ac- 
cord avec  un  de  ses  Conseils,  ordonne  le  nécessaire  suivant  les  besoins 
de  la  cause. 


CHAPITRE  IV 


DES    PASTEURS    PROVINCIAUX    EVEQUES    OU    PRETRES. 


Art.  22.  —  Les  pasteurs  provinciaux,  (|u"ils  soient  évoques  ou  prêtres 
sont  élus  de  la  façon  suivante  : 

Tous  les  électeurs  laïques  et  ecclésiastiques  du  diocèse  devenu  vacant 
se  réunissent  en  assemblée  sur  l'invitation  du  patriarche  et  sous  la  prési- 
dence du  locwn  tenons  diocésain  ou  du  délégué  envoyé  spécialement  à  cet 
effet  par  le  patriarche.  Cette  assemblée  élit  trois  ecclésiastiques  choisis 
parmi  le  clergé  au  service  du  trône  patriarcal. 

Le  dépouillement  du  scrutin  a  lieu  immédiatement  par  les  soins  des 
scrutateurs  élus  par  la  même  assemblée  et  la  liste  des  trois  ecclésiastiques 
ayant  obtenu  la  majorité  des  voix  est  envoyée  au  patriarche,  accompagnée 
du  procès-verbal  signé  par  les  scrutateurs  et  légalisé  par  le  locwn  tenens 
ou  le  délégué. 

Le  Patriarche  examine  en  Conseil  administratif  la  régularité  de  la  liste 
des  candidats,  et,  s'il  s"agit  de  choisir  un  évêque,  il  nomme  l'un  des 
trois  candidats  à  la  majorité  des  suffrages  du  Synode;  il  le  confirme  ie  sa 
propre  autorité,  et  sollicite  de  la  Sublime  Porte  le  bi'rat  relatif  cà  la  nomi- 
nation des  évèques.  S'il  s'agit  au  contraire  de  la  nomination  d'un  simple 
prêtre,  le  patriarche  nomme  lui-même  l'un  des  trois  candidats  après  avoir 
consulté  le  Conseil  ecclésiastique  et  sollicité  de  la  Sublime  Porte  le  béritt 
convenable. 

Ne  peut  être  choisi  pour  pasteur  tout  ecclésiastique  qui  n'est  pas  sujet 
de  l'empire  Ottoman,  ou  qui  a  subi  une  condamnation,  ou  qui  se  trouve 
en  jugement  pour  délits  civils  ou  ecclésiastiques. 

Art.  2.3.  —  Les  pasteurs  provinciaux  remplissent  leurs  fonctions,  en  ce 
qui  concerne  le  temporel,  avec  le  concours  de  l'assemblée  locale  et  ils 
ont  vis-à-vis  de  l'administration  locale  la  même  mission  particulière  et  le 
même  pouvoir  que  le  patriarche  vis-à-vis  de  l'administration  centrale; 
pour  les  questions  importantes,  ils  s'adressent  au  patriarche. 

Art.  24.  —  S'il  arrive  qu'un  pasteur  agisse  contrairement  aux  lois  de 
l'Etat,  ou  qu'il  ait  manqué  en  matière  grave  aux  prescriptions  de  ce 
règlement,  ou  que,  pour  tout  autre  motif,  il  y  ait  lieu  de  le  relever  de  ses 
fonctions  de  pasteur,  on  a  recours  au  patriarche.  Celui-ci  examine  la 
question  avec  le  concours  d'un  de  ses  conseils  et  ordonne  le  nécessaire 
suivant  la  nature  du  sujet. 


310  REVUE  DE  L  ORIENT  CHRETIEN 


CHAPITRE  V 


DU    SYNODE   NATIONAL. 


Art.  25.  —  Le  Synode  national,  présidé  par  le  patriarche,  est  le  su- 
prême Conseil  de  l'Église  arménienne  catholique;  il  est  le  dépositaire  et 
le  protecteur  de  la  doctrine,  des  rites,  des  cérémonies,  des  droits  et  des 
privilèges  de  l'Église  catholique  arménienne  et  dans  les  questions  relatives 
à  ces  objets  il  constitue  le  tribunal  de  la  communauté  arménienne  catho- 
lique. 

Art.  26.  —  Le  patriarche  convoque  le  Synode  d'office  ou  dans  le  cas 
prévu  par  le  paragraphe  3  de  l'article  28. 

Art.  27.  —  En  dehors  du  président,  le  Synode  est  formé  par  tous  les 
évèques  relevant  du  trône  patriarcal.  Peuvent  y  prendre  part  les  archi- 
prêtres  que  le  patriarche  appelle  en  consultation  dans  des  circonstances 
particulières. 

Art.  28.  —  Le  Synode  se  réunit  :  1°  pour  l'élection  du  patriarche  et  des 
évêques;  2"  pour  des  questions  graves  en  matière  ecclésiastique  ou  reli- 
gieuse; 3"  dans  le  cas  oîi  des  agissements  propres  à  porter  atteinte  aux 
dispositions  générales  de  ce  règlement  ou  aux  principes  relatifs  à  l'élec- 
tion, aux  droits  et  aux  devoirs  du  patriarche  ou  des  évêques  viendraient  à 
se  produire. 

Dans  ce  dernier  cas,  recours  est  d'abord  adressé  au  patriarche  afin 
qu'il  apporte  le  remède  nécessaire.  Si  cette  démarche  n'amène  pas  de 
résultat,  le  Synode  se  réunit  de  la  façon  suivante.  Le  Conseil  administratif, 
sur  la  proposition  ou  avec  l'agrément  du  Conseil  général,  sollicite  du 
patriarche  la  convocation  du  Synode,  après  avoir  pris  l'avis  du  Conseil 
ecclésiastique.  Il  se  conforme  à  l'arrêt  du  Synode  touchant  la  substance 
et  les  caractères  de  la  question,  et  il  exécute,  s'il  y  a  lieu,  les  prescriptions 
nécessaires  pour  la  mise  en  vigueur  de  ces  dispositions. 


CHAPITRE  VI 

DU    CONSEIL   ECCLÉSIASTIQUE. 


Art.  29.  —  Le  Conseil  ecclésiastique  comprend,  en  dehors  du  Vicaire 
patriarcal  :  l^dix  prêtres  choisis  et  nommés  directement  par  le  patriarche  ; 
2°  deux  prêtres  également  nommés  par  le  patriarche  qui  les  choisit  parmi 
les  membres  ecclésiastiques  du  Conseil  général. 


RÈGLEMENTS    GÉNÉRAUX    DES    ARMÉNIENS    CATHOLIQUES.       311 

Art.  30.  —  La  mission  du  Conseil  ecclésiastique  est  d'être  le  conseiller  et 
le  collaborateur  du  jiatriarcliedans  les  questions  ecclésiastiques.  C'est  à  ce 
Conseil  qu'il  appartient  de  .statuer  sur  les  différends  entre  ecclésiastiques. 


CHAPITRE  VII 

DU    CONSEIL    CENTRAL    d'aDMINISTRATION. 

Art.  31.  —Le  Conseil  central  d'administration  se  compose,  sous  la  prési- 
dence du  patriarche,  de  douze  membres,  deux  ecclésiastiques  et  dix  laïques, 
que  l'Assemblée  générale  choisit  exclusivement  parmi  ses  membres  et 
dont  les  noms  sont  présentés  à  la  Sublime  Porte  par  le  C.-P. 

Art.  32.  —  Le  Conseil  d'administration  est  le  centre  de  direction  de 
toutes  les  affaires  temporelles  de  la  communauté.  C'est  sous  sa  surveil- 
lance et  sous  sa  direction  que  toutes  les  branches  de  l'administration  na- 
tionale remplissent  leurs  fonctions. 

Art  33.  —  L'exécution  de  toutes  les  décisions  du  Conseil  d'administra- 
tion est  dévolue  au  patriarche. 

Art.  34.  —  Pour  être  valables,  les  décisions  du  Conseil  d'administration 
doivent  être  prises  à  la  majorité  des  voix  en  présence  du  président,  et  de 
sept  membres  au  moins  des  douze  qui  composent  l'Assemblée. 

Art.  35.  —  Le  patriarche  a  droit  de  veto,  et  il  en  fait  usage  dans  toutes 
les  questions  qui  pourraient  porter  atteinte  aux  règles  ecclésiastiques  et 
aux  lois  de  l'Etat.  Quant  aux  questions  se  rattachant  aux  intérêts  de  la 
Communauté,  il  a  le  droit,  si  la  décision  prise  est  jugée  par  lui  contraire 
aux  dispositions  de  ce  règlement,  d'en  ajourner  l'exécution,  jusqu'au 
vote  de  l'Assemblée  générale. 

Art.  3fi.  —  Le  patriarche,  d'accord  avec  le  Conseil  d'administration, 
nomme  un  vice-président  choisi  parmi  les  membres  laïques.  11  nomme 
également,  d'accord  avec  le  Conseil,  les  présidents  et  membres  laïques 
des  différejits  Conseils  qui  composent  l'Administration,  ainsi  que  le  secré- 
taire du  Conseil  et  les  autres  fonctionnaires  laïques  du  patriarcat.  Quant 
aux  membres  ecclésiastiques  de  ces  mêmes  Conseils  et  au  prêtre-chance- 
lier du  patriarcat,  il  les  nomme  après  avoir  simplement  consulté  le  Con- 
seil d'administration. 

En  cas  d'absence  du  patriarche  et  du  Vicaire  patriarcal,  le  Conseil  d'ad- 
ministration peut  se  réunir  aux  jours  fixés,  sous  la  présidence  du  vice- 
président. 

Art  37.  —  Les  membres  du  Conseil  d'administration  restent  en  fonctions 
durant  trois  ans,  mais  ils  sont- toujours  rééligibles.  En  cas  de  démission 
ou  de  décès,  les  postes  vacants  dans  le  Conseil  d'administration  sont  at- 
tribués aux  personnes  qui  ont  eu  la  majorité  des  voix  dans  le  scrutin 
d'élection,  en  attendant  la  prochaine  réunion  de  l'Assemblée  générale. 


312  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Art.  38.  —  Le  Conseil  d'administration  a  pour  mission  de  surveiller 
toutes  les  branches  de  l'administration,  d'exiger  d'elles  des  rapports  et  des 
bilans  annuels,  et  de  présenter  à  l'Assemblée  générale  un  rapport  sur  l'en- 
semble de  l'administration  ainsi  que  les  bilans  spéciaux  des  recettes  et 
d  épenses  de  l'année  écoulée  avec  le  budget  des  recettes  et  dépenses  de 
l'année  à  venir. 

Art  39.  —  Le  Conseil  d'admini.stration  ne  peut,  sans  le  consentement 
de  l'Assemblée  générale,  mettre  à  exécution  une  disposition  propre  à  mo- 
difier l'état  légal  des  biens  et  des  propriétés  de  la  communauté,  ou  à  en 
augmenter  les  charges  pécuniaires.  Toutefois,  dans  certaines  circonstances 
impérieuses  et  extraordinaires,  le  Conseil  d'administration  peut  se  procu- 
rer les  ressources  financières  devenues  nécessaires,  à  condition  qu'elles 
ne  dépassent  pas  la  moitié  du  total  des  revenus  du  patriarcat  et  de  la  sous- 
cription publique  annuelle. 

Art.  40.  —  Toutes  les  communications  relatives  aux  diverses  parties  de 
l'administration  sont  présentées,  à  Constantinople,  directement  au  Catho- 
licos-Patriarche  et  dans  les  provinces  aux  pasteurs. 


CHAPITRE  VIII 


DES    CONSEILS   ADMINISTRATIFS. 


1)  Conseil  des  écoles. 

Art.  41.  —  Le  Conseil  des  écoles  se  compose,  en  dehors  du  président, 
de  deux  membres,  dont  l'un  est  ecclésiastique. 

Ce  Conseil  veille  directement  aux  besoins  et  au  bon  ordre  des  écoles  qui 
appartiennent  à  la  communauté,  et  il  apporte  son  concours  au  développe- 
ment des  écoles  fondées  par  des  particuliers,  dont  la  situation  nécessite- 
rait des  secours. 

Le  Conseil  des  écoles  doit  surtout  veiller  à  l'établissement  d'une  école 
pour  les  garçons  et  pour  les  filles  sur  tous  les  points  déjà  occupés  par  une 
église  ou  une  chapelle  arménienne  catholique. 

Il  appartient  au  patriarche  à  Constantinople  et  aux  pasteurs  dans  les 
provinces  de  surveiller  toutes  les  écoles  en  ce  qui  concerne  la  religion, 
la  morale,  les  lois  de  l'État. 

Dans  les  écoles  dirigées  directement  par  l'administration  ou  recevant 
des  subsides  de  celle-ci,  la  doctrine  catholique  est  enseignée  aux  enfants 
catholiques  par  les  soins  d'un  ecclésiastique  que  le  patriarche  nomme  à 
Constantinople,  d'accord  avec  le  Conseil  des  écoles  et  l'éphorie  de  l'école. 
En  province,  cet  ecclésiastique  est  désigné  par  les  pasteurs  d'accord  avec 
le  Conseil  de  l'administration  locale  et  l'éphorie  de  l'école. 


RÈGLEMENTS    GÉNÉRAUX    DES   ARMÉNIENS   CATHOLIQUES.       313 


2)  Conseil  judiciaire. 

Art  42.  —Le Conseil  judiciaire  se  compose,  outre  le  président,  de  quatre 
membres,  dont  un  doit  être  ecclésiastique. 

Le  Chancelier  patriarcal  préside  de  droit  ce  Conseil. 

Pour  que  les  décisions  de  ce  Conseil  soient  valables,  il  faut  qu'en  dehors 
du  président,  deux  membres  au  moins  soient  présents. 

Ces  décisions  sont  sujettes  à  revision  de  la  part  du  Conseil  administra- 
tif sous  la  présidence  du  C.-P. 

Art.  43.  —La  commission  des  testaments  relève  du  Conseil  judiciaire. 

Tous  les  testaments  dressés  par  des  particuliers  appartenant  à  la  commu- 
nauté, soit  sous  seing  privé,  soit  par  les  soins  du  patriarcat,  doivent,  pour 
être  valables,  se  conformer  aux  lois  de  l'État.  Quant  aux  circonstances 
dans  lesquelles  ils  doivent  être  dressés  et  remis  au  patriarcat,  elles  seront 
l'objet  d'instructions  ultérieures. 

3)  Conseil  de  Vhôpital  national. 

Art.  44.  —  Le  Conseil  de  l'hôpital  national  comprend,  avec  le  président, 
le  prêtre  éphore  de  l'hôpital,  le  médecin  et  deux  membres  laïques.  L'ad- 
ministration de  l'hôpital,  de  l'asile  d'aliénés,  de  l'école  des  pauvres  et  de 
la  chapelle  qui  s'y  trouvent  appartient  au  Conseil  de  l'hôpital. 

L'administration  intérieure  de  l'hôpital  sera  régie  par  des  instructions 
spéciales  qui  paraîtront  ultérieurement. 

4)  Conseil  des  cimetières. 

Art.  45.  —  Le  Conseil  des  cimetières  a  l'administration  générale  des 
cimetières  de  la  capitale  affectés  à  la  communauté.  La  gestion  du  cimetière 
national  de  Fera  lui  est  spécialement  confiée.  Les  cimetières  sont  admi- 
nistrés suivant  le  règlement  spécial  établi  par  la  Sublime  Porte. 

Outre  le  président,  ce  Conseil  se  compose  de  quatre  membres,  dont  un 
doit  être  ecclésiastique. 

5)  Conseil  des  recettes  et  dépenses  du  patriarcat. 

Art.  46.  —  Le  Conseil  des  recettes  et  dépenses  du  patriarcat  se  compose, 
outre  le  président,  de  quatre  membres,  dont  un  ecclésiastique.  Ce  Conseil 
a  pour  fonction  de  recueillir  les  fonds  provenant  de  la  souscription  natio- 
nale générale  et  d'autres  sources,  d'arrêter  et  de  solder  les  dépenses  néces- 
saires. 

Art.  47.  —  Tous  les  Conseils  dont  il  vient  d'être  question  agissent  con- 
formément aux  instructions  générales  du  Conseil  administratif.  Chaque 
année,  ils  ferment  leurs  comptes  à  la  fin  de  septembre  et  les  présentent  à 
ce  Conseil  avant  le  15  octobre,  avec  le  budget  des  recettes  et  dépenses  pré- 
vues pour  l'année  suivante. 


314  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

Art.  48. Tous  les  membres  des  Conseils  susdits  restent  en  fonctions 

pendant  trois  ans,  et  sont  toujours  rééligibles. 

Art.  49.  —Les  contrôles  nécessaires  des  diverses  parties  de  l'administra- 
tion peuvent,  en  cas  de  besoin,  s'exercer  au  moyen  de  commissions  spé- 
ciales nommées  par  le  pouvoir  exécutif  d'accord  avec  le  Conseil  d'admi- 
nistration . 

Art.  50.  —  Les  questions  soulevées  par  l'exécution  de  ce  règlement 
seront  tranchées  définitivement  au  Conseil  administratif  sous  la  présidence 
du  C.-P.  Il  en  sera  de  même  pour  les  différends  qui  s'élèveront  entre  deux 
conseils,  deux  fonctionnaires,  ou  entre  des  particuliers  et  l'administration 
au  sujet  des  affaires  admini.stratives.  Dans  ce  cas,  le  C.-P. -peut,  s'il  le  juge 
convenable,  appeler  quatre  autres  membres  choisis  au  sein  du  Conseil 
ecclésiastique,  pour  aider  à  la  solution  des  questions  proposées. 


CHAPITRE  IX 

DES   CONSEILS   PAROISSIAUX    ET    DES   CURÉS. 

Art.  5L  — A  Constantinople  ou  dans  les  provinces,  partout  où  il  existe 
une  église  paroissiale  ou  une  chapelle  publique,  les  électeurs  de  la  loca- 
lité se  réunissent  sous  la  présidence  du  curé,  et  élisent  un  Conseil  parois- 
sial à  la  majorité  proportionnelle  des  voix.  Le  dépouillement  des  votes  a 
lieu  dans  la  même  séance  par  les  soins  de  scrutateurs  élus  à  cet  effet. 

Art.  52.  —  Les  membres  des  conseils  paroissiaux  restent  en  fonctions 
pendant  trois  années,  mais  ils  sont  toujours  rééligibles. 

Art.  53.  —  Les  Conseils  paroissiaux  comprennent  quatre  laïques  dans 
les  localités  qui  comptent  cent  foyers  ou  davantage  ;  dans  celles  où  il  en 
existe  moins,  ils  se  composent  seulement  de  deux  laïques.  Le  curé  préside 
de  droit  le  Conseil  paroissial. 

Art.  54.  —  Le  Conseil  paroissial  a  pour  mission  de  veiller  à  l'adminis- 
tration et  au  bon  entretien  de  l'église  paroissiale  ou  de  la  chapelle,  si  celle-ci 
compte  parmi  les  biens  nationaux,  c'est-à-dire  appartient  à  la  commu- 
nauté; de  diriger  l'école  et  le  cimetière  de  la  paroisse,  de  préparer  les  listes 
des  électeurs  et  des  candidats  éligibles  dans  la  paroisse,  de  tenir  réguliè- 
rement les  registres  de  l'état  civil,  de  fournir  les  certificats  nécessaires,  de 
recueillir  la  souscription  paroissiale,  et  de  conserver  le  sceau  du  syndic 
(moukhtar). 

Art.  55.  — En  cas  de  vacance  dans  le  Conseil  paroissial  par  suite  de 
démission  ou  de  décès,  celui  qui  a  obtenu  le  plus  de  voix  dans  le  scrutin 
d'élection  occupe  la  place  laissée  vacante,  en  qualité  de  membre  du  Conseil, 
jusqu'à  l'élection  suivante. 

Art.  56.  —  Dans  les  villes  de  province  où  réside  un  pasteur,  chaque 
paroisse  aura  son  Conseil  paroissial.  Dans  les  villes  qui  comptent  plusieurs 


RÈGLEMENTS    GÉNÉRAUX    DES    ARMÉNIENS    CATIIOLIQUKS.       315 

paroisses,  unConsoil  (l'administration  snra  établi  auprès  du  pasteur;  mais, 
dans  les  localités  (jui  no  renferment  (ju'une  })aroisse,  le  Conseil  paroissial 
remplira  en  même  temps  les  fonctions  de  Conseil  d'administration. 

Los  Conseils  provinciaux  d'administration  rempliront  les  fonctions  du 
Conseil  central  d'administration,  chacun  dans  les  limites  de  son  diocèse. 

Le  mode  d'organisation  de  ces  Conseils  sera  fixé  par  un  règlement  spé- 
cial que  le  premier  Conseil  central  d'administration  rédigera  et  soumettra  à 
la  confirmation  de  l'Assemblée  générale. 

Art.  57.  —  Les  curés  sont  nommés  à  Constantinople  par  le  patriarche, 
et,  dans  les  provinces,  par  l'évêque,  d'accord  avec  le  Conseil  paroissial, 
si  l'église  compte  parmi  les  biens  nationaux. 

Art.  57.  —  En  cas  de  dissentiment  entre  le  pasteur  et  le  Conseil  parois- 
sial, recours  est  adressé  au  patriarche  qui  décide  le  nécessaire,  d'accord 
avec  un  de  ses  Conseils,  suivant  la  nature  des  circonstances. 


CHAPITRE  X 


DE   L  ASSEMBLEE    GENERALE. 


Art.  59.  —  L'Assemblée  générale  représente  la  communauté  arménienne 
catholique;  elle  choisit  les  membres  du  Conseil  d'administration ,  exige 
de  celui-ci,  aux  termes  de  l'article  3<S,  les  comptes  des  diverses  branches 
de  l'administration,  fixe  les  dépenses  de  l'administration  générale  et  vote 
la  souscription  nationale. 

Art.  60.  —  L'Assemblée  générale  comprend  :  1°  quarante-deux  mem- 
bres de  Constantinople,  dont  huit  ecclésiastiques;  2°  des  membres  laïques 
des  provinces  en  nombre  variable,  suivant  le  nombre  même  des  diocèses 
gouvernés  par  des  évêques. 

Art.  61.  —  L'Assemblée  générale  se  réunit  sous  la  présidence  du  C.-P. 
et  choisit  parmi  ses  membres  les  secrétaires  et  le  chef  du  secrétariat. 

Art.  62.  —  Les  membres  de  l'Assemblée  générale  restent  en  fonctions 
pendant  cinq  ans  ;  en  cas  de  vacances  par  suite  de  démission  ou  de  décès, 
ceux  qui  ont  eu  la  majorité  des  voix  au  scrutin  d'élection,  remplacent  les 
membres  sortants  jusqu'à  la  prochaine  élection. 

Art.  63.  —  Le  mode  d'élection  de  l'Assemblée  générale  sera  régi  par 
un  règlement  spécial. 

Art.  64.  —  L'.^ssemblée  générale  commence  sa  session  ordinaire  le 
15  novembre  de  chaque  année;  la  durée  de  ces  sessions  ordinaires  est  de 
deux  mois  au  plus. 

Art.  65.  —  L'Assemblée  est  convoquée  en  session  extraordinaire  pour 
l'élection  du  C.-P.  et  du  Vicaire  patriarcal,  dans  tous  les  cas  où  le  C.-P. 
le  juge  nécessaire,  et  enfin  quand  les  2/3  au  moins  des  membres  de 
l'Assemblée  générale  rexie:ent. 


316  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

j^RT,  6G.  —  Pour  que  les  sessions  de  l'Assemblée  générale  soient  vala- 
bles il  faut  qu'en  dehors  du  président,  la  moitié  plus  un  des  membres  de 
l'Assemblée  générale  soient  présents.  Si  la  première  séance  ne  réunit  pas 
ce  nombre,  l'Assemblée  tient  une  nouvelle  séance  huit  jours  après,  et  les 
décisions  prises  à  cette  séance  par  l'Assemblée,  à  la  majorité  des  voix,  se- 
ront tenues  pour  valables. 


CHAPITRE  XI 


CONDITIONS    GENERALES   D  ELECTION. 

Art.  67.  —  Tout  Arménien  catholique  sujet  de  l'empire  Ottoman,  qui  a 
vingt-cinq  ans  révolus,  jouit  du  droit  d'électeur. 

Art.  08.  —  Sont  privés  de  ce  droit  :  1°  ceux  qui  ont  subi  une  peine 
infamante,  et,  pour  les  ecclésiastiques,  ceux  qui  ont  été  condamnés  pour 
fautes  en  matière  ecclésiastique;  2'^  les  aliénés;  .3°  ceux  qui  n'auront  pas 
contribué,  comme  c'est  leur  devoir,  à  la  souscription  générale  et  qui  n'au- 
ront pas  complètement  acquitté  leur  dette  envers  la  souscription  générale, 
ni  versé  la  taxe  du  patriarcat;  4''  ceux  qui  ne  savent  ni  lire  ni  écrire. 

Art.  69.  —  Les  règles  concernant  les  électeurs  sont  également  appli- 
cables aux  candidats  aux  élections,  avec  cette  différence  que  pour  être 
éligible,  il  faut  avoir  trente  ans  révolus. 


CHAPITRE  XII 


DE   LA    SOUSCRIPTION, 


Art.  70.  —  Hormis  les  indigents  reconnus  pour  tels,  tout  Arménien  ca- 
tholique, âgé  de  vingt-cinq  ans  révolus,  doit  participer  aux  dépenses  de  la 
communauté. 

Art.  71.  —  La  souscription  est  annuelle  et  le  montant  à  souscrire  est 
déterminé  en  proportion  des  ressources  personnelles  de  chaque  individu. 

Art.  72.  —  H  y  a  deux  souscriptions.  L'une,  générale,  a  pour  objet  les 
frais  de  l'administration  générale,  et  l'autre,  paroissiale,  est  attribuée  aux 
frais  de  la  paroisse. 

Art.  73.  —  Les  dispositions  concernant  la  répartition  et  l'encaissement 
de  la  souscription  seront  établies  par  le  Conseil  central  d'administration 
et  confirmées  par  la  première  Assemblée  générale  qui  se  réunira. 


U1':(ILEI\IENTS    GÉNÉRAUX    DES    ARxMÉNIENS    CATHOLIQUES.       317 


CHAPITRE  XII 

RÉVISION    DU    HÈGLEMENT. 

Art.  74.  —  Les  dispositions  générales  de  ce  règlement,  non  moins  que 
celles  relatives  à  l'élection,  aux  droits  et  aux  devoirs  du  C.-P.  et  des  évo- 
ques, celles  qui  concernent  le  Synode  national,  le  Conseil  ecclésiastique, 
les  fonctions  ecclésiastiques  et  les  affaires  religieuses ,  seront  observées 
dans  leur  intégrité.  Quant  aux  autres  parties,  l'Assemblée  générale  pourra 
y  apporter  des  modifications,  à  la  majorité  des  2/3  des  voix.  Toutefois 
aucun  changement  ne  pourra  être  proposé  avant  trois  années  révolues,  à 
dater  de  la  mise  en  vigueur  de  ce  règlement.  Toute  modification  introduite 
conformément  à  cette  règle,  devra  être  ratifiée  par  la  Sublime  Porte. 


OPUSCULES  MARONITES 

[Suite)  (1) 


FRAGMENTS    D'UNE    CHRONIQUE    SYRIAQUE    MARONITE 

Fol.  1.  —  Sur  Adam,  Seth,  etc.,  jusqu'au  déluge. 

Fol.  2.  —  Les  soixante-douze  vieillards,  pris  six  dans  chaque 
tribu  d'Israël,  se  mirent  deux  à  deux  pour  traduire  l'écriture. 
Ils  firent  ainsi  trente-six  traductions  concordantes.  (Viennent 
alors  les  noms  des  72.)  (2) 

Fol.  2'.  —  Dans  la  vingt-quatrième  année  dePtolémée  (Phila- 
delphe)  (3),  Antiochus  qui  fut  appelé  Dieu  régna  sur  la  Syrie  et 
Y  Asie  durant  quinze  ans<-.  A  la  même  époque  les  Romains  vain- 
quirent les  Carthaginois  sur  mer  (4)  et  prirent  la  ville  M<i^  (5). 

Vers  la  même  époque,  à  Éliézer,  grand  prêtre  des  Juifs, 
succéda  Manassé  son  oncle. 

Et  l'année  (...)  de  Ptolémée,  les  Parthes,  qui  senties  Perses, 
se  révoltèrent  contre  la  Macédoine,  et  se  donnèrent  un  roi 
nommé  Arsace,  d'où  on  les  appela  Arsacides  (6). 

La  soixantième  année  du  comput  des  Grecs,  dans  la  (...) 
indiction  (7),  Ptolémée  Évergète  régna  en  Egypte  durant  vingt- 
six  ans  (8.) 

(1)  Voy.  p.  175. 

(2)  Sur  celte  légende,  cf.  Vigouroux,  Manuel  Biblique,  t.  I,  n"  105. 

(3)  En  261. 

(4)  A  Myles  en  260. 

(5)  Doit  être  Lilybée  qui  soutint  alors  un  siège  de  huit  ans  (250-242)  contre  les 
Romains.  Ce  fait  devrait  donc  figurer  plus  bas. 

(6)  Justin  [Hsit.,  XLl)  place  aussi  l'avènement  des  Arsacides  sous  Philadeliihc. 
l'an  250  (Petau,  Rat.  Temp.,  I,  p.  169j. 

(7)  Il  faut  lire  64,  le  dolath  a  pu  être  supprimé  devant  le  suivant,  le  nombre 
des  indictions  a  été  gratté. 

(8)  247-222. 


OPUSCULES    MARONITES.  ol9 

La  même  année,  Sëleucits  CaUinùjue  régna  en  Syrie  du- 
rant vingt  ans  (l).  Onias,  fils  de  Simon,  était  grand  prêtre,  il 
fut  ennemi  du  roi  d'Egypte  parce  qu'il  ne  voulut  pas  lui  payer 
tribut. 

La  quatrième  année  de  Ptolémée,  Déméiriiis  régna  en  Macé- 
doine durant  dix  ans  (2) ' 

A  cette  époque  fut  bâtie  Callinice  par  Séleucus  Callinique. 

La  quinzième  année  de  Ptolémée,  dans  la  137"  olympiade  et  la 
troisième  indiction  (3)  ou  la  quatre-vingt-unième  année  des 
Grecs,  Simon  fils  d'Onias  (4)  fut  grand  prêtre  des  Juifs.  C'est  le 
père  de  Jésus  fils  de  Sirac/t  et  il  fit  à  cette  époque  le  livre 
célèbre  qui  est  appelé  «  Sagesse  du  fils  de  Sirach  ».  (33) 

(Un  certain  nombre  de  lignes  sont  illisibles.  Puis  viennent 
Ptolémée  Philopator  et  Ptolémée  Épiphane. 

Fol.  3.  —  Histoire  cVÉléazar  appelé  ^îo-  (5)  qui  tue  un  éléphant 
dans  un  combat,  puis  Judas  envoie  trois  mille  pièces  d'argent 
à  Jérusalem  pour  faire  prier  pour  les  morts.  Vient  ensuite 
Ptolémée  Soter  qui  fut  tué  par  deux  de  ses  eunuques.) 

A  cette  époque,  après  le  meurtre  du  grand  prêtre  Ménélas, 
le  méchant  Alcimus  lui  succéda  (6),  bien  qu'il  ne  fût  pas  de  la 
nation  juive;  mais  il  fut  nommé  à  cause  de  ses  largesses;  à 
cette  vue,  Onias,  fils  d'Onias,  s'enfuit  en  Egypte  et  y  bâtit  une 
ville  et  un  temple  semblable  à  celui  de  Jérusalem;  la  justice  de 
Dieu  atteignit  Alcimus,  il  mourut  et  on  mit  à  sa  place  Judas 
Macchabée  (7). 

En  l'année  (  )  (8)  mourut  Judas.  On  mit  à  sa  place  Jona- 
thas  son  frère,  lequel  durant  dix-neuf  ans  fut  chef  du  peuple  et 


(1)  247-2-27. 

(2)  243-233. 

(3)  Pour  notre  auteur  les  indictions  commencent  donc  presque  avec  l'ère  des 
Séleucides,  et  pas  seulement  h.  Constantin. 

(4)  Ceci  se  passe  en  232.  11  s'agit  donc  de  Simon  1'^^'  qui  vivait  sous  Séleucus. 

(5)  lire  ^jous  =^  lauapàv,  Macch.,  I,  vi,  43. 

(6)  Cf.  Macchabées,  I,  vu. 

(7)  Le  I"  livre  des  Macchabées  semble  faire  mourir  .Judas  avant  Alcime.  Car 
Judas  meurt  ch.  ix,  18,  et  Alcime,  ch.  ix,  56. 

(8)  Daprès  Petau  {Rat.  Temjj.,  I,  p.  197),  l'an  152  des  Grecs  ou  160  avant  notre 
ère. 


320  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

grand  prêtre.  Il  poursuivit  (Bacchydes)  général  de  Démétrius 
et  le  vainquit. 

Et  l'année  160  qui  est  la  vingt-neuvième  de  Ptolémée  (Phi- 
lométor),  Alexandre  (Bala),  fils  d'Antiochus  Épiphane,  régna 
dix  ans.  Il  tua  d'abord  Démétrius  (Soter);  puis  alla  en  Egypte 
et  la  subjugua.  Le  roi  d'Egypte  lui  donna  sa  fille  en  mariage  (1), 
d'autres  disent  qu'elle  était  fille  de  Ptolémée  É  vergé  te.  C'est 
par  elle  cependant,  dit  saint  Hippolyte,  que  fut  accomplie  la 
parole  de  Daniel  :  la  fille  du  roi  du  sud  fut  donnée  au  roi  du 
nord.  Mais  Théodoret  dit  :  Par  celle  que  Ptolémée  Épiphane 
donna  à  Antiochus  fut  accomplie,  etc. 

L'an  165  d'Alexandre,  Ptolémée  Évergète  commença  son 
règne  de  vingt-neuf  ans;  à  cette  même  époque  Jonathas,  chef  et 
grand  prêtre  des  Juifs ,  fit  un  traité  d'alliance  et  d'amitié  avec 
les  Spartiates,  c'est-à-dire  les  Romains. 

L'an  167  qui  est  la  troisième  de  Ptolémée,  Démétrius  fils 
de  Démétrius  tua...  (2). 

(Fol.  3"  et  4.  —  Histoire  depuis  la  mort  de  Jonathas  l'Asmo- 
néen  jusqu'à  Pompée.  Récit  sur  Antipatros  et  sa  famille.  —  Puis 
vient  une  lacune.  —  Le  folio  5  commence  à  la  dix-huitième 
année  d'Auguste,  renferme  le  récit  de  la  Nativité,  et  se  ter- 
mine à  l'exécution  de  la  veuve  et  des  enfants  d'Hérode.  — 
Nouvelle  lacune.  —  Le  folio  6',  presque  illisible,  présente 
une  histoire  de  Zénobie)  (3). 

Fol.  6\  —  Histoire  de  Manès  (la  première  colonne  est  rognée 
et  difficile  à  lire). 

il  se  nommait  le  Messie  et  l'Esprit  saint.  Il  se  choisit 

douze  disciples  (34)  et  leur  souffla  l'esprit,  comme  l'avait  fait 
le  vrai  Messie,  puis  ils  allèrent  tromper  le  monde. 

Manès  disait  dans  son  enseignement  qu'il  y  a  deux  principes 
(pL/),  Dieu  et  la  matière  :  l'un  est  bon  et  occupe  les  régions  de 
l'orient,  du  nord,  de  l'occident  et  toute  la  partie  élevée  ;  l'autre  est 
la  matière  qu'il  proclama  mauvaise.  Elle  occupe  les  régions  du 
sud.  Et  cette  matière  se  mettant  en  mouvement,  ses  fils  :  les 
démons,  le  feu,  l'eau  et  les  idoles,  s'élevèrent  l'un  contre  l'autre 
et  se  poursuivirent  entre  eux.  Ils  arrivèrent  ainsi  dans  le  ciel, 

(1)  Cléopàtre,  fille  de  Philométor.  Cf.  Petau,  loco  cilato,  p.  198. 

(2)  Sans  doute  Alexandre  Bala  qui  le  fut  cette  année. 

(3)  Ces  sept  lignes  nous  furent  communiquées  par  M.  Brooks. 


OPUSCULES   MARONITES.  321 

région  de  la  lumière,  et  cherchèrent  à  mélanger  leurs  ténèbres 
au  bien  et  à  la  lumière.  Quand  Dieu  s'en  aperçut,  il  les  en- 
chaîna et  prit  un  peu  de  lumière  qu'il  jeta  dans  les  ténèbres  (1). 
(Viennent  ensuite  aux  folios  7  et  8  les  noms  des  divers  empe- 
reurs romains  et  la  mention  des  persécutions.) 

Fol.  9.  —  ...  Mais  le  peuple  ne  le  supporta  pas,  il  chassa  Phi- 
lippe (2)  et  rappela  Libère  sur  son  siège.  A  cette  même  époque 
on  chassa  Macédonius  de  Constantinople  après  qu'il  y  eut  été 
cinq  ans  et  on  mit  à  sa  place  Eudoxius,  qui  avait  été  kAntioche 
durant  trois  ans  (3).  Après  Eudoxius,  Mélèce  du  pays  de  Sé- 
baste  (4)  fut  patriarche  d'Antioche.  Il  avait  été  évêque  à  Alep, 
d'où  les  Ariens  le  firent  venir  à  Constantinople.  Mais  bientôt, 
quand  il  monta  pour  prêcher,  il  leur  montra  trois  doigts  en 
leur  criant  :  «  Nous  prêchons  trois  personnes,  mais  nous  par- 
lons comme  s'il  n'y  en  avait  qu'une.  »  Quand  les  Ariens  virent 
qu'il  n'était  pas  de  leur  secte,  ils  le  rejetèrent  après  qu'il  eut 
gouverné  l'Église  (deux)  ans  (5),  et  mirent  à  sa  ^Xd^cQEuzius  qui 
fut  chassé  d'Egypte  avec  Arius. 

A  cette  occasion  le  peuple  d'Antioche  se  divisa,  le  prêtre 
Flavien  dirigeait  un  parti  et  Euzius  l'autre. 

A  Jérusalem  Adrien  (Arsenius?)  fut  évêque  durant  neuf  ans 
et  eut  pour  successeur  HèracUus. 

Macédonius  qui  fut  chassé  de  Constantinople  disait  :  «  L'es- 
prit ne  participe  en  aucune  manière  (35)  à  la  nature  du  Père.  » 
Il  prononçait  aussi  contre  le  fils  les  blasphèmes  d'Arius.  Quand 
ce  maudit  fut  chassé,  il  se  retira  au  pays  de  l'Hellespont  et  Eu- 
doxius lui  succéda.  Celui-ci  donna  à  l'empereur  un  pré- 
texte menteur  et  chassa  aussitôt  Eleusius  (6)  qui  était  évêque 
de  Cyzique  et  mit  à  sa  place  Eunomius  (7)  (gardien)  de 
l'aigle  qui  était  de  Cilicie.  Ils  eurent  soin  d'abord  de  ne  révéler 
leurs  idées  à  personne  et  ils  s'emparèrent  des  églises  par  force, 

(1)  Ceci  ressemble  un  peu  au  système  attribua-  par  IMoïse  Bai'-Ci'pha  a  Bardc- 
sane;  cf.  Bardesane  l'astrologue,  le  Livre  des  Lois  des  pays,  (;  60.  Chez  Leroux. 

(2)  Félix  II. 

(3)  B.  H.  C.  E.  I.,  98. 

(4)  B.  H.,  ibid. 

(5)  Tout  ceci  est  chez  B.  II.  C.  E.  I.,  88,  91. 
(G)  Eleusinus.  Fleury,  II,  xni-la. 

(7)  Floiiry,  II,  xui-34. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  23 


322  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mais  les  habitants  de  la  ville  tlattèrent  Eiuiomius  et  il  leur 
révéla  sa  mauvaise  volonté.  Ils  allèrent  alors  cabaler  contre  lui 
à  Constantinople.  L'empereur,  averti,  fit  surveiller  Eudoxius 
pour  s'en  venger 

(Viennent  ici  deux  colonnes  illisibles.) 

Fol.  10.  — à  cette  époque  se  signalèrent  les 

Apollinaire.  Apollinaire  était  d'Alexandrie.  Et  comme  il  était 
habile  dans  les  sciences  profanes,  il  vint  enseigner  à  Beyrouth, 
puis  il  alla  de  là  à  Laodicée  de  Syrie,  y  prit  une  femme  et  en 
eut  un  fils  qui  fut  aussi  nommé  Apollinaire.  Il  fut  fait  prêtre  et 
son  fils  lecteur,  au  temps  de  févèque  Théodote.  Ils  enseignaient 
les  sciences  grecques,  le  père  enseignait  la  grammaire  et  le  fils 
la  rhétorique.  Ils  fréquentaient  assidûment  le  sophiste  païen 
Épiphane.  Théodote,  qui  s'en  aperçut,  leur  défendit  de  le  fré- 
quenter encore  de  crainte  qu'ils  ne  retournassent  au  paganisme, 
et  ils  obéirent  extérieurement  à  l'ordre  de  l'évêque  (fol.  10'). 
Mais  plus  tard,  quand  Théodote  mourut  et  que  George  lui  suc- 
céda, ils  redevinrent  assidus  chez  Épiphane  même  pendant 
qu'il  accomplissait  les  sacrifices  païens.  Quand  l'évêque  eut 
essayé  en  vain  de  les  séparer  d'Épiphane,  il  les  excommunia. 

Le  jeune  Apollinaire  regarda  cela  comme  une  injure  et,  grâce 
à  sa  parole  sophistique,  il  fonda  une  pernicieuse  hérésie.  Il  alla 
trouver  certains  évêques  excommuniés  qui  le  firejit  évêque 
d'une  ville  inconnue  (1);  puis,  avec  son  père,  il  fonda  une  héré- 
sie étonnante,  (36)  car  il  affirmait  comme  nous  que  la  Trinité 
n'avait  qu'une  seule  nature,  puis  il  établissait  des  degrés  quand 
il  disait  :  que  le  Père  est  grand,  le  fils  plus  grand,  et  l'Esprit  le 
plus  grand.  Il  dit  aussi  que  le  Verbe  s'incarna  et  prit  une  àme, 
mais  une  âme  végétative  et  sensitive  et  non  une  àme  ration- 
nelle, car  Dieu  lui  tenait  lieu  de  celle-ci.  Et  dans  un  autre  en- 
droit  

Fol.  12.  —  ....  i/orti(;^V/^  le  fit  tuer.  yl/«  menaçait  d'aller 
de  nouveau  attaquer  Moawiah,  on  le  frappa  à  Hirta  pendant  sa 
prière  et  on  le  tua.  Moawiah  descendit  à  Hirta,  toutes  les  trou- 
pes arabes  qui  y  étaient  se  soumirent  à  lui,  après  quoi  il  re- 
tourna à  Damas. 

(Ij  B.  II.  C.  E.  I.,  101,  porte  l^-^■>a:i.  au  lieu  de  |£^.>ai>.. 


OPUSCULES   MARONITES.  323 

L'année  070,  qui  est  la  dix-septième  de  Constant  (1),  un  ven- 
dredi du  mois  de  Khaziran  (juin),  à  la  deuxième  heure,  il  y  eut 
'en  Palestine  un  violent  tremblement  de  terre  et  beaucoup  de 
villages  furent  détruits. 

CE  MÊME  MOIS  LES  ÉVÈQUES  JACOBITES  THÉODORE  (2)  ET  SAROCIIT  (3) 
VINRENT  A  DAMAS,  DEVANT  MOAWIAU,  ET  DISPUTÈRENT  AU  SUJET  DE 
LA    FOI    AVEC    LES    MARONITES. 

Les  jacobites  furent  vaincus  et  Moawiah  les  condamna  à 
payer  vingt  mille  dinars;  puis  il  leur  ordonna  de  se  tenir  tran- 
quilles, et  les  évoques  jacobites  continuèrent  à  payer  tous  les 
ans  la  même  somme  d'argent  à  Moawiah  afin  qu'il  ne  cessât  de 
les  protéger  et  que  les  fils  de  l'Église  ne  les  persécutassent  pas. 
Celui  que  les  jacobites  nomment  patriarche  décida  quelle  con- 
tribution pour  cette  somme  d'argent  tous  les  couvents  de  moi- 
nes et  de  religieuses  devraient  lui  apporter  chaque  année  ainsi 
que  tous  les  fidèles,  puis  il  se  chargeait  de  faire  cadeau  de  cette 
somme  à  .Aloawiah,  afin  que  par  crainte  de  celui-ci,  tous  les 
jacobites  lui  obéissent. 

Le  neuf  du  mois  où  eut  lieu  la  dispute  avec  les  jacobites,  un 
dimanche  (4),  il  y  eut  un  tremblement  de  terre. 

La  même  année  l'empereur  Constant  fit  tuer  injustement  son 
frère  Théodose,  car  il  était  innocent,  comme  beaucoup  le  racon- 
tèrent (5).  Ce  meurtre  causa  (37)  une  grande  émotion  et  on  ra- 
conte que  les  habitants  de  la  ville  (impériale)  vociférèrent 
contre  l'empereur  et  l'appelèrent  second  Caïn  et  fratricide  (6). 
Il  en  fut  très  irrité,  laissa  l'empire  à  son  fils  Constantin,  et  par- 
tit, avec  l'impératrice  et  l'élite  de  l'armée,  pour  les  pays  du  Nord 
chez  des  peuples  inconnus  (7).  (Fol.  12'.) 

L'année  971,  qui  est  la  dix-huitième  de  Constant,  les  Arabes 

(1)  658-659  de  notre  ère. 

(2)  C'est  le  patriarche  d'Antioche  (649-667).  Cf.  B.  H.  C.  E.  I.,  p.  282. 

(3)  Évèque  de  Kennesrin,  B.  H.  C.  E.,  p.  276.  —  On  peut  croire  que  les  Maro- 
nites se  servirent  alors  des  questions  écrites  par  Jean  Jlaron  contre  les  jacobites 
et  que  nous  avons  traduites  plus  haut. 

(4)  Le  9  de  ce  mois  fut  bien  un  dimanche.  N. 

(5)  Théophane  place  aussi  ce  meurtre  en  658-659.  N. 

(6)  Cf.  B.  H.  C.  S.,  p.  106, 1.  17-27. 

(7)  Il  se  retira  à  Rome  et  à  Sj-racuse. 


324  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

se  réunirent  en  grand  nombre  à  Jérusalem,  et  y  nommèrent 
roi  Moawiah.  Celui-ci  monta  au  Golgotha  et  y  pria.  Il  alla  aussi 
à  Gethsémani,  descendit  au  tombeau  de  la  bienheureuse  Marie 
et  y  pria.  A  ce  moment,  tandis  que  les  Arabes  étaient  rassem- 
blés autour  de  Moawiah,  il  y  eut  un  violent  tremblement  de 
terre  qui  renversa  la  plus  grande  partie  (de  Jéricho)  avec  toutes 
ses  églises.  Et  près  du  Jourdain  l'église  de  Jean  qui  baptisa  le 
Sauveur  fut  détruite  de  fond  en  comble  ainsi  que  tout  le  monas- 
tère. Ce  tremblement  de  terre  renversa  aussi  le  monastère  de 
Aba  Eutliymius,  avec  beaucoup  d'habitations  de  moines  ou  de 
cénobites  et  beaucoup  de  villages. 

Cette  même  année,  au  nàois  de  Thamouz  (1),  les  émirs  et  beau- 
coup d'Arabes  se  réunirent  et  prêtèrent  serment  à  Moawiah,  et 
on  ordonna  que  tous  les  villages  et  toutes  les  villes  de  son  em- 
pire eussent  à  le  proclamer  roi  et  à  lui  préparer  un  trône  et  des 
ovations.  Il  frappa  aussi  des  monnaies  d'or  et  d'argent  et  on  ne 
les  reçut  pas,  parce  qu'il  n'y  avait  pas  de  croix  dessus.  De  plus 
Moawiah  ne  prit  pas  un  diadème  comme  les  autres  rois  du 
monde.  Il  plaça  le  siège  {de  son  empire)  à  Damas,  et  ne  voulut 
pas  aller  à  celui  de  Mahomet. 

L'année  suivante,  il  arriva  de  la  glace  le  13  de  Nisan  (2),  de 
sorte  que  les  vignes  vertes  furent  brûlées. 

Quand  Moawiah  régna  comme  il  le  voulait  et  eut  apaisé  la 
guerre  qui  existait  chez  les  siens,  il  rompit  la  paix  avec  les  Ro- 
mains et  ne  fit  plus  aucun  traité  avec  eux,  mais  il  disait  :  «  Si 
les  Romains  veulent  la  paix,  qu'ils  me  donnent  leurs  armes  et 
qu'ils  me  paient  tribut  » 


{Ici  deux  pages  manquent.) 

Fol.  14.  —  Yesid,  filsde  ,l/ort7(;ïV//?,  monta  avec  une  troupe  nom- 
breuse, et  pendant  qu'ils  campaient  en  Thrace  (3),  les  Arabes 

(1)  Juin. 

(2)  Avril. 

(3)  11  s'agit  donc  du  siège  de  Constantiiiopie  par  les  Arabes.  Bar-Hebreus  le 
place  vers  G02,  mais  les  autres  historiens  le"placent  plus  tard.  N.  —  On  remarquera 
que  cet  épisode  n'est  pas  daté,  il  a  pu  être  transposé  et  on  ne  doit  pas  nécessai- 
rement lui  appliquer  la  date  voisine. 


OPUSCULES    MARONITES.  325 

se  dispersèrent  pour  piller  et  leurs  mercenaires  et  leurs  servi- 
teurs (se  dispersèrent)  ù  la  recherche  (yv^,)  du  butin  et  pour 
voler  tout  ce  qui  leur  tomberait  sous  la  main.  Ceux  qui  étaient 
sur  le  mur  firent  une  sortie,  les  attaquèrent  (38)  et  (tuèrent) 
un  grand  nombre  de  serviteurs,  de  mercenaires  et  aussi  dWra- 
bes;  ils  prirent  le  butin  et  rentrèrent  (dans  la  ville).  Le  jour  sui- 
vant, les  serviteurs  de  la  ville,  avec  une  partie  de  ceux  qui  s'é- 
taient réfugiés  (dans  cette  ville)  et  avec  quelques  Romains,  se 
rassemblèrent  et  dirent  :  «  Faisons  une  sortie.  »  Constantin  (1) 
leur  dit  :  «  Vous  ne  sortirez  pas,  car  vous  n'avez  jamais  fait  la 
guerre  et  vaincu,  mais  seulement  volé.  »  —  Et  ceux-ci  ne  l'écou- 
tèrent  pas,  mais  un  grand  nombre  sortirent  en  armes,  avec 
des  drapeaux  et  des  fanions  selon  la  coutume  des  Romains.  Dès 
qu'ils  furent  sortis,  on  ferma  toutes  les  portes  et  l'empereur 
fit  planter  sa  tente  sur  le  mur  où  il  se  porta  plein  de  joie.  Les 
Sarrasins  se  retirèrent  en  arrière  et  s'éloignèrent  des  murs  afin 
que  les  autres  ne  pussent  pas  être  aussitôt  sauvés  par  la  fuite.  Ils 
se  retirèrent  donc,  puis  se  placèrent  en  ordre,  et  quand  les  autres 
approchèrent,  ils  se  levèrent  et  se  précipitèrent  en  criant  dans 
leur  langue  :  «  Dieu  est  grand  !  »  Et  les  autres  se  culbutèrent 
(oio;;)  aussitôt  en  arrière  en  pleine  déroute  et  les  Sarrasins  les 
poursuivirent  et  les  massacrèrent  ou  les  firent  prisonniers, 
jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent  sous  les  balistres  du  mur.  Constan- 
tin fut  irrité  contre  eux  et  ne  voulait  pas  d'abord  ouvrir  les 
portes,  beaucoup  furent  tués  et  d'autres  blessés  par  les  traits. 

Et  l'an  975  (2),  la  vingt-deuxième  de  Constant  Qi  la  septième 
de  Moawiah,  Bar-Chalid  (3),  général  des  Arabes,  quitta 
E messe  (^om^),  capitale  de  la  Phénicie,  et  conduisit  son  armée 
sur  le  territoire  des  Romains.  Il  alla  camper  près  du  lac  appelé 
3:y.Av;piç(4),  et  quand  11  vit  que  beaucoup  de  monde  y  habitai  t(;..jio), 
il  chercha  à  le  prendre.  Il  fit  donc  des  radeaux  et  des  bateaux, 
les  remplit  de  troupes  et  les  envoya  sur  (le  lac).  Et  quand  ceux 
qui  étaient  à  l'intérieur  virent  cela  (fol.  14'),  ils  s'enfuirent  et 

(1)  Fut  le  successeur  de  Constant. 

(2)  663-664  de  notre  ère. 

(3)  C'est  Abd-ar-Rahman  ben-Chalid  ben-Al-\Valid.  Théophane  place  cette  ex- 
pédition à  la  même  date.  N. 

(4)  Ou  Kapa>>;Ti;  en  Lycaonie. 


326  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

se  cachèrent  à  leurs  yeux.  Et  quand  les  Arabes  arrivèrent  à 
l'intérieur  de  la  terre  ferme  {\j^^  (eurent  débarqué),  ils  des- 
cendirent, attachèrent  leurs  radeaux,  et  se  préparèrent  à  monter 
contre  le  peuple.  Alors  ceux  qui  étaient  cachés  se  levèrent  aussi- 
tôt, coururent  occuper  les  radeaux  et  les  conduisirent  en  pleine 
eau.  Les  Arabes  se  trouvèrent  ainsi  sur  la  terre  au  milieu  du 
lac,  entourés  d'une  grande  quantité  d'eau  et  de  plantes  aquati- 
ques. Les  habitants  se  réunirent  contre  eux,  les  entourèrent  de 
tous  côtés,  les  attaquèrent  à  coups  de  fronde  et  de  pierres  et  les 
tuèrent  tous.  Et  leurs  compagnons  étaient  en  face,  ils  voyaient 
tout,  mais  ne  pouvaient  les  aider.  (39)  Et  les  Arabes  ne  combat- 
tirent plus  sur  le  lac  jusqu'aujourd'hui. 

Bar-Chalid  leva  le  camp  et  traita  avec  la  ville  à'Amorium; 
quand  on  lui  en  eut  ouvert  les  portes,  il  y  mit  une  garnison 
arabe.  Il  leva  le  camp  et  alla  assiéger  le  grand  château  fort  de 
Silas  (1).  Un  grand  constructeur  qui  était  de  Paphlagonie  le 
trompa,  et  lui  dit  :  «  Si  tu  me  donnes  ta  parole  pour  moi  et  ma 
famille,  je  te  ferai  une  machine  qui  te  soumettra  ce  château 
fort.  »  Bar-Chalid  accepta  et  fit  apporter  de  longs  chênes,  et  il 
construisit  une  machine  comme  on  n'en  avait  pas  encore  vu. 
On  la  monta  et  on  la  fixa  en  face  de  la  porte  du  château  fort 
et  les  maîtres  du  château  fort,  confiants  dans  sa  force,  les  lais- 
sèrent approcher.  Alors  les  gens  de  Chalid  s'appliquèrent  à  leur 
machine  et  lancèrent  une  pierre  qui  vint  frapper  la  porte  du 
château.  Puis  ils  en  lancèrent  une  autre  qui  alla  moins  loin  et 
une  troisième  qui  alla  encore  moins  loin  que  les  deux  autres. 
Les  assiégés  leur  criaient  du  haut  (du  mur)  avec  dérision  :  «  Ap- 
pliquez-vous (mieux),  gens  de  Chalid,  car  vous  le  faites  mal,  » 
puis  du  haut  (du  mur)  ils  lancèrent  une  grosse  pierre  contre  la 
machine.  Cette  pierre  tomba  dessus  et  la  détruisit  complètement; 
ainsi  la  machine  fut  mise  en  pièces  et  tua  beaucoup  d'hommes. 
Bar-Chalid  partit  et  subjugua  le  château  fort  dA — ..r^.o.  (2),  puis 
ceux  de  ^a^  et  de  ^n.^.'^^^  (3),  ainsi  que  la  ville  de  Smyrne. 
Note.  —  Cette  chronique  est  d'autant  plus  intéressante  que 
l'on  connaît  peu  d'anciens  historiens  maronites.  Bar-Hebreus 
cite  Théophile  d'Edesse  (Chron.  syr.,  éd.  Bedjan,  p.  126-127. 

(1)  Sille,  près  d'Iconium. 

(2)  Pessiniis.  N. 

(3)  Pergame  (?J.  N. 


OPUSCULES    MARONITES.  327 

Hial.  des  Ihjnasties,  p;  147-1 18)  :  «  A  cette  époque  (viii"  siècle) 
était  célèbre  Théophile  fils  de  Thomas  crEdesse,  bon  astronome, 
qui  partagea  l'hérésie  des  Maronites.  Il  écrivit  en  syriaque  un 
remarquable  ouvrage  de  chronologie,  bien  qu'il  y  calomnie 
et  y  accuse  les  orthodoxes;  il  traduisait  du  grec  en  syriaque  les 
deux  ouvrages  d'Homère  sur  llion.  Il  servait  le  khalife  Mahcli  et 
en  fut  aimé  à  cause  de  son  habileté  dans  l'art  de  l'astrologie. 
On  raconte  qu'un  jour,  le  khalife  voulut  visiter  l'une  de  ses  villes 
et  sa  famille  avec  lui,  et  la  femme  du  khalife  fit  dire  à  Théophile  : 
«  C'est  toi  qui  as  conseillé  au  khalife  de  voyager  et  qui  nous  impo- 
«  ses  la  fatigue  et  les  souffrances  d'un  voyage  dont  nous  n'avions 
«  pas  besoin,  aussije  prie  Dieu  qu'il  te  fasse  vite  mourir  et  t'enlève 
«  de  la  terre  afin  que  je  sois  tranquille,  car  tu  nous  tourmentes.  » 
Théophile  répondit  à  la  servante  qui  était  venue  lui  faire  cette 
commission  :  «  Va  dire  à  ta  maîtresse  que  je  n'ai  pas  conseillé 
«  ce  voyage  au  khalife,  mais  tu  peux  partir  satisfaite  au  sujet  de 
«  la  malédiction  que  tu  m'envoies  pourque  Dieu  avance  ma  mort, 
«  car  ce  décret  avait  déjà  été  rendu  et  envoyé  par  Dieu  et  je 
«  vais  mourir.  Mais  ne  crois  pas  que  je  mourrai  parce  que  ta 
«  prière  a  été  exaucée;  ce  sera  pour  accomplir  la  volonté  de  mon 
'<  créateur.  Et  toi,  ô  reine,  je  te  le  dis,  prépare-toi  beaucoup  de 
«  poussière,  et  quand  tu  apprendras  que  je  suis  mort,  répands 
«  toute  cette  cendre  sur  ta  tête.  »  En  entendant  cela,  la  reine  fut 
très  effra3^ée,etse  demandaceque  pouvait  signifier  cette  réponse- 
Peu  après  Théophile  mourut,  et  vingt  jours  après  ce  fut  le  tour  du 
khalife  (785).  Ainsi  s'accomplit  ce  que  Théophile  avait  fixé  .» 

Dans  un  autre  endroit  {Hist.  Dyn.,  p.  63  de  la  traduction  de 
Pococke)  Bar-Hebreus  nous  apprend  -que  Théophile  d'Edesse 
plaçait  le  commencement  de  l'ère  des  Séleucides  l'an  5197 
du  monde.  Le  même  auteur  (Livre  de  l'ascension  de  Vesprit, 
p.  199)  nous  dit  encore  :  «  De  nos  jours,  les  peuples  qui  nous 
entourent  se  servent  de  six  chronologies.  L'une,  dont  se  ser- 
vent les  Grecs,  part  d'Adam.  Il  y  a  diverses  opinions  à  son  su- 
jet, la  plus  célèbre,  à  notre  époque,  reproduit  celle  de  Théo- 
phile d'Edesse.  »  La  chronologie  de  Théophile,  qui  placé  ainsi 
la  naissance  de  N.-S.  l'an  5508  (^5197  -f-  311),  est  basée  sur  le 
texte  des  Septante. 

Maçoudi  nous  fait  connaître  un  autre  historien  maronite  : 
«  L'un  de  ses  sectateurs  (de  Maroun)  connu  sous  le  nom  de  Kaïs 


328  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

le  Maronite  est  l'auteur  d'un  excellent  livre  sur  la  chronologie, 
l'origine  du  monde,  les  prophètes,  les  livres,  les  cités,  les  na- 
tions, les  rois  de  Roum  et  autres,  et  leurs  histoires.  Il  termine  son 
ouvrage  au  Khalifat  de  Mouktafi  (901)  ;  je  ne  sache  pas  que  les 
Maronites  aient  composé  un  autre  livre  touchant  ces  mêmes 
matières.  »  Livre  de  l'avertissement,  trad.  Carra  de  Vaux, 
p.  212. 


CONTROVERSE  ENTRE  UN  SYRIEN  ET  UN  GREC. 

(40)  Demandes  et  réponses  au  sujet  des  paroles  :  Dieu  saint, 
saint  puissant,  saint  immortel,  qui  fut  crucifié  pour  nous  (1), 
que  nous  disons  en  priant. 

Question  du  Grec  :  Dis-moi,  ô  Syrien,  pourquoi,  après  avoir 
dit  dans  vos  prières  :  Dieu  saint,  saint  puissant,  saint  immortel, 
ajoutez-vous  :  qui  fut  crucifié  pour  nous?  Vous  crucifiez  tou- 
jours ainsi  la  divinité.  Dites-nous  qui  vous  a  enseigné  cela  et 
pourquoi  yous  dites  :  qui  fut  crucifié  pour  nous?  —  Réponse 
du  Syrien  :  Sache,  ô  Grec,  que  tout  chrétien  qui  prie  et  ne 
met  pas  dans  sa  prière  :  qui  fut  crucifié  pour  nous,  prie  le  dé- 
mon, et  non  pas  Dieu,  et  le  démon  lui  enlève  les  prières  de  la 
bouche  et  elles  n'arrivent  pas  jusqu'à  Dieu.  —  G.  Explique- 
moi,  ô  Syrien,  comment  celui  qui  ne  dit  pas  :  qui  fut  crucifié 
pour  nous,  prie  le  démon.  — S.  Sache,  ô  Grec,  que  le  démon  est 
l'ennemi  de  l'homme  et  cherche  toujours  sa  perte.  Il  combat 
avec  lui  jour  et  nuit,  et  lorsque  l'homme  se  lève  pour  prier  Dieu, 
le  démon  maudit  vient  en  face  de  lui,  et  quand  l'homme  dit  dans 
sa  prière  :  Dieu  saint,  le  démon  répond  :  Et  moi  aussi  je  suis 
saint  et  je  suis  Dieu  de  toutes  les  ténèbres  de  ce  monde.  Et 
quand  on  ajoute  :  saint  puissant,  le  démon  répond  :  Et  moi  aussi 
je  suis  puissant,  j'opère  des  signes  et  des  prodiges  nombreux 
dans  ce  monde.  Et  quand  on  dit  :  saint  immortel,  le  démon 
ajoute  :  Et  moi  aussi  je  suis  immortel.  Mais  quand  on  dit  :  qui  fut 
crucifié  pour  nous,  et  quand  on  fait  sur  soi  le  signe  de  la  croix, 
on  ferme  la  bouche  du  démon.  Il  reste  confondu,  et  n'a  rien  à 
répondre,  car  ce  n'est  pas  lui  qui  fut  crucifié  pour  notre  salut. 

(1)  Sanctus  Deus,  sanctiis  fortis,  sanctus  inniiortalis,...  tu  nie  suspendisti  in 
patibulo  crucis.  Office  du  vendredi  saint. 


OPUSCULES   MARONITES.  329 

Et  quand  il  voit  que  notre  prière  arrive  à  celui  qui  a  été  cru- 
cifié pour  nous,  alors  il  fuit  avec  crainte  et  tremblement  et  s'('> 
vanouit  devant  la  force  de  la  croix  comme  une  fumée  au  souffle 
du  vent.  Mais  si  l'on  ne  dit  pas  dans  la  prière  :  qui  fut  crucifié 
pour  nous,  le  démon  maudit  a  réponse  à  toute  parole  et  enlève 
la  prière  de  la  bouche.  11  convient  donc  que  nous  disions  dans 
nos  prières  :  qui  fut  crucifié  pour  nous,  puisque  ces  paroles 
chassent  le  démon  et  rendent  vaine  toute  sa  puissance.  Sache 
encore  (41)  que  le  démon  maudit  reçoit  beaucoup  de  noms  sem- 
blables dans  les  livres  saints,  parce  qu'il  est  en  face  de  Dieu  du 
côté  gauche  ;  on  l'appelle  Dieu  du  monde,  père,  fds,  esprit,  on 
l'appelle  aussi  puissant  et  immortel.  —  On  l'appelle  Dieu  du 
monde,  parce  qu'il  est  le  maître  et  le  chef  de  tout  le  côté  gau- 
che, le  créateur  et  l'artisan  de  tous  les  maux  qui  se  font  dans  le 
monde.  On  l'appelle  père,  parce  qu'il  engendre  le  mensonge 
ainsi  que  le  mal  et  les  adversités  qui  sont  chez  les  hommes;  on 
l'appelle  fils,  parce  qu'il  est  le  fils  de  perdition  dont  parlent  les 
Écritures,  qui  a  perdu  la  vie  de  Dieu,  et  auquel  est  réservé  le  feu 
de  la  géhenne.  On  l'appelle  esprit,  parce  qu'il  est  l'esprit  d'er- 
reur qui  souftle  en  secret  dans  les  cœurs  des  hommes  simples 
pour  les  éloigner  de  la  crainte  de  Dieu;  on  l'appelle  puissant, 
parce  qu'il  fait  des  prodiges  nombreux  et  stupéfiants  et  les 
opère  dans  le  monde  envers  ceux  qui  lui  obéissent,  car  il  est 
faible  et  débile  envers  ceux  qui  lui  résistent.  Il  est  immortel  et 
on  l'appelle  ainsi  parce  que  c'est  un  esprit  et  que  les  esprits  ne 
meurent  pas  parce  qu'ils  ne  sont  pas  revêtus  de  corps.  Et  quand 
un  homme  répète  dans  sa  prière  tous  les  noms  dont  nous  venons 
de  parler  et  ne  dit  pas  :  qui  fut  crucifié  pour  nous,  ce  démon 
maudit  s'assimile  tous  ces  noms,  il  répond  à  eux  tous  quand  on 
les  prononce  dans  la  prière  et  ehlève  ainsi  la  prière  de  la  bou- 
che. 11  n'y  a  rien  qui  le  chasse  et  l'annihile  comme  ce  qui  fut 
crucifié  pour  nous,  il  convient  donc  que  nous  prononcions  ces 
paroles  et  chassions  ainsi  le  diable  de  chez  nous  —  G.  Quel 
livre  t'a  enseigné,  ô  Syrien,  que  le  démon  maudit  est  appelé 
Dieu,  père,  fils  et  esprit?  Montre-nous  où  tu  as  trouvé  que  ce 
démon  maudit  est  appelé  ainsi.  —  S.  L'apôtre  Paul  dans  la 
seconde  lettre  aux  Corinthiens  appelle  le  démon  Dieu  de  ce 
monde;  quand  il  maudit  ceux  qui  ont  perdu  la  foi  parce  qu'ils 
furent  trompés  par  les  démons,  il  dit  :  «  Si  notre  Évangile  est 


330  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

caché,  il  est  caché  pour  ceux  qui  périssent,  pour  ceux  dont  le 
Dieu  de  ce  monde  a  aveuglé  l'esprit  pour  les  empêcher  de  croire, 
afin  que  l'Évangile  de  la  gloire  du  Messie,  qui  est  l'image  de 
Dieu,  ne  brille  pas  pour  eux  (1).  »  (42)  Et  dans  la  lettre  aux 
Éphésiens,  il  l'appelle  maître  de  l'air  et  du  vent  et  celui  qui 
suggère  aux  enfants  de  ne  pas  obéir.  Il  l'appelle  encore  chef  et 
maître  du  monde  lorsqu'il  dit  :  «  Votre  combat  n'est  pas  avec 
la  chair  et  le  sang,  mais  avec  les  principes  et  les  Dominateurs  et 
les  maîtres  de  ce  monde  de  ténèbres  (et  avec  les  esprits  im- 
purs) qui  sont  sous  le  ciel  (2).  »  Et  le  Messie  notre  Sauveur  l'ap- 
pelle le  père  du  mensonge  lorsqu'il  dit  aux  Juifs  :  «  Vous  avez 
pour  père  le  diable,  et  voulez  accomplir  les  désirs  de  votre  père 
qui  est  un  homicide  depuis  l'origine,  et  ne  put  rester  dans  la 
vérité,  parce  qu'il  est  menteur  et  le  père  du  mensonge  (3).  »  Et 
dans  un  autre  endroit,  il  l'appelle  fils  lorsqu'il  dit  :  «  Et  per- 
sonne n'a  péri  si  ce  n'est  le  fils  de  perdition  (4).  »  Il  l'appelle 
encore  chef  et  gouverneur  du  monde  quand  il  dit  :  «  Maintenant 
c'est  le  jugement  de  ce  monde,  maintenant  le  gouverneur  du 
monde  sera  jeté  dehors  (5).  »  Il  dit  encore  :  «  Le  prince  de  ce 
monde  est  venu  et  il  n'a  rien  sur  moi  (6).  »  Et  sur  sa  chute  du 
ciel  il  dit  :  «  J'ai  vu  Satan  tomber  du  ciel  comme  un  éclair  (7).  » 
Dans  d'autres  endroits  il  l'appelle  esprit,  esprit  de  mensonge, 
esprit  méchant,  esprit  impur,  et  lui-même  disait  au  Messie  :  «  Le 
pouvoir  sur  tout  ce  monde  de  ténèbres  a  été  livré  dans  mes 
mains  (8).  »  Et  le  prophète  Isaïe  raconte  qu'il  disait  en  se  glori- 
fiant de  sa  grandeur  et  de  son  ténébreux  pouvoir  :  «  Je  monte- 
rai au  ciel  et  placerai  le  siège  de  mon  royaume  au-dessus  des 
étoiles  du  ciel  et  je  serai  semblable  à  Dieu  (9).  »  Ainsi  je  t'ai 
montré  dans  l'Écriture  que  le  diable  est  appelé  de  tous   ces 


(1)  II  Cor.,  IV,  3,  4.  C'est  le   texte  de  la  Peschito  avec  les  fautes  ©v^  pour  vp«>v^ 
et  laopour  Itaio;. 

(2)  Eph.,  VI,  12. 

(3)  Jean,  viii,  44.  C'est  le  texte  même  de  la  Peschito  avec  une  variante  heu- 
reuse :  «  Et  père  du  mensonge  »  au  lieu  de  «  et  son  père  ». 

(4)  Jean,  xvii,  12. 

(5)  Jean,  xii,  31. 

(6)  Jean,  xiv,  30. 

(7)  Luc,  X,  18. 

(8)  Luc,  IV,  6. 

(9)  Isaïe,  XIV,  13.  Ce  texte  diffère  de  celui  qui  fut  imprimé  à  Mossoul. 


OPUSCULES     MARONITES;  331 

noms.  —  G.  Et  pourquoi  rappelle-t-on  diable  puisqu'il  porte  de 
tels  noms  dans  les  saints  livres?  —  .S'.  Quand  il  fut  créé  par 
Dieu,  il  ne  s'appelait  pas  diable,  mais  était  un  ange;  à  cause  de 
son  orgueil  il  tomba  de  sa  place  et  fut  appelé  Satan,  parce  qu'il 
s'éloigna  de  Dieu.  Il  fut  appelé  diable  parce  qu'il  fut  dépouillé 
de  ses  honneurs  et  fut  l'adversaire  de  Dieu  et  des  hommes, 
comme  le  montre  saint  Basile  dans  son  discours  sur  le  com- 
mencement des  Proverbes  de  Saloinon  où  il  dit  :  «  Par  le  béné- 
fice de  son  commandement,  il  était  chef,  sultan  et  maître  du 
monde  et  le  lieu  de  sa  principauté  et  de  son  empire  était  l'air; 
mais  il  se  révolta  contre  Dieu  et  devint  l'adversaire  de  Dieu  et 
des  hommes.  »  Tous  ces  témoignages  nous  montrent  (43)  que 
dans  les  saints  livres  ce  démon  maudit  est  appelé  Dieu  et  maître 
des  ténèbres  du  monde;  il  est  donc  juste  que  dans  nos  prières, 
nous  séparions,  comme  des  gens  sages,  son  nom  trompeur  du 
nom  véritable  de  Dieu.  Nous  faisons  cette  distinction  si,  lorsque 
nous  proclamons  trois  fois  la  sainteté  du  Verbe  incarné  qui  fut 
crucifié  pour  nous,  nous  disons  trois  fois  :  Dieu  saint  qui  fut 
crucifié  pour  nous;  on  reconnaît  alors  le  Verbe  de  Dieu  et  on  le 
distingue  du  démon  maudit  que  nous  chassons  alors  de  près  de 
nous.  Mais  si  quelqu'un  dit  :  Dieu  saint,  saint  puissant,  saint 
immortel,  et  n'ajoute  pas  :  qui  fut  crucifié  pour  nous,  il  ne 
distingue  pas  le  sens  trompeur  du  sens  vrai,  et  ce  démon  mau- 
dit lui  répond  aussitôt  et  lui  dit  :  Et  moi  aussi  je  suis  Dieu,  je 
suis  puissant  et  je  suis  immortel;  toute  cette  sanctification  me 
convient.  Et  par  ces  paroles,  il  lui  enlève  la  prière  de  la  bouche 
et  ne  la  laisse  pas  monter  jusqu'à  Dieu.  Il  convient  donc  de  dire 
dans  nos  prières  :  qui  fut  crucifié  pour  nous,  parce  que  ces  pa- 
roles rendent  vaine  toute  la  force  du  diable  auprès  de  nous.  — 
G.  Tu  as  entassé  les  paroles,  ô  Syrien,  pour  louer  ce  :  qui  fut 
crucifié  pour  nous,  et  tu  ne  sais  pas  qu'en  disant  trois  fois  : 
Dieu  saint,  tu  honores  la  Trinité,  et  quand  tu  ajoutes  :  qui  fut 
crucifié  pour  nous,  tu  crucifies  la  Trinité.  Montre-nous  donc  où 
tu  as  trouvé  écrit  que  la  Trinité  fut  crucifiée  et  lequel  des  saints 
Pères  a  enseigné  cela.  —  S.  Enseignes-tu  que  l'un  de  la  Trinité 
s'est  incarné  et  fait  homme,  ou  bien  toute  la  Trinité?  —  G. 
C'est  l'un  de  la  Trinité  et  non  toute  la  Trinité.  —  .S'.  Si  l'un  de 
la  Trinité  s'est  incarné  et  fait  homme,  et  non  toute  la  Trinité, 
nous  disons  aussi  qu'un  de  la  Trinité  a  été  crucifié  et  non  les 


332  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

trois,  car  celui  qui  ne  s'est  pas  incarné,  n'a  pas  pu  être  crucifié, 
et  nous  autres,  ô  Grec,  nous  ne  disons  pas,  comme  tu  le  pré- 
tends, que  la  Trinité  a  été  crucifiée,  mais  nous  confessons  que 
c'est  l'un  de  la  Trinité  qui  a  été  crucifié  pour  nous,  la  direction 
de  notre  pensée,  lorsque  nous  disons  :  Dieu  saint  et  qui  fut 
crucifié  pour  nous,  ne  se  porte  pas  sur  toute  la  Trinité,  mais 
sur  l'un  de  la  Trinité  qui  est  le  seul  Seigneur  Jésus-Christ,  fils 
unique  de  Dieu,  né  de  Dieu  avant  tous  les  siècles,  qui  est  lu- 
mière de  lumière,  Dieu  vrai  de  Dieu  vrai,  qui,  pour  nous  autres 
hommes  et  pour  notre  salut,  est  descendu  du  ciel  et  a  pris  un 
corps  du  Saint-Esprit  et  de  la  Vierge  Marie  et  fut  homme,  et  fut 
crucifié  pour  nous  au  temps  de  Ponce-Pilate  selon  l'enseigne- 
ment (44)  des  318  saints  Pères. 

Et  quand  nous  prions,  nous  disons  dans  nos  prières  :  Dieu 
saint,  qui  étais  Dieu  et  t'es  fait  homme  par  amour,  saint  puis- 
sant, qui  supportes  tout  par  ta  force,  et  as  paru  faible  dans 
notre  corps,  saint  immortel,  qui  étais  immortel  par  nature  et  es 
mort  dans  la  chair  par  ta  volonté  pour  notre  salut,  nous  confes- 
sons que  tu  fus  crucifié  pour  nous  et  nous  ne  le  nions  pas,  aie 
pitié  de  nous.  Voilà  comment  nous  disons  dans  nos  prières  :  gui 
fut  crucifié  pour  nous,  et  loin  de  nous  la  pensée  de  le  crucifier, 
mais  nous  confessons  son  crucifiement  et  ne  le  nions  pas;  com- 
ment donc  peux-tu  nous  reprocher  de  crucifier  toute  la  Trinité? 

Nicodème  et  Joseph  témoignent  qu'il  en  est  ainsi  :  quand  ils 
allèrent  descendre  le  corps  de  Notre-Seigneur  de  la  croix,  ils  vi- 
rent là  les  foules  et  les  cohortes  des  anges  qui  disaient  :  «  Dieu 
saint,  saint  puissant,  saint  immortel,  »  et  les  anges  n'ajoutèrent 
pas  :  qui  fut  crucifié  pou)-  nous,  car  il  ne  l'avait  pas  été  pour 
eux,  mais  bien  pour  nous,  comme  il  est  écrit  •  «  qui  fut  crucifié 
pour  nous  autres  hommes  et  pour  notre  salut  ».  A  lui  la  gloire 
de  la  bouche  de  nous  tous,  ainsi  qu'à  son  Père  et  au  Saint-Esprit, 
maintenant,  toujours  et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen, 
Amen  et  Amen. 

EXTRAIT  DE  JEAN  LE  STYLITE 

Avec  l'aide  du  Tout-Puissant,  nous  écrivons  une  petite  partie 
du  discours  de  Mar  Jean,  stylite  de  Saint-Mar-Zeouro  à  Saroug. 
Seigneur,  aide-moi  dans  tes  miséricordes. 


OPUSCULES    MARONITES.  333 

Première  demande.  —  L'adversaire  dit  :  Explique-moi, 
chrétien,  si  tu  nies  ou  si  tu  confesses  que  Dieu  ne  fut  pas  engen- 
dré en  tout  de  la  Vierge.  —  Ils  croient  nous  entraver  des  deux 
côtés,  mais  nous  appelons  à  notre  secours  le  Messie  notre  Dieu, 
dont  il  est  question,  lui  qui  dénoue  les  liens  et  révèle  les  se- 
crets, selon  la  parole  du  prophète  Daniel,  qui  vit  le  Messie 
sous  une  forme  humaine  venant  sur  les  nuées  du  ciel,  puis  nous 
répondons  :  Les  chrétiens  confessent  un  seul  Dieu  qui  est  en 
trois  personnes.  Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  une  essence,  une 
divinité,  une  puissance,  une  volonté  (1),  un  magistère,  une  opé- 
ration. Ils  sont  un  en  tout,  sinon  qu'ils  sont  séparés  en  personnes, 
(45)  et  ils  sont  dans  une  nature;  nous  apprenons  cela  de  Dieu 
lui-même,  car  il  est  écrit  dans  la  loi  :  «  Venez,  faisons  l'homme 
à  notre  image  et  à  notre  ressemblance,  »  et  :  «  Donnons  à  Adam 
un  aide  semblable  à  lui,  »  et  :  «  Venez,  descendons  diviser  les 
langues,  »  et  :  «  Le  Seigneur  fit  descendre  le  feu  devant  le  Sei- 
gneur sur  Sodome.  »  Et  cette  parole  d'Isaïe  qui  entendit  les 
Séraphins  dire  :  «  Saint,  saint,  saint  le  Seigneur  des  armées.  » 
Ces  trois  «  sanctifications  »  désignaient  trois  personnes,  et  le 
"  Seigneur  des  armées  »  nous  enseigne  qu'il  n'y  a  pour  les  trois 
personnes  qu'un  magistère  et  une  essence.  Et  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  a  dit  à  ses  saints  disciples  :  «  Allez,  baptisez  tous 
les  peuples  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  et  qui- 
conque croira  et  sera  baptisé  sera  sauvé.  » 

L'adversaire  dit  :  Si  Dieu  se  fit  homme  et  mourut,  il  changea 
deux  fois  :  delà  divinité  à  l'humanité  quand  il  se  fit  homme  et  de 
la  vie  à  la  mort  quand  il  mourut.  —  Réponse.  Nous  disons  que 
le  Verbe  de  Dieu  ne  fut  pas  changé  ni  quand  il  s'incarna  ni 
quand  il  mourut,  car  que  dit-on  de  l'àme  de  l'homme  qui  s'u- 
nit avec  le  corps?  Dit-on  que  l'âme  de  l'homme  fut  modifiée 
quand  elle  s'unit  au  corps  et  qu'elle  changea  deux  fois  :  l'une 
quand  elle  s'unit  au  corps,  dit-on  qu'elle  fut  chair  comme  lui,  et 
l'autre  quand  le  corps  mourut,  dit-on  qu'elle  mourut  avec  lui? 
Et  si  nous  confessons  que  l'àme  ne  changea  pas  quand  elle  s'u- 
nit au  corps,  pourquoi  serions-nous  obligés  de  dire  que  si  la  di- 
vinité s'unit  au  corps,  elle  changea  deux  fois?  alors  d'après  la 
parole  de  ces  malheureux  qui  répondent  eux-mêmes  à  leurs  de- 

(1)  Voici,  explicitement,  le  sens  que  nous  avons  donné,  page  9,  au  texte  de  Sévé- 
rianos. 


334  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

mandes,  Tàme  serait  plus  puissante  que  la  divinité,  puisque 
l'âme  qui  est  unie  au  corps  ne  meurt  pas  avec  lui,  tandis  que  la 
divinité  unie  au  corps  mourrait  avec  lui.  Vous  voyez  combien 
cette  impiété  est  grande.  —  L'adversaire  dit  :  Que  le  Messie  meure 
ou  ne  meure  pas,  il  s'ensuit  toujours  une  mauvaise  conséquence 
ou  pour  les  Juifs  ou  pour  les  prophètes.  Car  s'il  meurt,  les  Juifs 
le  renient  et  sont  jetés  dans  la  géhenne,  et  s'il  ne  meurt  pas,  les 
prophètes  ont  menti  et  leurs  prédictions  sont  vaines.  —  Ré- 
po7ise.  Que  dites-vous  à  ceci  :  Les  commandements  de  Dieu  ont 
de  mauvaises  conséquences,  qu'on  les  observe  ou  qu'on  ne  les 
observe  pas;  à  savoir  :  si  on  les  observe,  pour  ceux  qui  ne  les  ob- 
servent pas,  et  si  on  ne  les  observe  pas,  pour  ceux  mêmes  qui  ne 
les  observent  pas.  Le  Messie  n'a  été  une  cause  de  mal  pour  au- 
cun homme  ni  par  sa  mort  ni  (46)  par  sa  vie,  car  il  ne  fut  pas  une 
cause  de  mal  qui  porta  les  Juifs  à  le  tuer,  mais  ils  furent  une 
cause  de  mal  pour  eux-mêmes.  — Demande.  Il  savait  qu'en  ve- 
nant au  monde  les  Juifs  lui  nuiraient,  puis  le  tueraient  et  péche- 
raient ainsi  à  cause  de  lui;  s'il  était  Dieu,  il  ne  devait  pas  être 
ainsi  une  cause  de  mal  pour  personne.  —  Réponse.  Le  Messie 
savait  que  les  Juifs  pécheraient  à  son  sujet,  mais  il  savait  aussi 
que  beaucoup  de  peuples  croiraient  en  lui  et  qu'il  les  sauverait 
de  l'erreur  et  il  n'était  pas  juste  qu'il  méprisât  le  salut  du 
grand  nombre  à  cause  du  péché  de  quelques-uns.  Ainsi  la  mort 
du  Messie  ne  fut  pas  une  cause  de  mal  pour  les  Juifs;  de  même 
s'il  n'était  pas  mort,  les  prophètes  n'auraient  pas  menti,  car  s'il 
n'était  pas  mort,  ils  n'auraient  pas  prophétisé  qu'il  mourrait. 
—  Demande  de  l'adversaire.  Avant  de  créer  les  créatures.  Dieu 
savait  qu'il  viendrait  dans  le  monde,  et  sa  volonté  était  d'accord 
avec  sa  connaissance,  ainsi  les  Juifs  qui  ont  accompli  la  connais- 
sance et  la  volonté  de  Dieu  ne  sont  pas  blâmables.  —  Réponse. 
La  volonté  de  Dieu  est-elle  ou  n'est-elle  pas  toujours  d'accord 
avec  sa  connaissance?  Si  sa  volonté  est  d'accord  avec  sa  con- 
naissance, il  n'y  a  pas  moyen  que  ce  qu'il  connaît  n'arrive  pas, 
et  il  n'est  pas  possible  ni  que  la  connaissance  de  Dieu  soit  vaine, 
ni  que  sa  volonté  résiste  à  sa  connaissance  et  l'annihile,  alors  la 
volonté  sera  d'accord  avec  la  connaissance;  or  la  connaissance 
de  Dieu  est  éternelle  et  il  connaît  par  avance  tout  ce  qui  doit  ar- 
river, il  veut  donc  de  toute  éternité  les  péchés  des  hommes  et 
sa  faute  est  plus  grande  que  la  leur,  car  ceux-ci  ne  commirent 


OPUSCULES   MARONITES.  335 

pas  de  péclié  avant  leur  création.  —  L'aàversaire  dit  :  Dieu  ne  veut 
pas  tout  ce  qu'il  sait  devoir  arriver?  —  Iléponse.  Avant  de  créer 
les  créatures,  notre  Dieu  savait  de  même  que  les  Juifs  le  cruci- 
fieraient, et  cependant  il  ne  voulait  pas  les  faire  pécher  contre 
lui.  —  Dfnnande  :  Quand  le  Messie  suppliait  que  le  calice  do  mort 
lui  fût  épargné,  suppliait-il  son  égal  en  puissance,  (ou)  un  plus 
puissant  que  lui?  —  Réponse.  S'il  vous  paraît  étonnant  qu'il 
puisse  prier  son  égal  en  puissance  et  le  supplier,  nous  vous  éton- 
nerons par  un  fait  bien  plus  fort  que  celui-là  :  Nous  voyons  les 
rois  et  les  maîtres,  dont  le  pouvoir  est  (47)  dur  et  supérieur  à 
celui  de  leurs  serviteurs,  supplier  ces  serviteurs  au  sujet  de  di- 
verses choses,  bien  plus,  Dieu  lui-même  nous  demande  et  nous 
prie  tous  les  jours  de  garder  ses  commandements  et  nous  ne  lui 
obéissons  pas,  ainsi  ce  n'est  pas  comme  un  serviteur  que  le  Messie 
demande  à  son  Père  d'être  exempté  de  ce  calice,  mais  comme  un 
fils  à  son  père.  —  Demande.  Sa  mort  était  un  bien  ou  un  mal  ;  si 
c'était  un  bien,  pourquoi  le  Messie  demandait-il  que  ce  bien 
n'arrivât  pas?  —  Réponse.  Nous  disons  que  le  Messie  n'est  pas  un 
simple  homme,  mais  Dieu  incarné,  ainsi  la  mort  du  Messie  est 
la  vie  de  tous  ceux  qui  croient  en  lui,  et  la  vie  est  un  bien,  donc 
la  mort  du  Messie  est  un  bien,  parce  que  s'il  n'était  pas  mort  et 
n'avait  pas  ressuscité,  il  n'y  aurait  pas  espoir  de  résurrection.  — 
Demande.  Comment  Dieu  peut-il  mourir?  —  Réponse.  Comment 
l'âme  peut-elle  mourir?  —  L'adversaire  dit  :  L'âme  ne  meurt 
pas.  —  Le  chrétien  répond  :  Nous  ne  disons  pas  non  plus  que 
la  divinité  meurt. 

HISTOIRE    DE    DANIEL    DE    MARDIN. 

R^bdLÏi  Daniel  &Q  Mardin,  moine  philosophe  (1),  raconte  ses 
souffrances  et  dit  : 

L'an  1693  (1381-1382)  des  Grecs,  au  mois  d'Adar  (mars),  le 
troisième  jour  de  la  semaine  et  le  vingt-cinquième  jour  du  mois, 

(1)11  est  sans  doute  question  de  ce  moine  dans  le  colophon  du  ms.  syriaque  226. 
On  y  lit  en  effet  que  ce  ms.  du  nomocanon  de  Bar-Hebreus  a  été  copié  en  1799 
(1488)  au  couvent  de  Mar  Abaï  à  Qelat,  sur  un  manuscrit  qui  avait  appartenu  à 
Raban  Daniel  de  Mardin.  Le  récit  actuel  fut  écrit  par  Daniel  à  la  fin  du  Cours 
d'astronomie  (traité  de  l'ascension  de  l'esprit)  de  Bar-Hebreus.  Ainsi  Daniel  au- 
rait possédé  un  certain  nombre  d'ouvrages  du  célèbre  primat  jacobito. 


336  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

le  vizir  du  sultan  de  Mardin  me  fit  jeter  en  prison,  moi  l'humble 
Daniel,  et  voici  la  cause  de  cet  emprisonnement  : 

L'année  dont  nous  venons  de  parler,  nous  avions  écrit  un 
livre  en  arabe  sur  les  fondements  de  l'Église,  et  nous  donnions 
des  démonstrations  de  raison  et  des  témoignages  écrits  pour 
confirmer  la  religion  chrétienne  autant  que  nous  le  pouvions. 
Et  pour  confirmer  la  nôtre  nous  ajoutions  une  réfutation  des 
fondements  des  autres,  à  savoir  (des  religions)  des  mages,  des 
Arabes  et  des  musulmans.  En  vertu  des  jugements  cachés  de 
Dieu  et  de  sa  providence  qui  opère  tout,  ce  livre  tomba  entre  les 
mains  d'un  jurisconsulte  musulman  (lowaa).  Il  lut  et  comprit 
quelques  démonstrations  sur  la  vérité  de  notre  religion.  Il  fut 
saisi  des  souffrances  de  l'envie,  fit  du  zèle  au  delà  de  toute  me- 
sure et  porta  le  livre  au  juge,  et  cette  affaire  arriva  peu  à  peu 
jusqu'au  chef  des  émirs  et  au  sultan  Melek  Attaher  (1).  Il  me  fit 
enfermer  le  troisième  et  le  quatrième  jour.  Et  le  cinquième 
jour  de  la  semaine,  (48)  ils  me  tirèrent  de  prison  et  me  condui- 
sirent devant  le  sultan  dans  le  prétoire  où  étaient  assemblés  les 
juges,  les  jurisconsultes  et  les  émirs.  Je  subis  alors  des  épreu- 
ves, soit  à  cause  de  mes  péchés,  soit  pour  éprouver  ma  foi.  Ils 
m'interrogèrent  au  sujet  de  mon  livre  et,  après  un  assez  long 
temps,  le  vizir  ordonna  de  me  flageller,  et  ils  me  flagellèrent  et 
me  frappèrent  avec  des  bâtons  sur  les  pieds  et  sur  les  jambes; 
le  Seigneur  se  tint  près  de  moi,  me  fortifia,  et  je  résistai.  Le  vizir 
me  dit  deux  fois  :  «  Abandonne  ta  religion  et  fais-toi  musul- 
man, »  et  je  lui  répondis.  «  Je  suis  chrétien.  »  Ils  me  frappèrent 
de  498  coups  et  je  ne  criai  pas,  de  sorte  que  beaucoup  admirè- 
rent la  bonté  du  Seigneur  qui  apparut  en  moi.  Ensuite  il  me  fit 
percer  les  narines,  on  y  passa  une  corde  et  ils  me  traînèrent 
et  me  firent  faire  le  tour  de  la  ville.  Je  ne  puis  compter  les  cra- 
chats et  les  insultes  qu'ils  me  jetèrent,  mais  Dieu  me  délivra. 
Puis  ils  m'enfermèrent  de  nouveau  (en  prison)  durant  vingt - 
quatre  jours  et,  dans  une  caverne  de  sang,  durant  trois  jours, 
après  quoi  ils  me  firent  sortir  et  me  vendirent  12000  zouzé  que 
les  fidèles  payèrent. 

(1)  Noé,  patriarche  jacobite,  qui  écrivait  en  149G,  nous  raconte  que  Blelek  Atta- 
her, maître  de  Mardin,  et  son  vizir  Phiad  furent  tués  près  d'Amida,  entre  14(KJ  et 
1406.  Cf.  Asscmani,  Bibl.  Orientale,  t.  II,  p.  469  et  471.  Il  s'agit  probablement  du  sul- 
tan qui  jugeait  Daniel  une  vingtaine  d'années  auparavant. 


OPUSCULES    MARONITES.  337 


HISTOIRE    d'uX    IUKNIIEUREUX    (1)    QUI    DEMEURAIT    SUR    UX    ARRRE    A 

ir'enlx  (2). 

Dans  le  gouvernement  de  la  métropole  Apamée,  il  y  a  un 
village  nommé  Ifenin.  Dans  ce  village  se  trouvait  un  grand 
cyprès  (3)  sur  lequel  habitait  un  homme  de  Dieu.  Le  démon,  qui 
hait  toujours  les  bonnes  actions,  ne  cessait  de  combattre  contre 
lui  en  secret  ou  à  découvert  et  souvent  il  le  précipitait  à  bas  de 
cet  arbre  (4).  Entin  (le  saint)  pourvut  à  cela  en  se  procurant  une 
chaîne  de  fer  pour  s'attacher  le  pied  à  l'arbre,  et  lorsque  son 
ennemi  Satan  le  précipitait  (à  terre),  il  restait  suspendu  à  l'arbre 
par  cette  chaîne,  et  les  habitants  du  village  venaient  et  le  re- 
montaient à  sa  place.  A  la  fin  il  dit  :  «  Que  Dieu,  pour  le  nom 
duquel  je  suis  ici,  m'accorde  de  n'avoir  plus  besoin  de  la  main 
des  hommes,  mais,  s'il  lui  plaît  que  je  demeure  en  ce  lieu,  qu'il 
m'envoie  sa  force  divine  et  me  remette  à  ma  place.  »  Et  cela 
eut  lieu  :  lorsque  l'adversaire  (5)  le  précipitait,  un  ange  de  Dieu 
descendait  du  ciel  et  le  remettait  à  sa  place. 

Il  reçut  de  Dieu  le  don  de  guérir  toute  douleur  et  toute  mala- 
die, et  sa  renommée,  comme  une  étoile  éclatante,  brilla  dans 
beaucoup  de  pays.  De  partout  on  accourait  près  de  lui,  pour 
recevoir  les  secours  de  l'âme  et  la  guérison  des  corps,  et  tou- 
jours, à  son  occasion,  on  louait  le  nom  du  Messie. 

Quand  il  vit  que  beaucoup  de  gens  venaient  et  le  distrayaient 
de  la  prière  et  de  la  conversation  avec  Dieu,  il  eut  l'idée  de  des- 
cendre de  son  arbre  et  d'aller  au  désert  extérieur,  car,  pensait- 
il,  il  me  sera  avantageux  d'aller  en  un  endroit  où  je  serai  tran- 
quille et  à  l'abri  de  la  vaine  gloire  des  hommes.  —  Une  nuit, 
à  l'insu  de  tout  le  monde,  il  descendit  de  son  arbre  et  s'en  alla. 
Pendant  plus  de  trois  milles,  comme  il  me  le  raconta  (6),  il 

(1)  Cetie  histoire  inédite,  où  il  est  question  du  monastère  de  Jlai-  Maron,  près 
d'Apamée,  est  traduite  sur  le  ms.  syriaque  n"  i'.]\  de  la  Bibliothèque  Nationale 
(fol.  440M43^). 

("2)  ,xi_v^ ,  v.-»-'^''^  ^^  rH^"- 

(3)  puo^i 

(4)  Cet  accident  lui  arrivait  très  probablement  chaque  l'ois  qu'il  avait  un  som- 
meil un  peu  agité. 

(5)  iM^io 

(G)  Il  est  regrettable  que  l'on  ne  connaisse  pas  cet  auteur.  En  attendant  mieux, 

ORIENT   CIIRETIEM.  24 


338  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

entendit  les   démons  qui  dansaient   et  battaient   des  mains. 

Il  alla  à  Jérusalem  et  pria  aux  saints  lieux  où  Notre-Sei- 
gneur,  notre  Dieu  et  notre  Sauveur  Jésus-Christ  souffrit  volon- 
tairement. Puis  il  eut  la  pensée  d'entrer  dans  le  grand  désert 
qui  est  non  loin  de  Jérusalem  (1)  ;  il  arriva  à  un  monastère  qui 
est  à  la  lisière  de  ce  désert,  où  les  moines  le  reçurent  avec  grande 
joie  et  lui  demandèrent  :  «  Où  vas-tu?  »  Il  leur  répondit  :  «  Je  veux 
entrer  dans  ce  désert.  »  Ils  cherchèrent  à  l'en  détourner  parce 
que  ce  désert  était  terrible  et  redoutable  et  contenait  des  ani- 
maux sauvages;  beaucoup  avaient  voulu  y  pénétrer,  l'avaient 
fait  et  n'en  étaient  pas  revenus.  Mais,  confiant  dans  le  secours 
que  lui  accordait  la  bonté  divine,  il  traversa  sans  danger  tout 
ce  désert  et  arriva  au  pays  des  Barbares.  Or  il  y  avait  dans  ce 
pays  un  homme  originaire  (ÏÉ)nèse  qui  lui  demanda  :  «  D'où 
es-tu?  »  Il  répondit:  «  Je  suis  d'Émèse,  »  parce  que  Apamée  est 
soumise  à  Émèse,  et  l'autre,  plein  de  joie,  lui  dit  :  «  Moi  aussi  je 
suis  &' Émèse,  mes  péchés  m'ont  amené  dans  ce  pays  où  l'on 
m'a  fait  juge  (2);  ce  peuple  est  méchant,  barbare  et  cruel;  mais 
demeure  près  de  moi,  tu  me  tiendras  lieu  de  père  et  de  famille.  » 
Il  fut  ainsi  reçu  avec  grand  honneur  et  demeura  là  pendant  six 
mois,  après  quoi  il  dit  au  juge  :  «  Je  te  demande  de  retourner 
dans  mon  pays.  »  Et  celui-ci  répondit  :  «  Que  te  manque-t-il 
près  de  moi  ?  et  en  vérité  je  te  considère  comme  ma  famille  et 
mes  proches  et  je  prends  courage  près  de  toi.  »  Mais  il  dit  encore  : 
«  Je  veux  retourner  dans  mon  pays.  » 

Il  retourna  dans  le  désert  et,  comme  il  le  racontait,  il  y  trouva 
les  cadavres  de  beaucoup  d'hommes  dévorés  par  les  bêtes;  il 
se  nourrissait  des  racines  qu'il  trouvait  dans  ce  désert  et  buvait 
l'eau  qu'il  rencontrait.  Quand  il  revint  à  Jérusalem  et  y  eut 
prié,  il  eut  l'idée  de  descendre  sur  le  rivage  de  la  mer  et  entra 
à  Tripoli  (3).  Il  y  eut  commerce  avec  une  femme  qui  vendait 
des  légumes  et,  par  l'opération  de  Satan,  il  pécha  et  tomba  avec 
elle,  et  abandonna  ainsi  la  conduite  qu'il  avait  eue  jusque-là.  — 

on  peut  croire  que  c'est  un  moine  du  monastère  de  Mar  Blaron,  puisque  c'est  là 
que  le  bienheureux  termina  ses  jours. 

(1)  Le  texte  porte  :  vaXiîo/  ^  o^K-;».  Le  mot  Jérusalem  acte  restitué  (à  tort 
sans  doute)  postérieurement. 

(2)  pu; 

(3)  oaivilvi. 


OPUSCULKS    MARONITES.  339 

Il  partit,  vint  dans  sa  ville  et  alla  dans  l'un  des  bains  publics  (1). 
Des  hommes  qui  l'avaient  connu  quand  il  était  sur  l'arbre  lui 
demandèrent  :  «  N'es-tu  pas  le  bienheureux  qui  demeurait  sur 
un  cyprès  dans  le  village  de  Ir'enin?  »  Mais  lui,  plein  de  honte, 
répondait  :  «  Je  ne  le  suis  pas.  »  Enfin  il  se  repentit,  des  larmes 
amères  coulèrent  de  ses  yeux  sur  ses  prévarications  et  il  ne  sa- 
vait que  devenir. 

Il  monta  sur  la  montagne  qui  est  à  l'occident  du  monastère 
du  bienheureux  Mar  Maron  (2),  (arriva)  près  d'un  périodeute  (3) 
d'heureuse  mémoire  et  lui  raconta  tout  ce  qui  s'était  passé  :  son 
ancienne  gloire  et  sa  chute  dernière  ;  il  lui  demanda  ce  qu'il 
devait  faire.  Après  l'avoir  entendu,  le  périodeute  lui  dit  :  «  Je 
te  conseille  de  descendre  (4)  à  ce  monastère  de  saint  Mar 
Maron  le  bienheureux,  d'y  demeurer  et  d'y  pleurer  tes  pé- 
chés. Car  on  trouve  là  une  vie  monastique  qui  fait  faire  com- 
plètement pénitence  des  péchés  commis;  pour  tout  dire  en  un 
mot  :  on  y  trouve  la  pratique  excellente  de  la  perfection.  » 

Il  partit  aussitôt,  arriva  à  ce  monastère  au  milieu  de  la  nuit 
et  trouva  la  porte  fermée.  Il  pria  en  versant  des  larmes  amères 
et  dit  :  «  Seigneur  propice  et  miséricordieux,  patient  et  plein  de 
bonté  et  de  justice,  qui  ne  veux  pas  la  mort  d'un  misérable 
pécheur  comme  moi,  mais  bien  qu'il  se  convertisse  et  vive,  ne 
détourne  pas  ta  face  du  péché  qui  t'a  fâché,  mais  si  tu  veux  que 
je  vive,  que  cette  porte  s'ouvre  d'elle-même  devant  moi.  » 

Il  mit  la  main  sur  la  porte,  mais  il  en  sortit  comme  une 
force  qui  le  repoussa  en  arrière.  Il  pria  de  nouveau  et  versa 
des  larmes  amères,  puis  avança  de  nouveau  la  main  ;  il  fut  encore 
repoussé  et  tomba.  Il  se  releva  une  troisième  fois,  pria  en  ver- 
sant beaucoup  de  larmes,  puis  approcha  la  main  de  la  porte  qui 
s'ouvrit  devant  lui.  Il  entra  en  priant  et  arriva  à  la  porte  de 
l'hôtellerie  (5)  qui  était  là.  Il  regarda  avec  soin  tout  ce  que  le 
périodeute  lui  avait  annoncé  (par  avance)  et  ses  yeux  ne  ces- 
saient de  verser  des  larmes  quand  le  moine  chargé  de  recevoir 


(1)  ^u\^. 

(2)  Voir  lo  texte  ci-après.  Le  ms.  poj'te  ^ôpo. 

(3)  ^^ii\^. 

(4)  Icv-J... 

(•6)  y,.-\...i;QXQ3f  =  lEvoSoyetov. 


340  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

les  étrangers  (1)  vintet  lui  demanda:  «  D'où  es-tu?  Qu'as-tu  fait? 
Pourquoi  verses-tu  tant  de  larmes  et  d'où  vient  ta  grande  dou- 
leur? » 

Il  lui  raconta  son  histoire  :  «  Je  suis  celui  dont  vous  avez  en- 
tendu parler.  Je  demeurais  sur  un  arbre  dans  le  village  de  Ir'enin, 
mais  Satan  m'a  fait  pécher  et  j'ai  fait  une  lourde  chute.  »  A  ces 
paroles  le  bienheureux  fut  plein  d'étonnement  et  alla  conter  le 
tout  au  supérieur  du  monastère.  Celui-ci  ordonna  de  le  rece- 
voir chez  les  frères  (2),  et  il  pratiqua  dans  ce  monastère  les 
bonnes  actions  et  le  naziréat,  le  jeûne  et  la  prière.  Il  entrait  le 
premier  à  l'office  et  en  sortait  le  dernier.  Il  suppliait  Dieu  jour 
et  nuit,  avec  des  larmes  sans  fin,  de  lui  remettre  ses  péchés  et  de 
ne  pas  le  priver  du  fruit  de  ses  anciennes  bonnes  actions.  — 
Il  vécut  trois  ans  dans  le  monastère  et  s'endormit  dans  le  Mes- 
sie, plein  de  bonnes  actions.  —  Et  Notre-Seigneur  montra  que 
ses  péchés  lui  étaient  pardonnes  et  qu'il  était  revenu  à  son  an- 
cienne perfection,  car  au  moment  où  les  frères  du  monastère 
passaient  et  lui  donnaient  la  paix  (3),  un  frère  qui  souffrait  d'un 
œil,  après  lui  avoir  donné  la  paix,  vit  cet  œil  s'ouvrir  et  devenir 
comme  l'autre.  Tous  les  témoins  louèrent  Dieu  qui  reçoit  les 
pénitents  et  ceux  qui  crient  à  sa  porte,  et  tous  comprirent  que 
ce  bienheureux  était  mort  dans  le  même  état  de  perfection 
qu'il  avait  eu  auparavant. 

Que  Notre-Seigneur  nous  donne  aussi  les  œuvres  de  la  crainte 
de  Dieu  afin  que,  grâce  à  sa  bonté,  nous  allions,  malgré  nos 
fautes,  le  voir  face  à  face  et  que  nous  trouvions  grâce  devant  lui. 
A  lui  la  gloire,  l'honneur  et  la  bénédiction,  ainsi  qu'à  son  Père 
béni,  et  à  l'Esprit  vivant  et  saint,  maintenant,  toujours  et  dans 
les  siècles  des  siècles.  Amen. 

Fin  de  l'histoire  d'un  bienheureux  qui  demeurait  sur  un 
arbre  (4). 

(1)  .  rr>no>jQ.cD  ^=  ^ivoooyo^. 

(2)  Pi/  i^. 

(3)  PiûijL. 

(4)  Cette  histoire  semble  avoir  été  imitée  et  rendue  plus  édifiante  encore  dans 
le  ms.  235,  fol  8(^-82. 

L'auteur  )-encontre  un  saint  qui  demeurait  sur  un  arbre  et  avait  constamment 
devant  lui  une  tète  de  mort  qu'il  interpellait  souvent.  Il  lui  demande  ce  que  cela 
signifie.  Le  saint  répond  qu'il  est  le  fils  unique  d'un  roi.  Il  quitta  la  cour  à  l'âge 
de  25  ans  et  se  retira  dans  un  monastère.  Son  père  mit  toutes  ses  troupes  en 


OPUSCULES    MARONITES.  341 

|^,.Do^  )a*  .^—  )..-w^Q^;;)._3  lob.  .vOV^  ^V-^  l-J^-^^? 
I    *  N^   w.oia2L^:ïeu9   oi^  )ooi  vpn  ■.o>^o  .)K.^v^/   |K^a2Lioo 

V^c^  ^-iol  K^l   .^*o(^--  ^^i.  ).«û.ilo  ^_^1  )ooilo  |~Lsa^ 

),-jL  ^o  .OI...JL2LI  ioi,  ^JbO  )._JO|  1-i.U  ^-^  s-^K-âKj  )_->*/» 
ot-<^  ..joo  >Ot  v>  JL—-:.  ot  1  v>  oa^Lj  .)-^îi;  s^oio^b.  oif — ./ 
^o-ûoo  Jv-po  jbw^f^  s-^'Jo  JIql^^  ^jo  ooio  ♦  oi»K  m  >i\ 

.«N  .  i»(^rr^'\l»     OOI    \.-^ji    ^%kJS.    oK.*0    .  oi^^O    ^^iwO    v^Kâl/ 

>.«\  .j  •>  )ooi  )L-_û„^K_io  )K«»î    )ia^^j^_^iu»o  .^iol;  ^oi 

campagne  pour  le  retrouver,  arriva  au  monastère,  le  reconnut  et  linit  par  se  dé- 
cider, lui  aussi,  à  y  terminer  ses  jours.  Après  sa  mort,  son  fils  monta  sur  cet  arbre 
et  n'en  descendit  plus.  Il  prit  la  tète  de  son  père  avec  lui.  —  Cette  histoire  ainsi  am- 
plifiée n'a  plus  aucun  caractère  d'authenticité  et  peut  être  la  rédaction  d'une  lec- 
ture spirituelle  improvisée  par  un  supérieur  quelconque  d'un  couvent  quelconque. 


342  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN, 

Olio^    Ot^    oK-i    ^^1    )oO|    K^/9    ^9    vfiDQ.£f_Ja..£DO    .  loOf 
QJL^OO    .y,   i\    \a-flO    O    I    VIO    .y^j^/     ^^9     .oî^    )oO|    "^jjL^OO 

{Fin  du  texte  concernant  le  monastère  de  St-Maron.) 


HISTOIRE  DE   MAR  SEVERE 

PATRIARCHE    d'aNTIOCIIE    (r)12-518)    (1). 

Cette  histoire  fut  écrite  par  Zarlutrie  le  Scolastique  (2),  qui  étudia  avec  lui, 
d'abord  à  Alexandrie,  puis,  plus  tard,  pour  l'étude  des  lois,  à  Beyrouth. 

CHAPITRE  PREMIER 

OCCASION   ET    RUT    DE    CETTE    HISTOIRE. 

1.  D'où  viens-tu  aujourd'hui,  ô  ami  et  camarade  (3)?  —  Je 
viens  du  portique  impérial,  pour  te  demander  de  me  renseigner 
au  sujet  de  quelques  questions  que  je  veux  te  poser.  J'ai  été 

(U  On  trouvera  surtout  ici,  comme  on  pourra  le  constater,  une  autobiographie 
de  Zacharie,  écrite  en  grec,  à  Constantinople,  entre  512  et  518.  Il  est  à  regretter 
qu'elle  présente  quelquefois  des  longueurs  et  un  excès  d'épithètes  et  de  phrases 
incidentes.  Le  texte  ne  donne  aucune  division  et  représente  bien,  croyons-nous, 
«  le-langage  diffus,  propre  à  ramplification  grecque»,  que  Zacharie  aurait  encore 
employé  dans  son  histoire  adressée  à  Eupraxius  (Land,  Anecd.,  III,  p.  200,  1.  1-2; 
trad.  Krliger-Ahrens,  p.  99).  Nous  avons  divisé  l'ouvrage  en  chapitres  et  paragra- 
phes pour  en  rendre  la  lecture  plus  facile.  Les  chiffres  gras  renvoient  au  texte  de 
Spanuth. 

Ajoutons  enlin  que  cette  biographie  nous  donne  de  nombreux  détails  racontés 
par  un  témoin  oculaire  que  l'on  sait  d'ailleurs  intelligent  et  instruit,  sur  des 
personnages  historiques  du  iv<=  et  du  V  siècle,  sur  leur  vie,  leurs  sentiments,  leurs 
luttes;  sa  lecture  s'impose  donc  à  tous  les  historiens  qui  s'occupent  de  Zacharie  et 
de  Sévère  d'Antioche  ou  des  luttes  entre  païens  et  chrétiens,  puis  entre  monophy- 
sites  et  orthodoxes,  en  Egypte  et  en  Palestine,  aux  iv^et  y"  siècle. 

(2)  Il  nous  reste  de  cet  auteur  une  histoire  dont  la  traduction  syriaque  est  ana- 
lysée par  Assemani,  B.  0.,  t.  Il,  publiée  et  traduite  par  ftlaï,  Scrlptorum  velerum 
nova  collectio,  t.  X,  publiée  d'une  manière  plus  complète  par  M.  Land,  Anecdola 
Syriaca,  t.  III.  La  traduction  de  Mai  est  reproduite  chez  IMigne,  P.  G.,  t.  LXXXV, 
où  l'on  trouve  en  plus  un  dialogue  De  mundi  opificio  de  Zacharie  le  Scolastique, 
lequel  est  appelé,  en  cet  endroit,  évèque  de  Jlitylène  (île  de  Lesbos).  Enfin  une 
traduction  anglaise  de  l'histoire  de  Zacharie,  par  MM.  Brooks  et  Ilamilton,  parait 
actuellement,  et  une  traduction  allemande  par  MM.  Kriiger  et  Ahrens  vient  de 
paraître  à  Leipzig  (Die  sogenannte  kirchengeschich/e  des  Zacharias  Jihetor.  collec- 
tion Teubner,  8-  de  xlv,  42  et  417  pages). 

(3)  Il  est  à  remarquer  que  Zacharie  a  déjà  donné  la  forme  du  dialogue  à  son 
ouvrage  De  mundi  opificio. 


344  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

troublé  par  un  libelle  qui  paraît  être  d'un  homme  qui  a  la  foi 
des  chrétiens,  mais  semble  plutôt  soucieux  de  vilipender  ce  qui 
les  touche.  —  Raconte  comment  cela  (est  arrivé)  et  de  quelle 
manière  tu  es  tombé  sur  ce  libelle.  —  Je  parcourais  les  livres 
des  scribes  qui  sont  sous  le  portique  impérial,  comme  tu  sais 
que  j'aime  à  le  faire,  alors  l'un  de  ceux  qui  vendent  des  livres 
me  donna,  pour  le  parcourir,  le  libelle  dont  je  viens  de  parler  ; 
il  renferme  des  opprobres,  des  calomnies,  des  injures  et  des 
moqueries  contre  un  philosophe  que  tu  connais  depuis  long- 
temps, qui  brille  dans  l'épiscopat,  qui  s'est  distingué  jusqu'ici 
par  une  conduite  et  un  enseignement  pleins  de  crainte  de  Dieu 
et  de  vérité  ;  je  parle  de  Sévère,  qui  est  en  grande  estime  chez 
tous  ceux  qui  savent  rendre  hommage  au  bien  en  dehors  de 
toute  acception  de  personne.  Depuis  lors  j'ai  l'esprit  très  in- 
quiet. —  Si  tu  as  une  si  bonne  opinion  de  cet  homme  (Sévère), 
ô  mon  camarade,  pourquoi  t'occupes-tu  de  ce  détracteur  et 
de  ce  calomniateur,  quel  qu'il  soit?  Il  semble,  d'après  ce  que 
tu  en  dis,  qu'il  n'adhère  aux  chrétiens  qu'en  apparence  et 
avec  hypocrisie,  mais  a  surtout  souci  de  louer  les  choses  des 
païens;  il  ne  cherche  qu'à  leur  donner  des  éloges  pour  mé- 
priser par  là  ceux  qui  sont  confirmés  dans  la  perfection  et 
auxquels  il  est  déjà  arrivé  à  cette  époque  d'être  consacrés  à 
Dieu,  grâce  à  toute  la  philosophie  (chrétienne)  qu'ils  ont  dé- 
ployée. —  Je  ne  suis  pas  venu  pour  te  raconter  ce  qui  a  été 
écrit  si  méchamment,  et  je  n'y  adhère  pas,  mais  mon  âme 
souffre,  comme  je  l'ai  dit,  de  crainte  que  des  hommes,  lisant 
cela  en  toute  simplicité,  n'en  arrivent  à  prendre  une  telle  opi- 
nion de  l'évêque.  Si  donc  tu  as  souci  de  la  vérité,  et  tu  en  as 
souci,  raconte  sa  conduite  depuis  sa  jeunesse,  pour  la  gloire  du 
Dieu  grand  et  de  notre  sauveur  Jésus-Christ,  près  duquel  se 
trouvent  ceux  qui  ont  pratiqué  le  sacerdoce  et  la  philosophie, 
(je  parle  de)  la  vraie  philosophie.  Tu  ajouteras  de  quelle  ville  il 
est,  de  quel  peuple,  de  quelle  famille,  si  tu  connais  tout  cela  à 
son  sujet.  Mais  avant  tout  (tu  nous  diras)  comment  il  s'est  con- 
duit, et  comment,  dès  son  enfance,  il  s'occupa  de  Dieu,  car  le 
détracteur  le  calomnia,  non  seulement  au  sujet  de  sa  vie  et  de 
ses  actes,  mais  parce  qu'il  servait  d'abord  les  mauvais  démons 
et  les  idoles;  il  dit  qu'il  prit  part  aux  sacrifices  païens  en  Phé- 
nicie,  lorsqu'il  y  étudiait  les  belles-lettres  et  les  lois.  —  Il  faut 


OPUSCULES  MAHONITRS,  345 

seulement  nous  préoccuper  de  la  vérité,  et  non  du  mépris  qu'un 
homme,  ramassant  des  imputations  mensongères,  veut  jeter 
sur  les  actions  d'autrui,  car  ces  imputations  contre  ceux  qui 
vivent  dans  la  perfection  sont  habituelles  au  démon,  aux  mau- 
vais diables  et  à  leurs  amis,  et  il  ne  faut  pas  nous  étonner  que 
Satan  donna  son  nom  aux  serviteurs  du  Messie,  Dieu  de  l'univers, 
puisque,  au  temps  où  la  cause  créatrice  et  effective  de  l'univers 
vint  près  de  vous,  il  persuada  aux  juifs  de  blasphémer  en  di- 
sant :  «  C'est  par  Béelzébuth,  prince  des  démons,  qu'il  chasse 
les  démons  (1)  ^  ;  cependant,  puisque  tu  crains  que  des  hommes 
simples  ne  soient  scandalisés  par  ce  libelle,  je  raconterai  ce  qui 
le  concerne,  par  respect  pour  la  vérité  et  pour  ton  amitié,  puis- 
que je  me  trouvai  avec  lui  depuis  son  enfance  (2)  à  Alexan- 
drie et  en  Phénicie,  j'y  entendis  les  mêmes  maîtres  et  parta- 
geai la  même  habitation.  Et  ceux  qui  étudiaient  avec  nous  et 
vivent  encore,  et  ils  sont  nombreux,  peuvent  témoigner  de  la  vé- 
rité de  ce  que  nous  allons  raconter. 

(1)  Math.,  XII,  24. 


CHAPITRE  DEUXIEME 

SÉVÈRE  ET  ZACHARIE  A  ALEXANDRIE. 

2.  Origine  de  Sévère.  —  3.  Il  rencontre  Zacharie  à  Alexandrie.  —  4.  His- 
toire de  Pralius  d'Aphrodisias,  commencement  de  sa  conversion.  —  5, 
Supercherie  d'un  certain  Scléfidotus  qui  prétend  avoir  obtenu  un 
enfant  d'Isis.  —  6.  Pralius  va  consulter  Isis,  sa  conversion.  —  7.  Cause 
de  la  destruction  du  temple  d'Isis  à  Manoutin.  —  8.  Destruction  de  ce 
temple  et  des  idoles.  —  9.  Découverte  de  la  supercherie  de  Scléfidotus. 
—  10.  Baptême  de  Pralius.  —  11.  Lettre  qu'il  écrit  à  ses  frères.  —  12. 
Sa  mort.  —  13.  Sévère  ne  fut  jamais  du  parti  des  païens. 

2.  Cet  illustre  Sévère  était,  par  sa  famille,  de  Pisidie;  sa 
ville  était  Sozopolis,  celle  du  moins  qui  lui  échut  après  la 
première,  d'où  nous  avons  tous  été  expulsés  après  la  préva- 
rication d'Adam,  et  vers  laquelle  Tapôtre  divin  nous  appelle 
de  nouveau  quand  il  dit  :  «  Nous  n'avons  pas  ici  de  ville  per- 
manente, mais  nous  tendons  vers  celle  qui  doit  venir,  dont 
Dieu  a  été  l'architecte  et  le  fondateur  (I).  »  Il  fut  élevé  par  des 
parents  illustres,  comme  l'ont  dit  ceux  qui  les  ont  connus;  ils 
descendaient  (2)  de  Sévère,  qui  fut  évêque  de  cette  ville  au 
temps  du  premier  concile  réuni  à  Ephèse  contre  l'impie  Nes- 
tor ius  (3).  Après  la  mort  de  son  père  qui  faisait  partie,  avec  la 
mère  devenue  veuve,  du  sénat  de  leur  ville,  il  fut  envoyé  à 
Alexandrie,  avec  ses  deux  frères,  plus  âgés  que  lui,  pour  y  ap- 
prendre la  grammaire  et  le  rhétorique,  en  grec  et  en  latin.  La 
coutume  du  pays  était,  comme  certains  me  l'ont  dit,  de  ne 

(1)  Hébreux,  xiii,  14;  xi,  10. 

(2)  ,ç,i.A.I!ooj . 

(3)  En  431.  L'évoque  était  son  grand-père.  (Cf.  Revue  de  l'Or,  chr.,  1897,  p.  466, 
et  Land,  Anecd.  sy7\,  I,  p.  113.)  —  Ces  auteurs  ne  nous  apprennent  pas  si  le  grand- 
père  de  Sévère  (on  trouve  à  tort  dans  Land  :  le  père)  ne  fut  évêque  qu'après  la 
mort  de  sa  femme  ou  s'il  la  quitta.  Peut-être  la  loi  ecclésiastique  du  célibat 
n'existait-elle  pas  dans  cette  région  et  s'en  tenait-on  encore  au  texte  de  saint 
Paul  :  Oporlet  ergo  eplscopum  irreprehensibilem  esse,  unius  uxoris  virum,  sobrium, 
prudenlem...  «  Il  faut  donc  que  l'évêque  soit  irrépréhensible,  mari  d'une  épouse, 
sobre,  prudent...  »  I  Timoth.,  m,  2. 


OPUSCULES    MARONITES.  347 

s'approcher  du  saint  baptême,  à  moins  de  nécessité  pressante, 
({ua  l'âge  mûr  (1);  aussi  lui  et  ses  frères  étaient  encore  caté- 
chumènes (2)  quand  ils  vinrent  à  Alexandrie  pour  la  cause 
susdite,  au  temps  où  j'y  étais  pour  le  même  motif,  et  y  avais 
pris  demeure. 

3.  Les  trois  frères  allèrent  d'abord  près  de  Jean  le  Sophiste, 
nommé  Samgraphos  (3),  puis  auprès  de  Sopater  (4),  renommé 
pour  l'art  de  la  rhétorique,  et  auquel  tout  le  monde  rendait 
grand  témoignage.  Il  arriva  qu'à  cette  époque  je  vins  aussi  près 
de  lui  ainsi  que  Mennas  {u\^);  celui-ci  était  un  homme  digne  de 
mémoire,  qui  aimait  le  Messie,  et  chacun  rendait  témoignage  de 
son  orthodoxie,  de  sa  modestie,  de  sa  pureté  éminente,  de  son 
humanité  et  de  ses  bienfaits  envers  les  nécessiteux.  Il  était  de 
ceux  qui  sont  assidus  dans  la  sainte  Église  et  que  les  habitants 
ù' Alexandrie,  selon  la  coutume  du  pays,  ont  l'habitude  d'ap- 
peler 'iHKOT.z^oi  (5).  Quand  nous  fûmes  rendus  ainsi  à  cette  de- 
meure et  à  cet  enseignement,  nous  admirâmes  l'acuité  de  la 
nature  de  l'admirable  Sévère  et  son  application  à  l'étude.  Il 
apprit  en  peu  de  temps  à  bien  parler,  occupé  constamment 
qu'il  était  à  relire  les  enseignements  des  anciens  rhéteurs  pour 
y  puiser  leur  belle  diction  et  leur  science  ;  son  esprit  ne  s'occu- 
pait de  rien  autre,  jamais  de  ce  qui  séduit  la  jeunesse,  mais 
seulement  de  la  science,  et,  par  zèle  pour  celle-ci,  il  s'éloignait 
de  tout  spectacle  blâmable. 

Nous  regrettions  alors  qu'une  telle  intelligence  n'eût  pas  été 
favorisée  du  divin  baptême,  du  moins  lui  conseillâmes-nous 
d'opposer  aux  discours  de  Libanius  le  Sophiste,  qu'il  admirait 
parmi  les  anciens  rhéteurs,  les  réfutations  des  illustres  évêques 
Basile  et  Grégoire,  et  d'arriver,  â  l'aide  de  la  rhétorique  qu'il 
aimait,  à  la  gloire  et  à  la  philosophie  de  ceux-ci  (6).  Ces  paroles 
lui  plurent,  et  il  en  arriva  à  partager  complètement  les  idées 
de  ceux-ci;  il  loua  bientôt  les  lettres  &&  Basile  à  Libanius  (7), 

(1)  Cet  usage  subsistait  donc  encore  après  le  milieu  du  v-  siècle. 

(2)  Mot  à  mot  :  écoutants,  y^aScLx.  C'était  la  première  classe  des  catéchumènes. 

(3)  .joaay^Nnm  (IrifiEioYpâipo;?).. 

(5)  La  suite  l'Iiistoire  montrera  l'importance  de  cette  ligue  de  zélateurs.  Elle 
contribua  surtout  à  la  destruction  du  temple  de  Manoutin. 

(6)  On  remarquera  cette  propagande  discrète  entre  étudiants. 

(7)  CL  Migne,  F.  G.,  t.  XXXU. 


348  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

après  lesquelles  Libanius  avoua  qu'il  était  vaincu  par  Basile 
et  attribua  la  victoire  à  ces  lettres  (1).  Pendant  qu'il  était  ainsi 
plongé  dans  les  livres  et  méditations  de  l'illustre  Basile,  Mennas, 
mon  ami,  dont  tout  le  monde  louait  l'amour  de  Dieu,  et  qui 
recherchait  les  belles  actions,  me  dit  en  prophétie,  comme  l'évé- 
nement le  montra  :  «  Celui-ci  brillera  parmi  les  évêques, 
comme  saint  Jean  auquel  a  été  confié  le  gouvernail  de  l'Église 
de  Constantinople.  »  Cela  était  dit  de  Sévère  encore  enfant  ; 
Dieu ,  qui  seul  connaît  l'avenir,  le  révélait  à  une  àme  qui 
l'aimait. 

4.  Peu  après  arrivèrent  les  affaires  de  Pralius  (u»a^;^)  et  du 
grammairien  Horapolon  (^oi.a3joo,)  (2);  elles  montrèrent  qu'il 
(Sévère)  était  innocent  de  l'accusation  portée  contre  lui  au 
mépris  des  lois  divines,  par  ce  détracteur  et  ce  calomniateur. 
Je  vais  raconter  l'origine  de  ces  affaires  : 

Ce  Pralius  était  cVAphrodisias  (3)  qui  est  la  métropole  du 
peuple  de  Carie;  il  avait  trois  frères,  mais  deux  partageaient 
l'erreur  des  païens,  et  se  rendaient  propices  les  mauvais  démons 
par  des  invocations,  des  sacrifices,  des  incantations  et  par  des 
opérations  magiques.  Le  dernier,  je  parle  cVAthanase,  homme 
de  Dieu,  choisit  la  vie  monacale  à  Alexandrie,  (au  monastère) 
appelé  Enaton  (3),  avec  l'admirable  Etienne.  Après  la  première 
éducation,  et  après  avoir  étudié  les  lois  civiles  en  Phénicie,  il 
vint  pour  certaine  affaire  à  Alexandrie  et  y  rencontra  Etienne, 
dont  je  viens  de  parler,  qui,  depuis  son  enfance,  était  fervent 
dans  la  crainte  de  Dieu,  et  préparait  alors  le  grade  de  sophiste, 
c'est-à-dire  de  docteur.  Il  leur  plut  en  même  temps  d'aban- 
donner les  vaines  espérances  de  la  charge  de  Ar/.xvix-ô  (1)>  et, 
comme  par  une  inspiration  de  Dieu,  tous  deux  reçurent  le  joug 
de  la  vraie  philosophie  du  grand  Salomon,  lequel,  à  cette  épo- 
que, dirigeait  ceux  qui  faisaient  la  philosophie  dans  ce  monas- 


(1)  Migne,P.  G.,  t.  XXXII,  lettre  338. 

(2)  On  suppose  que  ce  mot  est  composé  de  deux  noms  de  dieux  :  Ilorus  et 
Apollon.  Voir  ci-dessous,  g  8,  un  jeu  de  mot  à  son  sujet. 

(3)  A  neuf  milles  d'Alexandrie  ('Eva-rov). 

(4)  On  lit  en  marge  du  Ms.  :  <■  On  appelle  tZi/iam'/ce  la  charge  de  scolastique  (avo- 
cat). ..  Sur  le  sens  du  mot  scolastique,  cf.  Migne,  P.  G.,  t.  LXXXV,  col.  1014,  note  C. 
On  verra  que  le  mot  axolot.Gziv.ôi,  après  avoir  signifié,  d'après  son  étymologie,  oisif, 
désœuvré,  a  désigné  les  avocats.  Le  mot  propre  en  grec  pour  signifier  avocat  est 
Aixavô;,  d'où  vient  l'adjectif  dtxavtxô;  transcrit  ci-dessus  dans  le  syriaque. 


OPUSCULES    MARONITKS.  349 

tèrc;  c'était  un  homme  à  l'esprit  sain,  qui  brillait  dans  les  per- 
fections du  monachisme. 

Praliiis,  après  avoir  été  élevé  chez  lui  par  ses  autres  frères 
à  la  manière  des  païens,  vint  à  Alexandrie  pour  y  apprendre 
la  grammaire.  On  lui  avait  bien  recommandé  de  n'échanger 
pas  môme  une  parole  avec  Athanase,  dont  je  viens  de  parler. 
Il  alla  donc  près  du  grammairien  Ilorapolon,  homme  qui  pos- 
sédait bien  son  art  et  l'enseignait  brillamment,  mais  apparte- 
nait à  la  religion  païenne  et  était  captivé  par  les  démons  et  la 
magie.  Pralius  ensuite  adhéra  encore  davantage  à  la  religion 
païenne;  il  adonnait  son  esprit  aux  sacrifices  païens  à  la  suite 
de  son  maître.  Enfin,  vaincu  par  la  nature,  il  désira  voir  un 
instant  son  frère  Athanase;  il  alla  donc  au  monastère  de  Sa- 
lomon,  et  fut  captivé  par  le  couple  sacerdotal  :  Etienne  et 
Athanase.  Il  leur  posa  beaucoup  d'objections  et  de  questions, 
mais  ils  les  résolurent  facilement  avec  la  force  de  l'esprit  di- 
vin, car  Etienne  était  très  instruit,  il  connaissait  très  bien  les 
sciences  divines  et  suffisamment  les  sciences  profanes.  Et 
comme  il  connaissait  les  nombreux  ouvrages  où  les  docteurs  de 
l'Église  combattent  les  païens,  il  reçut  de  Dieu  la  grâce  de 
vaincre  nécessairement  ceux-ci  par  la  parole  ;  et  son  zèle  pour 
la  gloire  de  Dieu  le  faisait  ressembler  à  Élie.  Après  qu'il  eut 
résolu  les  objections  sophistiques  des  païens  contre  les  chrétiens, 
il  attaqua  à  son  tour,  reprochant  les  ignominies  des  païens,  les 
turpitudes  de  leurs  dieux,  les  oracles  trompeurs  de  leurs  divi- 
nités multiples,  leurs  réponses  obscures  et  entortillées  pour  la 
connaissance  de  l'avenir  et  les  autres  tromperies  de  ces  mêmes 
démons.  Et  il  conseilla  (à  Pralius)  de  porter  ces  explications 
à  ceux  de  chez  Horapolon,  Hériscus  (^q^i^ïi.;o,),  Scléfidotus 
(.r«^f^o,.a\r.^)),  Amonius  (.m^a^oo/)  (1),  Isidore  et  leurs  autres  phi- 
losophes, puis  de  prononcer  un  juste  jugement  sur  ce  qu'on 
aurait  dit  des  deux  côtés.  Quand  Pralius  se  fut  adonné  pendant 
plusieurs  jours  à  ces  conversations,  il  trouva  que  celles  des 
païens  étaient  faibles  et  sans  consistance;  il  arriva  du  reste  en 
plus  un  fait  qui  mérite  d'être  raconté  et  écrit  : 

(1)  Dans  le  dialogue /)eil/u?idï  opicifio,Mign(^,P.G.,  t.  LXXXV,  col.  1101,  Zacliarie 
controverse  à  Beyrouth  avec  un  disciple  du  phiIosoph(^  alexandrin  Ammonius.  11 
avait  déjà  controversé  à  Alexandrie  avec  Ammonius  lui-même  (col.  1015);  c'est 
probahlement  celui  dont  il  est  question  ici. 


350  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

5.  Scléfidotus  d'Alexandrie ,  qui  s'adonnait  aux  prestiges 
et  à  la  magie,  et  invoquait  les  démons,  était  admiré  des  païens 
à  cause  de  sa  philosophie.  Il  demanda  à  Baalschemé  (1), 
qui  à  cette  époque  se  glorifiait  fort  des  honneurs  et  du 
pouvoir  que  le  roi  lui  avait  donnés,  et  qui  apportait  les 
tributs  (prémices)  du  sénat  cVAphrodisias,  de  lui  donner  sa 
fille  pour  femme.  Il  passa  beaucoup  de  temps  en  Carie  avec 
cette  femme  et  désirait  avoir  des  enfants,  mais  son  désir  ne 
fut  pas  accompli.  Dieu  lui  donna  ainsi  une  femme  stérile  et 
pas  d'enfants,  pour  le  punir  de  son  zèle  à  prendre  part  aux 
mauvaises  actions  de  la  magie;  et  comme  son  beau -père 
souffrait  d'être  privé  d'enfants,  il  consulta  un  oracle,  ou  plutôt 
il  fut  trompé  par  le  démon  qui  est  figuré  dans  Isis,  qui  lui 
promit  progéniture  s'il  allait  avec  sa  femme  à  son  temple  de 
Manoutin  (^taj^y»).  C'est  un  village  à  quatorze  milles  à'A- 
lexandrie  près  du  village  nommé  Canopus  {s^o^y:^)  (2).  Il  per- 
suada à  son  beau-père  de  lui  laisser  emmener  sa  femme;  (4) 
il  irait  avec  elle  dans  ce  temple,  et  il  promit  de  revenir  avec 
elle  et  avec  le  fils  qu'elle  aurait. 

Scléfidotus,  après  avoir  trompé  Baalschemé,  vint  à  Alexan 
drie,  et,  après  être  demeuré  un  certain  temps  à  Manoutin 
et  y  avoir  offert  beaucoup  de  sacrifices  aux  démons,  il  trouva 
que  cela  ne  servait  à  rien,  car,  même  en  cet  endroit,  sa 
femme  demeurait  stérile.  Il  crut  alors  voir  en  songe  Isis,  qui 
venait  près  de  lui,  et  il  apprit  de  ceux  qui  interprétaient  les  son- 
ges et  servaient  ce  démon  figuré  par  Isis  qu'il  lui  fallait  avoir 
commerce  {^o^y^)  avec  l'idole  de  celle-ci,  et  ensuite  de  la  même 
manière  se  trouver  avec  sa  femme,  ainsi  il  lui  naîtrait  un  fils. 
Ce  philosophe  crut  à  une*telle  tromperie,  et,  comme  le  prêtre 
qui  le  conseillait  depuis  le  commencement  le  raconta  à  la  fin, 
il  eut  commerce  avec  une  pierre  qui  avait  la  forme  d'Isis, 
puis  avec  sa  femme,  et  celle-ci  demeura  stérile.  Enfin  ce 
prêtre  lui  conseilla  d'aller  avec  sa  femme  seule  au  village  d'yls- 
tou  (q^^/),  d'y  demeurer  quelque  temps  et  d'adopter  pour  fils 
celui  qu'avait  eu  depuis  peu  la  prêtresse  de  sa  race;  il  lui  lit 

(1)  ©-.iflLii  "^va:^,  mot  à  mot  :  «  le  maître  de  son  nom,  liomonyme  ». 

(2)  Aujourd'hui  Aboukir.La  forme  syriaque  Manoutin  au  lieu  de  l'égyptien  Ma- 
nouti  ne  peut  guère  s'expliquer  que  par  une  ti-anscription  d'un  accusatif  grec  : 
MavouTÎv. 


OPUSCULES    MARONITES.  351 

croire  que  telle  était  la  volonté  des  dieux  et  celle  des  destins. 
Celui-ci  crut  encore  à  ce  conseil;  il  partit  avec  sa  femme, 
personne  ne  les  accompagnant;  il  trouva  la  mère  du  nour- 
risson, lui  donna  une  certaine  somme  d'argent,  et  prit  son 
lils.  Il  revint  à  Alexandrie  après  quelque  temps,  et  raconta 
qu'une  femme  stérile  depuis  si  longtemps  venait  d'engendrer, 
de  sorte  que  tous  ceux  qui  adhéraient  à  l'erreur  des  païens  se 
glorifiaient  beaucoup  de  cette  fable,  et  louaient,  comme  pour 
un  fait  authentique,  et  Isis  et  son  jjourg  Maiioulin,  où  un 
homme  bien  inspiré  cacha  le  temple  à' Isis  sous  le  sable,  aussi 
Ton  n'en  voit  plus  de  trace. 

Pralius  crut  que  cette  fable  menteuse  était  vraie,  et  vint  la 
raconter,  comme  une  chose  importante,  à  son  frère  et  à  ceux 
qui  étaient  avec  lui,  cette  démonstration  par  des  actes  étant 
plus  forte,  disait-il,  que  tous  les  arguments  de  raison,  et  il 
prônait  ce  fait  comme  un  prodige  païen  et  évident.  Quand  le 
divin  Etienne  entendit  raconter  cette  fable,  il  dit  à  Pralius  : 
«  Si  une  femme  stérile  a  enfanté,  ô  mon  cher,  il  a  dû  lui  venir 
du  lait,  et  il  convient  qu'ils  se  renseignent  à  ce  sujet  à  l'aide 
d'une  femme  honnête,  pure,  de  famille  connue  à  Alexandrie, 
qui  verra  venir  le  lait  et  leur  annoncera  ce  prodige,  afin  que 
Ton  ne  croie  pas  que  la  fille  d'un  homme  important  de  Carie 
et  la  femme  d'un  philosophe  s'est  moquée  (d'eux).  »  Cette  idée 
plut  à  Pralius,  qui  transmit  aux  philosophes  païens  la  de- 
mande des  moines,  mais  ceux-ci,  de  crainte  de  détruire  la 
fable,  dirent  à  Pralius  :  «  Tu  demandes  l'impossible,  tu  veux 
persuader  des  hommes  qui  adhèrent  fermement  et  n'ont  pas 
les  doutes  que  tu  leur  prêtes...  (1)  » 

6.  11  arriva  encore  un  autre  fait  :  quand  Pralius  était  à 
Manoutin,  il  vit  en  songe /.s/s,  c'est-à-dire  le  démon  adoré  sous 
cette  forme,  qui  lui  dit:  «  Défie-toi  d'un  tel,  c'est  un  magicien  »  ; 
or  celui-ci  était  venu  aussi  pour  apprendre  la  grammaire  et 
l'étudiait  près  du  même  maître;  il  alla  également  à  Manoutin  et 
le  démon  lui  dit  la  même  chose  au  sujet  de  Pralius.  Aussi  lors- 
que tous  deux  contaient  ces  visions  à  leurs  camarades  dans 
l'école  de  Horapolon  et  que  chacun  entendait  ce  que  l'autre 
disait   de  lui,  chacun   affirmait  qu'il  disait  la   vérité    et  que 

(1)  Nous  omettons  ici  quelques  lignes  qui  étaient  illisibles  dans  le  manuscrit. 


352  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

l'autre  mentait,  de  sorte  que  Pralius  se  rappela  l'enseigne- 
ment du  bienheureux  Etienne  et  la  tromperie  des  mauvais 
démons,  au  sujet  de  laquelle  Etienne  et  Athanase  lui  avaient 
beaucoup  parlé,  et  qu'ils  avaient  coutume  de  porter  les  hommes 
les  uns  contre  les  autres  parce  qu'ils  se  plaisent  toujours  dans 
les  guerres  et  les  disputes  et  sont  ennemis  de  la  paix.  —  Il 
voulut  en  savoir  la  vérité  (il  croyait  encore  aux  fables  (1),  et 
aux  erreurs  du  démon  de  cet  endroit,  et  tenait  que  son  com- 
pagnon mentait).  (5)  Il  alla  donc  à  Manoutin,  et  après  avoir 
offert  les  sacrifices  habituels  à  ce  démon,  le  supplia  de  lui  révéler 
si  c'était  lui  ou  bien  son  adversaire  qui  était  un  sorcier  et  s'il  était 
vrai  que  l'on  avait  rendu  un  tel  oracle  à  son  égard.  Mais  le 
démon,  comme  s'il  ne  pouvait  supporter  une  réprimande  hos- 
tile au  sujet  de  ses  divinations  et  du  mal  qu'elles  contiennent, 
ne  le  gratifia  d'aucune  réponse,  de  sorte  que  Pralius  le  sup- 
plia pendant  de  nombreux  jours  de  ne  pas  le  laisser  sans  ré- 
ponse, parce  qu'il  ne  cherchait  pas  à  s'éloigner  de  son  service 
ou  de  son  amitié  ni  de  celle  des  autres  dieux,  pourvu  qu'il  lui 
donnât  un  témoignage  à  ce  sujet;  mais  comme  ce  démon  con- 
tinua à  garder  le  silence  et  à  ne  plus  lui  montrer,  selon  la 
coutume,  l'hallucination  de  son  arrivée  (2),  il  fut  irrité  après 
cette  longue  attente  et  ces  nombreux  sacrifices  et  ne  douta  plus 
de  la  mauvaise  doctrine  des  démons  ;  il  louait  ceux  du  parti 
du  grand  Etienne  qui  lui  avaient  dit  la  vérité  à  ce  sujet  et  priait, 
comme  ils  le  lui  avaient  conseillé,  le  Créateur  de  l'univers;  il 
ajoutait,  comme  le  lui  avait  dit  le  grand  Etienne  :  «  Révèle-moi 
ta  vérité  et  ne  me  laisse  pas  tromper  par  ce  démon,  ami  de  la 
discorde,  qui  arme  les  hommes  les  uns  contre  les  autres,  et 
les  conduit  aux  rixes,  ni  par  les  autres  mauvais  démons  sem- 
blables à  lui.  »  On  lui  avait  conseillé  de  prier  le  Créateur  de 
l'univers  lorsqu'on  avait  voulu  l'éloigner  promptement  des 
dieux  des  païens  et  des  démons,  comme  Satiœne,  Jupiter,  Isis 
et  d'autres  analogues,  et  l'accoutumer  peu  à  peu  à  la  vraie 
doctrine.  Et  (on  lui  avait  dit)  de  ne  pas  reconnaître  d'autre 
Créateur  de  l'univers  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  par  le 
moyen  duquel  le  Père  fit  le  monde,  les  Principes,  les  Domina- 

(l)L'irePjj.  Co  passage  est  douteux. 

(2)    0)t^t^io>  I  .rnfcsiq. 


OPUSCrLES    MAROXITi:S.  35'> 

tions  et  les  maîtres,  comme  il  est  ôcrit.  Tout  était  en  lui,  dit 
l'orateur  divin,  et  rien  n'a  été  fait  sans  lui  (1). 

7.  Après  cette  prière,  Pra/ius  retourna  à  Alexandrie,  disant 
beaucoup  de  paroles  contre  les  Dieux  des  païens,  et  répétant 
avec  David  :  «  Tous  les  Dieux  des  nations  sont  des  démons, 
le  Seigneur  a  fait  le  ciel  (2).  »  Il  reprochait  à  ceux  de  chez  ho- 
rapolon,  à  Sclé/ldotus  et  à  Hériscus,  à  Amonius  (a»a.uLjoo/) , 
à  Isidore,  qui  devint  plus  tard  magicien  avoué  et  perturbateur, 
et  aux  autres  païens,  ce  qui  se  passait  à  Manoulin,  les  dé- 
bauches de  tout  genre  et  la  prostitution  de  la  prêtresse  d'/s/s, 
qui  se  prostituait  à  quiconque  le  voulait  et  ne  différait  ainsi 
en  rien  d'une  femme  publique  qui  s'offre  à  tout  venant.  Les 
élèves  de  Horapolon,  qui  professaient  les  erreurs  païennes,  ne 
purent  supporter  les  moqueries  et  les  reproches  de  Pralius, 
ils  tombèrent  sur  lui  dans  l'école  même  où  ils  étudiaient,  au 
moment  où  peu  de  chrétiens  étaient  dans  les  environs  et  après 
le  départ  de  Horapolon.  C'était  le  sixième  jour  de  la  semaine, 
appelé  vendredi  (i^^ov^.),  auquel  chacun  des  autres  maîtres  avait 
coutume  d'enseigner  et  d'expliquer  chez  lui.  Après  qu'ils  lui 
eurent  donné  un  grand  nombre  de  coups,  et  causé  des  contu- 
sions sur  la  tête  et  des  blessures,  pour  ainsi  dire,  par  tout  le 
corps,  il  put  enfin,  bien  qu'avec  peine,  car  il  était  robuste, 
échapper  en  partie  à  leurs  mains  ;  il  appela  alors  les  chrétiens 
à  son  aide,  tandis  qu'un  grand  nombre  de  païens  l'entouraient 
et  le  frappaient. 

F.  Nau. 
{A  suivre.) 

(1)  Jean,  i,  3. 

(2)  Ps.  xcv,  5. 


ORIENT    CHRETIEN. 


LA 

BÉNÉDICTION  LITURGIQUE  DES  RAISINS 


Dans  Tancienne  discipline  chrétienne,  les  fidèles  offraient  à 
l'église  «  les  prémices  du  pressoir,  de  l'aire  et  des  troupeaux  », 

Toiç  Upsjcriv  {Constitutions  apostoliques,  \u,  29)  (l).  Cette  pres- 
cription avait  été  posée  dans  les  mêmes  termes  par  l'auteur  de 
la  Didaché  (2),  mais  les  destinataires  de  cette  offrande  étaient, 
avant  l'établissement  de  la  hiérarchie  fixe,  les  «  prophètes  »,  ou, 
à  leur  défaut,  les  pauvres.  On  voit  de  plus,  dans  la  Didaché, 
l'offrande  des  prémices  rattachée  à  la  loi  mosaïque.  (Cf.  Exod., 
XXII,  29;  XXIII,  19;  Num.,  xviii,  12.)  C'est  pourquoi  une  certaine 
latitude  était  laissée  au  donateur,  là  où  la  loi  ancienne  n'avait 
rien  fixé.  On  détermina  postérieurement  que  les  offrandes  en 
nature,  du  blé,  de  l'huile,  du  vin,  des  fruits  et  de  la  laine,  se- 
raient employées  à  l'entretien  des  ministres  de  l'Église  (3).  Enfin, 
il  était  d'usage  d'apporter  ces  dons  à  l'autel,  et  la  liturgie  eut, 
dès  le  commencement,  des  formules  particulières  de  bénédic- 
tion pour  ces  prémices.  Le  texte  des  Constitutions  apostoliques  (A) 

(1)  PiTRA,  Juris  ecclesiastici  Grxcorum  historia  et  monumenta.  Romo,  1864,  t.  I, 
p.  364. 

(2)  nàcrav  c/lv  àTvapxYjv  Y£vvrj[J.âTa)v  )tjVOù  xai  à/,tovoç,  powv  te  xal  Tipoêâiwv  ôwasi;  xyjv 
à7tap7r;V  toi;  TipoçriTaii;*  aO-ot  vâp  eIgiv-oI  àpyjspeî;  ûjj-odv.  éàv  Se  (jir)  lytzs.  upoçriTriv,  ôote 
Toïç  TiTwyoï;.  Didaché,  XIII,  3,  4.  —  Jacqlikh,  La  Doctrine  des  Douzes  Apoù'es. 
Paris,  1891,  p.  137,  138. 

(3)  Constitutions  apostoliques,  II,  34.  Pitra,  p.  179. 

(4)  'EtcI  Ô£  xaî;  Ttpo(TÇ£po[j.Évaiç  à7:ap/_aT;  oûtojç  £Ù-/apt(7T£Ï  6  ètticxottoç"  Eù-^apiaxoCi- 
[J.ÉV  (TOI,  y.ijptc  uavToy.paTop,  or|]j.toupyà  twv  ôXwv  xal  7ipovov-,Tà  3ià  toù  [i.ovoy£voiJi;  (tou  Ttat- 
o6;  ^\t\rso\i  Xokjtoù  toù  xupioy  TjJJLwv,  ÈTti  xat;  TtpoaEve-^Ôïtaat;  aol  aTrap/aïi;,  oOj(  ôaov  ôbeî- 


LA    BKNKDICTION    LITURGIQUE    DES    RAISINS.  3.J.J 

est  une  bénédiction  g(''nérale  de  tous  les  fruits  de  la  terre,  où  le 
blé  est,  à  la  vérité,  mentionné  avec  une  intention  spéciale,  mais 
sans  Texclusion  des  autres  sortes  de  fruits.  Cependant,  la  légis- 
lation ecclésiastique  restreignit  de  bonne  heure  Toblation  litur- 
gique des  prémices  aux  épis  et  aux  raisins  nouveaux,  qui, 
outre  leur  symbolisme  eucharistique,  représentent  les  prémices 
des  aliments  usuels.  On  y  ajoutait  l'huile  pour  le  luminaire,  et 
l'encens  pour  la  thurification.  Mais  les  autres  espèces  de  fruits 
devaient  être  portés  à  la  maison  de  l'évèque  et  des  prêtres,  non 
à  l'église  (1),  tandis  que  les  prémices  des  épis  et  du  raisin 
étaient  reçus  à  l'autel  et  sanctifiés  par  une  bénédiction  solen- 
nelle prononcée  au  cours  de  la  célébration  de  la  liturgie.  Cet 
usage  subsista  en  Orient  comme  en  Occident,  mais  il  semble, 
par  un  texte  de  Nicéphore,  patriarche  de  Constantinople,  qu'au 
XI'  siècle,  les  fidèles  qui  offraient  à  l'autel  ces  mêmes  éléments 
pour  y  être  bénis,  les  gardaient  pour  leur  propre  usage,  ou  les 
consommaient  sur  place,  à  titre  d'eulogie  (2).  Nous  compare- 
rons ci-après  cette  pratique  à  celle  de  certaines  Églises  d'Oc- 
cident. 

La  discipline  était  la  même  parmi  les  chrétiens  d'Afrique.  Un 
décret  conciliaire  du  v"  siècle  reproduit  presque  textuellement 
les  expressions  du  Canon  apostolique  cité  précédemment  :  Nec 
amplius  in  prwiitiis  offeratur  quam  de  uvis  et  frumentis  (3). 
Ailleurs,  en  Italie,  du  moins,  on  avait  substitué  aux  raisins 


).0!JL£V,  àX).'  offov  5uvà(jL£Ga.  Tt;  y''?  àvOpwTtwv  £7ta?îwç  £"j-/api<7Tyi(ia!  aoi  oûvatai  inzio  (Lv 
Sïowxa;  aÙTOî;  îl;  |JL£TàXr|'^tv;  ô  Heô;  '\êpaà|j.  xat  'laaàx  xal  'laxwê  xat  TïâvTwv  tûv 
àvîwv  ô  uâvTa  ■:î>,£<içiOpy;iTocç  oià  toù  Xdyou  gou  xal  x£/.E'ji7a;  tri  yr]  uavrooaTToù;  èx^-jcia.: 
xapuoij;  £l;  £Ùq)poa\Jvr)v  xal  -rpo^riv  rj(X£T£pav  ô  &où;  toï;  vtoÔECTÉpoi;  xat  l3).r,y_a)0£iTi  yv^àv, 
-/Xori^âyoi;  y}.ô-/\M,  xat  toi?  [xèv  xps'a,  xot;  èà  anip[Lo:i(x.,  Vi|J.tv  oè  (Tîtov  iipô;  Tpos/iv  Tipoa- 
çopov  xat  xaTà>,>,r;),ov  xal  £T£pa  ôtâçopa,  -zà  [ji£v  upô;  -/p/jirtv,  xà  8e  upô;  ûyEÎav,  ià  oï  îrpo; 
T£p<|/tv,  eut  TOÛTOi;  ouv  àTraitv  {;7:£p-j[jLvr)To;  ÛTràp-/£'ç  Tii;  £k  Trâvraç  £Ù£py£(jta?  otà  XptaToù, 
ot'  ou  (7ol  ôô^a,  TtjA/)  xal  aléa;  âv  àyÎM  7iv£ij[xatt  £t;  iroù;  atwva;.  à|j.riv.  Cunstil.  aposL, 
YIII,  40.  Pitra,  p.  410,  111. 

(1)  n>.Y)v  v£wv  X'Spwv  •/)  a'ca;fu),-?);T({)xatpw  xw  Siovxt,  [Li]  £|ov  Eaxw  îrpocâyEaOat  ri  £T£pov 
Tipôç  xè  6u(7ta(jTYiptov  r)  D.atcv  £t;  )vU-/viav  xal  6u(jt;a[xa  xw  xaipû  xv^;  àyta;  Ttpoaçopà;.  f, 
àXXvi  Tràffa  ÔTttôpa  etç  otxov  àTrodXEXXÉGÔw,  aTtapx^  xw  STrtffxoirtp  xal  xot;  7rp£(7êy-£pot<, 
à),Àà  [AY]  TTpèç  x6  6y(7ta(7x-ôptov.  Canones  aposlolonim,  3  b  (4),  4  (5).  Pitra,  p.  14. 

{i)  Xp-r)  Trpo(7»£p£tv  à-TZCLçyrci  wtxouxal  axa^uXT);  èv  xîi  âxxXiQsia  xat  £ÙXoy£t(76ai,  xat  outw; 
£ff6t£tv  è?  aOxûv.  Xici'phoro,  C'an.  84.  Pitha,  Juris  ecclesiastici  Grxcorum,  t.  Il, 
]i.  335. 

(3)  Concilium  Africaaum,  can.  4.  CoUeclio  canuaum  ecclesix  africanx.  Labbe, 
Concil.,  t.  II,  p.  KHiS. 


356  RKVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

dans  cette  bénédiction  liturgique,  les  fèves,  et  cela  non  parce 
que,  antérieurement  au  christianisme,  elles  avaient  été  con- 
sidérées comme  un  aliment  sacré,  mais  plutôt  parce  qu'elles 
constituaient  la  nourriture  ordinaire  des  peuples  de  la  Pénin- 
sule. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  au  pape  Eutychien  (275-283)  que  le 
Liber  Pontificalis  rapporte  la  réglementation  relative  à  cette 
bénédiction  (1).  Par  une  restriction  analogue  à  celle  de  la  disci- 
pline gréco-syriaque,  exprimée  dans  le  Canon  des  Apôtres  cité 
plus  haut,  l'Église  de  Rome  n'admit  plus  à  la  bénédiction  litur- 
gique de  la  messe  que  les  raisins  et  les  fèves,  à  l'exclusion  des 
autres  fruits.  Ces  prémices  étaient  présentées  à  des  jours  dis- 
tincts :  les  premiers,  à  Rome  comme  à  Byzance,  le  sixième  jour 
d'août,  les  autres,  à  Rome  seulement,  à  l'échéance  mobile  de 
l'Ascension. 

Le  sacramentaire  grégorien  contient,  en  effet,  au  6  août,  la 
formule  de  bénédiction  du  raisin,  appartenant  en  propre  à  la 
messe  de  saint  Sixte  (258)  (2). 

[VIII.  id.  aug.]  Natale  sancti  Syxti  episcopi. 

Benedictio  [Prefatio]  iivce.  Benedic,  domine,  et  hos  fructus  novos  uv;e 
quos  tu,  domine,  per  rorem  cseli  et  inundantiam  pluviarum,  et  temporum 
serenitate  et  tranquillitate,  ad  maturitatem  perducere  dignatus  es;  et  de- 
disti  ea  adusiis  nostros  cum  gratiarum  actione  percipere,  in  nomine  domini 
nostri  ihesu  cliristi,  perquem  haec  [omnia],  domine,  semper  bonacreas(3). 

Le  sacramentaire  gélasien  assigne  en  propre  à  la  messe  de 
l'Ascension  la  benedictio  fabœ;  mais  la  formule  est  conçue, 
sauf  une  variante,  dans  les  mêmes  termes  que  la  précédente. 

Orationes  ex  preces  in  Ascensa  Domini. 


(1)  Ilic  [EutycianusJ  coastituit  (ut)  fruges  super  altaro  tantum  fabie  ot  uva- 
benedici.  Duchesxe,  Liber  Pontiftcalis.  Paris,  ISSG,  t.  I,  p.  159. 

(2)  Dans  les  sacrameutaires  qui  présentont  à  ce  jour  une  seconde  messe  spé- 
ciale des  martyi-s  Félicissime  et  Agapit,  la  Prxfalio  uvœ  est  assignée  à  la  messe 
de  saint  Sixte  (Missel  de  Leofric.  F.  E.  Wakren,  The  Leofric  Mtssal,  Oxford, 
1883,  p.  152.  Missel  de  Robert  de  Jumièges,  ibid.,  p.  278).  Après  l'institution  de 
la  fête  de  la  Transfiguration,  qui  effaça  peu  à  peu  la  fête  de  saint  Sixt(%  cette 
bénédiction  passa  à  la  messe  de  la  Transfiguration  (Missel  de  Salisbury.  Warren, 
op.  cit.,  p.  152,  4).  Cf.  UkRTÈsE,  De  antiqiris  ecdesix  ritibus,i.  111,  p.  58l). 

(3)  {CK0%M'e.Ti),Sacra7ncntarium  ecdesix  Nivernensis  (sans  date),  p.  285.  —  \Var- 
REN,  The  Leofric  Missal,  p.  152. 


LA    BKNÉDICTION    LITURGIQUE    DES    RAISINS,  357 

Indevero  modiciim  anlr  crplcliinicanonem  [axpleto  canoitr]  boiedicfs  fru- 
(jcK  novds.  ScqiiiliD'fjcnfdictio. 

Henedic,  domine,  et  lias  fruges  novas  fabae  qiias  [et  hos  fructus  novos 
t'abce  quos]  tu,  domine,  rorc  Ccelesti  et  inundantia  pluviarum  ad  maturita- 
tem  perduccre  dii;natus  es,  ad  percipiendum  nobis  cinn  gratiarum  actione 
in  nomine  douiini  nostri  iesu  chiisti.  Perquem  hœc  omni;i,  domine,  semper 
bona,  iisque  erpleto  canonc  (1). 

Enfin  Tun  et  l'autre  élément  se  trouvent  réunis  dans  une 
formule  commune  du  même  texte  : 

Benedictio  uv;e  vel  fabae. 

Benedic,  domine,  hos  fructus  novos  uvae  vel  fabae  quos  tu,  domine,  per 
rorem  cœli  et  inundantiam  pluviarum,  et  tempora  serena  atque  tranquilla, 
ad  maturitatem  perducere  dignatus  es,  ad  percipiendum  nobis  cum  gratia- 
rum  actione,  in  nomine  domini  nostri  ihesu  christi,  qui  est  benedictus  (2). 

Nous  verrons,  par  la  citation  du  document  grec,  que  la  for- 
mule originale  est  bien  la  benedictio  uvœ;  les  autres  applica- 
tions ont  été  faites  postérieurement. 

La  finale  Per  quem  omnia  indique  que  les  deux  premières 
bénédictions  se  rattachent  au  canon  même  de  la  messe.  Pareille 
particularité  distingue  la  consécration,  encore  en  usage,  des 
saintes  huiles,  au  jeudi  saint,  et  l'ancienne  fornmle  de  béné- 
diction du  breuvage  de  miel,  de  lait  et  d'eau,  destiné,  le  samedi 
saint  et  la  veille  de  la  Pentecôte,  aux  nouveaux  baptisés  (3). 
On  trouve  cette  dernière  au  sacramentaire  léonien  (4). 

(1)  To.MMASi,  Liber  Sacramenlorum  romanae  ecclesix,  t.  VI,  p.  89.  —  II.  A. 
WiLSON,  The  Gelasian  Sacramcnlary.  Oxford,  1894,  p.  KiT. 

(2)  ToMMASi,  op.  cit.,  p.  214.  —  Warren,  The  Leofric  Missal,  p.  221.  —  .Mar- 
Tf:NE,  p.  541. 

(3)  Voir  aussi,  pour  la  bénrdiction  de  FAgnoau  pascal,  Bona,  Rerum  Uturgl- 
carum,  t.  III.  Turin,  1753,  p.  314. 

(4)  Benedictio  fontis,  lactis  et  mellis. 

Benedic,  domine,  et  lias  creaturas  fontis,  lactis  et  mellis',  et  pota  famulos  tuos 
de  hoc  fonte  perenni,  qui  es  '  spiritus  veritatis,  et  enutrieosdohoc  melle  et  lact(?; 
tu  enim,  domine,  promisisti  patribus  nostris  abrahe,  isaac,  et  iacob,  dicens  :  In- 
trcducam  vosin  *  terram  repromissionis,  terram  fluentem  lac  et  mel*.  coniunge, 
domine,  famulos  tuos  spiritui  sancto,  sicut  coniunctum  est  hoc  lac  et  mel  *  in 
christo  ihesu  domino  nostro,  per  quem  *  omnia,  domine.  Mlratohi,  Liturgia  ro- 
mana  velus,  p.  318.  —  Warrex,  The  Leofric  Missal,  p.  224.  Cf.  Liber  Sacramen- 
lorum ecclesix  romanx  ySacramentarium  leonianum).  Migne,  Pair,  lat.,  t.  L, 
p.  40,  41  :  fontis,  mellis  et  lactis.  —  est.  —  lacté  et  melle,  quemadmodum  patribus 
nostris  abraham,  isaac  et  iacob  introducere  te  eos  in.  —  fluentem  lacté  et  melle 

—  mol  et  lac,  quo  cielestis  terronaîque  substantiœ  significatur  unitio  in  christo. 

—  h«c  omnia.  .        . 


358  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

Si  l'on  écarte,  comme  n'appartenant  pas  à  la  catégorie  des 
fruges,  la  bénédiction  des  saintes  huiles  et  celle  du  breuvage 
symbolique  des  baptisés,  on  reconnaîtra  que  l'usage  séculaire 
de  l'Église  a  respecté  la  législation  du  pape  Eutychien  et  des 
Canons  des  Apôtres.  Seuls,  en  effet,  les  raisins  et  les  épis,  ou,  à 
Rome,  les  fèves,  sont  bénis  à  la  messe  :  fruges  super  altare 
tantum  uvœ  et  fabœ  benedici;  tandis  que  les  autres  bénédic- 
tions du  rituel  latin  font  voir,  par  la  teneur  de  leur  formule  fi- 
nale, qui  est  la  conclusion  commune  des  prières,  qu'elles  sont 
détachées  de  la  célébration  du  sacrifice  eucharistique,  en  même 
temps  qu'elles  ne  sont  pas  spéciales  à  un  jour  de  l'année . 

Le  moyen  âge  conserva  ces  coutumes  et  ces  distinctions.  Les 
fèves,  le  moût,  le  pain  étaient  bénis  au  réfectoire  (Martèxe, 
l.  IV,  p.  574.  Voir  cependant  p.  570),  mais  les  raisins  du  jour 
de  la  Transfiguration  l'étaient  à  l'église.  On  les  consommait  au 
réfectoire  comme  des  eulogies.  {Ibid.,p.  573.)  Ailleurs  on  les 
distribuait  à  l'église  même,  comme  le  pain  bénit,  entre  le  con- 
vent  présent  au  chœur  et  l'assistance  laïque.  (Boxa,  Rerum  li- 
turgicarum,  II,  14,  t.  III,  p.  314.) 

Les  décrets  apostoliques  que  nous  avons  cités  sont  une  pre- 
mière garantie  d'antiquité  de  nos  formules  rituelles.  Mais  il  y  a 
plus  :  la  prière  de  la  bénédiction  des  raisins,  qui  du  sacramen- 
taire  grégorien  passa  aux  Églises  des  Gaules,  de  Bretagne  et 
d'Allemagne,  pour  demeurer  de  nos  jours  en  usage  dans  beau- 
coup de  nos  diocèses  au  6  août,  est  identique  à  la  formule  con- 
servée à  la  même  date  dans  l'Église  grecque  (1),  et  les  traduc- 
tions syriaques  de  la  liturgie  des  Melkites  de  Syrie  confirment 
l'authenticité  du  texte  grec  original. 

Nous  donnons  celle-ci  d'après  le  texte  le  plus  récent. 

ECf/y)  EÎç  £5XoYiQ<T'v  *  cracpuXîiç,  xr,  ç'  AuYOuffTOU. 

EùXÔYTlffov,  xôpis,  tov  xapTCOv  toutov  t^ç  àfjnrîXou  xov  véov,  3v  Sià  Tvi;  -zoZ  às- 
poç  EÙxpaffia;,  xaiTwv  fftaYOVwv  t^î  Ppox.îi';,  5ta't  fîi<;  twv  xaipwv  yalr^wrfi,  et?  xaû- 
Tr,v  Tr,v  ôjpijxioTcxr/iv  cxiaiv  IXOeîv  r;ùooxr,(7aç  *,  l'va  -fi  Iv  ^[xTv  toi;  I;  auTOÛ  toÎ! 
YevvYÎtji.aTo;  x^ç  àjjiTrÉXou  jxeTaXa[j.êavoufftv,  eî;  EU'iipociûvTiv,  jcai  toïç  xpoaeve'Yxasi 
êwpov,  eîç  e^iXaffjxôv  à(xapTic!)v,  Sià  xou  tepoti  xat  aYtou   ciofxaxoî   [jcal  ai[AaxO(;]* 

(I)  'Ispaxixov  n£pi£-/ov  xà;  Oeta;  xal  îspà;  Xstxoupyta;.  Constantinoplc,  1895,  p.  l'il. 
Le  texte  de  l'Euchologe  (Venise,  1851)  fournil  les  variantes  suivantes  :  u.£xà)T,'{;iv 
£{iô6xYi(Ta;.  om.  xat  aï(xaxoç.  —  Cf.  Goar,  Euchologe,  p.  695. 


LA    HKNÉDICTIOX    LITURfiKjLK    DES    RAISINS.  359 

TTvsuaan,  vuv  xai  àet  xai  stç  tou;  aîwvaç  twv  ato'ivojv.  ày.r,v. 

La  bénédiction  syriaque  est,  sauf  l'amplification  inséparable 
des  traductions  orientales,  la  reproduction  de  la  prière  grec- 
que : 

w0.o/;  (-ioV-^î  )»)L-â  \l^-^  )->oi  );)l^  )oiSx  j— »po  yt— s 

^  )ooMo  Ji^aaJ-io^  «^..^oKii/o  V^JC^v;    )    Nn^  N   JiioLAj 

1      -    ^y<^;    ^.«^^JJ    JOOIJO    .^.^ybdOL^O;    otV^^    •) — >^i— OO    )     »    0» 

)    «  nf>o  ..\o    jKa^o  ^\    .ot  i  v>    ^>i.\3/;    >  <.,\  »/     .01.^ 
^t-^!   I  »  .>oNrt  ..o  yio  ^\;   jio^-^^No  .y\  i»    j  v>  «Kl  ^  \o 

I    ^^  ^"^JiL^  ) iu»f^   ^^m09  ^^  Jv^^/o  \  ...  ^ot  ^^o  jl—d 

(1)    ♦^^^.io/    .^X^O^s^   ^O^s^^  ^^Jlso   I-aoi   ,\.JiL^    ^  ^\VKa 

Prière  sur  les  fruits  du  raisin  nouveau. 

«  Bénis,  Seigneur  Dieu,  ce  fruit  nouveau,  [ce]  fruit  de  la  vi- 
gne, qu'une  convenable  humidité  de  l'air,  la  pluie  du  ciel  et  la 
tranquillité  des  saisons  de  l'année  ont  fait  croître  jusqu'à  son 
complet  développement,  de  manière  à  devenir  [notre]  nourri- 
ture. Qu'il  nous  serve,  à  nous  qui  en  faisons  une  offrande,  pour 
la  rémission  de  nos  péchés,  par  le  moyen  du  corps  pur  et  saint, 
le  corps  de  ton  Christ.  Qu'il  devienne,  pour  ceux  qui  en  appro- 
cheront et  en  mangeront,  bénédiction,  propitiation  et  félicité, 
pour  la  joie  de  nos  cœurs  et  la  santé  de  nos  corps  et  de  nos  âmes, 
par  la  vertu  de  ton  Fils  Jésus-Christ  Notre-Seigneur,  avec  lequel 
à  toi  convient  la  louange  et  l'honneur,  avec  ton  Saint-Esprit,  en 

(1)  Bibliothèque  nationale.  Fonds  syriaque,  n"  ICK»,  fol.  216  verso,  '211  recto. 


360  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

toutes  sortes  de  biens,  auteur  de  la  vie,  maintenant  et  en  tout 
temps,  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen.  » 

Les  rituels  meikites  nous  donnent  cette  autre  «  Bénédiction  de 
la  première  grappe  de  raisin  »,  dont  nous  ne  possédons  pas  l'o- 
riginal grec.  Il  convient  de  remarquer  la  signification  très  ca- 
ractéristique de  cette  pièce  évidemment  composée  parmi  des  po- 
pulations dont  la  richesse  consiste  uniquement  dans  les  produits 
du  sol. 

>   V>    JL^uw.»    )KioK^  ^K-v*i/o    .Ott>0^....5    )Ka^w^9    Jl)»    ^iO 

Prière  sur  la  première  grappe. 

«  Par  le  sang  du  raisin  de  vie,  les  créatures  ont  été  rache- 
tées; par  le  suc  sorti  de  lui,  leur  vêtement  a  été  lavé  de  la  souil- 
lure du  péché;  la  marque  de  la  perdition  a  été  abolie  du  corps 
d'Adam  coupable.  Qu'il  nous  réjouisse  parce  don  [qui  vient]  de 
toi,  et  que  nous  recevions  ce  raisin  que  tu  nous  donnes,  afin 
qu'il  soit  la  préservation  de  nos  vignes,  et  que  les  grains  se  pres- 


(I)Fol.-2M  rcclo.ComwLd  la  plupart  des  textes  syriaques  de  même  source,  ceux-ci 
donnent  lieu  à  quelques  remarques  lexicologiques.  On  peut  relever  en  effet  dans 
le  premier  l'emploi  de  la  forme  af-el-^^l  au  sens  neutre;  dans  le  second  l'affec- 
tation de  la  terminaison  féminine  au  lieu  de  l'emphatique  masculin:  )tœi^  pour 
l-îx»^,  procédé  sur  lequel  on  peut  voir  Journal  asiatique,  IX"  série,  t.  XI,  n"  'S 
(1898),  p.  441-4 1-2.  —  j-=-^  nous  présente  soit  une  voix  paV,  soit,  à  la  voix  pe'al, 
au  lieu  de  la  forme  active  régulière  en  o,  la  foi'me  neutre  du  futur,  justifiée  du 
reste  par  la  forme  dialectale  de  l'impératif  j-a-  (Pay.ne-Smith,  Thésaurus  syriacus, 
p.  1182).  L'étude,  sur  un  grand  nombre  de  textes,  de  ces  particularités  gramma- 
ticales, servirait  à  faire  connaître  l'origine  des  traductions  syriaques  de  la  litur- 
gie grecque. 


LA    UKNÉDICTION    LITURGIQUE    DES    RAISINS.  361 

sent  sur  leurs  ceps  comme  les  jumeaux  dans  lesein  cleRébecca; 
et  la  louange  montera  vers  le  nom  de  celui  qui  [nous]  donne 
[ces  biens] ,  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen.  » 

L'Église  arménienne  bénit  aussi  les  raisins  à  la  date  fixe  du 
15  août,  à  la  suite  de  la  messe  de  l'Assomption  (1).  Enfin  les 
rites  syriens  possèdent  des  bénédictions  pour  le  raisin,  le  vin, 
les  épis  et  les  divers  produits  du  sol,  mais  elles  ne  sont  pas 
nécessairement  célébrées  à  l'église,  ou,  du  moins,  on  ne  les 
rattache  pas  liturgiquement  à  des  jours  spéciaux,  si  ce  n'est  la 
double  fête  de  Notre-Dame  des  Semailles,  au  15  février,  et  de 
Notre-Dame  des  Épis,  au  15  mai  (2).  Les  anciennes  formules, 
tombées  en  désuétude  parmi  les  Syriens  unis,  sont  restées  en 
usage  chez  les  Jacobites.  Cependant  le  droit  syrien  a  reproduit 
la  disposition  du  Canon  des  Apôtres  interdisant  la  présentation 
à  l'autel  d'autres  fruits  que  les  raisins  et  les  épis  (3).  Le  pa- 
triarche Jean  I  (648)  ou  Jean  de  Telia  (538)  la  renouvela,  et 
prescrivit  la  déposition  du  prêtre  qui,  à  l'oblation  de  la  messe, 
aurait  joint  du  moût,  i^o-.  (j-:^-),  de  la  boisson  fermentée  ou 
quoi  que  ce  soit  d'autre  que  du  vin,  des  raisins  et  des  épis  (4). 
L'Occident  admit  au  contraire,  en  certains  lieux,  la  pratique 
d'employer,  le  jour  de  la  bénédiction  des  raisins,  du  vin  nouveau 
à  la  messe,  par  allusion  au  texte  évangélique  «  je  ne  boirai  plus 
de  ce  fruit  de  la  vigne  jusqu'à  ce  que  je  le  boive  nouveau  avec 
vous  dans  le  royaume  de  mon  Père  (5)  »  ;  ou  encore  d'exprimer 
quelques  gouttes  du  raisin  bénit  dans  le  calice  consacré.  Martène 
atteste  cet  usage  pour  diverses  églises,  spécialement  pour  celle 
de  Poitiers  (6).  Certains  propres  diocésains  maintiennent  de 
nos  jours  cette  rubrique  très  spéciale.  Or,  il  y  a  lieu  de  noter 
que,  sur  ce  point  encore,  l'Orient  et  l'Occident  s'accordaient.  Au 
VII''  siècle  le  Concile  in  TriiJlo  reconnaît  que  la  coutume  auto- 
risait le  mélange,  avec  les  éléments  eucharistiques  consacrés, 

(1)  ce.  NiLi.Ks,  Kalendarium  manuale.  Inspruck,  I8'.*7,  t.  II,  p.  503. 
(•2)  Ibid.,  I,  p.  249,  469  et  470.  Cf.,  pour  la  l'èti^  corn^spondante  du   Calendrier 
cliakléen,  II,  p.  683. 

(3)  Bvii-HÉBiuas, jVomocrtïio?),  IV,  i,  a.  Mai,  Scriptorum  velerum,  t.  X,  p.  19. 

(4)  Ibid. 

(5)  IMatth.,  XXVI,  "29.  Voii-  Durand  de  IMende,  nalional  des  divins  offices.  VII.  i??, 
2.  Paris,  1854,  t.  Y,  p.  74. 

(6)  De  antirjuis  ecclesix  ritibus,  t.  III,  p.  580. 


362  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

des  raisins  bénits  à  l'autel  ;  mais  il  enjoint  de  distinguer  la  béné- 
diction et  la  distribution  de  ces  prémices  de  la  communion  sacra- 
mentelle. 

«  Ayant  appris  que,  dans  diverses  églises,  lorsque  le  raisin 
est  apporté  à  l'autel,  suivant  une  coutume  qui  a  prévalu,  les 
ministres  le  mêlent  au  sacrifice  de  l'oblation  non  sanglante ,  et 
distribuent  au  peuple  l'un  et  l'autre  indistinctement,  nous  dé- 
crétons que  désormais  nul  des  prêtres  ne  fasse  ainsi,  mais  que 
l'on  distribue  au  peuple  l'oblation  [eucharistique]  qui  donne  la 
vie  et  remet  les  péchés,  et  que  les  offrandes  de  raisin  soient 
considérées  comme  les  prémices  et  bénies  à  part  par  les  prêtres, 
pour  être  distribuées  à  ceux  qui  les  demandent,  en  actions  de 
grâces  pour  celui  qui  donne  les  fruits  par  lesquels  nos  corps 
sont  fortifiés  et  nourris  selon  la  disposition  divine.  Et  si  quelque 
clerc  agit  contrairement  à  cette  prescription,  qu'il  soit  dé- 
posé (1).  » 

Deux  siècles  avant  le  Concile  in  Trullo,  les  Églises  d'Afrique 
avaient  séparé,  par  une  distinction  analogue,  la  bénédiction  des 
prémices,  blé  et  raisin,  celle  du  lait  et  du  miel  donnés  aux 
nouveaux  baptisés,  de  la  consécration  sacramentelle.  Le  texte 
que  nous  citons  fixe  la  pratique  africaine  à  la  fin  du  iv^  siècle. 

et  in  sacramentis  corporis  et  sanguinis  Domini  nihil  amplius  ofïeratur 
quam  quod  ipse  Dominus  tradidit,  hoc  est  panis  et  vinum  aqua  mixtvim. 
Primitige  vero,  seu  mel  et  lac  [et]  quod  iino  die  soUemnissimo  in  infantum 
mysterio  solet  ofîerri,  quamvis  in  altari  offerantur,  siiam  tamen  liabeant 
propriam  benedictionem,  ut  a  sacramento  dominici  corporis  et  sanguinis 
distinguantur  :  nec  amplius  in  primitiis  offeratur,  quam  de  uvis  et  fru- 
mentis. 


pojj.£VYi;,  xaxà  Ti  xpaTriaav  l6o;,  xoùç  XsiToupYOÙ;  taÛTriv  t^  àvaipiàxTo)  xy^;  Trpou- 
çopà;  6y(7Îa  cuvàTCXovxai;  oûxwc  ajjia  x(p  Xaû  Stav£[j.£iv  àjjiçoxÉpa,  auveioofxev  ûtaxi  \i.i\v.ii  t 
xoùxô  xiva  xwv  UpwfjLÉvwv  tioieîv,  à/.X'  si;  X,(ùOtzo''.t\riv^  xal  àjAapxuSv  âcpeffiv  xw  Xaw  xïj; 
icpoffçopà;  [AÔvn;  (jLSxaSiSôvai'  w;  à7ïap-/riv  ôk  xrjv  x^;  (TxaçuXri;  Xoyt^oaévouc  Ttpodéve  ïiv, 
ISixw;  xoù;  tspeï;  ïOXoYOÙvxaç  xot;  a'cxoùai  xayTvi;  [XExaotoôvai  Ttpà?  xiriv  xoû  Soxyjpoçxwv 
xapTtwv  £'j-/api(jxtav,  5i'  wv  xà  owiiaxa  yi[awv  xaxà  xôv  6£Ïov  ôpov  aù?£i  x£  xat  £xxp£cp£xat. 
£Î  xi;  O'jv  xXyipixô?  Ttapà  xà  ôtax£xaY[ji.£va  uoiiQiTOt  xaÔaipEÎirOw.  Conc.  'l'rull.,  can.  28. 
PiTRA,  Juris  écoles.  Grœcorum,  t.  II,  p.  38.  —  Si  l'on  pouvait  justifier,  dans  les 
termes  mêmes  de  la  bénédiction  grecque  des  raisins  et  de  sa  traduction  syriaque, 
une  allusion  à  ce  "  mélange  >-,  on  en  retirerait  une  preuve  de  haute  antiquité. 
(25)  Concilium  africanum  (c.  A.).Collectio  canonum  ecclesix  africanx,  XXXVII. 
Labbe,  Conciles,  t.  11,  p.  1008. 


LA    HKNKDICTIOX    LITURGIQUE    DES    RAISINS.  363 


Bien  que,  suivant  le  principe  formulé  par  saint  Grégoire, 
l'unité  de  la  foi  n'ait  pas  à  souffrir  de  la  diversité  des  usages  (1), 
il  est  constant  qu'à  côté  des  innovations  liturgiques  survenues 
au  cours  des  siècles,  maintes  pratiques  subsistent,  communes 
à  l'Orient  et  à  l'Occident,  et  que  l'on  doit  faire  remonter,  sinon 
aux  temps  de  l'unité  liturgique  primitive,  du  moins  à  l'époque 
où  la  nature  des  relations  ecclésiastiques  permettait  des  em- 
prunts réciproques.  Ce  n'est  donc  pas  seulement  par  l'accord 
sur  les  points  essentiels  du  dogme  et  des  formules  sacramen- 
telles que  s'affirme  l'unité  chrétienne,  mais  souvent  par  la 
conformité,  maintenue  en  dépit  des  divisions  dogmatiques  et 
politiques,  de  traditions  accessoires,  dont  on  vient  de  voir  un 
remarquable  exemple.  Seules,  dans  tout  le  monde  chrétien,  les 
sectes  schismatiques  d'Europe  se  trouvent  ici  à  l'écart.  En  abo- 
lissant, pour  marquer  leur  scission,  les  usages  liturgiques  que 
l'Occident  tout  entier  tenait  de  l'antique  Église  de  Rome,  les 
Protestants  et,  à  leur  suite,  les  Vieux-Catholiques  ont  renoncé 
à  des  rites  séculaires  de  l'Église  universelle,  à  des  cérémonies 
sanctionnées  par  les  règlements  des  anciens  conciles  et  retenues 
par  un  usage  invariable  de  toute  la  chrétienté.  Aussi,  lorsque 
la  propagande  protestante  s'efforce  d'implanter  au  sein  des 
églises  de  Palestine  et  de  Syrie  ses  erreurs  et  ses  préjugés,  les 
chrétiens  orientaux,  qui  tiennent  à  leurs  rites  autant  qu'à  leur 
nationalité,  sont  en  mesure,  sans  préjudice  d'autres  motifs  plus 
graves  qui  leur  interdisent  l'adhésion  aux  principes  de  la  Ré- 
forme, de  démontrer,  par  la  comparaison  de  leurs  richesses  li- 
turgiques avec  le  contenu  du  froid  prayerbook,  que  le  protes- 
tantisme est  la  négation  des  rites  orientaux. 

J.  Parisot. 


(1)  In  una  fulo  nil  officit  sancto  ecclosiiB  consuetudo  divorsa.  Epist.  L  43  (41). 
Édition  bénédictine,  t.  II,  p.  53-2.  Patr.  lat.,  t.  LXXVII,  p.  497. 


NEUF  CHAPITRES 

DU  ^  SONGE  DU  VIEL  PELERIN 

DE  PHILIPPE  DE  MÉZIÈRES 

RELATIFS  A  L'ORIENT 


INTRODUCTION 

L'ouvrage  croù  sont  tirés  les  extraits  que  Ton  trouvera  dans 
les  pages  suivantes  porte  le  titre  de  «  Songe  du  viel  pèlerin 
adreçant  au  blanc  faucon  pèlerin  couronné,  au  bec  et  aux 
piez  dorez  »  et  a  pour  auteur  le  célèbre  Philippe  de  Mézières  (1). 

Avant  de  donner  quelques  détails  sur  cette  œuvre  qui  est 
restée  jusqu'à  présent  complètement  inédite,  je  ne  crois  pas 
inutile  de  raconter  très  brièvement  la  vie  agitée  et  étrange  du 
personnage  qui  l'a  composée. 

Comme  Becquet  l'a  établi  le  premier,  Philippe  de  Mézières  (2) 

(1)  11  se  compose  de  deux  énormes  volumes  in-folio  de  37  sur  27  centimètres 
comptant  346  et  294  feuillets;  il  est  écrit  sur  parchemin  et  il  a  appartenu  au  duc 
de  Bourgogne,  Philippe  le  Bon.  A  la  fin  de  chacun  des  volumes  on  lit  cette  notice  : 
«  Escript  par  moj',  Guiot  Daugerans,  en  la  ville  de  Bruxelles,  l'an  1465  ».  Ces  ma- 
nuscrits qui  proviennent  de  la  bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne  n'ont  plus  leur 
reliure  originale,  et  ils  ont  été  reliés  à  nouveau  sous  le  règne  de  l'Empereur  Napo- 
léon l«^  Ils  faisaient  anciennement  partie  du  Supplément  français  où  ils  portaient 
les  numéros  3007,  5-6. 

(2)  Hisloria  Celestinoi^um.  Varia,  1710,  iu-4",  p.  11):.'.  Ou  écrit  également  Maiziè- 
res.  On  pourra  voir  sur  ce  point,  Auguste  ilolinier,  Description  de  deux  manus- 
crits contenant  la  Règle  de  la  <•  Militia  Passionis  Jlwsu  Christi  »  de  Philippe  de  Mé- 
zières dans  les  Archives  de  VOrient  Latin,  1881,  tome  1,  ji.  336,  et  Jorga,  Philippe 
de  Mézières  et  la  Croisade  au  XIV^  siècle,  Paris,  1896,  page  9,  note  1.  C'est  à  ce 
dernier  ouvrage  que  nous  empruntons  les  éléments  de  cette  courte  biographie  de 
Philippe  de  Mézières. 


NEUF    CHAPITRES    DU    «    SONfiH    DU  VIEL    PEF.ERIX    ».  3G.J 

naquit  à  Amiens  aux  environs  de  l'année  1326,  probablement, 
d'une  façon  plus  précise,  en  11)27;  il  était  le  douzième  enfant 
d'une  famille  noble,  mais  qui  avait  perdu  la  plus  f^rande  partie 
de  ses  biens,  aussi  sa  jeunesse  fut-elle  assez  pénible.  Comme 
ses  frères,  il  fut  envoyé  à  l'école  des  Chanoines  de  Notre-Dame, 
où  la  lecture  des  chroniques  de  Terre  Sainte  et  les  récits  des 
misères  que  les  pèlerins  enduraient  en  f^alestine  ne  tardèrent 
pas  à  le  porter  à  un  mysticisme  ardent  et  au  désir  de  devenir, 
comme  son  illustre  compatriote  Pierre  l'Ermite,  l'apôtre  d'une 
nouvelle  croisade,  à  la  fois  plus  heureuse  et  plus  glorieuse  que 
celles  qui  l'avaient  précédée. 

L'éducation  toute  théologique  que  le  jeune  Philippe  de 
Mézières  avait  reçue  chez  les  chanoines  de  Notre-Dame  d'A- 
miens ne  pouvait,  au  commencement  du  xw"  siècle,  suffire  à 
un  homme  qui  avait  l'ambition  de  conduire  une  nouvelle  croi- 
sade contre  les  infidèles.  On  se  rappelait  ce  que  l'inexpérience  de 
Pierre  l'Ermite  et  des  chefs  de  la  première  expédition  avait  coûté 
aux  innombrables  chrétiens  qui  en  1096  avaient  pris  la  Croix 
pour  aller  délivrer  le  tombeau  du  Sauveur  des  mains  des 
Sarrasins.  C'est  pourquoi,  dès  1345,  Philippe  de  Mézières 
passa  en  Lombardie,  où  il  se  mit  à  la  solde  de  Lucchino  Visconti  ; 
l'éducation  qu'il  y  fit  du  métier  de  la  guerre  paraît  lui  avoir 
laissé  des  souvenirs  peu  agréables  et  des  remords  qui  ne  cessèrent 
de  hanter  son  esprit  jusqu'à  ses  derniers  jours,  alors  que  toute 
une  vie  consacrée  à  la  religion  aurait  dû  lui  faire  regarder 
les  actes  qui  les  avaient  provoqués  comme  des  erreurs  de  jeu- 
nesse sans  grande  importance.  Quoi  qu'il  en  soit,  Philippe, 
à  peine  âgé  de  vingt  ans,  quitta  en  1347  le  château  de  Mézières 
pour  aller  courir  les  aventures;  s'il  n'atteignit  jamais  le  rêve 
éclatant  de  sa  jeunesse,  c'est  que  les  temps  étaient  bien  changés 
depuis  le  concile  de  Clermont,  et  que  l'enthousiasme  religieux 
qui  animait  les  premiers  Croisés  avait  fait  place  aux  passions 
et  aux  calculs  politiques. 

Je  n'ai  point  l'intention  de  raconter  ici  en  détail  la  vie  de 
Philippe  de  Mézières;  le  lecteur  qui  voudra  la  connaître  plus 
complètement  pourra  se  reporter  au  livre  que  M.  Jorga  a  publié 
sur  ce  sujet.  Je  me  contenterai  d'indiquer  très  brièvement  les 
principaux  événements  qui  l'ont  signalée. 

Il  se  rendit  à  Chypre  auprès  du  roi  Hughes  IV  de  Lusignan , 


366  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

qui  le  traita  fort  bien,  mais  qui  ne  se  laissa  point  gagner  par 
ses  idées  de  croisade.  Le  24  novembre  1358,  Hughes  IV,  affaibli 
par  Vkge  et  par  les  soucis  du  gouvernement,  fit  consacrer  dans 
la  cathédrale  de  Sainte-Sophie  de  Nicosie,  son  fils  Pierre  comme 
roi  de  Chypre,  ne  gardant  pour  lui-même  que  le  titre  de  roi  de 
Jérusalem  (1).  Pierre  I"  de  Lusignan  connaissait  depuis  long- 
temps Philippe  de  Mézières,  et  il  avait  été  à  même  d'apprécier  à 
la  cour  de  son  père  la  solidité  de  son  instruction  et  l'étendue  de 
ses  connaissances  qui  dépassaient  de  beaucoup  celles  des  plus 
célèbres  laïcs  ou  ecclésiastiques,  ses  contemporains;  aussi, 
très  peu  de  temps  après  son  avènement,  il  le  choisit  comme 
chancelier  de  son  royaume.  Philippe  de  Mézières  seconda  de 
toute  son  âme  les  efforts  que  Pierre  P''  fit  auprès  des  princes 
du  continent  pour  provoquer  une  nouvelle  croisade;  il  le  fit 
avec  une  énergie  d'autant  plus  grande  que  c'était  probablement 
lui-même  qui  avait  inspiré  ces  idées  à  Pierre  P^  alors  qu'il 
n'avait  pas  l'espérance  d'arriver  au  trône.  Il  accompagna  ce 
prince  pendant  son  voyage  en  Europe  de  1362  à  1365,  et  il  sut 
gagner  la  confiance  du  pape  Urbain  V;  il  retourna  à  Chypre 
avec  Pierre  et  le  suivit  partout  où  sa  fantaisie  aventureuse  le 
poussa. 

Pierre  1"  de  Lusignan  traitait  assez  durement  ses  barons,  et 
la  vie  dissolue  qu'il  avait  toujours  menée  ne  lui  avait  pas  fait 
beaucoup  d'amis  dans  son  royaume;  aussi,  le  17  janvier  1369,  il 
fut  assassiné  par  Philippe  d'Ibelin,  seigneur  d'Arsour,  Henri 
deDjibala  (Giblet)et  JeandeGavrelli.  Son  fils  mineur,  Pierre  II, 
lui  succéda,  mais  le  conseil  de  régence  ne  continua  pas  à  Phi- 
lippe de  Mézières  la  confiance  qui  lui  avait  été  témoignée  par 
Pierre  P";  cependant  en  1371,  il  fut  envoyé  en  Europe  pour  por- 
ter au  nouveau  Pape,  Grégoire  XI,  élu  le  30  décembre  1370,  les 
félicitations  de  la  cour  de  Chypre. 

Il  ne  retourna  plus  en  Orient,  et  voyant  sans  doute  que  sa 
position  était  fortement  compromise  à  Chypre,  il  passa  au 
service  du  roi  de  France,  Charles  V,  qui  lui  fit  don  d'une  maison 
située  non  loin  de  l'hôtel  Saint-Pol;  Philippe  de  Mézières  exerça 
une  assez  grande  influence  sur  la  cour  de  France,  mais  à  la  mort 
de  Charles  V,  il  se  retira  définitivement  du  monde  pour  entrer 

(I)  Hughes  IV  se  retira  au  monastère  de  Strovili,  où  il  mourut  un  an  environ 
après  cette  cérémonie,  le  10  octobre  1359. 


NKUF    CHAPITRES    DU    «    SOXfiE    DU    VIKL    PELERIN    ».  367 

auxCélestins,oùil  vécut  jusqu'à  sa  mort  (26  mai  1105),  dans  une 
retraite  qui  n'était  d'ailleurs  point  très  rigoureuse,  et  dont  il  sor- 
tit plus  d'une  fois  pour  remplir  le  rôle  de  conseiller  auprès  de 
Charles  VI  et  de  son  frère  le  duc  d'Orléans.  C'est  aux  Célestins 
que,  loin  des  agitations  stériles  de  ce  monde  périssable,  et  à  ja- 
mais revenu  de  ses  irréalisables  projets  de  croisade,  il  composa 
la  plupart  de  ses  ouvrages  de  morale. 

Comme  tout  le  monde,  Philippe  de  Mézières  avait  été  frappé 
du  peu  de  résultat  des  croisades,  qui  avaient  été  équipées  à  si 
grands  frais  et  qui  avaient  coûté  la  vie  à  tant  de  milliers  d'hom- 
mes; elles  étaient  surtout  un  prétexte  que  les  souverains  étaient 
trop  heureux  de  saisir,  pour  organiser  des  fêtes  splendides  et 
des  réjouissances  coûteuses;  quant  à  la  cour  de  Rome,  elle  en 
profitait  pour  faire  d'incessants  appels  à  la  charité  et  à  la  piété 
des  fidèles  et  pour  exiger  ensuite  comme  un  dû  des  choses  qui 
lui  avaient  été  consenties  de  bonne  volonté,  et  pour  une  seule 
fois.  Déplus,  il  avait  été  à  même  de  voir,  à  la  bataille  deSmyrne, 
combien  l'organisation  militaire  de  la  Chrétienté  était  loin  d'être 
suffisante  pour  que  l'on  pût  songer  à  attaquer  les  Musulmans 
dans  leur  empire,  et  leur  arracher  les  lieux  qui  furent  témoins 
de  la  Passion  du  Christ.  Il  est  incontestable  que,  même  au  com- 
mencement du  xiv"  siècle,  bien  qu'elles  eussent  réalisé  d'énor- 
mes progrès  dans  leur  armement  et  dans  leur  tactique  depuis 
l'époque  de  la  première  croisade,  les  nations  de  l'Europe  occiden- 
tale étaient,  à  bien  des  points  de  vue,  très  inférieures  à  l'empire 
égyptien,  puissamment  et  savamment  organisé  sous  la  main 
des  Sultans  Mamlouks  du  Caire.  Ce  qui  manquait  le  plus,  c'était 
encore  la  discipline,  et,  même  à  l'époque  de  Philippe  de  Mézières, 
les  généraux  chrétiens  ne  menaient  guère  contre  les  émirs  turcs 
qui  commandaient  sur  le  littoral  de  la  Méditerranée  que  des 
bandes  sans  aucune  cohésion  et  toujours  prêtes  à  se  révolter. 

Philippe  comprit  dès  ce  moment  que,  si  l'on  voulait  songer 
sérieusement  à  une  nouvelle  croisade,  il  fallait  commencer  par 
créer  une  force  militaire  qui  pût  se  mesurer  avec  celles  que  les 
Musulmans  étaient  prêts  à  lui  opposer;  il  n'y  avait  guère  qu'un 
moyen  de  le  faire,  c'était  de  créer  un  ordre  de  Chevalerie  sur  le 
modèle  de  ceux  du  Temple  et  de  l'Hôpital,  mais  en  en  faisant 
disparaître  les  abus  qui  les  avaient  condamnés  de  bonne  heure 
à  une  inutilité  presque  complète.  C'est  à  cet  ordre  futur  qu'il 


368  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

donna  le  nom  de  «  Chevalerie  de  la  Passion  »  ;  il  prétendit  que 
ses  statuts  lui  avaient  été  communiqués  dans  l'église  du  Saint- 
Sépulcre  par  Jésus-Christ  lui-même  (1),  gravés  sur  deux  tables 
de  pierre.  Philippe  de  Mézières  consacra  en  vain  toute  sa  vie 
à  ce  qui  avait  été  le  rêve  de  ses  années  de  jeunesse;  son  ordre 
de  la  Passion  ne  fut  jamais  qu'une  belle  chimère,  et  la  Pales- 
tine demeura  sous  le  joug  des  Sultans  Mamlouks,  jusqu'au 
jour  où  leur  dynastie  s'effondra  devant  les  armes  «  toujours  vic- 
torieuses »  de  rOsmanli  Sélim-Khan.  La  mode  était  d'ailleurs  à 
la  création  des  ordres  de  Chevalerie  :  Pierre  P""  de  Lusignan  créa, 
sur  les  instances  de  Philippe  de  Mézières,  son  chancelier,  l'ordre 
de  VÉpée;  presque  à  la  même  époque,  Louis  de  Bourbon  créait 
celui  de  VEscu  cfOr,  pendant  qu'Amédée  de  Savoie  fondait 
l'ordre  de  YAnnonciade,  l'un  des  plus  grands  Ordres  européens 
encore  à  la  fin  du  xix^  siècle,  et  que  le  roi  de  France,  .Jean,  était 
grand  maître  de  l'ordre  de  V Étoile. 

Le  Songe  du  Viel  Pèlerin  est  l'un  des  ouvrages  moraux 
que  Philippe  de  Mézières  composa  dans  sa  retraite  au  couvent 
des  Célestins  (2). 

(c  II  est  assavoir,  dit  Philippe  de  Mézières  (3),  que  l'acteur  de 
cestui  songe,  c'est  assavoir  le  Viel  Pèlerin  en  cestui  livre,  parle 
communalment  par  figures  et  par  paraboles,  par  similitudes  et 
par  considéracions  ou  ymaginacions  aucuneffois  prinses  de  la 
Saincte  Escripture  et  des  livres  et  diz  morals  des  Philozophes 
faignans  les  noms  des  roys,  des  princes  et  des  seigneurs,  par- 
lant moralmentàson  avis  selon  leurs  condicions,  pais  et  régions, 
comme  a  esté  dit  au  prologue  du  pèlerinage  du  poure  pèlerin. 
Et  aussi  aux  vertuz  et  aux  vices  il  leur  baille  propres  noms  par 
aventure,  autrefois  non  usez  selon  leurs  condicions.  » 

Le  Songe  du  Viel  Pèlerin  est  en  effet  une  œuvre  tout  allégo- 
rique, qui  appartient  au  genre  illustré  par  le  Roman  de  la  Rose, 
\q  Roman  du  Renard,  quia  duré  jusqu'au  xvii^  siècle,  bien  après 
le  Pantagruel  de  François  Rabelais. 

(1)  "  Unde,  sic  peregrinando,  date  sunt  Philijnno  a  Domino  cum   IMoyso  due 
tabule  lapidée,  in  quibus  erant  scripte,  non  solum  X  procepta,  videlicet  substancia 

presentis régule  miliciepassionisJhesu  Christi »  {Mililia,  fol.  45\-°),dans  Jorga, 

Philippe  de  Mézières,  p.  73. 

(2)  On  trouvera  la  liste  de  ces  ouvrages  dans  le  livre  de  M.  Jorga  cité  plus  haut, 
dans  Vlntroduction  bibliographique,  p.  vu  et  sq. 

(3)  Volume  I",  JIs.  9200,  folio  14  v". 


NEUF  CHAPITRES  DU  «  SOXGE  DU  VIEL  PELERIN'  ».     369 

Il  est  raconté  clans  les  deux  premiers  livres  du  Songe  du  Viel 
Pèlerin  (\),  qu'  «  Ardant  Désir  accompaignié  de  sa  seur  Bonne 
Espérance  (2)prins  en  figure  pour  le  Viel  Pèlerin  en  personne  de 
tous  ceux  qui  désirent  que  le  monde,  et  par  espicial,  laCrestienté, 
soient  réformez  à  bien  faire  par  le  commandement  de  Provi- 
dence Divine,  entreprent  son  grand  voyage  pour  trouver  souve- 
rains alkemistes  et  multiplier  le  besant  de  TÉvangile.  C'est 
assavoir  pour  trouver  Vérité  accompaignée  de  trois  vertuz  néces- 
saires, Paix,  Miséricorde  et  Justice,  lesquelles  grant  temps  à  se 
estoient  parties  de  ce  monde...  Ardant  Désir  et  sa  seur  Bonne 
Espérance  trouvèrent  au  désert  d'Egypte  le  viel  Arsène,  grant 
alkemiste  qui  bienetdoulcement  les  recueillist,  et  après  leur  en- 
seigna la  grant  montaigne  là  où  ils  trouvèrent  trois  roynes  et 
trois  dames  souveraines  maistresses  de  vraye  alkemie...  Ardant 
Désir  et  sa  seur  Bonne  Espérance  repartirent  du  saint  armite  et 
à  très  grant  peine  et  à  longues  journées...  ils  vindrent  à  la  noble 
montaigne  de  la  beauté  du  lieu,  et  ils  y  trouvèrent  les  trois  dames 
très  honnorées  ». 

(1)  Mss.  92(X),  f.  25  r». 

(2)  Voici  la  clef  des  principaux  personnages  dont  il  est  parlé  dans  le  Songe  du 
Viel  Pèlerin  (ms.  9200,  fol.  18  v). 

"  Ardant  Désir  et  sa  seur  Bonne  Espérance  sont  prins  en  figure  pour  le  Viel 
Pèlerin,  acteur  de  cestui  livre,  appelle  Songe  ou  Vision,  représentans  les  person- 
nes de  tous  ceulx  qui  désirent  la  reformacion  de  tout  le  monde  et  de  toute  la 
Chrestienté  et  par  espicial  du  royaume  de  Gaule. 

La  Sainte  Alkemie  est  prinse  en  figure  pour  les  euvres  vertueuses  et  bon 
gouvernement. 

La  faulce  et  apparant  Alkemie  est  prinse  en  figure  pour  les  fols  alkemistes  qui 
cuident  faire  de  vil  métal  or  et  argent,  et  pour  les  euvres  vicieuses  et  mauvais 
gouvernement. 

Le  besant  de  l'àme  et  de  l'Évangile  est  prins  en  figure  pour  la  Ijonne  euvre 
faicte  par  les  cinq  sens  naturelz,  jiar  l'entendement  et  par  franc  arbitre  de 
l'omme. 

Les  forges  des  roynes  et  des  dames  sont  prinsesen  figure  pour  les  bonnes  eu- 
vres faites  en  l'Église  de  Dieu  et  en  la  saincte  Foy  catholique. 

Les  bezans  et  la  monnoye  des  dames  sont  prins  en  figure  i)our  l'effect  des 
vertus  divines,  natureles  et  morales. 

La  royne  Riche  Précieuse  est  prinse  pour  la  vertu  de  vérité  infalible. 

Dame  Alégresse  est  prinse  en  figure  pour  la  vertu  de  la  vraye  paix  désirée. 

L'Amoureuse  est  prinse  en  figure  pour  la  vertu  de  douice  miséricorde. 

Bonne  Aventure  est  prinse  en  figure  pour  la  vertu  nécessaire  de  vraye  justice. 

Les  chambrières  de  la  Précieuse  Vérité,  la  royne,  sont  prinses  en  figure,  c'est 
assavoir  Droicture  et  Vraye  Existance,  Humilité  et  Constance. 

La  reine  Riche  Précieuse  est  la  fille  du  Christ,  qui  est  (puMtjuefois  désigné  sous 
le  nom  du  ■■  Grand  Maître  delà  monnoye  •>.  (Idem,  folio  71  verso.) 

ORIENT   CHRÉTIEN.  26 


370  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Ces  trois  dames  étaient  «  Alégresse,  l'Amoreuse  et  Bonne 
Aventure  »  ;  elles  prièrent  la  Reine  Doulce  Amour  d'implorer 
sa  sœur  cadette,  Riche  Précieuse,  pour  qu'elle  consente  à  «  re- 
tourner au  monde  et  les  trois  dames  aussi  pour  forger  les  bons 
besans  et  rapareiller  Torloge  du  gouvernement  du  monde  ».  Il 
arriva  alors  que  la  «  Riche  Précieuse,  Vérité  laroyne,  et  les  trois 
dames  se  trouvèrent  au  désert  du  monde,  et  qu'elles  prindrent 
Ardant  Désir  pour  guide  qui  tousjours  alloit  devant.  Elles  vin- 
drent  premièrement  au  royaume  de  Nubie  ».  De  Nubie,  la  Reine 
Riche  Précieuse  et  son  cortège  passèrent  dans  les  différents  pays 
du  monde,  guidées  par  Ardant  Désir,  cherchant  un  endroit  ou 
elles  puissent  «  lever  leurs  forges  »,  pour  commencer  la  fabri- 
cation de  leurs  besants,  c'est-à-dire  d'une  façon  moins  allégo- 
rique pour  répandre  les  vérités  du  Christianisme.  Dans  ce 
but,  la  Reine  se  faisait  apporter  une  pièce  de  monnaie  de  chaque 
contrée  ou  elle  arrivait  et  elle  regardait  si  le  signe  du  Tau  y  était 
gravé;  ce  signe  du  Tau  désigne  évidemment  la  Croix,  et  cela 
signifie  que  la  Reine  Riche  Précieuse  commençait  par  s'enquérir 
dans  chaque  pays,  s'il  y  avait  des  chances  que  la  doctrine 
qu'elle  y  voulait  répandre  fût  écoutée  des  habitants.  De  Nu- 
bie, elle  passa  dans  1'  «  Ynde  la  maiour  »  en  Tartarie,  en  Syrie 
et  en  Egypte,  en  Ethiopie,  en  Afrique,  en  Espagne,  dans  le 
«  Royaume  de  Layto  »,  en  Prusse,  en  Islande,  au  Groenland  (Go- 
delant)  (1),  en  Hollande,  en  Allemagne,  dans  toutes  les  con- 
trées du  monde  connues  à  cette  époque,  sans  trouver  d'endroit 
propre  à  l'exécution  de  ses  desseins.  Revenue  en  France,  la  reine 
trouva  que  les  besants  de  ce  royaume  étaient  de  si  bon  aloi  qu'elle 
n'avait  point  besoin  de  «  lever  sa  forge  » . 

Tel  est,  en  résumé,  le  contenu  de  cet  ouvrage  étrange,  dans 
lequel  le  mysticisme  n'exclut  pas  une  observation  profonde  et 
souvent  très  juste  des  hommes  et  des  choses  au  xiv^  siècle.  J'en 
ai  tiré  le  récit  du  voyage  de  la  Reine  Riche  Précieuse  et  de  ses 
trois  compagnes  en  Asie  et  en  Afrique;  il  n'y  faut  naturelle- 
ment point  chercher  des  renseignements  nouveaux  et  inédits  sur 
la  civilisation  des  Musulmans  et  des  Mongols  qui  venaient  de 
subjuguer  la  Chine;  mais  ces  extraits  n'en  offrent  pas  moins 

(1)  Jlalgré  ce  nom,  qui  est  ('■videnimeiit  celui  de  l'iie  de  Gottland,  il  n'y  a  jjas 
à  douter  que  ce  soit  du  Groenland  que  Philippe  de  Mézières  veut  parler  dans  ce 
passage. 


NEUF    CIIAIMTRKS    DU    «    SONdl':    DU    VIEI.    PELERIN    ».  371 

quelque  int(;rêt,  car  ils  montrent  assez  bien  sous  quel  jour 
les  gens  instruits  voyaient  les  civilisations  orientales,  un  ou 
deux  siècles  après  les  voyages  de  Guillaume  de  Kubrijck,  du 
frère  Jean  de  Plan  Carpin  et  de  Marco  Polo.  On  verra  par  plu- 
sieurs passages  des  fragments  publiés  dans  cette  Revue,  que 
Philippe  de  Mézières,  qui  se  désigne  lui-même  sous  le  nom  du 
Viel  Pèlerin,  prétend  avoir  eu  des  renseignements  par  des  per- 
sonnes qui  avaient  voyagé  en  Orient.  Ce  sont  ces  considérations 
qui  m'ont  conduit  à  les  publier,  en  les  accompagnant  de  quelques 
notes  destinées  à  en  faciliter  l'intelligence. 


LE  LV  CHAPITRE 


Comment  la  Riche  Précieuse  Yériti!',  la  royne,  et  les  trois  dames  se  trouvèrent 
au  désert  de  ce  monde  et  comment  elles  prirent  Ardant  Désir  pour  guide,  qui 
tousiours  aloit  devant.  Et  comment  elles  vindrent  premièrement  au  royaume 
de  Nubie.  Et  de  ce  qu'elles  y  firent  récitant  la  grant  merveille  du  fluve  du  Nil 
que  le  roy  de  Nubie  iadiz  tollist  au  Soudant  de  Babilone  et  des  Nubiens  Crestiens 
qui  par  toute  la  terre  du  Soudan  portent  la  croix  publiquement. 


Vérité  la  royne  dist  aux  trois  dames  :  «  Mes  belles  seurs  et 
très  amées  filles,  nous  avons  emprins  ung  grant  voyaigeet  alons 
en  ung  pais  auquel  nous  ne  sommes  pas  bien  amées  ne  con- 
gneues  quant  à  présent  des  gens.  Et  pour  ce  il  fault  aler  sage- 
ment afin  que  nostre  venue  ne  face  perturbacion  ;  et  si  nous  fault 
aviser  ou  nous  irons  premièrement  pour  veoir  se  nous  pourrons 
trouver  lieu  et  place  et  gent  bien  disposée  qui  nous  veuille  re- 
cueillir, affm  que  nous  puissions  drecier  nostre  forge  de  la 
Saincte  Alkemie  pour  multiplier  les  besans,  et  quant  au  prende 
le  chemin,  (f.  64  r°)  il  a  si  grant  temps  que  nous  ne  fusmes  en 
ceste  valée  de  misère,  se  n'a  été  par  aventure,  ainsi  comme  en 
songeant  que  parlant  selon  les  faiz  humains  nous  porriesmes 
bien  faillir  au  beau  chemin  auquel  iadis  nous  soliesmes  à  grant 
ioy  echeminer.  —  Nostre  très  chiere  maistresse,  dirent  les  trois 
dames,  Paix,  Miséricorde  et  Justice,  vous  dictes  vérité.  Et  pour 
ce  seroit  bon  que  aucune  personne  qui  ait  très  grand  ioye  de 


372  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

nostre  venue  soit  en  nostre  compaignie  et  voise  tousiours  de- 
vant vous.  »  Lors  se  meist  avant  Ardant  Désir  qui  ne  dormoit 
mie  et  dist  ainsi  :  «  Mes  très  lionnorées  dames,  je  suis  tout  prest 
de  non  partir  de  vous  et  d'aler  tousiours  devant,  car  ie  scay 
tous  les  chemins,  les  pays  et  royaumes,  et  congnois  tous  les 
princes,  les  barons  et  les  peuples  de  ce  faulx  monde  bestourné, 
et  à  l'ayde  de  ma  très  chiere  seur,  ie  seray  vostre  loyale  guide  et 
vous  méneray  partout  là  où  je  penseray  que  vous  soyés  les  bien 
venues.  »  Dist  la  royne  Vérité  :  «  Alons,  au  nom  de  Dieu,  car  nous 
avons  bon  guide.  »  Or  est  assavoir  que  ceste  grande  royne,  la 
Riche  Précieuse,  et  les  trois  dames  n'estoient  pas  issues  toutes 
seules  de  la  belle  montaigne  de  Paradis  Terrestre,  car  chacune 
d'elles  avoit  amené  avec  elle  quatre  chambrières  très  bonnes 
ouvrières  de  la  Saincte  Alkemie.  Vérité  la  royne  avoit  avec  elle 
Droiture  et  Vraye  Existance,  Humilité  et  Pacience.  Madame  Alé- 
gresse  avoit  avec  elle  Concorde  et  Habondance,  Seurté  et  Plai- 
sance. Et  l'Amoureuse  avec  elle  Largesse  et  Compassion,  Doulce 
Pensée  et  Dilection.  Mais  Bonne  Aventure  estoit  parée  de  Puis- 
sance et  de  Magnificence,  de  Discrétion  et  (folio  64  v°)  de 
Adresse.  Après  ces  quatre  chambrières  à  chacune  des  dames, 
en  y  avoit  huit  qui  servoient  chacune  à  par  elle,  et  toutes  en- 
semble, c'est  assavoir  Prudence  et  Tempérance,  Force  et  Révé- 
rence, Loyaulté  et  Diligence,  Stabilité  et  Persévérance.  La  Riche 
Précieuse  et  toute  sa  belle  compaignie  ainsi  vestue  et  parée, 
comme  dessus  est  devisé,  se  mit  à  la  ioye  et  prist  son  chemin 
es  parties  d'Orient  par  le  conseil  de  Ardant  Désir  qui  tousiours 
aloit  devant,  en  monstrant  la  droite  voye,  et  passèrent  parmi 
Nubie  dont  le  roy  est  noir  comme  une  meure  et  si  aoure  le  Cru- 
cifis.  Vérité  la  royne  et  tout  sa  compaignie  passa  parmy  le 
royaume  de  cité  en  cité  et  vint  en  la  court  du  roy  qui  par  sem- 
blant bien  les  recueillist,  voire  comme  on  faist  un  pèlerin  en 
passant.  Mais  Prudence  bien  avisée  pour  ses  dames  trop  bien 
congneust  que  en  la  court  dudit  roy  ne  en  son  royaume  la  grant 
forge  ne  clevoit  pas  drecier.  Combien  qu'ilz  trouvèrent  aucunes 
petites  forges  vielles  et  derompues,  où  on  forgeoit  besans  de 
faulx  aloy  et  qui  ne  pesoient  pas  25  quaras  ne  20  ne  15.  Quant 
les  dames  eurent  bien  examiné  le  royaume,  et  que  elles  virent 
et  congnourent  que  leur  monnoye  ne  seroit  pas  bien  agréable  au 
roy  ne  à  ses  gens,  pour  ce  qu'il  avoit  si  grant  temps  que  nul  vray 


NEUF    CIIAIMTliKS    DU    «    SONGE    DU    VIEL    ['EI-EKIX    ».  373 

alkemiste  n'estoit  venu  au  royaume  de  par  le  riche  nionnoyer 
qui  porte  en  sa  forge  uno  aigle  à  deux  testes  et  de  par  le  grant 
prévost  du  Grant  iMaistrc  de  la  monnoye  lequel  prévost  a  la  tête 
cornue  et  porte  les  deux  clefs  en  sa  main  de  la  souveraine  forge, 
et  pource  le  roy  noir  de  Nubie  (1)  seigneur  d'Inde  minor  et  de 
Ethiopie  (folio  05  recto)  et  tous  ses  subgetz  avoient  grand  temps 
avoit  passé  obliez  la  belle  forge  du  besant  si  ne  recongneurent 
pas  bien  les  belles  dames,  pensans  que  ce  fussent  fées  ou  visions 
controuvées.  Lors,  la  Riche  Précieuse  estant  à  la, court  du  roy 
dist  à  ses  compaignes  :  «  Je  recongnois  assés,  et  me  souvient 
bien  comment  iad'iz  en  ce  palais  cy  et  partout  le  royaume  ie 
faisoye  mes  ours  tumer  et  chacun  me  obéissoit.  Ce  fut  du  temps 
que  cestuy  roi  iadis  par  ma  puissance  et  par  vostre  Saincte 
Alkemie  osta  du  fluve  du  Nil  son  cours  d'aler  parmy  Egypte,  et 
fist  par  force  prendre  cours  à  la  dicte  rivière  parmi  les  désers  et 
par  autres  pais.  Dont  il  avint  que  le  soudan  de  Babilone  et  tous 
les  Egypciens  morant  de  soif  pour  recouvrer  le  dist  fluve  de- 
vindrent  tributaires  au  roy  de  Nubie.  Et  pour  celle  remembrance 
encores  aujourd'huy  les  Nubiens  toutes  les  fois  qu'il  leur  plaist 
passent  parmy  Egipte  et  parmy  le  Caire  en  Babilone  (2)  portans 

(1)  La  Nubie  est  ici  le  royaume  d'Abyssinie  qui  était  gouverné  par  des  princes 
chrétiens.  11  est  assez  curieux  que  tous  les  géograplies  et  les  historiens  du  Moyen 
Age  font  dépendre  l'Inde,  ou  tout  au  moins  une  partie  de  l'Inde,  à  laquelle  on  don- 
nait le  nom  de  l\lineure,  ih^  l'Ethiopie.  11  y  a  là  entre  ces  doux  pays  une  confu- 
sion assez  étrange  qui  ne  s'explique  que  par  ce  fait  que  l'on  connaissait  très  im- 
parfaitement la  mer  Rouge  et  l'étendue  réelle  de  l'océan  Indien  qui  sépare  la 
côte  orientale  du  continent  africain  de  la  côte  oceidentali?  de  l'Inde.  Les  géogra- 
phes orientaux  eux-mêmes  ont  quelquefois  confondu  l'Ethiopie  avec  les  Indes  ;  les 
Persans  appellent  encore  aujourd'hui  les  Éthiopiens,  Syah  Hindi,  «  Indou  noii'  ». 
Cette  confusion  se  retrouve  à  des  époques  bien  postérieures;  c'est  ainsi  quel'Arioste 
raconte  au  chant  XXXIII  de  VOrlando  furioso,  qu'Astolphe  étant  arrivé  sur  l'hip- 
pogriffe, en  Ethiopie,  y  trouva  un  roi  nommé  Sénapes,  qui  était  connu  en  Euroi)e 
sous  le  nom  de  Prêtre  Jean.  Ce  prince  avait  perdu  la  vue  et  était  condamné 
à  voir  ses  mets  souillés  par  les  Harpies  dès  qu'il  se  mettait  à  table.  C'est  en 
pourchassant  ces  monstres  qu'Astolphe  fut  amené  à  visiter  TEnfer  eMe  Paradis  que 
l'Arioste  place  dans  la  Lune.  Ce  voyage  miraculeux  du  prince  anglais  fait  double 
emploi  avec  l'admirable  épisode  de  la  descente  de  Bradamante  dans  la  grotte  où 
repose  l'enchanteur  Jlerlin,  victime  de  son  amour  pour  la  Dame  du  Lac  (chant  111) 
et  on  n'y  trouve  point  de  si  heureuses  réminiscences  de  l'antiquité  classique. 

(ii)  Cette  affirmation  est  naturellement  une  simple  fantaisie  qui  ne  repose  sur  au- 
cun fait  histoi'ique  réel;  il  est  bien  évident  que  jamais  personne  n'est  arrivé  à 
détourner  le  cours  du  Nil  de  façon  à  faire  mourir  de  soif  les  habitants  du  Caire 
et  de  toute  l'Egypte.  Cette  légende  était  cependant  assez  courante  au  temps  de 
Philippe  de  Mézières,  et  on  la  retrouve  dans  VOrlantlo  furioxo  de  l'Arioste  : 


374  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

en  leurs  mains  une  belle  croix  de  fer  bien  taillée  passans  parmy 
les  Sarrazins  et  jusques  en  lehrusalem  sans  payer  nul  truaige 
et  ce  que  dit  est  de  la  croix  le  Viel  Pèlerin  a  veu  plusieurs  foisr 
«  Or  vees,  mes  belles  seurs,  dist  la  Vérité  la  royne,  la  vertu  de 
nostre  Saincte  Alkemie,  car  combien  qu'ilz  ayent  de  si  grant 
temps  laissié  nostre  belle  forge  dont  ils  ont  perdu  la  puissance 
de  mettre  le  frain  au  très  courant  fluvaire  comme  iadis  le  firent. 
Touttefois  par  l'ancienne  vertu  de  nostre  riche  Alquemie  encores 
portent  ilz  la  croix  parmy  les  infidels,  ce  que  nulle  autre  nation 
de  Crucifis,  ne  catholique,  ne  autre  ne  fait.  »  Les  trois  dames 
dirent  :  «  Bien  nous  souvient  (fol.  65  verso)  que  iadis  en  ce 
royaume  nous  forgiesmes  à  devise,  mais  à  présent  nous  ne  po- 
vons  plus  en  ce  royaume  demeurer,  quant  il  plaira  au  souverain 
Prince  de  nostre  science,  une  auttrefois  ilz  nous  recevront  et  de 
noz  besans  sainctement  useront.  »  Ardant  Désir  et  sa  belle  seur. 
Bonne  Espérance,  n'avoient  talent  de  rire  et  en  lamentant  ne 
savoient  que  dire,  reprirent  cuer  et  dirent  :  «  Mes  très  chieres 
dames,  souviengne  vous  de  l'Évangile,  puis  qu'ilz  ne  vous 
veuillent  oir  ne  recevoir  en  une  cité  ou  en  ung  royaume,  aies  à 
l'autre.  Je  vous  menrray  en  Ynde  la  Maior  et  passerez  par  saint 
Thomas  l'Apostre.  » 


si  dice  clie'  1  Soldan  re  dell'  Egitto 
Aquel  re  da  iributo,  e  sta  suggctto, 
Perché  in  poter  di  lui  dal  cammin  dritto, 
Levare  il  Nilo  e  dargli  altro  rioetlo. 
E  per  questo  lasciar  subito  afllilto 
Di  famé  il  Cairo  e  tutto  quel  distretto. 

Sous  le  règne  des  Fatimites,  des  Ayyoubites  et  des  Sultans  Mamlouks,  les 
Nubiens  ne  furent  pas  mieux  traités  en  Egypte  que  les  autres  Chrétiens.  La  meil- 
leure preuve  en  est  les  guerres  que  le  Sultan  Wamlouk  bahrite  Blelik  Daher  Bi- 
bars  fit  aux  Nubiens  et  la  manière  brutale  dont  ils  furent  traités;  jamais  ils 
n'ont  joui  de  privilèges  spéciaux  dont  les  autres  Chrétiens  auraient  été  privés; 
quant  à  aller  à  Jérusalem  sans  payer  tribut  et  en  portant  ostensiblement  des  croix, 
c'est  ce  que  personne  n'a  jamais  eu  et  n'aura  jamais  la  permission  de  faire  sous 
la  domination  des  IMusulmans. 


NEUF    CIIAPITRKS    DU    «    SONGE    DU    VIEL    PELERIN'     ».  375 


LE  X--  CHAPITRE 

Comment  la  Riclio  Procieusn  et  tout  sa  belle  compaignie  vint  en  Yn(l<'  la  Mayor 
là  où  elle  ne  fut  pas  bien  recueillie  des  successeurs  du  roy  d'Ynde,  Prestre 
lehan,  et  comment  elles  alei-ent  au  royaume  des  Hraj^amains;  des  merveilles 
qu'elles  y  trouvèrent  et  de  la  nobli'  police  et  vie  vertueuse  et  morale  desdiz 
Bragamains. 

La  Riche  Précieuse  et  sa  belle  compaignie  se  partirent  de 
Nubie  et  entrèrent  en  Ynde  la  Maior,  et  trespasserent  par  mer 
bien  4000  ysles  grandes  et  en  partie  bien  habitées  (I),  esquelles 
le  gingembre,  canelle,  poivre,  noix  muscades  et  le  fin  ambre 
croissent,  et  en  plusieurs  lieux  les  pierres  précieuses;  et  en 
certaines  ysles  fait  si  chault  que  les  hommes  sont  vêtus  de 
roys  de  soye  et  à  chacun  neu  de  la  croix  est  attaichée  une 
riche  pierre  précieuse.  Autres  ysles  y  a  (folio  66  recto)  oîi  il 
y  a  tant  d'or  que  les  parois  des  palais  de  gens  d'estat  sont 
toutes  couvertes  de  grandes  lames  de  fin  or.  Et  sans  alléguer 
aucune  escripture  vraye  ou  apparant,  au  temps  que  le  Viel 
Pèlerin  servoit  ung  grant  roy  d'Orient  (2),  il  vint  un  Genevois 
marchant  qui  avoit  demeuré  en  Ynde  la  Maior,  cinquante 
ans,  et  fut  approuvé  devant  le  roy  Testât  et  la  bonne  vie  du 
dit  marchant,  et  que  des  merveilles  d'Ynde,  il  en  pouvait 
mieulx  parler  et  lui  donnoit  on  plus  grande  foy  que  à  plusieurs 
autres  qui  s'estoient  ventez  qu'ils  avoient  estez  en  Ynde   la 


(1)  Les  îles  dont  il  est  question  ici  et  qui  sont  représentées  comme  très  riches 
en  épices  et  en  or  doivent  être  le  groupe  d'îles  auxquelles  appartiennent  Java, 
Sumatra,  Bornéo  et  Célèbes  plutôt  que  les  Maldives  et  les  Laquedives  qui  s'éten- 
dent entre  les  côtes  d'Afi'ique  et  celles  de  l'Inde.  Ce  passage  est  vraisembla- 
blement inspiré  par  les  géographes  musulmans  qui  placent  dans  la  mer  de 
l'Inde  et  dans  la  mer  de  Hcrkend  un  nombre  extrêmement  considérables  d'îles 
toutes  plus  riches  les  unes  que  les  autres.  La  reine  Riche  Précieuse  et  son 
escorte  se  rendant  dans  l'Inde  majeure  sont  obligées  de  traverser  la  mer,  c'est-à- 
dire  l'océan  Indien;  il  n'y  a  que  l'Inde  mineure  qui,  dans  les  idées  fort  vagues  et 
erronées  des  géographes  du  moyen  âge,  soit  voisine  de  l'Ethiopie  et  appar- 
tienne à  l'Afrique.  Le  tombeau  de  l'apôtre  saint  Thomas  se  trouve  en  réalité  à 
Édesse  en  Syrie,  mais  la  légende  veut  qu'il  ait  souffert  le  martyre  à  Meliapoui", 
sur  la  côte  de  Coromandel,  après  avoir  voyagé  jusqu'à  Ceylan  et  à  Sumatra. 

(2)  C'est-à-dire  quand  Philippe  était  au  service  des  Lusignan  de  Chypre;  par 
un  Genevois,  il  faut  naturellement  entendre  un  Génois.  Les  rapports  commer- 
ciaux de  Gènes  et  de  l'Orient  étaient  très  fréquents  à  cette  époque. 


376  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Maior,  Par  le  dit  duquel  marchant  le  Viel  Pèlerin  fut  informé 
des  grans  merveilles  d'Inde,  des  quelles  il  se  passe  d'escripre 
pour  ce  qu'il  ne  fait  pas  à  son  propos  et  si  seroit  trop  long 
cestuy  songe.  Vérité  la  royne  et  ses  dames  navigans  parmy 
les  ysles  trouvèrent  l'Eglise  de  Sainct  Thomas  l'Apostre,  et 
furent  ases  bien  receues  des  moisnes  qui  gardent  le  corps  du 
benoist  Apostre,  et  trouvèrent  que  depuis  le  temps  iadis  que 
elles  se  partirent  de  là  à  la  journée  de  l'Appostre,  la  mer  qui  se 
souloit  retraire  et  donnoit  voye  aux  pèlerins  ne  se  retraioit 
pas  ainsi  comme  elle  souloit,  et  autres  plusieurs  miracles  qui 
se  souloient  monstrer  à  la  pierre  de  l'Apostre  estoient  ainsi 
comme  cessez.  Les  dames  passèrent  oultre  et  vindrent  jusques 
à  la  maistresse  cité  appelée  Gangis  (1)  et  au  palais  là  où  le  riche 
roy  souloit  demourer  qui  estoit  Crcstien  et  appelé  Prestre  lehan; 
la  Riche  Précieuse  manda  tantost  les  quatre  chambrières  dili- 
gence semonnant,  c'est  assavoir  Droicture,  Vraye  Existance, 
(folio  66  verso)  Humilité  et  Pacience,  et  aussi  firent  les  trois 
dames,  mandèrent  leurs  chambrières  pour  veoir  partout  es  citez 
et  chasteaulx  et  au  plat  pais  se  elles  trouveroient  place  là  ou 
elles  peussent  estrerecongneues  et  ou  elles  peussent  drecier  leur 
forge.  Mais  elles  ne  trouvèrent  que  toute  poureté,  ignorance  et 
obstinacion.  Et  trouvèrent  qu'il  y  avoit  plus  de  200  ans  que 
pour  ce  qu'ilz  avoient  habandonnéde  forgier  les  bons  besans,  leur 
puissant  roi,  Prestre  lehan  (2),  avoit  esté  desconfi  du  grant 

(1)  II  n'y  a  pas  de  cité  de  Gangis,  et  l'auteur  du  Songe  du  Viel  Pèlerin  donne 
à  la  capitale  du  roi  de  l'Inde  le  nom  du  fleuve  appelé  en  sanscrit  Ganga,  que 
les  Euroiiéens  ont  transcrit  sous  la  forme  Gange. 

(2)  JMalgré  tout  ce  que  l'on  a  dit  et  éci^t  sur  le  Prêtre  Jean,  il  n'est  pas  fa- 
cile de  savoir  au  juste  quel  personnage  historique  il  représente.  Ce  passage  du 
Songe  du  Viel  Pèlerin  n'est  point  sans  importance;  en  effet,  d'après  les  termes 
mêmes  de  Philippe  de  Mézières,  le  prêtre  Jean  fut  battu  par  le  souverain  des 
Tartares,  c'est-à-dire  des  Mongols,  et  la  nation  qu'il  gouvernait  passa  sous  leur 
joug.  Or  il  n'y  a  qu'un  événement  historique  que  l'on  puisse  rapprocher  de  cette 
assertion,  c'est  la  défaite  que  Djingiz-Khan  infligea  en  1203  de  notre  ère  à  Ong- 
Khan,  souverain  de  la  tribu  mongole  des  Kéraites.  On  sait  par  Fadl-Allah-Ra- 
schid-ed-Din  et  par  d'autres  annalistes  de  l'époque  mongole,  en  particulier  le  vizir 
Ala-ed-Din-Ata  Melik-el-Djouveini,  que  cette  tribu  avait  embrassé  le  Christianisme 
à  une  date  qu'il  est  impossible  de  déterminer  d'une  façon  absolue,  mais  qui  est 
certainement  fort  reculée.  Il  résulte  de  ce  passage,  qui  est  décisif,  que  le  Prêtre 
Jean  n'est  autre  que  le  chef  des  Kéraites,  Ong-Khan  ou  Wang-Khan  suivant  la 
prononciation  chinoise.  Marco  Polo  (édition  Pauthier,  p.  173)  affirme  que  le  Prêtre 
Jean  est  le  même  que  Ong-Khan  ;  la  transformation  de  Ong  en  Jean  n'a  rien  d'ex- 
traordinaire; le  mot  de  prêtre  est  plus  difflcile  à  expliquer. 


NEUF    CIIAI'ITRES    DU    «    SOXOE    DU    VIEL    PKl.KItlN    ».  377 

Caan  de  Tartarie  et  toute  la  Clirétient(''  d'Inde  la  Maiour  mise 
enservaige  du  dit  grand  Caan  (1)  de  Tartarie  et  de  autres  terres; 
et  que  il  n'y  avoit  nul  remède  se  par  le  commandement  du 
Grand  Maistre  de  la  monnoyo  des  parties  de  Romme  il  ne  venoit 
alkemistes  qui  y  venissent  forgier  par  l'ordenance  de  la  Riche 
Précieuse  et  de  ses  trois  compaignes.  Grant  douleur  ot  Ardant 
Désir  et  sa  seur  trop  plus  que  escripre  ne  se  porroit  et  dist  à 
la  Riche  Précieuse  et  à  ses  compaignes  :  «  Mes  très  chieres 
dames,  je  vous  menray  en  ung  pays  assez  prés  de  cy  au  quel 
ie  pense  que  vous  y  trouverez  ce  que  vous  aies  querant.  »  Les 
dames  se  myrent  au  chemin  après  Ardant  Désir  et  en  peu  de 
iournées  vindrent  en  la  terre  des  Bragamains(2).  C'est  ung  pais 
où  les  hommes  sont  d'une  singulière  condicion  moult  estrange 
de  tous  les  aultres  de  ce  monde,  car  dés  que  le  pais  fut  habité, 
les  hommes  et  les  femmes  tiennent  k  la  lettre  la  loy  de  nature. 
Hz  vivent  en  commun  et  en  tout  le  pais  n'a  ung  seul  poure.  Hz 
n'ont  nulle  vesture  fors  celle  tant  seulement  qui  (folio  67  recto) 
leur  est  de  nécessité.  Leurs  maisons  sont  en  cavernes,  et  ne  se 
traveilleroient  point  pour  édifier  maisons  ne  de  tous  autres 
labours,  ilz  ne  labeurent  point  fors  pour  leur  nécessité  estroicte. 
Hz  prendrent  femmes  par  règle  et  par  ordenance  tant  seulement 
pour  faire  des  enffans  et  tantost  que  leurs  femmes  sont  gros- 
ses, ils  n'abitent  plus  à  elles  tant  qu'elles  soient  délivrées.  Ne 
iamais  ung  homme  n'yroit  à  autre  femme  ne  les  femmes 
jamais  ne  se  meffont;  ilz  n'ont  point  de  monnoye  ne  ilz 
n'acontent  riens  à  or  ne  argent,  en  cellui  pais  n'a  nulz  larrons 
ne  ilz  ne  se  guettent  point  l'un  l'autre,  ils  n'ont  nulz  procès  ne 
débatz  et  autres  plusieurs  condicions  de  merveilleuses  vertus 
lesquelles  ie  laisse  pour  cause  de  briefté.  Hz  ont  ung  roy  non 

(1)  Ce  mot  esl  la  transformation  du  titre  tartare  Kaàn;  pour  son  étymolo- 
gie,  voir  Les  Inscriptions  turques  de  COrkIwn  dans  Revue  archéologique,  année 
1898. 

(2)  Les  Bragamains  sont  les  Brahmanes  qui  n'ont  jamais  tormé  un  peuple  de 
l'Inde,  mais  qui  ne  sont  que  la  première  caste  dans  laquelle  se  recrute  le 
clergé;  il  est  bien  inutile  de  chercher  à  localiser  le  pays  des  Bragamains.  Dans 
cette  partie  du  Songe  du  Viel Pèlerin,  comme  dans  la  plupart  des  autres,  Philippe 
de  Mézières  n'a  qu'un  souci  très  relatif  de  la  géographie  ;  toutefois,  si  l'on 
remarque  que  les  Bragamains  se  trouvèrent,  en  contact  avec  Alexandre,  on  sera 
porté  à  penser  que  Philippe  les  plaçait  dans  le  nord  de  l'Hindoustan.  En  tout 
cas,  ce  qu'il  dit  de  leurs  mœurs  et  de  leurs  coutumes  est  aussi  inexact  ([ue  l'itiné- 
raire de  la  reine  et  de  ses  compagnes  est  étrange. 


378  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

pas  pour  faire  iustice  d'eulx,  car  le  cas  ne  se  offre  point,  mais  ils 
ont  leur  roy  pour  honneur  et  révérence  et  monstrer  une  honneste 
obédience  ne  le  roy  ne  fait  chose  qui  leur  déplaise,  ne  les 
subgetz  au  roy  et  à  briefment  parler,  ils  vivent  très  honnes- 
tement  selon  la  loy  de  nature  et  fait  l'un  à  l'autre  à  son  pouvoir 
tout  ce  qu'il  vouldroit  qu'on  lui  fit.  Avarice,  orgueil  et  luxeure 
ilz  ont  en  abomination,  de   la  mort  font  peu  de  compte,  et 
aourent  ung  seul  dieu  tout  puissant.  Quant  Alexandre  conquist 
les  contrées  d'Inde,  il  fut  informé  de  cette  gent  si  vertueuse 
et  puis  y  ala  non  pas  l'espée  au  point,  mais  pour  les  visiter  et 
avoir  leur  amour  et  s'émerveilla  moult  de  leur  merveilleuse  vie, 
mais  en  la  fin  pour  ce  qu'ilz  hayssoient  honneur  mondaine  et 
(folio  67  verso)  richesses  et  n'avoient  point  de  trésor,  il  ne  fist 
compte  d'eulx  ne  les  gens  aussi  ne  firent  compte  de  lui  et  en 
rien  ne  le  crenoient.  Vérité  la  royne  et  toute  sa  belle  compaignie 
parvint  en  la  terre  des  Bragamains  en  laquelle  elle  fut  merveil- 
leusement et  gracieusement  receue  du  roy  et  de  ses  Bragamains. 
Les  chambrières  des  dames  tantost  se  mirent  à  leur  office  et 
en  peu  d'eure  eurent  serchié  et  visitée  toute  la  terre  des  Bra- 
gamains, et  puis  retournèrent  à  leurs  dames  et  leur  dirent  que 
en  tout  le  chemin  n'avoient  trouvé  royaume  ne  pais  si  bien 
disposé  pour  forgier  le  riche  besant  de  l'ame  et  florins  d'or  de  24 
caras.  La  royne  Vérité  examina  diligemment  et  particulièrement 
toutes  les  chambrières  Tune  après  l'autre  et  trouva  que  toutes 
s'accordoient  l'une  à  l'autre,  disans  à  une  voix  que  vrayement 
Madame  Alégresse  avoit  trouvé  son  pais  et  l'Amoureuse  aussi,  et 
Bonne  Aventure  aussi,  et  qu'elle  avoit  trouvé  son  ny  où  elle  pouvoit 
trop  bien  reposer  sans  grant  soussy,  car  de  son  espée  à  deux 
trenchans  ne  de  sa  verge  d'or  elle  n'auroit  gaires  à  faire;  par 
quoy  elle  se  pourroit  bien  reposer  sans  grant  soussy.  Les  trois 
dames  par  la  relation  de  leurs  chambrières  s'accordèrent  disans  : 
«  Mais  qu'il  plaise  à  nostre  royne,  nous  pouvons  bien  si  forgier 
et  faire  nostre  marchandise.   »    Vérité  la  royne    getta  lors  un 
grant  sospir  et  dist  ainsi  :  «  J'ay  grand  pitié  de  cette  bonne  gent 
qui  est  si  vertueuse  menant  si  belle  vie  de  ce  qu'ilz  ne  sont  pas 
informez  de  la  Vraie  Alkemie.  »  (folio  68  recto)  Et  lors  elle 
appella  Bonne  Aventure,  disant  :  «  Ma  belle  sœur,  venez  avant 
et  en  personne  pensez  de  faire  une  enqueste  d'une   chose  de 
laquelle  par  aventure  il  ne  vous  souvient  pas.  Prenez  le  besant 


NEUF    CHAIMTHKS    T)\'    «    SONGE    DU    VIEI.    PEEEHI.V    ».  379 

de  cette  gent  et  regardez  bien  se  vous  trouverez  en  l'emprainte  le 
signe  de  Thau,  et  si  vous  ly  trouvez  nous  lèverons  tantost 
notre  forge,  mais  se  vous  ne  ly  trouvez,  tenez  fermement  qu'il 
nous  convient  partir  de  cy,  car  au  Viel  Testament,  mon  père 
commande  à  l'Angele  que  là  où  il  trouveroit  le  signe  de  Thau,  il 
ne  feist  nul  mal,  et  les  autres  qui  ne  l'avoient  ne  fussent  point 
espargnés.  »  Bonne  Aventure  fist  son  enqueste  et  audit  besant 
ne  ailleurs  ne  trouva  point  le  signe  du  Thau,  elle  fist  sa  relation 
devant  la  royne  et  toutes  les  autres  dames.  Lors  Vérité 
la  royne  par  manière  de  sentence  dist  ainsi  :  «  Mes  belles 
seurs,  mon  très  chier  père,  le  Grant  Maistre  de  la  monnoye, 
une  fois  pour  toutes  m'a  commandé  que  ie  ne  doye  arrester 
voire  pour  longuement  demorer  en  lieu  où  le  signe  de  Thau  ne 
se  trouve  au  besant.  C'est  le  signe  que  Thomas  et  Bartholomeu 
aporterent  en  ce  royaume  et  puisque  ie  ne  ly  treuve  ie  n'y  puis 
arrester,  ne  vous  aussi,  combien  qu'il  me  semble  que  votre 
Alkemie  soit  agréable  à  ceste  génération  dont  i'ai  grant  compas- 
sion et  pour  leurs  bonnes  euvres  apparans,  i'ai  prié  à  mon  père 
qu'il  les  veuille  garder  jusques  autant  que  de  la  cité  de  Romme 
ie  leur  manderay  une  bulle  de  grand  confort  et  de  bonne 
absolution.  »  Toutes  les  dames  s'accordèrent  à  la  sentence  de 
Vérité  (folio  G8  verso)  leur  royne  et  confortèrent  la  gent  de 
Bragamanie.  Et  ainsi  se  partirent  de  celle  contrée,  Ardant  Désir 
lamentant  et  plorant  de  ce  qu'il  avoit  failly  à  l'effect  de  son 
entencion. 

{A  suivre.)  Ed.  Blochet. 


VIE  DU  MOINE 

RABBAN  YOUSSEF  BOUSNAYA 

•    {Suiti^  (1) 


CHAPITRE  VIII 


De  la  manière  dont  Rabbax  Youssef  instruisait  ceux  qui  lui 
confiaient  leurs  ames;  — comment,  par  la  science,  il  prenait 

SOIN  d'eux,  selon  la  DÉBILITÉ  DE  NOTRE  ÉPOQUE  DERNIÈRE  QUI 
s'avance  et  APPROCHE  DE  LA  DESTRUCTION.  —  SeIGNEUR,  AIDE- 
NOUS    DANS  TES  miséricordes!  AmEN. 

Celui  qui  ne  dépend  de  rien,  qui  est  au-dessus  de  tout,  et  qui 
est  en  tout,  est  absolument  un.  Seul  il  possède  la  science  essen- 
tielle, indépendante  du  temps,  qu'il  a  par  sa  propre  nature  sans 
aucune  étude.  Quant  au  reste  des  créatures,  il  en  est  qui  ont 
leur  science  fixée  en  elles-mêmes,  selon  qu'il  a  plu  à  cette 
science  infinie,  et  il  en  est  qui  la  reçoivent  des  autres  par  l'en- 
seignement; afin  que  par  Là,  cette  sagesse  souveraine  qui  est 
la  science  supérieure  à  toute  chose,  soit  connue  de  tous. 

Donc,  Dieu  notre  Créateur  est  unique  dans  la  Trinité  de  ses 
personnes  :  sa  science  est  éternelle  et  infinie  comme  lui,  sans 
accroissement  ni  diminution  possible,  s'étendant  absolument  à 
tout;  car  Dieu  est  la  science  même;  sa  science  est  son  essence  et 
son  essence  est  sa  science.  C'est  un  sujet  très  élevé  et  le  discours 
peut  difficilement  atteindre  l'intelligence  suprême  :  de  sorte  que 
nous  ne  comprenons  pas  comment  sa  science  est  en  lui  et  lui 
dans  sa  science;  car  Dieu  est  tout  en  tout;  il  échappe  à  la  concep- 
tion de  tous  les  êtres  créés. 

(1)  Voy.  vol.  II,  p.  35' ;  vol.  III,  p.  77,  168,  292,  458. 


VIE    DU    MOINE    RABBAX    YOUSSEF    lîOUSNAVA.  381 

Les  êtres  cloués  de  sens,  que  Dieu  a  faits  muets  et  sans  parole, 
ont  leur  science  fixée  dans  leur  pn^pro  natun;  par  le  Créateur  sage. 
Leur  nature  même  suscite  leur  science  dans  leur  être.  Le  chien 
n'a  certes  pas  besoin  d'apprendre  hors  de  lui-même  l'aboiement 
et  la  vigilance,  choses  pour  lesquelles  il  est  utile;  sa  nature  elle- 
même  lui  enseigne  ce  qui  est  en  lui.  De  même,  le  coq  n'apprend 
point  par  quelque  enseignement  à  chanter  à  certaines  heures  dé- 
finies de  la  nuit  et  du  jour  :  ce  qu'il  serait  d'ailleurs  très  diffi- 
cile aux  hommes  de  lui  enseigner.  Et,  pour  ne  pas  allonger  le 
discours,  l'animal  de  chaque  espèce,  sans  parole  ni  raison,  porte 
sa  science  en  lui-même  :  sa  propre  nature  est  son  maître  en 
tout  ce  qu'il  est. 

Mais  la  sagesse  suprême  de  notre  Créateur  adorable  a  établi  en 
deux  ordres  différents  la  créature  raisonnable  :  d'une  part,  Tor- 
dre invisible,  indépendant  du  corps;  d'autre  part,  l'ordre  visible, 
sous  le  joug  d'un  corps  passible.  —  Aux  créatures  invisibles,  il 
a  donné,  avec  l'être,  la  science  parfaite,  mais  ce|3€ndant  pas 
complète:  car  elle  reçoit  un  accroissement,  et  chaque  jour  elles 
apprennent  et  connaissent  quelque  chose  qu'elles  ne  savaient 
pas  :  leur  science  se  complète  et  se  double  ainsi,  jusqu'à  ce 
qu'elles  reçoivent  la  perfection  totale  dans  l'éternité.  —  Comme 
notre  espèce  humaine  est  la  perfection  de  toute  la  création  :  des 
êtres  invisibles  aussi  bien  que  des  êtres  visibles,  l'image  et  la 
ressemblance  de  Dieu,  et  qu'elle  dispose  de  son  libre  arbitre 
comme  son  Créateur,  notre  science  s'accroît  par  l'éducation  dans 
tout  notre  être;  car,  bien  que  la  science  de  l'àme  soit  en  réalité 
placée  dans  sa  nature  même,  cependant  elle  se  développe,  ainsi 
que  je  l'ai  dit,  avec  l'accroissement  du  corps,  et  nous  avons  be- 
soin de  l'enseignement  et  de  l'éducation  des  autres,  et  aussi  de 
la  science  qui  se  trouve  dans  les  natures  des  êtres  créés. 

Dieu  n'a  pas  fait  cela  en  vain  ni  fortuitement,  mais  dans  sa  sa- 
gesse ineffable.  Comment  cela?  Parce  que,  dans  sa  science.  Dieu 
a  prévu  avant  que  rien  n'existât,  tout  ce  qui  doit  arriver;  [il  a  pré- 
vu] comment  se  comporteraient  les  hommes  dans  toutes  leurs  dé- 
marches, dans  leurs  différents  desseins,  dans  toutes  les  pensées 
droites  ou  sinistres  (1)  qui  s'élèveraient  en  eux;  que  par  la  force 
de  ses  inclinations,  l'homme  est  mauvais  dès  sa  jeunesse,  comme 

(l)Litt.  :  •>  de  droite  ou  de  gauche  »,  c'est-à-dire  bonnes  ou  mauvaises. 


382  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

il  est  écrit  (1),  et  a  incessamment  besoin  de  tuteurs  à  cause  de  sa 
faiblesse.  Pour  ces  motifs  et  des  motifs  semblables,  Dieu  a  fait 
tous  les  hommes  dépendants  :  celui-ci  a  besoin  de  celui-là  pour 
une  chose,  et  celui-là  a  besoin  de  celui-ci  pour  une  autre  chose. 
Il  les  a  surtout  faits  de  telle  sorte  qu'ils  ont  besoin  de  l'enseigne- 
ment les  uns  des  autres  pour  acquérir  à  grand'peine  une  science 
quelconque,  car  il  n'est  rien  en  nous  qui  puisse  nous  l'apprendre 
ou  nous  la  faire  connaître  sans  l'enseignement  des  autres.  Et 
cela  pour  que  nous  ne  soyons  pas  enflés  par  l'orgueil  dontle  le- 
vain demeure  en  nous,  que  nous  ne  nous  élevions  pas  au-dessus 
de  ceux  qui  sont  moindres  que  nous,  peut-être  même  au-dessus 
de  Dieu,  comme  il  est  arrivé  à  beaucoup  qui  se  sont  enor- 
gueillis dans  leur  esprit  et  se  sont  enflés  dans  leur  orgueil  au 
point  de  se  nommer  dieux  eux-mêmes,  bien  qu'ils  eussent  appris 
et  reçu  des  autres  ce  qu'ils  savaient.  —  «  Qu'as-tu,  ô  homme,  que 
tu  n'aies  reçu  de  la  grâce?  Et  si  tu  l'as  reçu  de  la  grâce,  pour- 
quoi t'en  glorifies-tu  comme  si  tu  ne  l'avais  pas  reçu?  »  —  Ainsi 
blâme  notre  arrogance,  la  parole  vivante  et  sainte  (2). 

Donc,  Dieu  qui  veut  le  salut  de  tous  les  hommes  a  fait  en  sorte 
qu'ils  doivent  recevoir  les  uns  des  autres  la  science  et  la  doc- 
trine, et  qu'ils  se  communiquent  ses  dons  les  uns  aux  autres, 
quoiqu'il  soit  le  seul  donateur  des  bienfaits  et  des  sciences;  afin 
que  par  là  nous  possédions  en  nous  la  soumission  devant  Dieu  et 
à  l'égard  les  uns  des  autres.  —  Dieu  n'a  pas  voulu  que  nous 
connaissions  ni  que  nous  apprenions  sans  intermédiaire  ce 
qui  est  nécessaire  :  bien  qu'il  soit  lui-même  le  docteur  de  ces 
intermédiaires  et  de  toute  chose,  et  qu'en  ses  mains  repose 
le  soin  de  la  vie  de  tous;  et  cela,  comme  je  l'ai  dit,  pour  que 
nous  ne  nous  élevions  pas  les  uns  au-dessus  des  autres  et  que 
l'orgueil  ne  règne  pas  en  nous. 

Ainsi  donc,  Dieu  a  réglé  notre  création,  à  nous  hommes, 
de  telle  sorte  qu'en  grandissant  nous  acquérions  la  science  et  pro- 
gressions dans  la  doctrine  par  l'enseignement  des  autres.  Et 
cela  selon  le  double  accroissement  par  lequel  nous  grandis- 
sons et  nous  nous  développons  :  je  veux  dire,  celui  du  corps  et 
celui  de  l'àme.  —  Ainsi,  nous  grandissons  dans  notre  corps, 
nous  parvenons  de  l'enfance  à  la  jeunesse,  de  la  jeunesse  à 

(l)Cfr.  Gen.,  vin,  21. 
(2)  1  Cor.,  IV,  7. 


'VIM    DU    MOIXE    RABBAX    VOISSEF    HOUSNAYA,  383 

radolescenco,  de  celle-ci  nous  arrivons  à  la  virilité,  àràgemûr 
et  même  à  la  vieillesse  :  et  à  chacune  de  ces  époques  nous  rece- 
vons la  science  et  la  doctrine  qui  lui  conviennent.  Or,  il  y  a  un 
accroissement  et  un  développement  semblable  dans  les  choses 
divines  de  l'àme,  et  nous  avons  besoin  d'économes  et  de  major- 
domes prudents  qui  nous  instruisent,  c'est-à-dire  de  directeurs 
et  de  guides  qui  nous  montrent  le  chemin  que  nous  devons 
suivre  dans  cette  voie  du  monachisme,  admirable  même  pour 
les  anges. 

Si  donc  dans  l'enseignement  mondain  et  des  choses  du  monde, 
je  veux  parler  des  arts  et  des  connaissances  qui  s'y  rapportent 
et  de  l'étude  des  sciences  instables,  nous  avons  besoin  de  maîtres 
sages,  d'artistes  expérimentés  dans  leur  art,  pour  apprendre 
d'eux  les  choses  qui  nous  sont  nécessaires  et  nous  y  perfectionner  : 
à  combien  plus  forte  raison,  dans  cette  science  divine,  dans  cet 
art  spirituel  du  monachisme,  avons-nous  absolument  besoin  de 
maîtres  expérimentés  pour  apprendre  et  faire  des  progrès  dans 
cette  sublime  et  admirable  science?  —  Si  ceux  qui  s'engagent 
pour  la  première  fois  dans  un  chemin  très  difficile,  soit  sur  terre, 
soit  à  travers  les  mers,  ont  besoifi  de  guides  ou  de  pilotes  expé- 
rimentés qui  leur  montrent  les  sentiers  et  les  routes  :  à  combien 
plus  forte  raison  ceux  qui  veulent  marcher  dans  cette  voie  du 
monachisme,  dans  cette  mer  du  silence,  ont-ils  besoin  de  con- 
ducteurs et  de  guides,  qui  en  connaissent  parfaitement  tous  les 
sentiers,  et  qui  leur  en  montrent  les  routes  et  les  détours,  les 
entrées  et  les  issues,  afin  qu'ils  puissent  y  marcher  et  y  avan- 
cer directement,  et  ne  pas  s'égarer  hors  la  route,  par  ignorance, 
et  devenir  ainsi  la  proie  des  loups  du  soir  et  des  bêtes  fauv^es  de 
la  nuit?  —  Si  enfin  ceux  qui  veulent  apprendre  l'art  de  la  guerre 
et  prendre  rang  dans  la  milice  destinée  à  combattre  les  ennemis 
ont  besoin  de  lutteurs  habiles  à  la  guerre,  pour  en  apprendre  la 
manière  de  combattre,  comment  il  faut  s'avancer  ou  se  retirer, 
afin  de  ne  pas  succomber  et  périr  par  ignorance  :  combien  plus  ceux 
qui  se  préparent  à  la  lutte  spirituelle  avec  les  passions  et  les 
démons,  ont-ils  besoin  d'hommes  expérimentés  dans  cette  guerre 
spirituelle,  qui  les  guident  et  les  dirigent  dans  la  manière  d'en- 
gager et  de  cesser  le  combat,  pour  ne  pas  être,  à  Timproviste, 
percés  de  traits  au  milieu  des  ténèbres  insidieuses,  et  y  pé- 
rir? 


384  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Il  n'a  pas  plu  à  Dieu  d'être  lui-même,  sans  intermédiaire,  le 
guide  de  celui  qui  lui  confie  son  âme  :  bien  qu'il  soit  le  directeur 
universel  et  que  de  lui  et  par  lui  vienne  la  victoire  et  le  triomphe 
dans  les  combats;  mais  [il  a  voulu]  que  nous  apprissions  des 
autres  ce  qui  est  requis,  afin  que  ce  soit  pour  nous  un  motif 
d'humilité  et  de  condescendance,  une  délivrance  de  l'orgueil  et 
de  la  superbe,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut. 

C'est  pourquoi,  en  ces  derniers  temps,  Dieu  a  établi  Rabban 
Youssef,  dont  nous  racontons  l'histoire,  comme  directeur  etguide 
de  tous  ceux  qui  marchent  dans  cette  voie  du  mona^hisme. 
Comme  le  Seigneur  a  coutume,  dans  son  abondante  providence, 
de  donner  à  celui  qu'il  établit  en  vue  d'une  chose,  la  sagesse 
et  la  science  nécessaires,  et  de  lui  communiquer  la  force  et  le 
secours  dont  il  a  besoin  pour  diriger,  selon  sa  volonté,  le  don 
qui  lui  a  été  départi  et  l'intérêt  qui  lui  a  été  confié,  il  a  donné 
à  ce  héros  des  divines  sagesses,  une  prudence  spéciale,  une 
science  singulière,  pour  diriger  ceux  qui  remettaient  entre  ses 
mains  la  barque  de  leur  âme,  pour  les  secourir,  pour  les  ins- 
truire, selon  les  besoins  de  ce  temps  difficile,  vide  de  la  ferveur 
divine  et  rempli,  au  contraire,  de  froideur  et  de  tiédeur. 

R.  Youssef  qui  avait  accepté  cette  charge  par  contrainte,  ainsi 
que  je  l'ai  dit  plus  haut  (1),  dirigeait  dans  la  science  les  frères 
qui  s'attachaient  à  lui  et  qui  venaient  le  trouver  de  toute  part. 

Telle  était  sa  manière  de  les  instruire  : 

Noviciat  du  couvent.  —  Quand  quelqu'un  se  présentait  pour 
entrer  au  couvent,  il  lui  prescrivait  ceci  : 

c(  D'abord  tu  devras  travailler  l'espace  de  cinquante  jours,  se- 
lon la  règle  imposée  par  les  saints  Pères.  »  Telle  est,  en  effet, 
la  règle  de  ceux  qui  entrent  nouvellement  au  couvent  :  avant  de 
recevoir  la  tonsure,  le  saint  emblème  du  monachisme,  ils  doivent 
s'éprouver  eux-mêmes  et  s'exercer  pendant  cinquante  jours 
dans  un  labeur  très  pénible,  difficile  et  dur.  Ce  premier  temps 
d'épreuve  est  le  fondement  de  l'édifice  dans  cet  admirable  héri- 
tage. —  Il  les  avertissait  et  leur  prescrivait  de  travailler  en 
toute  soumission  à  l'égard  des  frères  du  couvent,  de  s'humilier 
eux-mêmes,  de  s'arrêter  à  des  pensées  comme  celle-ci  :  «  Qui 

(l)Cfr.  ci-dessus,  t.  II  [1807],  p.  402. 


VIE  DU  jMOINE  rabban  youssef  bousnaya.  385 

nous  rendra  clignes  de  cette  sainte  vie  à  laquelle  nous  aspi- 
rons? »  et  aussi  de  manger  à  part,  sans  se  mêler  aux  frères  du 
couvent,  et  de  reposer  la  nuit  dans  un  dortoir  commun,  afin 
d'acquérir  par  là  le  mépris  d'eux-mêmes,  en  voyant  qu'ils  n'é- 
taient pas  dignes  de  se  mêler  aux  frères.  — Il  leur  disait  :  «  C'est 
avec  raison  que  vous  devez  vous  humilier,  ô  mes  enfants,  car 
■  vous  avez  résolu  d'entreprendre  une  grande  œuvre;  quand  Dieu 
verra  l'humiliation  de  vos  âmes,  il  vous  rendra  dignes  de  ce  que 
vous  espérez.  »  —  Il  enseignait  ainsi  l'humilité  aux  frères  no- 
vices qui  n'avaient  pas  encore  reçu  la  tonsure,  afin  que,  par  leur 
humilité,  ils  devinssent  dignes  de  ce  saint  emblème.  La  science 
de  celui  qui  commence  nouvellement  ne  peut,  en  effet,  rece- 
voir un  enseignement  plus  étendu. 

De  la  tonsure.  —  Quand  le  frère  avait  accompli  le  labeur  du 
temps  de  noviciat,  il  lui  prescrivait  alors  de  recevoir  la  sainte 
tonsure.  Il  lui  disait  ceci  : 

c(  Tu  dois,  mon  fils,  offrir  à  Dieu,  cette  nuit,  une  veille  et 
une  oblation  (1).  Depuis  le  soir  jusqu'au  matin,  tu  te  tiendras 
au  milieu  des  rangs  des  frères,  dans  l'église,  à  ta  place,  en 
silence,  dans  la  glorification  et  la  prière.  Tu  feras  des  péni- 
tences et  des  génuflexions.  Pendant  l'office  des  saints  mys- 
tères, tu  te  tiendras  surtout  dans  la  crainte  et  la  vigilance, 
devant  l'entrée  du  sanctuaire  (2)  :  car  c'est  le  moment  où  tu  dois 
recevoir  le  don  de  l'Esprit-Saintetlagràcede  l'adoption  filiale  (3) 
par  laquelle  ton  nom  sera  inscrit  parmi  les  saints,  enfants  de  la 
lumière  ;  car  de  même  que  dans  le  saint  baptême  nous  recevons 
la  grâce  de  l'adoption  des  enfants  de  Dieu,  de  même  aussi  par 
la  sainte  tonsure  nous  recevons  la  mise  en  œuvre  de  cette  force  que 
nous  avons  reçue  gratuitement  dans  le  saint  baptême,  et  les 
noms  de  ceux  qui  revêtent  ce  saint  habit  sont  inscrits  dans  le 
catalogue  (4)  des  saints.  »  —  Cela  est  très   remarquable;  et 


(1)  Qourbana  signifie  une  oblation  en  général,  et  spécialement  le  sacrifice  eu- 
charistique, la  messe. 

(2)  Kaxi(jTpw[jia  :  la  partie  de  l'église  nestorienne  qui  répond,  pour  la  place,  à 
l'iconostase  des  Grecs.  Cf.  Budge,  The  Book  of  Governors,  t.  I,  ]i.  liij  ;  t.  11,  p.  :J4-2, 
431. 

(3)  Cfr.  Rom.,  vni,  15. 

(4)  Littéralement  :  «  le  livre  des  noms  des  saints  ».  —  L'autour  t'ait  ici  un  jeu 
de  mot  entre  souphara,  «  tonsure  »,  et  scphra,  «  livre  -. 

ORIENT  CHRÉTIEN.  27 


386  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

c'est  même  d'après  une  vision  qu'avait  eue  ce  saint  vieillard, 
qui  était  un  voyant,  qu'il  dit  :  «  J'ai  vu  la  vertu  qui  descend 
dans  le  saint  baptême  descendre  aussi  sur  ceux  qui  reçoivent 
ce  saint  habit  du  monachisme.  » 

De  la  vie  commune  après  la  tonsure.  —  Quand  le  frère  avait 
reçu  l'emblème  de  la  sainte  tonsure,  et  entrait  dans  le  couvent 
pour  y  travailler,  [R.  Youssef]  changeait  la  direction  de  ses  en-  • 
tretiens  avec  lui.  Il  lui  disait  ceci  : 

«  Vois,  mon  fils,  voici  que  Dieu  t'a  rendu  digne  d'avoir  une 
part  avec  les  saints.  Comment,  ù  mon  fils,  la  poussière  pour- 
rait-elle remercier  le  Christ,  pour  ce  bienfait,  sinon  en  s'of- 
frant  soi-même  à  Dieu  en  oblation  et  en  hostie,  à  cause  de 
la  grâce  qu'il  lui  a  conférée.  11  faut  donc,  mon  fils,  que  ton 
labeur  s'accomplisse  devant  lui,  dans  une  pleine  ferveur, 
exempte  de  tout  relâchement.  Considère  en  toi-même  que  tu  n'es 
pas  digne  du  grand  bienfait  que  tu  as  reçu;  humilie-toi  toi- 
même,  comme  il  convient,  devant  Dieu,  en  secret,  pour  qu'il  te 
rende  digne  de  ce  don  sublime  dont  tu  es  indigne.  Humilie-toi 
aussi  devant  tes  frères,  en  public,  afin  que  la  bénédiction  du  Sei- 
gneur repose  sur  toi  ;  songe  en  toi-même  qu'ils  valent  mieux 
que  toi  aux  yeux  de  Dieu  ;  fais-toi  le  plus  petit,  le  plus  vil,  le  der- 
nier de  tous,  secrètement  et  publiquement.  Prends  garde  à  toi, 
et  sois  vigilant  afin  de  ne  pas  être  capturé  par  le  Mauvais;  ne  te 
glorifie  pas  de  ce  que  tu  as  reçu  le  même  habit  qu'eux;  car 
ce  n'est  pas  l'habit  extérieur  qui  assure  la  récompense,  mais 
bien  celui  qui  se  fabrique  en  secret,  dans  les  demeures 
de  l'âme,  et  qui  procure  l'humilité  et  le  mépris  de  soi-même  à 
ceux  qui  le  possèdent  humblement;  et  par  là  tu  apprendras 
aussi  l'obéissance  simple.  Il  n'y  a  point,  en  effet,  d'obéissance 
sans  l'humilité,  ni  de  vie  vertueuse  sans  l'obéissance.  Sois  hum- 
ble, mon  fils,  afin  d'acquérir  l'obéissance,  qui  te  fera  régner  au- 
dessus  de  tout  ce  qui  est  sur  la  terre.  Vois,  mon  fils;  ne  méprise 
rien  de  ce  que  jeté  dis.  L'humilité  est  la  mère  de  l'obéissance, 
elle  est  la  première  des  vertus  que  l'homme  doit  pratiquer. 
Nous  avons  là-dessus  le  témoignage  véridique  du  bien-heu- 
reux Apôtre  qui,  voulant  montrer  la  grandeur  de  la  vertu  qu'a 
fait  paraître  en  ce  monde  le  Christ  Notre-Seigneur,  laisse  de 
côté  toutes  les  vertus  de  celui  qui  est  l'ensemble  même  des 
vertus,  et  s'empresse  de  parler  de  cette  mère  de  l'obéissance,  de 


VIE    DU    MOINK    IlAlUiAX    VOUSSEF    HOL'.SNAVA.  387 

cette  nourrice  clc  toutes  les  vertus,  en  disant  (1)  :  «  Il  s'est  humi- 
«  lié  lui-même  et  a  été  obéissant  jusqu'à  la  mort.  »  Il  était,  en  ef- 
fet, impossible  qu'il  fit  paraître  cette  obéissance  jusqu'à  la  mort, 
en  se  donnant  lui-même  volontairement  pour  tous,  sans  une  par- 
faite humilité.  Celui  donc  qui  devait  volontairement  subir  la 
mort  pour  tous,  s'est  humilié  lui-même,  temple  de  la  divinité, 
avec  une  humilité  admirable,  il  a  obéi  à  son  Père  qui  l'envoya 
dans  le  monde,  afm  que  le  monde  vive  par  lui,  et  il  s'est  livré  lui- 
même  à  une  mort  terrible.  A  quelle  mort  s'est-il  livré  lui-même, 
dans  son  obéissance  à  son  Père,  ô  bienheureux  Apôtre?  A  la  mort 
de  la  croix  !  Notre-Seigneur  s'est  livré  lui-même  pour  tous  à  la 
mort  ignominieuse,  au  supplice  honteux  de  la  croix.  Il  s'est  fait 
malédiction  pour  nous  (2).  Et  qu'a-t-il  reçu  de  son  Père  en 
échange  de  cette  entière  obéissance,  ô  prédicateur  véridique?  — 
«  A  cause  de  cela  Dieu  a  accru  son  exaltation;  il  lui  a  donné  un 
«  nom  qui  est  au-dessus  de  tous  les  noms;  il  l'a  fait  asseoir  à  sa 
«  droite  dans  la  gloire;  il  l'a  doté  de  la  puissance  de  sa  majesté; 
«  il  l'a  établi  héritier  des  mondes;  de  sorte  qu'au  nom  de  Jésus 
«  tout  genou  fléchit  et  adore,  au  ciel  parmi  les  invisibles  et  aussi 
«  ici-bas  parmi  les  êtres  raisonnables  de  Tordre  inférieur  ;  et  toute 
«  langue  confesse  que  Jésus-Christ  est  le  Seigneur  dans  la  gloire 
«  de  Dieu  son  Père  (3).  »  —  Vois,  mon  fils,  jusqu'à  quel  hon- 
neur élève  et  grandit  l'obéissance  qui  vient  de  l'humilité.  Hu- 
milie-toi, mon  fils,  afin  d'être  élevé,  selon  la  parole  du  Sau- 
veur (4).  Ne  t'enorgueillis  pas  dans  ton  esprit,  de  peur  que  tu  ne 
tombes  dans  les  lacets  de  Satan  (5).  Avec  l'humilité  et  l'obéis- 
sance, possède  aussi  la  condescendance  et  la  déférence  pour 
tous.  Que  ton  langage  soit  soumis  et  modéré,  jusqu'à  être  obéis- 
sant envers  celui  avec  lequel  tu  parleras.  Habitue-toi  à  dire  à 
chaque  instant,  dans  un  esprit  d'humilité  :  «  Pardonne-moi.  » 
Les  démons,  en  effet,  redoutent  beaucoup  que  cette  parole  ne  soit 
dite  par  quelqu'un  à  ses  frères,  selon  le  témoignage  des  saints 
Pères.  Ne  conteste  jamais,  sur  quelque  chose  que  ce  soit,  alors 
même  que  tu  connaîtrais  mieux  la  vérité  :  mais  abandonne  com- 


(1)  Philip.,  II,  s. 

(•2)  Gai..  III,  13. 

(3)  Philip.,  II,  9-11. 

(4)Matth.,  XXIII,  12;  Luc,    .w,   11. 

(O)  Cr.  1  Tim.,  III,  6,  7. 


388  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETlExN. 

plètement  ce  qui  est  tien  pour  faire  ce  que  te  dit  ton  frère,  de 
peur  que,  par  une  certaine  coutume,  tu  ne  prennes  Tliabitude  de 
contredire  ton  frère  et  d'affirmer  ton  opinion  sans  conviction. 
Comprends  cequeje  te  dis,  mon  fils;  ne  persiste  jamais  dans  ton 
opinion,  alors  même  qu'elle  serait  vraie,  mais  fais  simplement 
ce  que  te  disent  ton  frère  ou  les  dignitaires  (1),  sans  contester  : 
par  là  tu  acquerras  la  parfaite  obéissance  et  la  délivrance  de  la 
contradiction,  mère  de  toutes  les  disputes.  —  Dès  que  tu  as  reçu 
un  ordre,  applique-toi  entièrement  à  l'exécuter.  Efforce-toi,  si 
c'est  possible,  de  faire  tout  le  travail  de  la  communauté.  Et 
quand  tu  auras  fait  cela  dans  la  mesure  du  possible,  dis  cette  pa- 
role deNotre-Seigneur  (2)  «  :  Je  suis  esclave  et  serviteur;  j'ai  fait 
«  ce  que  je  devais  faire.  »  —  Honore  le  supérieur  du  couvent,  les 
dignitaires,  les  économes,  comme  tenant  la  place  du  Christ,  et 
obéis-leur.  Quand  ils  te  prescrivent  quelque  chose,  accomplis-le 
aussitôt  avec  soin  et  en  toute  application.  Sache  que  Dieu  te  don- 
nera le  repos  dans  ta  cellule  en  rapport  avec  l'obéissance  que 
tu  auras  fait  paraître  dans  le  couvent.  » 

<f  Habitue-toi  à  ne  manger  qu'une  fois  le  jour,  et  non  pas  des 
mets  variés,  mais  seulement  du  pain,  ou  un  potage  simple  (3), 
et  celui-ci  non  pas  tous  les  jours,  mais  une  fois  ou  deux  dans  la 
semaine.  » 

«  Que  la  psalmodie  ne  cesse  pas  dans  ta  bouche  :  de  sorte  que 
ton  labeur  soit  double;  car,  tandis  que  ton  corps  s'adonnera  aux 
œuvres  extérieures,  ton  àme  s'appliquera  intérieurement  à  l'œu- 
vre de  l'office  et  de  la  psalmodie.  » 

a  Garde-toi  bien  de  dormir  les  pieds  étendus  mollement  et  né- 
gligemment; mais  assieds-toi  à  terre,  les  reins  appuyés  contre  le 
mur,  et  prends  le  sommeil  habituel  ;  et  quand  viendra  le  moment 
de  l'office  commun,  lève-toi  avec  empressement  pour  aller  à 
l'office  avec  tes  frères.  » 

n  ne  permettait  pas  aux  cénobites  de  manger  des  fruits  pen- 
dant l'été.  Il  leur  interdisait  les  raisins,  les  figues  et  tous  les 
fruits  d'été  (4). 


{\)Qaioumé,  «  constituti  »  [in  aliquoofficio]. 

(2)  Cf.  Luc,  XVIII,  10. 

(3)  C'est-à-dire  composé  uniquement  de  légumes,  sans  beurre  ni  huile. 

(4)  Le  sens  est  vraisemblablement  qu'ils  ne  devaient  pas  manger  ces  fruits  frais 
mais  secs. 


VIE    DU    MOINH    RABCAN    YOUSSEF    BOUSNAVA.  389 

Telsétaient  le  sentier  et  la  route  par  lesquels  il  dirigeait  les  frè- 
res du  couvent,  jusqu'à  ce  que  vînt  le  moment  où  ils  en  sortaient 
pour  aller  en  cellule.  —  Il  prescrivait  à  chacun  de  travailler  de  la 
manière  qu'il  savait  avantageuse  pour  lui  et  selon  son  dessein. 

La  règle  du  labeur  en  communauté  était  de  trois  ans.  Il  faisait 
travailler  plus  longtemps  l'un  ou  l'autre.  A  l'un  il  prescrivait  de 
travailler  trois  ans,  à  l'autre  quatre,  à  un  autre  plus  ou  moins.  Il 
ne  faisait  pas  cela  fortuitement.  Mais  quand  il  voyait  des  signes 
manifestes  de  la  ferveur  divine  en  quelqu'un  qui  désirait  ha- 
biter en  cellule,  et  qui  travaillait  avec  application  dans  le  cou- 
vent, après  les  trois  années  accomplies,  il  lui  permettait  de  s'en 
aller  à  sa  cellule.  Quand  il  en  voyait  un  autre  qui  s'adonnait  volon- 
tiers aux  autres  travaux  qui  se  pratiquent  hors  de  la  cellule,  il 
lui  conseillait  de  rester  davantage;  afin  que  par  là,  la  ferveur  du 
silence  fût  excitée  en  lui,  et  sinon,  il  lui  disait  de  rester  et  de 
travailler  tant  que  sa  ferveur  n'était  pas  grande,  de  peur  qu'a- 
près sa  sortie  de  la  communauté  il  ne  se  laissât  aller  à  l'oi- 
siveté. 

Quand  un  frère  voulait  sortir  de  la  communauté,  il  lui  ordon- 
nait de  faire  une  veille  et  d'offrir  le  sacrifice  (1),  et  d'implorer  la 
prière  de  tous  les  bienheureux  frères  au  moment  de  l'office 
des  saints  mystères. 

Au  moment  où  le  frère  sortait  du  couvent,  il  lui  tenait, 
dans  la  charité  divine,  ce  langage  :  <■<  Sache,  mon  fils,  qu'à  la 
vérité  les  bienheureux  Pères  ont  fait  connaître  et  ont  montré 
qu'il  y  a  trois  voies  par  lesquelles  les  moines  s'avancent  vers  le 
royaume  des  deux,  qui  sont  celles-ci  :  ou  bien  le  moine  se  tient 
dans  sa  cellule  dans  un  admirable  silence,  c'est-à-dire  qu'il  doit 
habiter  en  silence  à  cause  du  don  qu'il  s'attend  à  recevoir  de  Dieu, 
je  veux  dire  la  pureté  de  son  corps  et  la  splendeur  de  son  àme,  et 
non  pas  en  vue  de  la  vaine  gloire  ou  des  avantages  temporels; 
c'est  la  plus  belle  de  toutes.  —  Ou  bien  il  travaille  pour  Dieu, 
c'est-à-dire  qu'il  ne  doit  point  remplir  son  office  pour  un  mo- 
tif mondain,  mais  pour  Dieu  seul.  —  Ou  bien  il  souffre  en 
louant,  c'est-à-dire  que,  ne  pouvant  travailler  à  cause  des  infir- 

(1)  Le  sens  du  mot  n'indique  pas  nécessairement  que  le  frère  fût  prêtre  et  qu"il 
offrît  le  sacrifice  de  la  messe;  mais  il  devait  du  moins  y  assister.  Il  est  probable 
que  l'on  célébrait  spécialement  ce  jour-là  la  messe  qui  n'était  pas  célébrée  tous 
les  jours. 


390  REVUE    DE    l'ORIEXT    CHRÉTIEN. 

mités  dont  il  est  accablé,  raction  de  grâces  qu'il  offrira  pour  son 
affliction  lui  sera  comptée  devant  Dieu  comme  une  œuvre  su- 
blime. —  Toutefois,  comme  nous  vivons  en  ces  derniers  temps 
où  la  ferveur  pour  le  service  de  Dieu  s'est  refroidie,  les  voies 
des  moines  à  notre  époque  sont  différentes.  Je  vais  te  les  expo- 
ser. Quant  à  toi,  mon  fils,  tu  choisiras  celle  qui  te  conviendra, 
et  je  prierai  pour  toi.  Ces  voies  sont  aussi  au  nombre  de  trois  : 
ou  la  résidence  dans  la  cellule,  en  silence;  ou  le  soin  de  l'ins- 
truction et  l'assistance  à  l'église;  ou  le  travail  dans  les  vignes 
et  les  champs.  Vois,  mon  fils;  choisis  celle  que  tu  voudras.  » 

Si  le  frère  choisissait  l'une  de  ces  deux  dernières  :  l'étude  ou 
les  vignes,  il  prenait  soin  de  lui  comme  d'un  membre  faible.  A 
celui  qui  désirait  étudier,  il  prescrivait  de  s'appliquer  diligem- 
ment à  l'office  dans  le  temple.  A  celui  qui  s'appliquait  au  tra- 
vail des  vignes,  des  champs  et  des  moissons,  il  conseillait  de 
nourrir  les  pèlerins  et  les  pauvres  des  fruits  de  son  travail.  Quant 
à  celui  qui,  dans  une  pensée  de  religion,  choisissait  la  voie  su- 
blime et  ardue  du  silence,  il  le  considérait  comme  son  familier 
et  l'aimait  beaucoup.  Il  le  pressait  vivement  d'être  surtout  très 
appliqué,  pendant  la  première  année,  à  l'office  dans  l'église  la 
nuit  et  le  jour,  afin  d'acquérir  par  là  la  force  et  le  secours  pour 
demeurer  dans  le  silence. 

A  l'un  il  prescrivait  d'observer  cela  pendant  une  année  envi- 
ron, à  un  autre  pendant  deux  ans,  ou  même  trois,  selon  ce  qu'il 
savait  être  utile  pour  le  frère. 

Vie  des  reclus.  —  Quand  un  frère  avait  accompli,  d'après  ses 
prescriptions,  le  labeur  de  cet  exercice  dans  l'église,  alors  il  lui 
permettait  d'habiter  en  silence.  Il  lui  ordonnait  une  veille  et  une 
oblation  pour  la  consécration  de  la  cellule  :  il  réunissait  les 
prêtres  et  les  frères  à  la  cellule,  pour  qu'ils  la  consacrassent,  et 
qu'ils  priassent  pour  le  frère.  Quand  le  frère  avait  fermé  la 
porte  de  sa  cellule,  il  plaçait  lui-même  une  pierre  sur  le  seuil, 
en  dehors.  Les  frères  reclus  ne  font  point  cela  sans  motif;  mais 
c'est  une  figure  de  la  pierre  qui  fut  placée  à  la  porte  du  tombeau 
de  Notre-Seigneur  ;  afin  que  par  là  chacun  songe  qu'il  est  déjà  mort 
au  monde,  et  vit  en  Dieu,  qu'il  est  enseveli  dans  le  tombeau  de  sa 
cellule,  à  la  porte  de  laquelle  une  pierre  a  déjà  été  placée,  et 
qu'il  doit  nécessairement  s'accuser  lui-même  s'il  s'occupe 
d'autre  chose  que  de  Dieu  et  de  la  vie  en  Dieu,  s'il  tourne  ses  re- 


VIE   DU    MOINE    UAHHAN    YOUSSEF    HOUSNAVA.  301 

gards  vers  le  monde  ou  ses  pensées  vers  les  choses  du  monde. 

Alors  Rabban  Youssef  réglait  ainsi  la  vie  du  frère  dans  sa 
cellule  pendant  la  première  année,  et  il  l'avertissait  en  lui 
disant  : 

«  Vois,  mon  fils",  à  marcher  directement  dans  tout  ce  que  je  te 
prescrirai;  ne  complique  pas  un  labeur  par  un  autre,  mais  dis- 
pose ainsi  ta  conduite  :  ^ 

Lecture  du  Nouveau  Testament.  —  «  Depuis  le  matin  jus- 
qu'à l'heure  de  Tierce,  applique-toi  à  la  lecture  du  Nouveau  Tes- 
tament. Tu  en  apprendras  les  actions  de  Notre-Seigneur  in- 
carné (1),  l'amour  de  Dieu  pour  nous,  les  bienfaits  inénarrables 
qu'il  arépandus  sur  nous  à  la  fin  des  temps  (2).  —  Commence  par 
faire  d'abord  en  face  de  l'Évangile  adorable  dix  pénitences  de  suite, 
et  empresse-toi  de  faire  devant  lui  les  génuflexions  et  les  prières 
convenables,  pendant  quelque  temps,  jusqu'à  ce  que  tes  pensées 
soient  recueillies  de  toute  dissipation  extérieure.  Demande  ins- 
tamment à  Dieu  d'illuminer  les  yeux  de  ton  intelligence  et  les 
facultés  de  ton  âme,  afin  que  tu  saisisses  la  vertu  cachée 
dans  les  paroles  de  Notre-Seigneur  et  des  saints  Apôtres, 
que  tu  voies  et  que  tu  comprennes  les  mystères  secrets  qui 
y  sont  enfermés  et  que  les  yeux  de  l'àme,  polie  et  purifiée  de 
la  souillure  du  péché,  découvrent  au  milieu  du  corps  matériel 
de  l'écriture.  Tiens-toi  ensuite  debout;  prends  le  saint  Évangile 
dans  tes  mains,  baise-le,  pose-le  affectueusement  sur  tes  yeux 
et  sur  ton  cœur,  et,  suppliant  et  plein  de  crainte,  dis  ceci  : 
«  0  Christ  Notre-Seigneur,  tout  indigne  que  j'en  sois,  voici 
«  quejetetiens,  par  ton  saint  Évangile,  entre  mes  mains  impures. 
«  De  grâce,  dis-moi  des  paroles  de  vie  et  de  consolation,  par  la 
«  bouche  et  la  langue  du  calame  de  ton  saint  Évangile  ;  donne- 
«  moi.  Seigneur,  de  les  écouter  avec  des  oreilles  nouvelles,  inté- 
«  rieures,  et  de  chanter  ta  gloire  avec  la  langue  de  l'esprit. 
«  Amen!  »  —  Lis  dans  l'Évangile,  ente  tenant  debout,  trois  cha- 
pitres, dans  les  Actes,  deux  chapitres,  et  dans  l'Apôtre,  trois 
chapitres.  Tu  feras  au  milieu  de  chaque  lecture  dix  pénitences.' 
Quand  tu  auras  fini  la  lecture  du  Nouveau  Testament,  fais  dix 
pénitences  rapides  et  ardentes,  et  fléchis  le  genou   dans   les 


(1)  Littér.  :  "  dans  un  corps 
(•2)  Cf.  1  Potr.,  I,  5. 


392  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

prières  convenables  qui  doivent  être  une  action  de  grâces  de  ce 
que  le  Christ  t'a  jugé  digne  de  lire  et  de  méditer  les  mystères 
cachés  au  monde.  » 

Heure  de  Tierce.  —  «  Ensuite  mets-toi  à  l'office  de  l'heure  de 
Tierce,  qui  est  une  action  de  grâces  pour  l'amour  de  Dieu  à  notre 
égard,  en  ce  qu'il  nous  a  amenés  du  néant  à  l'existence.  Comme 
c'est  à  la  troisième  heure  que  Dieu  a  créé  Adam,  et  à  la  troisième 
heure  aussi  queNotre-Seigneuraparuen  présence  du  juge,  pour 
renouveler  toutes  les  créatures,  à  cause  de  ces  bienfaits  de  notre 
production  à  l'existence  et  de  notre  rénovation  après  que  nous 
fûmes  pervertis,  les  Pères  ont  disposé  l'office  de  Tierce  dont  l'ob- 
jet principal  est  une  action  de  grâces  pour  les  bienfaits  de  Dieu  à 
notre  égard  dans  ces  deux  actes  providentiels  :  d'abord  en  nous 
amenant  du  néant  à  l'existence,  et  ensuite  en  renouvelant  toute 
la  nature  usée  et  vieillie  par  le  péché.  Donc,  nous  devons  sur- 
tout pratiquer  l'action  de  grâces  pendant  cet  office  de  Tierce.  » 

«  Commence  par  faire  des  oraisons  et  des  pénitences  (1).  A 
la  fin  de  chaque  marmita  (2),  prononce  trois  glorifications  (3)  et 
fais  trois  pénitences.  A  la  fin  du  houUala  fais  dix  pénitences  et 
dix  glorifications.  Chante  et  prie;  et  commence  le  houllala  sui- 
vant. Quand  tu  auras  fini  les  houllalé  assignés  pour  cette  heure, 
fais  trente  pénitences  en  glorifiant  (4)  et  termine  cet  office.  Quand 
tu  as  conclu  l'oraison,  offre  dix  pénitences  en  action  de  grâces  de 
ce  que  Dieu  t'a  jugé  digne  d'officier  devant  lui  et  de  parler  avec 
lui  par  la  prière.  Tu  disposeras  ainsi  tes  pénitences,  tes  glo- 
rifications et  ton  action  de  grâces  dans  tous  les  offices  (5).  » 

(1)  L'auteiu-  explique  lui-même  i^lus  bas  (p.  396)  comment  on  doit  pratiquer  ces 
pénitences  ou  métouniyû  ([AEtâvota). 

(2)  Le  psautier  chez  les  Nestoriens  est  partagé  en  20  lioullalê  (les  cantiques  de 
Moïse  en  forment  un  vingt  et  unième);  les  houllala  se  divisent  en  marmite,  qui 
sont  au  nombre  de  57  (6(»  avec  les  cantiques). 

(3)  Shoubba/w,  courtes  doxologies. 

(4)  Litt.  :  «  dans  des  shoubbahê  ». 

(5)  Les  renseignements  que  nous  fournit  l'auteur  sur  la  manière  dont  l'oflice 
divin  était  célébré  à  cette  époque  par  les  moines  nestoriens,  sont  fort  intéres- 
sants. 11  faudrait  les  comparer  avec  la  manière  dont  il  est  récité  aujourd'hui,  mais 
cela  nous  entraînerait  hors  du  cadre  d'une  simple  note.  Qu'il  nous  suffise  de  faire 
remarquer  qu'on  célébrait  encore  toutes  les  heures  canoniques,  tandis  qu'aujour- 
d'hui les  nestoriens,  de  même  que  les  chaldéens-unis,  n'ont  plus  que  quatre  par- 
ties dans  leur  office  :  Vof/ice  du  soir  (qui  répond  à  nos  Vêpres),  Vofftce  du  soubba'a 
(Compiles;  voir  ci-dessous,  p.  394,  note  5),  Voffice.de  la  nuit  (Matines)  GtVoffice  du 
matin  (Laudes).  —  Cf.  Bickell,  Conspectus  rei  Syrorum  litterariœ,  p.  87  et  suiv.  — 


VIE   pu    MOINE   RABBAN   YOUSSEF    BOUSNAYA.  393 

«  Après  l'heure  de  Tierce  tu  n'auras  point  d'autre  occupation 
qu'une  pieuse  lecture  des  livres  des  bienheureux  Pères.  Choisis 
une  lecture  qui  convienne  à  ton  état  et  à  ton  rang.  » 

Heure  de  Sexte,  c.-à-d.  de  midi.  —  «  Quand  arrive  l'heure 
de  midi,  mets-toi  à  l'office.  Dans  celui-ci  plus  que  dans  tous  les 
autres  tu  dois  faire  paraître  l'affliction,  les  gémissements  et  l'é- 
panchement  des  larmes  de  douleur  et  de  tristesse.  Car  c'est  à 
la  sixième  heure  que  le  premier  homme  pécha,  lorsqu'il  étendit 
la  main  vers  le  fruit  défendu,  se  rendit  coupable  et  rendit  coupa- 
ble toute  sa  race  ;  et  c'est  aussi  à  cette  heure  que  Notre-Seigneur 
étendit  ses  mains  sur  la  croix  d'ignominie,  pour  tous  les  péchés,  et 
qu'il  justifia  absolument  toute  sa  race.  Voilà  pourquoi  les  Pères 
ont  disposé  l'office  de  midi,  c'est-à-dire  de  Sexte.  C'est  pourquoi 
il  convient  qu'en  cet  office  nous  nous  affligions  et  nous  nous  la- 
mentions. Toute  ton  application  dans  les  prières  de  cet  office 
doit  tendre  à  confesser  ta  faiblesse,  tes  péchés,  tes  manquements, 
afin  que  Dieu  ait  pitié  de  toi  et  qu'il  te  pardonne  tes  péchés  et  tes 
fautes.  Quand  tu  l'asterminé,  retourne  à  la  lecture  jusqu'à  l'heure 
de  None.  —  Sache,  mon  fils,  que  quand  tu  te  tiens  à  l'office,  tu 
parles  et  converses  avec  Dieu,  et  quand  tu  lis  l'Écriture,  c'est  Dieu 
qui  parle  avec  toi,  qui  t'instruit,  et  t'apprend  par  le  moyen  de 
l'encre  et  du  papier,  les  choses  utiles  pour  la  vie  en  Lui.  Dans 
les  deux  cas,  soit  que  Dieu  parle  avec  nous,  soit  que  nous  parlions 
avec  lui,  nous  avons  besoin  d'une  grande  vigilance.  —  Com- 
prends ce  que  je  te  dis,  mon  fils,  et  sois  vigilant.  » 

Heure  de  None.  —  «  Quand  arrivera  la  neuvième  heure,  mets- 
toi  à  l'office  et  tiens-toi  aussi  dans  une  grande  vigilance  pendant 
cet  office.  En  effet,  à  la  neuvième  heure.  Dieu  chassa  Adam  du 
Paradis,  lieu  de  son  héritage,  et  à  cette  même  heure  Notre-Sei- 
gneur poussa  un  cri  sur  la  croix  et  rendit  l'esprit  à  cause  de 
celui  qui  avait  été  chassé  de  son  héritage,  pour  l'y  faire  retourner 
et  l'y  rétablir  seigneur  et  roi.  —  Quelles  larmes  ne  convient- 
il  donc  pas  à  l'homme  de  laisser  couler  de  ses  yeux  à  cette  heure, 
en  considérant,  avec  les  yeux  de  son  esprit,  dans  quelle  confu- 
sion devait  se  trouver  le  chef  de  notre  race  lorsqu'il  fut  chassé  de 
son  héritage,  et  d'autre  part,  dans  quelle  humiliation  était  Notre- 

Ces  offices  étaient  d'ailleurs  autrefois  les  seuls  obligatoires  pour  les  séculiers, 
tandis  que  les  moines  devaient  réciter  les  sept  heures  canoniques.  Cf.  Ebedjesus, 
apud  Mai,  Script,  vet.  Nova  Collect.,  X.  p.  81-83. 


394  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Seigneur  sur  le  sommet  de  la  croix  d'ignominie  et  de  mépris, 
pour  les  enfants  de  sa  race  :  ce  que  d'ailleurs  l'esprit  ne  peut 
concevoir  s'il  n'est  aidé  de  la  vertu  divine,  car,  en  face  de  la  vio- 
lence de  lapremière  (1)  et  de  la  sublimité  de  la  seconde  (2),  il  se- 
rait consumé  et  épuisé  devant  la  gloire  des  mystères  cachés  dans 
ces  deux  contemplations.  —  Gloire  à  ta  bonté,  ô  Dieu  !  Et  bienheu- 
reux ton  saint  nom!  Combien  sublimes  tu  as  faites  les  marques 
de  ta  Providence  à  notre  égard  !  En  vérité,  mes  frères,  je  vous  le 
dis,  si  la  vertu  divine  ne  venait  pas  en  aide  à  l'intelligence  au  mo- 
ment où,  purifiée,  elle  regarde,  voit  et  comprend  ces  choses, 
elle  serait  promptement  consumée  et  épuisée,  et  elle  périrait  au 
milieu  des  manifestations  de  ces  mystères  admirables  et  divins. 
C'est  pourquoi  la  vertu  divine  soutient  l'esprit  devant  le  déluge 
des  mystères  de  la  contemplation  de  la  divine  Providence.  » 

«  Quand  tu  as  terminé  cet  office  de  None,  si  tu  as  quelque  tra- 
vail manuel  à  exécuter,  ou  si  tu  veux  faire  quelque  potage  pour 
ton  soulagement,  fais-le  en  attendant  le  temps  de  l'office  du  soir.  » 

Office  du  soir  (3).  —  «  Quand  le  temps  sera  venu,  en  toute  vi- 
gilance et  application,  mets-toi  à  l'office  de  la  psalmodie  du  soir. 
Rappelle-toi,  dans  les  prières  de  cet  office,  tous  les  bienfaits  de 
Dieu  envers  toi  et  envers  toute  la  race  d'Adam,  faible  et  misé- 
rable. Il  a  été  établi  et  disposé  par  les  saints  Pères  comme  pour 
remplacer  l'oblation  et  le  sacrifice,  en  vue  d'apaiser  Dieu. 
De  même  que  dans  l'Ancien  Testament,  on  offrait  le  soir  des 
hosties  de  propitiation  et  des  sacrifices  de  louange,  ainsi  que 
dit  le  bienheureux  psalmiste,  David,  quand  il  chante  au  Sei- 
gneur (4)  :  «  Accueille,  Seigneur,  comme  le  sacrifice  du  soir,  le 
«  sacrifice  de  mes  mains  »  ;  de  même,  dans  le  temps  de  la  psalmo- 
die du  soir,  nous  devons  nous  aussi,  mon  fils,  offrir  les  hosties  et 
les  sacrifices  raisonnables  de  la  louange  de  nos  lèvres  et  de  nos 
âmes,  à  Dieu,  notre  bienfaiteur,  qui  nous  procure  toutes  les 
choses  utiles,  a 

Office  de  Complies{ô).  —  «  Après  l'office  du  soir,  mets-toi  à 

(1)  De  la  confusion  d'Adam. 

(2)  De  l'humiliation  du  Christ. 

(3)  C'est-à-dire  de  Vêpres. 

(4)  Ps.  cxL,  2. 

(o)  Office  du  soubba'a.  —  Aujourd'hui,  chez  les  Nestoriens,i'onice  appelé  ainsi  ncse 
célèbre  plus  que  dans  les  vigiles,  le  Carême  et  les  trois  jours  du  jeune  dit  des 
Ninivites.  11  répond  à  peu  près  à  l'office  latin  des  Compiles,  et  se  célèbre  après  le 


VIE    DU    MOINK    RAlinAN    YOUSSFF    BOUSXAVA.  395 

roffice  de  Complies,  c'est-à-dire  de  l'action  de  grâces  pour  tous 
les  bienfaits  de  Dieu  à  notre  égard  pendant  toute  la  journée.  Il 
nous  a  jugés  dignes  alors  que  nous  ne  l'étions  pas  de  méditer 
les  saints  mystères  éternels;  ces  mystères  qu'il  n'avait  point  au- 
paravant révélés  au  monde,  il  nous  lésa  maintenant  manifestés 
en  esprit  par  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ,  et  par  eux  il  nous  a 
donné  de  devenir  les  héritiers  de  son  amour,  les  cohéritiers  de 
Jésus-Christ,  et  d'être  affermis  dans  ses  promesses  et  dans  l'es- 
pérance réservée  à  toute  notre  race  mortelle.  — Après  Complies, 
prépare-toi  quelque  chose  à  manger.  Prends  cette  nourriture 
pour  conserver  ta  vie,  et  non  par  gloutonnerie  ou  pour  la  variété 
des  mets  agréables.  Prépare-toi  un  potage  deux  ou  trois  fois  par 
semaine,  afin  de  ne  pas  être  tourmenté  par  une  sécheresse  abomi- 
nable; mais  fais-le  simplement  et  sans  un  trop  grand  soin.  Si 
Dieu  t'a  préparé  quelque  chose  de  particulier,  prends-le  avec  re- 
connaissance et  rends  grâces  à  celui  qui  te  l'a  accordé.   » 

Office  de  V action  de  grâces  (1).  —  Après  que  tu  auras  mangé 
ce  que  la  bonté  divine  t'a  préparé,  accomplis  l'office  de  l'action  de 
grâces,  autant  qu'il  est  en  toi  (2).  Ton  but  en  cela  doit  être  d'adres- 
ser à  Dieu  des  prières  spéciales  et  des  supplications,  à  ce  moment 
du  soir  et  de  la  nuit,  pour  qu'il  te  fasse  échapper  à  la  malice 
des  démons  empressés  à  causer  notre  perte.  Efforce-toi  à  ce  mo- 
ment-là de  faire  couler  des  larmes  de  tes  yeux,  je  ne  dis  pas  celles 
qui  viennent  de  la  contemplation  des  mystères  divins,  ni  celles 
qui  procèdent  de  l'affliction  ou  de  la  douleur,  mais  des  larmes 
causées  par  crainte  de  la  faiblesse  et  de  l'abandon  qui  en  résulte; 


repas.  Il  a  sans  doute  été  conservé  aux  jours  indiqués,  parce  qu'en  ces  jours  de 
jeûne  les  Vêpres  se  récitent  avant  le  repas,  et  qu'ainsi  il  n'y  aurait  pas  eu  d'office 
du  soir.  Mais  on  voit  par  notre  auteur  que  c'était  un  office  quotidien  et  qui  se  cé- 
lébrait avant  le  repas.  L'office  d'après  le  repas,  auquel  répond  en  réalité  le  soub- 
ba'a  actuel,  est  appelé  ici  soubba'ta;  il  en  est  question  au  paragraphe  suivant. 

(1)  Littéralement  «  office  de  soubba'ta  ».  —  On  voit  par  le  contexte  que  c'est 
littéi'alement  rjjood/;:»non  qu'on  désigne  habituellement  par  le  mot  soubba'a  (voir 
la  note  précédente).  —  Le  mot  soubba'ta  n'est  pas  dans  les  lexiques.  Comme  il  ré- 
sulte de  tous  les  autres  auteurs  que  la  division  de  l'office  était  en  sept  heures, 
basée  sur  les  paroles  du  Ps.  cxix,  1G4  :  •<  Sept  les  in  die  laudem  dixi  tibi  »,  j'incline  à 
croire  que  ce  huitième  office,  dont  il  n'est  pas  question  ailleurs,  était  une  ins- 
titution spéciale  du  couvent,  ou  de  R.  Youssef  lui-même.  Son  origine  vient  peut- 
être  de  ce  que  l'on  avait  avancé  la  récitation  du  véritable  apodipnon  avant  le 
repas,  et  qu'on  le  remplaçait  ainsi  par  cette  prière  tardive. 

{i)  Littéralement  :  «  autant  qu'il  vient  après  toi  ». 


396  REVUE    DE    l'orient  CHRÉTIEN. 

car,  dès  que  le  Seigneur  verra  tes  larmes  devant  lui,  il  com- 
mandera à  ses  saints  anges  de  te  garder  des  craintes  de  la  nuit 
terrible  et  pleine  de  frayeur,  et  il  te  délivrera  des  fantômes  qui 
circulent  dans  les  ténèbres  et  des  esprits  mauvais  qui  errent 
au  milieu  du  jour  (1).  » 

«  Quand  tu  auras  encore  offert  ce  sacrifice  pour  ta  conservation, 
appuie  ton  dos  contre  le  mur,  dans  le  coin,  en  face  de  la  croix, 
joins  les  pieds  (2),  ne  néglige  point  cela,  et  ne  les  étends  point  au 
hasard  ;  signe  ton  visage^  marque-toi  du  signe  de  la  croix,  protec- 
teur des  familiers  de  Notre-Seigneur.  En  attendant  que  le  som- 
meil s'empare  de  toi,  médite  les  bienfaits  de  Dieu  à  ton  égard 
pendant  toute  cette  journée.  Habitue  ton  âme  à  ne  s'abandonner 
au  sommeil  que  légèrement,  et  pourle  repos  de  ton  corps,  et,  dès 
que  la  grâce  de  Dieu  t'éveillera,  lève-toi  avec  empressement  et 
avec  une  ardente  ferveur  pour  l'office  de  la  nuit.  » 

Office  de  la  nuit.  —  «  Avant  de  commencer  la  psalmodie,  ré- 
pète quelques  sentences  choisies  qui  éloigneront  de  toi  la  lour- 
deur et  la  torpeur.  Éveille  ton  âme  vigoureusement  et  fais  d'ar- 
dentes pénitences,  jusqu'à  ce  que  tes  facultés  soient  éveillées  et 
tes  pensées  recueillies.  Ensuite  commence  l'office  de  la  nuit. 
Accomplis  l'ordre  des  pénitences  que  je  t'ai  enseigné  plus  haut; 
toutefois,  après  la  soubba'ta,  et  quand  tu  as  mangé,  ne  fais 
point  de  pénitences,  mais  remplace-les  par  des  inclinations,  de 
peur  que,  par  suite  de  la  plénitude  de  ton  ventre,  tu  ne  tombes 
dans  quelque  indisposition  ou  maladie  ;  car  les  pénitences 
ont  coutume,  après  le  repas,  de  causer  à  l'homme  des  érup- 
tions ou  des  maladies  qui  l'obligent  à  cesser  l'exercice  de  la 
prière.  » 

«  L'ordre  des  pénitences  (3)  est  celui-ci  :  on  doit  se  prosterner 
devant  la  Croix  jusqu'à  ce  que  les  genoux  et  la  tête  touchent  la 
terre.  Dans  les  inclinations  (4)  au  contraire,  les  genoux  n'arri- 


(1)  Cir.  Ps.  xci,  6-7. 

(2)  LittéralenKMît  :  «  réunis  tes  piods  vers  toi  ».  —  En  réalité,  il  lui  recom- 
mande de  s'accroupir,  et  de  dormir  dans  cette  posture  incommode. 

(3)  Mélouniya  ([Aî-râvota),  signifie  habituellement  tous  les  actes  extérieurs  de  pé- 
nitence en  général,  mais  nous  voyons  par  ce  passage  que  l'auteur  entend  ce  mot, 
que  nous  avons  rencontré  fréquemment,  dans  un  sens  défini,  pour  marquer  un 
acte  particulier  de  pénitence. 

(4)  Gourgaha,  prosternation  en  général  ;  l'auteur  explique  en  quoi  consiste  l'acte 
de  pénitence  qu'il  désigne  p;ir  ce  terme. 


VIE    DU    MOINE    RABHAN    YOUSSEF    BOUSNAYA.  397 

vent  pas  jusqu'à  terre,  mais  seulement  les  mains  et  la  tête,  tandis 
que  le  corps  reste  suspendu  en  l'air.  » 

(c  L'office  de  la  nuit  est  organisé  à  l'instar  de  tout  notre  labeur 
qui  se  fait  au  milieu  de  ce  monde  dont  l'obscurité  est  l'image,  et 
dans  lequel  nous  travaillons  beaucoup  avec  l'espoir  d'en  sortir 
pour  entrer  dans  ce  monde  de  lumière  dont  le  type  est  le 
jour.  » 

Psaumes  du  malin.  —  «  Dans  lespsaumesdu  matin,  éveille  ton 
âme  et  tiens-toi  devant  Dieu  dans  une  excellente  application.  Car 
voici  que  déjà  la  puissance  de  l'obscurité  a  pris  fin,  c'est-à-dire 
le  cours  de  ce  monde,  et  tout  à  coup  le  jour  de  la  lumière  du 
monde  nouveau  s'est  levé.  —  Sache-le,  mon  fils,  chaque  jour  que 
le. moine  passe  dans  sa  cellule,  dans  l'accomplissement  de  ses 
règles,  il  représente  en  lui  l'image  des  deux  mondes.  » 

«  Dès  que  se  lève  l'aurore  du  jour  suivant,  mets-toi  joyeusement 
aux  labeurs  qui  doivent  le  remplir  et  pense  que,  de  toute  l'éter- 
nité, ce  seul  jour  dans  lequel  tu  te  trouves,  t'appartient;  une  fois 
achevé,  il  disparaît  et  ne  revient  point  de  nouveau.  Le  lendemain 
ne  nous  appartient  point;  car  nous  ne  savons  pas  si  nous  vi- 
vrons ou  non  le  lendemain.  Donc,  un  seul  jour  de  toute  l'éternité 
t'appartient  :  celui  dans  lequel  tu  te  trouves  présentement.  Prends 
donc  garde,  comme  il  convient,  de  n'en  pas  sortir  vide  et  sans 
profit,  et  de  ne  pas  te  trouver  pauvre  et  indigent;  songe  qu'avec 
la  fin  de  ce  jour  la  mort  peut  arriver,  et  que  tu  devrais  t'en  aller, 
dans  cette  longue  route,  pauvre  et  sans  viatique,  pour  avoir  passé 
ta  journée  dans  l'oisiveté  et  les  futilités.  Garde-toi  dépenser  folle- 
ment en  te  promettant  une  longue  vie.  Je  te  conseille  de  penser 
sagement  :  «  Demain  je  devrai  m'appliquer  davantage,  si  aujour- 
«  d'hui  j'ai  été  un  peu  négligent.  »  —  Nous  ne  savons  pas  ce  que 
sera  le  lendemain.  Qu'est-ce  que  la  vie  de  l'homme,  sinon  une  va- 
peur qui  s'évanouit  et  disparaît?  Ne  compte  point  sur  de  longs 
jours;  mais  considère  que,  si  éloigné  que  tu  sois  du  jour  [de  la 
mort]  il  vient  et  il  te  saisit;  il  se  hâte  de  passer  comme  les 
autres.  Ne  compte  donc  point  sur  l'abondance  [des  jours]  et  ne  dis 
point  :  «  Demain,  mon  âme,  je  m'occuperai  de  toi.  »  —  Le  len- 
demain ne  nous  appartient  pas.  —  Vois  donc,  mon  fils,  à  employer 
le  jour  présent,  comme  il  convient,  en  toute  diligence;  car  si  le 
lendemain  t'est  donné,  tu  contracteras  une  nouvelle  dette  dont 
tu  auras  à  rendre  compte  ;  car  il  n'est  point  de  jour  dans  lequel 


398  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tu  ne  contractes  une  grande  dette  envers  Dieu  pour  ses  bienfaits 
antérieurs,  et  pour  les  biens  qu'il  t'accorde  continuellement  :  pour 
le  souffle  de  vie,  pour  la  respiration  de  l'air  qu'il  te  donne,  pour 
la  préservation  contre  les  démons,  les  hommes  méchants  et  tous 
les  dangers.  Et  véritablement,  tu  dois  travailler  pour  Dieu  au- 
jourd'hui plus  qu'hier,  puisqu'il  t'a  fait  arriver  jusqu'à  ce  jour 
auquel  tu  ne  devais  pas  espérer  parvenir,  et  t'a  délivré  les  jours 
passés  de  la  crainte  que  tu  avais  qu'il  ne  t'arrivât  en  ces  jours 
quelque  accident ,  crainte  qui  doit  encore  posséder  ton  àme 
pour  le  jour  présent.  Que  la  vie  accomplie  précédemment  se- 
lon les  règles  soit  encore  la  tienne  au  jour  présent.  Consacres-en 
toutes  les  heures  et  tous  les  instants  à  une  action  de  grâces  in- 
interrompue envers  Dieu  qui  t'a  jugé  digne  de  sa  familiarité.  » 

ce  Sache,  et  sois  bien  persuadé,  mon  fils,  que  si  tout  ton  corps, 
si  tous  les  poils  de  ta  chevelure  étaient  bouches  et  langues,  ils  ne 
pourraient  pas  rendre  grâces  à  Dieu  convenablement  pour  tous 
ses  bienfaits  à  ton  égard  :  pour  t' avoir  amené  à  l'existence;  pour 
t'avoir  donné  la  raison,  afin  que  tu  ne  sois  pas  comme  les  ani- 
maux; pour  les  biens  qu'il  t'a  préparés  en  ce  monde,  et  aussi 
dans  le  monde  futur,  par  la  venue  du  Christ  Notre-Seigneur, 
et  par  les  dispositions  de  sa  providence  envers  toi  :  lui  qui  étant 
véritablement  Dieu  s'est  fait  homme  pour  toi,  a  souffert  la  pas- 
sion, la  croix,  la  mort  afin  de  te  vivifier;  pour  t'avoir  distingué 
des  païens  par  la  connaissance  spéciale  qu'il  t'a  donnée,  afin 
que  tu  croies  au  christianisme  ;  pour  t'avoir  fait  sortir  du  monde 
et  de  ses  labeurs  grossiers;  pour  t'avoir  amené  à  sa  familiarité  ; 
pour  t'avoir  délivré  des  distractions  extérieures;  pour  t'avoir 
placé  dans  ta  cellule,  afin  de  converser  avec  lui  à  chaque  instant; 
pour  t'avoir  jugé  digne  d'invoquer  son  saint  nom  et  de  le  louer 
de  ta  bouche  souillée;  et  surtout  parce  qu'il't' accorde  de  lui 
rendre  grâces  pour  ses  bienfaits  envers  toi.  Bref,  tu  dois  rendre 
grâces  â  Dieu  pour  ses  bienfaits  à  ton  égard,  à  chaque  souffle 
que  tu  émets,  à  chaque  aspiration  que  tu  respires.  —  Médite  ces 
choses,  mon  fils,  et  à  cause  d'elles  considère-toi  â  juste  titre 
comme  obligé  devant  Dieu,  car  tu  l'es  réellement,  de  travailler 
avec  ferveur  à  l'œuvre  que  tu  dois  pratiquer  dans  ta  cellule.  » 

Première  année.  —  «  La  première  année,  mon  fils,  reçois 
chaque  jour  les  mystères  vivifiants  ;  à  moins  que  quelque  motif 
ne  t'empêche  de  le  faire.  Dans  les  assemblées  du  dimanche, 


VIE    DU    MOINE    IlAHIiAX    YOUSSEK    HOUSXAVA.  399 

sors  pour  aller  à  l'offico  avec  les  Irères,  dans  l'église.  —  Telle 
sera  ta  conduite  dans  ta  cellule,  pendant  la  première  année; 
tu  ne  feras  rien  de  plus  sans  ordre  ou  conseil.  » 

Seconde  et  troisième  année.  —  La  seconde  et  la  troisième 
année,  il  prescrivait  en  plus  à  chacun  des  frères  quelque  pra- 
tique ou  quelque  travail,  selon  sa  ferveur  ut  autant  qu'il  le  ju- 
geait utile  pour  lui.  —  Il  prenait  soin  des  frères  faibles  selon 
leur  faiblesse.  Il  y  en  avait  qu'il  empêchait  au  bout  d'une  année, 
ou  même  moins,  de  sortir  pour  aller  aux  réunions,  ou  de  re- 
cevoir les  mystères  chaque  jour;  et  il  y  en  avait  d'autres  à  qui 
il  ordonnait  de  se  rendre  aux  réunions  ou  de  recevoir  les  mys- 
tères plus  souvent.  Selon  qu'il  savait  la  chose  plus  avantageuse 
pour  le  frère,  il  ajoutait  ou  retranchait.  Toutefois,  il  n'empêchait 
pas  tout  d'un  coup  le  frère  de  recevoir  les  saints  mystères;  mais 
il  l'y  amenait  peu  à  peu.  En  lui  défendant  de  les  recevoir  chaque 
jour,  il  lui  prescrivait  de  les  recevoir  à  certains  jours  :  le  mercredi, 
le  vendredi  et  le  dimanche.  Puis  il  diminuait  encore,  et  le 
frère  ne  les  recevait  plus  que  le  dimanche.  —  [Il  en  était  de 
même  pour  sortir  aux  réunions;  tel  devait  sortir,  en  plus  du 
dimanche,]  (1)  encore  une  fois  dans  la  semaine,  c'est-à-dire  au 
milieu;  puis  après  quelque  temps,  lorsqu'il  le  jugeait  opportun 
pour  le  frère  qui  venait  le  trouver,  il  lui  défendait  de  sortir  de 
toute  la  semaine.  Il  instruisait  chacun  des  frères  selon  sa  fai- 
blesse, sa  mesure,  son  état. 

Pourquoi  auparavant  recevaient-ils  chaque  jour  les  saints 
mystères,  et  pourquoi  cela  leur  était-il  défendu  maintenant?  Il 
le  leur  enseignait  ainsi  : 

«  Sache,  mon  fils,  que  le  Christ  connaît  notre  faiblesse  et  la 
débilité  de  notre  nature.  Il  sait  que  nous  sommes  portés,  par  de 
nombreuses  causes,  à  des  péchés  nombreux  et  variés,  volontai- 
rement, par  inadvertance  et  involontairement;  c'est  pourquoi,  il 
nous  a  donné,  dans  sa  miséricorde,  les  saints  mystères  de  son 
saint  corps  et  de  son  saint  sang,  afin  qu'ils  soient  pour  nous  le 
pardon  des  fautes  et  des  péchés  que  nous  commettons  dans 
notre  corps  mortel,  et  que  nous  soyons  fortifiés  par  eux  contre  les 
adversaires  à  qui  notre  vie  déplaît  et  qui  ne  ne  nous  laissent  pas 
servir  en  paix  sa  Majesté  adorable.  Tu  dois  donc,  mon  fils,  sortir 

(1)  Le  texte  paraît  un  peu  altéré  on  co  passage;  nous  rétablissons  le  sens  très 
probable  indiqué  par  le  contexte. 


400  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

chaque  jour  pour  recevoir  les  mystères  purificateurs,  car  le  le 
vain  du  péché  se  trouve  encore  dans  ton  corps,  et  aussi  pour  en 
retirer  force  et  aide,  afin  de  pouvoir  résider  dans  ta  cellule  et 
accomplir  tes  offices  et  tes  règles.  » 

Quand  la  science  du  frère  s'était  un  peu  développée,  il  lui  di- 
sait au  contraire  : 

<-:  Nous  ne  devons  pas,  mon  fils,  oser  recevoir  chaque  jour  les 
saints  mystères,  bien  qu'ils  nous  soient  donnés  par  Notre- 
Seigneur,  dans  sa  bonté  et  sa  miséricorde  [gratuite;  mais  nous 
devons  rougir  en  face  de  sa  bénignité,  à  cause  de  nos  péchés 
et  de  notre  indignité.  Il  nous  suffit  de  les  recevoir  une  fois 
de  temps  en  temps  ». 

Il  dirigeait  ainsi  la  science  du  frère,  jusqu'à  ce  qu'elle  fût 
assez  affermie  pour  recevoir  ce  qui  est  au-dessus  de  cette  pen- 
sée. —  Alors  il  lui  parlait  ainsi  : 

«  Mon  fils,  il  est  facile  d'obtenir  de  la  miséricorde  de  Dieu  le 
pardon  des  péchés  qui  sont  commis  dans  le  corps;  parce  que 
l'homme  pèche  contre  lui-même  ou  contre  son  frère,  et  parce 
qu'ils  proviennent  de  la  faiblesse  et  de  l'inclination  de  notre 
nature.  Mais  les  péchés  qui  viennent  de  l'âme  et  sont  commis 
par  elle  sont  difficiles  à  pardonner,  parce  qu'ils  sont  contre 
Dieu,  et  luttent  contre  lui  par  l'orgueil  d'une  âme  misérable. 
L'Apôtre  a  déclaré  que  ceux  qui  irritent  Dieu  par  les  péchés  de 
-'âme  ne  sont  pas  dignes  de  recevoir  le  corps  et  le  sang  de  Notre- 
Seigneur;  et  s'ils  osent  le  recevoir,  c'est  pour  leur  condam- 
nation et  non  pour  leur  pardon  (I).  Ainsi  donc,  mon  fils,  consi- 
dère en  toi-même  que  tu  n'es  pas  digne  de  ce  don  qui  est  donné 
gratuitement  aux  hommes,  parce  que  ton  âme  est  plongée  dans 
de  honteux  péchés  et  en  est  souillée.  Reconnais  ceci  avec 
justice  :  Heureux  ceux  qui  sont  dignes  des  saints  mystères,  et 
malheur  â  toi  qui  n'es  pas  digne  de  ce  don  sublime!  Pense  avec 
raison,  en  toi-même,  que  tu  es  un  chien,  un  impudique,  un  de 
ceux  â  propos  desquels  Notre-Seigneur  a  donné  ces  avertisse- 
ments et  a  dit  :  «  Ne  leur  donnez  point  le  saint;  ne  jetez  point 
(c  les  pierres  précieuses  aux  pieds  des  porcs,  pour  qu'elles  ne 
«  soient  pas  avilies  (2).  »  Ce  qui  est  saint  convient  et  appartient 


(1)  I  Cor.,  XI,  27  et  suiv. 
(-2)  Matth.,  VII,  t). 


VII<:    DU    MOINE    IIAIJHAN    VOUSSEF    BOUSNAVA.  401 

aux  saints.  Que  le  seul  souvenir  du  corps  de  Notre-Seigneur  que 
tu  as  reçu  te  suffise  dans  ta  adlule;  rassasie  ta  faim  des  miettes 
|de  la  table]  des  enfants.  Par  cette  pensée,  par  cette  opinion 
humiliante,  le  Christ  te  rendra  digne  de  l'humilité  parfaite,  qui 
est  le  vêtement  salutaire  dont  est  revêtue  rintelligence  qui  s'hu- 
milie elle-même,  et  grâce  auquel  elle  apaise  Dieu  par  le  sacri- 
fice de  soi-même  offert  à  sa  Majesté.  » 

«  Quand,  avec  l'aide  de  la  grâce,  par  ces  labeurs,  le  frère  pé- 
nètre dans  le  lieu  de  la  véritable  humilité,  alors  il  com- 
prend de  lui-même  et  il  est  bien  persuadé  que,  réellement  et 
en  vérité,  nulle  créature  n'est  digne  de  ce  don  sublime  du  mys- 
tère du  corps  de  Notre-Seigneur  et  de  son  sang  précieux  ;  car  il 
reçoit  mystérieusement  la  révélation  de  la  grandeur,  de  la 
gloire,  de  la  sublimité  de  ce  mystère,  admirable  pour  les  anges, 
et  aussi  de  la  bassesse  de  notre  nature  plongée  dans  les  transgres- 
sions. —  Par  cette  science  qui  est  donnée  à  l'intelligence  dans  le 
lieu  de  la  véritable  humilité,  cette  intelligence  s'élève  au  lieu  de 
la  spiritualité  et  elle  participe  spirituellement,  sublimement,  di- 
vinement, mystiquement,  avec  les  esprits  [célestes],  au  mystère 
du  corps  et  du  sang  de  Notre-Seigneur;  elle  reçoit  véritablement 
la  personne  de  Notre-Seigneur,  en  dehors  de  toute  figure,  mys- 
tère ou  parabole,  de  la  manière  que  les  saints  le  recevront  dans 
le  monde  nouveau.  Car  tous  les  mystères  et  les  figures  convien- 
nent au  monde  présent;  dans  le  monde  nouveau,  les  saints  re- 
cevront la  véritable  réalité  des  mystères  et  des  figures,  sans  in- 
termédiaire ni  figure.  » 

«  Le  moine  qui  se  tient  dans  sa  cellule  doit  s'efforcer  autant 
qu'il  peut  d'y  assimiler  sa  demeure  et  sa  vie  à  l'habitation  du 
monde  nouveau,  par  la  retraite  du  monde  et  de  son  tumulte,  par 
l'éloignement  de  tout  ce  qui  est  du  monde,  par  la  mort  absolue  à 
tout  ce  qui  est  en  lui,  par  son  jeûne  et  son  naziréat,  par  ses  veilles 
et  sa  vigilance,  par  sa  conversation  amicale  avec  Dieu,  bref,  par 
toutes  ses  actions  qu'il  s'efforcera  de  conformer  à  celles  du  monde 
nouveau;  de  là  vient  qu'il  les  omet  corporellement  pour  les  re- 
prendre spirituellement,  comme  dans  le  monde  nouveau.  Donc, 
quand  le  moine  pénètre,  avec  l'aide  de  Notre-Seigneur,  dans  le 
lieu  de  la  science,  qui  est  le  chemin  conduisant  à  l'humilité,  et 
quand  Notre-Seigneur  l'a  rendu  digne,  par  ses  miséricordes,  de 
la  mesure  de  la  spiritualité,  sa  demeure  est  pour  ainsi  dire  déjà 

ORIENT   CHRÉTIEN.  28 


402  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

fixée,  par  un  mystère  admirable,  dans  le  monde  nouveau  ;  avec 
les  esprits  [célestes]  et  comme  eux,  il  jouit  spirituellement  des 
saints  mystères  et  reçoit  le  Christ  dans  son  âme,  sans  Tinter- 
médiaire  des  figures  et  des  mystères.  En  même  temps,  son  in- 
telligence est  remplie  d'une  sainte  joie  ;  car  il  est  la  nourri- 
ture et  le  breuvage  dans  la  bouche,  qui  n'en  est  pas  une,  de 
l'intelligence;  de  même  que  dans  le  monde  nouveau  le  Christ 
est  la  nourriture  et  le  breuvage  de  ceux  qui  y  habitent,  en 
dehors  de  tous  les  mystères  et  les  figures  du  monde  présent. 
Donc,  il  ne  faut  pas  blâmer  les  moines  qui  cessent  de  recevoir 
les  saints  mystères  dans  l'un  ou  l'autre  des  deux  degrés  que 
nous  avons  fait  connaître  :  dans  le  premier,  parce  qu'ils  ne 
s'en  estiment  pas  dignes;  dans  le  second,  parce  qu'ils  en 
jouissent  déjà  spirituellement.  » 

«  Ce  que  je  dis  est  connu  et  parfaitement  compris  de  celui 
qui  a  éprouvé  ces  deux  choses  en  lui-même,  à  savoir  :  que  dans 
le  premier  cas  le  moine  est  persuadé  de  tout  son  cœur  et  sans 
aucune  hésitation  intérieure  ou  extérieure  qu'il  n'est  vraiment 
pas  digne  de  recevoir  les  saints  mystères,  et  qu'au  jour  où  il 
les  recevra,  il  devra  s'humilier  davantage  devant  Dieu  dont  les 
miséricordes  Font  rendu  digne  de  cette  faveur  dont  il  était 
indigne;  et  que  dans  l'autre  cas,  sans  aucun  doute  et  réellement, 
l'intelligence  participe  spirituellement  avec  les  esprits  [célestes] 
aux  saints  mystères.  » 

<c  Pour  toi,  mon  fils,  comprends  avec  intelligence  ces  mystères 
profonds  et  admirables,  et  dirige  par  la  science  ta  vie  dans  ta 
cellule;  que  ta  conduite  soit  régulière,  en  dehors  de  toute 
perturbation.  » 

«  Règle  ton  jeûne  avec  mesure  pendant  la  première  année. 
Mange  chaque  soir,  jusqu'à  ce  que  ton  corps  soit  exercé  aux 
labeurs.  Ajoute  alors  le  jeûne  de  deuxjours  ;  de  celui-là  tu  passe- 
ras à  celui  qui  consiste  à  ne  manger  qu'une  fois  ou  deux  [la  se- 
maine]. Pourtant,  ne  fais  point  cela  sans  conseil.  » 

«  Que  ta  veille  soit  de  la  moitié  [de  la  nuit] ,  ainsi  que  dit 
Abba  Isaias  (1)  :  «  Donne  la  moitié  de  la  nuit  au  repos,  et  la 
«  moitié  aux  labeurs  de  la  veille.  »  —  Quand  tu  seras  habitué  à 
cela,  plus  tard,  tu  passeras  tes  nuits  comme  Abba  Arsénios  qui 

(1)  Isaïe  de  Scété,  dont  il  a  été  déjà  question  plusieurs  fois. 


VIE    DU    MOIXK    HAHMAxV    YOUSSRK    liOUSXAVA  103 

tournait  le  clos  au  soleil  et  restait  sur  ses  pieds  jusqu'à  ce  qu'il 
le  reçût  en  face,  c'est-à-dire  qu'il  se  tenait  debout  et  veillait 
depuis  le  coucher  du  soleil  jusqu'au  lever  de  l'aurore  (1). 

«  Ainsi,  dans  toutes  tes  actions,  en  commençant  les  pe- 
tites, en  achevant  les  grandes,  en  toutes  et  chacune,  travaille 
et  dirige-toi  d'après  les  conseils  des  vieillards  :  ajoute  ou  di- 
minue, allonge  ou  abrège.  Sache  que  sans  conseil,  tout  le 
labeur  du  moine  est  vain;  car  notre  vie  dans  le  silence, 
n'est  pas  de  ce  monde,  mais  du  monde  nouveau  dont  tu  ne 
connais  point  les  voies,  ni  les  sentiers;  et  de  même,  «  notre 
«  lutte  n'est  pas  avec  la  chair  ou  le  sang,  mais  avec  les  prin- 
ce ces,  avec  les  grands,  avec  les  puissants  de  ce  monde  ténébreux 
«  des  esprits  mauvais  qui  sont  sous  les  cieux  »  (2),  c'est-à-dire 
avec  les  démons  rebelles,  dont  les  attaques  sont  spirituelles  et  les 
embûches  secrètes.  Et  pour  cela,  et  à  cause  de  cela,  le  frère  qui 
marche  dans  cette  voie  a  besoin  de  quelqu'un  qui  connaisse  bien 
les  ruses  des  adversaires,  pour  lui  enseigner  leurs  diverses  ma- 
nières de  combattre  elles  secrets  de  leurs  embûches  pernicieuses, 
afin  qu'il  ne  soit  pas  blessé  et  ne  meure  point  faute  d'aver- 
tissement et  par  ignorance.  » 

Il  instruisait  chacun  des  frères  séparément,  selon  qu'il  le  ju- 
geait utile  pour  son  bien;  et  de  temps  en  temps  il  faisait  un 
discours  général  contenant  une  instruction  qui  s'adressait  à  tous  ; 
il  distinguait,  avec  une  grande  sagesse  et  une  science  fort  éclai- 
rée, l'état  dans  lequel  quelqu'un  se  trouvait. 

Quand  il  traitait  d'une  vertu  en  elle-même,  il  disait  comment, 
de  quelle  manière  elle  devait  être  pratiquée  ;  quel  était  son  objet, 
les  obstacles  qu'elle  présentait,  en  combien  d'espèces  elle  était 
partagée  et  divisée;  quelle  était  sa  pratique  dans  chaque 
degré;  et  comment  il  fallait  la  pratiquer,  parfois  corporellement, 
parfois  avec  l'âme,  parfois  spirituellement  avec  l'esprit. 

Il  m'a  paru  bon  de  réunir  ensemble  et  de  placer  ici  ces  ins- 
tructions l'une  après  l'autre,  bien  que  ma  science  ne  me  permette 
pas  de  les  disposer  comme  il  conviendrait,  mais  confusément, 
comme  elles  se  présenteront,  selon  la  faiblesse  de  ma  science 
inculte. 

(1)  Cfr.  Paradisus  Patnim,  od.  Bedjan,  p.  187. 

[2)  Cfr.  Eph.,  VI,  1-2. 


404  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEjV. 

Du  silence.  — «  Le  silence  est  le  calme  dans  lequel  Thomme  se 
tient  en  dehors  de  tous  les  bruits  et  de  toutes  les  préoccupations 
de  ce  monde,  et  dans  lequel  se  pratiquent  toutes  les  vertus  de  la 
vie  monacale;  dans  le  silence,  Tàme  verra  ses  péchés  et  se  con- 
naîtra elle-même,  Thomme  comprendra  combien  grande  est  la 
miséricorde  de  Dieu  et  sa  longanimité  à  notre  égard,  car,  bien 
que  tous  nos  péchés  soient  manifestes  devant  lui,  dans  sa 
bénignité,  il  les  supporte  et  les  efface;  combien  grande  est  la 
vertu  divine  qui  nous  aide  et  nous  garde  ;  combien  puissante  est 
Tattaque  des  démons  contre  nous  et  leur  haine  pour  nous.  Ces 
choses  et  beaucoup  d'autres  semblables,  l'homme  les  apprend 
dans  le  silence.  En  dehors  du  silence,  l'homme  ne  sait  pas 
même  quel  est  son  propre  état;  il  pèche  et  ne  le  sait  point;  il 
ne  se  purifie  point  et  il  se  croit  juste,  parce  qu'il  ne  voit 
point  ses  péchés;  il  ne  sait  pas,  et  il  ignore  qu'il  ne  sait  pas; 
et  il  pense  savoir  par  sa  science  mondaine  qui  ne  se  connaît 
pas  elle-même,  et  dans  laquelle  on  ne  peut  trouver  le  pardon 
des  péchés.  Personne  ne  voit  réellement  ses  pochés  en  dehors 
du  silence.   » 

«  Le  silence  accompagne  les  divers  modes  de  la  vie  monas- 
tique, et  pour  cela,  il  y  a  différentes  manières  de  le  pratiquer.  » 

«  Dans  le  premier  mode,  le  novice  y  est  comme  dans  une  certaine 
réclusion  qui  l'empêche  de  sortir  inutilement  de  sa  cellule,  qui 
l'oblige  à  travailler  aux  vertus,  comme  l'exige  sa  règle,  et  qui 
est  pour  lui  une  cause  de  préservation  de  tous  les  péchés  qui 
viennent  de  l'extérieur.  Celui  qui  est  dans  ce  degré  est  appelé 
«  reclus  »,  parce  qu'il  a  été  rendu  digne,  par  Dieu,  de  de- 
meurer dans  sa  cellule.  » 

«  Quand  le  frère  s'est  élevé,  avec  l'aide  de  Dieu,  au  second 
mode,  il  doit  pratiquer  le  silence  d'une  autre  manière,  plus  par- 
faite que  la  première.  Au  lieu  d'un  cloître,  il  doit  être  pour  lui 
une  arène,  dans  laquelle  il  lutte  avec  les  démons  et  les  vains 
guerriers.  Il  vainc  et  est  vaincu  :  il  tombe  et  se  relève,  jusqu'à 
ce  qu'il  l'emporte,  par  la  miséricorde,  qu'il  triomphe,  et  que  son 
nom  soit  inscrit  parmi  ceux  des  guerriers  valeureux  et  des 
triomphateurs  illustres;  alors,  sa  cellule  sera  le  lieu  de  séjour 
des  saints  anges;  ce  frère  ne  doit  plus  être  appelé  un  reclus, 
mais  bien  un  véritable  «  lutteur  »,  un  ouvrier  robuste,  un 
triomphateur  victorieux,  un  athlète  vigoureux.  » 


VIE    DU    MOINR    RAHI5AN    YOUSSKF    HOUSNAVA  405 

«  De  même,  quand  le  moine  parvient  par  la  grâce  et  les  misé- 
ricordes [de  Dieu],  au  troisième  mode,  dans  lequel  ne  se  trouve 
point  Satan  et  où  le  mal  ne  se  rencontre  point,  alors  encore  sa 
manière  d'être  dans  le  silence  deviendra  tout  autre.  Sa  cellule, 
au  lieu  d'être  un  cloître  ou  une  arène,  deviendra  un  port  tran- 
quille qui  lui  procurera  tous  les  secours  et  toutes  les  joies  : 
la  Jérusalem  des  visions,  le  Sinaï  des  révélations,  la  Sion  des 
sciences,  la  source  de  la  lumière,  l'assemblage  de  tous  les  biens, 
la  citadelle  inexpugnable  pour  les  ennemis,  le  lieu  de  réunion 
des  enfants  de  lumière,  le  séjour  et  la  demeure  de  la  Trinité 
maîtresse  des  mondes.  Alors  le  moine  ne  sera  plus  considéré 
ni  comme  reclus,  ni  comme  combattant,  ni  non  plus  comme 
homme  du  monde,  ni  même  comme  étant  encore  du  monde, 
mais  bien  comme  étant  «  spirituel  »  et  parfait,  citoyen  de  la  ville 
du  Dieu  vivant;  bien  plus,  quoiqu'il  soit  homme  par  sa  nature, 
il  sera  même  appelé  dieu,  frère  du  Christ,  cohéritier  de  sa  gloire 
et  de  son  royaume,  demeure  de  l'Esprit-Saint  vivificateur  de 
tous  les  mondes.  » 

«  A  cause  de  toutes  ces  choses  glorieuses,  sublimes  et  divines, 
dès  le  commencement  les  démons,  ennemis  du  bien,  s'empressent 
d'engager  la  lutte  par  tous  les  moyens  de  combat,  avec  ceux 
qui  habitent  dans  le  silence.  Ils  s'ingénient  de  toutes  manières 
à  faire  sortir  le  frère  de  sa  cellule.  Ils  lui  préparent  des  occa- 
sions, avec  toutes  leurs  différentes  ruses,  et  avec  toutes  les  res- 
sources de  leur  astuce.  Quand  ils  ne  peuvent  remporter  sur  lui 
la  victoire  par  ces  moyens  adverses,  ils  l'excitent  tout  au  con- 
traire à  sortir  de  son  silence  sous  prétexte  de  vertu,  par  exem- 
ple pour  visiter  les  infirmes,  pour  servir  les  frères,  pour  recueil- 
lir les  affligés,  pour  soulager  les  malades,  pour  consoler  les 
attristés,  pour  aider  les  opprimés,  pour  donner  à  manger  aux 
affamés  ou  à  boire  aux  altérés,  pour  aider  les  pauvres  et  les 
pèlerins,  et  pour  beaucoup  d'autres  choses  semblables.  Ils  mur- 
murent et  disent  au  frère  :  «  Il  vaut  beaucoup  mieux  pour  toi 
«  secourir  les  pauvres  que  demeurer  dans  ta  cellule  comme 
<■(  dans  une  prison,  ce  qui  ne  peut  être  utile  qu'à  toi  seul.  » 
Ils  lui  suscitent  des  craintes,  et  placent  de  grandes  difficultés 
devant  lui  :  «  Personne,  disent-ils,  ne  peut  arriver  au  terme  dans 
«  cette  voie;  il  vaut  mieux  ne  pas  s'y  engager  que  de  l'abandon- 
«  ner  après  y  être  entré.  » 


406  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

«  C'est  par  ces  moyens  et  d'autres  semblables,  que  les  démons 
engagent  la  lutte  avec  les  frères  qui  vivent  en  cellule,  dans 
le  premier  labeur.    » 

«  Dans  le  second,  ils  s'attaquent  à  lui  par  des  difficultés  encore 
plus  grandes  :  par  la  tristesse,  par  l'aflliction  qui  n'est  pas  pour 
Dieu,  par  les  angoisses  de  l'àme,  par  le  désespoir,  par  le  blas- 
phème, par  la  vanité,  par  l'amour  de  la  vaine  gloire,  par  l'or- 
gueil qui  s'élève  contre  Dieu,  par  un  zèle  insensé,  par  la  colère 
furieuse,  par  l'irritation  bestiale  et  pernicieuse,  par  l'orgueil  sa- 
tanique,  et  par  beaucoup  d'autres  choses  semblables.  Ils  l'assu- 
rent qu'il  est  déjà  parfait,  et  ils  lui  suggèrent  de  se  faire  le  di- 
recteur des  séculiers,  hommes  et  femmes.  Ils  lui  en  préparent 
avec  grand  soin  les  occasions  opportunes.  De  temps  en  temps, 
il  lui  font  voir  des  choses  secrètes.  Pour  une  légère  gué- 
rison  qu'ont  obtenue,  à  cause  de  leur  foi,  ceux  qui  venaient  près 
de  lui,  ils  font  accourir  à  sa  porte  des  villages  entiers,  hommes 
et  femmes,  et  par  la  conversation  avec  les  filles  d'Eve,  vaines  et 
dissolues,  il  pèche  et  succombe  souvent,  et  son  séjour  dans  sa 
cellule  est  vain,  tout  le  labeur  auquel  il  s'y  est  adonné  est  sans 
profit.  —  Ils  lui  conseillent  encore  également  de  sortir  de  sa 
cellule  soit  pour  restaurer  un  couvent  détruit,  soit  pour  bâ- 
tir un  monastère.  Sous  une  pensée  correcte,  ils  lui  représen- 
tent qu'il  lui  serait  plus  avantageux  de  s'adonner  pour  Dieu  au 
service  de  ses  frères  séculiers  :  ce  qui  n'est  point  son  affaire, 
mais  celle  des  hommes  parfaits  et  des  vieillards  vertueux.  » 

c(  Et  ainsi  de  suite,  de  toutes  manières,  par  toutes  sortes  d'at- 
taques, les  démons  engagent  la  lutte  et  combattent  avec  les  frè- 
res qui  vivent  dans  le  silence,  afin  de  les  détourner  de  marcher 
dans  cette  voie  qui  conduit  aux  demeures  célestes.  » 

Du  jeune.  —  «  Le  jeûne  est  l'arme  avec  laquelle  le  frère  peut 
combattre  les  passions  et  les  démons.  Par  lui,  le  corps  est  puri- 
fié de  l'humeur  qui  provient  de  l'abondance  de  la  nourriture,  il 
est  soulagé  et  guéri  de  ses  diverses  maladies;  par  lui,  est  refroi- 
die l'ardeur  des  passions  naturelles;  par  lui,  le  frère  est  con- 
forté dans  la  ferveur  de  Tamour  des  vertus,  le  corps  est  libéré 
de  la  pesanteur  et  de  la  torpeur,  pour  pouvoir  se  tenir  coura- 
geusement éveillé  dans  les  veilles.  —  Par  le  jeûne  en  vue  de 
Dieu,  la  passion  de  la  gloutonnerie  est  vaincue,  et  la  lutte  contre 
la  gourmandise  prend  fin.  Le  jeûne  est  le  purificateur  du  corps. 


VIE    DU    MOIXR    RA15IJAN    YOUSSKF    liOUSNAVA  407 

du  moins  en  partie.  —  Telles  sont  les  vertus  du  jeûne  dans  le 
premier  degré;  et  le  frère  qui  s'y  adonne  est  appelé  «  jeûneur 
de  nourriture  ». 

«  Dans  le  second  degré,  le  jeûne  du  moine  est  double  :  il  doit 
purifier  et  polir  complètement  le  corps,  faire  briller  et  sanctifier 
l'àme  totalement;  le  feu  des  passions  dont  Fardeur  avait  été  re- 
froidie dans  le  premier  degré,  s'éteint  ici  entièrement,  et  même 
disparaît  bientôt  complètement;  le  corps  que  le  premier  jeûne 
avait  établi  dans  l'état  (1)  de  pureté,  s'élève  à  l'état  de  splen- 
deur; je  ne  parle  pas  de  la  splendeur  de  l'âme,  mais  de  la 
splendeur  du  corps  :  car  autre  est  celle-ci  et  autre  celle-là.  Mais 
l'âme  monte  aussi,  par  la  perfection  de  ce  double  jeûne,  à  fétat 
de  pureté,  et  s'élève  également  à  l'état  de  splendeur  parfaite. 
Alors,  le  frère  n'est  pas  seulement  appelé  «  jeûneur  de  pain  », 
mais  aussi  des  passions.  C'est  là  le  jeûne  dont  le  prophète  a 
parlé  (2),  celui  dans  lequel  l'àme  jeûnera  de  tous  les  maux  et 
de  toutes  les  passions.  Vain  est  le  jeûne  du  pain,  si  celui-ci  ne 
l'accompagne  pas.  C'est  pourquoi,  dans  ce  jeûne  de  l'àme,  le 
frère  est  appelé  «  jeûneur  des  passions  »,  et  aussi  jeûneur  pour 
Dieu. 

«  Par  ce  double  jeûne,  son  esprit  devient  digne  de  jeûner 
comme  les  esprits  célestes,  d'un  jeûne  spirituel  qui  n'est  pas 
celui  de  l'àme.  Alors  le  corps  et  l'àme  s'élèvent  simultanément  à 
l'état  de  la  splendeur,  et  l'esprit  parvient  à  un  état  qui  surpasse 
toute  splendeur.  Le  moine  est  alors  appelé  «  jeûneur  du  monde 
entier  »;  le  sceau  du  jeûne  du  monde  nouveau  est  appliqué  sur 
la  bouche  de  son  esprit,  car,  de  toute  façon,  le  Christ  est  son 
unique  nourriture  et  son  unique  breuvage.  » 

«  Comme  Satan  sait  fort  bien  jusqu'où  s'élève  le  jeûneur,  il  s'ef- 
force, dès  le  commencement,  de  lui  faire  cesser  son  saint  jeûne. 
Il  s'attaque  au  frère  de  toute  façon  :  par  la  gourmandise,  par  le 
désir  de  mets  variés,  par  l'avidité,  par  la  gloutonnerie,  et  par 
beaucoup  d'autres  choses  semblables.  Et  quand,  avec  l'aide  de 
Dieu,  le  frère  a  triomphé  de  ces  attaques  par  l'arme  solide  du 
jeûne,  il  engage  la  lutte  avec  lui  par  d'autres  moyens  :  par  une 

(1)  Le  mot  que  je  traduis  ici,  ot  dans  ce  paragraplie,  par  «  état  »,  signilie  \)vo- 
prement  ■<  lieu  ». 

(2)  J'ignore  à  quel  passage  de  l'Éerilure  l'auteur  veut' l'aire  allusion;  peut-être 
Is.,  i.viii,  .3  et  suiv. 


408  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

grande  faiblesse,  par  des  afflictions  qui  contraignent  le  frère  à 
cesser  son  jeûne,  par  des  occasions  qu'il  lui  prépare  à  l'intérieur 
et  à  l'extérieur,  par  exemple  :  la  réception  de  frères  à  cause  des- 
quels il  devrait  rompre  son  jeûne,  et  d'autres  causes  semblables 
qui,  sous  prétexte  de  vertu,  fournissent  au  frère  l'occasion  de 
ce^er  son  jeûne.  Quand,  par  les  miséricordes  du  Christ,  le  frère 
a  encore  reconnu  ces  ruses  et  a  triomphé  de  leur  astuce,  alors 
il  l'attaque  de  nouveau  par  d'autres  moyens  :  par  la  vanité,  par 
la  vaine  gloire,  par  l'orgueil,  et  le  reste.  » 

«  C'est  pourquoi  une  grande  vigilance  est  nécessaire  aux  frè- 
res jeûneurs  qui  sont  dans  leur  cellule,  pour  ne  rien  faire  sans 
conseil,  dans  toute  leur  conduite.  » 

Du  naziréat.  —  «  Le  naziréat  est  le  bouclier  solide  qui  dé- 
tourne les  flèches  des  ennemis  qui,  dans  l'obscurité,  lancent  les 
traits  de  leur  malice  contre  ceux  qui  ont  des  intentions  droi- 
tes (1).  Par  lui  le  frère  est  fortifié  pour  servir  Dieu  par  un  jeûne 
pur.  Il  n'y  a  donc  point  de  jeûne  bien  réglé  sans  un  naziréat 
discret.  Sans  le  naziréat  le  jeûne  est  boiteux.  C'est  avec  le  con- 
cours du  naziréat  que  dans  le  jeûne  le  corps  se  purifie,  l'àme 
resplendit,  l'esprit  s'élève  à  l'état  qui  surpasse  toute  splendeur. 
—  La  difficulté  et  la  lutte  du  naziréen  est  la  même  que  celle  du 
jeûneur.  Il  lui  faut  donc  aussi  beaucoup  de  prudence.  Mais  dans 
le  naziréat,  le  frère  doit  s'appliquer  davantage.  Il  ne  doit  pas 
avoir  confiance,  et  se  dire  que  le  jeûne  seul  lui  suffira.  Vain  est 
le  jeûne  qui  n'a  point  pour  compagne  l'abstinence  (2).  Veille  à 
cela,  mon  fils,  et  soumets  ton  cou  à  son  joug,  avec  prudence  et 
conseil.  » 

«  Fais  attention,  mon  fils,  à  tout  ce  que  je  t'ai  dit,  et  accomplis 
discrètement,  en  prenant  toujours  conseil,  l'œuvre  que  tu  fais 
pour  Dieu.  » 

De  r office.  —  «  L'office  est  l'enceinte  qui  entoure  le  moine  qui 
travaille  et  le  protège  contre  les  ruses  des  fils  de  la  nuit  qui  cir- 
culent dans  les  ténèbres  (3).  C'est  lui  qui  conserve  toutes  les 
œuvres  du  moine;  par  lui,  le  corps  et  l'âme  sont  broyés  en  même 
temps.  L'homme  decorporel  devient  intellectuel,  et  d'intellec- 

(1)  Cf.  Ps.  Lxm,  4-5. 

(2)  Littéralement  :  «  qui  n'a  point  ]>our  femme  le  naziréat  »,  ce  mot  étant  fé- 
minin en  syriaque. 

(3)  Cf.  Ps'.  xc,  6. 


VIE    DU    MOINK    RABHAN    YOUSSHF    BOLSNAYA  409 

tuel  il  devient  spirituel  (1),  de  ministre  il  devient  psalmiste,  de 
psalmiste  il  devient  chantre  (2),  d'esclave  il  devient  affranchi, 
et  même  fils,  héritier,  bien-aimé.  Le  moine  qui  s'y  applique 
fortement  arrive  promptementau  degréde  l'opération  de  l'âme. 
—  Mais  l'ennemi  combat  aussi  en  beaucoup  de  manières  le 
frère  qui  s'y  adonne  :  par  de  vaines  attractions,  par  l'agitation 
des  pensées  inconvenantes,  par  la  négligence,  par  les  distrac- 
tions qui  détruisent  tous  les  mérites.  Le  moine  doit  donc  veil- 
ler sur  lui  quand  il  se  tient  en  présence  de  Dieu  à  l'office.  Qu'il 
recueille  ses  pensées  des  distractions  et  des  préoccupations 
mondaines;  qu'il  attache  tout  son  esprit  à  l'intelligence  des 
paroles  que  prononce  sa  langue  ;  qu'il  le  prolonge  ou  le  diminue 
selon  le  degré  dans  lequel  il  se  trouve;  mais  cela  doit  se  faire 
d'après  le  conseil  et  les  prescriptions  des  vieillards  ». 

De  la  veille.  —  «  La  veille  prolongée  de  la  nuit  est  la  purgation 
et  la  purificatrice  du  corps,  le  polissoir  de  l'âme.  C'est  par  elle 
que  le  moine  peut  recueillir  ses  pensées  des  divagations  pendant 
l'office  en  présence  de  Dieu  ;  c'est  par  elle  qu'il  est  digne  de  l'o- 
pération de  la  grâce  qui  met  fm  aux  attaques  de  l'ennemi,  c'est 
en  elle  qu'il  reçoit  le  don  et  la  force  divine,  par  l'excellence  de 
l'office  prolongé  qui  s'y  pratique.  Celui  qui  se  tient  éveillé  et 
s'applique  à  l'office  dans  une  veille,  est  en  vérité  le  concitoyen 
des  veilleurs  célestes.  De  même  que  le  naziréat  brille  dans  le 
jeûne  etquelejeùne  est  complété  par  le  naziréat,  de  même  l'office 
s'accomplit  grâce  â  la  veille  et  la  veille  est  louable  à  cause  de 
l'office.  — Il  y  a  aussi  des  combats  pour  les*  veilleurs  ».  Ce  sont 
l'appesantissement,  la  paresse,  legrand  sommeil,  la  torture  des 
épaules,  la  lassitude  des  membres,  la  crainte  et  la  frayeur,  et 
d'autres  choses  semblables. 

«  Mon  fils,  applique-toi  à  la  veille;  grâce  â  elle  tu  seras 
digne  de  choses  sublimes  et  des  dons  de  l'Esprit-Saint  qui  ne 
sont  communiqués  que  dans  l'intelligence.  Prends  garde  de  ne 
rien  cacher  de  ce  qui  se  passe  en  toi,  à  droite  ou  à  gauche  (3)  dans 
la  veille  de  l'office,  à  celui  à  qui  est  confiée  la  conduite  de  ton 
âme.  » 

(1)  Il  passe  de  ropéi'atioii  du  corps  à  celle  de  Tàme,  et  de  celle-ci  à  celle  de  l'esprit. 
(i)  MehabHana,  <■  louangeur  »,  qui  chante  des  cantiques  de  louani^e.  —Le  mot 
n'est  pas  dans  les  lexiques. 
(3)  Tout  ce  que  tu  ressens  de  bon  ou  de  mauvais. 


410  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

De  la  lecture.  —  «  Par  la  lecture  des  Livres  saints,  les  pensées 
sont  recueillies  des  divagations  inutiles  et  l'intelligence  est  ai- 
guisée de  tous  points.  Par  cette  lecture,  ainsi  que  je  l'ai  dit 
plus  haut  (1),  Dieu  parle  avec  toi;  il  te  montre  la  route  de 
ton  salut  ;  sans  elle,  l'office  n'est  pas  sanctifié  par  le  recueille- 
ment des  pensées,  la  veille  ne  brille  pas  par  la  vigilance  de 
l'intelligence.  » 

«  Applique-toi,  mon  fils,  attentivement  et  assidûment  à  la 
lecture,  afin  que  Dieu  y  parle  avec  toi  face  à  face,  sans  aucun 
organe.  Garde-toi  de  la  lecture  qui  enseigne  quelque  science 
mondaine  et  philosophique  ou  quelque  étude,  ou  les  choses  qui 
procurent  la  vaine  gloire.  Vain  est  le  labeur  d'une  telle  lecture; 
bien  plus,  il  est  même  pernicieux  pour  le  travail  du  solitaire. 
Lis  les  livres  qui  conviennent  à  ton  degré  de  perfection,  pour  y 
apprendre  à  te  conduire  et  savoir  comment  tu  pourras  marcher 
dans  la  voie  aplanie  et  tracée,  vers  la  demeure  qui  est  le  but  de 
ton  travail.  » 

De  la  prière.  —  «  La  prière  est  le  souvenir  continuel  de  Dieu 
et  la  méditation  de  sa  gloire  et  de  sa  providence  admirable  et 
sublime.  Parler  de  la  prière  est  une  grande  chose,  inaccessible 
à  la  science  de  ceux  qui  la  comprennent  matériellement,  car  elle 
doit  être  pratiquée  avec  le  corps,  avec  l'âme  et  avec  l'esprit.  » 

«  Elle  est  pratiquée  corporellement  quand  on  prie  dans 
l'état  (2)  inférieur  de  la  prière  :  dans  cet  état  le  frère  la  pra- 
tique matériellement,  soit  dans  le  souvenir  de  Dieu,  soit  dans 
la  méditation  de  sa  Providence,  soit  dans  les  génuflexions  pro- 
longées, soit  en  toute  autre  chose  que  le  frère  accomplit  pour 
Dieu;  car  tout  ce  que  l'homme  fait  pour  Dieu  avec  une  inten- 
tion droite  est  considéré  comme  une  prière  et  l'est  réellement, 
ainsi  que  l'enseigne  l'Interprète  (3)  quand  il  dit  :  «  Toute  chose 
«  qui  porte  en  elle  le  souvenir  de  Dieu  est  considérée  devant 
«  Dieu  comme  une  prière.  » 

«  La  prière  de  l'âme  est  celle  qu'accomplit  dans  l'état  réel 
d'oraison  celui  que  la  grâce  en  a  rendu  digne.  L'homme  cor- 
porel ne  peut  comprendre  le  discours  sur  ce  sujet.  » 

«  On  prie  dans  l'âme  et  dans  l'intelligence  alors  que  tous  les 

(1)  Cfr.  ci-dessus,  p.  303. 

(2)  Littéralement  ;  «  dans  un  lieu  ». 

(3)  Théodoi-e  de  Mopsuesto. 


VIE    DU    MOINE   RAIJBAN    YOUSSEF    I50USNAVA  111 

sens  et  les  facultés  du  corps  sont  calmés.  On  ne  prie  point  avxîc 
la  bouche,  on  ne  psalmodie  point  avec  la  langue,  (jui  connaît 
cela?  Qui  comprend  cela?  Celui-là  comprend  bien  ce  que  je  dis, 
qui  est  arrivé  à  ce  saint  état  et  y  a  offert  des  sacrifices  de  prière 
au  Dieu  vivant.  » 

«  La  prière  spirituelle  est  celle  qui  se  fait  dans  l'état  supérieur 
à  l'état  de  la  prière  et  qui  ne  s'accomplit  ni  dans  les  sens  de 
l'âme,  ni  dans  les  facultés  de  rintelligence,  mais  dans  le  lan- 
gage de  l'esprit,  image  de  Dieu.  Mais  de  nouveau,  qui  comprend 
cela?  Qui  y  ajoutera  foi?  » 

«  Que  le  Christ  nous  rende  dignes  par  ses  miséricordes  de 
prier  dans  le  lieu  glorieux  de  sa  divinité.  Amen!  » 

Des  pénitences  et  des  génuflexions.  —  «  Les  inclinations 
et  les  extensions  [des  bras]  pendant  l'office,  les  génuflexions 
prolongées  durant  la  prière,  acquièrent  au  moine  l'humilité  de 
l'esprit  et  l'abaissement,  la  chaleur  du  cœur,  la  purgation  du 
corps,  l'ardeur  de  l'âme,  la  ferveur  des  pensées,  pendant  la  sta- 
tion continue  de  l'office  en  présence  de  Dieu.  —  En  effet,  sans 
les  pénitences  :  inclinations,  extensions  des  bras,  génuflexions, 
l'office  du  frère  est  vulgaire,  froid,  languissant,  de  même  que 
les  prières  qui  s'y  rencontrent.  » 

«  Adonne-toi  donc  à  ces  choses,  mon  fils,  de  toute  ta  force, 
en  toute  vigueur,  ardemment  et  courageusement,  afin  que  ton 
oblation  soit  acceptable  devant  Dieu.  » 

De  f  humilité,  de  la  mansuétude,  de  la  bénignité,  du  mé- 
pris de  soi-même.  —  «  L'humilité  est  le  vêtement  (1)  du  Christ 
Notre-Seigneur.  Sans  elle  tout  le  labeur  du  moine  est  vain, 
alors  même  qu'il  serait  rempli  d'œuvres  excellentes.  Toutes 
les  œuvres  vertueuses  ne  sont  point  vertueuses  sans  l'humilité; 
car  c'est  elle  qui  fait  vertueuses  les  œuvres  vertueuses;  bien 
plus,  les  œuvres  vertueuses,  le  silence  louable,  dis-je,  le  jeûne 
qui  sanctifie,  les  oraisons,  les  offices  et  le  reste  des  bonnes  œu- 
vres qui  ne  sont  pas  accomplies  par  humilité  ou  avec  humilité, 
se  trouvent  vains,  nuisibles,  pernicieux,  et  contraires  à  la 
pratique  des  vertus.  Dans  l'humilité,  même  sans  bonnes  œuvres, 
se  trouve  toute  la  vertu.  C'est  le  sel  de  toute  l'œuvre  de  vie; 
sans  sel  le  goût  de  toute  chose  est  fade  et  insipide.  Il  serait 

(1)  SToXr.. 


412  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

trop  long  de  parler  d'elle  et  de  ses  différents  modes,  et  je  me 
réserve  de  le  faire  lorsque,  avec  l'aide  de  Dieu,  le  discours  trai- 
tera des  différents  degrés.  » 

«  La  mansuétude  est  la  fille  de  l'humilité.  » 

«  La  bénignité  est  la  principale  forme  du  sage  Créateur,  notre 
Dieu  adorable;  car  celui  dont  lecommerce  est  agréable  est  l'imi- 
tateur de  Dieu,  comme  celui  qui  est  plein  de  mansuétude  dans 
sa  conduite  est  l'imitateur  du  Christ  Notre-Seigneur.    » 

«  Le  mépris  de  soi-même  est  fils  de  la  science  parfaite  qui  fait 
connaître  à  l'homme  qu'il  est  faible,  et  qu'il  n'est  bon  à  rien  sans 
le  secours  divin.  Celui  qui  possède  le  mépris  de  soi-même  dans 
toute  sa  conduite  ne  peut  être  troublé  dans  sa  constance  par 
l'orgueil.  » 

«  Vois,  mon  fils;  embrasse  l'humilité;  humilie-toi  toi-même 
et  Dieu  t'élèvera  au-dessus  de  tes  ennemis  ;  sois  doux  et  tu  héri- 
teras de  la  terre  de  promission;  acquiers  l'aménité  et  tu  trou- 
veras le  Christ  au-devant  de  toi  ;  méprise-toi  pour  ne  pas  t'é- 
lever  et  tomber  aux  mains  de  ceux  qui  haïssent  en  vain  (1).  » 

De  la  pauvreté.  —  «  La  pauvreté  est  l'instrument  de  triomphe 
de  cette  œuvre  du  monachisme.  Le  silence  régulier  et  les  œu- 
vres qui  s'y  font  ne  sont  rien  sans  la  pauvreté.  Je  ne  parle  pas 
seulement  du  dépouillement  des  objets  matériels  sans  distinction , 
mais  aussi  des  pensées  avides.  Il  y  en  a  qui  sont  pauvres,  qui  ne 
possèdent  absolument  rien,  et  qui  ne  sont  pas  dépouillés  de  leurs 
pensées;  bien  plus,  s'il  était  possible  d'acquérir  tout  l'univers, 
ils  y  songeraient  et  y  penseraient.  Et  il  en  est  au  contraire  qui 
n'étant  pas  privés  des  choses  de  ce  monde,  ont  renoncé  en  esprit 
à  l'amour  de  l'argent  et  à  toutes  les  convoitises.  » 

«  Mon  fils,  dépouille-toi  de  toutes  les  choses  superflues,  et 
même  des  pensées  de  cupidité,  afin  d'être  robuste  et  de  triom- 
pher dans  ta  vie  de  silence.  » 

De  la  miséricorde.  —  «  La  miséricorde  est  l'image  de  Dieu, 
et  l'homme  miséricordieux  est,  en  vérité,  un  Dieu  habitant  sur 
la  terre.  De  même  que  Dieu  est  miséricordieux  pour  tous,  sans 
distinction  aucune,  de  même,  l'homme  miséricordieux  répand 
ses  bienfaits  sur  tous  également. 

«  Mon  fils,  sois  miséricordieux  et  répands  des  bienfaits  sur 

(1)  en-,  l's.  XXV,  19. 


VIK    DU    .MOINE    RABHAN    VOUSSEF    150LSNAVA  413 

tous,  afin  de  f  élever  au  degré  de  la  divinité  :  car,  comme  je  l'ai 
dit,  rhomme  miséricordieux  est  un  autre  Dieu  sur  la  terre. 
Prends  garde  de  te  laisser  séduire  par  cette  pensée  qui  pourrait 
te  sourire  :  «  Il  vaut  mieux  que  je  sois  miséricordieux  pour 
«  celui  qui  est  attaché  à  la  foi  que  pour  celui  qui  nous  est  étran- 
«  ger.  »  Ce  n'est  point  là  la  miséricorde  parfaite  imitant  Dieu  qui 
répand  ses  bienfaits  sur  tous,  sans  jalousie,  «  qui  fait  égale- 
«  ment  luire  son  soleil  et  descendre  sa  pluie  sur  les  bons  et  sur 
«  les  méchants  (1).  » 

«  La  miséricorde  ne  mérite  pas  d'être  louée  seulement  à  cause 
de  l'abondance  des  bienfaits,  mais  bien  quand  elle  procède  d'une 
pensée  droite  et  miséricordieuse.  Il  y  en  a  qui  donnent  et  dis- 
tribuent beaucoup,  et  qui  ne  sont  point  réputés  miséricordieux 
devant  Dieu;  et  il  y  en  a  qui  n'ont  rien,  qui  ne  possèdent  rien 
et  qui  ont  pitié  de  tous  dans  leur  cœur  :  ceux-ci  sont  considérés 
devant  Dieu  comme  de  parfaits  miséricordieux,  et  ils  le  sont  en 
effet.  Ne  dis  donc  point  :  «  Je  n'ai  rien  pour  donner  aux  pau- 
«  vres  »;  et  ne  t'afflige  pas  intérieurement  de  ne  pouvoirà  cause 
de  cela  être  miséricordieux.  Si  tu  as  quelque  chose,  donne  de 
ce  que  tu  as  ;  si  tu  n'as  rien,  donne,  ne  fût-ce  seulement  qu'un 
morceau  de  pain  sec,  avec  une  intention  vraiment  miséricor- 
dieuse, et  cela  sera  considéré  devant  Dieu  comme  la  miséri- 
corde parfaite.  Notre-Seigneur  n'a  pas  tant  loué  ceux  qui  je- 
taient beaucoup  dans  le  tronc  des  offrandes ,  qu'il  a  loué  la 
veuve  pour  y  avoir  mis  deux  oboles  qu'elle  avait  prises  de  son 
indigence,  avec  une  pensée  droite,  pour  les  jeter  dans  le  trésor 
de  Dieu  (2).  L'homme  qui  dans  son  cœur  a  pitié  de  ses  sembla- 
bles est  réputé  miséricordieux  devant  Dieu.  Une  intention  droite 
sans  effet  vaut  mieux  que  beaucoup  d'œuvres  apparentes  sans 
intention  droite.  Donc  l'homme  peut  être  miséricordieux  et  ac- 
quérir la  miséricorde  alors  même  qu'il  ne  possède  rien  :  c'est- 
à-dire  qu'il  est  miséricordieux  en  pensées.  » 

De  la  charité.  —  «  La  charité  c'est  Dieu  (3)  ;  car  son  essence 
est  amour,  et  son  amour  est  son  essence  même.  Par  son  amour, 
notre  Créateur  a  été  poussé  à  produire  notre  création.  L'homme 


(1)  Matth.,  V,  45. 

(2)  Luc,  xxi,  2-4. 

(3)  I  Jolian.,  IV,  8. 


414  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN - 

qui  possède  la  charité  :  c'est  vraiment  Dieu  au  milieu  des 
hommes. 

Vois,  mon  fils;  applique-toi  de  toute  ton  âme  à  acquérir  l'a- 
mour des  hommes,  dans  lequel  et  par  lequel  tu  t'élèveras 
à  l'amour  de  Dieu  qui  est  la  fin  de  toutes  les  fins.  Vains  sont 
tous  les  labeurs  qui  ne  sont  pas  accomplis  dans  la  charité. 
Toutes  les  bonnes  œuvres  et  tous  les  labeurs  conduisent  l'homme 
jusqu'à  la  porte  du  palais  royal  :  c'est  l'amour  qui  nous  y  fait 
demeurer  et  nous  fait  reposer  sur  le  sein  du  Christ.  —  Mon  fils, 
que  ton  amour  ne  soit  pas  partagé,  divisé,  intéressé;  mais  dif- 
fus en  vue  de  Dieu,  désintéressé.  Le  Christ  te  donnera  la  science 
pour  comprendre  le  mystère  de  cette  parole.  Aime  tous  les 
hommes  comme  toi-même;  bien  mieux,  aime  ton  frère  plus  que 
toi-même  ;  ne  recherche  pas  seulement  ce  qui  te  convient,  mais 
ce  qui  est  utile  à  ton  frère.  Méprise-toi  toi-même  pour  l'amour 
de  ton  prochain,  afin  que  le  Christ  soit  miséricordieux  envers 
toi  et  te  fasse  le  cohéritier  de  son  amour.  Prends  bien  garde,  mon 
fils,  de  ne  pas  mépriser  cela.  Car  Dieu,  le  premier,  nous  a  aimés 
et  il  a  livré  pour  nous  son  Fils  à  la  mort.  «  Dieu  a  tellement 
«  aimé  le  monde  qu'il  a  livré  son  Fils  unique  à  la  mort  pour  lui,  » 
a  dit  [l'ApôtreJ  véridique  (1).  —  Celui  qui  marche  dans  ce  sentier 
de  l'amour,  grâce  à  son  labeur,  arrivera  promptement  à  la  de- 
meure qui  est  le  but  de  ses  efforts.  —  Ne  pense  pas,  mon  fils,  que 
l'homme  puisse  acquérir  l'amour  de  Dieu,  qui  nous  est  donné 
par  sa  grâce,  avant  d'aimer  ses  frères  selon  la  chair.  » 

Des  vertus.  —  «  Sache,  mon  fils,  que  toutes  les  vertus  de  cette 
œuvre  du  monachisme  sont  reliées  l'une  à  l'autre,  comme  une 
chaîne,  et  toutes  à  la  science.  La  petite  est  liée  à  la  grande  et 
celle-ci  à  la  petite,  toutes  à  chacune  et  chacune  à  toutes.  Veille 
donc,  mon  fils,  à  ce  que  la  chaîne  de  tes  vertus  ne  soit  pas  brisée. 
Fais  attention  à  celle  qui  te  paraîtrait  de  moindre  importance 
et  ne  la  néglige  point,  de  peur  que  par  celle-là  toutes  les  autres 
ne  soient  confondues.  —  Tout  le  monachisme  réside  dans  la 
science,  et  celui  qui  s'y  applique  avec  la  science  sera  son  propre 
maître  dans  toutes  ses  actions,  mais  toute  l'œuvre  de  celui  qui 
travaille  sans  la  science  est  vaine,  alors  même  qu'il  aurait  tous 
les  sages  pour  directeurs.  La  science  est  le  flambeau,  la  lumière 

(1)  Jolian.,  111,  10. 


VIE    DU    MOINK    riAHUAN    VOUSSEF    B0U8.\AV\  415 

de  l'âme,  grâce  à  laquelle  celle-ci  marche  droit  sans  rencontrer 
d'obtacle.  L'ignorance  :  c'est Tobscurittî  ténébreuseetle  shcôl  qui 
torture.  11  y  en  a  qui  mangent  dans  la  science  et  qui  sont  réputés 
jeûneurs;  tandis  qued'autresjeùnentdans  l'ignorance  etsontcon- 
sidérés  comme  des  intempérants,  et  le  sont  réellement.  Il  y  en  a 
qui  gardent  lesilence  et  qui  sont  disputeurs,  et  il  y  ena  qui  parlent 
et  sont  silencieux;  tel  prie,  récite  l'office,  psalmodie,  et  se  trouve 
néanmoins  en  opposition  avec  Dieu,  et  tel  qui  garde  le  silence, 
apaise  Dieu  par  les  sacrilices  intérieurs  (Ij   qu'il  lui  offre  en 
secret.  11  en  est  ainsi  dans  toute  cette  conduite  spirituelle.  » 
«  Mais,  vois,  mon  fils;  marche  dans  la  science,  dans  toute  ta 
conduite;  dispose  d'après  elle  toutes  tes  actions,  afin  de  marcher 
droit  dans  cette  voie  spirituelle,  grâce  à  sa  lumière  directrice. 
Elle  te  conduira  au  sommet  des  cieux,  ce  lieu  où  est  entré  d'a- 
bord le  principe  de  notre  vie,  et  là  tu  seras  seigneur,  roi,  prince, 
fils ,  héritier  et  cohéritier  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  et 
notre  Dieu.  » 

J.-B.  Chabot. 
{A  suivre.) 

(1)  Littéralement  :  «  des  sacrifices  du  cceiir  ■■. 


L'ORDINAL  COPTE 

{Suite)  (1) 


CONSÉCRATION  D'UN  ÉVÈQUE 


HeBe    nTA2oepATq    unieniCKonoc    iieii    fTAgio    iit6 

TeC|XipAtl)IIIA, 

ueiiGiicA  epeq^tuni  wxg  neqBioc  kata  iigt  epnpeni 

^AVCOTnq  6BOA2ITGII    IIIAAOCTHpq    KATA  R  +  U  A^f  U  H  I  11  1 1 A 

eqoi  A6   iiATApiKi    iicAiio  (H)T()vr.ii()VT  oqoi    iipeiipAV^'j 

lieillKAHO  IIATpCOOV^y  H(|OI  ll^pCOIC  IIOVUAI2AT  Ail  FIH 
AAAA  IIUAI2HKI  eqCUDOVIl  1 1  II  I  l'pA(|>ll  IIKA.\(()C  BqilAOII(| 
IIHOV  AH  j)t3ll2AI  lire  IIAIK()Ollt)0  (;()OI  (iTVCVKOO  6C|(;(ir>- 
ï(l)T     j)6ll      III2BHOVI      HIIAlKîV      ZiViV.     Ae      eVBtU^       lllioq 

eovTAgic  iiTG  c|)'f  6T(roGi  ovArAe[o]  ueii  [oc]  e^ton 
uuoii  Teqceiui  uuav  ic^^e  ulioii   uAp()v;y(3iiq  HAqepeAi 

IIOTC2IIII  IlOVUJ'f  13611  OVr-AllOO  IIOG  IIIIOII  OVOe 
HAipnf    I1II6COC    heil    -feVAHKIAi?)    OVOe    llIKAMpnC    THpCj 

lieu  iiiAAOG  evcon  evepueepe  ]jApoq  UApovcj^Ai  uiie- 
q'l'V(|>iciJA  0V02  iiTooTOVopnq  eiiiApxuenicKonoi;  iieii 

2AlirilCTOC    6B0A|36IJ    HIKAHpOC    IIGU     niAAOC. 

ovo?  e^ton  ovaiakcoij  uApovc|)o>yiieq  unpecBvrepoc 
0V02  ,'yAV+  iiAq  eBOA^eii  iiiuvcTHpioii  ovoe  iiTe(|6poi- 
Koiiiii  iieiiAq  ii:>ce  iiiiiaiia  ovoe  :uApG  neqAiiiodieeu 
^(orii  iioveeoov  iiuipiAKii  evoovMT  iiag  eAïKjiiicKonoc 

lieu  niKAlipoC   KATA  niKAIKOll   ()V02  ueiieiicA  i'ArpilllllA 

(1)  Voy.  vol.  III,  p.  31,  I9I,282,4i5;  vol.  IV,  p.  104. 


CONSÉCRATION    h  US    ÉVKQUK.  417 

IIGII      'f'I'AAIIOAlA      11(311      -f  AOgOAOrUV      IKill      1 1  l(;'/Ari'(;  Af)ll 

^yAvopeiiTc  <-'h(ri"iiA^i(;  ()'l•()^   ;'iav((),"j    iiiiiiipAg;io    o'/o? 

IITOV:XCO  LIIIIII()II()I'(3IIII(:  II'I'|)IA-|-|K()II  AOIMOII  yjA(|e(]IIOI 
ll>:(3     IIIApVII(3lll(3K(>il(>(;    ^l.\(3ll     IU3C|C)|)()II()(:     11(311     111(3111(3- 

Konoc. 

0T02    ^JApfî     IIIAp\IIAIAK(()ll    OM    1 1 1 1  l'l'V(|)l(;il  A    IIT(3(|OV- 

co^yr    iinie'iMioiioAioii    iir(3    ii(3ii(vaaava'    miiaiia    iiT(3(|f- 

U'l"r(J)OC  (3T(3().\IA'  ()V02  ,"J  A(|(nTC|  0V02  I  IT(:(|()(()p(3U 
eiJH6TATI     ^Ap()(J    (i():X(0     IIUO(i    Xti     ll()(l)T(;il     AT(3T(3IIIIII 

ejjovii  u(|)Ai  0V02  ^AV(3p()va)  j)(3ii  ()V(rii,\(()(|  a:(3  a2a 
neMiJHB. 

0V02  TOTe  ^Ap(^  nillAHA  THI(|  IIOVAI  II  I  M  Ai  AK(()I  I  OVOe 
^AVtO^  llUOq  UII(3Ue()  IIOVOII  IIIB6II  (|)ll  A(3  (iTOVIIA(3p- 
\ipOAtOIIIII      Ui.lQCJ      G(|02l       epATt|      ep6      T6(JA(|)G      KtOAA 

enecHT. 

rii'l*vc))i(iiiA  lire  nienicKonoc. 

beii   (])pAii   ii(|)Kt)T  lieu    ii^Hpi.    lieu    niniiA  eoovAB. 

i~TpiAC    IlOllOOVCIOC   IIAT^'JTA20.    GlIcliAI    ^A    lllUAKApiOf^ 

iiopeoAogoc     nipeqepoTtjoiiii.     ovoe    (|)itoT     iiiiiaaoc 

THpOV. 

(t)ltOT  llllicf.  0V02  nAp\tOII  IIIApjCtOlI  THpOV  IITG 
nXO    ABBA    uni.    (|)ll    eOOVAB    UnATpiAp\H(i.    (|)U    eTA(|ep- 

neiin^A  uiiiopoiioc.  iixe  iiApKO(3  nie'i"Arr(3AiGTUc. 
(J)A'hriia)cic  uuhi.  (|)u  eTAt)2Koi:y  jjeii  1-(jikovu6uh 
Tupc.  )36ii  OVIIOII+  lieu  ovov^:ai  iiiii'I-v\u. 

eniAH    Aiioii  2(1)11   AU  (ri"j^Aiov  ecri  eBOA|)eii  nieuoT 

IITG    IJGKGV\U    GTCtOTII.    AIIOII    J3A    IJGKGBIAIK    II2UKI.    XB 

oviii  qljoci  0V02  ovAT  iyxGu:ïou  ne  irre  ovaag 
nom.  e(J)ipi  novuepoG  iitg  iigkapgtii  uiiAKApioii.  oh 
GTAqep^opn    neitoi^y  uu(j(;.  lien   ovt(o:vi  iieu   oT^fou. 

llfKAOOAlKII.       IIAnOGTOAlKU       IIGKKAIIGIA.     II3:G     UGIIICOT 

ORIENT   CHRÉTIEN.  29 


418  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

6GOVAB  IIGVArrOAICTNC  IJcVpKOC.  (iOB(;  RXIIII  UneCHA- 
T^6.\6T  UUIII.  niUOIIortillHG  II^Mpi  I  HC  H  \C  HG!  lOtXJTH  p. 
<|)H  eTXIIK  6BOA.  0T02  eTa:(JUK  lieOJB  IIIBeiJ  6BOA.  (|)AI 
GTG    (îBBe    Te    llcVq     iXOV^T    GBOAheil    TeC|ct)6    eeoVAB.     (\)f 

(|)H  eT^OT^eT  iJineiH-f  c|)h  eTAq-f  iior:vou  iiiieqeBiAiK. 
0V02    Aq^onoT    heu     neqciio(|    eTTAiHovT.     eqccuTn 

IK+IIAKApiA     UlieTICOT     IIAII.      'jeil      OVll  eTU  Al  ptou  I      jjeii 

iiiepoiioc  iiopeoAgoe  iieAiiuAiiectoov  iiiiieiHB  iiAori- 
Koii.  eT  beii  niepoiioc  iiAnocTOMKoii.  eeBe  (j)Ai  AqctoTri 

IIAII    UneiIKOT  e'ITOVBMOVT    0V02   IIKABApOC. 

-f-iiov  Ae  TeiiepcTuueiiiii[?l  jjeii  iiiua^j^:  eTTOTBH- 
ovT.  eBOA2A  rrtojjeu  iiiBeii  iieu  ckaiiaaaoii  iiiBeii.  iiiiiii 
kA2  II2MT  eTAVTA2oii.  iieu  rij)iei  ii+ueTopc|)Aiioc.  eiAc- 
3:eirieii   eoBO  iieiiiioBi.  Ac.'ytoni   erAquroii    uuoq  ii3:e 

lieiIKOT  lieniGKOllOC  lllllAKApiOC  ABBA  IIIU.  (])II   eTAVIJAV 

epoq.  lieu  c|)ovcoii2  eBOA  irre  iiequevi  eTcovTtoii.  iieu 
iieqeiiTOAH  eeoTAB  haï  ercri  6i)ovii  ecl)^, 

ovo?  AqovcoTeB  eBOA2Apoii  eiiiuAii^toni  tire  neuToii 
eBOA2iTeii  (|)ii  eTAqA:oo  luvq.  :v:e  niBtoK  eeiiAiieq  ovo? 
eTeiieoT.  Aijov  ejiovii  ecJ)pA^i  iiTe  neKcrc.  a  -f-eKKAHciA 
ovii  02I  ecoi  iiATUAiiecajov.  Acecjoovf"  aoimoii  ii^^e 
TeuecooTTC  Tupc.  ovoe  avca::^!  iieAiiun^y  eeBe  nAietoB. 

AIITUOB?      ll-f-rpiAG     eeOVAB     ei^^HK     eBOA.     jieil      0V2HT 

eqTOVBiiovT  lieu  oviiAe'f  eTGO'/Tcoii.  ovo?  A(ura)pn  iiaij 

GBOA  IIIIIU  IIIBtOK  IITG  <\)f.  niUpGGBVTGpOG  0V02 
niUOIJA\OG    IITG    niUOIIAGTIipiOll    IITG    IIIU.    X6    qep^AV 

e^coni  iiovenicKonoc  ei'noAic  uuai  xpG  mu. 

Xe  OVHI  TAp  HGqBIOG  UG2  IKVpGTH.  XB  OVptDUI  HG 
lieGOGGBHC.      GqTOVBMOvi"      eBOA2A      IIAIKOGIIOG.       (jqUGI 

inii^yGuutoov    Gq+CBCO.    GAqein^o     iiiiikoguog.     Gqmc 

GGIOTGU     IIGA     11  IGVAITG  AIOI I     IITG    'flIGOUIII.    0T02    (t)HeT 

eovnAipii^  lie  reiiovto^iJT  iiiiGKcrAAAva:  eoBirrq.  eii+eo 
epoK    GepGKAiq    iiGniGKonoc    iiaii.    ovoe    uuaiiggojov 


CONSÉCRATION    d'iJN    KVKQUE.  419 

oepm  tî3:c()ii.  ?iiiA  iii()'i(i(()()'i"i(;ii  (;r,().\eiTOT(|  iiAf-  iiii 
eTKtOAX     iiTO     iii(;KK.vii(:iA     (;C)()Vcvr,.     n■i'^y^     ht(;(|:m(()iii 

HOVOTAAI  lllll'l"i"\ll.  OVO?  HT(;(|AII()III  IIIIOII  l)(-||  eAIIIIAI 
1 1  (i  II   e  A 1 1  II  C;  T  ."J  O  II  e  il  T . 

ovoe  Aiioiiecoii  [aii()iia2]  ak|)i iuoc  eiT(:ii  eAiiripoc6v\ii 
erovAii  ovo?  (îVToviiiio'i*  r.  iiTc-iK-ptîiiu  iiiorci  iiiKiiio-c 
me  nxc  neiJctOTiip.  Xfi  UTB(|ApG2  cpoK  jx-ii   rnqcjKKAH- 

CIA  eeOTAP..  ll2AIIUIi:'J  lipOlini.  ll(3lll(t)T  (;()()VAr.  liriAT- 
piAp\HG.    llip(]{|^'J(3ll,"JI   GT.YIIK   (iliOA   UT(3  <\)f. 

0T02       IITeq  +  IIA-f       II6UAK       lieil        ll6K2liHO'ri       THpOV. 

?iT6ii  neii:siii:xoc  iieu  neuAdoc  Tifpc|.  xa  kc;  GAeiicoii. 

UApe   niApXHAlAKtOII   XiO   IITAIc|)aJMHCiC. 

noAic  GTAcueiipe  nxc  ovo?  eTctoTeii  iica  neqiiouoc. 
GH  eouHi  iiiuiGKOT.  ovoe  eT6  LinGC^q  j)A+UeTOpc|)AIIOC. 
AAAA  ACetOOT+  IIOVGtOOVTC  AVGCrill  2IIIA  IICeKOJ'f' 
IIU)OV     IICA     (ÎVICOT.     AVIHC     jjeil     OVAKpilllA.      AVCTOTCTeT 

0T02  AVKcnf-  e:xiui  iittiov  iioTUAiiectoov.  eopeqAuoui 
uuu)ov  ben  ovBioG  eiiAiieq. 

0T02  Avfeo  beii  ovcrojAK  ec|)+.  ovoe  AqTAuojov 
unip6q>ijeii^i  nT:viiK  gboa  nAiiiii.  iiinGCBVTepoc  oToe 

IIUOIIA\OC.  IITG  (|>ll()IIAOTHpiOII  lllllll.  0V02  2H  H  HG  AIIOK 
AlOTOpnq  lltOTGII  II6U  IlinpGGBVTGpOG  II6U  IIIKAHpiKOC 
UUAI  \pC  G(|  IIGIIA(|  li:^G  niCFAI  I ITG  TGq  \I  pO.VtOI  1 1 A  KATA 
(|)pil1~  GTApGTGIHîpiJTIII  GAK)  lieniGKOHOG  IKOr(;ll  OVO? 
UUAIIGGtOOV  GpCOTGII  OVO?  GGp  OIKIIOIIIII  II  1 1 IGKK  AHGI A 
GOOVAB.  ye,  OVNI  AqGpUGOpG  lIAq  li:VG  IIIKAUpOG  NGU 
IIIAAOG.  GOpGq^tOni  IIT^GBICO  lllllll  O'i'O?  IITGqGp 
HGqUGVI  13GII  IIG(|lipOCGV\ll  2HrinG  OVIJ  Aii^^ton  Gpoii 
UHGTGII'feO  GTAIIIIAV  GlIGTGIKriGI  linGIIOVtO:^  GTAGOO 
OHIIOV  GBOA  IIIAAOG  UUAI  \pG  GTAp(;TIII  UTGqA:illi 
GOUII-f . 


420  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

ce(?)epoTeii  etoTeii  iieiiArAnHTOc  ovoe  iieiiiieiipAf- 

HTeiJTOJBe       0V02       lITeil-feO       6+       lll^yi"      ll3COU       j)A       IIH 

6T06BIHOVT  THpov  eepeoi  eepm  e:xtot|  ii^^e  +AtopeA 
Kire  niniiA  eoovAB.  gt  enieiioT  iienovpAiiioii.  eiTeu 
neiJ2Ciu3LOC  Kieu  neiiAAoc  THpq.  xe  kg  exencoii. 

LieiieucA  MAI  uApe  niAp\HniCKonoc  i  enecHT 
eBOA2iA'eii  niepoiioc  Lieu  iiienicKonoc  eveoei  epATov 
2i2k:eii  niUAiiep^cooT^i  ^ATeii  <\)H  6ToviiA<J)o^jeiiq 
AqKtoA:x  iiiiec|KeM  b+  2i3:eii  niuAiiep^toov^'Ji  uneueo 
uniApxHeniCKonoc  epe  ovoii  iiiBeu  oei  epATov  J36u 
oreo'i"  ueu  OTjcApt^q  6ttujb2 iDeu  oreHT  \ieu  otgtaabia. 

UApe  ninAUA  TAAe  ceoi  uovqi  iJTeq3:cju  u'teTXu  UTe 
niceoi  uovqi  UTeqeuiTu  ueuAC  utai  ne  evjcu  epe 
epAq  TOI  eneieBT  epe  uic|)o:yeijq  UBepi  kidas:  exeii 
iieqKeAi  e3:eii  niBABuoc. 

ncrc  4)+  UTe  iii^cou.  (|)u  eTAqeuTeii   ebovii  euiKAU- 

pOC     UTe    TAlAlAKtOIIIAeAI.     (|)U     6TTA20     epATq      liniKAi~ 

UTe  ilipujui.  0V02  eTcroTcreT  [eTcroe]  iiiueuT  ueu 
uicTAtoT.  ctoTeu  epou  eBOA2iTeii  ua^ai  ine  ueKueT- 
jyeueuT.  0V02  Api  KASApï.iii  iiuoii  eBOA2A  o"t(j(reu  iiiBeu 
UTe  'fcAps  lieu  uiuiiA. 

cajA:^  ii+cruni  me  iieiiiioBi  ueu  iieiiAAiKiA  uchput 
iioTriioc|)oc.  uA2Teii  eBOA^eii  tgkxou  iiiiov+  ikîii 
ni2UOT  UTe  neKuoiioreiiHc  u^ijupi  xieu  -f-eiiepriA  lire 
niniiA  eeoTAB.  UApeii  ^coni  eiioi  u2tkauoc  utaiaiako- 
iiiA  irre  taiaiabuku  uBepi.  eiiiA  UTeu^xeuxou  jjeiioT 
un^A  eqAijiA  ueKpAii  eeovAB.  eiioei  epATeii  oto2 
eu^eu^i  iieueTOTUB  iiTe  iieKuvcTupioii  iiiiovi^.  ovo2 
uneiiopeii^toni  eiioi  ii;yc|)Hpi  eeAiiiioBi  ii^eiiiio.  aaaa 
cujAa:  iiiiueTeiiovii. 

ovo?  UHIG  iiAU  ueiuiuB  e^^feuipi  min  eTpAKi.  aaaa 


CONSKCRATIOX    d'UN    ÉVKQUE.  421 

apieiioT    iicvii     iiovriicocK;    ooptiii.xco    miih    C;TO(iUii''JA 

OVO?      eAK,"J(OII       (SpOK       (;I)()VII       llf  U(;TAp\IH:|>(]V(;       ()V()2 
6T:XC0K      (iliOA.      IIIKIKIUOK      (JTOei       (ipATC)       llllcVIIIA.      OVO? 

eqxoTiyT  eiiOAJ)A   leii  irr(;KA(()p(;A  iioiio'.'pAiiioii. 

2C6  UeOK  OV\pC  C]IIA^'J(3  ll(;KIIAI  IIO'/OII  llir>(;ll  (iTT(t)B2 
ULIOK.    0V02    eC|3:op    ïlXti     IIGKAUA?!    HOU    IIOKUOIIOreilHC 

ii."jHpi    II6II    iimiiA   eBO'iWii.   +ii()v    lieu    iighov    iiinoii 
lieu  ^'JA  eiiee  iitg  menée  Tupov.  auhii. 

iTA  UApovetoovf-epoq  lixe  iiieniCKonoc  ctoi  ii,"j(|)up 
uea32eij  iieuAq  ^Ape  niApxHAiAKCoii  xu.)  iiiiaihthgic 
epe  nietoeeu  o2i  epA-rq. 

UApeii  xoc  THpeii  6II+20  1)611  oTcrujAa:  xe 

Kè    BAGHCOII. 

ncrc     ninAiiTOKpATtop     4)HeT     beii     T<\)e     c|)f-     iit6 
iieiiito^-  Teii-feo  epoK  ncrc  ctoTeu   epoii  ovoe  mai  iiau 
ixè  eAencoii. 

TtoB2  eeBe   'feipHiiH    iiTe  i^ovi    uiiavat.    iikaboaikh 

KlAnOCTOAlKII      lieKKAHCIA     lieU      (J)lI02eU     IIIIIAAOG.     UfTC 

ccureu  epoii  ovoe  mai  iiaii 
Ke  GAeiicoii. 

TOJB?  esBe  nojiib  ueu  nAUA^i  iieu  nov^^Ai.  iitb 
neiiKof"  ABBA  uni.  niuATpiApxnc  ovo?  niApxneniCKo- 
noc.  lieu  nicto:\:n  ninenicKonoc  uopeoAogoc  ueu 
niKAupoc    lieu    niAAOc    uuai    xpc.    ctoTeu    epoii    ntrc 

0V02     IIAI      IIAII 

Ke  GAeiiGon. 

TtoB2  eeBe  n\uj  eBOA  irre  nennoBi  ueu  iieuAUouiA. 


422  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

eiiiiV  iiTG  lurc  iiAeufiii  eBOAJjeii  iieueAvl'ic  iieu  iiioprH. 
lieu  iiiKViiAiiioc  lieu  iiinipACiioc.  H6U  nTtoiiq  en^toi 
UTe    2Aii:i:A3:i.    Teii+20    epoK    rurc.  ccoTeu    epou    ovoe 

MAI     IKVII 

K6    eA6HCOII. 

ncFG  iioeeu  uneKAAOG.  ouov  eTeKKAiipoiiouiA. 
:x6uniyiiii  uniKocuoc  beii  ^aiiiiai  iieii  eAiiueTiyfiiienT. 
(rici  iiriTcVii  iiiiixpHCTiAiioc  J3eii  t^:ou  iiiiiCTcVvpoc 
iipeqTAiiJ30.  cmi  iiiieiiAuouiA.  covtco  uiiieiuiovi  irre 
iieiJa:iA'.  ctoTeii  unTcoiie  irre  neKAAoo.  eiTtiii  iiiripBcoiA 
UTe  Teucrc+eeoTOKoc.  ovoe  uuApoeuoc  eoovAii  uApiA. 
lieu  uiev\u  irre  neuitor  uuAKApioc.  uApKoe  iiiauocto- 
Aoc  U6U  uxajpoe  iiTe  uu  eeovAB  utak.  a2a  ncrc 
GtOTeu    epou    auou     Ija    uu     eTTOJii?     uuok     xe     iuuai 

eBOAeiTOTK 

K6  eAeucou. 

Toui-eo  Ae  eepeKOVtopn  uugkuua  6govab.  eiaieu 
iiAiccoTii  upeq^yeu^i  utak  uauiu.  ct)Ai  e're  eeBurq 
Aq:yaini  uxg  UAi-feo  iiTo-fK  ncrc.  cl^-f  uTe  utoov.  Teu- 
"feo  epoK  ncrc  ctoreu  epou  ovoe  iiai  uau. 


TRADUCTION 


Pour  la  consécration  d*un  évèque  et  l'ordre  de  son  ordination. 

Après  que,  sa  vie  étant  convenable,  on  l'aura  choisi  parmi  tout  le  peu- 
ple selon  la  volonté  du  Saint  Esprit,  étant  irrépréhensible,  savant,  inno- 
cent, doux,  renommé,  sûr,  vigilant,  n'étant  pas  avare,  mais  ami  des  pau- 
vres, bien  versé  dans  la  connaissance  des  p]critures ,  éloigné  de  ce  monde, 
prêt  aux  bonnes  œuvres ,  de  façon  à  l'établir  dans  l'ordre  de  Dieu  Très- 
Haut,  bon;  sa  femme  iVétant  pas  là ,  qu'ils  ne  Vinterrogent  pas  aussi  sur  fn 
femme  qu'il  a  eue  en  mariage  (1);  que  tout  le  clergé  et  le  peuple  ensemble 
témoignent  à  son  égard,  qu'ils  écrivent 'leur  sentence  et  l'envoient  à  l'ar- 
chevêque et  aux  fidèles  d'entre  le  clergé  et  d'entre  le  peuple. 

Que  le  diacre  serve  au  prêtre  ;  qu'on  le  fasse  participer  aux  mystères . 
et  que  le  pape  (2)  communique  avec  lui.  Que  son  appel  (3)  ait  lieu  le  jour  du 
Seigneur,  les  évêques  et  le  clergé  étant  convoqués  selon  le  Canon  ;  après 
la  veille,  la  psalmodie,  la  doxologie  et  (la  lecture  de)  l'Évangile,  que  l'on 
commence  la  Synaxe,  qu'on  expose  V Action  et  qu'on  loue  le  Fils  unique 
dans  la  Trinité  ;  ensuite  que  l'archevêque  s'assoie  sur  son  trône  avec  les 
évêques. 

Que  l'archidiacre  reçoive  la  sentence,  qu'il  s'incline  devant  l'escabeau 
des  pieds  du  pape  et  remette  la  sentence  entre  ses  mains;  qu'il  (le  jjape) 
prenne  la  sentence  et  qu'il  interroge  à  son  égard,  disant  :  «  Vous  avez 
conduit  celui-ci?  »  et  qu'ils  répondent  avec  soumission  :  «  Oui.  Seigneur.  » 

Que  le  pape  alors  la  (la  sentence)  remette  à  l'un  des  diacres ,  et  qu'on  la 
lise  devant  tout  le  peuple  et  que,  pendant  ce  temps,  l'ordinand  tienne  la 
tête  inclinée. 

Décret  de  l'évêque  : 

Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  Trinité  con- 
substantielle,  incompréhensible,  nous  proposons  à  l'iieureux, 
orthodoxe  illuminateur  et  père  de  tous  les  peuples; 

(1)  Passage  très  obscur. 

(2)  Le  nom  rwrWi  pap^^  père,  a  été  donné  pondant  assez  longtemps  aux  simples 
évêques.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  le  prendre  ici. 

(3)  A  la  place  de  neq:xllJHa)2eu  il  l^^ut  peut-être  mettre  neît|:i:ill- 
Qt02C  =  sa  consécration. 


424  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Père  des  pères  et  chef  de  tous  les  chefs  du  Christ,  Père  de 
tous,  le  saint  Patriarche  qui  est  digne  du  trône  de  Marc 
rÉvangéliste,  celui  qui  eut  la  vraie  science  qu'il  annonça  dans 
tout  l'univers,  pour  la  force  et  le  salut  des  âmes. 

Nous  autres  en  effet  nous  avons  besoin  de  la  grâce  de  tes 
prières  choisies ,  car  nous  sommes  tes  pauvres  serviteurs  ;  elle 
est  active  et  seule  elle  peut  d'une  langue  de  boue  faire  une 
partie  (un  instrument)  de  tes  vertus  heureuses,  qu'annonça  le 
premier,  dans  la  plantation  et  la  force  de  la  catholique  et  apos- 
tolique Église,  notre  saint  Père,  Marc  l'Évangéliste;  à  cause 
de  la  venue  de  son  véritable  Époux,  Le  Fils  unique,  Jésus- 
Christ,  notre  Sauveur,  qui  est  parfait  et  qui  a  accompli  toutes 
les  œuvres  qu'il  avait  reçues  du  ciel;  Dieu,  qui  scrute  les  cœurs 
et  donne  la  force  à  ses  serviteurs,  qu'il  a  achetés  par  son  sang 
glorieux;  choisissant  pour  le  bonheur  de  notre  patrie,  dans 
la  charité,  sur  le  trône  orthodoxe,  les  pasteurs  des  agneaux 
raisonnables;  qui  est  sur  le  trône  apostolique,  à  cause  duquel 
il  nous  a  choisi  un  Père  saint  et  pur. 

Maintenant  nous  supplions  (?)  avec  des  oreilles  pures  de 
toute  souillure  et  de  tout  scandale  de  toute  la  terre  et  un  cœur 
innocent,  dans  le  travail  de  l'état  d'orphelins,  qui  nous  est 
arrivé  à  cause  de  nos  péchés  ;  qu'a  fait  cesser  notre  bienheureux 
Père  l'évêque,  qui  l'a  vu  dans  la  manifestation  de  sa  droite 
sagesse  et  de  ses  commandements  lesquels  conduisent  à  Dieu. 

Et  font  passer  du  milieu  de  nous  à  la  demeure  du  repos  par 
Celui  qui  lui  a  dit  :  «  Viens,  bon  et  fidèle  serviteur,  enti;e  dans 
la  joie  de  ton  Seigneur.  »  L'Église  (l)  est  un  troupeau  sans  pas- 
teur. Notre  assemblée  s'est  réunie  et  a  entretenu  le  peuple  de 
cette  cause. 

Prions  la  Trinité  sainte,  parfaite,  avec  un  cœur  pur  et  une 
foi  droite;  et  qu'EUe  nous  manifeste  tout  serviteur  de  Dieu, 
prêtre  et  moine  de  tout  monastère,  qui  puisse  être  utile  comme 
évêque  de  cette  ville. 

Que  sa  vie  soit  pleine  de  vertus,  que  ce  soit  un  homme  pieux, 
pur  de  ce  monde,  aimant  les  étrangers,  instruit,  méprisant  le 
monde,  prompt  à  écouter  l'Évangile  de  vérité;  et  pour  celui  qui 
est  ainsi,  nous  nous  inclinons  à  tes  pieds  et  te  prions  de  nous  le 

(1)  Notre  Église,  ou  rÉylise  dont  on  consacre  l'évêque. 


coNSKCRATiox  d'ux  évêque.  425 

donner  pour  évrque,  et  pour  pasteur,  pour  qu'il  redresse  les 
méchants  dans  la  sainte  Eglise,  et  qu'il  procure  le  salut  des 
âmes,  et  qu'il  nous  conduise  dans  la  miséricorde  et  la  com- 
passion. 

Et  vivons  (?)  avec  vigilance  dans  la  prière  sainte  et  pure; 
demandons  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  notre  Sauveur,  de 
vouloir  bien  te  conserver  dans  sa  sainte  Église,  pour  un  grand 
nombre  d'années,  ô  notre  Saint-Père,  le  Patriarche,  Ministre 
parfait  de  Dieu. 

Et  qu'il  te  prête  son  concours  dans  toutes  tes  œuvres,  par 
notre  invocation  et  celle  de  notre  peuple  :  Seigneur,  ayez  pitié 
de  nous. 

Que  Tarchidiacre  fasse  cette  allocution  (1)  : 

La  ville  qui  aime  Jésus-Christ  et  écoute  sa  loi,  qui  aime  aussi 
son  père,  elle  n'est  pas  désolée  par  sa  condition  d'orpheline, 
mais  elle  a  convoqué  l'assemblée  pour  chercher  un  père  sans 
tarder  et  avec  diligence;  on  a  frappé  et  l'on  a  cherché  pour 
trouver  un  pasteur  qui  puisse  nous  conduire  dans  une  bonne 
vie. 

On  a  prié  Dieu  dans  l'abstinence  et  il  a  montré  un  ministre 
parfait  entre  tous  les  prêtres  et  les  moines  de  tout  monastère  ; 
voici  donc  que  moi  je  vous  l'ai  envoyé  avec  les  prêtres  et  les 
clercs,  ayant  avec  lui  la  forme  de  son  ordination,  selon  que 
vous  avez  demandé  de  le  faire  votre  évêque  et  notre  pasteur  et 
lui  faire  gouverner  la  sainte  Église.  Car  le  clergé  et  le  peuple 
lui  ont  rendu  témoignage.  Voici  donc  que  nous  recevons  votre 
prière,  car  nous  avons  vu  ce  peuple  si  nombreux  crier  pour 
réclamer  sa  présence  (?) 

Nous  aussi,  nos  chers  et  bien-aimés,  nous  prions  et  sup- 
plions pour  le  don  de  la  grande  force,  qui  est  dans  tous  les 
humbles,  afin  que  le  don  du  Saint-Esprit  abonde  en  lui,  par  la 
grâce  céleste,  en  disant  avec  notre  peuple  :  Seigneur,  ayez 
pitié  de  nous. 

Après  cela,  que  Tarchevèque  et  les  évèques  descendent  du  trône  et  se 
tiennent  sur  Tautel  ;  qu'ils  conduisent  l'ordinand  incliné  sur  Tautel  devant 

(1)  Parle  ainsi. 


426  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

rarchevêque,  tout  le  monde  se  tenant  dans  la  crainte  et  le  silence,  priant 
en  esprit  et  avec  piété. 

Que  le  pape  offre  (un  sacrifice  d')agréable  odeur,  qu'il  dise  la  prière  de 
bonne  odeur,  et  qu'il  y  joigne  cette  prière,  étant  tourné  vers  l'orient,  et 
l'ordinand  étant  de  nouveau  incliné  sur  les  degrés  : 

Seigneur,  Dieu  de  puissance,  qui  nous  a  introduits  dans  le 
clergé  de  ce  ministère,  qui  est  présent  à  l'intelligence  des 
hommes,  et  pénètre  les  cœurs  et  les  reins,  écoute-nous  à  cause 
de  ta  grande  miséricorde,  et  purifie-nous  de  toute  souillure  de 
la  chair  et  de  l'esprit. 

Dissipe  le  nuage  de  nos  péchés  et  de  nos  iniquités  comme  du 
brouillard;  remplis-nous  de  ta  force  divine  et  de  la  grâce  de  ton 
Fils  unique,  et  de  l'énergie  de  ton  Saint-Esprit;  puissions-nous 
parvenir  au  degré  de  ce  ministère  du  Nouveau  Testament, 
afin  que  nous  soyons  dignes  de  porter  ton  saint  nom,  d'être 
présents  et  de  servir  au  sacerdoce  de  tes  divins  mystères;  et 
que  nous  ne  participions  pas  aux  péchés  des  autres,  mais  efface 
les  nôtres. 

Puisque  Tu  es  bon,  que  ta  miséricorde  soit  accordée  à  qui- 
conque Te  prie;  puissante  est  ta  force  ainsi  que  celle  de  ton  Fils 
unique  et  du  Saint-Esprit,  à  présent,  dans  tous  les  temps  et 
dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Ainsi  soit-il. 

Que  les  évoques  s'assemblent  autour  de  lui  au  moment  de  l'appel;  que 
l'archidiacre  dise  ces  prières  en  présence  de  l'appelé  : 

Disons  tous  cette  prière  dans  l'abstinence  : 
Seigneur,  ayez  pitié  de  7ious. 

Dieu  tout-puissant,  qui  est  dans  le  ciel,  Dieu  de  nos  pères, 
nous  te  prions.  Seigneur,  exauce-nous  et  aie  pitié  de  nous; 
Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  pour  la  paix  de  l'Église,  une,  catholique  et  apostolique, 
et  pour  le  salut  des  peuples.  —  Seigneur,  exauce-nous  et  aie 
pitié  de  nous; 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  pour  la  vie,  la  force  et  la  santé  (1)  de  notre  père,  le 


(I)  Sorait-ce  une  réminiscence  de  la  formule  dont  les  anciens  Égyptiens  fai- 
saient suivre  le  nom  du  pharaon  dans  les  protocoles,  Vie,  santé,  force,  ônkhou 
ouzai,  sonboii? 


CONSÉCRATION    d'UN    KVKQUE.  427 

Patriarche  et  T Archevêque,  et  pour  le  reste  des  évêques  ortlio- 
doxes  et  pour  le  clergé  et  pour  le  peuple  chrétien.  —  Exauce- 
nous,  Seigneur,  et  aie  pitié  de  nous; 
Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  pour  la  rémission  de  nos  péchés  et  de  nos  prévarica- 
tions, afin  que  Dieu  nous  délivre  de  nos  tribulations,  de  la 
colère ,  des  dangers  et  des  tentations ,  et  de  la  révolte  des  enne- 
mis. Nous  te  prions,  Seigneur,  exauce-nous  et  aie  pitié  de  nous  ; 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Dieu,  sauve  ton  peuple;  bénis  ton  héritage;  visite  le  monde 
dans  la  miséricorde  et  la  compassion;  exalte  le  chef  des  chré- 
tiens par  la  force  de  la  croix  de  Celui  qui  vivifie;  oublie  nos 
iniquités;  dirige  les  œuvres  de  nos  mains;  exauce  la  prière  de 
ton  peuple,  par  l'intermédiaire  de  Notre-Dame  (1)  la  Mère  de  Dieu 
et  la  sainte  Vierge,  Marie,  et  avec  les  prières  de  notre  bien- 
heureux Père,  Marc  Tapôtre ,  et  du  chœur  de  tes  saints.  Oui , 
Seigneur,  exauce-nous,  nous  te  prions,  car  la  miséricorde  vient 
de  Toi; 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Nous  te  prions  d'envoyer  ton  Saint-Esprit  sur  cet  élu,  ton 
ministre,  pour  lequel  nous  t'avons  adressé  cette  prière,  Sei- 
gneur, Dieu  de  gloire.  Nous  te  prions.  Seigneur,  exauce-nous 
et  aie  pitié  de  nous. 

(1)  Le  mot  copte  est  (p  =  Domina,  intraduisible  en  français. 

(A  suivre.) 

D"'  V.  Ermoni. 


PROTESTANTISME  ET  CATHOLICISME 

CHEZ  LE  PEUPLE  NESTORIEN 

UNE  REVUE  NÉO-SYRIAQUE  A  OURMIAH  (PERSE) 


On  a  dit  que  les  Orientaux  ont  trop  d'attachement  à  leurs 
traditions  pour  qu'ils  se  décident  jamais  à  aller  sincèrement 
au  protestantisme.  Une  telle  opinion,  qui  accuse,  nous  en 
convenons,  chez  ceux  qui  l'émettent,  une  connaissance  plus 
que  superficielle  du  caractère  oriental,  ne  semble  pas  toutefois 
suffisamment  confirmée  par  les  faits.  C'est  même  assez  mal 
connaître  les  moyens  mis  en  avant  par  les  représentants  du 
Libre  examen,  pour  attirer  aux  idées  luthériennes  le  bon  peuple 
oriental  et  plus  particulièrement  le  peuple  chaldéen  ou  nesto- 
rien,  que  d'admettre  comme  absolument  inébranlable  cet  es- 
prit de  vénération  qui  caractérise  les  Orientaux  pour  tout  ce 
qu'ils  tiennent  de  leurs  Pères.  Notre  passion  pour  notre  passé 
religieux  n'a  pas  toujours  su  résister  à  cette  autre  passion  venue 
de  l'autre  côté  de  l'Océan.  Aussi  ceux  qui  nous  sont  sympa- 
thiques changeront-ils  leur  appréciation  flatteuse  pour  notre 
ténacité  longtemps  invincible,  sur  le  terrain  religieux,  en  un 
sentiment  de  pitié,  lorsqu'ils  se  rendront  compte  des  procédés 
habilement  pratiqués  par  des  Révérends  d'Amérique  pour 
dompter  la  résistance  qu'oppose  le  peuple  Nestorien  aux  avances 
du  protestantisme.  Ces  procédés  n'ont  malheureusement  que 
trop  bien  réussi  et  aujourd'hui  ce  serait  argumenter  contre  la 
réalité  que  de  ne  vouloir  pas  admettre  l'enracinement  définitif 
de  la  doctrine  luthérienne  parmi  le  peuple  chaldéen.  Montrer 
d'une  manière  imparfaite  mais  impartiale  la  tactique  employée 


PROTESTANTISMK    ET    GATIIULKJIS.ME.  429 

par  les  Méthodistes  américains  pour  gagner  du  terrain  en 
Orient,  particulièrement  en  Perse  et  dans  le  Kurdistan,  dire  un 
mot  sur  le  rôle  de  la  mission  catholique  à  Ourmiah  depuis  plus 
de  50  ans,  c'est  tout  le  but  de  ces  lignes. 


Il  y  eut  un  commencement  de  protestantisme  chez  nous  à 
Ourmiah  (Perse)  en  1835.  Ce  commencement,  ou  plutôt  cette 
tentative  se  heurtant  à  notre  grand  amour  pour  la  tradition 
eût  pu  certainement  rester  stérile  si  elle  eût  été  faite,  je  ne  dis 
pas  brutalement,  mais  d'une  façon  simple  et  loyale.  Les  pro- 
cédés plus  ou  moins  perfides  dont  se  servent  certains  peuples 
pour  s'implanter  chez  les  autres  tant  pour  assouvir  leurs  con- 
voitises politiques  que  pour  satisfaire  leur  passion  confession- 
nelle, se  parent  souvent  de  noms  qui  incitent  à  s'incliner  :  ils 
s'appellent  habileté,  diplomatie,  finesse,  quand  ils  ne  poussent 
pas  l'indiscrétion  jusqu'aux  mots  de  civilisation,  de  science, 
de  progrès.  C'est  surtout  grâce  à  ce  genre  de  passe-partout 
que  les  Américains  sont  parvenus  à  ouvrir  les  portes  que  l'on 
eût  crues  à  jamais  fermées  pour  eux. 

(c  Vous  êtes  l'une  des  nations  les  plus  anciennes  et  les  plus 
nobles  de  la  terre,  nous  ont-ils  dit  tout  d'abord;  mais  comme  de- 
puis des  siècles  vous  subissez  le  joug  humiliant  de  vos  conqué- 
rants, vous  avez  fini  par  oublier  les  qualités  qui  ont  fait  pen- 
dant des  siècles  la  gloire  de  vos  ancêtres.  Nous  venons,  nous 
qui  sommes  vos  frères  en  Jésus,  vous  relever  de  l'ignorance 
dans  laquelle  vous  avez  été  entraînés  comme  malgré  vous.  Avec 
l'appui  matériel  destiné  à  vous  instruire  et,  au  besoin,  à  sou- 
lager vos  pauvres,  nous  vous  apportons  l'affection  du  Christ 
et  la  lumière  de  son  Évangile.  D'autre  part,  vous  avez  une 
langue  ancienne  qui  a  laissé  une  assez  riche  littérature  et  un 
dialecte  dérivé  de  cette  même  langue  que  vous  ne  devez  pas, 
non  plus,  dédaigner,  si  vous  ne  voulez  pas  la  perdre.  Nous  vous 
ferons  cultiver  l'une  et  l'autre  :  la  première  vous  communiquera 
la  science  de  vos  Pères,  la  seconde,  la  langue  vulgaire,  vous 
vous  en  servirez —  en  la  travaillant  et  l'enrichissant —  pour 


430  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

VOUS  initier  à  la  science  et  aux  progrès  modernes.  Nous  vou- 
lons vous  rendre  l'existence  moins  dure  matériellement  et 
moins  stérile  moralement.  Pour  atteindre  ce  but,  nous  savons 
parfaitement  ce  qu'il  y  a  à  faire,  pourvu  que  vous  vouliez  bien 
vous-mêmes  nous  aider  dans  cette  tâche,  qui  n'est  autre  que  le 
relèvement  de  votre  peuple.  Nous  sommes  un  peuple  plus  jeune 
que  vous,  il  est  vrai,  mais  d'après  ce  que  nous  comptons  faire 
pour  vous,  vous  jugerez  si  nous  sommes  jeunes  en  expérience 
et  en  progrès.  Nous  allons  fonder  une  école  normale  d'où  sorti- 
ront des  maîtres  d'école  pour  tous  vos  villages.  Dans  la  suite 
nous  ouvrirons  une  imprimerie  pour  publier  des  livres  en  votre 
langue  et  nous  nous  imposerons  même  le  sacrifice  de  fonder  un 
journal  en  votre  dialecte,  qui  vous  donnera  des  nouvelles  de 
tous  les  coins  de  l'univers.  En  un  mot,  nous  ferons  les  choses 
avec  méthode,  habileté  et  suite.  » 

Ce  ne  sont  pas  là  —  nous  prions  le  lecteur  de  le  croire  — 
des  mots  lancés  au  hasard  par  l'imagination  fantaisiste  d'un 
Oriental  :  c'est  l'impression  exacte  qu'a  produite  une  fréquente 
lecture  d'articles  signés  par  les  missionnaires  du  Nouveau 
Monde  ou  rédigés  sous  leur  direction.  Nous  pouvons  donc  dire 
que  tel  fut,  sinon  le  texte,  du  moins  l'esprit  du  programme  ou 
plutôt  du  premier  prêche  que  les  susnommés  missionnaires 
firent  entendre  en  1835  aux  oreilles  d'un  peuple  ignorant,  mais 
essentiellement  méfiant  et  conservateur  sur  le  terrain  religieux, 
un  peuple  qui  avait  besoin  de  tout,  excepté  de  la  réforme  dans  sa 
Foi.  Civiliser!  protéger!  défendre!  fut-il  jamais  perspective  plus 
riante?  Et  pourtant  ce  langage  de  charmeurs  ne  fit  pas  miracle 
tout  d'abord  :  eût-on  donné  des  leçons  de  magie  aux  jMages? 
Aussi  malgré  l'étalage  de  tant  de  généreuses  idées,  malgré  l'ap- 
parence d'une  conception  aussi  noble  et  aussi  élevée  d'huma- 
nité, la  ténacité  des  Chaldéens  se  joua-t-elle  de  la  finesse  amé- 
ricaine pendant  plus  de  dix  ans.  Les  conversions  furent  rares, 
si  rares  que  c'est  onze  ans  après  leur  arrivée,  c'est-à-dire  en 
1846  seulement,  qu'ils  constatent  un  réveil  dans  le  peuple 
syrien,  pour  employer  leurs  propres  termes.  N'allez  pas  croire, 
du  reste,  que  ce  réveil,  qui  est  un  véritable  abus  de  terme,  soit 
le  mouvement  d'une  foule  en  marche  pour  la  Réforme.  Après 
avoir,  pendant  plus  de  dix  ans,  semé  l'or  à  pleines  mains,  ces 
missionnaires  se  consolent  en  citant  quelques  cas  isolés  de  con- 


PUOTESTANTISAir;    ICT    CATHOLICISME.  431 

versions  :  aujourd'hui,  c'est  un  élève  qui  se  déclare  protestant  ; 
demain,  c'est  un  pauvre  prêtre  nestorien  qui  consent  à  renoncer 
aux  vieux  'préjugés  de  ses  pères.  Tantôt,  c'est  un  groupe  de 
jeunes  filles  qui  entonne  des  chants  spirituels  ;  tantôt  c'est  un 
de  leurs  domestiques  qui  se  seul  remué  par  /'Esprit  Saint. 
Comme  on  le  voit,  les  premières  poignées  de  ce  grain  apporté  de 
l'autre  côté  de  l'Océan  n'attirèrent  vers  le  temple  de  la  Réforme 
que  quelques  oiseaux  naïfs.  La  majorité  du  peuple,  tout  en  ne 
dédaignant  pas  à  l'occasion  les  offres  matérielles  de  ces  nou- 
veaux évangélisateurs,  persévéra  dans  sa  fidélité  à  la  tradition 
religieuse  remontant  à  saint  Thomas,  à  Mar  Adaï  et  à  Mar  Mari, 
évangélisateurs  des  descendants  des  Assyriens.  Cependant,  de- 
vant ce  maigre  résultat,  les  Américains  ne  montrèrent  ni  moins 
de  courage,  ni  moins  de  ténacité  ;  ils  redoublèrent  plutôt  leurs 
efforts,  comprenant  qu'avec  du  temps,  de  la  patience  et,  au  be- 
soin, de  l'astuce  même,  ils  atteindraient  leur  but.  Le  bon  grain 
sera  représenté,  suivant  les  besoins  de  la  cause,  tantôt  par  la 
parole  de  l'Évangile,  tantôt  par  le  bel  or.  Si  les  missionnaires 
papistes  leur  font  une  concurrence  trop  désastreuse  sur  le  ter- 
rain dogmatique,  ils  auront  recours  à  la  calomnie  pour  abaisser 
leur  crédit  et,  vis-à-vis  du  peuple  nestorien,  ils  se  montreront  très 
modérés  sur  les  questions  relatives  aux  dogmes.  Ils  savent  que 
l'exposition  franche  et  sincère  de  leurs  doctrines  amènera  la 
fermeture  de  leur  temple  et  ils  se  montrent  alors  tacticiens 
émérites  et  diplomates  habiles.  Si  les  vieux  nestoriens  ont  la 
tête  trop  dure,  ils  les  laisseront  tranquilles  dans  leurs  opinions 
religieuses  tout  en  s'intéressant  à  leur  condition  matérielle.  Ce 
procédé  d'apparence  désintéressée  leur  permettra  au  moins  de 
garnir  leurs  écoles  de  petits  nestoriens  auxquels  il  leur  sera 
très  facile  d'inculquer  leurs  idées  religieuses.  «  Si  le  père,  en 
matière  de  religion,  se  montre  indifférent  à  notre  égard,  pen- 
sèrent-ils, le  fils  sera  sympathique  et  le  petit-fils  se  dira  bel  et 
bien  protestant  comme  nous.  Pour  en  arriver  là,  nous  aurons 
fait  d'immenses  sacrifices,  mais  nous  aurons  la  joie  de  nous  en- 
raciner parmi  ce  peuple  qui,  sans  nous,  est  destiné  à  tomber 
tôt  ou  tard  dans  le  giron  de  l'Église  papiste.  »  Ainsi  ils  dirent, 
ainsi  ils  firent.  La  suite  nous  montre  que  cette  tactique  leur 
réussit  pleinement.  Arrivés  en  1835,  ils  inaugurent  l'impression 
des  livres  néo-syriaques  en  1840,  sous  la  direction  du  Rév. 


432  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Perkins,  l'adversaire  acharné  des  missionnaires  Français  (1). 
En  1846,  ils  sont  heureux  de  voir,  çà  et  là,  quelques  conversions 
et  leur  principale  école  est  déjà  ouverte  sur  les  hauteurs  du  Syr 
Dagh,  au  sud-ouest  de  la  ville  d'Ourmiah  et  à  quelques  pas  de 
l'église  nestorienne  de  Mar  Serguis.  C'est  de  cette  pépinière  que 
sortirent  les  premiers  prêtres  nestoriens  ayant  une  certaine  ins- 
truction. En  1849,  croyant  enfin  gagner  à  la  cause  luthérienne 
une  portion  respectable  de  Chaldéens,  ils  fondent  leur  Rayons 
de  lumière,  organe  mensuel  qui,  malgré  ses  imperfections 
littéraires,  a  puissamment  contribué  à  consolider  la  religion 
protestante  au  milieu  d'un  peuple  qui,  pour  être  conséquent 
avec  lui-même,  n'aurait  jamais  dû  sortir  de  ce  dilemme  :  rester 
nestorien  ou  revenir  à  l'unité  catholique.  Entre  deux  maux,  il 
eût  pu  choisir  le  moins  dangereux.  Le  nestorianisme  est,  sans 
doute,  cent  fois  condamnable,  mais,  à  défaut  de  catholicisme, 
ou  du  moins  puisque  les  représentants  de  la  religion  catholique 
ne  pouvaient  lui  offrir  les  mêmes  attraits  matériels  que  les 
protestants,  le  peuple  chaldéen  eût  cent  fois  mieux  fait  de  de- 
meurer ce  qu'il  était.  Ce  n'est  pas  nous  qui  contesterons  les 
avantages  considérables  qu'il  a  trouvés  chez  les  Américains  au 
point  de  vue  purement  matériel  et  même,  en  partie,  au  point 
de  vue  moral  ;  mais  qui  mieux  que  les  innombrables  martyrs 
de  ce  peuple  a  prouvé  au  monde,  pendant  des  siècles,  la  valeur 
de  la  Foi  intacte  et  le  mépris  des  biens  périssables  de  la  terre? 
En  allant  au  protestantisme,  les  nestoriens  ont  fermé  à  leur 
cœur  autant  qu'à  leur  esprit  le  grand  livre  de  la  Tradition, 
tant  de  fois  séculaire,  de  leurs  Pères.  Où  est  donc  la  gloire  de  ce 
peuple  dans  l'Histoire  du  monde  depuis  qu'il  ne  compte  plus 
comme  une  nation  indépendante  et  vivant  par  ses  propres  lois? 
N'est-elle  pas  dans  la  constance  avec  laquelle  il  a  su  maintenir 
au  milieu  d'innombrables  persécutions  l'intégrité  de  sa  Foi? 
N'est-ce  pas  cette  Foi  qui  a  inspire  à  ses  ancêtres  des  hymnes 

(1)  On  raconte  qu'au  moment  où  l'on  allait  tirer  la  pi-emière  épreuve  impri- 
mée en  chaldéen  ou  néo-syriaque,  un  enthousiasme  indescriptible  se  produisit 
dans  la  foule  compacte  qui,  mi-crédule,  mi-sceptique,  attendait  impatiemment 
pour  voir  l'effet  que  «  des  petits  bouts  de  plomb  devaient  produire  sur  le  pa- 
pier ».  Plusieurs  même,  après  avoir  contemplé  ce  prodige,  lancèrent  leurs  bon- 
nets en  l'air,  en  signe  de  joie,  pendant  que  d'autres  s'écriaient  avec  une  sorte 
d'extase,  en  levant  leurs  grands  yeux  au  ciel  :  sukha  Ishnmukh!  sukka  Isim- 
mukh!  (Louange  à  toi!  louange  à  toi!) 


PROTESTANTISME    ET   CATHOLICISME.  433 

magnifiques  concernant  les  principaux  dogmes  du  Christia- 
nisme? Les  aspirations  des  pères,  qui  ont  entonné  ces  hymnes 
dans  la  plaine  et  sur  les  monts,  en  temps  de  paix  comme  aux 
moments  de  terreur,  en  présence  du  Saint-Sacrement  comme 
devant  le  tribunal  des  tyrans,  ne  ressemblent  guère,  hélas!  à 
Taustérité  plus  souvent  simulée  que  réelle  des  fils  qui  s'enfer- 
ment dans  un  oratoire  souvent  même  dénué  d'une  croix  de  bois, 
pour  y  faire  entendre  des  chants  traduits  de  l'anglais,  chants 
dépourvus  même  de  cette  sentimentalité  naturelle  chez  l'Orien- 
tal, chants  enfin  où  l'on  reconnaîtrait  à  peine  quelques  tour- 
nures propres  au  génie  de  notre  langue. 


II 


Pendant  que  les  protestants  s'organisaient  ainsi,  que  fai- 
saient les  missionnaires  français  arrivés  à  Ourmiah  en  1840, 
pour  y  propager  le  catholicisme?  C'est  ce  que  nous  allons 
essayer  de  rapporter  en  deux  mots.  Loin  de  nous  la  prétention 
de  nous  donner  comme  les  juges  de  ces  hommes  éminents 
qui  vont  mourir  au  loin  pour  Dieu  et  pour  l'extension  de  l'in- 
fluence française.  Cependant  l'occasion  ne  nous  permet  pas  de 
nous  taire  sur  leur  rôle  et  cela  d'autant  que  notre  silence  pour- 
rait être  traité  de  systématique.  A  l'honneur  de  la  vérité,  nous 
devons  dire  que  le  résultat  des  missionnaires  français  ne 
répondit  pas  toujours  à  leurs  efforts.  Ils  avaient  dix  fois  plus 
de  chance  de  réussir  que  les  protestants  tout  en  disposant  de 
presque  dix  fois  moins  de  ressources  que  ceux-ci.  Ils  avaient 
raison  certes  de  dédaigner  le  masque  cher  à  leurs  adversaires 
au  point  de  vue  purement  religieux  et  d'exposer  loyalement 
les  principes  enseignés  par  l'Église  romaine;  mais  leur  erreur 
s'est  manifestée  principalement  dans  trois  choses  :  dans  leur 
façon  de  comprendre  les  intérêts  matériels  du  peuple,  dans 
leur  attitude  en  général  vis-à-vis  des  indigènes,  dans  leur  ma- 
nière d'instruire  la  jeunesse.  Expliquer  brièvement  mais  clai- 
rement ces  trois  points,  qui  ont  toujours  fait  la  véritable  force 
des  protestants,  parce  qu'ils  les  ont  compris  autrement  que  les 
catholiques,  ce  ne  sera  peut-être  pas  le  dernier  mot  sur  la 
cause  du  peu  de  succès  des  missionnaires  Lazaristes,  mais  la 

ORIENT   CHRÉTIEN.  3q 


434  •  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

question  sera,  prétendons-nous,  largement  élucidée.  L'auteur  de 
ces  lignes,  qui  doit  une  éternelle  reconnaissance  aux  mission- 
naires Lazaristes  et  la  plus  grande  vénération  à  la  mémoire 
de  M^''  Clusel,  n'a  nullement  l'intention  de  déprécier  aujour- 
d'hui le  mérite  et  le  dévouement  de  ses  protecteurs  et  maîtres 
d'hier.  En  se  permettant  quelques  réflexions  sur  leurs  efl"orts 
en  Orient,  il  n'écoute  que  la  voix  de  sa  conscience,  et  n'est 
poussé  que  par  le  désir  qu'il  éprouve  de  voir  le  triomphe  de  la 
vérité. 

1°  Nous  avons  dit  :  qu'ils  se  trompaient  dans  leur  façon  de 
comprendre  les  intérêts  matériels  du  peuple  nestorien.  Il  ne 
nous  suffit  pas  de  l'affirmer;  essayons  de  le  démontrer. 

On  prétend  que  c'est  l'argent  qui  fait  la  force  des  mission- 
naires protestants.  C'est  une  assertion  qui  a  sans  doute  sa 
valeur,  mais  ce  serait  quand  même  se  faire  une  grossière 
illusion  que  d'attribuer  à  la  seule  puissance  de  l'or  leur  incon- 
testable succès.  Ces  missionnaires  ont  certes  l'or  comme  pre- 
mier moteur,  mais  ce  qui  couronne  leurs  œuvres,  ce  n'est  pas 
encore  tant  le  prix  de  l'argent  dépensé,  que  le  résultat  d'efforts 
incessants  et  d'esprit  de  suite  dans  tout  ce  qu'ils  entrepren- 
nent. 

Leurs  institutions  ont  été  commencées  avec  calcul  et  habi- 
leté; ils  n'ont  jamais  songé  à  soulager  les  misères  de  tout  un 
peuple  en  bloc.  Pendant  que  les  Lazaristes  excitaient  l'admira- 
tion en  faisant  la  charité  un  peu  partout,  leurs  concurrents  em- 
ployaient leurs  ressources  dans  un  but  non  moins  charitable 
et  même  d'une  charité  autrement  profitable  au  peuple  chaldéen  : 
ils  fondaient  des  écoles  sérieuses,  payaient  davantage  leurs 
maîtres  d'école  et  encourageaient  mieux  dans  l'étude  et  dans 
la  voie  du  progrès  ceux  de  leurs  adeptes  qu'ils  jugeaient  des- 
tinés à  les  aider  plus  tard  dans  l'exécution  de  leurs  plans. 
Ce  ne  sont  pas  là,  encore  une  fois,  des  mots  :  nous  savons  de 
source  absolument  sûre  que  des  sommes  considérables  ont  été 
dépensées  depuis  plus  de  50  ans  par  la  mission  lazariste  d'Our- 
miah  pour  aboutir  à  quoi?  à  n'avoir  pas  seulement  dans  tout 
le  pays  d'Ourmiah  une  dizaine  d'hommes  ayant  une  instruc- 
tion solide  et  une  situation  aisée  à  opposer  à  ceux  qu'a  formés 
la  mission  protestante  et  qui  depuis  longtemps  ont  dépassé  la 
centaine.  S'il  est  bon  de  dire  que  les  protestants  d'Ourmiah 


PROTESTANTISME  ET  CATHOLICISME.  435 

ont  toujours  disposé  de  plus  de  ressources  que  les  catholiques, 
il  n'est  ni  moins  bon  ni  moins  juste  d'ajouter  qu'ils  en  ont 
mieux  fait  profiter  le  peuple.  M^''  Clusel,  d'heureuse  mémoire, 
fut  avant  tout  un  apôtro  de  charité.  Durant  les  trente  années 
qu'il  resta  à  la  tète  de  la  mission,  il  n'eut  rien  de  plus  cher  au 
cœur  que  de  secourir  les  malheureux  et  de  soutenir  les  chré- 
tiens dans  les  divans.  Sa  générosité  accrut  à  un  tel  point  son 
influence,  que  les  musulmans,  et  les  juifs  eux-mêmes  accou- 
raient lui  porter  leur  tribut  d'hommages.  Il  ne  fut  pas  seule- 
ment un  archevêque  populaire,  le  Mouc/uj  Gullizar  vénéré  des 
paysans.  Il  fut  le  digne  représentant  de  la  France  pour  le 
nom  de  laquelle  il  travailla,  dans  sa  modeste  sphère,  presque 
autant  que  le  grand  cardinal  Lavigerie  en  Afrique.  Avec 
lui  le  triomphe  du  catholicisme  eût  été  définitif  dans  cette 
région  si  à  tant  de  qualités  il  s'était  donné  le  temps  d'ajouter 
celle  de  fonder  une  institution  durable.  En  admettant  même 
qu'avec  un  homme  comme  lui,  qui  réunissait  toutes  les  qualités 
susceptibles  de  charmer  le  caractère  oriental,  la  charité  seule 
pût  surmonter  toutes  les  difficultés  et  se  passer  d'une  organi- 
sation semblable  à  celle  des  protestants,  il  eût  au  moins  fallu 
que  le  prélat  fût  immortel  et  que  la  charité  elle-même  ne  fût 
plus  la  fille  ailée  du  ciel  pouvant  s'envoler,  au  gré  des  cœurs, 
d'une  région  à  l'autre.  Malgré  tout,  la  cause  du  cathohcisme 
et  l'influence  française  semblaient  à  leur  apogée,  quand  dans 
la  nuit,  nuit  fatale  entre  toutes,  du  15  au  16  août  1882,  la 
dernière  heure  de  M^'  Clusel  sonna  et  sa  belle  âme,  après 
s'être  tant  de  fois  ouverte  aux  déshérités  de  la  terre,  fut  pré- 
cédée de  sa  charité  pour  gagner  les  portes  du  ciel.    . 

Nous  n'oublierons  jamais  l'émotion  profonde  que  causa  h.  cette 
ville  de  40.000  habitants  la  perte  d'un  personnage  aussi  illustre, 
ni  le  souvenir  des  larmes  abondantes  versées  sur  son  cercueil. 
Ce  n'est  pas,  du  reste,  dans  un  article  de  revue  qu'il  convien- 
drait d'aborder  la  grande  figure  que  fut  W  Clusel,  mais  envi- 
sagée au  point  de  vue  où  nous  nous  sommes  placés,  son  action, 
prodigieuse,  certes,  pour  les  débuts  de  la  Mission,  ne  fut  pas 
suffisamment  fécondée  pour  la  suite.  Il  légua  à  la  postérité 
l'exemple  de  toutes  les  vertus,  sans  toutefois  laisser  une  école 
ou  toute  autre  œuvre  qui  eût  profité  à  l'avenir.  Bref,  tel  un  im- 
mense incendie  qui  réunit  en  un  clin  d'œil  aux  éclats  de  ses 


436  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

tlammes  les  habitants  d'une  ville  et  les  disperse  aussitôt  éteint, 
le  génie  de  M^'^Clusel,  génie  qui  possédait  au  plus  haut  degré 
le  don  d'attirer  les  cœurs,  conquit  à  la  foi  catholique  la  sympa- 
thie des  masses;  mais  malheureusement  cette  sympathie  ne 
dura  qu'autant  que  sur  la  terre  des  Mages  rayonna  le  visage  pa- 
ternel de  celui  qui  fut  un  vrai  apôtre  et  un  non  moins  vrai 
Français  ! 

2°  Nous  avons  dit  que  V attitude  des  missionnaires  Français 
vis-à-vis  des  indigènes  ne  fat  pas  toujours  à  leur  avantage. 
Il  y  a  eu  presque  toujours  de  la  part  des  missionnaires  une  sorte 
d'indifférence  envers  les  indigènes  en  général  et  à  l'égard  des 
nestoriens  en  particulier.  Cette  indifférence  a  eu  un  effet  très 
fâcheux  pour  le  rapprochement  entre  catholiques  et  nestoriens. 
Les  protestants  ont  usé  d'affection  et  de  douceur  pour  former 
leur  troupeau.  Leur  finesse  et  leur  habileté  ont  gagné  le  cœur 
de  ceux  qui  les  suivent.  Ils  n'ont  jamais  marchandé  leur  pré- 
sence parmi  le  peuple,  ni  leur  contact  direct  avec  les  nestoriens. 
Que  de  voyages  dans  les  montagnes  !  que  de  démarches  auprès 
des  chefs  nestoriens  et  même  auprès  de  Mar  Sim'on lui-même! 
Et  tout  cela  pour  gagner  du  terrain  et  ralentir  la  tendance  du 
peuple  vers  le  papisme.  Que  de  bonnes  manières  !  que  de  man- 
suétude de  leur  part  à  l'égard  des  parents  du  patriarche  nesto- 
rien  (1)!  autant  de  choses  auxquelles  nos  missionnaires  ne  pren- 


(1)  On  sait  que,  privilégiés  au  point  de  vue  religieux,  les  membres  de  la  famille 
patriarcale  nestorienne  se  considèrent  même  au  point  de  vue  purement  civil 
comme  les  plus  nobles  de  la  nation  chaldéenne.  Se  donnant  volontiers  des  noms 
historiques  célèbres,  tels  que  Nemrod,  Jessé,  César  etc.,  ils  ne  se  comportent  pas 
sans  une  certaine  dignité  seigneuriale.  Aussi,  quelle  que  soit  la  valeur  de  leur 
éducation  et  de  leur  culture  intellectuelle,  sont-ils  regardés  par  la  généralité  des 
Chaldéens  comme  les  vrais  représentants  de  la  race  issue  des  akkads  et  des  su- 
mers  car  si  trop  cruellement  le  poids  des  âges  s'est  fait  sentir  à  notre  antique 
origine,  si  l'incessant  mélange  des  peuples  et  des  tribus  n'a  pas  eu  précisément  pour 
effet  la  conservation  intacte  du  sang  chaldéen,  l'éternelle  persécution  —  comme 
compensation,  sans  doute,  de  l'écrasement  du  gros  de  notre  race  —  nous  a  tout 
de  même  laissé  quelque  chose  :  en  pourchassant  nos  malheureux  ancêtres  jus- 
qu'aux rochers  chenus  des  hauteurs  du  Kurdistan,  elle  les  a  mis  à  même  de 
transmettre  à  leurs  descendants,  dans  sa  pureté  relative,  le  sang  de  leurs  ascen- 
dants. Ce  n'est  donc  pas  sans  quelque  fierté  que  nous  autres,  enfants  chétifs  de  la 
plaine,  nous  regardons  la  stature  et  la  belle  prestance  de  nos  congénères  des 
montagnes  et  tout  particulièrement  ceux  de  Qodjanos.  Ilélas!  malgré  notre  dé- 
sorganisation religieuse,  qui  est  la  vraie  cause  de  notre  démoralisation  natio- 
nale, pouvons-nous  contempler  avec  indifférence  ces  géants  à  l'allure  martiale  et 


PROTESTANTISME    ET    CATHOLICISME.  437 

nent  guère  garde.  Ils  comprennent  certes  le  devoir  qu'ils  ont 
de  conserver  leurs  positions  en  soulageant  leurs  pauvres  autant 
qu'il  leur  est  possible,  en  leur  rappelant  leurs  obligations  reli- 
gieuses, mais  là,  et  là  seulement,  se  limite  leur  action.  Selon 
eux,  le  peuple  nestorien  est  trop  endurci  dans  ses  préjugés  reli- 
gieux et  dans  son  ignorance  pour  que  d'autres  efforts  puissent 
jamais  modifier  la  situation.  Bon  pour  les  protestants  d'ache- 
ter des  consciences  nestoriennes;  pour  eux,  ils  n'accueilleront 
que  les  abjurations  spontanées  et  absolument  désintéressées! 
Est-il  étonnant  que  devant  une  telle  attitude,  les  nestoriens  se 
soient    montrés   plus    sympathiques    aux  protestants   qu'aux 


noble,  au  visage  doux  et  énergique,  visage  que   couronne    un    front  large  et 
loyal  ? 

Les  protestants  —  nous  leur  rendons  volontiers  cette  justice  —  n'ont  manqué 
aucune  occasion  pour  couvrir  d'adulations  la  famille  patriarcale.  C'est  dans  leur 
infirmerie  que  le  21  janvier  1805  le  frère  de  Mar  Sim'on,  Jessé,  après  avoir  reçu 
les  meilleurs  soins,  rendit  le  dernier  soupir.  Leur  organe,  Rayons  de  Lumière 
eut  la  partie  belle  pour  célébrer  les  vertus  de  ce  personnage  qui  n'avait  pas  ses 
vingt-neuf  ans  révolus.  Do  son  n«  de  mars  1895,  nous  extrayons  ce  passage  bien 
caractéristique  :  —  ■<  Tout  ce  que  nous,  missionnaires  Américains,  nous  fîmes 
pour  lui  (pour  Jessé),  nous  le  fîmes  avec  joie  tout  en  ayant  le  regret  au  cœur. 
Nous  ne  sommes  ici  que  pour  servir  le  peuple,  pour  nous  réjouir  avec  ceux  qui 
se  réjouissent,  pour  jjleurer  avec  ceux  qui  pleurent.  Notre  infirmerie,  notre 
collège,  notre  école  de  filles  et  notre  imprimerie  sont  pour  toute  la  nation,  non 
pas  seulement  pour  l'une  de  ses  fractions.  »  Mais  la  prose  n'étant  pas  assez  élo- 
quente pour  honorer  l'homme  que  les  autorités  d'Ourmiah,  musique  militaire  en 
tète,  accompagnèrent  jusqu'à  sa  dernière  demeure,  la  poésie  s'en  mêla  à  son 
tour  et  voici  comment  —  toujours  d'après  le  même  journal  —  en  des  strophes  de 
onze  syllabes  (mètre  emprunté  à  la  poésie  profane  du  pays)  elle  cliante  le  héros  : 

Min  gava  dmillattan   |   seupu  spiqé  li  : 
Ka  kassa  cim  goura  |  bkullan  tpiqué  li. 
Mud  d  kari  basslmi   |   Ikislan  sviqué  li  : 
Oh!  daky  ki  mâçak   |    mansak  lé  Isai. 
Al  tismistu  jmi'la    |   jamaat  goûrta 
Up  kilmat  mubylnna    |    raba  yaqoûrta 
Bbalabani  tarsa    |    vtantana  kqirta 
Supylan  Imanyaktu    |    gav  'oumra  Isai. 

Dans  notre  nation  sa  place  est  restée  vide  : 

Un  grand  chagrin  nous  a  rencontrés  tous. 

Que  de  charmants  souvenirs  n'a-t-il  pas  laissés  chez  nous  ! 

Oh  !  comment  pouvons-nous  oublier  Jessé  ! 

A  son  convoi  se  réunit  une  foule  considérable. 

La  cérémonie  elle-même  parut  fort  grandiose  (grave); 

Avec  des    tambours  (au  roulement)  funèbre  [litt.    ù  rebours]    et   avec   grande 

Nous  confiâmes  Jessé,  dans  féglise,  à  son  repos.  [pompe] 


438  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

catholiques?  Indifférents  à  l'égard  de  ceux  dont  ils  partagent 
presque  toutes  les  idées  religieuses  et  en  bonne  relation  avec 
ceux  qui  n'admettent  aucune  autorité  suprême  dans  l'Église  !  Si 
les  bons  procédés  des  missionnaires  à  l'égard  des  chefs  du  peu- 
ple nestorien  n'eussent  pas  eu  pour  résultat  un  rapprochement 
sur  le  terrain  religieux,  ils  eussent  au  moins  empêché,  en  partie, 
l'accroissement  parmi  ce  peuple  de  l'influence  américaine  ou 
anglaise  au  détriment  de  celle  de  la  France,  qui  est  quand  même 
un  bienfait  religieux  en  Orient. 

Ces  réflexions  ne  nous  sont  pas  personnelles  ;  des  Chaldéens 
autrement  expérimentés  que  nous,  nous  les  ont  faites  plus  d'une 
fois.  Si  des  hommes  professant  des  idées  aussi  choquantes  pour 
nous  autres  orientaux  ont  fini,  à  force  de  ruse  et  d'habileté,  par 
nous  imposer  leur  doctrine  néfaste,  le  catholicisme,  qui,  au 
fond,  est  infiniment  plus  sympathique  aux  vrais  nestoriens, 
n'eût-il  pas  fini  par  gagner  tout  l'Orient?  La  diversité  des  opi- 
nions n'exclut  pas  les  bons  rapports  entre  les  peuples.  Il  est 
mille  fois  plus  charitable  de  réparer  l'ignorance  d'un  peuple  et 
de  lui  procurer  les  moyens  de  subvenir  à  son  existence  par  ses 
propres  efforts  que  de  se  contenter  de  le  faire  végéter  au  moyen 
d'une  maigre  aumône  sans  cesse  recommencée,  tout  en  lui  repro- 
chant son  ignorance,  non  pas  comme  un  malheur,  mais  comme 
un  défaut  incorrigible. 

3°  Leur  système  d^ enseignement  fut  défectueux.  Depuis  que 
la  mission  française  est  à  Ourmiah,  elle  n'a  guère  eu  un  ensei- 
gnement bien  organisé  que  pendant  six  ou  sept  ans  (de  1884  à 
1890)  sous  l'habile  direction  de  M^' Thomas  et  de  M^^  Montéty,  et 
des  changements  étant  depuis  survenus  dans  le  personnel  de 
la  mission,  le  succès  de  cette  organisation  fut  de  courte  durée. 
C'est  la  seule  période  scolaire  que  l'on  puisse  comparer,  même 
d'assez  loin,  à  l'enseignement  donné  par  les  Américains.  Les 
règlements  scolaires,,  se  ressentant,  du  reste,  un  peu  trop  de  la 
sévérité  du  couvent,  les  écoles  de  nos  Missionnaires  n'attirèrent 
pas  toujours  chez  eux  les  plus  intelligents  des  enfants  des  Chal- 
déens. C'est  précisément  à  cause  de  ces  règlements  que  presque 
tous  les  montagnards,  après  avoir  passé  quelques  jours  au  col- 
lège des  Lazaristes,  se  trouvaient  découragés  et  s'empressaient 
de  rejoindre  leurs  nombreux  compatriotes  soit  chez  les  angli- 
cans, soit  chez  les  américains,  dont  l'école  normale,  autrefois 


PROTESTANTISME   ET   CATHOLICISME.  439 

sur  le  mont  de  Syr  Dagh,  se  trouve  aujourd'hui  au  sud  de  la 
ville  d'Ourmiah  et  à  quelques  pas  du  Sahar  Tchaï.  Là,  respi- 
rant de  plus  près  Tair  de  la  campagne  et  contemplant  plus  aisé- 
ment les  hauteurs  de  leurs  chères  montagnes,  ils  se  sentent 
plus  de  goût  à  l'étude  et  leur  exil  paraît  bien  moins  dur  que 
quand  ils  se  voient  enfermés  entre  quatre  murs,  comme  chez 
les  missionnaires  Lazaristes.  D'autre  part,  tandrs  que  l'im- 
primerie des  protestants  marchait  à  merveille,  celle  des  Pères 
Lazaristes,  ouverte  en  187G,  avait  à  peine  produit  quelques  li- 
vres d'importance  secondaire.  Le  journal,  cet  admirable  instru- 
ment de  propagande,  les  Américains  le  possédaient  depuis  long- 
temps tandis  que  nos  missionnaires  n'y  songeaient,  pour  ainsi 
dire,  pas.  Fort  heureusement  que  sous  le  rapport  de  l'impres- 
sion des  livres,  M.  Bedjan,  bien  connu  du  monde  des  Orienta- 
listes, dépassa  même  les  adversaires  de  ses  confrères  d'Ourmiah, 
quand  en  1885  il  entreprit  la  grande  série  de  ses  publications 
chaldéennes  qui  se  continue  encore  aujourd'hui(l).  Cette  victoire 

(1)  Malgré  l'admiration  de  toute  une  population  pour  les  publications  de 
M.  Bedjan,  il  s'est  trouvé  des  langues  assez  osées  pour  essayer  de  les  déprécier. 
Nous  n'avons  nullement  ici  la  prétention  de  défendre  la  science  d'un  homme  aussi 
éminent  que  M.  Bedjan;  mais  puisque  l'occasion  se  présente  aujourd'hui,  nous 
estimons  qu'il  est  bon  de  faire  connaître  notre  humble  avis  à  cet  égard.  On  a  pré- 
tendu qu'il  a  fait,  dans  ses  ouvrages  néo-sjriaques,  notamment  dans  son  excel- 
lent manuel  de  piété,  un  usage  trop  fréquent  de  mots  étrangers,  principalement 
de  termes  turcs.  Jlais  notre  critique  serait-il  donc  ignorant  au  point  de  ne  pas 
comprendre  que  l'exposition  des  vérités  religieuses  et  morales  n'exclut  point  la 
beauté  littéraire,  ni  les  termes  recherchés  et  subtils  ?  Nul  mieux  que  lui  n'est  à 
même  d'enrichir  son  style  de  termes  syriaques  et  d'en  exclure  tout  ce  qui  sent 
l'élément  étranger;  mais  en  agissant  autrement  M.  Bedjan  n'a  pas  agi  en  aveu- 
gle, encore  moins  en  ignorant  :  en  recourant  au  turc,  il  a  montré  qu'il  a  admi- 
rablement compris  sa  mission  de  prêtre,  qui  consiste  avant  tout  à  faire  mieux 
comprendre  les  principes  enseignés.  Dans  une  question  aussi  impoi'tante  que 
l'enseignement  de  la  Religion,  n'a-t-il  pas  eu  mille  fois  raison  de  sacrifier  la 
forme  au  fond,  d'approprier  son  style  à  l'intelligence  d'une  foule  naïve?  11  y  a 
moins  de  vingt-cinq  ans,  dans  plusieurs  villages  du  midi  d'Ourmiah,  ou  le  ca- 
tholicisme est  plus  ancien  que  dans  les  autres  parties  de  cette  contrée,  non  seu- 
lement on  parlait  très  mal  le  néo-syriaque,  mais  on  l'ignorait  jn-esque  complète- 
ment. Dans  le  district  de  Souldouze,  les  sermons  ne  pouvaient  jamais  être  pro- 
noncés autrement  qu'on  turc,  la  population,  composée  do  turcs  ou  musulmans, 
de  Kurdes,  de  Chaldéens  et  d'Arméniens,  ne  connaissant  que  deux  langues  :  le 
turc  et  le  kurde.  Nous  savons  que  le  néo-syriaque  a  fait  quelques  progrès  parmi 
toutes  ces  poindations,  grâce  aux  écoles  des  Missionnaires  europ(''ens  (Français, 
Anglais,  Américains),  mais  ce  progrès,  rassurez-vous,  n'est  pas  d'importance  telle 
qu'elle  imposât  à  M.  Bedjan  la  peine  de  modifier  sa  langue.  Pour  exposer  ses  mé- 
ditations, il  s'est  servi  de  la  même  langue  avec  laquelle  il  a  prêché,  avec  succès. 


440  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

est  complétée  depuis  quelque  temps  par  l'apparition,  une  fois  par 
mois,  d'une  cliarmante  revue  néo-syriaque.  Nous  avons  donc  le 
ferme  espoir  que  la  Mission  d'Ourmiah  n'a  pas  encore  tout  perdu 
et,  après  avoir  démontré  loyalement  ses  faiblesses  passées,  nous 
ne  serons  pas  moins  impartial  sur  son  rôle  présent.  Et  nous 
ne  pourrons  faire  un  meilleur  éloge  de  ses  actes,  qu'en  donnant 
quelques  détails  intéressants  au  sujet  de  son  jeune  organe  inti- 
tulé :  Voix  de  la  Vérité,  i'jU»  M. 

En  entreprenant  la  publication,  en  langue  populaire,  d'une 
petite  revue  qui,  chaque  mois,  n'offre  pas  à  ses  avides  lecteurs 
moins  d'une  vingtaine  de  pages  de  format  ordinaire  (18  x  22), 
imprimées  avec  d'élégants  caractères  chaldéens,  M.  Raphaël 
Nebiéridzé,  jeune  et  zélé  missionnaire  lazariste,  a  prouvé  qu'il 
a  mieux  compris  que  tous  ses  devanciers  l'avantage  de  la  presse. 
Ce  qui  d'ailleurs  a  le  mieux  démontré  à  nos  missionnaires  qu'en 
se  décidant  enfm  à  publier  une  feuille  périodique,  ils  répon- 
daient au  plus  pressant  de  ses  besoins,  c'est  le  nombre  relative- 
ment grand  de  collaborateurs  qui  ont  surgi  de  toutes  parts. 

Le  zèle  de  ces  derniers  assure  l'existence  de  cette  revue  qui, 
bien  que  venant  un  peu  tard,  contribuera,  nous  en  sommes 
persuadé,  à  relever  le  prestige  de  la  mission  Lazariste  à  Our- 
miah  et  aidera  puissamment  à  l'instruction  des  Chaldéens 
catholiques  restés  trop  longtemps  inférieurs  aux  protestants. 

Le  premier  numéro  de  la  Voix  de  la  Vérité  a  paru  en 
juin  1897.  Dans  son  programme,  il  est  dit  entre  autres  :  «  Parmi 
les  œuvres  entreprises  depuis  plus  de  50  ans  en  faveur  des  Chal- 
déens d'Ourmiah  (Perse)  par  la  mission  Lazariste  sous  la  direction 
de  l'astre  brillant  que  fut  M^'"  Clusel,  d'heureuse  mémoire,  cette 
Voix  de  la  Vérité  ne  comptera,  espérons-le,  ni  parmi  les  moins 
importantes,  ni  parmi  les  moins  désirées.  Nous  avons  toujours 


il  y  a  quelque  vingt  ans.  C'est  la  méthode  la  plus  sage  qu'il  eût  à  suivre  :  les 
vieux,  les  simples  le  comprennent  mieux,  les  jeunes,  les  lettrés  n'y  perdent  rien. 
Supposez  un  moment  qu'au  lieu  de  parler  au  peuple  la  vraie  langue  populaire, 
M.  Bedjan,  jetant  par-dessus  bord  son  vieux  jargon  syro-turc,  si  tant  est  que 
la  langue  de  notre  savant  compatriote  mérite  pareille  injure,  s'attaquât  à  la  lan- 
gue savante  ou  à  la  terminologie  scholastique,  quel  eût  été  pratiquement  le  ré- 
sultat d'une  pareille  méthode?  Nul,  puisque  personne  n'y  eût  rien  compris  ;  seule- 
ment au  lieu  d'être  blâmé  parune  douzaine  déjeunes  prétentieux,  notre  auteur  eût 
«té  alors  dénigré,  voire  même  exécré  par  la  population  des  trois  districts  réunis  : 
de  Salmas,  d'Ourmiah  et  de  Souldouze. 


PROTESTANTISME    ET    CATHOLICISME.  441 

été  disposés  à  publier  des  livres  intéressants  pour  éclairer  et 
pousser  dans  la  voie  du  progrès  les  Chaldéens,  ce  peuple  si 
ancien  et  si  aimé;  mais  nous  avons  le  regret  de  dire  que  des 
raisons  qu'il  ne  conviendrait  guère  de  rappeler  ici  avaient 
malheureusement  arrêté  notre  modeste  imprimerie  dans  sa 
marche.  A  présent,  nous  n'avons  qu'à  adresser  l'expression  de 
notre  profonde  reconnaissance  à  S.  S.  Léon  XIII  qui  nous  a 
envoyé  comme  délégué  apostolique  un  homme  aussi  éminent 
que  S.  G.  M^'  Lesné,  dont  la  population  chaldéenne  sait  appré- 
cier le  dévouement  depuis  vingt-trois  ans. 

«  Notre  revue  s'efforcera  de  justifier  le  titre  qu'elle  s'est  donné 
et  de  n'être  qu'un  organe  de  vérité  avant  tout.  A  part  les  ques- 
tions appropriées  aux  besoins  de  notre  temps  et  de  notre  mi- 
lieu, les  colonnes  de  la  Voix  de  la  Vérité  se  couvriront  d'ar- 
ticles ayant  trait  à  la  théologie,  à  la  philosophie,  à  l'histoire, 
aux  sciences  et  aux  échos  entendus  sur  tous  les  coins  de  l'uni- 
vers. A  côté  des  nouvelles  religieuses,  notre  revue  ne  dédai- 
gnera nullement  les  nouvelles  politiques,  ni  le  mouvement  du 
progrès  dans  la  civilisation  et  l'industrie  de  tous  les  peuples  de 
la  terre. 

«  Que  le  Christ,  qui  a  mis  sa  vérité  dans  son  Église,  pilier  et 
base  de  vérité,  donne  l'ouïe  aux  sourds,  la  vue  aux  aveugles  et 
la  lumière  aux  cœurs  obscurcis,  afm  que  tous  entendent  la 
voix  de  la  Vérité,  la  voient  avec  netteté  et  l'étreignent  avec 
amour! 

«  Eu  égard  à  la  faiblesse  de  quelques-uns  de  nos  lecteurs  pour 
saisir  l'intelligence  de  certains  termes  usités  par  nous,  nous 
aurons  soin  d'expliquer  ces  termes  au  bas  des  pages,  » 

Voici  maintenant  les  titres  des  principaux  articles  de  ce  pre- 
mier numéro  :  Chronique  de  Rome.  Funérailles  de  S.  M.  I.  Nas- 
sereddin  Schah.  Guerre  gréco-turque.  Catholicisme  en  Angle- 
terre. Introduction  aux  Saintes  Écritures.  (Euvres  de  l'apos- 
tolat de  l'Église  catholique  en  1896.  Un  incendie  à  Paris  (celui 
du  Bazar  de  la  Charité)  et  quelques  autres  nouvelles  de  peu 
d'importance. 

Sommaire  des  principaux  articles  du  n"  2  (juillet  1897)  : 
Introduction  aux  Saintes  Écritures.  Vies  des  Saints.  Œuvres 
de  l'Apostolat  en  1896.  Lettre  de  Mar  Elle  XI,  patriarche 
chaldéen,  à  S.  S.  Pie  VI.  Poésies  élégiaques.  Exhortation  à 


442  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

l'étude.  Chronique  de  Rome.  L'incendie  du  Bazar  de  la  Charité. 
Guerre  gréco-turque.  Histoire  de  l'apôtre  saint  Thomas, 

Sommaire  des  principaux  articles  du  n"  3  (août  1897)  :  Intro- 
duction aux  Livres  Saints.  L'angoisse  des  chrétiens  en  lAféso- 
potamie.  L'évangélisation  de  Madagascar.  Une  lettre  d'Élie  XI, 
patriarche  chaldéen,  au  patriarche  nestorien.  Jubilé  de  la  Reine 
d'Angleterre,  etc. 

Les  poésies  élégiaques,  qui  comprennent  34  strophes  de 
4  vers  chacune,  sont  l'œuvre  du  regretté  sammasa  Isu,  qui, 
après  avoir  passé  sept  ans  sur  les  bancs  de  l'école  des  Pères 
Lazaristes  d'Ourmiah,  y  meurt  à  la  fleur  de  l'âge,  à  la  veille 
d'être  ordonné  prêtre,  loin  du  pays  natal  et  de  tous  ses  parents. 
Dans  la  préface  qui  précède  ces  vers,  son  professeur,  Raby 
Benjamin  d'Ardichaï,  résume  ainsi  les  qualités  de  ce  jeune 
homme  :  «  éammasa  Isu  fut  un  élève  plein  de  vertus,  doué 
d'une  grande  intelligence  et  ayant  des  sentiments  éminemment 
patriotiques.  Plût  à  Dieu  que  nous  eussions  beaucoup  d'élèves 
comme  lui!  » 

Ces  vers,  composés  d'après  le  mètre  et  la  cadence  de  notre 
illustre  poète  du  vi"  siècle,  Jacques  de  Sarug,  ne  sont  pas 
certes  des  chefs-d'œuvre  poétiques  et  ne  contiennent  pas,  en 
somme,  des  idées  très  élevées;  mais,  comparativement  aux 
limites  de  l'instruction  dans  ces  contrées  et  surtout  à  la  pénu- 
rie de  termes  scientifiques  et  littéraires  dans  notre  dialecte 
moderne,  ils  ne  sont  pas  sans  intérêt  et  font  quand  même 
grand  honneur  à  leur  auteur.  La  correction  du  style  et  la 
richesse  de  la  rime  sont  si  bien  soutenues  dans  ces  strophes 
que  l'expression  la  plus  simple  et  la  banalité  même  ne  man- 
quent pas  souvent  de  quelque  éclat.  Considérant  comme  une 
véritable  période  d'exil  les  années  passées  loin  du  foyer  pater- 
nel, notre  auteur  prouve  à  son  tour  que  la  douleur  sied  mieux 
à  l'Élégie  que  la  joie  : 

STROPHE    18. 

Kma  kbasma  va   |    seuliatteukun    |    àl  natyatiy  , 
Babiy  vyimmiy    |    vakunvatiy   |    am  katvatiy  : 
Kidyi  vpsiyki   |    vbgikka  kulyum    |    gav  patvatiy  . 
Akvaïalliy!    |   ya  seuguli    |   dlibbiy  qatiy! 

STROPHE   19. 
Bi  prasteukun    |   prisla  minniy    |    up  kidyuta  : 


PROTESTANTISME  ET  CATHOLICISME.  443 

Bi  svaqteukun    |    (lain  seuqaliy    |    rahatouta  : 
Idyu  duvîn    |    pisa  bneusiy    |    bqaributa  : 
Ak  avara    |    vak  miskia   |   dla  liayarta. 

STROPHE    18. 

Comme  votre  entretien  charmait  mes  oreilles, 

0  mon  père,  ô  ma  mère,  ô  mes  frères  et  mes  sœurs! 

Joyeux  et  enthousiasmés  vous  regardiez  mon  visage  chaque  jour  en  souriant. 

Oh!  malheur  à  moi  !  ô  les  bien-aimés  de  mon  coeur! 

STROPHE    19. 

En  me  séparant  de  vous  je  me  suis  séparé  de  la  joie. 

En  vous  quittant,  la  tranquillité  m'a  quitté. 

Me  voilà  aujourd'hui  seul  en  pays  étranger 

Comme  un  (homme)  errant,  comme  un  pauvre  sans  soutien. 

Il  est  inutile  que  nous  insistions  davantage  sur  le  rôle  multiple 
que  «  la  Voix  de  la  Vérité  »  doit  jouer  dans  la  plaine  d'Our- 
miah  (1).  Les  protestants  eux-mêmes,  que  nous  remercions 
sincèrement  de  leur  impartialité  à  cet  égard,  ont  parlé  du  mé- 
rite de  notre  feuille  en  ces  termes  :  «  A  côté  de  notre  journal, 
qui  compte  près  de  50  années  d'existence,  les  missionnaires 
catholiques  en  ont  fondé  un  autre,  il  y  aura  bientôt  deux  ans. 
Après  l'avoir  scrupuleusement  examiné,  nous  déclarons  qu'il 
est  excellent.  Nos  deux  organes  peuvent  désormais  marcher 
loyalement  côte  à  côte  tout  en  soutenant  la  diversité  de  leurs 
idées  respectives.  » 

Nos  adversaires  sont  satisfaits  :  c'est  une  victoire!  Si  cette 
victoire  dure,  peut-être  viendra-t-il  un  jour  où  il  n'y  aura  plus 
d'adversaires  parmi  nous  mais  des  amis,  des  enfants  d'une 
même  race  vivant  ensemble  en  parfaite  intelligence  et  travail- 
lant au  relèvement  de  leur  nation,  et  à  la  conservation  de  ce 
dont  ils  pourraient  le  plus  légitimement  s'enorgueillir  :  la  Foi 
de  leurs  Pères. 

J.  Babakhan. 


(1)  Dans  un  prochain  article  nous  donnerons  le  texte,  accompagné  d'une  traduc- 
tion, des  lettres  d'Éiie  XI  à  Pie  VI  et  au  patriarche  nestorien,  car,  vu  leur  im- 
portance, ces  documents  demandent  à  être  reproduits  intégralement. 


LES   ÉVÊQUES  JACOBITES 

DU  viir  AU  xiir  siècle 

D'APRÈS  LA  CHRONIQUE  DE  MICHEL  LE  SYRIEN 


Grâce  au  généreux  et  bienveillant  encouragement  de 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  j'ai  pu  en- 
treprendre la  publication  d'un  document  de  la  plus  haute 
importance  pour  l'histoire  des  Églises  orientales  :  la  cé- 
lèbre Chronique  syriaque  rédigée,  en  1196,  par  le  pa- 
triarche jacobite  Michel  P',  chronique  qui  s'étend  depuis 
la  création  jusqu'à  la  mort  de  Saladin  (1).  Je  n'ai  ni  l'in- 
tention ni  le  loisir  de  donner  ici  une  notice  sur  le  pa- 
triarche Michel  (1166-1199);  elle  trouvera  place  dans  la 
préface  à  mon  édition  de  la  Chronique  et  je  me  permets 
d'y  renvoyer  par  avance  le  lecteur  (2). 

A  la  suite  de  la  Chronique,  on  trouve  dans  le  manuscrit 
syriaque  plusieurs  chapitres  détachés  qui  sont  comme 
des  appendices  au  corps  de  l'ouvrage.  C'est  l'un  de  ces 


(1)  Chronique  de  Michel  le  Syrien  éditée  dans  le  texte  original  et  traduite  pour 
la  première  fois  par  J.-B.  Chabot.  Ouvrage  publié  sous  le  patronage  et  avec 
le  concours  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres;  —  Tome  I",  Paris, 
1899  (Ernest  Leroux,  éditeur).  —  Ce  premier  volume  paraîtra  dans  quelques  jours; 
l'ouvrage  complet  (avec  préface  et  lestal)les)  formera   1  vol.  in-4'>. 

('2)  Consulter  sur  Michel  le  Grand  et  son  œuvre  historique  :  Asskmam,  Bibl.  or.. 
II,  155  seqq.;  —  Bar-Hp-breus,  Chron.  eccles.,  I,  535  seqq.  ;  —  Wright,  Syriac  iille- 
rature,  2"  éd.,  p.  250  et  suiv.  ;  —  R.  Duval,  la  Litlérature syriaque,  p.  207-208,  400; 

—  Dllaurier,  Journ.  aslat.,  1848,  p.  281  et  suiv.  ;  — V.  Langlois,  la  Chronique  de 
Michel  le  Grand,  traduite  d'après  la  version  arménienne  du  prêtre  Ischôk  (Préface)  ; 

—  J.-B.  Chabot,  iXole  sur  la  Chronique  de  Michel  le  Syrien  dans  les  Comptes  ren- 
dus de  l'Académie  des  hiscriptions  et  Belles-Lettres,  1899,  p.  476  et  suiv. 


LES    ÉVÈQUES    JOCOBITES    UU    VIIl'   AU    XIIl'    SIÈCLE.  445 

chapitres  que  je  vais  traduire  pour  les  lecteurs  de  la 
Revue  de  l'Orient  chrélien.  Il  consiste,  comme  on  le 
verra,  en  une  liste  de  patriarches  jacobites  depuis  Sé- 
vère (511)  jusqu'à  Michel  1",  auteur  de  la  Chronique. 
Cette  liste  serait  sans  grande  importance  si  elle  énumé- 
rait  seulement  les  patriarches,  dont  nous  connaissons 
déjà  les  noms  par  ailleurs;  mais  ce  qui  lui  donne  une 
réelle  valeur,  c'est  qu'elle  nous  fournit,  à  partir  de 
Cyriacus  (793),  la  liste  des  évêques  ordonnés  par  chaque 
patriarche.  Ces  listes  épiscopales  comprennent  plus  de 
900  noms,  et  nous  présentent  par  conséquent  le  tableau 
le  plus  completque  nous  ayons  de  la  hiérarchie  de  l'Église 
jacobite,  depuis  la  fin  du  viii"  jusqu'à  la- fin  du  wf  siècle. 

On  rencontre  dans  ces  listes  des  noms  de  lieux,  qui 
demandent  à  être  identifiés.  Pour  éviter  de  multiplier 
les  notes  et  les  renvois,  nous  donnerons  tout  d'abord 
simplement  la  traduction  intégrale  du  document;  nous 
y  ajouterons  ensuite  une  table  alphabétique  des  localités 
mentionnées  et  nous  ferons  sous  chaque  nom  de  cette 
table  les  identifications  nécessaires. 

Nous  traduisons  les  noms  propres  par  leur  équivalent 
habituel  en  français;  ainsi  nous  écrivons  :  Jacques,  Jean, 
Isaie,  etc.,  et  non  :  Ya'qoub,  Yoliannan,  Esha'ia^  etc., 
selon  la  prononciation  orientale.  Nous  n'avons  conservé 
celle-ci  que  pour  les  noms  insolites  et  pour  les  noms 
géographiques  d'une  identification  douteuse. 

J.-B.  Chabot. 


Avec  l'aide  de  Dieu,  nous  écrivons  les  noms  des  patriarches 
qui  ont  existé  successivement,  dans  notre  Église  orthodoxe, 
depuis  le  bienheureux  Sévère  juscju' aujourd'hui. 

I.  —  SÉVÈRE,  du  monastère  de  Théodore  de  Gaza  (1).  L'or- 
dination eut  lieu  (2)  au  mois  de  tesliri  II,  indiction  X'',  en 
l'an  823  (nov.  511).  Le  bienheureux  fut  ordonné  par  un  synode 
de  douze  évêques.  Abraham,  évêque  d'Alep,  lui  imposa  les 
mains.  Du  temps  de  l'empereur  Anastase,  il  exerça  ses  fonc- 
tions dans  son  siège  pendant  six  ans.  Quand  l'empereur  ortho- 
doxe fut  mort,  l'astuce  des  hérétiques  s'exerça  contre  le  pa- 
triarche, du  temps  de  Justin,  et  le  bienheureux  quitta  Antioche 
le  29  d'éloul  de  l'an  829  (sept.  518).  11  administra  le  patriarcat 
pendant  la  persécution,  l'espace  de  29  ans,  tout  le  temps  de  sa 
vie.  Il  mourut  le  8  du  mois  de  shebat  (févr.),  dans  la  ville  de 
Ksouta  (?)  en  Egypte  et  son  saint  corps  fut  enseveli  dans  son 
couvent. 

II.  —  Sergius.  Après  la  mort  deMar  Sévère  (3),  les  orthodoxes 
ordonnèrent  Sergius  de  Téla,  du  monastère  de  Hala.  Jean, 
métropolitain  d'Anazarba,  lui  imposa  les  mains,  et  il  fut  pro- 
clamé pour  le  siège  d'Antioche.  Il  exerça  peu  de  temps. 

III.  —  Paul,  de  Beit  Oukamê,  du  monastère  de  Goubba- 
barraya,  dans  lequel  il  fut  ordonné.  Thomas,  métropolitain 
d'Édesse,  lui  imposa  les  mains.  L'empereur  Justin  le  trompa, 
et  il  communiqua  avec  les  Chalcédoniens  dans  l'espoir  que 
ceux-ci  rejetteraient  le  concile  de  Chalcédoine.  L'empereur 
ayant  failli  à  ses  serments,  il  se  retira  en  anathématisant  le 

(1)  Sévère  est  le  42»  patriarche,  d'après  Bar-Hébreus  [Clir.  eccles.,  I,  187). 

(2)  Nous  donnons  les  dates  exactement  connue  elles  sont  indiquées  par  l'auteur, 
sans  nous  préoccuper  ici  des  questions  chronologiques  qu'elles  peuvent  soulever. 

(3)  Pendant  l'exil  de  Sévère,  il  y  eut  trois  patriarches  :  Paul  le  Juif,  Euphrasius 
GtEphi'em.  Michel  ne  les  compte  point,  parce  qu'ils  furent  imposés  par  la  volonté 
de  l'empereur  et  adhérèrent,  au  moins  en  apparence,  au  concile  de  Chalcédoine. 


LES    KVÈQUKS   JACOBITES    DU    VIIl''   AU    Xlll"'    SIÈCLE.  417 

concile.  Mais  les  orthodoxes  ne  l'acceptèrent  point,  et  il  fut 
ordonné  par  fraude. 

IV.  —  Pierre  de  Callinice.  Son  ordination  eut  lieu  du  temps 
où  Paul  vivait  encore.  Josepli,  métropolitain  d'Amid,  lui  imposa 
les  mains.  Il  répara  la  chute  de  Damianus  d'Alexandrie. 
Quand  il  mourut,  son  corps  fut  enseveli  dans  le  monastère  de 
Goubba-barraya,  en  l'an  902  (591). 

V.  —  Julien,  qui  était  le  syncelle  de  Pierre,  du  monastère 
de  Qennéshrê,  dans  lequel  il  fut  ordonné.  Jean,  évêque  de 
Téla,  lui  imposa  les  mains.  Il  exerça  le  patriarcat  trois  ans. 

VI.  —  Athanase,  surnommé  Gamala  (le  chamelier),  de 
Samosate,  qui  avait  fait  profession  dans  le  couvent  de  Qennéshrê. 
Il  fut  élu,  et  Sévère,  métropolitain  de  Jérusalem,  lui  imposa 
les  mains.  Il  fit  l'union  entre  le  siège  d'Antioche  et  celui  d'A- 
lexandrie. Il  exerça  quarante-cinq  ans.  Il  mourut  en  l'an  946 
(635)  et  fut  déposé  dans  le  couvent  des  Garoumayê. 

VII.  —  JeAxN  [I"],  qui  était  le  syncelle  d' Athanase,  du  mo- 
nastère de  Goubba-barraya.  Abraham,  métropolitain  de  Nisibe, 
lui  imposa  les  mains.  Ce  patriarche,  surnommé  «  de  Sédra  », 
exerça  pendant  onze  ans.  Il  mourut  et  fut  déposé  dans  le  cou- 
vent de  Mar  Zoaras,  à  Amid,  le  14  de  kanoun  I",  de  l'an 
960  (déc.  648). 

VIII.  —  Théodore,  du  désert  de  Scété.  Il  fut  appelé  du  mo- 
nastère de  Qennéshrê.  Abraham,  métropolitain  d'Émèse,  lui 
imposa  les  mains.  Il  exerça  le  patriarcat  pendant  dix-huit  ans. 

IX.  —  Sévère,  surnommé  Bar-Mashqê,  du  monastère  de 
Phaghimta  ou  Saphylos.  Jean  Bar-'Ebrayata  {fils  de  la  Juive), 
métropoHtain  de  Tarse,  lui  imposa  les  mains.  Il  y  eut  une 
querelle  entre  lui  et  les  évoques.  Il  exerça  douze  ans. 

X.  —  Athanase  [II],  du  grand  couvent  de  Beit-Alalkè.  Le 
synode  était  réuni  dans  le  couvent  de  Saphylos,  de  Rish'ayna. 
Hanania,  évêque  de  Marda  et  de  Kaphartouta,  lui  imposa  les 
mains.  Il  exerça  trois  ans. 

XI.  —  Julien  [II],  du  couvent  de  Qennéshrê;  au  mois  de 
teshrill  de  l'an  999  (nov.  687).  Athanase,  deSaroug,  lui  imposa 
les  mains,  dans  la  ville  d'Amid;  il  exerça  vingt  ans  et  mourut 
en  l'an  1019  (708). 

XII.  —  Elias,  du  couvent  de  Goubba-barraya.  Il  était  évêque 
d'Apamée.  Après  avoir  exercé  l'épiscppat  pendant  huit  ans,  il 


448  •  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

fut  élu  et  appelé  au  patriarcat  en  Tan  1020  (709);  il  exerça 
pendant  quinze  ans  et  mourut  le  3  de  teshri  P'"  (oct.),  étant  âgé 
de  82  ans.  Il  fut  déposé  dans  son  monastère. 

XIII.  —  Atiianase  [III],  du  monastère  de  Goubba-barraya  ; 
au  mois  de  nisan  de  l'an  1035  (avr.  724),  Il  était  supérieur  du 
monastère.  Il  fut  ordonné  dans  le  couvent  deQartamîn.  Théodose, 
évêque  de  Risli'ayna,  lui  imposa  les  mains.  Il  fit  l'union  avec 
les  Arméniens.  Il  exerça  quinze  ans  (1)  et  mourut  en  Tan  1055 
(744). 

XIV.  — Jean  [II],  qui  était  évêque  de  Harran.  Son  élection  se 
fit  par  le  sort,  par  l'intermédiaire  d'Athanase  Sandalaia,  qui  fit 
de  la  fraude,  à  ce  que  l'on  dit.  Il  exerça  [seize]  ans  (2).  Quand 
il  mourut,  il  fut  enseveli  dans  le  village  de  Badaya,  sur  les  rives 
de  l'Euphrate  (3). 

XV.  —  Athanase  [IV]  Sandalaia,  métropolitain  de  Mai- 
pherkat.  Il  fut  établi  par  l'ordre  d'Abou-Djaffar,  prince  des 
Arabes,  et  non  par  [la  volonté]  de  Dieu;  s'étant  rendu  à  Harran, 
il  y  fut  étranglé. 

XVI.  —  Georges.  Quand  ce  bienheureux  fut  élu,  il  n'était 
encore  que  diacre.  Son  ordination  eut  lieu  à  Maboug,  dans  un 
concile  universel.  Ensuite,  des  hommes  iniques  :  Jean  de  Calli- 
nice  et  David  de  Dara,  s'élevèrent  contre  lui.  Le  bienheureux 
fut  emprisonné  à  Bagdad,  pendant  neuf  ans,  et  ces  deux 
[hommes]  prévalurent  jusqu'à  la  mort  d'Abou-Djaffar,  prince 
des  Arabes.  Alors  le  patriarche  sortit  de  prison,  et  exerça  sa 
charge  jusqu'à  sa  mort.  Depuis  son  ordination  jusqu'à  sa  mort 
il  s'écoula  trente  ans.  Son  saint  corps  fut  inhumé  et  déposé 
dans  le  couvent  de  Mar  Bar-Çauma. 

A  partir  d'ici  et  désormais,  nous  écrivons  sous  chacun  des 
patriarches  les  noms  des  évéques  qui  ont  été  ordonnés  de 
son  temps. 

XVII.  —  Cyriacus,  en  l'an  1104,  le  8  du  mois  d'ab  (août  793). 
L'ordination  de  Mar  Cyriacus,  du  monastère  du  Pilier,  à  Calli- 

(1)  Cette  donnée  est  en  désaccord  avec  les  dates. 

(2)  D'après  Bar-Hébreiis;  le  chiffre  manque  dans  notre  ms. 

(3)  A  sa  mort,  un  certain  Isaac  fut  élu  sur  l'ordre  du  Calife.  Il  est  mentionné 
comme  illégitime  par  Bar-Hébreus,  de  même  que  Sandalaia. 


LES    ÉVÊQUES   JACOBITES    DU    VIIl"   AU   XIIl"    SIÈCLE.  449 

nice,  se  fit  dans  la  ville  cleHarran.  Théodose,  évêque  de  Balbek, 
lui  imposa  les  mains.  —  Il  ordonna  évoques  : 


1.  SnARiîii,,  fut  fait  i  Maplirian  (1)  »  de  Tagrit. 

2.  Philoxène,  évoque  de  Goui'M'an. 

3.  Melkizédec,  évêque  de  Reçaplia,  dans  le  village  de  Haziou. 

4.  CoNSTANTiNUS,  évêque  de  Dolik,  dans  le  village  de  Tell'adda. 

5.  Thomas,  métropolitain  de  Dara;  il  fut  appelé  du  monastère  de  Qoubba. 

6.  Hanania,  du  couvent  de  Callinicc,  pour  Mardin  et  Kephar-Touta  (2). 

7.  Thomas,  du  couvent  de  Qartamîn,  pour  le  Tour'abdin  ;  [il  fut  ordonné] 
dans  le  couvent  du  Pilier. 

8.  Jean,  évêque  de  Maipherkath,  dans  le  village  de  Sahratha,  dans  la  con- 
trée de  Yada'  (3). 

9.  Jean,  évêque  delà  ville  des  Arabes  (4),  dans  le  monastère  du  Pilier. 

10.  Paul,  évoque  d'Aphrah,  ville  du  Koraçan,  à  Kadia,  village  de  la  ré- 
gion de  Harran. 

11.  Cyriacus,  évêque  pour  le  peuple  des  Carmaniens  (5),  dans  la  ville 
d'Édesse. 

12.  David,  du  couvent  de  Qartamîn,  évêque  de  Nisibe,  cà  Edesse. 

13.  Basile,  pour  Edesse,  dans  le  couvent  d'Aphtonia. 

14.  Habib,  métropolitain  d'Apamée,  dans  la  ville  de  Damas. 

15.  Anastase,  évêque  de  Téla  de  Mauzelat,  à  Dàra,  dans  la  région  de 
Sham. 

16.  Basile,  évoque  de  Callinice,  dans  cette  ville. 

17.  Jacques,  évêque  de  Circesium,  dans  le  monastère  de  Zakai. 

18.  Athanase,  métropolitain  de  Tarse,  dans  la  ville  de  Harran. 

19.  Théodose,  évêque  de  Callinice,  dans  la  ville  de  Harran. 

.  20.  Gabriel,  évêque  de  Rish-képha,  à  Mériba,  village  de  Harran. 

21.  Je.vn,  évêque  pour  la  nation  des  Carmaniens  (5),  à  Kephar-Hân,  vil- 
.  âge  de  la  région  de  Rishkêpha. 

22.  Athanase,  évêque  de  la  ville  de  Qalilqala,  en  Arménie. 

23.  Jean,  évêque  de  Kélath,  ville  d'Arménie,  à  Callinice. 

24.  Saba,  évêque   de  la  ville  d'Arzoun,  dans  le  couvent  du  Pilier,  au 
mois  de  juin  (6).  . 


(1)  Il  y  a  dans  le  ms.  EpUrùnîsà,  qu'il  faut  pout-ètro  rattacher  au  grec  iraboçCù, 
"  féconder  ».  En  syriaque  :  Maphrian,  «  fécondateur  »,  était  le  titre  des  primats 
(le  Tagrit.  L'arabe  traduit  ici  par  :  WakU,  ■<  vicaire  »,  «  procurateur  ». 

(2)  On  croit  que  c'est  cet  Hanania  qui  bâtit  le  couvent.  (Note  marginale  du  ms.) 
—  Je  pense  qu'il  s'agit  du  couvent  de  Deir  ez-Zafaràn,  près  de  IMardin. 

(o)  Arabe  :  ■<  dans  la  région  de  Harran  ». 

(4)  Littéralement  :  «  des  Nations  ». 

(5)  Ainsi  d'après  la  version  arabe;  le  syriaque  porte  ■-  des  Qadmanayê  ». 

(6)  On  s'attendrait,  par  analogie  avec  les  formules  précédentes,  à  trouver  ici 
un  nom  de  lieu  ;  mais  l'absence  d'un  qualificatif,  tel  que  :  ville  ou  village,  ne  per- 
met guère  de  traduire  autrement  que  nous  l'avons  fait.  Comparez  le  n"  27. 

ORIENT  CHRÉTIEN.  31 


450  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

25.  Lazare,  du  couvent  de  Qartamîn,  évêque  de  Nisibe,  dans  le  monas- 
tère du  Pilier. 

26.  SiMÉON,  du  couvent  de  Mar  Jacques,  évêque  de  la  ville  de  Tadmor. 

27.  Job,  évêque  de  Mopsueste,  ville  de  Cyros  (1),  au  mois  de  février;  il 
fut  aussi  déposé  au  mois  de  février  (2). 

28.  TiMOTHÉE,  métropolitain  de  Jérusalem,  dans  le  couvent  de  Mar  Jac- 
ques, de  Cyrrhus. 

29.  David,  évêque  pour  les  Taglibites  de  Gozarte  et  de  Mossoul,  dans  le 
village  de  Daqla  (3),  siège  [épiscopal]  des  Taglibites. 

30.  Matthieu,  évêque  de  Tela  de  Mauzelat,  dans  le  (4) de  Saroug. 

31.  DoMLM's  (5).  évêque  de  Saroug,  au  village  de  Mashara,  en  cette  région. 

32.  Philoxène,  évêque  de  Nisibe. 

33.  Daniel,  évêque  de  la  ville  de  Samosate,  dans  la  ville  de  Harran. 

34.  Jean,  du  couvent  de  Bir-Qoum,  métropolitain  d'Emèse. 

35.  Jacques,  évêque  du  pays  de  Dîrig  (?). 

36.  Cyrille,  évêque  de  la  ville  d'Arsamosate,  à  Kaphara. 

37.  Gabriel,  du  couvent  de  Mar  Salomon,  métropolitain  de  Tarse. 

38.  Anastase,  du  monastère  de  Mar  Shila,  évêque  de  Rish-Képha. 

39.  Elias,  évêque  de  laville  de  Hadeth,danslecouventdu  Pilier,  à  Callinice. 

40.  Elisée,  évêque  pour  Karma  et  les  Haçaçinites,  à  Tagrit. 

41.  Jean,  évêque  de  Sharzoul,  à  Tagrit. 

42.  SiMÉON,  métropolitain  de  Tagrit. 

43.  Georges,  du  couvent  des  Arabes,  évêque  de  la  ville  d'Adarath. 

44.  Sergius,  du  couvent  de  Qartamîn,  évêque  du  Tour'abdin. 

45.  Othm,\n,  évêque  pour  le  peuple  des  Taglibites  qui  est  à  Gozarte. 

46.  Ignace,  du  couvent  Natapha,  évêque  d'Anâzarbon. 

47.  Je.4n,  métropolitain  d'Emése,  du  couvent  de  Bir-Qoum  (6). 

48.  Arabi,.  du  couvent  de  Shéna,  évêque  de  Théodosiopolis-Rish'ayna. 

49.  Salomon,  métropolitain  de  Cyrrhus,  du  monastère  de  Mar  Jacques. 

50.  Maqim,  évêque  de  Circesium,  du  couvent  de  Télal  (7). 

51.  Habib,  évêque  de  la  région  de  Djaulan  (8),  du  monastère  de  Sarmîn. 

52.  Denys,  évêque  de  Téla,  de  Beit  Mar  Thomas. 

53.  SiMÉON,  évêque  d'Arabie,  du  couvent  de  Mar  Zakai. 

54.  Théodose,  évêque  de  Samosate,  du  monastère  des  Orientaux. 

55.  Théodore,  év.  de  Kaisoum,  du  couvent  de  Mar  Jacques  de  Kaisoum. 


(1)  Il  y  a  ici  une  faute;  Cyros  est  pour  Cilicie,  ou  plus  probablement  le  mot 
Cyrrhus  de  la  ligne  suivante  copié  par  erreur.  La  version  arabe  dit  simplement  : 
«  évêque  de  la  ville  de  Mopsueste  ». 

(2)  Comparez  la  note  du  n»  24. 

(3)  Version  arabe  :  Nakleh.  —  Probablement  Beit  Déqlè. 

(4)  Le  syriaque  et  l'arabe  disent  :  «  en  Phiman  de  Saroug  ».  J'ignore  le  sens  de 
ce  mot,  de  même  que  s'il  est  un  nom  propre  de  lieu. 

(5)  Ou  Damianus,  le  manuscrit  n'étant  pas  vocalisé. 

(6)  Paraît  être  une  répétition  du  n"  34. 

(7)  Peut-être  Tell-Zéla. 

(8)  D'après  l'arabe. 


LES    ÉVÉQUES   .IAC013ITES    DU    VIIl"    AU    XIll''    SIÈCLE.  401 

56.  Lazare,  ôvèque  de  Gishra  (1),  du  monastère  de  Mar  Abhai  (2). 

57.  Jean,  du  monastère  de  Mar  Antoine;,  métroj)olitain  d'Amid. 

58.  SiMÉoN,  du  couvent  d'Abîn  (?),  métropolitain  de  Ueçapha. 

59.  Théodose,  du  couvent  de  Qennéshrè,  métro])olitain  d'Edesse. 

60.  Pierre,  du  couvent  de  Mar  Jean  de  Dara,  évoque  d'Arzoun. 

61.  SEROius,du  monastère  de  Pcsilta,  évêque  de  Halbek. 

62.  Daniel,  du  monastère  des  Arabes,  évéque  d'AIep. 

63.  Jacques,  du  monastère  de  Mar  Joseph,  évéque  du  village  de  Ourima, 

64.  Georges,  évoque  de  la  ville  d'Arsamosate. 

65.  TuiÈRE,  du  monastère  de  la  Croix,  évoque  d'Aphrah  dans  le  Koracan, 

66.  Basile,  du  monastère  de  Phinehés,  métropolitain  de  Maipherkath. 

67.  Jean,  du  grand  monastère  de  Hesmî  (3);  évéque  delà  ville  deQardou. 

68.  Gauri,  évêque  de  la  ville  de  Harran.  —  11  abdiqua  ensuite. 

69.  Gabriel,  du  monastère  de  Mar  Shila,  évêque  de  la  Grande  Arménie. 

70.  Habib,  métropolitain  de  la  ville  de  Tarse. 

71.  ÉvAGRius,  étranger  (4),  évêque  de  Arde'at  de  Bithynie  (5)  (?). 

72.  IsAAC,  évêque  de  la  ville  de  Tibériade  et  Adjoumia  (?). 

73.  Jean,  du  monastère  de  Qarqaphta,  évéque  de  la  ville  de  Téla. 

74.  MÉTHODius,  du  monastère  de  Mar  Antonios,  évêque  de  Tell-Beshmê, 

75.  Georges,  du  monastère  de  Mar  Phineliès,  métrop.  de  Maipherkat. 

76.  Basile,  du  monastère  de  Sergius,  métropolitain  de  Tagrit. 

77.  Adai,  du  monastère  de  Mar  Zoaras  de  Saroug,  évêque  de  Karma. 

78.  EzÉCHiEL,  du  monastère  de  Qartamin,  évêque  du  Tour'abdin. 

79.  Gabriel,  du  couvent  de  Qartamin,  évêque  d'Arménie. 

80.  Ignace,  du  monastère  de  Mar  Hanania,  évêque  de  Mardin  et  de  Ke- 
phar-Touta. 

81.  Georges,  du  monastère  de  Qartamin,  évêque  de  Harran. 

82.  Thomas,  ducouventde  Mar  Jacquesde Kaisoum,  évèquede Rish-Képha 

83.  Jean,  évoque  de  Balesh,  de  Reçapha,  du  couvent  de  Hanania,  qu 
est  dans  cette  région  (6). 

84.  David,  du  couvent  de  Mar  Joseph,  évêque  de  Garyphos  (7). 

85.  Théophile,  du  monastère  d'Elisée,  évêque  de  Zaubatara  (8). 

Mar  Cyriaque  exerça  le  patriarcat  vingt-quatre  ans,  et  il  mou- 
rufà  Mossoul,  en  l'an  1128  des  Grecs  (817).  —  Que  ses  prières 
et  celles  de  ceux  qu'il  a  ordonnés  soient  avec  nous.  Amen. 

(1)  Dans  la  version  arabe  :  «  de  Singar  ». 

(2)  D'après  l'arabe;  le  nom  manque  dans  le  syriaque. 

(3)  Lecture  confirmée  par  l'aralje. 

(4)  Xénaias  (?). 

(5)  L'arabe  donne  dr^ah-l-bimvnilh. 

(6)  Cette  lecture  est  confirmée  par  la  version  arabe. 

(7)  Arabe  :  Garybos.  —  Djerabis  (?). 

(8)  Leçon  confirmée  par  l'arabe.  Ms.  s\-r.  :  Zauphatara. 

{A  suivre.) 


MÉLANGES 


LE  CULTE  DE  SAIM  JULIEN  DU  MANS 
DANS  L'ÉGLISE  RUSSE 


On  n'a  peut-être  pas  oublié  la  note  insérée  clans  le  fascicule 
du  premier  trimestre  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien  de  cette 
année  sur  la  présence  d'un  évèque  de  France  dans  le  calendrier 
de  rÉglise  gréco-slave.  Le  fait  ayant  causé  quelque  surprise 
malgré  les  raisons  qui  en  ont  été  données,  il  sera  utile  de  re 
cueillir  le  témoignage  d'un  professeur  de  l'Académie  ecclésias- 
tique russe  orthodoxe  et  de  confirmer  les  preuves  de  l'identité 
de  Kenomani  avec  notre  ville  du  Mans{\).  Voici  ce  que  le  pro- 
fesseur en  question  fait  savoir  à  M.  Bryckzynski,  savant  polo- 
nais qui  l'avait  interrogé  sur  ce  point,  à  la  date  du  9  jan- 
vier 1899  :  «  Saint  Julien  de  Kenomani  reçoit  dans  l'Église 
russe  orthodoxe  un  culte  spécial  comme  patron  des  enfants. 
Sa  fête  s'observe  le  13  juillet.  C'est  le  même  saint  qui  se  trouve 
dans  l'Église  catholique  comme  évêque  de  Cenomani,  aujour- 
d'hui le  Mans.  »  Ainsi,  le  pouvoir  ecclésiastique  russe  reconnaît 
l'identité,  qui  nous  a  été  révélée  par  les  découvertes  artistiques 
de  M.  le  chanoine  Didiot;  ceci  est  d'une  grande  importance, 
car  de  l'Académie  ecclésiastique  officielle  sortent  tous  les  mem- 

(1)  Voir   Revue  historique  et  archéologique  du  Maine,  180'.>,  2«  triai.,  p.  100156; 
o"  trim.,  p.  63-68. 


454  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

bres  du  haut  clergé  impérial  de  Russie,  et  il  s'agit  ici  d'une 
tradition  religieuse  qui  leur  est  particulière.  De  plus  la  corré- 
lation qui  existe  entre  la  vie  de  saint  Julien,  écrite  en  russe 
pour  le  peuple,  et  la  légende,  est  trop  frappante  pourlaisser  sub- 
sister aucun  doute;  de  part  et  d'autre  on  retrouve  les  mêmes 
faits,  les  mêmes  miracles,  il  y  a  unité  parfaite  de  récit.  Les  Me- 
nées russes  de  saint  Dmitri,  archevêque  de  Rostov  et  de  Jaros- 
lav (1665-1709),  donnent  une  Vie  de  saint  Julien  qui  confirme 
absolument  l'identification  établie  d'ailleurs,  comme  on  peut 
s'en  rendre  compte  dans  la,  Semaine  religieuse  du  Mans,  qui 
en  publie  une  traduction  française. 

La  fête  du  13  juillet  est  indiquée  de  cette  manière  dans  VAnnus 
ecclesiasticus  grœco-slavicus,  publié  parle  docte  Père  Martinov, 
jésuite  russe  :  «  Memoria...  S.  Juliani,  episcopi  cenomanen- 
sis  »  (I).  On  ne  saurait  douter  aujourd'hui  qu'il  s'agisse  du 
premier  évêque  du  Mans,  honoré  d'un  culte  officiel  en  Russie. 
Sans  doute  plusieurs  questions  secondaires  peuvent  être  posées 
à  ce  sujet,  mais  le  fait  de  l'identité  parait  acquis,  et  il  ne  s'agit 
plus  que  d'expliquer  la  présence  de  notre  saint  dans  l'église 
gréco-slave,  d'en  faire  l'histoire  et  d'en  tirer  les  conséquences. 

D.  Paul  Renaudin. 

(1)  Acta  Sanctoriim  Bolland.,  Octob.,  t.  XI,  p.  176. 


BIBLIOGRAPHIE 


Vida  do  abba  Daniel  do  mosteiro  de  Sceté,  —  Versào  elhiopica  pu- 
blicnda  por  Lazarus  Goldschmidt  e  F.  M.  Esteves  Pereira,  S.  G.  G.  L. 
Lisbonne,  Impr.  nationale,  1897,  in-8;  x.\ii-58  p. 

Cette  version  éthiopienne  fut  faite  vers  le  xin«  siècle  sur  un  texte 
arabe  qui  n'est  pas  encore  connu.  Elle  est  publiée  d'après  un  manuscrit 
du  xiV-xv^  siècle.  Ce  n'est  pas  à  proprement  parler  une  vie  de 
l'abbé  Daniel,  car  les  détails  biographiques  que  l'on  y  trouve  sont  loin 
de  former  la  plus  grande  partie  de  l'ouvrage  ;  on  y  rencontre  plus  souvent 
le  récit  de  ses  voyages,  des  enseignements  qu'il  donnait  à  ses  moines  et  des 
sujets  d'édification  qu'il  signalait  à  ses  auditeurs.  Si  donc  nous  pouvions 
modifier  le  titre  choisi  par  M.  Pereira,  nous  laisserions  ce  mot  vie,  qui  a  un 
sens  trop  bien  déterminé  chez  nous,  et  le  remplacerions  par  un  ancien  terme 
peu  usité  maintenant,  mais  qui  exprime  bien  le  contenu  du  livre,  nous  pren- 
drions donc  comme  titre  :  «  Gestes  de  l'abbé  Daniel  >. 

Cette  publication  nous  donne  d'intéressants  détails  sur  le  supérieur  d'un 
monastère  de  la  célèbre  vallée  de  Scété  ou  de  Nitrie  et  sur  la  vie  des  moines 
(des  saints)  de  ces  solitudes  au  vi"  siècle. 

Le  désert  de  Scété  ou  de  Nitrie,  situé  à  l'ouest  du  Nil,  entre  Héliopolis  et 
la  Libye,  fut  le  berceau  de  la  vie  monastique  dans  la  Basse-Egypte  et  était 
au  ix"  siècle  aussi  célèbre  que  la  Thébaïde  (1).  Rufin,  prêtre  d'Aquilée, 
qui  parcourait  l'Egypte  avec  la  célèbre  Mélanie,  petite-fille  du  consul  Mar- 
cellus  (2),  pour  s'édifier  par  la  vue  et  l'entretien  des  anachorètes,  ne  manqua 
pas  l'an  372,  après  avoir  visité  la  Thébaïde,  de  parcourir  le  désert  de  Nitrie. 
Il  consigna  ses  souvenirs  de  voyage  dans  un  ouvrage  célèbre,  souvent  pu- 

(1)  Le  premier  qui  fonda  des  monastères  dans  la  vallée  de  Scété  ou  le  désert  de  Nitrie 
l'ut  saint  Ammon  «  dont  il  est  écrit  en  la  vie  de  saint-Antoine  que  ce  saint  vit  l'àme  partie 
dans  le  ciel  ».  Cf.  Saint  Rufin,  Histoire  de  saint  Ammon, abbé  et  fondateur  des  monastères 
des  solitaires  de  Nitrie,  t.  II,  p.  173-178  de  la  traduction  d'^Vrnauld  d'Andilly  {Les  Vies  des 
SS.  Pères,  Paris,  1668,  en  trois  volumes). 

(2)  Sa  vie  fut  racontée  parPallade  dans  son  Histoire  Lausiaque  ou  Paradis  des  Pères. 
Dans  la  traduction  d'Arnauld  d'Andilly,  Vies  des  SS.  Pères,  t.  II,  p.  304-311. 


456  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

blié  et  traduit,  qui  apour  titre  :  lUuslr.  virorum  elogia  ettestimonia  (1).  Il 
écrit  : 

«  Nous  vînmes  alors  en  Nitrie  qui  est  éloigné  d'Alexandrie  d'environ  qua- 
rante milles  et  pst  le  lieu  le  plus  célèbre  (Ventre  tous  les  monastères  de  VE- 
gypte...  Aussitôt  que  nous  approchâmes  et  qu'ils  reconnurent  que  c'étaient 
des  frères  étrangers,  soudain  comme  si  c'eût  été  un  essaim  d'abeilles,  ils 
sortirent  tous  de  leurs  cellules,  et,  avec  une  extrême  gaieté^  vinrent  en 
courant  au-devant  de  nous...  (2).  » 

Plus  tard,  au  commencement  du  v°  siècle,  Pallade,  qui  avait  été 
solitaire  au  désert  de  Nitrie  en  388,  écrivit  son  Histoire  Lausiaque  (3)  dans 
laquelle  il  consigna  aussi  les  vertus  des  anachorètes  de  ces  régions  (4). 

«  Ayant  demeuré  durant  trois  ans  dans  les  monastères  qui  sont  aux 
environs  d'Alexandrie,  et  y  ayant  conversé  avec  plusieurs  grands  et  saints 
personnages  ornés  de  toutes  sortes  de  vertus,  et  qui  ne  sont  guère  moins 
en  nombre  que  deux  mille,  j'allai  de  là  sur  la  montagne  de  Nitrie,  entre 
laquelle  et  la  ville  d'Alexandrie,  il  y  a  un  lac  nommé  Marie  (Maréotis)  qui 
a  soixante  et  dix  milles  de  circuit.  L'ayant  traversé  en  un  jour  et  demi, 
j'arrivai  en  cette  partie  de  la  montagne  qui  regarde  le  midi.  Il  xj  a  là  un 
grand  désert  qui  s'étend  jusqu'à  l'Ethiopie  et  la  Mauritanie.  Il  est  habité 
d'environ  cinq  mille  hommes  qui  servent  Dieu  et  y  vivent  en  diverses  ma- 
nières selon  ce  que  chacun  d'eux  le  peut  supporter  ou  le  désire...  Ils  tra- 
vaillent tous  de  leurs  mains,  et  font  des  robes  de  lin.  Aussi  ils  n'ont  point 
de  nécessité,  et  environ  l'heure  de  none,  il  est  permis  à  chacun  de  s'appro- 
cher des  monastères  et  d'écouter  les  Hymnes  et  les  Cantiques  que  l'on  chante 
à  Jésus-Christ,  et  les  prières  qu'on  lui  adresse  avec  tant  de  ferveur  et  de 
piété  qu'il  y  en  a  qui  s'imaginent,  en  les  entendant,  que  leur  esprit  est 
élevé  dans  le  ciel  et  qu'ils  sont  dans  un  paradis  de  délices...  (5).  » 

Vinrent  ensuite,  au  v"  siècle,  les  luttes  entre  monophysites  et  ortho- 
doxes qui  firent,  semble-t-il,  oublier  les  mortifications  des  ermites,  car 
il  en  est  si  peu  question  que  l'on  se  demande  si  les  Pacôme  et  les  Antoine 
eurent  des  successeurs.  —  Ils  en  eurent,  la  publication  de  M.  Pereira  nous 
l'apprend,  et  il  est  bien  difficile  de  dire  s"ils  furent  monophysites  ou  ortho- 

(1)  Cf.  Migne,  Patrologie  latine,  t.  LXXIII,  col  707  etc. 

(2)  Les  vies  des  Saints  Pères  des  dése7-ts...  traduites  par  Arnauld  d'Andilly, Paris,  1CC8,  t.  II, 
p.  145-140. 

(3)  CLyi'isne,  Patrologie  latine,  l.LWllï,  col. -1065  etc.  —  Dans  ce  désertde  Nitrie  se  trouve 
le  monastère  de  Notre-Dame  des  Syriens,  qui  possédait  une  belle  bibliotlièque  fondée 
au  x^  siècle  et  renfermant  des  manuscrits  du  v"  siècle.  Une  partie  de  cette  bibliothèque 
fut  aciietée  par  Assémani  et  se  trouve  au  Vatican.  Le  reste  fut  vendu  au  British 
Muséum  de  Londres  par  un  Grec,  nommé  Pacho,  qui  parvint  à  s'en  emparer.  Les  manus- 
crits du  pseudo  Denys  de  Tellmaliré,  des  martyres  de  saint  Pierre  et  saint  Paul  et 
saint  Luc  et  des  Plérophories  dont  les  lecteurs  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien  ont  lu  les 
analyses  ou  les  traductions  proviennent  de  cette  biidiotlièque. 

(4)  Voir  en  particulier  Migne,  loco  citato,  col.  1174,  cliap.  lxix. 

(5)  Traduction  d'.Vrnauld  d'Andilly,  t.  II,  p.  -217-210. 


niHLIOGRAriIIK.  -157 

doxcs,  car,  presque  toujours,  hnir  ;iscétismc  seul  est  mis  en  évidence  et 
l'Église  Romaine  peut  les  rcvcn(li(iuer  pour  ses  enfants,  pour  les  dignes  suc- 
cesseurs des  anachorètes  égyptiens  du  iv«  siècle.  C'est  de  ce  point  de  vue 
surtout  que  la  publication  de  M.  Pereira  est  intéressante.  Elle  est  un  cha- 
pitre ajouté  aux  Vies  des  hommes  illustres  de  Rufîn  et  kV Histoire  Lausiaque 
{on  Paradis  des  Pères)  de  Pallade. 

Il  est  regrettable  que  ces  détails  sur  les  moines  de  Scété  au  vi"  siècle 
ne  nous  soient  connus  que  par  une  traduction  d'une  traduction  (et  nous 
ne  savons  même  pas  encore  si  l'arabe  sur  lequel  fut  traduit  l'éthiopien  a 
été  traduit  sur  letcx  te  original) .  Nous  nous  proposons  de  combler  cette  lacune, 
en  publiant  dès  le  prochain  numéro  de  la  Revue  de  l Orient  Chrétien  le  texte 
grec  original  des  courtes  anecdotes  qui  constituent  «  les  gestes  de  Daniel  », 
et  en  leur  ajoutant  quelques  fragments  d'une  traduction  syriaque  dont  le 
manuscrit  seul  est  antérieur  à  la  traduction  éthiopienne  publiée  par  M.  Pe- 
reira. Nous  comparerons  nos  textes  à  la  vie  copte  àe  Daniel  dont  M.  Zoaga 
a  donné  de  nombreux  extraits.  On  connaîtra  alors  sous  ses  diverses  formes 
grecque,  copte,  syriaque,  éthiopienne  et  même  arabe,  avec  ses  modifi- 
cations ,  interpolations  ou  suppressions,  cette  courte  mais  curieuse  mono- 
graphie qui  semble  avoir  eu,  en  Orient,  les  succès  que  les  Vies  de  Pacôme 
et  d'Antoine  trouvèrent  en  Occident. 

Léon  Clugnet.  F.  Nau. 


Étude  sur  le  cénobitisme  pakhomien  pendant  le  l'V'^  siècle  et  la 
première  moitié  du  'V",  par  M.  l'Abbé  Paulin  Ladeuze,  Paris,  Fonte- 
moing,  1898,  in-8°,  x-390  pp. 

L'histoire  complète  des  origines  du  monachisme  est  encore  à  faire.  Un 
sujet  aussi  vaste  et  aussi  difficile  ne  saurait  être  l'œuvre  d'un  seul,  et  l'on 
doit  s'attendre  à  ne  voir  ce  passé  revivre  que  par  fragments  successifs.  Les 
documents  nouveaux  joints  à  ceux  déjà  connus  et  appréciés  selon  les  lu- 
mières de  la  vraie  critique  permettront  de  donner  à  ces  grandes  figures  des 
premiers  moines  leur  véritable  relief.  Pour  ce  qui  regarde  l'Egypte  où  l'ordre 
monastique  a  occupé  la  place  que  l'on  sait,  il  faut  tenir  compte  des  textes 
coptes  ;  jusqu'ici  on  les  avait  négligés  bien  à  tort.  Cette  littérature  toute  chré- 
tienne n'était  guère  connue  ;  on  apprenait  le  copte  comme  un  préambule  à 
l'interprétation  des  hiéroglyphes,  mais  bien  restreint  était  le  nombre  de 
ceux  qui  s'adonnaient  à  l'étude  d'une  langue  encore  usitée  de  nos  jours  dans 
la  liturgie,  et  dans  laquelle  sont  écrites  des  œuvres  nombreuses  disper- 
sées dans  plusieurs  bibliothèques  d'Europe  bu  enfouies  dans  les  monas- 
tères schismatiques  de  l'Egypte  contemporaine.  Jusqu'à  présent  la  Vie  de 


458  REVUE    DE    L'ORIEÎiîT    CHRÉTIEN. 

saint  Pakhôme,  le  fondateur  du  cénobitisme,  n'était  connue  que  par  les 
textes  grecs  ou  leurs  traductions  latines.  M.  Amélineau,  professeur  à  l'É- 
cole des  Hautes-Études,  a  publié  récemment  des  manuscrits  coptes  et 
arabes,  sur  lesquels  il  s'appuie  pour  faire  une  histoire  du  monachisme 
égyptien  en  rapport  avec  des  idées  préconçues  et  hostiles  à  l'Église  ca- 
tholique; il  interprète  à  sa  manière,  il. généralise  des  faits  particuliers 
et  en  exagère  la  portée,  et  dans  l'absence  de  renseignements,  il  affirme 
parfois  trop  vite.  Griitzmacher  a  adopté  ses  conclusions.  La  vraie  science 
n'avait  donc  pas  dit  son  mot;  M.  l'abbé  Ladeuze,  professeur  à  l'université 
catholique  de  Louvain,  vient  de  combler  ce  desideratum,  dans  un  travail 
digne  d'éloges.  Pour  la  période  qu'il  embrasse,  depuis  la  conversion  de 
Constantin  jusqu'au  concile  de  Chalcédoine,  l'exposé  du  cénobitisme  pa- 
khomien  est  présenté  de  la  manière  la  plus  complète  et  la  plus  solide.  Par- 
faitement renseigné  sur  les  sources  de  cette  histoire,  l'auteur  n"a  rien  né- 
gligé de  ce  qui  pouvait  mettre  dans  son  véritable  jour  la  physionomie  de 
Pakhôme  et  de  ses  disciples.  L'ouvrage  comprend  trois  parties  :  l'étude  des 
sources,  l'histoire  externe  du  cénobitisme  pakhomien,  les  règles  et  l'or- 
ganisation des  monastères  avec  un  appendice  sur  la  moralité  des  moines 
égyptiens,  si  fort  décriée  par  M.  Amélineau.  Ces  pages  témoignent  d'un 
jugement  sûr  et  d'un  savoir  approfondi. 

L'examen  des  diverses  Vies  de  saint  Pakhôme  a  conduit  M.  Ladeuze  à  des 
conclusions  diamétralement  opposées  à  celles  de  M.  Amélineau.  La  Vie 
grecque  est  l'originale;  l'autorité  de  cette  pièce  paraît  bien  établie,  tandis 
que  dans  les  versions  coptes  et  arabes  l'histoire  a  reçu  des  développements 
légendaires  considérables.  La  Vie  arabe  donnée  comme  la  plus  importante 
passe  en  dernier  lieu.  L'auteur  admet  avec  quelques  réserves  la  lettre 
de  l'évéque  Ammon,  les  lettres  et  discours  de  Pakhôme,  de  Théodore  et 
de  Horsiisi.  Les  sources  de  l'histoire  du  cénobitisme  sous  le  fameux  Sche- 
noudi  terminent  la  première  partie  du  travail.  La  transition  de  l'anacho- 
rétisme  à  la  vie  en  commun  y  est  nettement  tracée.  S.  Pakhôme,  d'après 
M.  Ladeuze,  ne  fut  jamais  moine  de  Sérapis,  et,  contrairement  à  ce  que 
pensent  Weingarten  et  Griitzmacher,  il  est  impossible  de  rattacher  le  cé- 
nobitisme pakhomien  à  une  institution  pa'ienne.  La  congrégation  de  saint 
Pakhôme  ne  comptait  pas  moins  de  cinq  mille  moines  au  commencement 
du  ys  siècle,  tandis  que  celle  de  Schenoudi  n'occupe  qu'une  place 
secondaire  dans  l'histoire.  Avec  l'impartialité  que  l'on  devrait  rencon- 
trer chez  tout  historien,  préoccupé  d'appuyer  son  œuvre  sur  une  criti- 
que sage  et  sans  parti  pris,  M.  Ladeuze  reconnaît  les  faiblesses  des  hom- 
mes, quand  il  y  a  lieu  ;  il  ne  voile  rien  de  certaines  difficultés,  moins 
sérieuses  qu'on  l'a  prétendu,  entre  le  clergé  et  les  moines,  dont  saint  Atha- 
nase  fut  l'ami  et  l'admirateur.  La  règle  de  saint  Pakhôme  ne  fut  pas  com- 
posée en  une  fois,  mais  elle  se  constitua  peu  à  peu  selon  les  circonstances. 


BIBLIOflRAPHIE.  459 

Écrite  d'abord  en  copte,  elle  fut  traduite  en  grec  pour  l'usage  des  céno- 
bites étrangers.  La  traduction  latine  de  saint  Jérôme  ne  donne  pas  toutes 
les  prescriptions  du  fondateur,  et  les  œuvres  de  Cassien  ne  sauraient  sup- 
pléer à  ce  qui  lui  manque,  car  on  se  demande  avec  raison  si  ce  dernier 
a  visité  la  Tbébaïde.  Le  tableau  du  monastère  est  complet  et  puisé  aux 
sources  originales.  Le  travail  de  M.  Ladeuze  est  une  œuvre  sérieuse  et 
d'ime  importance  considérable,  qui  témoigne  d'une  érudition  peu  commune 
et  d'une  rare  sagacité.  Le  distingué  professeur  a  traité  des  questions  jus- 
qu'ici fort  obscures,  avec  une  sûreté  de  critique  que  l'on  désirerait  trouver 
chex  plusieurs  savants.  L'étude  des  diverses  recensions  de  la  Vie  de  saint 
Pakhôme  a  exigé  une  enquête  minutieuse  afin  d'établir  l'ordre  et  la  dé- 
pendance mutuelle  des  rédactions  greque,  copte,  latine,  arabe  et  syriaque. 
Le  problème  était  compliqué;  il  nous  paraît  résolu  selon  l'exacte  vérité. 

Dom  Paul  Renaudln, 
bénédictin. 


Une  page  d'un  manuscrit  copte  intitulé  :  «  Les  mystères  des  let- 
tres grecques  »,  par  Ms""  Hebbelynck,  recteur  de  l'université  de  Louvain . 
(Extrait  des  Mélanges  Charles  de  Harlez.)  Leide,  Brill,  1898. 

Le  traité  contenu  dans  le  manuscrit  bien  connu  de  la  Bodléienne  d'Ox- 
ford, est  très  important  pour  l'étude  des  doctrines  religieuses  de  l'Egypte. 
Plusieurs  érudits  s'en  sont  occupés,  mais  jusqu'ici  aucun  n'avait  entrepris 
de  l'éditer.  M='  Hebbelynck  en  prépare  la  publication.  Ce  manuscrit, 
rangé  parmi  les  œuvres  gnostiques  plutôt  à  cause  de  sa  tendance  mystique 
que  des  idées  mêmes,  soulève  un  grand  nombre  de  questions  intéressan- 
tes. Un  de  ces  problèmes  concerne  les  théories  cosmogoniques  de  l'au- 
teur, dont  le  nom  est  l'Apa  Seba,  changé  par  un  copiste  malhabile  en 
celui  d'Atasios.  Seba  trouve  dans  l'explication  des  lettres  grecques  l'in- 
dication de  la  création,  de  la  providence,  de  la  rédemption,  etc.  M»''  Heb- 
belynck nous  donne  un  spécimen  de  ces  spéculations  mystiques  dans  la 
page  où  Seba  expose  le  symbolisme  de  la  lettre  delta;  l'auteur  y  voit  non 
seulement  l'image  de  la  Trinité,  mais  encore  celle  de  l'univers  créé , 
soutenu  et  gouverné  par  la  Trinité.  Nous  souhaitons  vivement  que  le  sa- 
vant recteur  de  Louvain  puisse  au  plus  tôt  terminer  l'édition  d'une  œuvre 
qui  sera  désormais  à  la  portée  d'un  plus  grand  nombre  de  travailleurs. 

D.  P.  R. 


460  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Miscellanea  di  storia  ecclesiastica  e  studi  aiisiliari.  I.  Gnostici 
socialisti.  —  L'unita  délia  chiesa  seconde  il  sapiente  persiano.  — 
Il  pane  di  domani  nel  paternoster  nazareo  e  copto.  II.  Patrologiae 
et  hagiographiae  copticae  spicilegium.  Didachè  coptica.  Roma, 
Pustet,  1898,  in-S";  19  et  23  pp. 

M.  TAbbé  Umberto  Benigni  a  commencé  une  série  de  dissertations  re- 
latives à  l'histoire  ecclésiastique  et  à  la  patrologie  orientales.  Les  deux 
premiers  fascicules  nous  font  désirer  prompte  continuation.  Après  les 
études  sur  un  rapprochement  très  fondé  entre  les  doctrines  des  gnostiques 
et  celles  de  nos  socialistes  contemporains,  et  sur  le  témoignage  du  perse 
Aphraat  en  faveur  de  la  primauté  du  pontife  romain,  l'auteur  explique 
le  sens  de  la  version  du  j)ater  copte  qui  dit  :  «  Donnez-nous  aujour- 
d'hui notre  pain  de  demain.  »  —  Le  second  fascicule  comprend  une  ver- 
sion nouvelle  de  la  Didachè,  que  M.  TAbbé  Benigni  a  eu  ki  bonne  fortune 
de  découvrir  dans  une  homélie  attribuée  à  Schenoudi.  Elle  ne  donne  pas 
tout  le  texte  de  Bryennios,  mais  elle  fournit  des  points  de  comparaison 
et  des  aperçus  intéressants. 

D.  P.  R. 


Un  apôtre  de  Tunion  des  Églises  au  XVII'*  siècle.  Saint  Josaphat 
et  l'Église  gréco-slave  en  Pologne  et  en  Russie,  par  le  Révéren- 
dissime  Père  Dom  Alphonse  Guépin,  abbé  de  Saint-Dominique  de  Silos. 
2'"e  édition,  2  vol.  in-S»;  xlvii-clvii-380-589.  Paris-Poitiers,  Oudin,  1898. 

Le  Révérendissime  Père  Dom  Guépin  a  rendu  im  véritable  service  en 
donnant  au  public  cette  nouvelle  édition  de  Thistoire  de  saint  Josaphat, 
qu'il  était  bien  difficile  de  trouver.  Dans  l'avant-propos  qu'il  a  mis  en  tête 
de  son  œuvre,  l'auteur  abandonne  les  conséquences  pessimistes  qu'il 
avait  tout  d'abord  tirées  de  la  vie  de  son  héros.  Les  événements,  qui  sem- 
blent montrer  une  marche  des  Eglises  orientales  vers  Rome,  font  naître 
des  espérances  légitimes.  L'abbé  de  Silos  les  expose  une  seconde  fois  à  la 
fin  du  chapitre  où  sont  racontées  les  épreuves  et  les  consolations  que  la 
Providence  a  ménagées  aux  Ruthènes  de  1866  à  1898. 

Ce  livre  ne  donne  pas  seulement  l'iiistoire  de  saint  Josaphat;  on  y  trouve 
l'histoire  du  peuple  Ruthène.  Ce  saint,  en  effet,  figure  au  nombre  de  ces 
personnages  extraordinaires  qui  résument  un  passé  et  préparent  un  ave- 
nir. 11  fut  un  centre  vers  lequel  convergèrent  la  plupart  de  ses  compa- 
triotes et  do  ses  contemporains. 

Les  Patriarches  de  Constantinople  avaient  entraîné  les  Ruthènes  dans  le 


lîIliLIOGUAr'HIE.  461 

schisme.  La  catholique  Pologne,  (jui  les  soumit  à  son  empire  au  nombre 
de  dix  à  douze  millions,  tenta  de  les  ramener  à  l'unité  romaine.  Ses  efforts 
restèrent  inutiles  justju'au  pontiticat  de  Cléuient  Ylll  et  au  règne  de  Sigis- 
mond  III.  L'union  de  Brzesc,  conclue  alors  (l.^j;")),  plaça- ce  peuple  sous 
l'autorité  du  Souverain  Pontife.  Quelques  membres  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  et  en  particulier  les  Pères  Skarga  et  Possevin,  contribuèrent  beau- 
coup à  la  préparation  de  cet  acte.  Malgré  son  importance,  l'union  de  Brze.sc 
n'avait  pas  anéanti  le  schisme.  Il  comptait  encore  des  adhérents  nombreux 
et  passionnés.  Il  fallait,  pour  en  avoir  raison ,  les  travaux  apostoliques 
d'un  saint  et  les  souffrances  d'un  martyr*. 

Ce  saint  et  ce  martyr  fut  Josaphat.  II  menait  la  vie  religieuse  dans  le 
monastère  basilien  de  la  Sainte  Trinité  de  Vilna,  lorsqu'un  Ruthène,  cal- 
viniste converti,  Jean  Rutski,  élève  des  Jésuites  de  Wurzbourg  et  du  col- 
lège grec  de  Rome,  vint  se  placer  sous  la  même  règle;  ces  deux  hommes 
se  complétaient  l'un  l'autre.  L'unité  qui  s'établit  bientôt  entre  eux,  accrut, 
en  les  unissant,  leur  action.  On  vit  se  former  et  se  développer  autour  d'eux 
un  noyau  qui  fut  le  point  de  départ  de  la  réforme  des  Basiliens  Ruthènes. 

Cette  réforme  était  iirgente.  La  haine  des  schismatiques  ne  put  arrêter 
•son  essor.  Il  lui  vint  de  nombreuses  adhésions.  De  nouveaux  monastères 
ne  tardèrent  pas  à  se  fonder. 

Josaphat,  ordonné  prêtre,  fut  appelé  à  remplir  les  fonctions  d'hégoumène 
et  d'archimandrite,  ce  qui  étendit  forcément  le  champ  de  son  action  ;  elle 
s'exerça  principalement  sur  les  moines.  Les  pages  que  Dom  Guépin  con- 
sacre à  cette  partie  de  l'histoire  de  son  héros  offrent  un  grand  intérêt.  Tous 
ceux  qui  à  un  titre  quelconque  s'occupent  de  la  restauration  des  anciens 
ordres  monastiques  de  l'Orient  feraient  bien  de  les  lire  et  de  les  méditer. 
Ils  verraient  comment  on  peut  rendre  la  vie  à  ces  corps  vénérables  sans 
leur  enlever  leur  physionomie  propre.  Saint  Josaphat,  dans  sa  réforme,  se 
montra  par-dessus  tout  l'homme  de  la  tradition;  il  le  fut  beaucoup  plus 
que  Rutski,  son  collaborateur. 

Cet  amour  de  la  tradition,  si  chère  aux  Orientaux,  caractérise  toute  la 
controverse  du  réformateur  basilien,  devenu  archevêque  de  Polock.  Tou- 
jours il  remonte  aux  sources,  au  berceau  des  Églises  ruthènes  et  orien- 
tales. Cela  lui  permet  de  montrer  dans  les  schismatiques  des  novateurs  et 
dans  les  défenseurs  de  l'union  les  disciples  fidèles  des  saints  Pères.  Il  n'y 
a  pas  d'autre  marché  à  suivre  en  Orient. 

L'abbé  de  Silos  sera  lu  avec  fruit  par  les  hommes  qui  travaillent  à  l'é- 
vangélisation  des  schismatiques  orientaux.  Puissent-ils  mettre  à  profit  les 
leçons  que  l'histoire  leur  donne  par  sa  plume  ! 

Ligugé. 

Dom  J.  M.  Besse. 


462  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Ehrard  (Albert).  —  Die  orientalische  Kirchenfrage  und  Œsterreichs  Beruf 
in  ihrer  Lœsung.  Wien  und  Stuttgart;  1899.  In-8o,  7G  p. 

Albin  (Célestin).  —  La  poésie  du  bréviaire.  Essai  d'Histoire  critique  et  lit- 
téraire. Tome  I  :  Les  Hymnes.  Lyon,  Vitte,  1899.  In-18,  xxxii-538  p. 

Wallis  budge  (E.  A).  —  Lady  Meux  Manuscript  n°  1.  The  Lives  of  Mabà' 
Seijôn  and  Gabra  Krestôs,  The  ethiopic  text  ivith  an  english  translation 
and  a  chapter  on  the  illustration  of  ethiopic  mss.  London,  \V.  Griggs, 
1898.  In-4°,  LX.\xin-144  +  65  p. 

Allard  (Paul).  —  Saint  Basile.  Paris,  Lecoffre,  1899.  In-12,  in-209  p. 
Broglie  (Le  duc  de).  —    Saint  Ambroise.  Paris,   Lecoffre,    1899.  In-12, 
202  p. 

Zaiin  (Th.).  —  Skizzen  ans  dem  Leben  der  alten  Kirche.  Zweite  Auflage. 
Erlangen  und  Leipzig,   1898.  ln-8°,  viii-392  p. 


SOMMAIRE  DES  RECUEILS  PERIODIQUES 

Échos  d^Orient. 

Juin-juillet  1999.  —  L.  Petit  :  Vie  et  ouvrages  de  Néophyte  le  Beclus.  — 
A  P.  Vidal  :  Aictour  du  lac  (suite).  —  M.  Théarvic  :  L'Église  bulgare.  — 
G.  Rousseau  :  Les  Historiens  et  la  Troisième  Croisade.  —  A.  Diavast  : 
U École  évangélique  de  Smyrne.  —  K.  Lecédoine  :  La    Vierge  de  Béthel. 

—  J.  Pargoire  :  Un  mol  sur  les  Acémètes.  —  S.   Pétridés,  C.  Exépi  : 
Chronique. 

Bessarione 

Mai-juin  1899.  —  Delprecetto  délia  caritàper  gli  Ebreie  per  i  Cristiani.  — 
De  S.  Josepho  viro  Mari»  cnntica  liturgica  Grçecorum,  auctore  Jo- 
sepho  Melodo.  —  Storia  e  scritti  di  S.  Pietra  d'Argo.  —  La  S.  Sede  e  la 
Naz  one  Armena.  —  Documenti  e  note  sulla  politica  orientale  dei  Papi. 

—  Documenta  relationum  inter  S.  Sedem  Apostolicam  et  Assyriorum 
Orientalium  seu  Chaldxorum  Ecclesiam. 


lîIP.LlOGRAPIIIE.  4G3 


Analecta  Bollandiana 


Vol.  XVIII,  fasc.  IL  —  Traité  dei^  miracles  de  S.  François  d'Assise  par 
le  B.  Thomas  de  Celano.  —  Bulletin  des  publications  hagiographiques. 
—  Quatluor  folia  sequentia  Catalogi  codicum  hagiographicorum  grxco- 
rum  bibliothecie  vaticanie. 


Le  Directeur-Gérant 
F.  Charmetant. 


Typographie  Firmin-Didot  et  G'^  —  Mesnil  (Eure). 


Librairie  ALPHONSE  PICARD    et  fils,  82,  rue  Bonaparte 


Barbet  de  Jouy  (H.).  Les  mosaïques  chrétiennes  des 
'  basiliques  et  des  églises  de  Rome,  décrites  et  expliquées. 

P.,  1857,  1  vol.  in-8  br.,  xxx-142  pages.  .  1  fr.  50 
Verneilh  (F.   de).  L'architecture  Byzantine  en  France.  P., 

1852,  1  vol.  in-4,  br.   (12  pi.),   316  p 15  fr. 

—  Des  influences  Byzantines  1855,  in-4  (4  pi.)   .   .     5  fr. 

—  Le  premier  des  monuments  Gothiques  (Basilique  de 
Saint-Denys,  collégiale  de   Poissy),  in-4,   br.    .    .     2  fr. 

Pierre  Dubois.  De  recuperatione  Terre  Sancte,  traité  de 
politique  générale  du  commencement  du  xiv^  siècle,  publ. 
par  Gh.-V.  Langlois  (fasc.  9), in-8  br.,  xxiv-144  p.     4  fr. 

Duchesne  (L'abbé  L.).  Les  premiers  temps  de  l'état  pon- 
tifical (754-1073.).  P.,   1898,  in-8,  224  pages   .   .     4  fr. 

Mélanges  de  littérature  et  d'histoire  religieuses, 

publiés  à  l'occasion  du  jubilé  épiscopal  de  M§'  Cabrière, 
évêque  de  Montpellier,  1874-1899,in-8br.,  v-571  p.     10  fr. 

Contenant  des  articles  de  MM.  l'abbé  Douais,  abbé  Jacquier,  Boissier, 
abbé  Batifîol,  Dom  Morin,  abbé  Duchesne,  baron  Desazars,  L. Roche,  Dom 
Cagin.  Père  Doussot,  Père  Denifle,  abbé  Poujol,  etc.,  etc. 

Bibliothèque  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Première 
partie  :  Bibliographie  par  les  PP.  de  Backer;  seconde 
partie  :  Histoire,  parle  P.  Garayon.  Nouvelle  édition,  par 
Garlos  Sommervogel,  S.  J.  Strasbourgeois,  publié  par  la 
province  de  Belgique,  1890-1898.  Tomes  I-VllI;  A.-Z  et 
supplément  Aage-Gasaletti,  8  vol.  in-4  à  2  col.   .     320  fr. 

Pisani  (L'abbé  P.).  La  Dalmatie  de  1797-1815,  épisode 
des  conquêtes  Napoléoniennes.  1892,  1  vol,  in-8  (xxxvi- 
490  p.),  héliog.,  10  cartes  en  coul 10  fr. 

Belin  (A.).  Histoire  de  la  latinité  de  Gonstantinople,  2^  édit. 
préparée  par  l'auteur,  revue,  augmentée  et  continuée 
jusqu'à  notre  temps  par  le  R.P.  Arsène  de  Ghatel,  ex-pro- 
vincial des  Gapucins  de  Paris,  ex-préfet  apostolique  de  la 
mission  de  Gonstantinople,  avec  deux  plans  et  des  gra- 
vures. 1894,  1  vol.  in-8  (547  p.),  pi.  et  gr.   .   .   .     10  fr. 


DOCUMENTS  RELATIFS  AUX  ÉGLISES  DE  L'ORIENT 

ET  A  LEURS  RAPPORTS  AVEC  ROME 
Par  A.  D'AVRIL 

3'^  édition,  in-S"  de  62  pages.  —  Paris,  CIIALLAMEL.  —  Prix  :  2  fr.  50 


LE   m:a.iiom:etism:b 

LE  GÉNIE  SÉMITIQUE  ET  LE  GÉNIE  ARIAN  DANS  L'ISLAM 
Par  CARRA  DE  VAUX 

In-12  de  232  pages.  —  Paris,  CHAMPION,  1898.  —  Prix  :  3  fr.  50 


BIBLTO&RÀPHIE 

DU 

CULTE  LOCAL  DE  LA  VIERGE  MARIE 

Par  Léon  CLUGNET 

i"""  Fascicule  (Province  ecclésiastique  d'Aix) 

In-S".  —  Paris,  Picard,  1899. 
Prix  :  6  fr. 

HYMNOGRAPHIE    POITEVINE 

Par  Dom  J.  PARISOT 

MOINE  BÉNÉDICTIN 

In-S"  de  30  pages.  —  LIGUGÉ,  aux  bureaux  du  "  Pays  Poitevin  ",  1898. 

LA 

LITTÉRATURE    CHRÉTIENNE 

DE  L'EGYPTE 

Par  Dom  Paul  RENAUDIN 

MOINE     BÉNÉDICTIN 

In-S"  de  30  pages.  —  Lyon,  VITTE,  1899. 


Typographie  Firmin-Didot  et  C'«.  —  Paris. 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


4*^  ANNÉE.  —  N°  4.  -  1899 


PARIS 
lib;rairie  Alphonse  picard  et  fils 

82,    RUE   BONAPARTE,    82 

1899 


SOMMAIRE 


Pages. 

I.  -    LES    REGLES    MONASTIQUES    ORIENTALES    ANTE- 

RIEURES   AU    CONCILE    DE    CHALCÉDOINE,    par 

Doiu  «P.  M.  Besse,  O.  ^.  B. 465 

II.  -  LES  ÉVÉQUES  JACOBITES  DU  Vll^au  XIII"  SIÈCLE, 

par  l'abl>é   J.-B.   Chabot  {sjiite) 495 

III.  —  RÉPERTOIRE  ALPÎIABÉTIQUE  DES  MONASTÈRES  DE 

PALESTINE,  par  le  B.  P.  S.  Vaille,  des  Augustins 

de  l'Assomption 512 

IV.  -  OPUSCULES    MARONITES.    —    Histoire     de    sévère, 

PATRIARCHE  d'Antioche,   par  il.  l'abbc  F.   IVaii, 
professeur  à  l'Institut  Catholique  (s«i7e) 543 

V.  —  VOYAGE   AU  PAYS  DES  NOSAIRIS,  par  le  B.  P.  H. 

Laminen!^,   S.  «I 572 

YI.     —  L'ORDINAL  COPTE,  parle  B.  P.  V.  F:rmoiii,  de   la 

congrégation  de  la  Mission  (5w?7e) 591 

VII.  —  NEUF  CHAPITRES  DU  «  SONGE  DU  VIEL  PELERIN  » 

DE  PHILIPPE  DE  MÉZIÈRES,  RELATIFS  A  L'ORIENT, 

par  11.  Ed.  Blocliet  (suite), 005 

VIII.  —  MÉLANGES.  —  Benoit  XIV   et  l'Église    Copte,   par 

Dom  P.  Benaiiclin,  O.  i».  B. 615 

JX.     —  BIBLIOGRAPHIE 626 


La  Bévue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel)  paraît  par  fascicules 
formant  chaque  année  un  volume  de  plus  de  500  pages  in-8o,  avec  des  textes 
en  langues  grecque,  slaves,  syriaque,  arabe,  arménienne,  copte,  etc.,  et 
des  planches.  '  * 


ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 
A  la  JL.1BIIAIRIE  Alphonse  PICARD, 

RUE    BONAPARTE,    82. 

Prix  de  l'abonnement  : 

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On  peut  se  procui-er  les  volumes  qui  Qg  sont  pas  épuisés  à  raison  de  10  fr.  le  vol. 


Les  comnuuiicalions  iclalives  à  la  rcdaclion  doivent  être  envoyées  au  Secrétariat  de 
la  Revue  de  r Orient  Chrétien,  rue  du  Ueyard,  20,  à  Paris. 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouviase  relatif  à  l'Orient,  dont  un  exemplaire  aura 
ele  adresse  a  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien,  ciiez  MM.  A.  PICARD  et  Fils,  libraires, 
rue  Bonaparte.  8-2,  à  Paris. 


LES  RÈGLES  MONASTIQUES  ORIENTALES 

ANTÉRIEURES  AU  CONCILE  DE  CHALCÉDOIXE 


Au  iV  siècle  comme  de  nos  jours,  la  vie  monastique  consis- 
tait dans  la  recherche  de  la  perfection  chrétienne. 

Les  moines  avaient  à  pratiquer  les  mêmes  vertus  que  les  fi- 
dèles restés  au  milieu  du  monde,  mais  avec  une  perfection 
beaucoup  plus  grande. 

L'observation  des  préceptes  suffit  à  ces  derniers,  tandis  que 
ceux-là  doivent  en  outre  suivre  les  conseils  évangéliques  (1). 

La  vie  religieuse  a  eu  beau  prendre  les  développements  les 
plus  extraordinaires,  les  préceptes  et  les  conseils  sont  restés 
son  fondement  inébranlable.  Il  en  sera  toujours  ainsi  malgré  les 
prescriptions  et  les  règlements  qui  seront  formulés  dans  la 
suite  des  âges  pour  répondre  aux  multiples  exigences  de  la  vie 
commune  et  des  buts  particuliers  que  poursuivront  les  divers 
groupes  monastiques.  Les  additions  qui  pourront  se  multi- 
plier à  l'infini,  ne  sauraient  constituer  l'essence  du  mona- 
chisme. 

Il  en  va  tout  autrement  de  la  pratique  des  vertus  chrétien- 
nes. Sans  elles,  point  de  vie  religieuse.  On  doit  les  trouver  par- 
tout et  toujours.  Or  ces  vertus,  qu'elles  soient  préceptes  ou  con- 
seils, ont  leur  formule  authentique  dans  l'Évangile.  Voilà 
pourquoi  ce  livre  sacré  fut  la  seule  règle  des  premiers  moines. 
Lorsque  les  saints  s'occupèrent  plus  tard  d'organiser  leur  vie 
ils  s'attachèrent  surtout  à  préciser  davantage  les  obligations  qui 
découlent  du  texte  sacré.  De  nos  jours  encore,  il  ne  faut  pas 

(1)  L.  AllaVms,  p7\e fado  ad  regularum  codicem,  citô  parBrockie,  Codex  regula- 
rum,  prœfat.,  C.  11.  Pat.  Lat.,  t.  CllI,  398.  Fleuiy,  Les  mœurs  des  chrétiens  éd 
1727,  318-320. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  32 


466  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

chercher  ailleurs  le  fondement  des  devoirs  que  le  monachisme 
impose,  quelles  qu'en  soient  du  reste  les  formes  acciden- 
telles (1). 

Comme  les  saints  Évangiles  font  partie  d'un  ensemble  ten- 
dant au  même  but  et  inspiré  par  le  même  Dieu,  l'Écriture 
sainte  tout  entière  devint  pour  les  moines  la  règle  véritable. 

Avec  leur  habitude  de  découvrir  dans  tous  les  passages  de  la 
Bible  un  sens  figuré,  il  leur  était  facile  de  trouver  partout  jus- 
que dans  les  sentences  et  les  épisodes  en  apparence  les  plus 
insignifiants  ou  un  précepte  ou  un  exemple  capables  de  les 
éclairer  sur  la  nature  et  l'étendue  de  leurs  obligations.  Cette  ma- 
nière de  voir  s'accordait  fort  bien  avec  leurs  idées  sur  les  ori- 
gines de  la  vie  religieuse.  Elle  avait  pour  fondateur  et  pour 
type  achevé  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  lui-même.  L'Église 
primitive  de  Jérusalem  leur  apparaissait  comme  le  premier  mo- 
nastère du  monde.  Les  passages  des  Actes  des  Apôtres  où  est 
exposé  le  genre  de  vie  que  menaient  ses  enfants  leur  faisaient 
connaître  dans  ses  lignes  principales  la  règle  suivie  alors.  Quel- 
ques saints  de  l'Ancien  Testament,  éclairés  par  l'Esprit  de  Dieu, 
avaient  connu  et  pratiqué  la  vie  religieuse.  Élie,  Elisée,  saint 
Jean-Baptiste  devenaient  ainsi  des  moines  et  les  modèles  des 
moines.  Leur  règle  était  contenue  dans  les  textes  scripturaires, 
qui  racontent  leur  vie  et  leurs  vertus  (2). 

Saint  Jérôme  se  conformait  aux  sentiments  de  ses  contempo- 
rains quand  il  proposait  à  la  vierge  Démétriade  les  prescrip- 
tions des  divines  Écritures  comme  le  point  fondamental  des 
observances  monastiques  (3),  et  lorsqu'il  conseillait  à  son  illus- 
tre ami  Paulin  de  Noie  de  choisir  pour  modèles  non  seulement 
les  Paul,  les  Antoine,  les  Julien,  les  Hilarion,  les  Macaire, 
mais  encore  Élie,  le  prince  des  moines,  Elisée,  qui  appartient 
également  aux  moines,  et  les  fils  des  prophètes,  qui  vivaient 
dans  les  champs  et  dans  la  solitude,  et  qui  bâtissaient  leurs  cel- 
lules sur  les  rives  du  Jourdain  (4). 

Telle  était  bien  aussi  la  pensée  de  saint  Antoine  le  Grand. 

(1)  VA.  Dom  Ambroiso  Kienle,  Kirclien  lexikon. 

(2)  Fleury,  317-318.  L'origine  évangéliquo  ou  scripturaire  du  monachisme  est 
(lu  domaine  de  la  tiiéologie  plutôt  que  de  l'histoire.  Aussi  n'en  dirons-nous  rien. 

(3)  St  Jérôme,  epist.  130,  n.  17.  Pat.  laL,  XXII,  1121. 
(4)/d.,epist.58. /62rf.,583. 


LES    RKflLES    .MOXASTKjUES    ORIKNTALHS.  467 

«  Nous  n'avons  besoin  pour  notre  rorniation  que  des  divines 
Écritures,  »  disait-il  à  ses  disciples  (Ij.  Des  les  premiers  temps 
il  se  persuada  que  le  prophète  Élie  était  le  type  achevé  de  la 
vie  ascétique.  Il  tenait  donc  sans  cesse  les  yeux  de  son  âme  fixés 
sur  cette  admirable  figure,  afin  d'y  contempler  comme  dans  un 
miroir  ce  que  devrait  être  sa  propre  existence  (2).  Plus  tard  il 
recommandait  aux  moines  que  sa  sagesse  et  sa  bonté  attiraient 
en  foule  autour  de  sa  cellule,  de  repasser  continuellement  dans 
leur  esprit  les  préceptes  de  l'Ecriture  et  de  conserver  la  mémoire 
des  actions  accomplies  par  les  saints  (3). 

D'après  saint  Basile,  qui  est  le  maître  le  plus  autorisé  de  la 
vie  monastique,  le  religieux  doit  prendre  pour  règle  de  toutes 
ses  actions  le  témoignage  des  Écritures,  et  non  le  jugement  de 
son  esprit  personnel.  C'est  l'unique  moyen  d'agir  constamment 
sous  l'influence  de  l'esprit  de  Dieu  (4).  Il  s'est  lui-même  con- 
formé à  ce  principe  toutes  les  fois  qu'il  a  tracé  aux  moines  une 
ligne  de  conduite.  Ses  règles  ne  sont,  suivant  la  remarque 
du  judicieux  Fleury,  «  qu'un  abrégé  de  la  morale  évangélique, 
qu'il  propose  généralement  à  tous  (5)  ». 

On  pourrait  en  dire  autant  de  presque  tous  les  législateurs 
monastiques  de  cette  période. 

Pallade  écrit  que  le  solitaire  Bisarion  avait  toujours  sur  lui  un 
exemplaire  des  saints  Évangiles.  Il  portait  ainsi  constamment 
le  texte  de  la  loi  qu'il  devait  exécuter  (6),  il  pouvait  examiner 
plus  aisément  les  actions  de  sa  vie  et  voir  si  elles  étaient  con- 
formes à  la  parole  du  Seigneur.  Le  fondateur  des  Acémètes, 
Alexandre,  ne  voulait  pas  non  plus  d'autre  règle  que  l'Évangile. 
Son  ambition  était  de  le  pratiquer  au  pied  de  la  lettre.  Quand 
il  partait  en  voyage  avec  ses  disciples,  ce  livre  sacré  était  la 
seule  chose  qu'il  consentît  à  emporter  (7), 

Mais  les  livres  saints  demandaient  à  être  lus  avec  beaucoup  de 
circonspection,  si  l'on  désirait  en  faire  la  règle  unique  du  moine. 
Combien  il  eût  été  facile  de  substituer  sa  propre  pensée  à  celle 

(1)  s.  Athanasii  I  "du  s.  Anlonii,  Ki.  Pal.  Gr.,  XXVI,  Gi;;. 
^  (2)  Ibid.,  I,  col.  (>34. 

(3)  Ibid.,  LY,  col.  022. 

(4)  S.  Bnfii\e,reguLv  brevluti  Iradnlx  intor.  1.  Pal.  Gr.,  XXXI,  l(j7:)-82. 

(5)  Floury,  318. 

(6)  Pallade,  Hisl.  laus.,  110.  Pal.  Gr.,  XXXIV,  1-J22. 

(7)  Act.  sanctorum,  ]Anuav.,t.  ],  l(i-Ji)-2!l. 


468  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

du  Sauveur,  et  de  fausser,  en  les  comprenant  mal,  en  les  exagé- 
rant ou  en  les  restreignant,  le  sens  de  ses  paroles.  Et  puis  tout 
le  monde  pouvait-il  imiter  la  vie  austère  d'un  saint  Jean-Bap- 
tiste? Peu  d'hommes  sauraient  en  effet  se  contenter  d'un  habit  de 
poils  de  chameau  pour  tout  vêtement,  de  quelques  herbes  ou 
feuilles  sauvages  pour  toute  nourriture. 

En  outre,  l'expérience  montre  chaque  jour  une  foule  de 
points  sur  lesquels  l'Écriture  garde  un  silence  profond.  Le 
moine  dès  lors  se  voit  dans  l'impossibilité  de  connaître  direc- 
tement la  volonté  de  Dieu,  dit  saint  Basile  (2). 

Toutes  les  fois  que  les  maximes  et  les  exemples  de  la  Bible 
sont  insuffisants,  remarque  Isidore  de  Péluse,  il  faut  prendre 
pour  règle  de  vie  et  type  de  sa  perfection  les  ordres  d'un  supé- 
rieur (3).  Saint  Jérôme  s'exprime  plus  nettement  encore,  lors- 
qu'il écrit  à  la  vierge  Démétriade  :  «  Après  avoir  demandé  sa 
ligne  de  conduite  aux  Écritures,  il  est  bon  de  la  chercher 
auprès  d'un  homme  et  d'obéir  à  un  chef,  si  l'on  ne  veut  pas 
s'abandonner  au  pire  des  conducteurs  qui  est  le  jugement 
propre  (4).  » 

Voilà  pourquoi  tout  chrétien  qui  désirait  embrasser  la  vie 
monastique,  commençait  par  se  mettre  sous  la  conduite  d'un 
moine,  recommandable  par  son  âge  et  rompu  à  tous  les  exer- 
cices de  l'ascèse.  Ses  enseignements  et  ses  exemples  lui  don- 
naient tout  ce  qu'il  ne  pouvait  trouver  dans  les  Écritures.  Il 
lui  était  possible  dès  lors  d'organiser  pratiquement  sa  vie.  Il 
avait  une  règle. 

Parmi  ces  anciens,  à  qui  les  jeunes  recrues  confiaient  le  soin 
de  leur  formation,  plusieurs  se  laissaient  conduire  par  leurs 
propres  idées,  sans  se  préoccuper  de  la  tradition  et  des  cou- 
tumes généralement  admises.  De  là  de  nombreuses  divergences 
et  avec  elles  tous  les  inconvénients  de  l'arbitraire. 

Leurs  disciples  se  conformaient  en  tout  à  leur  manière 
d'agir  et  de  penser;  Cassien,  qui  avait  observé  de  si  près  le 
monachisme  oriental,  fait  à  ce   sujet  des  plaintes  formelles. 


(1)  s.  Nil.,  1. 1,  epist.  157.  Pat.  Gr.,  LXXIX,  1 17.  S.  Isidore  Pelus,  1.  I,  ('pisl.  5.  Pal. 
Gr.,  LXXXXIII,  182-183. 

(2)  S.  Basile,  Rcgul.  brev.,  inter.  1.  Pat.  Gr.,  XXXI,  1.J82. 
(.S)  S.  Isid.,  ibid. 

(4)  S.  Jérôme,  epist.  130,  n»  17.  Pair.  Lat.,  XXll,  1121. 


LES    IlKdLES    ^rONASTlQIJES    ORIENTALES.  469 

Ce   désordre   régnait    surtout   en    dehors    de   l'Egypte    (1). 

Fallait-il  cependant  chercher  de  l'uniformité  dans  ces  mul- 
titudes de  groupes  monastiques?  Evidemment  non.  C'eût  été 
contre  la  nature  des  choses.  Les  hommes  ont  des  besoins  trop 
variés;  les  climats,  les  lieux  et  tant  d'autres  circonstances 
exercent  sur  la  vie  humaine  une  influence  telle,  que  cette  unité 
était  et  reste  absolument  irréalisable.  Personne  à  cette  époque 
n'y  songeait.  Nous  avons  constaté  ailleurs  les  divergences  que 
présentait  le  monachisme  dans  son  ensemble.  Il  en  offre 
encore  et  de  très  profondes,  si  on  le  considère  dans  chacune 
des  catégories  établies  précédemment. 

La  suite  de  ce  travail  montrera  combien  ermites,  cénobites, 
reclus,  différaient  entre  eux  (2).  Mais  ces  particularités  inévi- 
tables ne  doivent  pas  être  confondues  avec  l'arbitraire  que 
blâmait  Cassien.  Elles  se  manifestaient  principalement  sur  le 
domaine  des  austérités.  L'observance  était,  en  effet,  loin  d'avoir 
partout  la  même  rigueur.  Les  supérieurs  tenaient  compte  de 
ces  différences  pour  l'admission  des  sujets.  Lorsqu'un  candidat 
ne  leur  semblait  pas  avoir  l'énergie  suffisante  pour  porter  le 
poids  de  la  règle,  ils  lui  conseillaient  de  frapper  à  une  autre 
porte.  «  La  discipline  de  cette  maison  est  très  pénible,  répon- 
dit un  abbé  égyptien  à  un  jeune  homme  qui  sollicitait  son 
admission,  vous  êtes  incapable  de  la  supporter.  Cherchez  de 
préférence  un  monastère  où  la  vie  soit  moins  rigoureuse  (3).  » 

Le  genre  de  vie  que  les  anciens  prescrivaient  à  leurs  disci- 
ples, qu'ils  fussent  ermites  ou  cénobites,  se  transmettait  par 
eux  à  tous  les  moines  qui  venaient  augmenter  leur  groupe. 
Mais  ces  fondateurs,  s'ils  voulaient,  au  lieu  de  leurs  concep- 
tions personnelles,  toujours  discutables,  donner  une  règle  sage 
et  dégagée  de  tout  arbitraire,  n'avaient  qu'à  s'inspirer  des 
enseignements  de  la  tradition  et  de  la  coutume  généralement 
admise.  Aussi  les  voit-on  se  donner  comme  un  écho  fidèle  de 
la  doctrine  et  des  exemples  des  hommes  qui  les  avaient  pré- 
cédés. Un  abbé  ne  pouvait  fournir  à  sa  parole  une  meilleure 
recommandation.  Ce  cortège  de  témoins  antiques  et  vénérés 

(1)  Cassien,  Inst.  L,  11,  '2,  3,  p.  18-20. 

(2}  S.  Gr.  Naz.  pocma  ad  Heilenium,  v.  109-114.  Pal.  Gr.  XXXVll,  1459;  oralio  cou- 
Ira  JuUanum.  Pat.  Gr.  XXXV,  598. 
(3)  Siilp.  Sév.,  Dial  1,  p.  120. 


470  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

qui  venaient  l'un  après  l'autre  appuyer  de  tout  le  poids  de  leur 
expérience  personnelle  telle  pratique,  tel  conseil,  lui  conciliait 
forcément  l'esprit  de  ceux  qui  l'entendaient.  «  Nous  devons, 
dit  à  ce  sujet  Cassien,  donner  une  confiance  absolue  et  une 
obéissance  aveugle  non  aux  règles,  venues  de  la  volonté  d'un 
petit  nombre,  mais  à  celles  qui  ont  pour  les  appuyer  l'antiquité 
et  l'accord  unanime  des  Pères  nombreux,  qui  les  ont  obser- 
vées et  propagées  (1).  » 

Les  monastères  de  l'Egypte  et  de  la  Thébaïde,  que  l'auteur 
des  conférences  visita,  se  faisaient  plus  que  les  autres  remar- 
quer par  le  caractère  traditionnel  de  leurs  institutions  (2).  Les 
solitaires  qu'il  put  entretenir  invoquaient  tous  avec  le  même 
respect  le  témoignage  des  anciens. 

Lorsque  l'abbé  ïliéonas,  par  exemple,  voulut  motiver  à  Cas- 
sien  certains  usages  chers  aux  moines  de  la  région,  il  n'em- 
ploya pas  d'autre  argument  :  «  Il  faut  nous  incliner  devant 
l'autorité  des  Pères  et  devant  la  coutume  de  nos  prédécesseurs, 
qui  s'est  continuée  jusqu'à  nos  jours,  quand  même  nous  n'en 
comprendrions  pas  la  raison  ;  conservons  avec  respect  et  fidélité 
ce  que  nous  a  légué  l'antique  tradition  (3).  » 

C'était  chez  eux  un  principe  arrêté,  légitimé  par  une  longue 
expérience.  Voici  ce  qu'en  pensait  l'abbé  Piamoun  :  «  Celui 
qui  cherchant  à  s'instruire  commence  par  discuter,  n'arrivera 
jamais  à  connaître  la  vérité;  car  l'ennemi,  voyant  qu'il  se  fie 
plus  à  son  propre  jugement  qu'à  celui  des  Pères,  le  poussera 
sans  peine  à  trouver  superflues  et  préjudiciables  les  choses 
les  plus  utiles  et  les  plus  salutaires  ;  il  flattera  son  esprit  pro- 
pre de  telle  manière  que,  en  s'obstinant  dans  ses  pensées 
déraisonnables,  il  ne  jugera  saint  que  ce  qui  lui  semblera 
personnellement  juste  et  droit  (1).   » 

Cette  fidélité  à  la  tradition  était  l'un  des  plus  beaux  témoi- 
gnages que  les  vétérans  du  monachisme  pussent  se  rendre  à 
eux-mêmes  devant  leurs  frères  ou  leurs  disciples. 

Les  Anciens  étaient  un  jour  assemblés  auprès  de  l'abbé  Isaac 
mourant  afln  de  l'assister  à  son  heure  suprême  et  de  recueillir 

(1)  Cass., /Hs/.,  1.  1,2,  p.  10. 

(2)  IbkL,  1,  11,  3,  p.  10. 

(3)  Conl.,  XXI,  12,  p.  585. 

(4)  Ibid.,  XVIII,  3,  p.  508. 


LKS    UÈdLKS    MONASTIQUKS    OUIKXTALES.  471 

ses  derniers  avis.  «  Que  devons-nous  faire  après  vous,  lui  de- 
mandèrent-ils? —  Voyez  comment  j'ai  marché  sous  vos  yeux. 
Si  vous  voulez  me  suivre  et  garder  les  commandements  du 
Seigneur,  il  vous  enverra  sa  grâce  et  vous  maintiendra  dans 
les  lieux  que  vous  habitez.  Si  au  contraire,  vous  n'êtes  point 
fidèles,  vous  ne  demeurerez  pas  ici.  Quand  nos  pères  étaient 
sur  le  point  de  mourir,  nous  étions,  nous  aussi,  plongés  dans 
la  tristesse;  mais  nous  avons  gardé  les  ordres  de  Dieu  et  les 
avis  de  nos  pères,  et  nous  avons  vécu  comme  s'ils  eussent  été 
avec  nous  (1).  » 

Les  Anciens  continuaient  de  la  sorte  dans  l'esprit  et  dans  le 
cœur  de  leurs  disciples;  la  présence  morale  de  ces  saints  per- 
sonnages leur  était  d'un  puissant  secours.  Rien  ne  pouvait 
mieux  les  encourager  à  conserver  religieusement  les  traditions 
dont  ils  étaient  la  source  ou  tout  au  moins  le  canal.  «  Le 
Père  qui  a  le  premier  institué  nos  monastères  se  réjouira,  di- 
sait l'abbé  Orsisi  aux  moines  de  Tabenne,  il  priera  Dieu  pour 
nous,  en  lui  adressant  ces  paroles  :  Ils  vivent.  Seigneur,  con- 
formément à  la  tradition  que  je  leur  ai  laissée  (2).  » 

Les  maîtres  de  la  solitude  ajoutaient,  en  règle  générale,  plus 
d'importance  aux  actions  qu'aux  paroles;  à  cause  de  cela, 
l'exemple  de  la  fidélité  personnelle  leur  semblait  la  manière 
la  plus  sûre  et  la  plus  pratique  de  transmettre  à  leurs  dis- 
ciples la  tradition  qu'ils  tenaient  de  leurs  prédécesseurs. 
Écoutons  à  ce  sujet  un  conseil  de  l'abbé  Pœmen  :  Un  moine 
vint  lui  dire  :  «  Des  frères  habitent  avec  moi,  persuade-moi 
donc  de  leur  commander.  —  Je  n'en  ferai  rien.  Commence 
par  agir  toi-même;  et  s'ils  désirent  la  vie,  ils  verront  ce  qu'il 
leur  faut  faire.  —  Mais,  père,  ils  veulent  que  je  leur  donne 
des  ordres.  —  Point  du  tout,  sois-leur  un  modèle,  non  un  lé- 
gislateur (3).  »  Pœmen  ne  conseillait  pas  le  mutisme  absolu^ 
car  pour  être  véritablement  un  modèle,  il  est  nécessaire  de 
parler.  Les  Anciens  des  monastères  ou  des  ermitages  complé- 
taient l'utile  leçon  de  leurs  exemples  par  un  enseignement 
oral.  Ils  ajoutaient  évidemment  à  la  doctrine  et  aux  actions 
de  leurs  devanciers  tout  ce  qui  était  de  nature  à  rendre  leur 

(1)  Apophtegmata  Palrum.  Pal.  Gr.,  LXV,  226-227. 

(2)  OrsisU  doctrina.  de  inslituHone  inonachorum  12.  Pal.  Gr.,  XL,  875. 

(3)  Apophlegmata  Patrum.  Pal.  Gr.,  LXV,  363. 


472  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN 

parole  plus  claire  et  plus  vivante.  Leur  expérience  personnelle 
enrichissait  encore  le  dépôt  qu'ils  avaient  reçu.  On  finit  par 
écrire  cette  tradition.  C'était  s'assurer  le  moyen  de  la  trans- 
mettre à  la  postérité  plus  complète  et  plus  pure  et  de  la  com- 
muniquer plus  aisément  à  ceux  qui  vivaient  au  loin.  Les  re- 
cueils, où  l'on  trouvait  la  doctrine  des  Pères  et  le  récit  de 
leurs  actions  édifiantes,  ouvrirent  la  source  autorisée  où  les 
fondateurs  et  les  chefs  des  groupes  monastiques  puisaient  les 
éléments  de  la  règle  qu'ils  proposaient  à  leurs  disciples.  Ils 
recevaient  de  leurs  moines  une  confiance  d'autant  plus  grande 
que  chacun  pouvait  se  rendre  compte  de  leur  fidélité. 

Parmi  ces  monuments  primitifs  de  la  discipline  monastique, 
il  s'en  trouve  plusieurs  qui  donnent  une  idée  assez  juste  de 
ce  qu'était  une  règle  à  cette  époque  reculée.  Il  n'y  a  rien  de 
compliqué,  point  d'organisation  minutieuse.  Les  hommes  ha- 
bitués à  la  précision,  à  l'étendue,  à  l'ordre  qui  caractérisent 
les  législateurs  modernes  auraient  grand'peine  à  y  reconnaître 
une  règle  proprement  dite.  Mais  c'est  justement  cette  simplicité 
qui  en  fait  le  charme  et  le  mérite.  Elle  disparaîtra  peu  à  peu 
avec  les  développements  successifs  de  la  discipline  religieuse. 
Il  sera  intéressant  d'étudier  les  modifications  et  les  additions 
que  reçoit  ainsi  le  monachisme  et  de  voir  à  travers  la  diver- 
sité des  formes  accidentelles,  se  maintenir  intacts  les  principes 
qui  lui  servent  de  base. 

La  règle  la  plus  ancienne  que  nous  ayons  est  celle  que 
l'abbé  Palamon  enseignait  à  son  disciple  Pakhôme  (avant  320). 
La  voici  telle  que  la  donne  la  vie  copte  publiée  par  Améli- 
neau  :  «  La  règle  de  la  vie  monastique  telle  que  nous  l'ont  ap- 
prise ceux  qui  nous  ont  précédés  est  celle-ci  :  en  tout  temps 
passer  la  moitié  de  la  nuit  en  veille,  en  méditant  la  parole  du 
Seigneur  sans  compter  une  foule  d'autres  fois,  du  soir  au  ma- 
tin; faire  une  foule  de  travaux  manuels,  soit  cordes,  soit  crins, 
soit  fibres  de  palmier,  afin  que  le  besoin  du  sommeil  ne  nous 
fasse  pas  souffrir  et  pour  la  nécessité  de  sustenter  le  corps.  Ce 
qui  reste  de  ce  dont  nous  avons  besoin  nous  le  donnerons  aux 
pauvres,  selon  la  parole  de  l'apôtre  qui  dit  :  «  Non  sen- 
te lement  nous  penserons  aux  pauvres  »  ;  quant  à  manger  de 
l'huile,  boire  du  vin,  manger  quelque  chose  de  cuit,  nous  ne 
connaissons  rien  de  semblable;  nous  jeûnons  tous  les  jours  jus- 


LES    RÈGLES    jMONASTIQUES    ORIENTALES.  473 

qu'au  soir  pendant  Tété  ;  mais  dans  les  jours  de  l'hiver  pen- 
dant deux  ou  trois  jours  de  suite.  Quant  à  la  règle  des  sinaxes, 
c'est  de  prier  soixante  fois  pendant  le  jour  sans  compter  les 
prières  que  nous  faisons  peu  à  peu  afin  de  ne  pas  mener  une 
vie  mensongère,  car  on  nous  a  ordonné  de  prier  sans  cesse. 
Maintenant  voici  comment  je  t'ai  appris  la  règle  de  la  vie  mo- 
nacale (1).  » 

Pallade  publie  une  règle  que  saint  Pakhôme  aurait  reçue  du 
ciel  par  le  ministère  d'un  ange.  On  ne  trouve  aucune  men- 
tion de  ce  fait  dans  les  vies  antérieures.  Ce  document  est  trop 
souvent  en  contradiction  avec  ce  que  l'on  sait  par  ailleurs  de  la 
vie  des  moines  de  Tabenne.  M.  Ladeuze  n'a  pas  eu  de  peine 
à  prouver  qu'elle  n'était  pas  authentique  (2). 

Les  Apophtegmata  en  renferment  une  que  l'abbé  Pœmen 
traçait  à  un  novice  :  «  Pour  ce  qui  regarde  l'extérieur,  lui  répondit 
l'ancien,  il  te  faut  travailler  des  mains,  manger  une  fois  le  jour, 
garder  le  silence,  méditer  partout  où  tu  iras,  te  demander  un 
compte  rigoureux  de  tes  actions.  Ne  néglige  point  les  heures 
de  l'office,  ni  ce  que  tu  dois  accomplir  dans  le  secret.  Recher- 
che la  bonne  compagnie  des  frères,  fuis  toute  mauvaise  so- 
ciété (3) .  » 

Isaïe  tenait  le  langage  suivant  à  ceux  qui  habitaient  en  sa 
compagnie  :  «  Vous  qui  désirez  habiter  avec  moi,  écoutez,  je  vous 
prie  pour  l'amour  de  Dieu.  Que  chacun  reste  dans  sa  cellule  avec 
la  crainte  du  Seigneur,  ne  dédaignez  pas  le  travail  manuel  à 
cause  du  précepte  divin.  Ne  négligez  pas  la  vigilance  sur  vous- 
même  ni  la  prière  assidue.  Éloignez  de  votre  cœur  les  pensées 
étrangères,  ne  vous  préoccupez  ni  des  hommes  ni  des  choses  de 
la  terre.  A  table  et  dans  l'assemblée  des  frères  ne  parlez  point 
sans  une  pressante  nécessité.  Ne  corrigez  pas  celui  qui  récite  les 
psaumes,  à  moins  qu'il  ne  vous  le  demande.  Que  chacun  prépare 
durant  une  semaine  les  aliments  nécessaires,  sans  néanmoins 
cesser  de  veiller  sur  son  âme.  Que  personne  n'entre  dans  la 
cellule  d'un  frère,  ne  cherchez  pas  à  vous  voir  avant  l'heure, 
ne  recherchez  pas  ce  que  font  les  autres,  ni  si  vous  travaillez 


{\)  Annales  du  Musée  Guimct,  I.XYII,  l-2-lo. 

(2)  Ladeuze,  Le  cénobilisme  pakhomien,  257  et  s. 

(3)  Apophtegmata  Palrum,  1G8.  Pal.  Gr.,  LXV,  362. 


474  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

plus  que  votre  frère.  En  allant  au  travail,  évitez  la  paresse  et 
l'orgueil  (I).  » 

Cette  règle,  on  peut  bien  lui  donner  ce  nom,  se  compose 
d'une  série  de  préceptes  ou  de  défenses  analogues  à  celles  qui 
précèdent. 

Cette  simplicité  et  ce  laconisme  ne  devaient  avoir  qu'un  temps, 
on  le  conçoit.  La  multiplicité  des  vocations,  la  présence  d'un 
grand  nombre  de  religieux  dans  le  même  monastère,  les  exi- 
gences des  pays,  des  personnes  etc.,  firent  de  bonne  heure  naître 
des  besoins  auxquels  il  fallut  remédier  par  des  règlements  nou- 
veaux. Ceux  qui  s'abandonnaient  trop  à  l'initiative  personnelle 
tombèrent  dans  l'arbitraire  et  dans  les  inconvénients  déjà  si- 
gnalés. Les  divergences  profondes  qui  en  résultaient  déroutaient 
certains  esprits,  sans  altérer  toutefois  l'unité  de  la  vie  reli- 
gieuse. Les  adaptations  se  faisaient  d'ordinaire  avec  lenteur  et 
sagesse;  il  en  fut  toujours  ainsi  dans  les  milieux  où  régnait  le 
respect  de  la  tradition  (2).  Mais  là  encore  il  fut  impossible 
d'échapper  à  de  nombreuses  divergences.  Il  y  eut  donc  en 
Orient  des  observances  très  variées;  on  dirait  aujourd'hui  un 
grand  nombre  d'ordres  distincts.  Ces  divers  groupes  monas- 
tiques ont  des  traits  communs  qui  permettent  d'établir  entre 
eux  une  certaine  classification.  Toutefois  il  ne  faudrait  point  se 
faire  illusion  et  croire  que  l'on  peut  faire  entrer  tous  les  monas- 
tères dans  les  cadres  d'une  distribution  méthodique,  comme 
cela  est  possible  avec  les  ordres  religieux  qui  existent  actuelle- 
ment. 

Le  groupe  qui  se  présente  le  premier  a  son  centre  dans  la 
basse  Thébaïde.  Il  est  le  plus  ancien  et  peut-être  celui  dont  l'in- 
fluence a  été  la  plus  considérable.  II  doit  sa  célébrité  au  saint 
qui  fut  son  fondateur  et  son  législateur,  Antoine  le  Grand,  pa- 
triarche de  la  vie  érémitique.  Né  en  251  vers  le  temps  où 
saint  Paul,  le  premier  ermite,  s'enfonçait  dans  le  désert,  il  avait 
lui-même  une  vingtaine  d'années,  quand  il  embrassa  la  vie 
ascétique  auprès  de  son  village  natal.  La  prière,  le  travail,  la 
lecture  et  la  mortification  rapprochèrent  son  âme  de  Dieu  :  afin 
de  s'unir  à  lui  plus  intimement  encore,  il  s'éloigna  dans  la  so- 


(1)  Isaieoralio.  Pat.  Gr.,XL,  1105-1107. 

(2)  Cassien,  Ins(U.,\iv.  111-lV,  p.  39.  Conlal.,  II,  p.  60-1. 


LES    IIKGLES    MONASTIQUES    ORIEXTALES.  475 

litude  et  choisit  un  tombeau  pour  demeure.  Puis  il  s'avança  de 
nouveau  dans  le  désert,  où  il  reneonti-a  un  ciiàteau  ruiné,  qui 
lui  servit  d'habitation  pendant  vingt  ans.  Ce  fut  alors  que  des 
disciples  vinrent  en  foule  se  placer  sous  ses  ordres,  il  les  gagna 
à  la  pratique  de  la  perfection  chrétienne.  Ses  vertus,  ses  aus- 
térités, ses  luttes  contre  l'esprit  mauvais,  et  son  admirable  sa- 
gesse lui  assurèrent  sur  tous  ces  hommes  un  empire  incontesté. 
Il  les  a  marqués  de  son  empreinte.  Et  cette  empreinte  s'est  en 
quelque  sorte  transmise  par  eux  au  monachisme  tout  entier. 
Aussi  les  religieux  de  tous  les  pays  le  peuvent-ils  regarder 
comme  leur  ancêtre  et  leur  patriarche.  Cette  influence  extraor- 
dinaire, autant  et  plus  peut-être  que  ses  miracles,  a  valu  à 
saint  Antoine  le  titre  de  Grand. 

Antoine  fut  ermite;  ses  disciples  immédiats  restèrent  ermites. 
11  ne  chercha  jamais  à  établir  parmi  eux  une  hiérarchie  quel- 
conque, ni  à  laisser  après  lui  la  moindre  organisation  monas- 
tique. Former  ses  disciples  à  son  image,  leur  tracer  une  ligne 
de  conduite  conforme  à  la  sienne,  telle  fut  son  œuvre.  Ses 
actions,  sa  vie  tout  entière  inculquaient  à  ceux  qui  le  voyaient 
ou  qui  entendaient  parler  de  lui  les  saines  notions  de  la  vie 
religieuse  avec  plus  de  force  que  tous  les  discours.  L'homme 
qui  par  son  ardeur  à  défendre  l'orthodoxie,  par  son  cou- 
rage en  face  de  ses  ennemis  et  par  son  inaltérable  patience  sous 
les  coups  de  persécution,  attira  le  plus  l'attention  de  ses  contem- 
porains, saint  Athanase,  ne  crut  pas  faire  œuvre  inutile  en 
rédigeant  la  vie  du  moine  de  la  Thébaïde  dont  il  avait  été  l'ami 
dévoué  et  le  sincère  admirateur.  Son  rôle  ne  fut  pas  seulement 
celui  d'un  biographe  ;  il  visait  plus  haut.  On  ne  se  méprit  pas  alors 
sur  ses  intentions. 

Athanase  dédia  la  vie  de  saint  Antoine  à  des  religieux  italiens. 
«  Je  sais,  leur  écrivit-il,  que,  après  avoir  conçu  pour  cet  homme 
une  vive  admiration,  vous  désirerez  imiter  son  genre  de  vie.  Sa 
vie  est,  en  effet,  un  modèle  que  l'on  peut  proposer  à  l'imitation 
des  moines  (1).  »  «  Lisez-la  donc  à  d'autres  frères,  leur  disait-il  en 
terminant,  afin  qu'ils  apprennent  ce  que  doit  être  la  vie  des 
moines  (2).  »  Ce  sont  les  préceptes  mêmes  de  la  vie  monastique 


(1)  s.  Athanase,  I'(7a  .S'.  Anlonii,  prol.  A//.  6'/-.,  XXVI  338. 

(2)  Ibidem,  94,  col.  774. 


476  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

que  le  patriarche  d'Alexandrie  a  promulgués  sous  une  forme 
narrative  (I),  aussi  est-il  devenu  avec  son  livre  le  législateur 
des  moines  (2).  Cette  vie  fut  dès  lors,  au  dire  d'un  écrivain 
moderne,  comme  l'évangile  du  monachisme.  Ce  fut  un  code  en 
actions  (3).  M.  Tliamin,  à  qui  nous  empruntons  ce  jugement,  va 
même,  dans  l'enthousiasme  que  lui  inspirent  saint  Antoine  et 
son  biographe,  jusqu'à  dire  que  l'influence  de  cette  œuvre  sur 
la  morale  chrétienne  a  été  la  plus  grande  après  celle  du  Christ.  La 
vie  de  saint  Antoine  fut  donc,  dans  un  sens  large,  acceptée  de 
tout  le  monde  alors,  comme  une  règle  monastique.  Saint  Atha- 
nase  la  rédigea  en  363.  Cinq  ans  plus  tard,  le  prêtre  Evagre,  qui 
avait  accompagné  saint  Eusèbe  de  Verceil  en  Italie,  en  fit  une 
traduction  latine. 

Nous  avons  en  outre  une  règle  qui  porte  le  nom  de  saint 
x\ntoine.  Elle  nous  est  parvenue  dans  deux  textes;  le  premier 
inséré  par  saint  Benoît  d'Aniane  dans  sa  précieuse  collection, 
et  le  second  traduit  de  l'arabe  par  le  maronite  Échel  (4).  Ils 
dérivent  d'une  même  source.  Les  variantes  qu'ils  présentent, 
ne  modifient  guère  le  sens.  Toutefois  la  version  d'Échel  est  plus 
claire.  Les  deux  textes  sont  distribués  d'une  manière  diffé- 
rente. Voilà  pourquoi  le  premier  compte  48  articles,  tandis  que 
le  second  en  a  80. 

L'auteur  entend  bien  rédiger  une  règle  et  intimer  des  ordres. 
Ses  phrases  courtes  sont  de  véritables  sentences,  mais  il  cherche 
moins  à  tracer  un  règlement  pratique  qu'à  émettre  des  principes 
capables  d'imprimer  à  l'esprit  et  au  cœur  une  direction  ferme. 
Le  moine  trouve  dans  ces  formules  concises  la  lumière  dont  il 
a  besoin  pour  se  conduire  dans  sa  cellule,  à  table,  en  voyage, 
dans  ses  prières,  dans  ses  relations  avec  les  frères,  les  hôtes. 
Les  conseils  les  plus  sages  lui  sont  donnés  pour  sa  vie  inté- 
rieure. L'humilité  lui  est  présentée  comme  la  base  et  le  sommet 
de  toute  ascèse. 

Cette  règle  s'adresse  à  des  religieux  vivant  séparés  dans 
leurs  cellules,  se  réunissant  à  l'église  et  pouvant  avoir  des 
disciples.  Il  est  impossible  toutefois  avec  son  seul  secours  de 

(1)  s.  Grég.  Naz.,  oratio  XXI,  in  laudem  Athanasii.  Pal.  Gr.,  XXXV,  1087. 
(•2)  Ilei-mant,  La  vie  de  S.  Ath.,  liv.  XI,  cf.  t.  II,  553. 
(o)  Thamin,  ,S'.  Ambroise  et  la  morale  chrélienne  au  IV'  siècle,  p.  376-77. 
(4)  Pat.  Gr.,  XV,  I0G5-7I. 


LES    RÈGLES    MUXASTIQLES    ORIENTALES.  477 

constituer  un  monastère.  Mais  quel  peut  bien  en  être  l'auteur? 
Quoi  qu'en  disent  les  deux  recensions,  on  ne  saurait  l'attribuer  à 
saint  Antoine,  car  ni  saint  Athanase,  ni  saint  Jérôme,  ni  les 
écrivains  de  cette  époque,  qui  parlent  si  volontiers  de  ses  actions 
et  de  sa  personne,  ne  font  la  moindre  allusion  à  une  règle 
composée  par  lui.  Elle  est  plutôt  l'œuvre  d'un  moine  qui  vécut 
à  une  époque  postérieure.  Il  a  fait  de  larges  emprunts  à  la  vie 
de  saint  Antoine  et  aux  écrits  qu'on  lui  attribue.  C'en  était  assez 
■pour  l'autoriser  à  la  faire  circuler  sous  le  nom  vénéré  d'An- 
toine (1). 

Un  peu  sur  tous  les  points  de  l'Egypte,  des  moines  illustres 
par  leur  vertu  se  réclamèrent  alors  du  nom  de  saint  Antoine. 
Ce  leur  était  d'un  grand  honneur  de  pouvoir  se  présenter  comme 
ses  disciples  (2).  Les  deux  Macaire,  Isidore,  Héraclide,  Pambo, 
que  les  religieux  de  Nitrie  vénéraient  comme  leurs  chefs  et 
leurs  pères,  disaient  avoir  reçu  ses  leçons  (3).  Macaire  d'Alexan- 
drie eut  recours  à  des  faits  merveilleux  afin  de  prouver  qu'il 
était  vraiment  l'héritier  de  ses  vertus  et  de  son  esprit  (  1).  Parmi 
ces  hommes  qui  prétendaient  vivre  de  ses  enseignements  et 
suivre  ses  exemples,  il  n'y  en  eut  aucun  de  plus  célèbre  que 
saint  Hilarion.  Il  était  originaire  des  environs  de  Gaza.  Il  suivait 
les  leçons  de  l'école  d'Alexandrie  lorsque  la  renommée  porta  jus- 
qu'à ses  oreilles  le  nom  et  les  œuvres  de  saint  Antoine  (306). 
Malgré  son  jeune  âge,  il  n'avait  que  quinze  ans,  il  s'en  alla  dans 
la  Thébaïde  écouter  les  enseignements  de  ce  grand  docteur  de 
la  solitude. 

Après  avoir  passé  deux  mois  sous  la  conduite  d'un  pareil 
maître,  Hilarion  reprit  le  chemin  de  son  pays  natal,  où  il  devint 
avec  le  temps  le  père  et  le  chef  de  tout  un  peuple  de  moines. 
Il  leur  prescrivit,  en  y  ajoutant  quelques  observances  un  peu 

(1)  Brockie,  Observât io  crilica  in  regulamS''  Anton! i.  Codex  regularum.Pat.  Lat.. 
t.  (;ill,  col.  423.  Dom  Benedikt  Conlzen,  Z><(?  Regel  des  heiligenAntonim.  On  recon 
naît  dans  cette  règle  une  double  rédaction  :  la  première  s'arrête  à  l'article  35  (vei-- 
sion  du  Codex  regularwn)  qui  se  termine  ainsi  :  Cui  Gloria  cum  Pâtre  suo  et  spi- 
rllu  suo  sancto  in  Scrcidum.  Amen.  Les  13  derniers  articles  sont  empruntés  à  la 
règle  d'Isaïas. 

Bollandus  a  tenté  de  reconstituer  l'observance  monastique  de  saint  Antoine  avec 
le  secours  de  sa  vie,  Acta  sancto)'um,  t.  II,  jan.,  p.  484-85. 

(2)  Bollandus  a  dressé  une  liste  des  principaux,  ibid.,  475-478. 

(3)  Rufin,  Hist.  Ec.,\\v.  II,  4.  Pat.  Lut.,  XXI,  511. 

(4)  Pallade,  Ilist.  laus.,  19-20.  Pat.  Gr.,  XXXIV,  1048. 


478  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

plus  rigoureuses,  les  règles  qu'il  avait  lui-même  observées  auprès 
de  saint  Antoine  (1). 

Les  moines  de  Nitrie  qui  appartenaient  également  à  la  grande 
famille  Antonienne  ont  vu  se  développer  et  compléter  la  tradi- 
tion monastique  qui  leur  venait  de  cette  source  vénérable. 
Pallade  fait  connaître  l'organisation  de  ce  groupe  monastique, 
l'un  des  plus  considérables  qui  aient  existé.  La  règle  avait  un 
certain  nombre  de  points  nettement  déterminés,  qui  obligeaient 
tous  les  membres  de  cette  immense  communauté  (elle  se. 
composait  de  cinq  mille  moines).  Mais  une  grande  liberté  était 
laissée  à.  chacun  pour  les  pratiques  purement  personnelles, 
jeûne,  abstinence,  prières  privées,  etc.  (2). 

Le  désert  voisin  de  Scété,  dont  les  religieux  comptaient  parmi 
les  plus  fervents  de  l'Egypte,  se  rattachait  également  à  saint 
Antoine  par  son  fondateur  Macaire  l'Égyptien.  Comme  à  Nitrie, 
on  tenait  grand  compte  de  la  ferveur  et  des  aspirations  de  chaque 
solitaire.  De  là  une  étonnante  variété  dans  l'observance  (3). 

On  en  trouve  un  reflet  assez  fidèle  dans  les  Verba  seniorum 
et  les  Apophtegmata  Patrum,  qui  rapportent  surtout  les  traits 
édifiants  et  les  maximes  pieuses  des  moines  de  cette  solitude  (4). 

Il  nous  est  parvenu  un  certain  nombre  de  règles  anciennes 
qui  se  rattachent  aux  déserts  de  Scété  et  de  Nitrie  par  le  nom 
des  auteurs  à  qui  elles  sont  attribuées.  Saint  Macaire  d'Alexan- 
drie en  aurait  écrit  une  (5),  qui  se  compose  de  trente  articles. 

(1)  Bivario  a  réuni  tous  les  passages  de  sa  vie  écrite  par  saint  Jérôme,  qui  se 
rapportent  à  la  discipline  monastique.  De  veleri  Monachatu,  liv.  IV,  1,  t.  II,  1-5  ;  cf. 
De  Buck,  Observai iones  in  vita  S.  Hilarionn.  Acla  Sancloriim  oct.,  f.  ix,  30-3-1,  (pii 
essaie  à  son  tour  de  donner  une. idée  des  pratiques  inculquées  par  saint  Ililarion 
à  ses  nombreux  disciples. 

(2)  Pallade,  Hlst.  laus.  Pat.  Gr.,  XXXIY,  1(12-2.  Bivario  a  donné-un  exposé  assez 
complet  des  observances  de  Nitrie,  en  puisant  ses  renseignements  dans  saint  Jé- 
rôme, Pallade  et  Ru  fin,  ib.,  Tillemont,  VII,  155-165. 

.  (3)  Sozomène,  Hist  ceci.,  1.  VI,  31;  Pat.  6'r.,LXVII,  1587-90.  Pallade,  Hist.  laus., 
19;  Pat.  Gr.,  XXXI V,  1046. 

(4)  Bivario  a  recueilli  dans  le  premier  de  ces  ouvrages,  dans  Cassien,  qui  a  fait 
un  long  séjour  à  Scété,  dans  Rufin,  dans  Pallade,  des  renseignements  nombreux 
sur  la  règle  de  ces  moines,  De  veleri  Monachatu,  1.  III,  c.  v,  82,  1. 1,  245-56. 

(5)  Elle  a  été  publiée  par  le  Jésuite  Boverius  dans  son  Historia  monaslerii 
S.  .Johannis  Reomensis  in  tractai.  Lingonensi  :  Paris,  1637,  in-4o,  693  p.,  p.  24, 
d'après  un  ms.  du  Bec  et  reproduite  par  Holstenius  dans  son  Codex  rerjularnm. 
Pat.  Gr.,  XXXIV,  867-970.  Bivario  l'a  donnée  d'après  un  ms.  de  l'abbaye  de  Car- 
dena.  De  veteri  Monachatu,  t.  1,  218-220.  Peut-être  la  connaissait-on  à  Lérins. 
S.  Benoît  lui  a  fait  plusieurs  emprunts  fort  courts. 


LES    RKGLKS    MOXASTKjrES    ORIENTALES.  479 

Elle  recommande  la  charité,  Thumilité,  la  soumission  inté- 
rieure, l'amour  du  travail,  le  silence,  les  veilles,  la  correction 
fraternelle.  On  y  trouve  indiquées  plusieurs  observances 
monastiques,  telles  que  la  distribution  de  la  journée  entre  la 
prière  et  le  travail,  la  discipline  régulière,  la  défense  de  sortir 
seul,  les  jeûnes  du  mercredi  et  du  vendredi ,  la  lecture  de  la 
règle  aux  postulants. 

Mais  cette  règle  ne  saurait  être  légitimement  attribuée  à 
saint  Macaire.  Pourquoi,  en  effet,  s'il  en  était  l'auteur,  saint 
Jérôme,  Rufm,  Pallade,  Cassien,  qui  transmettent  avec  tant  de 
fidélité  ce  qu'ils  savent  de  lui,  n'y  font-ils  pas  la  moindre  al- 
lusion? Comme  la  règle  de  saint  Antoine,  elle  est  l'œuvre  d'un 
moine  qui  vécut  plus  tard.  Il  a  dû  mettre  à  contribution  ce 
qu'il  connaissait  de  la  vie  de  Macaire;  on  y  reconnaît  plu- 
sieurs emprunts  à  la  lettre  de  saint  Jérôme  à  Rusticus  (1). 
Il  faut  voir  des  compilations  du  même  genre  dans  les  règles 
dites  des  Pères.  Elles  sont  au  nombre  de  trois.  La  première  (2) 
aurait  été  composée  dans  une  réunion  de  trente-huit  abbés 
qui  se  seraient  rassemblés  afin  de  fixer  le  genre  de  vie  que 
les  moines  devaient  mener.  Parmi  eux  se  trouvaient  des  hom- 
mes d'une  très  grande  autorité,  les  deux  Macaire,  Sérapion, 
Paphnuce.  Ils  prirent  successivement  la  parole  et  formulèrent 
leur  pensée.  Les  membres  de  l'assemblée  se  rangèrent  tous  à 
leur  avis.  Sérapion  parla  le  premier  de  la  vie  cénobitique,  de 
l'union  fraternelle,  de  l'autorité  de  l'abbé,  de  l'obéissance  re- 
ligieuse. On  trouve  ce  qu'il  dit  dans  les  chapitres  deuxième, 

(1)  Bulteau,  L  1-9,  p.  139-14(1.  Tillemont,  t.  VIII,  618  et  809,  est  porté  à  la  croire 
authentique.  La  deuxième  et  la  troisième  règles  des  Pères  dont  il  va  bientôt 
être  question  lui  ont  fait  de  nombreux  emprunts.  La  troisième  surtout  semble 
n'être  qu'un  extrait  de  cette  règle  de  ilacaire.  Le  tableau  suivant  permettra  de 
mieux  saisir  les  relations  de  ces  règles  entre  elles  : 

1"  lAIacaire  2"  Patrum                               o"  Patrum 

10-11  5                                            5 

12-13  5 

15  G 

10-27  7                                            6 

19  7                                            7 

22  8 

23-24  1 

28  1025 

(2)  Sanclorum  Patrum  Seraplonis,  Macarii,  Pap/inulii.  Macarii  altcriKS  ré- 
gula ad  inonachos.  Pal.  Lai.,  CllI,  4:!3-442.  Pal.  Gr.,XXXl\,  971. 


480  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

troisième  et  quatrième.  Les  quatre  suivants  sont  du  premier 
Macaire  et  se  rapportent  à  la  direction  spirituelle  que  l'ahbé 
doit  à  ses  moines,  à  l'office  divin,  aux  novices,  à  la  réception 
des  hôtes.  Paphnuce  traita  des  jeûnes,  du  travail,  du  soin  des 
malades  et  des  officiers.  Le  second  Macaire  s'occupa  de  l'u- 
nion qui  doit  exister  entre  les  monastères,  de  l'hospitalité  due 
aux  frères,  de  la  répression  des  coupables.  Il  y  a  en  tout  seize 
chapitres. 

Cette  règle  est  faite  pour  des  cénobites.  Elle  s'adresse  aux 
abbés  plus  encore  qu'aux  moines.  L'auteur  évite  les  détails 
minutieux.  Il  pose  en  termes  précis  des  principes  clairs,  basés 
sur  l'Écriture  et  dont  l'application  est  très  facile.  Ces  points 
malheureusement  sont  peu  nombreux.  Impossible  d'organiser 
avec  leur  seul  secours  un  monastère.  Il  fallait,  à  côté  de  ce 
texte  écrit,  une  tradition  orale  qui  réglât  l'ensemble  des  obser- 
vances. Tout;,  d'après  cette  règle,  repose  sur  l'abbé  {Pater  qui 
prœest)  (1). 

La  seconde  (2)  est  également  faite  pour  des  cénobites.  Les 
sept  articles  dont  elle  se  compose  semblent  être  le  complé- 
ment de  la  précédente.  Il  y  est  question  du  silence,  de  la 
subordination  entre  les  frères,  de  la  discipline  régulière,  du 
travail,  de  Foraison.  Elle  suppose  une  organisation  de  l'of- 
fice divin.  L'auteur  s'est  servi  de  la  règle  de  saint  Macaire. 
Pour  accréditer  son  œuvre,  il  la  présente  comme  le  fruit  des 
délibérations  de  plusieurs  abbés,  qui  s'étaient  réunis  pour 
dissiper  toute  hésitation  dans  le  gouvernement  des  moines 
et  pour  faciliter  la  fusion  des  cœurs. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  troisième  (3) ,  qui  est  d'une 
époque  postérieure  et  pourrait  bien  être  l'œuvre  de  quelque 
moine  latin. 

Quant  à  celle  de  l'abbé  Isaac,  elle  est  presque  complètement 
tirée    de  ses  discours   (4).   Les  soixante-huit  articles  qui  la 

(1)  s.  Benoit  s'est  inspiré  de  cette  règle  des  Pères,  spécialement  des  chapitres  vu, 
vin,  IX,  X,  XI,  XII,  XIII. 

(2)  Alia  Palrum  régula  ad  monachos.  Pat.  Lat.,  ClII,  441-444;  Pair.  (îr.,  XXXIV, 
977. 

(3)  Terlia  Patrum  régula  ad  monachos.  Pat.  Lat.,  Clll,  443-440;  Pair.  Gr.,  XXXIV, 
979-982. 

(4)  Beati  Isaix  Abbatis  prsecepta  seu  conslUa  LXVIII  posita  tironibus  in  moua- 
chatu.  Pat.  Lat.,  CIII,  427. 


LES    RÈGLES    MONASTIQUES    ORIENTALES.  481 

composent  présentent  aux  ermites  des  maximes  et  des  pré- 
ceptes de  morale  pour  les  aider  dans  le  travail  de  leur  sanc- 
tification. 

En  somme,  nous  n'avons  pas  trouvé  jusqu'ici  de  règle  pro- 
prement dite,  dont  l'authenticité  soit  indiscutable.  La  vie  de 
saint  Antoine  et  les  documents  hagiographiques  ou  autres  de 
cette  époque  reculée  fournissaient  aux  moines  des  éléments 
précis  pour  fortifier  et  assurer  la  tradition  qui  se  transmettait 
de  bouche  en  bouche.  Mais  il  en  va  tout  autrement  avec  saint 
Pakhùme,  le  chef  et  le  législateur  des  groupes  monastiques  de 
la  haute  Thébaïde.  Il  naquit  en  292.  Ses  parents  étaient  païens. 
Vingt  ans  plus  tard  il  fut  enrôlé  dans  l'armée  de  Licinius. 
La  charité  que  les  chrétiens  de  Thèbes  lui  témoignèrent  ainsi 
qu'à  ses  compagnons  d'armes  lui  inspirèrent  pour  leur  religion 
un  profond  respect  et  le  désir  de  l'embrasser  lui-même,  dès 
que  la  chose  lui  serait  possible.  Ce  qui  arriva  peu  de  temps 
après.  Il  reçut  le  baptême  dans  l'église  voisine  du  désert  de 
Schénésis  (314)  et  se  fit  ensuite  le  disciple  de  l'abbé  Palamon. 
Quelques  années  plus  tard,  il  s'éloigna  de  son  maître  pour 
fixer  son  séjour  sur  les  bords  du  Nil,  en  un  lieu  nommé  Taben- 
nisi.  C'est  là  que  se  réunirent  autour  de  lui  les  premiers  cé- 
nobites connus.  Leur  nombre  s'accrut  considérablement  et  force 
fut  d'établir  ailleurs  en  Thébaïde  d'autres  monastères,  où  l'on 
menait  le  même  genre  de  vie. 

Le  besoin  de  régler  et  d'organiser  les  monastères,  les  oc- 
cupations de  leurs  habitants  et  leurs  relations  mutuelles  se  fit 
bientôt  sentir.  Le  fondateur  établit  un  corps  de  lois  où  tout  était 
prévu  dans  la  mesure  du  possible,  de  manière  à  éviter  toute 
confusion  et  à  consacrer  par  la  force  de  l'obéissance  la  vie  des 
individus  et  le  fonctionnement  de  la  communauté.  Cette  légis- 
lation ne  jaillit  pas  tout  d'une  pièce  de  l'esprit  de  saint  Pa- 
khôme.  Elle  fut  l'œuvre  du  temps  et  de  l'expérience.  Il  rédigea 
chaque  règlement,  il  fixa  les  institutions  lorsqu'il  vit  la  néces- 
sité de  le  faire.  Les  articles  s'ajoutèrent  ainsi  les  uns  aux  autres 
sans  enchaînement  logique.  Il  n'y  avait  rien  d'absolu  dans  ces 
déterminations.  Toutes  les  fois  que  l'expérience  lui  montrait  l'uti- 
lité de  prendre  une  nouvelle  décision,  d'en  modifier  ou  compléter 
une  prise  antérieurement,  il  n'hésitait  jamais.  On  peut  même 
retrouver  les  traces  de  ce  travail  de  perfectionnement  dans  les 

ORIENT   CHRÉTIEN.  33 


482  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

répétitions  et  contradictions  que  manifeste  l'examen  du  texte 
de  ses  règles. 

La  vie  de  Pakhôme  nous  le  fait  voir  à  la  suite  d'une  confé- 
rence motivée  par  une  vision  du  démon  de  l'impureté  prépa- 
rant des  embûches  aux  frères,  promulguer  des  règles  destinées 
à  rendre  plus  facile  la  conservation  de  la  chasteté  (1).  Chose 
digne  de  remarque  :  les  modifications  apportées  aux  règlements 
primitifs  tendent  la  plupart  du  temps  à  en  atténuer  la  rigueur. 
En  voici  un  exemple  :  au  début,  le  fondateur  de  Tabenne, 
préoccupé  par  le  désir  d'arracher  ses  moines  au  souvenir  du 
monde  ef  aux  liens  de  la  famille,  ne  leur  permettait  même 
pas  de  recevoir  la  visite  de  leurs  plus  proches  parents.  Comme 
ces  derniers  ne  cessaient  point  de  venir  au  monastère,  leurs 
instances  et  leurs  plaintes  finirent  par  importuner  les  frères. 
Pakhôme  comprit  que  mieux  valait  se  relâcher  un  peu  de  sa 
rigueur  et  permettre  aux  moines  des  visites  et  des  conversa- 
tions, qui  n'avaient  rien  de  blâmable.  «  Toute  chose  est  bonne 
en  son  temps,  dit-il,  car  nous  suivons  un  chemin  sévère  et  dif- 
ficile. Nous  faisons  plus  qu'il  n'est  écrit  dans  les  Écritures; 
maintenant  je  vous  apprendrai  ce  que  nous  devons  faire  :  c'est 
d'aller  et  de  marcher  un  peu  avec  les  gens  du  dehors  (2).  » 

C'est  ainsi  que  l'expérience  lui  montra  les  grands  avantages 
de  la  discrétion.  Il  a  su,  du  reste,  tempérer  tout  l'ensemble 
de  sa  législation  monastique  de  telle  sorte  qu'on  peut,  surtout 
si  on  la  compare  avec  la  vie  des  moines  égyptiens  de  cette  épo- 
que reculée,  considérer  sa  règle  comme  la  plus  douce  et  la 
plus  modérée.  Il  ne  veut  «  aucun  excès,  soit  dans  le  travail, 
soit  dans  la  prière,  soit  dans  les  privations  (3)  ». 

Pakhôme  exerçait  une  vigilance  continuelle  pour  obtenir  une 
exacte  observance  de  la  règle.  Aucune  transgression  ne  lui 
échappait.  Tous  les  jours,  il  entretenait  ses  religieux  des  pres- 
criptions qu'il  leur  avait  données;  il  en  expliquait  le  sens,  il  en 
montrait  l'utihté.  Ses  exemples  étaient  le  meilleur  commentaire 
de  ses  paroles.  Aussi  l'un  de  ses  successeurs,  Théodore,  pouvait- 
il  dire  :  «  Par  lui  nous  connaissons  la  volonté  de  Dieu,  jusqu'à 


(1)  Annales  du  7nusée  Guimet,  X\ll,  421-430. 

(2)  Annales  du  musée  Guimel,  t.  XVII,  Vie  arabe  de  Pakhôme,  p.  406. 

(3)  Ladeuze  302. 


LES    RlOfiLES    MONASTIQUES    ORIEXTALES.  483 

la  manière  dont  il  faut  que  nous  élevions  les  mains  en  haut  en 
priant  Dieu.  Il  nous  a  tout  appris  (1).  » 

Toutes  les  règles  de  Pakhôme  n'étaient  pas  écrites.  Un  bon 
nombre,  enseignées  de  vive  voix,  se  conservaient  par  la  cou- 
tume. On  en  i-etrouve  la  trace  dans  les  biographies  du  saint 
abbé.  Celles  qui  concernaient  l'administration  des  monastères 
étaient  contenues  dans  un  livre  spécial  que  les  économes  pou- 
vaient seuls  avoir  entre  les  mains  (2). 

Les  moniales  étaient  soumises  aux  mêmes  lois  que  les  hom- 
mes (3).  Quelques  monastères  ne  craignaient  pas  d'abandonner 
celles  qu'ils  tenaient  de  leurs  fondateurs  pour  embrasser  l'ob- 
servance pakhoniienne,  dont  la  supériorité  s'imposait  aux  moi- 
nes prévenus  (4). 

Saint  Athanase  eut  lui-même  occasion  d'admirer  l'œuvre  de 
saint  Pakhôme  quand  il  fit  la  visite  de  ses  monastères.  Il  vou- 
lut tout  voir,  églises,  boulangeries,  réfectoires,  maisons  des 
hôtes,  etc.  Avant  de  partir  il  exprima  à  l'abbé  la  satisfaction 
qu'il  éprouvait  (5).  Cela  se  passait  en  363  sous  le  gouvernement 
de  l'abbé  Théodore,  successeur  d'Horsisi  et  de  Pakhôme. 

Théodore  et  Horsisi  avaient  complété  la  règle  du  saint  lé- 
gislateur, en  y  faisant  les  additions  et  les  modifications  néces- 
sitées par  les  circonstances.  Nous  avons  cette  œuvre  commune 
des  trois  abbés  dans  la  version  latine  due  à  la  plume  de  saint 
Jérôme.  Elle  fut  rédigée  primitivement  en  copte.  Le  prêtre  Syl- 
vain envoya  une  traduction  grecque  au  solitaire  de  Bethléem, 
le  priant  de  la  traduire  en  latin  pour  en  faciliter  l'intelligence 
aux  moines  de  Canope  et  d'ailleurs  qui  ne  comprenaient  pas 
d'autre  langue. 

La  règle  de  saint  Pakhôme  dénote  une  maturité  que  l'on  est 

(1)  Annales  du  Musée  Giiùiui,  XVII,  ]'ie  de  Théodore,  p.  "259 

(2)  Acta  sanclorum,  Mail,  t.  III,  Mla  S.  Pakhomii,  n.  38,  p.  311. 

(3)  Ibid.,  n.  -22,  p.  30-1. 

(4)  Ladeuze,  p.  173. 

(5)  Annales  du  musée  Guimet,  t.  XVII,  lie  arabe  de  saint  Pakhôme,  694-95. 

(6)  Nous  avons  cette  version  clans  deux  textes.  L'un  publié  à  Rome  (1575)  par 
Stratius  et,  en  1588,  par  Ciaconius,  comprend  128  articles.  Alard  Gazeus  l'a  in- 
sérée à  la  suite  des  œuvres  deCassien,  en  le  faisant  suivre  d'un  commentain»; 
Bivario  l'a  donné  avec  des  notes  avec  un  de  Cardéna,  De  veleri  Monachalii,  t.  I, 
p.  269-280.  L'autre,  publié  par  Ilolsteniusdans  le  L'odea-  reyularum  ùq  saint  Benoît 
d'Aniane,  et  reproduifdans  la  Patrologie  de  Migne,  Pair,  lat.,  XXIII,  1-65  et  s.,  com- 
prend 194  articles.  C'est  le  texte  qui  mérite  le  plus  de  confiance.  Ladeuze,  267-273. 


484  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

surpris  de  rencontrer  à  cette  époque.  C'est  vraiment  un  corps 
de  lois  nettes  et  pratiques.  On  peut  avec  elles  constituer  et  gou- 
verner un  monastère.  Elle  a  exercé  sur  l'avenir  une  influence 
profonde.  L'Occident  la  connut  par  la  traduction  de  saint  Jé- 
rôme. Cassien  la  mit  en  évidence  en  attirant  l'attention  des 
moines  occidentaux  sur  Tabenne  et  ses  observances  monas- 
tiques. Saint  Benoît  lui  fit  de  larges  emprunts  (1). 

Il  y  eut  dans  un  monastère  de  la  haute  Thébaïde  une  réforme 
de  la  législation  Pakhomienne.  Schnoudi,  archimandrite  d'A- 
tripé,  ne  voulut  point  s'accommoder  de  la  discrétion  et  de  la 
douceur  qui  caractérisaient  les  moines  Tabenniotes.  Cet  homme 
extraordinaire,  dont  la  réputation  ne  franchit  guère  les  li- 
mites de  sa  province,  mourut  à  l'âge  de  118  ans,  vers  452.  La 
rigueur  de  son  ascèse  et  la  sévérité  de  ses  observances  n'ob- 
tinrent pas  les  résultats  qu'il  attendait.  Voici  l'appréciation 
motivée  d'un  auteur  qui  connaît  Schmoudi  et  son  œuvre  :  «  A 
Atripé,  frères  et  sœurs  se  jalousaient,  se  déchiraient  entre  eux 
et  s'accusaient  près  des  supérieurs.  On  sortait  malgré  la 
règle.  Quelques-uns  trouvaient  moyen  de  s'évader  la  nuit  pour 
parler  aux  moines  que  l'on  avait  chassés.  Il  y  en  avait  qui  ap- 
portaient à  leur  toilette  un  soin  excessif.  D'autres  fois  on  se  glis- 
sait à  l'infirmerie  en  cachette  pour  y  dérober  quelques  dou- 
ceurs, ou  l'on  feignait  une  maladie.  Un  bon  nombre  de  religieux 
observaient  mal  les  préceptes  de  la  pauvreté  monastique.  Mais 
ce  qui  était  autrement  grave  c'était  l'insubordination  et  l'esprit 
de  révolte  qui  régnait  parmi  les  moines  de  Schnoudi  (2).  » 

Cette  réforme,  œuvre  d'un  esprit  exalté,  fut  toute  locale  et 
n'exerça  aucune  influence  sur  le  développement  des  obser- 
vances monastiques. 

On  ignore  quel  fut  le  législateur  des  moines  de  la  péninsule 
sinaïtique.  Saint  Nil  (430),  l'habitant  le  plus  célèbre  de  cette  soli- 


(1)  Malgré  sa  précision  et  les  nombreux  détails  clans  lesquels  la  règle  Pakho- 
mienne se  plaît  à  descendre,  on  a  besoin,  pour  se  rendre  un  compte  exact  du 
genre  devieque  menaient  les  religieux  de  Tabenne,  de  la  compléter  par  de  nom- 
breuses indications  que  fournissent  les  biographes  de  Pakhôme  et  Cassien.  Ce 
travail  a  été  fait  par  Tillemont,  t.  VII,  179-195,  Griitzmacher  et  surtout  par 
l'abbé  Ladeuze,  p.  294-305. 

(2)  Ladeuze,  215.  U.  L.  a  utilisé  les  fragments  des  règles  attribués  à.  Schnoudi 
et  les  renseignements  fournis  par  ses  panégyriques  pour  reconstituer  les  obser- 
vances de  son  monastère,  oU5-326. 


LES    RKOLES    MDNA.STIQUKS    (JRIENTALES.  400 

tude,  parle  à  diverses  reprises  du  genre  de  vie  qu'ils  menaient. 
Ces  ermites,  dit-il,  vivent  les  uns  dans  des  cabanes,  les  autres 
dans  des  cavernes.  Leur  régime  est  des  plus  austères.  Quelques- 
uns  mangent  du  pain,  mais  la  plupart  se  contentent  des  herbes 
sauvages  que  produit  le  désert.  Ils  prennent  ce  qui  est  indis- 
pensable pour  conserver  la  vie.  On  en  trouve  qui  font  un  repas 
la  semaine,  il  en  est  qui  en  font  deux;  d'autres  prennent  leur 
réfection  tous  les  deux  jours.  Inutile  de  chercher  une  pièce  de 
monnaie  dans  leurs  cellules.  Ils  se  communiquent  rrratuitement 
ce  dont  ils  peuvent  avoir  besoin.  La  plus  grande  charité  règne 
parmi  eux.  Leurs  habitations  sont  assez  éloignées  les  unes  des 
autres.  Tous  les  dimanches  ils  se  réunissent  à  l'église.  Le  ta- 
bleau de  la  vie  admirable  de  ces  pieux  solitaires  que  Nil  trace 
avec  amour,  peut  fournir  d'utiles  rensei^'nements  (I).  Il  mérite 
une  attention  d'autant  plus  grande  qu'il  ne  reste  aucune 
règle  se  donnant  comme  l'expression  de  leurs  observances. 

Les  groupes  monastiques  de  Palestine,  de  Syrie  et  de  Méso- 
potamie, dont  l'histoire  est  assez  bien  connue  grâce  àThéodoret, 
à  saint  Jean  Chrysostôme,  à  saint  .Jérôme,  à  saint  Ephrem  et 
aux  autres  écrivains  des  quatrième  et  cinquième  siècles,  n'é- 
taient pas  soumis  à  une  discipline  uniforme.  Il  ne  semble  pas 
que  leurs  législateurs  se  soient  préoccupés  de  leur  écrire  une 
règle.  Par  le  fait,  on  chercherait  en  vain  dans  toute  la  littéra- 
ture ecclésiastique  de  ces  contrées  un  document  qui  mérite  ce 
nom. 

Il  y  avait  en  Palestine,  outre  les  nombreux  disciples  de  saint 
Hilarion,  des  moines  qui  habitaient  les  Laures,  fondées  par 
saint  Chariton,  saint  Euthyme,  saint  Gérasime  et  saint  Sabbas. 
Leur  genre  de  vie  est  particulier  à  ces  régions.  Cyrille,  biogra- 
phe d'Euthyme,  expose  celui  que  le  célèbre  Gérasime  prescri- 
v^ait  à  ses  religieux  sur  les  bords  du  Jourdain  (2).  Il  régnait 
ailleurs  de  grandes  divergences,  chac  un  s'abandonnant  aux 
inspirations  de  son  zèle  (3). 

Saint  Jérôme,  qui  fonda  lui-même  un  monastère  d'hommes  à 
Bethléem,  fut  le  guide  de  sainte  Paule  dans  ses  fondations  et  dut 
fixer  l'observance  qu'on  y  suivait.  Ses  écrits,  particulièrement 

(1)  ,S'.  Nil  naratio  III.  Pal.  gr.,  LXXIX,  611-G26. 

(2)  Acta  Sanctorum,  Jan.,  t.  II,  68U-6«I. 

(3)  Evagre,  Hist.  EccL,  1.  I,  21.  Pat.  Gr.,  LXXXVI,  24  78. 


486  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

sa  correspondance  épistolaire  (1),  sont  pleins  des  indications  les 
plus  utiles.  Mais  il  ne  se  propose  pas  de  décrire  les  observances 
monastiques  de  tel  groupe  déterminé.  Ce  qu'il  a  pu  voir  en 
Syrie  et  en  Palestine,  ce  qu'il  sait  de  l'Egypte  et  de  la  Thébaide 
vient  sous  sa  plume  suivant  le  besoin  du  moment;  il  est  rare- 
ment possible  de  discerner  l'origine  de  chaque  usage  signalé 
par  lui  (2). 

Les  moines  Syriens  et  Mésopotamiens,  si  nombreux  et  si  fer- 
vents, n'ont  laissé  aucun  monument  disciplinaire,  qui  puisse 
être  qualifié  du  nom  de  règle.  Un  historien  du  dix-septième 
siècle  a  conclu  d'un  passage  de  Léon  Porphyrogenète  que  saint 
Jean  Chrysostôme  en  aurait  composé  une;  il  a  cru  la  trouver 
dans  les  Constitutions  monastiques  faussement  attribuées  à 
saint  Basile.  Mais  c'est  une  méprise  que  rien  ne  saurait  ex- 
pliquer (3). 

Théodore  dit  qu'un  grand  nombre  de  solitaires  de  son  diocèse 
de  Cyr  menaient  le  même  genre  de  vie.  «  Ils  ont,  écrit-il,  le 
même  vêtement,  le  même  régime  alimentaire,  les  mêmes  usa- 
ges pour  se  tenir  debout  et  pour  prier,  la  même  obligation  de  se 
livrer  de  jour  et  de  nuit  à  un  travail  ininterrompu  (4).  » 

Plusieurs  centres  monastiques  de  ces  provinces  offrent  un 
spectacle  analogue.  La  chose  est  toute  naturelle,   puisqu'ils 


(1)  II  faut  mentionner  la  lettre  22  écrite  à  Eustochiiim  en  384  et  la  125  adressée 
au  moine  Gaulois  Rusticus.  Pat.  Lat.,W\\,  394-425.  I071-1U85. 

(2)  Ses  écrits  ont  eu  néanmoins  une  grande  inlluence  sur  le  d(''veIoppeinent  de 
la  discipline  monastique  surtout  en  Occident.  Saint  Augustin,  saint  Benoît  les 
ont  lus  et  relus.  Ils  étaient  aux  mains  des  moines  du  moj-en  âge.  Au  xv"  siècle 
un  Espagnol,  Lupus  de  Ohnedo,  réunit  tous  ces  textes  épars  pour  en  former  un 
corps  de  règles,  qui  fut  approuvé  par  Martin  V.  C'est  d'abord  la  Régula  monacho- 
rum  qui  comprend  31  chapitres  et  servit  à  réformer  les  Hiéronymites  du 
xv«  siècle.  Pal.  L.,  XXX,  329-398,  et  la  Régula  monachorum  qui  se  compose  de  41 
chapitres  (ibib.,  407-438),  et  la  pensée  de  saint  Jérôme  y  est  aussi  fidèlement  repro- 
duite que  possible.  Ses  phrases  mêmes  sont  découpées  et  replacées  selon  un  plan 
qui  seul  est  nouveau.  Ce  sont  ses  lettres  mises  en  chapitres  (Thamin,  Saint  Am- 
broiseet  la  morale  chrétienne,  IVs.,  p.  411).  Bivario  a,  de  son  côté,  réuni  tous  les  pas- 
sages de  saint  Jérôme  relatifsà  la  vie  monastique  pour  exposer  son  genre  de  vie  dans 
le  désert  de  Chalcis  ou  en  Palestine  et  celui  de  sainte  Paule  et  des  dames  romaines 
gagnées  par  lui  àla  perfection  religieuse.  De  veleri  Monachatu,  1.  lY,  4,  t.  II,  16-76). 

(3)  Bivario,  1.  V,  c.  1.,  t.  II,  139-188,  publie  et  commente  ces  Constitutions  pré- 
tendues de  saint  Jean  Chrysostôme.  Puis,  selon  sa  bonne  coutume,  il  réunit  et 
distribue  méthodiquement  tous  les  renseignements  que  peuvent  fournir  les  écrits 
du  saint  Docteur  sur  l'observance  des  moines,  ses  contemporains. 

(4)  Théodoret, ///stor/a /?e%.,  23.  Pat.  Gr.,LXXXU,  1455-58. 


LES    RÈGLES    MONASTIQUES    (JIIIEXTALES.  187 

remontaient  pour  la  plupart  à  des  fondateurs  appartenant  à  ce 
que  l'on  pourrait  appeler  une  même  famille  monastique.  Quel- 
ques noms  demandent  à  être  signalés  ici.  On  trouve  en  Osroëne 
Julien  Sabbas  et  Marcinos  qui  par  leurs  disciples  fondèrent 
plusieurs  monastères  soumis  à  la  même  observance  (1).  Pu- 
blios  (2),  Syméon  l'Ancien  {?>),  Théodose  d'Antioche  (4),  Ze- 
bina  (5),  virent  leur  propre  genre  de  vie  perpétué  par  une 
règle  traditionnelle,  à  la  base  des  monastères  établis  par  eux 
ou  sous  leur  influence.  Mais  quels  furent  le  caractère  et  la 
portée  de  leur  œuvre  législative?  En  quoi  consista-t-elle?  Il 
est  impossible   de  répondre  avec  certitude  à  ces    questions. 

Nous  sommes  plus  heureux  dans  l'Asie  Mineure.  C'est  là, 
en  effet,  que  vécut  et  agit  le  plus  grand  des  législateurs 
monastique  de  l'Orient,  saint  Basile.  Avant  de  consacrer 
son  intelligence  et  son  activité  au  développement  de  la  vie  re- 
ligieuse dans  sa  patrie,  il  voulut  se  rendre  compte  par  lui- 
même  de  ce  qu'était  le  monachisme.  Dans  ce  but,  il  entre- 
prit à  travers  l'Orient  un  pieux  pèlerinage  qui  lui  permit  d'é- 
tudier sur  place  les  meilleures  traditions  et  de  puiser  aux 
sources  les  plus  pures.  «  J'ai  trouvé  beaucoup  de  moines 
dans  Alexandrie,  écrit-il  à  Eusthate  de  Sébaste  devenu  son 
adversaire,  j'en  ai  rencontré  dans  le  reste  de  l'Egypte,  en  Pa- 
lestine, en  Célésyrie  et  en  Mésopotamie.  J'ai  admiré  leur  par- 
cimonie dans  la  nourriture,  leur  patience  au  travail;  j'ai  été 
saisi  d'étonnement  en  les  voyant  persévérer  dans  la  prière,  sans 
se  laisser  vaincre  par  le  sommeil  ni  fléchir  par  les  nécessités 
delanature.  Je  les  ai  vus,  fidèles  à  une  noble  maxime,  supporter 
avec  un  courage  indomptable  la  faim  et  la  soif,  le  froid  et  la 
nudité,  ne  faire  aucune  attention  à  leur  corps,  et  vivre  comme 
dans  une  chair  étrangère.  Je  voulais  dans  la  mesure  de  mes 
forces  imiter  leur  genre  de  vie  (6).  » 

A  son  retour  en  Cappadoce,  il  trouva  plusieurs  de  ses  com- 
patriotes, qui  s'efforçaient  de  marcher  sur  leurs  traces.  Malheu- 


(1)  Théodoret,  Historia  Relig.,  23  coL,  lo03-26. 

(2)  Ibid.,  5,  1351-58- 

(3)  Ibid.,  7,  1306. 

(4)  Ibid.,  10,  1390. 

(5)  Ibid.,  24-25,  1459-63. 

(6)  S.  Basile,  liv.  Il,  ep.  223.  Pat.  Gr.,  XXXII,  823. 


488  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

reusement  les  erreurs  doctrinales  dans  lesquelles  ils  étaient 
engagés  rendaient  vaines  toutes  leurs  pratiques  (1).  Ne  voulant 
ni  se  mêler  à  leurs  réunions  ni  se  contenter  de  leurs  obser- 
vances, Basile  se  retira  dans  la  solitude  sur  les  rives  de  l'Iris, 
non  loin  du  monastère  de  femmes  gouverné  par  sa  pieuse 
sœur  Macrine  (v.  356).  Il  y  rédigea  tout  un  corps  d'enseigne- 
ments monastiques  qui  servirent  de  règle  à  ses  disciples.  Son 
compagnon  d'études  et  son  ami,  Grégoire  de  Nazianze,  qui  par- 
tageait sa  retraite,  lui  prêta  le  secours  de  ses  propres  lumières 
et  de  son  expérience  personnelle  (2). 

La  règle  de  saint  Basile  se  compose  de  deux  parties  que  l'on 
peut  nommer  les  grandes  règles  (3)  et  les  règles  courtes  (4). 
Les  premières  comprennent  cinquante-cinq  interrogations  et 
autant  de  réponses.  Il  y  en  a  trois  cent  treize  dans  les  secondes. 
Celles-ci  sont  beaucoup  plus  courtes.  C'est  ce  qui  leur  a  valu  le 
nom  qu'elles  portent.  Saint  Basile  était  évêque  ou  tout  au 
moins  prêtre  lorsqu'il  y  mit  la  dernière  main  (5). 

Les  unes  et  les  autres  sont  l'œuvre  du  même  auteur.  C'est 
le  même  esprit  qui  les  anime,  elles  se  complètent  les  unes  les 
autres.  Leur  forme  catéchistique  contribue  beaucoup  à  leur 
clarté.  Le  disciple  interroge  le  maître.  Le  texte  de  sa  question, 
en  entrant  dans  le  corps  même  de  la  règle,  précise  le  sens  de 
la  réponse. 

Saint  Basile  ne  cherche  pas  à  organiser  le  monastère  et  la  vie 
monastique.  Sa  règle  suppose  cette  œuvre  accomplie.  On  trouve 
bien  çà  et  là  quelques  textes  indiquant  avec  assez  de  netteté  cer- 
taines observances  religieuses,  par  exemple  la  nature  et  le  nom- 
bre des  repas,  la  pauvreté,  le  vestiaire.  Mais  ils  sont  insuffisants 
pour  reconstituer  la  vie  monastique  telle  que  la  pratiquaient 
les  moines  de  la  Cappadoce.  Si  le  nombre  des  heures  canoniales 
est  nettement  indiqué,  le  saint  législateur  ne  dit  presque  rien 
de  leur  composition.  Ce  n'est  donc  pas  dans  les  règles  longues 
ou  brèves  qu'il  faut  chercher  des  renseignement  précis  et  com- 
plets sur  les  observances  matérielles.  Il  était  cependant  indis- 

(1)  s.  Basile,  1.  II,  ep.  223.  Pat.  Gr.,  XXXII,  82(3. 

(2)  Ibid.,  ep.  G,  e.,  30. 

(3)  Basilii  régulas  fusius  traclatse.  Pair.  Gr.,  XXXI,  889-1052. 

(4)  Id.,  regulx  brcvius  IraclaUe,  ibid.,  1051-1306. 

l5)  Regulx  bre.vius  tractatx,  proœmiuni.  ibid.,  col.  1079. 


LES    RÈflLKS    MONASTIQUES    ORIENTALES.  489 

pensable  de  les  établir  et  de  les  promulguer.  Car  sans  elles  le 
monachisnie  eût  été  impossible.  Saint  Basile  ne  jugea  pas  à 
propos  de  les  écrire,  il  se  contenta  d'une  promulgation  ver- 
bale (I). 

Ce  complément  indispensable  de  la  loi  écrite  se  transmet- 
tait de  bouche  en  bouche.  Il  se  composait  de  ces  usages  et  de 
ces  pratiques  extérieures,  qui  sont  sujets  à  varier  si  fréquem- 
ment sous  l'intluence  des  circonstances  multiples  de  temps,  de 
lieux  et  de  personnes.  Le  législateur  ne  saurait  les  prévoir. 
Mieux  vaut  pour  lui  poser  des  principes  sûrs  et  lumineux, 
qui  guideront  les  supérieurs  et  les  moines  dans  la  conduite 
qu'ils  auront  à  tenir.  C'est  le  meilleur  moyen  de  déposer  sous 
l'inévitable  variété  des  observances  extérieures  une  force  uni- 
fiante qui  les  rattachera  toutes  aux  inébranlables  fondements 
de  la  vie  religieuse  et  les  fera  conduire  le  moine  au  sommet  de 
la  vie  spirituelle. 

Ce  procédé  empreint  d'une  grande  discrétion  est  pour  beau- 
coup dans  la  sagesse  qui  caractérise  la  règle  basilienne.  Le  saint 
Docteur  s'efface  complètement  pour  mettre  son  disciple  à  l'é- 
cole des  divines  Écritures.  Il  répond  à  la  plupart  des  questions 
par  un  texte  sacré  qu'il  complète  soit  par  une  glose  personnelle, 
soit  en  le  rapprochant  de  passages  analogues.  La  Bible  reste 
toujours  ainsi  le  fondement  de  la  législation  monastique,  la 
règle  véritable.  Quand  saint  Basile  paraît  émettre  sa  propre 
pensée,  il  a  toujours  soin  de  la  confirmer  par  un  trait  ou  par 
une  sentence  empruntée  aux  Livres  inspirés.  Son  esprit  de  foi 
le  porte  à  agir  ainsi  même  quand  il  lui  faut  régler  des  détails 
tout  extérieurs  et  sans  importance.  Le  chapitre  relatif  à  la 
ceinture  en  fournit  un  exemple  frappant.  La  ceinture  de  saint 
Jean-Baptiste  et  du  prophète  Élie,  celle  de  saint  Pierre  et  plu- 
sieurs autres  passages  bibliques  sont  allégués  pour  justifier 
l'emploi  de  cette  partie  du  vestiaire  monacal  (I). 

Très  souvent  les  questions  roulent  sur  les  vertus  que 
le  moine  doit  pratiquer  et  sur  les  vices  qu'il  lui  faut  combattre. 
Le  disciple  se  borne  parfois  à  demander  au  maître  la  définition 
d'un  terme  qu'il  a  trouvé  dans  l'Écriture,  ou  d'un  passage  tout 
entier.  Les  réponses  de  saint  Basile  sont  remarquables  de  so- 

(1)  s.  Grég.  Xaz,  Oralio  43  in  laudem Bas'dii.  Pat.  Gr.,  XXXVI,  54-2. 


490  REVUE    DE    l'orient    CIIRÉTIEX. 

briété  et  de  clarté.  Il  commente  de  la  sorte  un  bon  nombre  de 
textes  sacrés  sur  lesquels  s'appuie  la  théologie  ascétique  et  mys- 
tique. Par  ce  procédé  il  met  l'àme  à  l'école  de  l'esprit  de  Dieu, 
qui  parle  dans  les  livres  inspirés. 

La  règle  basilienne  frappe  surtout  par  sa  discrétion  et  sa 
sagesse.  Elle  laisse  aux  supérieurs  le  soin  de  déterminer  les 
mille  détails  de  la  vie  locale,  individuelle  et  journalière,  négligés 
à  dessein.  Ce  sont  eux  qui  distribuent  à  chacun  ce  qui  lui  est 
nécessaire.  Pour  le  régime,  comme  en  toutes  choses,  ils  ont  à 
tenir  compte  des  besoins  qui  résultent  du  tempérament,  de  la 
santé,  du  travail  des  religieux,  sans  s'écarter  toutefois  des  règles 
de  la  pauvreté  et  de  la  tempérance.  Ils  déterminent  la  pénitence 
que  mérite  chaque  infraction.  C'est  à  peu  près  la  même  chose 
sur  toute  la  ligne.  Aussi  la  règle  suppose-t-elle  chez  le  supé- 
rieur autant  de  fermeté  que  de  prudence. 

La  largeur  qui  caractérise  l'œuvre  de  saint  Basile  n'enlève 
au  monachisme  rien  de  sa  vigueur.  Tout  au  contraire,  en  évi- 
tant de  condenser  toute  la  pratique  de  la  vie  religieuse  dans 
un  certain  nombre  de  formules  inflexibles,  qui  ne  peuvent  pré- 
voir tous  les  cas  et  qu'il  est  toujours  facile  d'éluder,  le  prudent 
législateur  s'approche  doucement  du  moine,  s'empare  de  lui 
et  l'enlace  si  bien  à  travers  toutes  les  vicissitudes  de  son  exis- 
tence et  les  changements  de  son  caractère  qu'il  finit  par  le 
mettre  et  le  maintenir  tout  entier  sous  le  joug  divin.  Par  le 
fait  il  est  impossible  de  pousser  plus  loin  que  ne  le  fait  saint 
Basile  la  pratique  de  la  pauvreté  religieuse,  de  l'obéissance,  du 
renoncement,  de  la  mort  à  soi-même,  de  tout  cet  ensemble  de 
vertus  qui  attachent  le  moine  à  une  croix  véritable  pour  le 
reste  de  ses  jours. 

A  cause  de  cette  discrétion  la  règle  basilienne  s'applique 
aux  femmes  tout  aussi  bien  qu'aux  hommes.  Les  règles  grandes 
et  courtes  s'occupent  des  relations  qui  peuvent  exister  entre  les 
uns  et  les  autres.  Quelques-unes  des  petites  sont  faites  unique- 
ment pour  les  religieuses. 

(1)  Regulx  fusius  Iractalee,  int.  23,  col.  9(32. 

(2)  Voici  quelques  exemples  empruntés  aux  Regulse  brevius  tractatx.  Quid  est 
perjjeram  agere?  {49)  Quid  sonat  Raca?  (51)  Quid  est  allercatio?  Quid  conlen- 
tio?  (66)  Qui  sunl  pauperes  spiritu?  (205)  Quid  sibi  vidt  illud  :  psallite  sapicnlcr  ? 
(279)  Quid  sil  illud:  date  locum  irx?  (244). 


LES    RÈGLES    MON.VSTKjlES    ORIENTALES.  101 

Tous  les  monastères  de  la  ré^'ion  ra(lopt<"'rent  sans  tarder. 
Rufin  l;i  donnait  comme  la  règle  de  la  Cappadoce.  Cet  auteur 
en  fit  une  traduction  latine  à  la  demande  d'Urseus,  abbé 
d'un  monastère  italien.  Il  a  procédé  avec  sa  liberté  or- 
dinaire. Sans  se  préoccuper  de  rendre  fidèlement  le  texte  pri- 
mitif, il  a  réduit  les  deux  règles  en  une  seule  qu'il  désigne 
ainsi  :  Regulœ  sancti  Basilii  Episcopi  Cappadociœ  ad  mo- 
naclios  (1).  Elle  ne  comprend  que  203  interrogations.  C'est 
sous  cette  forme  que  saint  Benoit  et  les  moines  occidentaux 
lont  connue  et  qu'elle  figure  dans  la  collection  de  saint  Be- 
noît d'Aniane. 

On  a  longtemps  attribué  à  l'évêque  de  Césarée  un  ouvrage 
sur  ladiscipline  monastique  qui  doit  être  rangé  parmi  les  règles. 
Les  Consiitutiones  monasticœ  (2)  ne  seraient  pas  indignes 
de  cet  illustre  docteur,  tant  à  cause  de  l'élévation  des  pensées 
que  des  qualités  littéraires  qu'on  y  remarque.  Mais  elles  diffè- 
rent trop  des  règles  courtes  et  grandes  soit  dans  la  manière  de 
procéder,  soit  dans  la  réglementation,  pour  qu'il  soit  possible 
d'y  voir  l'œuvre  d'un  même  auteur.  On  ne  peut  pas  davantage 
en  faire  honneur  à  Eustaclie  de  Sébaste.  Elles  ont  été  rédigées 
à  une  époque  et  dans  un  pays  où  les  anachorètes  et  les  céno- 
bites étaient  fort  nombreux. 

Les  dix-sept  premiers  chapitres,  c'est-à-dire  la  moitié  de  l'ou- 
vrage, s'adressent  aux  ermites;  le  reste  est  pour  les  religieux 
qui  mènent  la  vie  commune.  Le  régime  proposé  aux  uns  et 
aux  autres  est  moins  austère  que  celui  de  saint  Basile.  L'auteur 
fait  rarement  usage  des  divines  Écritures.  Son  but  est  de 
tracer  une  règle  qui  puisse  conduire  le  moine  à  la  perfection. 
L'imitation  de  Notre-Seigneur  est  la  base  de  sa  doctrine  spiri- 
tuelle et  le  fondement  de  la  vie  monastique  (3). 


(1)  Pal.  Lai.,  c.  m,  483-554. 

(2)  Pat.  Gr.,  XXXI,  l:n5-I4-28. 

(3)  Quelques  manuscrits  donnent  sous  \o  nom  de  saint  Basile  des  epitimia,  c'est 
un  pénitentiel  assez  détaillé.  Soixante  châtiments  sont  réservés  aux  moines,  et 
dix-neuf  aux  moniales.  IMais  l'emploi  fréquent  de  termes  inusités  dans  les  leu- 
vresde  saint  Basile  et  de  certaines  constructions  barbares,  ne  permettent  pas  d'at- 
tribuer ces  epilimia  à  l'évêque  de  Césarée.  Il  dit  lui-même  dans  sa  1<)G°  petite  règle 
qu'il  laisse  au  supérieur  le  soin  de  déterminer  les  châtiments.  Pourquoi  dès  lors 
en  aurait-il  dressé  lui-même  la  liste?  Le  recueil  est  l'œuvre  de  quelque  archiman- 
drite d'une  époque  postérieure. 


492  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Ces  règles  monastiques,  fixées  par  l'écriture  ou  transmises 
par  une  tradition  orale,  avaient  force  de  loi  pour  les  moines 
soumis  à  leur  autorité.  Mais  dans  quelle  mesure  les  monas- 
tères ou  les  individus  se  considéraient-ils  comme  obligés  par 
leurs  diverses  prescriptions?  Il  ne  sera  pas  inutile  de  connaître 
sur  ce  point  la  pensée  de  quelques-uns  des  représentants  les 
plus  autorisés  du  monachisme  à  cette  époque. 

La  règle,  en  fixant  l'organisation  du  monastère  et  en  déter- 
minant les  devoirs  de  chaque  religieux,  faisait  régner  partout 
l'ordre  et  la  paix,  ce  qui  devenait  pour  les  cœurs  une  source 
intarissable  de  joie  (1). 

L'emploi  du  temps,  la  mesure  du  travail  et  de  l'abstinence 
étaient  de  la  sorte  réglés  avec  sagesse.  Chaque  chose  se  faisait 
à  son  heure.  Car  les  vertus  elles-mêmes  ont  besoin  d'être  sou- 
mises à  la  loi  de  la  discrétion  si  elles  ne  veulent  pas  dégénérer 
et  devenir  des  vices  (2).  Qu'il  s'agisse  des  repas  ou  du  sommeil, 
il  ne  fallait  pas  s'écarter  de  l'heure  fixée  par  la  règle,  sinon  le 
moine  était  exposé  soit  à  faire  des  pénitences  indiscrètes,  soit  à 
s'abandonner  à  une  mollesse  coupable.  Ces  deux  excès  sont 
aussi  préjudiciables  l'un  que  l'autre  (3). 

Du  jour  où  un  chrétien  entrait  dans  un  monastère  ou  se  pla- 
çait sous  la  conduite  d'un  ancien  pour  mener  la  vie  religieuse, 
il  contractait  l'obligation  de  vivre  sous  le  joug  de  la  règle  (4). 

Ceux  qui  vivaient  dans  la  solitude  sans  compagnon  se 
croyaient  astreints  au  genre  de  vie  qu'ils  avaient  une  fois  adop- 
tée (5).  Lorsque  Cassien  et  son  ami  Germanus  visitèrent  les 
moines  d'Egypte,  l'abbé  Piamon  leur  recommanda  instamment 
de  suivre  en  toute  simplicité  les  observances  des  solitaires  au 
milieu  desquels  ils  vivaient.  Cela  les  instruisait  plus  que  toutes 
les  discussions  et  toutes  les  conférences  (6). 

C'est  la  règle  tout  entière  qu'il  fallait  observer  jusque  dans 
ses  moindres  détails.  Saint  Pakhôme  revient  souvent  sur  cette 


(1)  s.  Jean  Chrys..  Adv.  oppugnalores  irllx  monustlcx,\\\.  III.  Pat.  Gr.,  XLVII, 
366. 

(2)  Evagre  C,  CajrUa praclica,  6.  Pal.  Grxc,  XL,  1-223. 

(3)  Cassien  conL,  2,  59-60. 

(4)  ConL,  20-550. 

(5)  S.  Ephreni,  In  vllam  B.  Abraami,  op.  gr.,  t.  II-3. 
(0)  Cassien,  Conl.  18,  p.  508. 


Li:S    IIKGLKS    MOXASTKiL'ES   OIUENTAl^KS.  19.'> 

obligation  (1).  Pour  enlever  aux  moines  Texcuse  de  l'oubli,  la 
règle  des  saints  Sérapion,  Macaire  et  Paphnutius  demande  qu'on 
la  lise  tous  les  jours  devant  eux  (2).  Les  scandales  que  donnaient 
alors  les  religieux  affranchis  de  toute  règle  et  livrés  à  tous  les 
caprices  de  la  volonté  propre  faisaient  comprendre  aux  chefs 
des  groupes  monastiques  la  nécessité  de  revenir  souvent  sur 
une  pareille  obligation  {?>). 

Mais  les  règles  s'imposaient-elles  au  point  que  personne  ne 
pût  ni  ajouter  ni  retrancher  la  moindre  observance  particulière? 
On  n'aimait  généralement  pas  les  exceptions,  quelle  qu'en  fût  la 
nature.  Saint  Siméon  Stylite  l'apprit  à  ses  dépens.  Il  habitait 
le  monastère  de  l'abbé  Héliodore.  Ses  jeûnes  et  ses  austérités  ex- 
traordinaires choquaient  les  religieux.  L'un  d'entre  eux  se  plai- 
gnit à  l'abbé  :  «  Cet  homme,  lui  dit-il,  veut  bouleverser  notre 
monastère  et  détruire  la  règle  que  nous  tenons  de  vous.  »  Hé- 
liodore finit  par  lui  conseiller  ou  de  suivre  la  règle  commune 
ou  de  se  retirer.  Siméon  préféra  prendre  ce  dernier  parti  (4). 

Cassien,  visiblement  préoccupé  par  les  dangers  que  ferait 
courir  la  vaine  gloire  aux  hommes  trop  désireux  de  pratiquer 
des  observances  personnelles,  recommande  instamment  de  se 
conformer  à  la  règle  commune  (5).  Ce  n'était  point  toutefois  un 
usage  absolu,  même  en  Egypte,  dans  les  monastères  visités 
par  Cassien.  Le  lecteur  se  rappelle  la  liberté  dont  jouissaient 
à  cet  égard  les  moines  de  Scété  et  de  Nitrie.  Il  en  était  de 
même  dans  les  monastères  soumis  à  la  règle  de  saint  Pakhôme. 
Les  inégalités  d'observance  dans  une  même  maison ,  que  nous 
aurons  plus  d'une  fois  l'occasion  de  constater,  entraînaient 
quelques  inconvénients,  il  faut  le  reconnaître.  Macaire  l'Égyp- 
tien, qui  savait  combien  il  est  difficile  à  un  certain  nombre 
d'hommes  de  faire  matériellement  toujours  la  même  chose,  in- 
dique la  charité  comme  étant  le  meilleur  moyen  de  maintenir 
l'harmonie  au  sein  de  cette  variété.  Prenez  trente  hommes, 
dit-il,  ils  ne  peuvent  passer  le  jour  et  la  nuit  à  prier  tous  en- 
semble. Quelques-uns  prient  durant  six   heures,  puis  ils   se 


(1)  Pakhomii  n'yida,i3,  48-103,  etc.  Pat.  Lai.,  XXII.  Tu. 

(2)  Pal.  Lat.,  en4S). 

(3)  Cassien,  Conl.  18,  p.  51-1. 

(4)  Antonius,  ]'ita  StiSimeonis,  Acla  sanctorum  Jan.,  t.  I,  p.  265.  édit.  ih^  Venise. 

(5)  Cassien,  Insl.,  1.  V,  23,  p.  101  ;  1.  XI,  19,  p.  204. 


494  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mettent  à  lire;  d'autres  s'appliquent  volontiers  à  un  service 
extérieur,  tandis  qu'il  en  est  qui  font  un  travail  manuel.  Que 
celui  qui  étudie  considère  avec  joie  et  charité  celui  qui  prie  en 
disant  :  Il  prie  pour  moi.  Que  celui  qui  prie  dise  du  travail- 
leur :  Ce  qu'il  fait  est  pour  le  bien  commun.  C'est  ainsi  que 
régnera  la  concorde,  et  tout  le  monde  sera  dans  la  paix  (1). 

DoM  J.  M.  Besse. 

(1)  Macariî  œgypt.  hom.  3.  Pal.  Gr.,  XXX'IY,  467-470. 


LES   ÉVÊQUES   JACOJUTES 

DU  viir  AU  xiir  siècle 

{Suite)  (1) 


XVIII.  — Dknys,  patriarche,  appelé  de  Tell-Mahré.  Il  fut  institué 
à  Callinice,  dans  un  synode  de  quarante-trois  évoques.  Il  fut 
appelé  du  monastère  de  Qennéshrè.  Théodose,  métropolitain  de 
Callinice,  lui  imposa  les  mains,  le  dimanche  l''"  du  mois  de  'ab 
de  l'an  1129  (août  SIS). 

Il  ordonna  ces  évoques  : 

1.  Thomas,  évêque  de  Ard'at,  du  Grand  monastère  de  TeU'ada. 

2.  Habib,  évèque  de  Beit  Balesh,  du  couvent  de  Goubba-Baraya. 

3.  SÉVÈRE,  évèque  de  la  ville  de  Dara,  du  monastère  de  Qoubbê. 

4.  Joseph,  évèque  du  Beit  Parsayê  (2),  du  monastère  de  Souqîn  (3). 

5.  Basile,  évèque  (4)  de  Samosate,  de  Qennéshrîn. 

6.  Habîb,  évèque  de  Mar'asb.  du  monastère  de  Mar  .Jac(iues. 

7.  Constantin,  évoque  du  Khorasan,  du  monastère  de  Qennéshrè. 

8.  Sergius,  métropolitain  de  Maboug,   de  Mériba. 

9.  SiMÉON,  évêque  de  Saroug,  de  Kephar-Touta. 

10.  Jean,  évêque  d'Arabie,  du  couvent  de  Mar  Zakai. 

11.  YÔNAN,  évèque  de  la   ville  d'Arzoun,  du  monastère  de  Shaçarani. 

12.  Jean,  évèque  de  Tadmor,  du  monastère  de   Mar  Hanania. 

13.  Job,  métropolitain  de  Jérusalem. 

14.  Thomas,  évèque  de  Zarang,  du   couvent  de  Qartamin. 

15.  DoMNUS  (5),  évêque  de  Zeugma,  du  monastère  de  Mar  Salomon. 

16.  Daniel,  évêque  de  Mélitène  (6),  du    monastère  de   .Mar  Bar-('auma. 

(1)  Voir  ci-dessus,  p.  4ii>. 

(-2)  C'est-à-dire  de  la  province  de  Perse. 

(3)  Lecture  donnée  par  le  syriaque  et  rarabe;  sans  doute  pour  Zouqnin  ;  cf.  ci-dessous 
XIX,  GO;  et  XXI,  28. 

(4)  Dans  l'arabe  :  «  métropolitain  ». 

(3)  Les  nianuscris  donnent  la  lecture  Dômà. 

(G)  Ainsi  d'après  l'arabe;  le  syriaque  donne,    par  abréviation   ou  par  erreur  :  Milini, 
—  De  même  ci-dessous,  sous  le  n°  («8. 


496  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

17.  Anastase,  métropolitain  cFAnazarba,  du  monastère  de  Qarqaphta. 

18.  Hanama,  évoque  de  Qennéshrè,  du  monastère  de  Naphshata. 

19.  Gabriel,  évèque  d'irénopolis. 

20.  Jacques,  évèque  de  Dolik,  du  couvent  de  Tell'ada  (1). 

21.  Lazare,  évèque  d'Arsamosate,  du  couvent  de  Qartamîn. 

22.  Abraham,  évèque  de  Gishra,  du  couvent  de  Mérîba. 

23.  SER(;irs,  métropolitain  de  Cyrrlius,  du  couvent  de  Goubba-Baraya. 

24.  Michel,  métropolitain  de  A[na]zarba  (2),  du  couvent  de  Mar  Jacques 
de  Cyrrhus. 

25.  Jean,  métropolitain  de  Reçapha,  du  couvent  de  Sarmin. 

26.  Daniel,  évèque  de  Resh-Kîpha,  du  monastère  de  Saphylos. 

27.  Jean,  métropolitain  de  la  ville  de  Dara,  du  monastère  de  Mar  Ha- 
nania. 

28.  Hanama,  évèque  de  Callisura,  du  monastère  de  Natapha. 

29.  Jean,  évèque  d'Arménie,  du  monastère  de  Sandalaia,  qui  est  dans  la 
région  de  Maipherkat. 

30.  Constantin,  évèque  de  Laodicée,  du  monastère  de  Siagta  (?). 

31.  Théodore,  évèque  de  Germanicia  (3),  du  monastère  de  Bizôna. 

32.  Athanase,  métropolitain  d'Apamée,  du  couvent  de   Qennéshrè. 

33.  Ignace,  évèque  d'Arsamosate,  du   couvent  de  Qartamîn. 

34.  CvRiACUs,  évèque  Hanazit,  du  monastère  de  Qartamîn. 

35.  Jean,  évèque  des  Taglibites,  du  couvent  de  Qarqaphta. 

36.  SiMÉON,  évèque  de  Tell-Beshmé,  du  monastère  de  Sandalaia. 

37.  Ignace,  évèque  de  Jérusalem,  du  monastère  de  Bizôna. 

38.  Timothée,  métropolitain  de  Maipherkat,  du  monastère  des  Orientaux. 

39.  Ignace,  métropolitain  d'Amid,  du  monastère  de  Qartamîn. 

40.  Samuel,  évèque  des  Carmaniens,  du   monastère  de  Qartamîn. 

41.  Timothée,  métropolitain  de  Damas,  du  monastère  de  Qarqaphta. 

42.  RuBEN,  évèque  de  Gônia,du  couvent  de  Saphylos. 

43.  Thomas,  évèque  de  Helbôn,  [du  monastère]  de  Mar  Moïse. 

44.  Thomvs,  évèque  des  Taglibites,  du  monastère  de  Bir-Qoum. 

45.  Abraham,  évèque  de  Hérat  (4),  du  monastère  des  Orientaux. 

46.  Jean,  évèque  de  Téla,  du  couvent  de  Qennéshrè. 

47.  Abraham,  métropolitain  de  Maipherkat,  du  monastère  de  Hanania. 

48.  Daniel,  évoque  de  Tagrit,  du   monastère  de  Bir-Qoum. 

49.  Elias,  évèque  de  Dolik,  du  monastère  de  Mar  Salomon. 

50.  SÉVÈRE,   évèque  de  Gishra,  du  monastère  de  Mar  Bous  (?)  (5). 

51.  Jean,  évèque  de  Bagdad,  du  monastère  d'Eusébona. 


(1)  Ainsi  d'après  l'arabe;  le  syriaque  porte  :  Talata. 

(•2)  L'arabe  écrit  distiucteriieiitylHa^arôa,- le  syriaque  :  Azarba. 

(3)  L'arabe  et  le  syriaque  ont  tous  les  deux  Germania,  que  je  suppose  être  une  erreur 
ou  une  abréviation  de  Germanicia. 

(4)  Ici  et  ci-dessous  (n"  .V2)  ce  nom  est  écrit  HXRH  comme  plus  bas  (XXIX,  10)  on 
trouve  l'orUiographe  HARH  «  dans  le  Klioraçan  »,  il  ne  peut  guère  y  avoir  de  doute  sur  l'i 
dentification.  L'arabe  transcrit  les  lettres  syriaciues,  sans  cliangement:  le  copiste  aura 
mis  un  noitn  pour  un  oiaf  . 

(.'))  Peut-être  abréviation;  pour  Bassiis  comp.  ci-dessous,  n°  8.'>. 


LES    ÉVÈQUES   .lACOlilTES    DU    VIll''   AL"    XIll"    SIÈCLE.  497 

52.  Jean,  métropolitain  de  Hérat  d),  du  monastère  de  Mar  Sliila  (2). 

53.  Abraham,  évèquo  d'Arabie,  du  Grand  monastère  de  Tell'ada. 

54.  SÉVÈRE,  cvèque  de  Tibériade,  du  monastère  de  Gashoum. 

55.  Thomarîqa,   évêque  de  Qennéshrin,  du  monastère  de   Napbshata, 
d'Alep. 

56.  Jean,  évéque  de  Dolik,  du  monastère  dv-  Mar  Jacques  de  Kaisoum. 

57.  Georges,  évoque  de  Bahrin,  de  la  Vallée  d'Adam. 

58.  Théophile,  évéque   de   Tell-Beshmê,   du  monastère  de  Sandalaia. 

59.  Joseph,  qui  est  Marzouq,  évêque  des  Taglibites. 

60.  Bar-hadbeshaba,  évè(iue  de  Gourgan,  du  monastère  des  Orientaux. 
ôO»  Cyrille   (3),   métropolitain  d'Édesse,  du  monastère    de  Zouqenin. 

61.  Thomas,  évéque  de  Zoubtara,  du  mon;;stère  des  Orientaux. 

62.  Jean,  qui  est  Gadouda,  évéque  de  Kinisa. 

63.  Thomarîqa,  évêque  de  Saroug,  du  monastère  de  Qennéshrê. 

64.  Abraham,  évêque  de  Mar'ash,  du  monastère  de  Mar  Josepb. 

65.  Anastase,  évêque  de  Resh'aynâ,  du  couvent  de  Qennéshrê. 

66.  Joseph,  évoque  de  Gourgan,  du  monastère  des  Orientaux. 

67.  Joseph,  métropolitain  de  Jérusalem,  du  monastère  de  Bizôna. 

68.  Thomas,  métropolitain  de  Méliténe  (4),  du  couvent  de  Mar  Bar-Gauma. 

69.  Thomas,  métropolitain  de  Tagrit,  de  la  montagne  d'Édesse. 

70.  ISAAc,  évêque  de  Diboraitha  ("?). 

71.  Gabriel,  évêque  de  Mar'ash,  du  monastère  de  Mar  Salomon. 

72.  Abraham,  métrop.  de  Cyrrhus,  du  monastère  des  Arabes. 

73.  Bacchus,  évêque  d'Arménie,  de  la  \'allée  d'Adam. 

74.  Habib,  évêque  des  Taglibites,  du  monastère  de  Kanoushia. 

75.  GeoRGES,  métropolitain  d'Anazarba,  du  monastère  de[,  de]  Sandalaia. 

76.  Ell\s  Zaqna,  évêque  de  Qardou. 

77.  Constantin,   évêque  de  Circesium. 

78.  Gabriel,  évêque  de  Kinisa,  du  monastère  de  Raphîn. 

79.  Sergius,  évêque  de  Sagis[tan]  (5),  du  monastère  de  Tell-'ada. 

80.  Jean,  métropolitain  de  Maipherkat,  qui  est  iMysiqia  [,  de]  Sandalaia. 

81.  Abraham,   métropolitain  de  Maboug,  du  monastère  de  Bizôna. 

82.  Abraham,  évêque   de  Nisibe,  du  monastère  de  Qartamîn. 

83.  Rabban  Benjamin,    métropolitain   d'Édesse,    du   monastère  de  Mar 
Jacques. 

84.  Théodore,  évêque  de  Gishra,  du  monastère  de  Mar  Isai[e]  (6). 

85.  DoMiTius,  évéque  de  Qardou,  du  monastère  de  Boush  (7). 

86.  Sabra,  évêque  d'Arabie,  du  monastère  de  Athy  (8). 

(■1)  Comparez  ci-dessus  (n"  4?»),  note  4. 

(2)  L'arabe  dit  de  Mar.SAenâ.  La  confusion  est  très  facile  entre  les  lettres  I  et   )!  en  sy- 
riaque. 

(3)  Ce  nom   est  écrit   en  marge  du  ms.  avec  un  renvoi   indiquant  sa  place,   mais  sans 
numéro  d'ordre.  L'arabe  le  place  sous  le  n"  68. 

(4)  CL  ci-dessus.  n°  10. 

(o)  Le  nom  est  distnictement  écrit  dans  l'arabe. 

(6)  Les  manuscrits  ont  :  'Éshai,  qui  paraît  être  un  nom  liypokoristique  pour  'Éshaia. 

(7)  Cf.  ci-dessus,  n°  îiO. 

(8)  'Athy  ou  'A thon  dans  les  deux  manuscrits;  peut-être  le  nom  esl-il  incomplet  (?^. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  34 


498  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

87.  SÉVÈRE,  métropolitain  cTAnazarba,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

88.  Elias,  métropolitain  d'Édesse,  de  la  montagne  d'Édesse. 

89.  NoNNUS  (Ij,  évèque  du  Tour'Abdîn,  du  monastère  de  Qartamîn. 

90.  (Gabriel,  évèque  de  Samosate,  du  monastère  de  Mar  Bar-Çauma. 

91.  David,  évèque  d'Aphrah,  de  la  montagne  d'Édesse. 

92.  Thomas,  évèque  de  Kaisoum,  du  monastère  de  Mar  Jacques  de  Kai- 
soum. 

93.  Basile,  évèque  de  Téla,  du   monastère  de  Mar  Hanania. 

94.  George,  évèque  de  Hadeth  du  monastère  de  Goubba-Baraya. 

95.  Grégoire,  évèque  de  Kaisoum,  du  monastère  de  Bir-Qouin. 

96.  Zacharie,  évèque  de  Callinice,  du  monastère  de  Mar  Zakai . 

97.  Georges,  évèque  des  Taglibites. 

98.  YôNAN,  évèque   de  Gourgan,  du  monastère  de  Mar  Shila. 

99.  Constantin,  métropolitain  d'Édesse,  du  monastère  de  Qennéshrè. 

Ce  Mar  Denys  de  Tell-Mahrê  exerça  le  patriarcart  pendant 
vingt-sept  ans,  et  il  institua  ces  évêques.  Il  mourut  en  Tan 
1156,  le  22  de  'ab  (août  845).  Son  corps  fut  enseveli  dans  le 
monastère  de  Qennéshrè.  —  Que  Notre-Seigneur  nous  pardonne 
nos  fautes  par  la  prière  du  défunt  et  de  tous  les  évêques  qu'il  a 
institués. 

XIX.  —  Jean  [IIIJ,  patriarche,  du  couvent  de  Mar  Zakai,  de 
Callinice.  Son  installation  eut  lieu  dans  le  monastère  de  Mar 
Shila,  de  Saroug,  le  21  de  téshri  II  de  l'an  1158  (nov.  840). 
Mar  Habib,  [métropolitain]  de  Tarse,  lui  imposa  les  mains. 

Il  institua  ces  évêques  : 

1.  Gabriel,  métropolitain  de  Reçapba,  supérieur  du  monastère  de  Beit 
Mar  Zakai. 

2.  ArabI,  métropolitain  de  Samosate. 

3.  Bar-hadbeshaba,  évèque  de  Hanazith,  du  monastère  de  Mar  Shila. 

4.  Jean  Toubana,  évèque  de  Circesium. 

5.  André,  évèque  du  Sagistan,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

6.  Basile,  métropolitain  de  Tagrit,  du  monastère  de  Mar  Bar-Çauma. 

7.  Elias,  métropolitain  de  Cyrrhus,  du  monastère  des  Orientaux. 

8.  Sergius,  évèque  d'Alep,  du  monastère  de  Siagta. 

9.  Aharon,  évèque  de  Séleucie,  du  monastère  de  Mar  Ab[rali]am  (2). 

10.  Jean,  évèque  de  Zeugma,  du  monastère  de  Qartamîn. 

11.  TiMOTHÉE,  métropolitain  de  Samosate,  du  monastère  de  Mar  Shila. 

12.  Ah.-^ron,  évèque  de  Maipherkat,  du  monastère  d'Atounos  (3). 

13.  Davu),  évoque  d'Arsamosate,  du  monastère  de  Mar  Moïse. 

(1)  Syriaque  :  Naios;  arabe  :  Nânos. 

('î)  Le  syriaque  et  l'arabe  ont  tous  les  deux  Abam  ;  je  |)ense  que  c'est  une  abréviation 
pour  Abraham. 
(3)  Lire  de  même,  ci-dessus,  XVil,  n°'  57  et  U,  au  lieu  de  :  Antoine. 


LFS    ÉVKQUES   JACOHITKS    DU    \\\l''    AU    XIIl"    SIKCLE.  199 

14.  YôNAN,  évèquc  d'Aplirali,  du  couvenit  do  Mar  Atounos. 

15.  Jacques,  métropolitain  d'Kinèse,  du  monastère  de  Hala. 

16.  ÂHARON,  évéque  de  Circesium,  du  monastère  do  Mai-  Hanania. 

17.  Jacques,  évoque  des  Taglibites,  du  monastère  de  IJir-Qoum. 

18.  SÉVÈRE,  évêque  d'Akazqawan  (1),  du  couvent  de  Qartamîn. 

19.  Ahudama,  évoque  des  M;i/adayè,  de  la  ^'allée  d'Adam. 

20.  Etienne,  évoque  d'Irénopolis,  de  Tell-'ada. 

21.  Anastase,  métropolitain  de  Tarse,  de  Saphylos. 

22.  Ignace,  évêque  de  Hadeth,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

23.  Aharon,  métropolitain  d'Anazarba,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

24.  Joseph,  évêque  de  Zeugma,  du  monastère  de  Mar  Joseph. 

25.  Aharon,  métropolitain  de  Cyrrlms,  du  monastère  de  Mar  Jacques. 

26.  David,  évêque  de  Harran,  du  couvent  de  Qartamin. 

27.  Jean,  évêque  de  Callisura,  de  Saphylos. 

28.  Elisée,  évêque  de  Nisibe,  du  monastère  de  Salomon. 

29.  Jean,  évoque  de  Kephar-Touta  et  de  Mardê,   du  monastère  de  Tell- 
Çaphara. 

30.  SÉVÈRE,  évoque  de  Téla,  du  monastère  des  Confesseurs. 

31.  Jacques,  évêque  de  Kaisoum,  du  monastère  de  Salomon. 

32.  Théodosius,  métropolitain  d'Apamée,  de  Mar  Jacques  de  Kaisoum. 

33.  Habib,  métropolitain  d'Ainid,  du  couvent  de  Hanania. 

34.  Basile,  évêque  de  Gishra,  du  monastère  des  Orientaux. 

35.  Cyriacus,  métropolitain  de  Callinice,  du  monastère  de  Zakai. 

36.  Sergius,  évêque  de  Qennéshrîn,  du  monastère  de  Pesilta. 

37.  Jacques,  métropolitain  de  Hérat,  du  monastère  de  Bir-Qoum. 

38.  Théodore,  évêcjue  de  Gishra,  du  monastère  de  Bir-Qoum. 

39.  Isaïe,  métropolitain  de  Maiplierkat,  du  monastère  de  Bizôna. 

40.  SÉVÈRE,  évêque  de  Samosate  et  Hanazith,  [du  monastère]  de  Mar  Ha- 
nania. 

41.  Jean,  métropolitain  de  Jérusalem,  du  Grand  monastère  de  Tell-'ada. 

42.  Denys,  métropolitain  de  Reçapha,  du  monastère  de  Naphshata. 

43.  Hanania,  évêque  de  Tibériade,  du  monastère  de  Hala. 

44.  Daniel,  évêque  de  Tell-Beshmé,  du  [monastère  de]  Mar  Atonos. 

45.  Daniel,  évêque  de  Kephar-Bât  (?),  de  la  Vallée  d'Adam. 

46.  Pierre,  de  la  Vallée  d'Adam. 

47.  Samuel,  métropolitain  du  Sagistan,  du  monastère  de  Mar  Mattai. 

48.  Melkizédec,  métropolitain  de  Tagrit,  du  monastère  de  la  Mère  de 
Dieu. 

49.  Abraham,  métropolitain  d'Amid,  du  monastère  de  Mar  Siméon. 

50.  Tibère,  évêque  d'Arabie,  de  la  montagne  d'Édesse. 

51.  Habîb,  évêque  de  Qardou,  du  couvent  de  Hanania. 

52.  Ignace,  évêque  d'Arménie,  de  Harbâz. 

53.  Salomon,  évêque  des  Nédjrayê  et  des  Ma'adayê,  du  monastère  de  Ka- 
noushia. 

(1)  Les  deux  mss.  syriaque  et  arabe  donnent  la  même  lecture.  Il  ajîit  sans  doute  du  même 
endroit  appelé  plus  bas  Abadqawaii  (n"'  XX,  20;  XXII,  25^;  XXIV,  3). 


500  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

54.  Antime,  évêque  de  Dolik,  du  monastère  de  Bar-Hadbeshaba. 

55.  Pierre,  évêque  d'Aphrah,  des  moines  de  la  montagne  d'Édesse. 

56.  Basile,  évêque  de  Circesium,  du  monastère  de  Hanania. 

57.  Bacchus,  évêque  des  Taglibites,  de  la  Vallée  d'Adam. 

58.  Salomon,  métropolitain  de  Damas,  du  monastère  de  Yônan. 

59.  Job,  évoque  d'Aphrali,  du  monastère  de  Tell-Ç'aphara,  à  Harran. 

60.  NoÉ,  évêque  d'Irénopolis,  du  monastère  de  Souqnîn  (1). 

61.  Jean,  évêque  d'Apamée,  du  monastère  de  Qennéshré. 

62.  Théodore,  évêque  de  Resh'ayna,  du  monastère  de  Saphylos. 

63.  Timothée,  évêque  d'Arzoun,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

64.  Athanase  Hakim  (2),  métropolitain  de  Dara. 

65.  Philoxène,  métropolitain  de  Recaplia,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

66.  Cyrille,  qui  est  Noé,  métropolitain  de  Jérusalem. 

67.  Elisée,  métropolitain  de  Maipherkat,  du  monastère  de  Hanania. 

68.  Isaac,  métropolitain  de  Damas,  du  monastère  de  Pesilta. 

69.  SiMÉON,  métropolitain  de  Maboug,  du  monastère  du  village  de  Sébân. 

70.  SiMÉON,  évêque  de  Balbek,  de  la  montagne  d'Edesse. 

71.  Isaac,  évêque  de  Saroug,  de  la  montagne  d"Edesse. 

72.  Isaac,  évêque  de  Cyrrhus,  de  la  montagne  d'Edesse. 

73.  Abraham,  métropolitain  de  Hérat,  de  la  montagne  d'Edesse. 

74.  Athanase,  évêque  de  Qennéshrîn,  de  Mar  Pbocas. 

75.  Lazare,  métropolitain  de  Tarse,  du  monastère  des  Orientaux. 

76.  Jean,  évêque  d'Arabie,  du  couvent  de  Mar  Zakai. 

77.  Sergius,  moine,  métropolitain  de  Tagrit. 

78.  Jean,  évêque  des  Taglibites  qui  sont  àGozarte  de  Mossoul. 

79.  Jean,  évêque  d'Irénopolis,  du  monastère  de  Qoubbê. 

80.  Gabriel,  évêque  de  Gisbra,  du  monastère  des  Orientaux. 

81.  Georges,  évêque  de  Zeugma,  du  monastère  de  Qennésbrê. 

82.  M.\tthieu,   évêque  de  Resh-Kîpha,  de  la  maison  des  Confesseurs, 
d'Edesse. 

83.  Ignace,  évêque  de  Mardê,  [du  monastère]  de  Mar  Hanania. 

84.  Etienne,  évêque  de  Callisura,  [du  monastère]  de  Mar  Jean. 

Ce  IVIar  Jean  administra  le  patriarcat  pendant  vingt-sept  ans, 
et  il  institua  ces  évêques.  Il  mourut  le  jeudi  3  de  kanoun  I" 
de  l'an  1185  (décembre  873),  dans  le  couvent  de  Saphylos,  et 
son  corps  fut  conduit  au  monastère  de  Mar  Zakai. 

XX.  —  Ignace,  patriarche,  du  couvent  de  Harbàz;  il  fut 
ordonné  en  l'an  II89  (878),  par  les  mains  de  Mar  Timothée,  de 
Samosate,  dans  le  [monastère  (3)]  qui  est  sur  le  fleuve  de  l'Eu- 
phrate. 

(!)  Écrit  ainsi  dans  l'arabe  et  dans  le  syriaque;  sans  doute  pour  Zouqnin,  par  échange 
des  lettres  s  et  ;.  Conip.  ci-dessus,  sous  le  n"  XVlll,  4. 

(2)  Le  sage  ou  le  médecin  ? 

(3)  Je  traduis  par  conjecture  ;  les  mss.  syriaque  et  arabe  sont   altérés,   et  le    texte  de 
Bar-Hébréus  ne  parait  pas  s'accorder  avec  ce  qu'on  peut  tirer  de  ces  manuscrits. 


LES    ÉVÈQUKS    JACOlîITE.S    DU    VIIl"    AU    XIIl"    SIKCIJ;.  501 

Il  institua  ces  [évêques]  : 

1.  SÉVÈRE,  ùvèquo  d(î  Rcsli  Kîplia,  du  monastère  des  Htrangers. 

2.  Abraham,  métropolitain  d'Anazarba,  du  monastère  de  Hadbeslialja. 
!1  Sergu's,  métropolitain  de  Cyrrhus,  [du  monastère]  de  Mar  Lazare  de 

Harran. 

4.  Cyr'iacus, métropolitain d'Edesso,  [du monastère]  de  Mar.Rîan  de  Dara. 

5.  Abraham,  évêque  d'Alep(l),  de  la  montagne  d'Edesse. 

6.  Jean,  évêque  de  Germanicia,  du  monastère  de  Zouqnîn. 

7.  M[CHEL,  évêque  de  Samosate,  du  couvent  de  Mar  Atounos. 

8.  Jean,  métropolitain  d'Amid,  du  monastère  de  Mar  Sergius 

9.  Abraham,  évêque  de  Circesium,  du  couvent  de  Hanania. 

10.  Elias,  évêque  de  Hadetli,  du  monastère  de  Mar  Sévère. 

11.  Slméon,  évêque  de  Zoubtara,  du  monastère  de  Mar  Jacques  de 
Kaisoum. 

12.  Cyrille,  évêque  de  Maipberkat,  de  Qennésbrê. 

13.  Gabriel,  évêque  de  Saroug,  du  monastère  de  la  Mère  de  Dieu,  qui 
est  dans  le  désert. 

14.  Jacques,  évêque  de  Balbek,  du  monastère  de  Pesilta. 

15.  Cyriacus,  métropolitain  d'Anazarba,  du  monastère  de  Salomon. 

16.  Constantin,  évêque  de  Harran,  du  monastère  de  Qartamîn. 

17.  Aharon,  métropolitain  de  Maipberkat,  du  couvent  de  Hanania. 

18.  Gabriel,  évêque  d"Arabie,  du  monastère  de  Sébân. 

19.  Matthieu,  métropolitain  de  Dara,  du  couvent  de  Mar  Jean  de  Dara. 

20.  Jean,  évêque  de  Abadqawan  (?),  du  couvent  de  Mar  Salomon,  de  Dolik. 

21.  Sévère,  métropolitain  du  Sagistan,  du  monastère  deTell-Çapbara,  de 
Harran. 

22.  SÉVÈRE,  métropolitain  de  Callinice,  du  monastère  de  Mar  Zakai. 

23.  Theodose,  évêque  de  la  ville  de  Doula,  du  monastère  de  Qen- 
néshrê. 

24.  Jean,  métropolitain  de  Maboug.  de  la  montagne  d'Édesse. 

25.  Jean,  évêque  de  Dolik,  du  couvent  de  Mar  Jacques. 

26.  SÉVÈRE,  métropolitain  de  Jérusalem,  du  monastère  de  Zouqnîn. 

Ce  ]\lar  Ignace  administra  le  patriarcat  pendant  cinq  ans.  Il 
mourut  le  mardi  de  la  Passion,  à  JVIériba  (2);  son  corps  y  fut 
enseveli  dans  la  grande  église. 

XXL  —  TiiÉoDosE,  patriarche,  du  couvent  de  Qartamîn. 
Son  installation  eut  lieu  en  Fan  1198,  le  dimanche  5  de  shébat 
(février  887),  dans  la  ville  d'Amid.  ]\Iar  Timothée,  [métropoli- 
tain] de  Samosate,  lui  imposa  les  mains. 

Il  institua  ces  évêques  : 

(1)  Le  nom  du  siège,  omis  par  le  syriaque,  est  donné  d'après  l'arabe. 

(2)  Bar-Hébréus  donne  la  même  indication,  et  ajoute  :  en  H9i  (883). 


502  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

1.  Athanase,  métropolitain,  de  Tagrit,  de  la  montagne  d'Edesse. 

2.  Job,  métropolitain  de  Hérat,  du  couvent  de  Tell-Çaphara,  à  Ka.isoum. 

3.  Denys,  métropolitain  d'Apamée,  [du  monastère]  de  la  Mère  de  Dieu. 

4.  Cyrille,  métropolitain  d'Anazarba,  du  nionastère  de  Zouqnîn. 

5.  Denys,  évêque  de  Téla,  du  couvent  de  Quartamîn. 

6.  EzÉCHiEL,  évêque  de  Mélitène,  du  monastère  de  Mar  Atounos. 

7.  Daniel,  métropolitain  de  Damas. 

8.  DiNHA,  évêque  de  Callisura,  du  monastère  de  Mar  Shila. 

9.  Georges,  évêque  de  Circesium,  du  monastère  de  Mar  Jean  de  Dara. 

10.  Gabriel,  métropolitain  de  Tibériade,  du  monastère  de  Tar'el. 

11.  Michel,  métropolitain  de  Maboug,  du  monastère  de  Bizôna. 

12.  Jacques,  métropolitain  de  Samosate,  de  la  montagne  d'Edesse. 

13.  Ignace,  métropolitain   d'Aphrah,  qui  est  dans  le  Khorasan,  de    la 
montagne  d'Edesse. 

14.  EzÉCHiEL,  évêque  du  Tour-'Abdin,  du  mona.stère  de  Quartamîn. 

15.  Sylvanus,  évêque  d'Arzoun,  du  monastère  de  Bar-Hadbeshaba. 

16.  Basile,  évêque  d'Arménie. 

17.  YÔNAN,  évêque  d'irénopolis,  du  couvent  de  Qartamin. 

18.  Habîb,  métropolitain  d'Anazarba,  du  monastère  de  Mar  Sergius. 

19.  SiMÉON,  évêque  de  Tell-Beshmê,  du  monastère  de  Mar  Atounos. 

20.  Habîb,  métropolitain  de  Reçapha,  du  monastère  de  Naphshata,  de  la 
montagne  d'Edesse. 

21.  Jean,  évoque  de  Saroug,  du  monastère  de  Habisha  (1),  qui  dans  le 
Tour'Abdîn. 

22.  Lazare,  métropolitain  de  Tarse,  du  Grand  monastère  de  Samosate. 

23.  Elias,  évêque  de  Gishra,  de  la  Maison  des  moines,  de  la  montagne 
d'Edesse. 

24.  Habîb,  évêque  de  Kaisoum,  de  la  montagne  d'Edesse. 

25.  Basile,  évêque  de  Zeugma,  du  monastère  de  Siagta. 

26.  Mathieu,  évêque  de  la  ville  de  Téla,  du  couvent  de  Hanania. 

27.  Thomas,  évêque  de  Circesium,  du  couvent  de  Hanania. 

28.  Thomas,  évêque  d'irénopolis,  du  monastère  de  Zouqnîn  (2). 

29.  SÉVÈRE,  évêque  de  Dara  (3). 

30.  Jacques,  évêque  de  Nédjrayê. 

31.  Habîb,  évêque  d'irénopolis. 

32.  Sergius,  évêque  de  Resh-'ayna  (4),  du  monastère  de  Mar  Jean. 

Mar  Théodose  administra  le  patriarcat  pendant  neuf  ans 
et  quatre  mois.  Il  mourut  le  24  de  haziran  de  l'an  1207  (juin 
896),  dans  le  couvent  de  Qartamin. 

XXII.  —  Denys  [II],  patriarche,  du  monastère  de  Beit  Botîn, 

(1)  c'est-à-dire  «  du  Reclus  ■;  peut-être  de  Habishè,  «  des  Reclus  »? 

(2)  L'arabe  et  le  syriaque  ont  :  Zouqin.  —  Cf.  ci-dessus,  XVIII,  4. 

(3)  Les  mss.  portent  par  une  erreur  évidente  :  Dada. 

(4)  Le  nom  est  donné  intégralement  par  l'arabe  ;  le  syriaque  a  seulement  :  Resli. 


LES    ÉVKQUES    .IAC0I5ITES    DU    VIIl"  AU    XIIl"  SIÈCLE.  503 

de  Harran.  Son  installation  eut  lieu  en  Tan  12(»8,  le  23   <le 
nisan  (avril  897).  Jacques,  [métropolitain]  (rÉmèse,  lui  imp<jsa 
les  mains. 
Il  fit  les  ordinations  de  ceux-ci  : 

1.  TnÉODOSE,  métropolitain  d'Edesse,de  la  montagne  d'Édesse. 

2.  Jean,  métropolitain  de  Samosate,  de  Saphylos. 

3.  TiMOTiiÉE,  métropolitain  de  Damas,  de  Mar  Atounos. 

4.  Jean,  évêque  des  Nations  (1),  du  monastère  de  Jacques  de  Kaisoum. 

5.  Jacques,  évêque  d'irénopolis;  du  monastère  de  TelTada. 

6.  Ignace,  évêque  de  Qennéshrîn,  du  monastère  d'Eusébona. 

7.  Jean,  évêque  de  Zouphtara,  du  monastère  de  Mar  Siméon. 

8.  Jean,  évêque  de  Harran,  du  monastère  de  Mar  Sévère. 

9.  Daniel,  métropolitain  de  Samosate,  du  monastère  de  Harbàz. 

10.  CvRiACus,  évêque  de  Balbek,  de  Mar  Jean  de  Dara. 

11.  Gabriel,  métropolitain  de  Cyrrhus,  du  Grand  monastère. 

12.  IsAAC,  métropolitain  de  Hérat,  du  Cirand  monastère  (2)  qui  est  dans 
le  territoire  de  la  ville  de  Téla. 

13.  PiiiLOXÈNE,  métropolitain  (3j,  du  monastère  de  Shôna. 

14.  DiûscoRE,  métropolitain  d'Édesse,  de  Harbâz. 

15.  Habîlî,  évêque  d'irénopolis. 

16.  Samuel,  métropolitain  de  Maipherkat. 

17.  Abraham,  métropolitain  d'Aphrah,  du  monastère  de  Saphylos. 

18.  ISAAC,  évêque  de  Nisibe,  du  monastère  de  Qennéshrê. 

19.  Jean,  évêque  du  Tour-Abdin,  du  couvent  de  Qartamîn. 

20.  Job,  évêque  de  Callisura. 

21.  Théodose,  évêque  de  Resh'ayna. 

22.  Cyrille,  métropolitain  de  Tarse,  du  monastère  de  Bizôna. 

23.  Théophile,  évêque  de  Zouphtara,  du  monastère  de  Jean. 

24.  Daniel,  évêque  d'Arménie. 

25.  Grégoire,  métropolitain  de  Callinice,  de  cette  ville  même. 

25=\  Jacques,  évêque  de  Abadqawan  ('?),  du  monastère  de  Beit  Botin. 

26.  Abraham,  évêque  de  la  ville  de  Doula(?). 

27.  CosMAS,  évêque  de  Hadeth. 

28.  Pierre,  métropolitain  de  Reçapha,  de  la  montagne  d'Edesse. 

29.  Jacques,  évêque  de  Tibériade,  de  Mar  Jacques  de  Batnan  (4). 

30.  Moïse,  évêque  d'Amid,  du  monastère  de  Mar  Amalina. 

31.  Georges,  évêque  de  Hadeth,  de  la  montagne  d'Edesse. 

32.  Jean,  évêque  de  Marda,  du  monastère  de  Mar  Hanania. 

33.  Timothée,  évêque  de  Circesium. 

34.  Anastase,  évêque  de  Abadqawan  (?)  du  Khorasan. 

35.  Athanase,  métropolitain  de  Damas. 

(1)  G'est-ù-dire  :  des  Arabes  nomades. 

(2)  L'arabe  omet  les  mots  (|ui  composent  cette  ligne  jusqu'ici. 

(3)  Le  jioiu  de  la  localité  est  omis  par  les  mss. 

(4)  Dans  l'arabe  :  «  de  Saroug  ». 


504  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

36.  Atiianase,  métropolitain  de  Tarse. 

37.  TiiÉODORET,  métropolitain  de  Maipherkat,  du  monastère  de  Tellal. 

38.  Gabriel,  métropolitain  d'Apamée,  du  monastère  de  Bizôna. 

39.  ISAAC,  évêque  d'Arménie,  du  couvent  de  Mar  Mattai. 

40.  Jacques,  évêque  de  Dolik,  du  couvent  de  Mar  Jacques. 

41.  Elias,  évêque  de  Mélitène,  du  monastère  de  Beit  Botin. 

42.  Ignace,  évêque  d'Irénopolis,  [du  couvent]  de  Mar  Jean. 

43.  Jean,  métropolitain  de  Dara,  de  cette  ville. 

44.  Ignace,  métropolitain  d'Amid,  du  monastère  de  Harbâz. 

45.  IsAAC,  évêque  de  Zeugma,  du  monastère  d'Elisée. 

46.  TiMOTiiÉE,  évêque  de  Samosate,  du  monastère  de  Siméon. 

47.  Basile,  évêque  de  Bithynie,  de  la  montagne  d'Edesse. 

48.  TiMOTHÉE,  évêque  d'Edesse,  du  monastère  de  Resh'ayna. 

49.  Joseph,  évêque  de  Saroug,  de  Mar  Saba. 

Ce  Mar  Denys  administra  le  patriarcat  pendant  treize  ans.  11 
mourut  en  Fan  1220,  le  mardi  de  la  semaine  du  Repos  (1),  18 
de  nisan  (avril  909),  dans  le  monastère  de  Beit  Botin,  et  son 
corps  vénérable  et  saint  y  fut  enseveli. 

XXIII.  —  Jean  [IV],  patriarche,  de  la  Colonne  du  monastère 
de  Qourzâhiel.  Son  ordination  eut  lieu  dans  le  monastère  de 
Tell-Çaphara,  de  Harran,  le  samedi  21  de  nisan  de  Fan  1221 
(avril  910).  Le  vénérable  .Jean,  [évêque]  de  Mar'ash,  lui  imposa 
les  mains. 

Il  ordonna  évêques  : 

I.  Thomas,  métropolitain  de  Tagrit,  de  la  Colonne  de  la  montagne  d'E- 
desse. 

2.  Jean,  métropolitain  de  Hérat. 

3.  Denha,  évêque  de  Kaisoum,  du  monastère  de    Saphylos. 

4.  Abraham,  évêque  de  Dolik,  du  monastère  de  Noulaban. 

5.  Joseph,  évêque  de  Mar'ash,  du  monastère  de  Tâbésh. 

6.  Théodose,  métropolitain  de  Maipherkat. 

7.  Joseph,  métropolitain  de  Jérusalem,  de  Damas. 

8.  Sévère,  évêque  de  Callisura,  du  monastère  de  Mar  Jacques  de  Kai- 
soum. 

9.  Gabriel,  évêque  de  Dolik,  du  couvent  de  Mar  Jacques. 
10.  JoB,  évêque  d'Alep,  du  monastère  de  Bizona. 

I I.  Siméon,  évêque  de  Gishra,  du  Pilier. 

12.  Denha,  métropolitain  de  Tagrit,  de  l'église  de  Mar  Thomas. 

13.  Isaac,  métropolitain  d'Emèse,  du  monastère  de  Qourzahel  de  Harran. 

14.  Etienne,  évêque  d'Irénopolis. 

(1)  C'esl-à-dire  :  de  la  semaine  de  Pâques,  selon  l'expression  liturgique  en  usage  chez  les 
Jacobites. 


LES    ÉVÈQUES  JACOBITES    DU    VIIl"    Al"    XIll"    SIÈCLE.  .jO.j 

15.  Jacques,  évoque  de  la  ville  de  Zeu^nna. 
10.  Thomas,  évoque  de  Qennéshrin,  d(!  Siagta. 

17.  TiiÉoDoitE ,   évéqiu>  pour  les  Nédjrayé   et  les  Taglibites,   du  Pilier. 

18.  Seroius,  métropolitain  de  Reeapha,  du  mona.stère  de  Mar  Zakai. 

19.  Aharon,  évêque  de  Gishra,  du  couvent  de  Qennéshrô. 

20.  Samuel,  évêque  du  Tour  'Abdin,  de  Qartamin. 

21.  Théodose,  métropolitain  de  Jérusalem,  de  Mar  Atounos. 

22.  Joseph,  évêque  d'Arzoun,  supérieur  du  monastère  de  Qartamîn. 

23.  Ignace,  évêque  de  Mardê,  de  [Mar]  Hanania. 

24.  Moïse,  métropolitain  de  Damas,  du  couvent  de  Shila. 

25.  Antîme,  évêque  de  Resh-Kîpha. 

26.  Constantin,  évêque  de  la  ville  de  Téla. 

27.  IsAAC,  métropolitain  de  Cyrrhus,  de  Qourzahel. 

28.  Abraham,  métropolitain  de  Nisibe,  de  Mar  Siméon. 

29.  Lazare,  évêque  d'irénopolis,  de  Mar  Jacques. 

30.  DioscoRE,  évêque  de  Re.sh'ayna. 

31.  Basile,  évêque  de  Circesium. 

32.  Jean,  évêque  de  Mélitène,  de  Mar  Bar-Cauma. 

33.  Paul,  évêque  d'Aphrah,  du  monastère  de  Mar  Bar-Çauma. 

34.  David,  évêque  de  Zouphtara,  du  monastère  de  Mar  Salomon  de 
Dolik. 

35.  Ignace,  évêque  de  Harran,  du  monastère  de  Hesna-Hamouça. 

36.  SÉVÈRE,  évêque  de  Callinice,  de  Mar  Hanania. 

37.  Jacques,  métropolitain  de  Callinice,  de  la  montagne  d'Édesse. 

38.  Jean,  évêque  d'irénopolis,  du  monastère  Hesna-Hamouça. 

39.  Habîb,  évêque  de  Téla,  du  monastère  de  Qourzahiel. 

40.  Cyriacus,  évêque  de  Bithynie,  de  Mar  Salomon. 

41.  Sévère,  évêque  de  Tell-Beshmê,  du  couvent  dWtounos. 

Ce  Mar  Jean  exerça  le  patriarcat  pendant  douze  ans.  Il  mou- 
rut le  samedi  dernier  jour  de  téshri  II ,  dans  le  monastère  de 
Saphylos,  de  Rish  ayna;  et  son  corps  fut  enseveli  là,  dans  la 
grande  église. 

XXIV.  —  Basile,  patriarche,  du  couvent  de  Saphylos,  dans  le 
village  de  Mérîba,  en  Tan  1234,  le  vendredi  15  de  'ab,  en  la  fête 
de  la  Mère  de  Dieu  (15  août  923).  Mar  Habib,  de  A[na]zarba,  lui 
imposa  les  mains. 

Il  fit  les  ordinations  de  : 

1.  Cyriacus,  métropolitain  de  Cyrrhus.  du  couvent  même. 

2.  Grégoire,  métropolitain  de  Mélitène  et  Claudia. 

3.  Ignace,  métropolitain  d'Anazarba,  du  village  de  Bala. 

4.  Théodore,  métropolitain  de  Maboug,  d'Arpânia. 

5.  Job,  évêque  d'Abadqawan  (?),  en  Perse,  d'Édesse. 


506  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

6.  Théodose,  métropolitain  de  Samosate,  de  la  montagne  d'Édesse. 

7.  SiMÉON,  métropolitain  de  Hadeth,  de  Mar  Jacques,  de  Kaisoum. 

8.  Jean,  métropolitain  de  Saroug,  du  couvent  de  Hanania. 

9.  Etienne,  éyéque  d'Arménie,  de  Mar  Elisée. 

10.  Job,  métropolitain  de  Tibériade,  de  Mar  Zakai. 

11.  Jean,  évêque  du  Tour-'Abdin,  de  Qartamin. 

12.  Gabriel,  métropolitain  de  Dara,  supérieur  du  couvent  des  Orien- 
taux. 

13.  Jean,  évêque  des  Nédjrayè  et  des  Ma'adayè,  du  monastère  de  Qar- 
qaphta. 

14.  Athanase,  métropolitain  d'Émèse,  de  Mar  Hanania. 

15.  Athanase,  évêque  des  Nations  (1),  du  couvent  de  Harbâz. 

16.  Cyrille,  métropolitain  de  Jérusalem,  de  la  montagne  d'Edesse. 

17.  Jean,  évêque  de  Saroug,  du  monastère  de  Bar  Cauma. 

18.  Philoxène,  métropolitain  d'Édesse. 

19.  David,  métropolitain  d'Émèse,  du  monastère  de  Mar  Shila. 

20.  Julien  (2),  métropolitain  de  Maipherkat,  du  Pilier. 

21.  Athanase,  évêque  de  Balbek,  supérieur  du  monastère  d'Edesse. 

22.  Jean,  métropolitain  d'Amid,  de  Mar  Bar-Çauma. 

23.  Job,  évêque  de  Zeugma,  du  monastère  deSiagta. 

24.  Denys,  métropolitain  de  Samosate,  du  monastère  de  Mar  Sévère. 

25.  Grégoire,  évêque  de  Hadeth,  du  couvent  de  Mar  Jean. 

26.  Abraham,  évêque  d'Alep,  du  couvent  de  Mar  Jean. 

27.  Pierre,  métropolitain  du  Sagistan,  de  la  montagne  d'Edesse. 

28.  Sergius,  évêque  de  Saroug,  de  Mar  Bar-Çauma. 

29.  Jean,  de  Gishra,  du  couvent  de  Mar  Zakai. 

30.  JÉRÉMiE,  évêque  de  Hâmâm,  du  couvent  de  Hesna-Hamouça. 

31.  Pierre,  évêque  de  Mardê  et  Kephar-Touta,  du  monastère  de  Ha- 
nania. 

32.  Paul,  métropolitain  de  Hérat,  do  la  montagne  d'Edesse. 

Ce  Mar  Basile  exerça  le  patriarcat  pendant  onze  ans  et  sept 
mois.  Il  mourut  le  mercredi  delà  Passion,  25  d'adar  [mars], 
dans  le  monastère  Oriental.  —  Que  sa  prière  nous  accompagne  ! 
Amen. 

XXV.  —  Jean  [V] ,  patriarche ,  de  la  Maison  des  moines  de  la 
montagne  Noire.  Son  ordination  eut  lieu  à  Tell'ada,  village  de 
la  région  d'Antioche,  en  Tan  1247  (3)  le,  dimanche  28  de  'ab 
(août  93G).  Mar  Athanase,  [métropolitain]  de  Tarse,  lui  imposa 
les  mains. 


(1)  Voyez  ci-dessus,  XXII,  i. 

("2)  Ou  Julhis:  le  syriaque  confondant  souvent  ces  deux  noms. 

(3)  Ainsi  d'après  Bar-Hébréus  ;  les  mss.  portent  12-27. 


LES    KVÈQUES   JACOr.ITES    DU    VIII^   AU    XIII°    SIÈCLE.  007 

Il  ordonna  ceux-ci  : 

1.  Basile,  métropolitain  ae  Tafi-rit,  de  Qartamin. 

2.  Anastase,  évoque  d'Alep,  de  Mar  Siniéou  (1). 

3.  Jacques,  métropolitain  de  Tibériade,  de  Mar  Yùnan  de  Damas. 

4.  Grégoire,  évoque  de  Resh-'ayna. 

5.  Matthieu,  évèque  d'Arzoun,  de  Mar  Zakai. 

6.  Jean,  évèque  de  Doula. 

7.  Abraham,  évèque  de  Hadeth,  de  Mar  Zakai. 

8.  Jean,  évèque  de  Qàstan  (2),  de  Mar  Elisée. 

9.  Jean,  évèque  de  Dolik,  de  Mar  Salomon. 

10.  Habib,  évèque  du  Tour-'Abdîn,  de  Qartamin. 

11.  Basile,  évèque  de  Samosate,  de  Qâqôsin  (?). 

12.  Athanase,  métropolitain  d'Aphrah,  de  Mar  Daniel. 

13.  SÉVÈRE,  évèque  de  Circesium,  du  couvent  de  Qartamin. 

14.  Jacques,  métropolitain  de  Maipherkat,  de  Bizôna. 

15.  TiMOTHÉE,  évèque  de  Wastan. 

IG.  Athanase,  évèque  d'Aphrah,  de  Saphylos. 

17.  Job,  évèque  de  Hàmâm  et  Kînîsa. 

18.  Sergius,  métropolitain  dWpamée,  de  Bizôna. 

19.  Basile,  évèque  d'Arsamosate,  du  monastère  de  Salomon. 

20.  Abraham,  évèque  d'Arménie,  de  Mar  Sergius. 

21.  SiMÉON,  évèque  de  Qennéshrin,  du  Grand  couvent. 

22.  Théodose,  évèque  de  Zouphtara,  de  Mar  Atounos. 

23.  Jean,  métropolitain  de  Damas,  du  couvent  de  Naphshata,  d'Alep. 

24.  Jacques,  métropolitain  de  Maboug,  de  Mar  Zakai. 

25.  Ath.vnase,  métropolitain  de  Samosate. 

26.  SÉVÈRE,  évèque  de  Resh-Kipha,  de  Bizôna. 

27.  Jean,  métropolitain  d'Anazarba. 

28.  Job,  métropolitain  de  Nisibo. 

29.  Joseph,  métropolitain  d'Amid,  du  monastère  de  Mar  Bar-Çauma. 

30.  Etienne,  évèque  de  Zouphtara. 

31.  Pierre,  évèque  de  Claudia. 

32.  Jean,  évèque  du  Sagistan. 

33.  Ignace,  évèque  du  pays  de  'Élés. 

34.  Philoxène,  évèque  de  Harran ,  du  monastère  de  Naphshata. 

35.  Abraham,  métropolitain  d'Édesse,  du  Pilier. 

36.  .\thanase,  métropolitain  de  Tarse. 

37.  Moïse,  évèque  de  Germanicia. 

38.  David,  métropolitain  d'Anazarba. 

39.  HabIb,  métropolitain  de  Reçapha,  de  Mar  Zakai. 

40.  Jérémie,  métropolitain  de  Tarse. 

41.  Athanase,  [métropolitain]  d'Anazarba. 

42.  Ignace,  évèque  du  Tour-'Abdîn. 

(1)  L'arabe  porte  :  Mar  Salomon. 

(2)  Peut-être  à  lire  de  Wastùn;  comp.  ci-dessous,  iv^  i:>  et  ii. 


508  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

43.  Jacques,  évêque  de  Hàmâm  et  Kînîsa. 

44.  Jean,  évêque  de  Wastan,  dWmid. 

45.  Jean,  métropolitain  de  Mélitène. 

46.  Michel,  métropolitain  de  la  ville  de  Dara. 

47.  Jérémie,  métropolitain  de  Jérusalem,  de  la  montagne  d'Edesse. 

48.  Jean,  évêque  de  Qarnah. 

Ce  Mar  Jean  exerça  le  patriarcat  pendant  dix-neuf  (1)  ans,  et 
il  mourut  le  3  de  tamouz  (juillet),  en  la  fête  de  Mar  Thomas. 
Son  corps  fut  enseveli  dans  le  Grand  couvent  deTelFada,  dans 
le  caveau  du  vénérable  Mar  Jacques  d'Edesse.  —  Que  sa  prière 
soit  avec  nous  ! 

XXVI.  —  Jean  [VI],  patriarche  (2).  Il  fut  institué  en  l'an  1265, 
(954),  dans  le  village  de  Tell'ada.  Mar  Jacques,  métropolitain  de 
Callinice,  lui  imposa  les  mains. 

Il  ordonna  ces  évêques  : 

1.  Elias,  métropolitain  de  Mélitène,  de  Zouqnin. 

2.  Joseph,  métropolitain  de  Damas. 

3.  Moïse,  métropolitain  d'Emèse,  de  Mar  Abhai. 

4.  Basile,  évêque  de  Zouphtara. 

5.  Lucas,  évêque  de  Qarnah. 

6.  Joseph,  métropolitain  de  Nisibe. 

7.  Moïse,  évêque  d'Arabie. 

8.  SiMÉON,  évêque  d'Aphrah  du  Khorasan. 

9.  SeR(iius,  évêque  de  Bâlbek. 

10.  Jacques,  métropolitain  de  Simnadou  (3). 

Ce  Mar  Jean  administra  le  patriarcat  pendant  deux  ans.  Il 
mourut  le  vendredi,  dernier  jour  de  kanoun  II  (janv.),  dans  le 
couvent  de  Mar  Salomon  de  Dolik. 

XXVII.  —  Denys  [III],  patriarche,  du  couvent  de  Qartamîn. 
Il  fut  institué  le  28  de  téschri  II  de  l'an  1269  (nov.  957).  Mar 
Jacques,  métropolitain  de  Callinice,  lui  imposa  les  mains. 

Il  ordonna  ces  évêques  : 

1.  Éléazar,  métropolitain  d'Anazarba. 

2.  Jean,  évêque  de  Zouphtara,  du  monastère  de  Nahra-Qarîra  (4). 

(1)  Ainsi  d'après  Bar-Hébréus,  le  ms.  porte  1"  ans. 

(2)  L'aralje  ajoute  :  «  de  la  Colonne  de  Qourzaliiel  ».    ' 

(3)  Ici  l'arabe  traduit  par  :  Hesn-Mançour.  Comparez  plus  Ijas,  XXIX,  2i. 

(4)  Flumen  frigidum. 


LES    KVKfjUES    .IAC0I5ITES    DU    VIIl"   AL"    XIIl"    SIÈCLE.  509 

3.  Atiianase,  métropolitain  de  Damas. 

4.  Jean,  évoque  de  Mardè,  du  couvent  de  Qartamîn. 

5.  TiiÉDOSE,  évè(iue  d'A])lirali,  de  Mar  Ilanaiiia. 

6.  DioscoRE,  métropolitjiin  dv  Dara. 

7.  ÉzÉcniEL,  métropolitain  de  Môlitène. 
S.  TiMOTiiÉE,  évêque  de  Circosium. 

Ce  Mar  Denys  administra  le  patriarcat  pendant  deux  ans.  II 
mourut  au  mois  de  haziran  de  Tan  1272  (juin  901)  dans  le 
couvent  de  Qartamîn,  et  son  corps  fut  enseveli  dans  le  caveau 
du  patriarche  Mar  Théodose. 

XXVIII.  —  Abraham,  patriarche,  du  monastère  de  Tar'el,  en 
l'an  1273  (9G2),  au  village  de  Tell'ada.  Mar  .Job,  évèque  de 
Zeugma,  lui  imposa  les  mains. 

Il  ordonna  ces  évoques  : 

1.  Jean,  métropolitain  de  Tibériade,  d'Antioche . 

2.  Cyriacus,  métropolitain  de  Tagrit,  de  la  ville  d'Alep. 

3.  Constantin,  évêque  de  Germanicia. 

4.  SÉVÈRE,  évêque  du  Tour  'Abdîn,  de  Tell'ada. 

5.  TiMOTHÉE,  évêque  de  Harran,  dans  le  monastère  de  Tar'el. 

6.  Ingace.  évèque  de  Gishra,  dans  le  monastère  de  Tar'el. 

7.  Jean,  métropolitain  de  Callinice,  dans  le  monastère  de  Tar'el. 

Il  administra  le  patriarcat  pendant  un  mois  (1)  et  il  mourut  le 
4  d'adar  (mars).  Il  fut  enseveli  par  son  maître,  Mar  Anastase, 
évêque  d'Alep,  dans  ce  monastère.  —  Que  sa  prière  nous  ac- 
compagne! 

XXIX.  —  Jean  [VII],  patriarche,  surnommé  de  Sarigta,  à 
cause  de  sa  grande  pauvreté,  aussi  du  monastère  de  Tar'el;  le 
dimanche  9  de  tamouz  de  Tan  1276  (juillet  965),  il  fut  institué 
à  Kephar-Nébo,  dans  la  région  de  Saroug.  Mar  Sergius,  [évêque 
■de  Saroug],  lui  imposa  les  mains. 

Il  ordonna  ceux-ci  : 

1.  Jean,  évêque  de  Resh-'ayna,  du  Pilier. 

2.  Ignace,  métropolitain  dWmid. 

3.  Tiiéodose,  métropolitain  de  Damas. 

4.  Jean,  métropolitain  de  Hérat. 

<1)  Bar-HébrOus  dit  :  neuf  mois  et  neuf  jours;  l'arabe  porte  :  dix  mois. 


510  REVLE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

5.  T[MOTHÉE,  métropolitain  de  Maipherkat,  de  Qarîrê. 

6.  Philoxène,  métropolitain  d'Édesse,  de  la  montagne. 

7.  Ignace,  métropolitain  de  Mélitène. 

8.  Jean,  évéque  du  Tour'Abdin. 

9.  Basile,  évêque  de  Mardè. 

10.  Jean,  évêque  de  Hérat  du  Kliorasan  (1). 

11.  Atiianase,  évêque  de  Callisura. 

12.  Denys,  évêque  de  Hadeth. 

13.  Elias,  métropolitain  de  Samosate  (2). 

14.  Sergius,  évêque  d'Alep,  de  Sharga  de  Pésqîn. 

15.  Jean,  métropolitain  de  Tibériade. 

IG.  Cyriacos,  évêque  de  Saroug,  du  monastère  de  Sergisyeh. 

17.  Jean,  évêque  de  Germanicia,  du  monastère  qui  est  dans  le  désert  (3). 

18.  Ignace,  métropolitain  de  Dara,  du  monastère  de  Qartamîn. 

19.  Sergius,  évêque  de  Resh-'ayna,  du  monastère  de  Tell-Patriq. 

20.  Théophile,  métropolitain  de  Damas,  du  monastère  de  Mar  Yônan. 

21.  TiMOTHÉE,  métropolitain  d'Amid,  de  Sharga,  de  Mar  Aharon. 

22.  Michel,  évêque  de  Claudia,  du  couvent  de  Mar  Bar-Çauma. 

23.  Théodose,  évêque  de  Harran,  du  monastère  de  Beit  Botîn. 

24.  Basile,  métropolitain  de  Simnadou  (4),  du  monastère  de  la  Mère  de 
Dieu. 

25.  Sergius,  métropolitain  d'Apamée ,  de  Mar  Atounos,  qui  est  à  Qa- 
riré  (5). 

26.  Siméon,  évêque  de  Zeugma,  de  (roubbîn  au  fleuve  Quariré  (6). 

27.  Thomas,  métropolitain  de  Jérusalem,  du  monastère  de  Tar'el,  à 
Mar'ash. 

28.  Jean,  métropolitain  de  Cyrrhus,  de  Sharga  de  Pésqîn. 

29.  CosMAS,  métropolitain  de  Reçapha,  de  la  Colonne  qui  est  dans  le 
monastère  de  Mar  Bar-Çauma  de  Saroug. 

30.  Pierre,  évêque  d'Arzoun,  d'Amid,  au  fleuve  Qarîrê. 

31.  Ézéchiel,  métropolitain  de  Dara  et  de  Habôra,  du  monastère  de  Qar- 
tamin. 

32.  Sergius,  évêque  de  Qarnah,  de  Shagra  de  Pésqîn,  en  ce  lieu  (7). 

33.  Moïse,  évêque  du  pays  de  Claudia,  à  Mar'ash. 

34.  Basile,  métropolitain  de  Tibériade,  dans  le  village  d'Arnôs. 

35.  Cvriaque,  évêque  de  Zouphtara,  du  fleuve  Qarîrà,  à  Mar'ash. 

(1)  Pai'aitêtre  la  répétition  ilu  n"  4. 

(2)  Ainsi  d'après  l'arabe,  dont  la  lecture  seml)le  prcleraljle  au  syriaque  qui  porte  :  Elias, 
métropolitain  de  Tibériade. 

(3)  Restitution  d'après  la  traduction  arabe;  le  ms.  porte  :  Dr.DMUA. 

(4)  Voyez  la  note  ci-dessus,  n»  XXVI,  10.  Ici,  l'arabe  conserve  le  nom  «  Simnadou  ». 

(.%)  Le  texte  syriaque  porte  :  qui  est  à  Marin';  mais  il  n'y  a  pas  de  doute  qu'il  faille  res- 
tituer Qariré,  l'aralje  traduisant  par  Al-Bârid  comme  au  n"  suivant. 

(C)  Arabe  :  «  de  Zeugma  et  Goubbin  »,  leçon  qui  semble  préférable. 

(7)  n  faut  observer  que  souvent  la  construction  de  l'auteur  est  ampliiboloî^ique,  et  il 
n'est  pas  toujours  facile  de  distinguer  si  l'expression  «  à  tel  endroit  »  détermine  la  place 
du  couvent  qu'on  vient  de  mentionner  ou  au  contraire  le  lieu  de  l'ordination,  comme  c'est 
le  cas  ici  {conip.  le  n"  3(j). 


LES    ÉVK<>!UKS   JACOIilTKS    DU    Vlll"    AI     Mil'    SIKCLi;.  OU 

'M.  Paul,  évoque  irAplirah,  de  Sliagra  de  Pèscjîn,  on  ce  lieu. 

37.  Denha,  évêquc  d'Arsamosate,  [du  monastère]  de  'l'abèsli,  qui  est  à 
Kaisoum. 

38.  Zacharie,  év.  de  Saroui;,  du  monastère  du  fleuve  Qarîrâ,  à  Mar'asli. 

39.  Basile,  év.  du  Sagistan,  du  monastère  de  Scrg'isyeh,  à  Mar'ash. 

40.  Jean,  métropolitain  de  Nisibe,  du  monastère  de  Mar  Jean,  à  Mar'ash. 

41.  Michel,  évoque  de  Callisura,  du  même  couvent,  on  ce  lieu. 

42.  Basile,  évêque  de  Saroug,  de  la  montagne  d'Édesse. 

43.  Jean,  évêque  de  Hamam,  du  [monastère  de]  Tabésh  de  Kaisoum,  à 
Mar'ash  (I). 

44.  Pierre,  évêque  de  Harran,  du  Grand  monastère,  à  Mar'ash. 

45.  Théodose,  évêque  de  Mar'ash,  du  monastère  de  Sergius  et  Bacchus. 

46.  Samuel,  évêque  de  Hàmâm,  du  monastère  de  Mar  Phargisia,  qui  est 
dans  le  pays  de  Tagrit  (2). 

Il  exerça  le  patriarcat  pendant  vingt  ans;  et  il  mourut  dans 
le  couvent  de  Barîd  (3);  son  chaste  corps  y  fut  enseveli  dans 
le  temple  qu'il  y  avait  bâti. 

J.-B.  Chabot. 

{A  suivre.) 


(1)  Lecture  iustifiée  par  la  traduction  arabe. 

(2)  Le  syriaciue  et  l'arabe  ont  tous  les  deux  :  Tarjr.  ;  je  suppose  que  le  t  Onal  a  été  omis. 
(H)  Bar-Hébréus  dit  :  en  1-296  (985). 


RÉPERTOIRE  ALPHARÉTIQUE 

DES  MONASTÈRES  DE  PALESTINE 


En  1869,  M.  Couret  publiait  en  appendice  à  son  livre  :  «  La 
Palestine  sous  les  Empereurs  Grecs,  326-636  »  (1),  une  liste 
d'environ  60  noms,  se  rapportant,  la  plupart,  à  des  maisons  re- 
ligieuses de  la  Terre  Sainte.  Une  brève  mention,  tirée  géné- 
ralement d'un  auteur  grec,  indiquait  tantôt  la  date  de  leur 
fondation,  tantôt  leur  situation  respective.  Les  voyages  et  les 
découvertes  archéologiques  étaient  encore  trop  rares  en  pays 
d'outre-mer  pour  permettre  au  savant  auteur  de  tenter  quelques 
identifications.  En  1895,  le  Bibel- Atlas  (2)  du  chanoine  R.  von 
Riess  donnait  sous  le  mot  \\  ûste  Jucla  (p.  32)  une  liste  alphabé- 
tique de  cinquante-sept  noms  de  couvents  palestiniens. 

En  deux  ou  trois  lignes,  le  regretté  palestinologue  fournit 
d'une  manière  assez  exacte  le  nom  du  fondateur,  l'année  de 
la  fondation  et  le  nom  actuel. 

Voici  une  liste  un  peu  plus  considérable  que  celles  de  M.  Cou- 
ret et  du  D'  von  Riess  sur  les  monastères  et  les  laures  de 
la  Palestine.  Je  la  donne  par  ordre  alphabétique  afin  de  facili- 
ter les  recherches.  On  y  trouvera  aussi  un  résumé  succinct  de 
leur  histoire  avec  les  témoignages  des  écrivains  qui  en  ont 
parlé.  L'identification  actuelle  sera  indiquée  quand  elle  n'offrira 
pas  de  difficulté  sérieuse.  Je  m'arrête  au  x"  siècle  pour  ne  pas 
grossir  inutilement  le  nombre  de  ces  pages  en  y  insérant  les 
couvents  modernes  qui  n'ont  à  peu  près  rien  de  monastique. 
D'ailleurs,  la  vie  religieuses  en  Palestine  est  épuisée  dès  cette 

(1)  Thèse  de  doctorat,  in-S",  Grenoble,  18G9.  Appendice,  XXII. 
(•2)  Fribourg  en  Br.,  in-4o,  3«  édition. 


Rlî;i>KIîTOIUE    ALI'IIAnÉTlQUK    DKS    MONASTÈRES    DE    PALESTINE.    .jlS 

époque;  sa  courte  floraison  au  xii°  siècle  n'est  guère  marquée 
que  par  la  reconstruction  des  monastères  abandonnés. 

Il  est  question,  bien  entendu,  des  monastères  grecs  seule- 
ment, bien  qu'on  ne  puisse  passer  entièrement  sous  silence  des 
fondations  comme  celles  de  sainte  Mélanie,  de  sainte  Paule, 
de  saint  Jérôme  etc.,  grecques  par  la  majorité  de  leur  person- 
nel ou  qui  le  devinrent  vite  après  la  mort  des  fondateurs.  Tout 
travail  de  ce  genre  est  forcément  incomplet  ;  chaque  document 
nouveau  en  démontre  les  lacunes.  Les  sources  syriaques,  en 
particulier,  sont  appelées  à  augmenter  considérablement  Yl7i- 
dex  proposé.  Plaise  à  Dieu  qu'elles  sortent  bientôt  de  la  pous- 
sière des  bibliothèques  et  qu'elles  mettent  chaque  jour  dans 
une  lumière  plus  vive  cette  terre  monastique,  si  féconde  en 
écrivains  et  en  martyrs  de  l'héroïsme  ! 

I.  —  ABRAHAM,  monastère  sur  le  mont  des  Oliviers. 

11  ne  faut  pas  confondre  cet  Abraham  avec  un  autre  person- 
nage du  même  nom,  qui  fonda  le  monastère  des  Byzantins 
à  Constantinople  et  à  Jérusalem  et  mourut  archevêque  d'Éphèse. 
Notre  Abraham  fut  d'abord  higoumène  du  couvent  (1)  adjoint 
à  l'église  de  Sainte-Marie  la  Neuve,  dédiée  au  mois  de  novem- 
bre 543  (2).  Or,  comme  il  avait  succédé  dans  cette  première 
fonction  à  l'archimandrite  Eudoxe  (3),  cela  nous  reporte  à  la 
seconde  moitié  du  vi*"  siècle.  D'après  Jean  Moschus,  Abraham 
bâtit  sur  le  mont  des  Oliviers  le  monastère  qui  portait  son  nom 
et  Jean  de  Cijzique  en  était  supérieur  lors  de  sa  visite. 

2.  —  AD.  Monastère  du  vieil  Ad  ou  de  saint  Épiphane. 
Si  l'on  en  croit  l'historien  Sozomène  (4),  Épiphane  aurait 
d'abord  pratiqué  la  vie  religieuse  en  Egypte,  où  il  aurait  sé- 
journé assez  longtemps,  puis,  une  fois  de  retour  en  Palestine, 
il  aurait  construit  un  monastère  près  de  Bésandouk,  son  vil- 
lage natal,  sur  le  territoire  d'Éleuthéropolis.  A  diverses  repri- 
ses, saint  Épiphane  lui-même  assure  qu'il  a  passé   une  partie 


(1)  Prat.  Sprit.,  cap.  lxviii.  Migno,  P.  C?..  t.  LXXXVII,  col  2917. 

(2)  Vila  S.  Joannis  Silentiarii.  A.  SS.,  t.  111,  Mai,  ir  "^O,  p.  235. 

(3)  Prat.  Sph',  cap.  clxxxviii,  col.  30t>4. 

(4)  Hist.  EccL,  lib.  Yl,  cap.  xxxii.  Migne,  P.  G.,  t.  LXVIl,  col  1392. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  35 


514  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

de  sa  jeunesse  en  Egypte  d'où  il  serait  revenu  k  l'âge  de  vingt 
ans.  Il  aurait  alors  bâti  un  monastère,  comme  le  disent  Sozo- 
mène  et  saint  Jérôme  :  «  monasteriumsancti  PapaeEpiphanil, 
nomine  Vêtus  Ad  clictum...  in  Eleutheropolitano  territorio 
situm  est  ». 

Ce  monastère  joua  un  rôle  considérable  dans  la  querelle  sur- 
venue entre  Jean,  évêque  de  Jérusalem,  et  Rufin  d'une  part, 
saint  Épiphane  et  les  moines  de  Bethléem  d'autre  part.  Le 
frère  de  saint  Jérôme  y  fut  ordonné  prêtre  par  saint  Épiphane, 
qui  semble  avoir  conservé  le  titre  de  supérieur,  même  après  sa 
nomination  au  siège  épiscopal  de  Salamine  en  Chypre  (367). 
L'abbé  Grégoire  le  remplaçait  en  son  absence  (I). 

3.  —  ADER,  monastère  près  de  Bethléem. 

On  appelle  souvent  de  ce  nom  le  monastère  de  Cassien,  situé 
près  de  Bethléem,  bien  que  cette  dénomination  semble  fausse. 
En  effet  saint  Jérôme,  contemporain  de  Cassien,  ne  mentionne 
pas  de  moines  à  la  tour  d'Ader.  «  Haud  procul  inde  Bethléem, 
descendit  ad  turrim  Ader,  id  est  Gregis,  juxta  quam  Jacob 
suos  pavit  grèges  et  pastores  nocte  vigilantes  aiidire  merue- 
runt  etc.  (2)  ». 

Arculphe  n'en  vit  pas  davantage  en  670,  «  juxta  turrim  Ga- 
der  (3)  »,  ni  les  auteurs  dont  Pierre  diacre  s'est  inspiré  pour 
transcrire  les  renseignements  suivants:  »  In  turre  autern  Codes 
(Gader)  donius  fuit  Jacob  cujus  fundamenta,  usque  odie 
parent  (4)  »  et  «  ad  orientem  in  7\irre  Ader,  id  est  Gregis, 
mille  passibus  a  civitate,  segregata  ecclesia  est,  trium  pas- 
torum  doniinicae  Nativitatis  consciorum  monumenta  conti- 
nens  (5)  ». 

Il  faut  arriver  au  premier  quart  du  ix''  siècle,  pour  voir  le 
monastère  du  lhi[vnz/  signalé  par  le  moine  grec  Épiphane  (6). 
Cet  établissement  ne  dut  pas  rester  longtemps  debout,  ni  ac- 

(1)  CoTELiER,  Ecclosix  gnvcie  monumenta,  Paris,  1G77,  t.  I,  p.  4-27. 

(2)  Eplst.  CV'III,  ad  Euslochium. 

(3)  Tobler  :  IHnera  et  Descriptlones  Terrx  Sanctx,  t.  I,    p.  171. 

(4)  Pétri  diaconi  Liber  de  Locis  Sanctis,  en  appendice  à  la  -S';  Silvix  Peregri- 
natio  ad  Loca  Sancta  de  Gamurrini,  Romte,  1887,  p.  129, 

(5)  Op.  cit.,  p.  112. 

(6)  Enarratio  Syriœ.  Migno,  P.  G.,  t.  CXX,  col.  264.  Voir  aussi  le  moine  Ber- 
nard,/binera  et  Descripliones,  t.  1,  p.  317. 


IIKI'EIITOIRK    ALl'IlAlIKTKiUI-:    DKS    MuXASTKRKS    I)K    l'AI.KSTIM:.    ôl.j 

quérir  une  grande  célébrité,  puisque  les  pèlerins  de  l'époque 
des  croisades  feignent  de  l'ignorer  (1). 

4.  —  AFTIIORIA,  moiiastè}-es  dliommes  cl  de  femmes. 
Aftlioria  était  un  petit  village  situé  à   12  milles  au  sud   de 

Césarée  maritine.  Il  y  avait  au  v"  siècle  deux  monastères  eu- 
tychiens,  l'un  d'hommes,  l'autre  de  femmes,  que  Pierre  l'Ibère 
visita  (2).  Le  supérieur  du  couvent  des  hommes  s'appelait  Gré- 
goire, illustre  ascète,  grand  ami  de  l'évêque  géorgien  (3). 
La  supérieure  des  femmes  était  Sabine,  nièce  de  Grégoire,  puis, 
à  sa  mort,  Eugénie  de  Tyr,  jeune  païenne  convertie  par  Pierre 
l'Ibère  (4). 

5.  —  ANASTASE,  monastère  entre  Jérusalem  et  Bethléem. 
En  l'an  614,  après  le  massacre  de  44  de  leurs  compagnons,  les 

moines  de  Sainl-Sabas  se  retirèrent  au  monastère  abandonné  de 
l'abbé  Anastase,  à  4  milles  de  Jérusalem  sur  le  chemin  de  Beth- 
léem (5).  L'ancien  higoumène  de  Saint-Sabas,  Justin,  prit  la  di- 
rection de  la  nouvelle  communauté,  pendant  que  Thomas  recon- 
duisait les  religieux  intrépides  à  la  Grande  Laure.  Peu  après, 
Justin  recevait  un  soldat  de  l'armée  de  Chosroés,  converti  vers 
l'an  620  et  qui  resta  sept  ans  au  monastère  d'Anastase  dont  il 
portait  lui  aussi  le  nom.  Le  soldat  perse  subit  ensuite  le  martyre 
à  Césarée  de  Palestine  et  à  Bethsaloë  en  Perse  (6). 

Les  hagiographes  nous  parlent  de  plusieurs  moines,  appelés 
Anastase;  aucun  d'eux  toutefois  ne  paraît  avoir  fondé  de  monas- 
tère. Il  s'agit  peut-être  du  patriarche  de  Jérusalem,  Anastase, 
458-478,  ancien  moine  de  Saint-Passarion,  puischorévèque  de  la 
ville  sainte,  à  qui  l'impératrice  Eudocie  eut  souvent  recours  pour 
ses  fondations  et  ses  aumônes  (7). 

(1)  Voir  sur  ce  monastère,  J.  Pari;oir(>  :  Prime  el  Compiles  dans  la  Reçue 
d'Histoire  et  de  Littérature  religieuses,  t.  III  (18!>8),  p.  284. 

(2)  R.  Raabe  :  Petrus  der  Iberer,  Leipzig,  1895,  p.  112. 

(3)  Sur  Grégoire,  voir  Op.  cit.,  p.  125,  129,  et  M.  Nau,  Les  Plérophories  de  Jean, 
evèquc  de  Mayouma,  dans  la  Revue  de  l'Orient  chrétien,  t.  111  (1898),  cap.  lxxi, 
p.  376. 

(4)  Petrus  der  Iberer,  p.  108,  112. 

(5)  Antiochi  epistola  ad  Eustathium.  Migne,  P.  G.,  t.  LXXXIX,  col.  1423. 

(G)  \'ita  s.Anastasii  persx.  A.  .S'.S'.,  t.  III,  Jan.,  p.  35  s., et  Usener,  Acta  martyres 
Anastasiipersx,  Bonn,  IS94. 
(7)  Vita  s.  Euthymii.  A.  SS.,  t.  II,  Jan.,  n"  5U,  83  et  9G. 


516  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Si  le  monastère  d'Anastase  s'identifie  avec  celui  de  Mâr- 
Elias,  comme  c'est  probable,  il  fut  détruit  plusieurs  fois  par  des 
tremblements  de  terre  et  relevé  vers  l'an  1160  par  l'empereur 
Manuel  Comnène  (1).  Il  était  alors  dédié  au  prophète  Élie.  On  voit 
encore  l'inscription  d'un  évêque  de  Bethléem,  nommé  également 
Élie,  mort  en  1345  (2). 

6.  —  ANNONCIATION,  monastère  arménien  de  femmes. 

Une  inscription  grecque  découverte  au  mont  des  Oliviers  men- 
tionne Charati  higoumène  du  monastère  arménien  de  l'Annon- 
ciation (3).  11  devait  y  avoir  des  religieuses  grecques,  si  l'on 
en  juge  par  l'épitaphe  de  la  supérieure. 

7.  —  APHÉLÉE,  monastère  de  Jérusalem, 

dont  les  citernes  furent  restaurées  par  Justinien  (4). 

8.  —  APOLLINAIRES,  monastère  des  Apollinaires  à  Jéru- 
salem. 

Une  inscription  grecque,  trouvée  dans  la  vallée  de  Josaphat, 
cite  le  monastère  des  femmes  Apollinaires  (5).  Les  Menées 
(4  janvier)  parlent  d'une  Apollinaire,  fille  de  l'empereur  d'Oc- 
cident, Anthémius,  467-472,  qui  visita  les  Lieux  Saints  et  se  re- 
tira, au  retour  de  son  pèlerinage,  au  monastère  de  Scéthé.  Sa 
vie,  d'ailleurs  très  légendaire,  ne  mentionne  pas  de  fondation 
de  couvent  à  Jérusalem. 

9.  —  ARISTOBULIAS,  monastère  (425). 

Euthyme  était  depuis  quelque  temps  établi  sur  la  colline  de 
Mardes,  quand  il  lui  prit  fantaisie  de  se  retirer  dans  le  désert  de 
Ziph,  pour  visiter  les  cavernes  qui  avaient  servi  d'asile  à  David 
persécuté.  Sa  curiosité  satisfaite,  il  se  trouva  si  bien  en  ce  lieu 
qu'il  y  demeura.  Bientôt,  un  couvent  sortit  de  terre  ;  il  s'élevait 
entre  Aristobulias,  le  Khirbet  Istaboul,  et  Caphar-Baricha, 


(1)  J.  Phocas  :  Descriptio  Terrœ  Sanctx.  Migno,  P.  G.,  t.  CXXXIII.col.  050. 
(i)  Benjamin  Joannidès  :  npoax-jvviTâpiov  t^;  'Ayîa;  Tri;.  Jérusalem,  I8G7,  t.  II.  p  Ki 
et  II.    / 

(3)  P.  Germer-Durand,  Revue  Biblique,  t.  I  (1892),  p.  571. 

(4)  Procope  :  De  ^Ediftciis,  lib.  V,  cap.  ix. 

(5)  P.  Geymer-Dm&nd,  Revue  Biblique,  t.  1(1892),  p.  566. 


l{|';i'ERT()IKK    ALI'IIAIÎKTKiUK    DKS    MONASTKfŒS    DK    PALESTINE.    517 

aujourd'hui  Béni-Naïm,  au-dessous  cl' Ilôbron  (1).  Cette  fondation 
s'opcra  vers  l'an  125. 

10.  —  ASCALON. 

Il  y  avait  sûrement  plusieurs  maisons  religieuses  dans  cette 
ville  de  la  Philistie.  J'ignore  si  les  textes  réunis  ici  se  rappor- 
tent au  même  établissement.  «  Il  y  avait  à  Ascalon  une  réunion 
d'orthodoxes  (monoph3'sites)  près  de  notre  père  Cyrille,  qui  avait 
été  chassé  de  Maiouma  à  cause  de  l'orthodoxie,  s'était  retiré  à 
Ascalon  et  y  tenait  un  hôtel.  »  Pelage,  moine  eutychien  d'Édesse, 
s'y  déroba  aussi  et  y  mourut  (2). 

Pierre  l'Ibère  vient  à  Ascalon  en  476  et  reçoit  de  grands  hon- 
neurs des  pères  et  frères  monophysites  de  l'endroit  (3). 

Au  vr'  siècle,  un  moine  d'Ascalon  est  envoyé  par  son  supé- 
rieur consulter  l'abbé  Séridon,  un  bon  catholique  celui-là  (4). 

Jean  Moschus  parle  d'un  xénodoehion,  confié  aux  soins  des 
religieux  de  la  ville  (5). 

11.  —  BASSA,  monastère  au  v"  siècle. 

Bassa,  amied'Eudocie,  femme  de  Théodose  le  Jeune,  la  suivit 
en  son  exil  de  Palestine  et  y  bâtit  un  monastère,  dédié  au  martyr 
saintMénas.  André,  disciplede  saint  Euthyme,  et  frère  d'Etienne, 
évêque  de  Jamnia,  en  fut  le  premier  higoumène  (6).  On  trouve 
ce  couvent  cité  en  d'autres  auteurs  (7). 

BESSES.  Voir  Thraces. 

12.  —  BÉTHABARA. 

Jean  Moschus  parle  de  quelques  moines  habitant  sous  Ti- 
bère II,  578-582,  la  ville  de  Béthabara,  à  6  milles  au  delà  du 
Jourdain  (8). 

(1)  VUas.Eulhymii.  A.  SS.,  t.  II,  Jan.,  iv^  "29-33. 

(2)  Plérophories,  cap.  vi,  p.  239. 

(3)  Pelrus  der  Ibercr,  p.  75,  7(3. 

(4)  S.  Dorotlixi  abbatis  Doctrina,  cap.  i,  ii"  15.  Migne,  P.  G.,  t.  LXXXVIII,  col. 
1637. 

(5)  Op.  cit.,  cap.  CLXxxix,  col.  3(i(38. 
(0)  l'ita  s.  Euthymii,  n"  87. 

(7)  Nicéph.  Câl,  Hist.  EccL,  lib.  XIV,  cap.  lu.  Mignc,  P.  G.,  t.  CXLVI,  col.  1249, 
Labbe,  ConciL,  t.  IV,  872. 

(8)  Op.  cit.,  cap.  xciii,  col.  2952. 


518  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

13.  —  BÉTHANIE. 

Antonin  le  martyr,  au  vr  siècle,  vitprès  du  tombeau  de  Lazare 
de  nombreuses  cellules,  et  une  multitude  de  reclus,  hommes  et 
femmes,  sur  le  mont  des  Oliviers  (1). 

Arculphe  aperçut  un  grand  monastère  à  côté  d'une  splendide 
basilique  (2). 

Bernard  le  Moine  vit  également  le  monastère  et  l'église  (3). 
Enfin,  le  Commemoraiorium  de  casis  Dei  mentionne  un  prê- 
tre à  Béthanie  :  Ad  Sanctum  Lazarum  in  Bethania  presby- 
terI{A). 

Tous  ces  textes  proviennent  d'écrivains  latins  et  il  peut  se 
faire  que  ce  monastère  fût  occupé  par  des  religieux  francs. 

14.  —  BÉTHEL. 

D'après  une  Vie  de  saint,  qui  ne  présente  aucune  note  d'au- 
thenticité, il  y  aurait  eu  un  monastère  au  V  siècle  sur  le  lieu  de 
l'apparition  de  Dieu  à  Jacob  (5).  Bien  que  le  récit  soit  manifeste- 
ment légendaire,  l'existence  de  ce  couvent  peut  n'être  pas  inven- 
tée de  toute  pièce.  Nous  savons,  en  effet,  que  les  personnes  con- 
sacrées à  Dieu  se  fixaient  volontiers  près  des  sanctuaires  et  dans 
les  lieux  de  pèlerinage. 

D'après  les  Plérophories  (6),  le  sanctuaire  de  Béthel  était 
confié  à  la  garde  d'un  prêtre  ou  d'un  moine;  mais  il  ne  semble 
pas  y  avoir  eu  de  monastère  proprement  dit. 

15.  —  BYZANTINS.  Monastère  des  Bi/zantius  à  Jérusalem. 
Abraham,  fondateur  du  monastère  des  Abrahamites  à  Cons- 
tantinople,  vint  ensuite  à  Jérusalem  où  il  établit  le  couvent  des 
Byzantins  (7);  de  là  il  fut  promu  à  l'archevêché  d'Éphèse. 
Par  malheur,  Jean  Moschus,  qui  rapporte  ces  faits,  ne  donne 
pas  de  date  précise;  aussi  devons-nous  nous  contenter  d'à  peu 
près  pour  arrêter  le  curricidum  vitae  de  ce  personnage.  Si  l'on 


(1)  TolAi^v  :  Ilinera  et  Bescrij)liones  Terrée  Sancliv,  t.  I,  p.  100. 

(2)  Op.cil.,\.\,  p.  ICÔ. 
(3jOp.  cit..  t.  1,  p.  317. 
(4)0/5.  ci/.,t.  I,  p.  302. 

(5)  Papadopoulos-Kerameus  :  'Ava/ex-à  îcpoao^uiiitty.ri;  o'za.yyoy.rjyîaç.  t.  Y,  3T8  et  380. 
(G)  Reviœ  de  l'Orient  Chrétien,  t.  111(1888),  cap.  xxx,  p.  310. 
(7)  Moschus,  cap.  xc,  col.  2956. 


liÉl'KirrolUE    ALlMIAUÉTlQUr;    DES    MONASTÈIŒS    DE    PALESTINE.    511J 

s'en  tient  aux  données  générales,  contenues  dans  ce  chapitre 
du  P)-é  spiritael,  Abraham  a  pu  quitter  Constantinople  vers 
Tan  515,  fonder  tout  d(;  suite  son  monastère  des  Byzantins  à 
Jérusalem  et  monter  une  dizaine  d'années  après  sur  le  siège 
d'Éphèse(l).  Jean  Moschus  cite  aussi  Basile,  prêtre  de  ce  mo- 
nastère. 

L'historien  Evagre  rapporte  que  Grégoire,  patriarche  d'An- 
tioche,  569-591,  avait  embrassé  la  vie  religieuse  au  couvent 
des  Byzantins,  dont  il  fut  ensuite  higoumène.  avant  d'être 
transféré  au  mont  Sinaï  (2). 

Jusqu'ici,  nous  ignorions  l'emplacement  de  cet  édifice;  un 
document  plus  tardif  nous  indique  sa  position  approximative. 
Le  Commemoratoriinn  de  casis  Dei  et  monasteriis,  écrit  vers 
Fan  808,  nous  apprend  qu'il  y  avait  35  moines  «  in  monasterio 
sancti  Pétri  et Pauli  in  Bisanteo,  juxta  montem  Oliveti  (3)  ». 
Les  mots  «  in  Bisanteo  »  nous  permettent  de  supposer  qu'il  s'agit 
du  monastère  des  Byzantins  fondé  par  Abraham.  Peut-être  ce 
couvent  est-il  encore  désigné  dans  une  inscription  trouvée  à 
Jérusalem  et  mentionnant  la  construction  de  l'église  des  saints 
Anargyres  a-ouo?)  twv  V,SÇœrJ.by>  sous  le  patriarche  Eustochius  au 
VI'  siècle  (4j. 

.16.  —  CALAMON,  taure  près  du  Jourdain,  au  v'  siècle. 

Le  Bibel-Atlas  deRies,s,  dit  que  cette  laure  remonte  à  la  fin  du 
IV'  siècle  et  fut  fondée  entre  les  années  380  et  400.  Je  ne  crois 
pas  cette  opinion  fondée.  Le  biographe  tardif  de  saint  Chariton 
place,  il  est  vrai,  des  anachorètes  dans  les  grottes  de  Cala- 
mon  (5),  à  l'arrivée  de  son  héros,  sous  le  règne  de  Constantin 
le  Grand,  mais  cette  description  de  Calamon  se  ressent  des 
préoccupations  de  l'auteur.  Lui  voyait  des  anachorètes  à  Cala- 
mon au  VI'  ou  au  vii'^  siècle  (suivant  l'époque  où  il  écrivit); 
il  supposait  en  conséquence,  de  très  bonne  foi,  qu'il  y  en  avait 
déjà  au  commencement  du  iv'. 


(1)  Sur  cette  question,   voir  le  P.  J.  Pargoire  :  Les  débuts  du  monachisme  à 
Constantinople.  Extrait  de  la  Revue  des  questions  Historiques  (Janvier  1899),  p.  30. 
(•2)  Hist.  Eccl.,  lib.  X,  cap.  vi.  Migne,  P.  G.,  t.  LXXXVI.  col.  2804. 

(0)  Tobler  :  Itinera  et  Descriptiones  Terme  Sanctae,  Genève,  1877,  t.  1,  p.  305. 

(1)  P.  Germer-Durand,  Revue  Biblique,  1892,  n"  47,  \^.  585. 
(5)   17/0  s.  Charitonis.  A.  SS.,  t.  Vil,  Sept.,  p.  578. 


520  REVUE    DE    l'oRIExXT    CHRÉTIEN. 

Vers  l'an  452,  la  Vita  sancti  Euthymii  (l)  signale  des  er- 
mites aux  abords  de  la  mer  Morte.  Plusieurs  suivirent  saint 
Gérasime  dans  sa  nouvelle  laure,  d'autres  se  rangèrent  sous 
l'obéissance  de  Pierre,  quelques-uns  durent  même  occuper  les 
grottes  de  Calamon.  En  effet,  nous  trouvons  cette  dernière 
fondation  en  pleine  prospérité,  une  vingtaine  d'années  plus 
tard,  quand  saint  Théognius  s'y  retira  avant  de  construire 
son  monastère  aux  environs  de  Deir-Dosi  en  475  (2).  C'est  donc 
entre  les  années  452  et  470  qu'il  faut  placer  la  fondation  de 
cette  laure. 

Visité  parMoschus  (3),  Calamon  servit  de  refuge  aux  religieux 
de  Choziba  et  des  autres  couvents  durant  l'invasion  persane  en 
614  (4);  au  IX'  siècle  il  est  cité  plusieurs  fois  dans  la  Vie  de  saint 
Etienne  le  Thaumaturge  (5). 

Il  est  encore  mentionné  dans  la  'ltç,zrjz\'j\}x-v/Sr,  iiéh.ofi-Qy.r, 
de  M.  Papadopoulos-Kerameus  et  les  pèlerins  grecs  du  moyen 
âge.  La  Revue  Biblique  (6)  a  publié  et  commenté  une  inscrip- 
tion du  XII'  siècle,  qui  mentionne  la  reconstruction  de  ce  cou- 
vent par  l'empereur  Manuel  Comnène,  reconstruction  dont 
parle  aussi  Phocas  en  1177  (7).  J'ai  raconté  ailleurs  (8),  en  ap- 
portant les  textes  à  l'appui,  comment  la  laure  de  Calamon  en- 
dossa, à  partir  d'une  époque  qui  reste  encore  ignorée,  le 
nom  commun  de  Saint-Gérasime  et  de  Calamon;  il  est 
inutile  d'y  revenir.  Aujourd'hui,  la  laure  de  Calamon  porte  le 
vocable  de  Saint-Gérasime  et  ^'âppeUeKasr-HaclJla;  elle  s'élève 
près  du  Jourdain,  et  est  habitée  par  des  moines  grecs. 

17.  —  CALAMON,  désert. 

Le  désert  de  Calamon  revient  maintes  fois  sous  la  plume 
des   hagiographes  des  vi'  et  vu''  siècles;  il  désigne  la  partie 


(1)  A.  SS.,L  II,  Jan-,  n"  77. 

(2)  Acta   s.  Theognii  episcopi  Beteliœ  dans   les  Analccta  BollancUana,    t.  X, 
p.  85  et  86. 

(3)  Op.  cil.,  cap.  XXVI,  XLVi,  et  clxiii. 

(4)  Analecla  BollancUana,  t.  VII,  p.  98,  101,  129. 

(5)  A.  SS..  t.  III,  JuL,  n»  25,  30,  31  et  45. 

(6)  T.I  (1892),  p.  44(t. 

(7)  Migne,  P.  G.,  t.  CXXXIII.  col.  952. 

(8)  Les  Laures  de  saint  Gérasime  et  de  Calamon,  dans  les  Échos  d'Orient,    t. II, 
p.  117  et  s. 


RKPERTOIUK    ALI'IIAI'.I'TIQUK    DES    .MONASTÈRES    DE    l'AEESTINE.    '^Zl 

méridionale   de    la    vallée    du   Jourdain,    avoisinant   la   mer 
Morte  et  connue  de  nos  jours  sous  le  nom  (ÏEz-Znr. 

18.  —  CASSIEN,  monastère  près  de  Bethléem,  au  vi"  siècle. 

Cassien  habitait  un  monastère  de  Bethléem  «  de  bethleemitici 
cœnobii  rudimentis  (1)  »,  non  loin  de  la  Crèche  du  Sauveur. 
«  Nostrum,  monasterium  non  lo)i(jc  fuit  a  Spelaeo  in  qno 
D.  N.  J.  C.  ex  Virgine  nasci  dignatus  est  (2)  »  ;  "  in  nostro 
monasterio...  ubi  D.  N.  J.  C.  natus  est  Virgine  liumanae 
infantiae  suscipere  incrementa  dignatus  (3)  ».  De  tous  ces 
textes  il  résulte  que  ce  couvent  se  confond  presque  avec  la 
Crèche  du  Sauveur. 

Sainte  Sylvie  a  vu  des  moines  à  l'église  de  la  Nativité  vers 
385,  mais  elle  ne  souffle  mot  de  leur  couvent  (4).  Cassien  nous 
apprend  que  Pinufms,  abbé  de  Panéphyse  en  Egypte,  était 
venu,  comme  novice,  partager  sa  cellule  et  celle  de  Germain  (5). 
De  plus,  Palladius  dit  dans  son  Historia  ad  Lausum  (6)  qu'un 
autre  Égyptien,  Poseidonios,  habitait  au  delà  du  Poimenion  : 
£7:£X£iva  Toîj  [hiij.vjîoj.  si  Poimenion  désignait  le  village  des  Pas- 
teurs, aujourd'hui  Beth-Saour,  le  monastère  de  Cassien  situé 
au  delà  pourrait  fort  bien  s'identifier  avec  le  champ  des  Pas- 
teurs ou  tour  d'Ader  mentionné  plus  haut.  Dans  ce  cas,  les 
pèlerins  auraient  certainement  signalé  ce  monastère;  mais  l'on 
n'en  trouve  aucune  mention  avant  Épiphane  l'Hagiopolite,  au  dé- 
but du  ix"  siècle  (7).  Dès  lors,  le  7::i;x£vi;v  de  Palladius  peut  fort 
bien  représenter  le  champ  des  Pasteurs  lui-même  ou  n^îy.vi^v 
d'Épiphane  et  non  pas  le  village;  dans  cette  hypothèse,  le 
monastère  de  Poseidonios  et  de  Cassien  doit  être  cherché  à 
l'est  du  champ  des  Pasteurs.  L'origine  de  ce  monastère  est  in- 
connue. Cassien  paraît  l'avoir  habité  jusqu'en  385;  il  remonte 
peut-être  à  la  première  moitié  du  iv  siècle  et  est  sûrement 
l'un  des  plus  anciens  de  la  Palestine.  Il  est  presque  inutile  de 


(1)  Coll.,  lib.  XI,  cap.  v. 

{"■l)  Institut.,  lib.  IV.  cap.  xxxi. 

(3)  Institut.,    lib.    III,  cap.  iv. 

(4)  Op.  cit.,  p.  84. 

(5)  Coll.,  lib.  XX,  cap.  i. 

(6)  Cap.  L.XXXI1I.  Migne,  P.  G.,  t.  XXXIV.  col.  UT'J. 

(7)  Enarratio  Syriae.  Migrie,  P.  G.,t  CXX,  col.  2(54. 


522  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

rappeler  que  l'heure  canonique  de  prime  fut  inaugurée  dans  ce 
couvent,  vers  l'an  382(1). 

19.  _  CASTELLIUM,  monastère  fondé  en  iOS. 

Castellium  est  le  nom  d'une  forteresse  qui  couronnait  le 
sommet  d'une  colline  appelée  Mardes  (voir  ce  mot),  sise  à  vingt 
stades  de  Màr-Saba  (2).  Sabas  se  sentait  attiré  vers  ce  lieu  comme 
par  une  force  mystérieuse.  Il  y  avait  jeûné  plusieurs  carêmes  et 
soutenu  des  luttes  corporelles  avec  les  démons,  qu'il  avait  con- 
traints à  lui  céder  la  place.  Au  printemps  de  l'an  492,  une 
escouade  de  religieux  venait  sous  sa  direction  entamer  les 
fouilles.  Dans  les  ruines  du  chàteau-fort  ils  découvrirent  une 
salle  d'une  grandeur  remarquable,  dont  les  murs  intacts  accu- 
saient, par  les  dimensions  des  pierres  et  la  belle  ordonnance  des 
assises,  une  époque  artistique  et  des  constructeurs  expérimentés. 
Le  dallage  en  mosaïque  était  encore  conservé.  Il  devait  repré- 
senter comme  partout  des  plantes  et  des  fruits,  des  animaux 
aux  formes  capricieuses,  entremêlés  de  fleurs  multicolores  et 
de  gracieux  entrelacs.  Il  suffisait  de  relever  le  toit  écroulé  pour 
avoir  une  église  élégante  et  solide.  Les  remparts  servirent  de 
murs,  les  chambres  de  cellules,  les  citernes  et  les  canaux  furent 
utilisés  dans  la  mesure  du  possible.  Le  nom  Castellium 
trahit  une  origine  romaine;  ce  château  ne  semble  pas  diffé- 
rer de  la  forteresse  Hyrcania  élevée  à  l'époque  des  Hérodes, 
une  des  places  fortes  de  la  Palestine,  qui  joua  avec  Machéronte 
et  Alexandrion  un  rôle  important  dans  les  guerres  judéo-ro- 
maines. Le  général  Gabinius  détruisit  enfin  ce  boulevard  assuré 
de  l'indépendance  juive  (3). 

La  construction  des  cellules  réclama  une  année  entière, 
492-493.  L'eau  manquait  aux  ouvriers;  les  moines  devaient 
se  fournir  à  la  laure  de  l'Heptastome,  à  plusieurs  kilomètres. 
Une  fois  que  tout  fut  terminé,  Sabas  procéda  à  l'installation 
des  moines.  Ceux-là  seulement  qui  savaient  le  psautier  par 


(1)  Voirie  P.  J.  Pargoire,  Prime  et  Compiles,  dans  la  Bévue  d'Hisloire  et  de  Lit- 
térature religieuses,  t.  III  (1898),  p.  281-288. 

(2)  Vita  s.  Joannis  Silentiarii.  A.  SS.,  t.  III,  Mai,  ii"  6  et  9. 

(3)  FI.  Josephi  Opéra,  édit.  Diiidorf.  A.  J.,  lib.  XIII,  cap.  xvi,  3,  et  B.  ./.,  lili. 
I,  cap.  VIII,  2.  Le  P.  Rhétoré  0.  P.,  le  premier,  a  proposé  rideiititlcation  de 
Castellium  avec  Ilyrcaaia.  Bévue  Biblique,  1897,  p.  4G2. 


RÉI'ERTOIRI-;    ALl'HAIîKTKilK    DKS    MuXASTK UES    DK    l'ALRSTIM':.    523 

cœur  et  pouvaient  vivre  isolés  sans  risquer  aucun  danger  spi- 
rituel, y  furent  admis.  Il  partagea  le  pouvoir  entre  l'anacliorète 
Paul,  vieillard  déjà  blanchi  dans  la  vie  érémitique,  et  l'un  de 
ses  propres  disciples,  beaucoup  plus  jeune,  nommée  Thi'odosi::. 
La  mort  de  Paul,  survenue  peu  après,  appela  ce  dernier  à  gou- 
verner seul  le  monastère.  Le  frère  de  Théodose,  Sergius,  et  son 
oncle  Paul  lui  succédèrent  dans  cette  charge,  avant  d'être 
élevés,  le  premier  à  révèché  d'Amathonte  dans  la  vallée  trans- 
jordanienne, le  second  à  celui  d'Ela  sur  le  golfe  de  ce 
nom  (1). 

Durant  la  visite  de  Jean  Moschus  au  vi"  siècle,  les  cénobites 
de  Castellium  obéissaient  à  l'higoumène  Agathonice  (2).  Cas- 
tellium  est  un  des  rares  couvents  de  second  ordre  qui  survé- 
curent aux  invasions  des  Perses  et  des  Arabes.  On  en  parle  à 
deux  reprises  dans  la  biographie  de  saint  p]tienne  le  Thauma- 
turge, écrite  au  début  du  ix^  siècle  (.')). 

L'identification  de  Castellium  avec  le  moderne  Khirbet-Mird 
est  incontestable.  Le  nom  actuel  est  la  reproduction  presque 
identique  du  nom  ancien.  En  effet,  à  notre  avis,  le  monastère 
de  Saint-Sabas  remplaça  la  forteresse  H3Tcania,  appelée  alors 
Castellium,  et  porta  dans  l'histoire  ce  dernier  nom.  Cette  forte- 
resse se  dressait  sur  la  cime  d'une  colline,  appelée  Mardes, 
dont  les  grottes  étaient  habitées  par  des  anachorètes  indépen- 
dants. Le  nom  primitif  de  la  hauteur  lui  resta  toujours  attaché, 
il  a  survécu  à  la  ruine  du  monastère  dans  la  forme  peu  mo- 
difiée de  Khirbet-AIird.  De  plus,  la  distance  requise  de  Màr-Saba 
se  vérifie  de  point  en  point,  et  les  ruines  fort  considérables 
du  couvent  militent  en  faveur  de  cette  opinion.  Elles  se  com- 
posent de  cellules  renversées,  d'une  église,  de  plusieurs  citernes 
et  d'un  canal  à  tleur  de  terre,  ainsi  que  des  murs  fortifiés  du 
monastère. 

20.   —  CATHISMA,  monastère  vers  4.55. 

Sous  le  pontificat  de  .Juvénal  vivait  à  Jérusalem  une  dame 
riche  et  pieuse,  nommé  Ikélia,  qui  venait  d'instituer  et  d'ajouter 
la  procession  des  cierges  à  la  fête  de  la  Présentation ,  établie 

(1)  ]'ila  s.  Saùae,  Cotolier.  Ecclesin'  f/rivcœ  mnnumrnla.  t.  III,  w  -Il  ç[  iH. 

(2)  op.  vit.,  cap.  CLviii,  col.  3033. 

(3)  Vila  s.  Stephani  Thaumat.  .4.  .s'N..  t.  III,  Jui.,  ii^s  y:)  et  131. 


524  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

depuis  longtemps  dans  la  Ville  Sainte  (1).  Elle  bâtit  vers  l'an  455 
une  église  dédiée  à  la  sainte  Vierge  sur  une  de  ses  propriétés 
appelée  Vieux  Cathisma  (Séjour),  zaAa-.bv  Kâei7;j,x,  entre  Jéru- 
salem et  Bethléem,  où  elle  plaça  des  moines  hagiopolites  comme 
desservants  et,  parmi  eux,  saint  Théodose  le  Cénobiarque.  Avant 
de  mourir,  Ikélia  laissa  à  celui-ci  la  gestion  temporelle  du 
monastère  et  de  l'église,  dont  il  devint  ensuite  le  second  su- 
périeur (2). 

La  bibliothèque  du  Sinaï  possède  deux  évangéliaires  prove- 
nant des  environs  de  Bethléem.  Ils  sont  tous  les  deux  écrits  par 
un  certain  Basile,  qui  se  nomme  une  première  fois  à;j.apto)Aiç, 

puis     VCTàpiSÇ      5      --/.'^VOjp'J. 

Le  second  évangéliaire  remonte  à  Tan  1174  et  a  été  écrit  à  la 
demande  du  moine  Paul,  l^  fondateur  de  Saint-Georges,  au- 
jourd'hui El-Khader,  près  des  Vasques  de  Salomon.  Le  premier, 
de  1167,  appartenait  à  l'higoumène  -wv  àvûov  y.zX/J.uyt,  nom  qui 
apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'histoire  monastique  de  la 
Palestine.  Peut-être  faut-il  y  voir  une  corruption  du  nom 
d'Ikélia,  la  fondatrice  de  Cathisma. 

Les  Apophthegmata  Patrum  signalent  à  trois  reprises  (3) 
un  monastère  de  KîX/aa,  différent,  semble-t-il,  de  celui  de 
Nitrie,  puisqu'un  moine  s'enfuit  de  là  en  Egypte.  Serait-ce  le 
nôtre?  C'est  possible  ;  M.  Omont  adopte  pour  l'évangéliaire  du 
Sinaï  la  lecture  twv  àvio^v  y.sAAottov  et  y  voit  le  monastère  de  Saint- 
Élie  sur  la  route  de  Jérusalem  à  Bethléem.  Cela  ne  nous  éloigne 
guère  du  Cathisma  de  la  matrone  Ikélia,  situé,  selon  toute  pro- 
babilité, au  lUr-Kdismou,  autrement  dit  Puits  des  Mages,  un 
peu  avant  Màr- Elias  (4). 

21.  —  CHARITON,  laure  de  Saint-Chariton,  nommée  aussi 
Souka  et  Vieille  Laure,  pour  la  distinguer  de  la  Nouvelle 
Laure  et  de  la  Grande  Laure  ou  Saint-Sabas 


(1)  Usener  :  Der  Heillge  Theodosios.  Schriflen  des  Theodoros  und  KyriUos. 
Leipzig,  18!K),  p.  13,  24  et  106. 

(2)  Vila  s.  Sabœ,  Cotelier.  Op.  cit.,  n"  14  et  29. 

(3)  Migne,  P.  G.,  t.  LXV,  col.  224,  233  et  51)2. 

(4)  .J'emprunte  ces  renseignements  à  un  article  de  M.  l'abbé  Elirhard  :  Da» 
griechische  Pairiarchcd-Bibliothek  zu  Jermalem,  paru  dans  la  Rœmuche  Quar- 
talschrift,  1891,  p.  258. 


RKPERTUIRR    AL1'IIAI51';TI(  iCK    DES    MOXASTKUKS    DK    l'ALKSTIXK.    525 

C'est  la  troisième  et  la  dernière  fondation  de  saint  Cliari ton; 
elle  remonte  probablement  au  milieu  du  iv*^  siècle,  vers  Tan 
345  ou  350.  On  ne  saurait  préciser  davantage  la  date,  car  les 
données  de  l'hagiographe  anonyme  sont  assez  légendaires.  Cette 
laure  se  trouvait  à  14  stades  de  Tliécoa,  environ  deux  kilo- 
mètres et  demi  (1).  Avant  de  mourir,  Chariton  se  fit  trans- 
porter à  sa  chère  laure  de  Pharan,  la  première  qu'il  avait 
établie,  mais  ses  restes  mortels  furent  sans  doute  rendus  plus 
tard  à  notre  monastère;  c'est  au  moins  ce  que  semble  indiquer 
une  lettre  de  saint  Théodore  Studite  (2). 

En  Tan  484,  Souka  recevait  parmi  ses  ermites  saint  Cyriaque 
qui  devait  la  sanctifier  jusqu'en  556  (3).  Grâce  à  lui,  la  laure 
put  résister  aux  moines  origénistes,  qui  troublèrent  si  profon- 
dément la  Palestine  au  \f  siècle;  néanmoins  ceux-ci  réussi- 
rent à  lui  imposer  comme  higoumènes  deux  des  leurs,  Pierre 
d'Aleœanchie  et  Pierre  de  Grèce,  remplacés  bientôt  par  un  or- 
thodoxe, Cassien  de  Scythopolis  (4). 

Dans  le  courant  du  viir'  siècle,  plusieurs  de  ses  religieux 
s'en  allaient  chaque  année  avec  saint  Etienne  le  Thaumaturge 
passer  le  carême  dans  les  grottes  du  Djebel  Quarantal  (5).  En 
796,  les  Bédouins  du  désert  de  Juda  massacrèrent  quelques 
anachorètes  et  brûlèrent  bon  nombre  de  cellules  (6)  ;  deux 
autres  attaques  à  main  armée,  également  funestes,  eurent  lieu 
en  809  et  813  (7). 

La  laure  de  Saint-Chariton  est  citée  au  moyen  âge  dans  plu- 
sieurs récits  de  pèlerinage,  par  l'higoumène  russe  Daniel,  le 
grec  Jean  Phocas  et  plusieurs  autres  (8).  De  nos  jours,  on  ne 
voit  plus  que  des  ruines  informes  au  Khirbet-Khareitoun,  qui 
a  conservé  le  nom  et  le  souvenir  de  l'antique  monastère  (9). 

(1)  VUa  s.  Charilonis.  A.  SS.,  t.  Yll,  Sept.,  cap.  n,  n°  l'J. 
"(2)  Migne,  P.  G.,  t.  XCIX,  p.  1169. 

(3)  I7tos.C(/n«o<.  .4.. S'.9.,  <.VIll,Sopt..  p.  141-1511.  Voir  aussi  ]'iln  s.  Eul/v/mii. 
11° 48.  Usener  :   Der  heilige  Theodosîos,  p.  71.  ]'ita  s.  ,Sab(L'. 

(4)  Mta  s.  Cyriaci,  cap.  ii,  n°  14. 

(5)  .4..S'.S'.,  t.  111,  Jul.,  n"  V.i'J. 

(6j  A.  SS.,  t.  III,  Mart.,  p.  167  et  170. 

(7)  Theophanis  Chronog raphia,  édit.  do  Boor,  Lipsi;o,  1883,  p.  484  et  490. 

(8)  Migne,  P.  G.,  t.  CXX,  col 9611,  984.  Jean  de  Wiirtzbourg.  Migue,  P.  L..  t.  CI.V, 
col.  1U60. 

(9)  Voir  une  étude  plus  détaillée:  La  laure  de  Souka  ou  la  l'ieille  Z-aure.  dans  le 
Bessarione,  t.  III,  p.  5(1-58. 


526  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

22.  —  CHOREMBA,  monastère  signalé  par  Jean  Moschus  et 
qui  paraît  avoir  été  situé  dans  la  plaine  du  Jourdain  (1). 

23. CHOURA,  monastère  cité  deux  fois  dans  la  Vie  de 

saint  Etienne  le  Thaumaturge  au  vin°  siècle  (2).  Il  se  trouvait 
dans  le  désert  de  Juda,  aux  environs  de  Màr-Saba,  bien  que  sa 
position  exacte  soit  ignorée. 

24.  —  CHOZIBA,  laure  fondée  au  V  siècle,  dans  la  gorge  du 
Ouady  el-Kelt,  à  gauche  du  chemin  qui  va  de  Jérusalem  à  Jé- 
richo. Ses  origines  sont  ainsi  racontée  par  Antoine,  un  de  ses 
religieux  au  vn"^  siècle.  «  Les  grottes  du  torrent  furent  habitées 
par  cinq  hommes  de  Dieu,  venus  de  Syrie,  qui  formaient  une 
petite  communauté  avant  l'arrivée  de  Jean  l'Égyptien,  le  vrai 
fondateur  du  mo'nastère.  Ils  s'appelaient  Pronus,  Élie,  Gennée, 
Éas  et  Zenon.  Ils  s'aménagèrent  des  cellules  dans  les  anfrac- 
tuosités  de  la  roche,  près  de  la  petite  église  dédiée  maintenant 
à  saint  Etienne,  et  construisirent  l'oratoire,  où  leurs  saintes  re- 
liques reposent  aujourd'hui.  Le  reste  du  couvent  fut  construit 
par  Jean  l'Égyptien  (3).  » 

Jean  l'Égyptien,  surnommé  aussi  le  Chozibite,  naquit  à 
Thèbes  vers  450  de  parents  riches  et  monophysites;  dans  sa 
jeunesse,  il  se  rendit  en  Palestine,  y  renia  ses  erreurs  et  se  re- 
tira dans  la  gorge  sauvage  de  Choziba,  illustrée  par  les  péni- 
tences des  moines  syriens.  Il  devint  ensuite  métropolitain  de 
Césarée  de  Palestine  (4).  D'après  les  Menées  (3  cet.),  Jean  au- 
rait renoncé  à  la  charge  épiscopale  pour  s'enfermer  à  nouveau 
dans  sa  chère  solitude.  Saint  Théodore  le  Sicéote  y  fit  au 
vi"  siècle  sa  profession  religieuse  (5).  Jean  Moschus  la  visita  peu 
après  (6).  Nous  trouvons  des  renseignements  très  précis  sur 
Choziba  à  la  fin  du  vi"  et  au  début  du  vu*"  siècle  dans  la  bio- 
graphie de  saint  Georges  le  Chozibite,  écrite  par  son  disciple 

(1)  Op.  cil.,  cap.  CI. VII,  col.  3025. 

(2)  Op.  cit.,  n°  36  et  40. 

{'à)  Miracida  B.  Marix  in  Choziba  ûiinîi  les  Analccta  Bollandiana,  i.  VII,  ii"  ô, 
p.  300. 

(4)  Anal.   Bolland.,   l.    cit.;  Prat.  Spiril.,   cap.   xw,  col.  287 ~' ;  Vila  s.  Sabœ. 
t.  III,  288,  et  LXI,  col.  327. 

(5)  Surius,  22  Avril. 

(6)  Op.  cit.,  cap.  x.xiv  et  xxv. 


UÉI'HIITOIIIK    AIJ'IIABlh'lQLE    DKS    .MONASTÈRES    I)K    l'ALKSIIXE.    527 

et  ami  Antoine  (1),  et  dans  les  Miracida  //.  Mario'  in  C/toziba 
du  même  auteur  (2).  Nous  apprenons  que  la  laure  fut  ruinée 
en  Gl  1  par  les  Perses,  sous  la  direction  des  Juifs  et  des  Arabes, 
et  rebâtie  après  le  départ  des  envahisseurs.  Ce  malheur  dut  la 
frapper  encore  lors  de  l'invasion  arabe. 

Choziba,  visité  en  1177  par  Jean  Phocas  (3)  et  par  un  Grec 
anonyme  en  1253  (1),  existe  encore  dans  la  gorge  du  Ouady  el- 
Kelt,  occupé  par  des  moines  orthodoxes. 

25.  —  CONSTANTIN,  monastère  de  l'abbé  Constantin,  signalé 
par  Jean  Moschus  qui  causa  avec  son  higoumène  Sergius  (5). 
Ce  chroniqueur  n'indique  pas  la  situation  de  ce  couvent,  qui 
peut-être  ne  se  trouvait  même  pas  en  Palestine. 

26.  —  COPRATHA,  laure  mentionnée  dans  \e  Pré  Spiri- 
tuel (6)  et  qui  se  trouvait  dans  la  plaine  du  Jourdain.  En  effet, 
d'après  le  chapitre  xci,  deux  pèlerins  descendent  au  Jourdain; 
l'un  d'eux  succombe  trois  jours  après  et  est  enseveli  dans  la 
laure  de  Copratha. 

27.  —  COSMEETDAMIEN,  monastère  des  saints  Anargyres, 
Cosme  et  Damien,  à  Jérusalem.  Une  inscription  grecque,  dé- 
couverte sur  le  parcours  de  la  Voie  Douloureuse,  à  l'église  de 
Sainte- Véronique  des  Grecs  Melchites  (7),  dit  que  «  la  maison 
(l'église)  des  saints  Anargyres  a  été  achevée  sous  le  très  bien- 
heureux Eustochius,  548-563,  parles  soins  des  Biji-aufi/ts  » 
(voir  ce  mot).  Moschus  (8)  parle  de  ce  sanctuaire,  à  l'occasion 
delà  sœur  de  l'empereur  Maurice,  Damienne,  qui  venaity  prier 
avec  sa  nièce.  Le  texte  arabe  sur  la  Prise  de  Jérusalem  parles 
Perses  en  614,  publié  par  M.  Couret,  mentionne  le  couvent  des 
saints  Cosme  et  Damien  (9). 

(1)  ]'Ha  s.  Oeoi-;/il  Choz-ebilir  dans  les  Anal.  BoUamL,  t.   VU,  p.   '.•?  à  111,  33(; 
à  35il. 

(2)  Anal.  BolL.  t.  Vil,  p.  360  ;\  370. 

(3)  Migiic,  P.  G.,  t.  CXXXIII,  n»  10,  col.  010. 

(4)  De  Loris  Sanclis.  Migne,  P.  G.,  t.  CXXXIII,  ii»  13,  col.  088. 

(5)  Op.  vil. ,  cap.ccviii,  col.  3108. 

(G)  Op.  cit.,  cap.  XX,  col.  2868,  et  xci,  col.  20 10. 

(7)  P.  Germer-Durand  :  Revue  Biblique,  1892,  n"  0,  p.  560. 

(8)  Op.  cit.,  cap.  cxxvii,  col.  2990. 

(0)  Reçue  de  l'Orient  Clirctien,  t.  Il  (1807),  p.  163.  \ o'w  •Awsiii  Commemùiatorium 


528  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

28.  COTYLA,  partie  du  désert  de  Juda,  comprenant  la  ré- 
gion désolée  qui  s'étend  entre  le  Ouady  en-Nàr  ou  Cédron  et 
le  Ouady  ed-Dabor,  au  sud  de  la  route  allant  de  Jéricho  à  Jé- 
rusalem. Cotyla  revient  très  fréquemment  dans  Thagiographie 
palestinienne  (1). 

29.  —  CRÉMASTE,  grotte  située  dans  le  Ouady  Khareitoun, 
qui  servit  de  refuge  à  saint  Chariton  contre  l'empressement  in- 
discret de  ses  disciples;  elle  fut  surnommée  Crémaste  à  cause 
de  sa  position  abrupte  et  de  son  ouverture  très  élevée  On  ne 
pouvait  l'atteindre  qu'avec  une  échelle  (2),  et  aujourd'hui  en- 
core elle  se  dresse  majestueuse  au-dessus  du  sentier.  Après  Cha- 
riton, saint  Cyriaque  en  fit  sa  résidence  ordinaire  de  541  à 
546  (3).  Elle  se  nomme  M ogkâr-K ha reitoun,  dans  le  ravin  de  ce 
nom.  ^■ictor  Guérin,  peu  satisfait  de  cet  unique  souvenir,  vou- 
lait lui  décerner  l'honneur  de  représenter  la  grotte  d'Odollam, 
où  David  chercha  un  refuge  contre  la  jalousie  deSaiil;  cette 
opinion  peu  fondée  est  généralement  abandonnée,  Odollam  se 
trouve  près  de  Socho. 

30.  —  DOROTHÉE,  monastère  indiqué  par  Jean  Moschus  (4) 
près  de  Gaza  et  de  Mayouma  ;  saint  Dorothée  s'y  était  retiré 
après  avoir  vécu  de  longues  années  dans  le  couvent  de  l'abbé 

'Se  ri  don  (5).  Voir  ce  nom. 

31.  — DOUCA,  laure  située  sur  la  montagne  avoisinant  Jé- 
richo, au  Djebel  Quarantal  moderne.  Après  un  séjour  prolongé 
à  Pharan,  saint  Chariton  s'était  enfui  plus  à  l'est,  dans  les  grot- 
tes qui  se  trouvaient  aux  environs  de  Jéricho.  Ses  disciples 
se  joignirent  à  lui  et  formèrent  peu  à  peu  une  laure,  vers  l'an 
340(6).  Le  lieu  s'appelait  Douca,  au  dire  de  Palladius  qui  y  fut 


de  casis  iJei  dans  les  Binera  et  DescripHones  :  ■<  In  Sancto  Cosnia  et   Damiano. 
ubi  nati  luerunt  III,  et  ubi  medicabant,  presbytor  i.  ■■ 

(1)  Vita  s.Euthymii,  n°  94. 

(2)  VUa  s.  Charitonis.  A.  SS.,  t.  VII,    Sept.,  cap.  ii,  n"  13. 

(3)  VUa  s.  Cyriaci,  A.SS.,  t.  VIII,  Sept.,  cap.  ii,  p.  152;  cap.  m.  p.  1.j6. 
(1)  Op.  cit.,  cap.  CLxvi,  col.  3033. 

i'j)  s.  Dorothxi  abbalis  Doctrina.  Migne,  P.  G.,  t.  LXXXVIII,  col.  IG30.  et  Vita 
s.  Dorolhni,  A.    SS.,    t.  I,  Jim.,  p.  582  et  s. 
(6)  l'ila  s.  Charitonis.  A.  SS.,  t.  VII,  Sept.,  cap.  ii,  n"  II. 


RÉl'KliToIRE    ALI'IIAHKTIQUE    DKS    .AKJ.NASTKRES    \)K    l'ALKSTINK.    529 

religieux  vers  l'an  386  (1).  Ce  dernier  nom  lui  venait  sans 
doute  du  fort  de  Dpch,  signalé  dans  le  premier  livre  des  Mac- 
chabées (xxi,  11  à  18)  et  qui  s'est  conservé  de  nos  jours  dans 
la  fontaine  Aïn  ed-Douk.  Saint  Elpide  prit  la  succession  de 
Chariton,  quand  celui-ci  se  retira  à  Souka,  aux  environs  de 
Thécoa,  et  nous  voyons  au  vi"  siècle  la  montagne  de  Douca  por- 
ter aussi  le  nom  de  saint  Elpide  (2). 

Les  grottes  de  cette  laure  paraissent  abandonnées  lors  de 
l'invasion  perse  en  614,  —  du  moins  la  Vie  de  saint  Georges  le 
Chozibite  n'en  parle  pas;  —  au  viii"  siècle,  elles  n'abritaient 
plus  qu'un  vieil  anachorète  (3). 

ÉLIE.  Y oivAnastase. 

32.  —  ÉLIE,  monastères  du  patriarche  Élie  à  Jéricho.  Élie 
l'Arabe,  né  vers  l'an  430,  s'enfuit  de  Nitrie  en  457  à  la  laure 
de  saint  Euthyme,  où  il  resta  jusqu'à  la  mort  de  ce  dernier  en 
473  (4).  Ace  moment,  il  se  construisit  devant  la  ville  de  Jéri- 
cho une  petite  cellule,  qui  fut  le  point  de  départ  de  deux  monas- 
tères. Le  23  juillet  494,  Salluste,  patriarche  de  Jérusalem, 
mourait,  et  Élie  devenait  son  successeur.  Les  embarras  de  sa 
charge  ne  lui  permirent  plus  de  veiller  sur  ses  monastères, 
comme  auparavant;  toutefois,  il  conserya  le  titre  de  supérieur 
et  se  choisit  un  suppléant  dans  la  personne  du  moine  Euthale. 
Exilé  par  l'empereur  Anastase  en  513  dans  la  forteresse  d'Ela,  à 
cause  de  ses  sentiments  catholiques,  Élie  y  mourut  le  20  juillet 
518,  aprèsavoir  recommandé  à  l'higoumène  présent  Euthale  de  se 
désigner  comme  successeurs  deux  religieux  exemplaires,  Nes- 
tabe  et  Zacharie.  Il  défendit  en  même  temps  la  vente  ou  la  ces- 
sion de  ses  deux  monastères  qui  devaient  rester  unis  sous  l'au- 
torité du  même  higoumène  (5).  Nous  raconterons  plus  loin  (voir 
Eunuques)  combien  ses  dernières  volontés  furent  peu  respec- 
tées en  528,  sous  l'archimandrite  Alexandre. 


(1)  Historia  ad  Lausum.  Migne,  P.  G.,  t.  XXXIV,  cap.  cvi  à  ex. 

(2)  Pfaù.  Spirit.,  cap.  cliv,  col.  3021. 

(3)  \'ila  s.  Slephani  Thaumalurgi.  A.  SS.,  t.  III,  .Jul.,  p.  540  et  55iJ.  Voir  aussi 
La  laure  de  Douca  dans  lo  Bessarione,  t.  III,  p.  41-qO. 

(4)  ]'i(a  s.  Eul/iymii,  n°  94. 

(5)  ]'ita  s.  Sabx,  n°  60,  p.  324. 

OniEXT    CHRÉTIEN.  36 


530  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Il  ne  faudrait  pas  confondre  les  monastères  du  patriarche  Élie 
à  Jéricho  avec  la  laure  des  Éliotes,  dont  parle  Jean  Moschus 
et  qui  fut  fondée  au  vi"  siècle  près  du  mont  Sinaï  (I)  par  un 
certain  Antoine  (2).  Le  Commémora tormm  de  casis  Dei  men- 
tionne peut-être  ce  monastère,  «  monasterium  sancti  Stephani 
prope  Jéricho  construxit  (Elias)  »  (3)? 

•    33.  —  ELISÉE,  monastère  de  saint  Elisée  à  Jérusalem,  res- 
tauré par  l'empereur  Justinien  (4). 

34.  —  ELOUSA,  laure  signalée  par  Jean  Moschus  (5).  La  Vie 
de  saint  Théognius  nous  parle  aussi  de  Paul,  hésychaste  ou 
contemplatif  de  cette  ville,  et  qui  fut  également  le  biographe 
de  ce  saint  (6).  Les  Actes  de  saint  Hilarion  (7)  nous  donnent 
quelques  détails  sur  la  vie  monastique  d'Elousa,  alors  que  les 
religieux  demeuraient  encore  dans  des  cellules  séparées  sans 
former  de  monastère  proprement  dit. 

Elousa  était  un  siège  épiscopal  de  la  troisième  Palestine  qui 
avait  Pétrapour  métropole;  c'est  aujourd'hui  E l-K ha lasa  dans 
le  désert  de  Bersabée. 

35.  —  ENTHENANETH,  monastère  signalé  par  sainte  Sil- 
vie  (8)  qui  s'entretint  avec  des  anachorètes,  dont  les  cellules 
s'abritaient  sous  les  vergers  d'Énon  près  de  Saiim. 

Énon  se  trouvait  à  VIII  milles  au  sud  de  Scythopolis  ;  il  y  a 
toute  une  série  de  sources  :  Ain  el-Fatouf ,  Ain  es-Sakouth,  Ain 
ed-Deir,  Ain  esch-Schemsiyé,  qui  se  disputent  l'honneur  de 
représenter  cette  localité  évangélique. 

36.  —  ETIENNE,  monastère  de  Saint-Étienne  à  Jérusalem. 
En  455,  l'impératrice  Eudocie  expiait  ses  égarements  monophy- 
sites  en  élevant  au  proto-martyr  Etienne  une  superbe  basilique 

(1)  Prul.  SpiriL,  cap.  cxxxiv,  col.  2997. 

(2)  Op.  cil.,  cap.  Lxvi,  col.  2917. 

(3)  Itinera  et  Descrlpiioncs,  t.  I,  p.  303. 

(4)  Procope,  De  /Edificiis,  Vih.  V,  cap.   ix. 

(5)  Op.  «7.,  cap.  CLxiv,  col.  3032. 

(6)  A7ial.  Bolland.,  t.  X,  p.  117. 

(7)  ,4.  SS.,  t.  IX,  Oct.,  p.  21.  Voir  aussi  Antonin,  Itinera,   t.  I.  p.  110. 

(8)  Op.  cil.,  p.  (10,  et  ]'ita  s.  Sabx,  t.  III,  n"  (52,  col.  328. 


RKI'ERTolRr-;    ALl'HAlîKTKjUK    DI^S    MOXASTIORES    DR    l'ALR.STIXi:.    531 

qui  fut  terminée  en  4G(>.  Celle-ci  se  trouvait  au  nord  des  rem- 
parts de  Jérusalem,  sur  remplacement  môme  du  martyre  (1). 
L'impératrice  obtint  de  saint  Euthyme  des  moines  de  sa  laure, 
qui  desservirent  la  basilique  et  occupèrent  le  monastère  bâti 
tout  aui)rès.  L'iiigoumène  se  nommait  Gabriel,  il  mourut  le 
26  janvier  490  avec  l'auréole  des  saints  (2).  Eudocie  fut  enseve- 
lie dans  la  crypte  de  la  basilique,  ainsi  que  sa  petite-fille, 
l'épouse  infortunée  de  Genséric  (3). 

En  513,  eut  lieu  à  Saint-Étienne  la  fameuse  manifestation  de 
dix  mille  moines  environ,  qui  vinrent  témoigner  de  leur  atta- 
chement au  concile  de  Chalcédoine  contre  les  empiétements  de 
l'empereur  Anastase  (4). 

Le  monastère  de  Saint-Étienne  envoya  ses  représentants  au 
synode  de  Constantinople  de  536,  tenu  contre  le  patriarche 
Anthime;  il  fut  renversé  ainsi  que  la  basilique  en  614  par  les 
Perses  et  ne  se  releva  jamais  complètement  de  cette  ruine.  De 
nos  jours,  les  Pères  Dominicains  ont  reconstruit  la  basilique 
d'Eudocie  sur  les  proportions  grandioses  du  plan  primitif  et 
créé  ÏÉcole  pratique  d'études  bibliques,  qui  a  pour  organe  la 
Revue  Biblique. 

Une  autre  tradition,  remontant  au  xii'"  siècle,  place  la  lapi- 
dation de  saint  Etienne  dans  la  vallée  du  Cédron,  près  de 
Gethsémani  ;  elle  n'est  plus  soutenue  par  les  gens  sérieux  (5). 

37.  —  ETIENNE,  oratoire  de  Saint-Étienne.  Après  vingt- 
quatre  ans  de  supériorat,  Gabriel  se  construisit  un  petit  oratoire 
dans  la  vallée  de  l'Ascension,  à  l'orient,  où,  à  l'exemple  de 
saint  Euthyme,  il  se  retirait  depuis  l'octave  de  l'Epiphanie 
jusqu'à  Pâques  (6). 

Cette  vallée  est  probablement  la  vallée  du  Cédron  ou  de  Josa- 
phat,  située  à  l'orient  de  Jérusalem.  Le  Commemoratorium  de 
casis  Dei  et  monasteriis  (7)  parle  d'un  sanctuaire  de  Saint- 

(1)  Pelrus  der  Ibercr,  \^.  ?u  et  04. 

(2)  .4.  .S'.S'.,  26  janvier. 

(3)  Vilas.  Euthymil,  n°87,.99,  103. 

(4)  Vila.  s.Saba\  t.  III,  lvi. 

(5)  P.  Lagrango  :  Saint  Etienne  et   son   sanctuaire  à   Jérusalem,    Paris,    1804, 
pp.  xvi-188. 

(6)  Vita  s.  Euthymii,  n°  103. 

(7)  Itincra  et  Descriptiones,  t.  I,  p.  302. 


.",32  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Etienne,  dans  la  vallée  de  Josaphat,  qui  était  desservi  par  trois 
prêtres. 

3g,  —  ÉTRANGERS,  monastère  des  Étrangers  à  Jéricho, 
cité  dans  le  Pré  Spirituel  (1).  Un  abbé  Nicolas  avait  sa  cellule 
dans  le  torrent  de  Bethasimus,  entre  Saint-Elpide  (le  Djebel 
Quarantal)  et  le  monastère  des  Étrangers.  Celui-ci  doit  être  le 
Xenodochium,  que  plusieurs  autres  documents  placent  à  Jé- 
richo (2).  Si  le  torrent  de  Bethasimus  est  le  Ouady  el-Hazim,  au 
sud  du  Ouady  el-Kelt,  le  Xenodochium  doit  être  cherché  au 
midi  du  village  d'Er-Riha. 

EUDOCIE,  tour  d'Eudocie.  Voir  Jean  le  Scholaire. 

39.  —  EUNUQUES,  monastère  des  Eunuques  à  Jéricho,  528. 
Le  patriarche  Élie  avait  construit  deux  monastères  aux  portes 
de  Jéricho  en  473  et  fait  promettre  à  Thigoumène  Euthale  de 
ne  jamais  les  vendre  ou  les  céder.  Ses  dernières  recommanda- 
tions furent  bien  vite  oubliées.  En  528,  les  eunuques  de  Julienne, 
nièce  de  Valentinien,  réalisèrent  leur  fortune  et  en  offrirent  le 
montant  à  saint  Sabas  pour  qu'il  les  reçût  dans  sa  laure.  Malgré 
sa  vieille  affection  pour  eux,  le  solitaire  ne  pouvait  enfreindre 
une  de  ses  plus  chères  pratiques,  qui  éloignait  de  sa  laure  les 
eunuques  et  les  enfants.  Il  s'entremit  pour  eux  et  les  adressa  à 
son  ami  saint  Théodose,  qui  les  repoussa  pour  les  mêmes  motifs. 
Las  de  toutes  ces  démarches,  les  solliciteurs  prièrent  le  patriar- 
che Pierre  de  leur  acheter  un  terrain,  où  ils  pourraient  bâtir 
un  couvent  pour  leur  usage  exclusif.  Le  patriarche  confia  le 
soin  de  résoudre  cette  affaire  à  Thigoumène  des  monastères 
d'Élie,  Alexandre.  Celui-ci  trouva  sans  doute  qu'il  y  avait  assez 
de  monastères  dans  la  plaine  du  Jourdain;  en  conséquence,  il 
retint  l'argent  et  livra  aux  eunuques  de  Julienne  un  des  deux 
monastères  d'Élie,  contre  les  intentions  formelles  du  fondateur. 
A  la  suite  de  cet  arrangement,  le  monastère  cédé  prit  le  nom  de 
ses  nouveaux  propriétaires  (3). 

(1)  Cap.  Liv,  col.  3021. 

(i)  Vita  s.  Joannis  Silenliarii.  A.  SS.,  t.  III, Mai,  p.  235.   VUa    s.   Sabx,   ]'ila 
s.  Georgii  Cliozeb.,  Anal.  Bell.,  t.  YII,  n^Sô,  p.  134. 
(3)  VUa  s.  Sabœ,  t.  111,  li.x.  col.  322,  et  lxix,  lx.x. 


RKPERTOIUE    AIJ'IIABKTKjUK    DES    MONASTERES    DE    PALESTINE.    .J.j.j 

Un  fragment  de  lettre  du  moine  Paul  Jlelladique  nous  in- 
dique le  chef  des  eunuques;  il  s'appelait  £'z«^ro/?<?.  Celui-ci 
accepta  le  second  couvent  du  patriarciie  Elle,  «  tcv  oeûteo:/ 
TTjpYov  »,  s'y  fixa  avec  ses  compagnons  et  diverses  personnes  de 
sa  condition  des  environs  de  Jéricho  (1). 

Jean  Moschus  rencontra  sur  son  passage  le  monastère  qu'il 
mentionne  plusieurs  fois.  Le  bon  caloyer  répète  les  longues 
histoires  que  lui  contèrent  les  moines  sur  les  prêtres  Nicolas  et 
Jean,  les  deux  célébrités  de  l'endroit  (2). 

40.  —  EUSTATIIE,  monastère  situé  sur  la  voie  de  Jérusalem 
à  Gaza,  et  cité  une  seule  fois  dans  la  Vie  de  saint  Théognius, 
évêque  de  Béthélie,  au  vr  siècle  (3). 

41.  —  EUSTORGE,  monastère.  A  l'automne  de  466,  saint 
Cyriaque  arrivait  à  Jérusalem  de  Corinthe,  sa  ville  natale,  et 
embrassait  la  vie  religieuse  dans  le  monastère  qu'avait  fondé 
Eustorge,  près  de  la  Ville  Sainte.  Son  amour  de  la  retraite  l'a- 
mena, avec  la  permission  d'Eustorge  encore  vivant,  au  prin- 
temps de  l'an  467,  à  la  laure  de  Saint-Euthyme  (4).  Ce  couvent 
fut  donc  établi  vers  le  milieu  du  v°  siècle,  il  est  encore  cité  dans 
le  Pré  Spirituel  (5). 

42.  —  EUTHYME,  laure  de  saint  Euthyme,  425.  A  son  départ 
de  Pharan,  Euthyme  et  son  confident  Théoctiste  (voir  ce  nom) 
fondèrent  le  couvent  qui  porte  le  nom  de  ce  dernier  vers  411. 
Vint  ensuite  la  conversion  des  Bédouins  d'Aspebet,  pour  lesquels 
on  érigea  l'évêché  de  Paremboles;  puis  Euthyme  se  retira  à 
trois  milles,  vers  l'ouest,  dans  une  petite  plaine  où  il  bâtit 
son  ermitage.  Les  disciples  se  groupèrent  autour  de  lui  et  cons- 
tituèrent bientôt  une  laure.  La  grotte  primitive  d'Euthyme  fut 
convertie  en  église  et  consacrée  par  Juvénal  en  429  (6). 

La  mort  d'Euthyme,  473,  fut  suivie  de  troubles  graves  sur- 


(1)  Société  russe  de  Palestine,  1891,  p.  25. 
■  (2)  Op.  eit.,  cap.  xix,  cxxxv,  cxxxvi,  cxxxvii  et  ci.xv. 

(3)  Anal.  Bolland.,  t.  X,  p.  95. 

(4)  Vilas.  Cyriaci.A.  N.V.,  t.  VIII,  Sept.,  ir  3,  p.  148. 

(5)  Cap.  1,  col.  2852. 

(6)  Vita  s.  Euthymii,  n"  34,  3(3,  40. 


534  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

venus  entre  ses  deux  fondations,  on  dut  changer  la  laure  en 
monastère  pour  résister  aux  incursions  des  Arabes.  Le  diacre 
Fidus,  à  la  prière  du  patriarche  Martyrius,  se  chargea  de  ce 
travail  et  le  mena  à  bonne  fin  en  484.  La  nouvelle  église,  fut 
dédiée  le  7  mai  de  la  même  année,  l'ancienne  était  devenue  le 
caveau  du  fondateur  et  des  higoumènes  (1).  Moschus  visita 
cette  laure  (2),  qui  fournit  au  viif  siècle  un  écrivain  d'une  ortho- 
doxie douteuse  dans  la  personne  de  son  supérieur  Anastase  (3). 
Signalée  dans  la  Vie  de  saint  Etienne  le  Thaumaturge  (4)  et  la 
Passiosanctorum XXmartyrum  (5)  de  saint  Sabas  à  lamème  épo- 
que, elle  était  encore  debout  au  xii^  siècle  lors  des  pèlerinages  de 
l'higoumène  russe  Daniel  et  de  Jean  Phocas.  On  ignore  l'époque 
exacte  de  sa  destruction.  Les  ruines  de  ce  beau  monastère  sont 
encore  visibles  au  Khan  el-A/wiar,  à  trois  heures  de  Jérusa- 
lem, dans  la  direction  de  la  mer  Morte  (G). 

43.  —  FIRMIN,  laure  de  Firmin  à  Michmas. 

Cette  laure  fut  inaugurée  au  commencement  du  vf  siècle  (7) 
dans  la  gorge  du  Ouady  es-Soueinit,  qui  sépare  Djéba  de  Mich- 
mas. Métaphraste,  il  est  vrai,  change  Michmas  en  Maliha,  le 
moderne  Malha,  à  droite  de  la  voie  ferrée  de  Jérusalem  à  Jaffa; 
mais  on  sait  que  les  corrections  de  Métaphraste  sont  rarement 
heureuses  et  que  les  environs  de  Malha  ne  se  sont  jamais  prê- 
tés à  l'établissement  d'une  laure.  Nous  devons  donc  conserver 
sans  discussion  la  leçon  de  Cyrille,  qui  est  la  bonne. 

La  laure  dé  Firmin  délégua  ses  représentants  au  concile  de 
Constantinople  en  536.  Elle  doit  le  peu  de  renommée  qui  auréole 
son  berceau  à  sa  tactique  dans  la  querelle  origéniste,  537-554. 
Ses  enfants  s'y  lancèrent  à  corps  perdu,  sans  réflexion  aucune, 

(1)  VUa  s.  EulhymiL.  n»  111,   1^3;  ]'ilu  s.  Cyrlaci,  cap.  i,  ii"  3  et  s. 

(2)  Op.  cit.,  cap.  XXXI  et  cxxiv 

(3)  Migne,  P.  G.,  t.  XCV,  col.  24  et  57,  et  Piti'a,  Jur.  EccL,  t.  Il,  Ronue,  18G8, 
p.  -212. 

(4)  VUa  s.Siephani  Thaumalurgi,  n°  14,  17  et  170. 

(5)  .4.  ,s'.S'.,  t.  m,  Mart.,  p.  200  et  s. 

(G)  Voir  sur  cette  laure  les  études  détaillées  du  P.  Van  Kasteren  :  Ans  der 
Umgegend  von  Jérusalem,  dans  la  Zeitschrifl  deidschen Palxstina-Vereins,  t.  XIII, 
p.  76-122;  du  chanoine  von  Riess  :  Das  Eulhymiuskloster,  ibid.,  t.  XV, p.  212-233, 
et  notre  article  :  La  laure  et  le  couvent  de  saint  Euthyme  dans- le  Bessarione, 
t.  m,  p.  209-225. 

(7)   Vita  s.  Sab.v,  n"  16. 


ItKPKIiTdlKI-;    ALI'IIAlii;Tl(,iUl<:    DIOS    .MO.MASTKIIES    1)K    l'AI>K.STIXP:.    .).j.J 

et  du  mauvais  côté  par  conséquent.  Ils  défendirent  les  opinions 
aventureuses  d'Origène  avec  une  obstination  et  un  dévouement 
dignes  d'une  meilleure  cause.  Ils  en  vinrent  bientôt  à  renier 
les  idées  d'Askidas  et  de  la  Nouvelle  Laurepour  en  proposer  de 
nouvelles  et  inventèrent  l'hérésie  des  ProtocLUtea.  Les  Xéolau- 
rites  se  déclaraient  Isochristes.  Sans  se  mêler  de  ces  querelles 
ridicules  entre  hérétiques  ergotant  sur  des  mots  vides  de  sens, 
Conon,  rhig'oumène  de  Mâr-Saba,  réussit  à  gagner  à  lui  le  supé- 
rieur de  notre  laure,  Tabbé  Isidore.  Il  n'eut  pas  de  peine  à  lui 
démontrer  que  la  vérité  ne  penchait  ni  du  côté  des  Protoctistes, 
ni  du  côté  des  Isochristes,  mais  qu'elle  se  trouvait  dans  un 
juste  milieu,  chez  les  catholiques.  Origène  était  un  grand  génie, 
mais  un  génie  mortel,  sujet  à  se  tromper  comme  tous  les 
hommes. 

Isidore  comprit  le  raisonnement  de  Conon;  il  abjura  son 
hérésie  dans  l'église  deSion,  s'embarqua  avec  Conon  pourCons- 
tantinople,  emploj^a  tout  son  crédit  à  ruiner  la  puissance  des 
Origénistes  et  mourut  dans  la  capitale  au  milieu  de  ces  œuvres 
de  charité  (1). 

Le  successeur  d'Isidore  fut  peut-être  Zozijme  de  Cilicie,  que 
mentionne  Jean  Moschus.  Il  parle  aussi  dans  le  même  récit 
de  l'ermite  Sabbatius,  de  la  laure  de  Firmin  (2).  L'invasion 
perse  ou  arabe  causa  sans  doute  la  décadence  et  la  disparition 
de  ce  monastère,  sur  lequel  l'histoire  se  tait  désormais. 

Le  site  authentique  de  cette  laure  vient  d'être  retrouvé  dans 
la  gorge  du  Ouady  es-Soueinit;  ses  ruines  portent  encore  le 
nom"  de  Khirbet  ed-Douèr,  «  les  ruines  du  monastère  (3).  » 
Rappelons  que  dans  ce  même  ravin  Jonathas,  avec  son  écuyer, 
escalada  la  roche  de  Séné  et  réussit  à  débusquer  les  Philistins 
des  hauteurs  de  Michmas  (4). 

44.  —  FLAVIA,  monastère  à  Gethsémani  vers  450. 

Saint  Théognius,  moine  de  Cappadoce,  se  rendit  à  Jérusalem 


(1)  Vilas.  Sabx,  n»  83  et  89. 

(2)  Op.  cit.,  cap.  CLxvi,  col.  3032. 

(3)  P.  Lagrange  dans  la   Revue  Biblique,  t.  IV  (18!)5),  p.  '.>4,  et  P.  Bouillon 
dans  les  Échos  d'Orient,  1898,  p.  144. 

(4)  I  Reg.,  cap.  xiv.  Voir  dans  les  deux  Revues  citées  ci-dessus  une  étude  faite 
sur  les  lieux  du  coup  de  main  de  Jonathas. 


536  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

en  454  et  s'enferma  dans  un  monastère  de  Gethsémani,  récem- 
ment construit  par  la  dame  Flavia.  Le  nom  de  cette  clame 
trahit  une  origine  latine;  celui  de  saint  Julien,  le  martyr  de 
Brives,  à  qui  l'église  était  dédiée,  amènerait  à  en  faire  une 
gauloise.  Des  affaires  graves  obligèrent  bientôt  la  fondatrice  à 
revenir  dans  sa  patrie,  elle  y  mourut  et  le  choix  des  religieux, 
non  moins  que  son  testament,  désignèrent  Théognius  pour  la 
remplacer.  Ennuyé  des  tracas  de  l'administration,  celui-ci  ré- 
silia vite  sa  charge  et  s'enfuit  au  monastère  de  saint  Théodose, 
son  compatriote  (1). 

45.  —  GADARA,  monastère  fondé  par  saint  Sabas  en  503. 
Chassé  de  la  Grande  Laure  par  la  malveillance  de  quelques-uns 
de  ses  disciples,  Sabas  prit  la  route  de  Scythopolis,  traversa  le 
Jourdain  et  se  logea  dans  une  caverne  sur  les  bords  du  torrent 
de  Gadara.  Un  jeune  homme  fort  riche  de  Scythopolis,  Basile, 
fournit  l'argent  nécessaire  à  la  construction  des  cellules 
pour  les  nombreux  novices  qui  accouraient  auprès  du  soli- 
taire. 

Cinq  ans  après,  508,  Sabas  quittait  ses  compagnons  et  reve- 
nait à  sa  laure  du  Cédron.  Les  ermites  de  Gadara  se  dispersè- 
rent ou  moururent,  et  la  grotte,  convertie  en  église,  devint 
l'héritage  d'un  certain  Ennathius,  originaire  de  l'Isaurie. 
Celui-ci  bâtit  un  grand  monastère  et  en  fut  le  premier  higou- 
mène.  A  sa  mort,  un  de  ses  compatriotes,  Taraise,  prit  sa  suc- 
cession. Il  vivait  encore  en  556,  quand  Cyrille  de  Scythopolis 
écrivait  la  Vie  de  saint  Sabas  (2). 

Gadara,  ville  de  la  Décapole,  connue  aujourd'hui  sous  le  nom 
de  AfKeiss,  est  au  sud  du  lac  de  Tibériade,  en  face  de  Beisan , 
de  l'autre  côté  du  Jourdain. 

46.  —  GANTA,  monastère  eutychien,  situé  a  XV  milles  au 
nord  de  Jérusalem  (3).  Le  prêtre  Paul  vivait  en  cénobite  à 
Ganta,  village  d'Eudocie  cédé  par  elle  à  l'église  de  Jérusalem; 
il  y  fonda  un  monastère  grand  et  illustre  et  devint  le  père  d'une 
multitude  de  moines. 

(1)  Anal.  Bolland..  t.  X,  p.  82  à  85. 

(2)  Vila  s.  Sabœ,  n"  33  et  34,  et  \'ita  s.  Joannis  Silentiarii,  t.  III,  Mai,  n"  II. 

(3)  Les  Plérophories  dans  la  Revue  de  VOrient  Chrétien,  t.  III,  cap.  xx,  p.  252. 


liKPERTdll!!-:    ALI'lIAIiKTKJL'K    l'I^S    .MOXASTKUKS    DK    l'ALK-STINK.    .>.)! 

17.  — GAZA.  Moschus  signale  une  laure  zl:  --/.[lipr,  V-jZ-r,:  (1). 
Il  y  avait  certainement  dans  cette  ville  d'autres  monastères, 
dont  les  noms  seront  découverts  à  mesure  que  l'on  éditera  les 
textes  syriaques  des  écrits  de  cette  région. 

48.  —  GÉLASE,  monastère  construit  à  Nicopolis  par  Gélase, 
moine  du  v"  siècle.  Celui-ci  s'est  créé  une  place  à  part- dans  les 
traités  de  spiritualité:  il  soutint  un  long  procès  contre  un  sé- 
culier qui  avait  empiété  sur  les  biens  ecclésiastiques,  ressuscita 
un  enfant  tué  par  un  de  ses  religieux  ei  brava  la  colère  de  Théo- 
dose, patriarche  intrus  de  Jérusalem,  451.  Il  lui  refusa  son 
obéissance  et  se  serait,  sans  l'assistance  du  peuple  fidèle,  laissé 
brûler  sur  la  place  du  Saint  Sépulcre  plutôt  que  de  renier  sa 
foi  ou  de  trahir  son  pasteur  Juvénal  (2).  L'histoire  ne  parle  plus 
de  ce  monastère,  qui  fusionna  peut-être  dans  la  suite  avec  celui 
de  saint  Sabas  établi  dans  la  même  ville  (voir  Nicopolis.) 

49.  —  GEORGES,  monastère  de  Saint-Georges  à  Jérusalem. 
Procope  le  mentionne  sous  Justinien  (3).  En  491,  saint  Jean  le 
Silentiaire  avait  déjà  séjourné  quelque  temps  au  gerocomium 
de  Saint-Georges  (4).  La  Prise  de  Jérusalem  (p)  cite  l'autel  Saint- 
Georges,  le  Commemoratorium  de  oasis  Dei  y  met  deux  prê- 
tres (6).  Enfin  une  inscription  grecque  mentionne  l'higoumène 
du  monastère  de  Saint-Georges,  Thécla  Augusta,  la  sœur  de 
l'empereur  Michel  111  l'Ivrogne  (7).  Ici,  évidemment,  il  s'agit 
d'un  couvent  de  femmes.  11  existe  encore,  près  du  Cénacle,  un 
monastère  de  Saint-Georges,  occupé  par  les  Grecs. 

50.  — GÉRASIME,  laure  de  saint  Gérasime,  455. 
Gérasime,  né  enLycie,  se  rendit  à  Jérusalem  vers  l'an  451  et 

se  fixa  dans  le  désert  pierreux  qui  avoisine  la  mer  Morte.  Il 
se  laissa  d'abord  circonvenir  par  les  moines  eutychiens,  re- 

(1)  Op.  cit.,  cap.  Lv,  290Î). 

(2)  Apophlliegmata  Patrum,  Cotcliei',  t.  I.  p.  liri-ll;i. 
(o)  De  jEdificus,  lib.   V,  cap.  i.\. 

(4)  .4.  SS.,  l.  III,  iMai,  n»  4  et  5. 

(5)  Revue  de  l'Orient  Chrétien,  t.  II,  p.  163. 

(6)  Tobler,  Itincra  :  «  in  sancto  Goorgio  II  »,  t.  I,  p.  3()2. 

(7)  De  Vogïié:  rc»?;;/?,  api>endice,  p.  131,  o{  Gevinrv-lhm\m\,  Revue  Biblique. 
1. 1,  p.  564. 


538  ■  HE  VUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

connut  son  erreur  et  n'hésita  pas  à  l'abandonner  (1).  Il  resta 
quelque  temps  anachorète,  avant  de  fonder  sur  les  rives  du 
Jourdain  sa  laure  qui  comprenait  soixante-dix  cellules,  habi- 
tées par  des  parfaits,  entourant  et  protégeant  un  monastère  où 
s'exerçaient  les  novices;  il  mourut  le  5  mars  475  (2). 

Les  successeurs  de  Gérasime  dans  la  direction  de  la  laure 
furent  ses  deux  frères,  Basile  etÉlienne^  475-481,  puis  Eugène, 
481-526  (3). 

Jean  Moschus  nous  entretient  longuement  de  cette  laure  (4), 
■qui  est  encore  citée  dans  les  Conférences  spirituelles  de 
Zozyme  (5).  la  Vie  de  saint  Siméon  Salus  (6),  le  Cominemora- 
torium  de  casis  Dei  (7)  et  VEnarratio  Sijriœ  du  moine  Épi- 
phane  (8)  au  début  du  ix''  siècle. 

Depuis,  le  silence  se  fait  sur  elle  et  quand  Phocas  l'aperçoit 
en  1177  (9),  elle  est  détruite  de  fond  en  comble.  Vers  cette 
époque,  elle  se  confondit  avec  le  monastère  de  Calamon,  comme 
je  l'ai  dit.  (Voir  ce  mot.) 

D'après  Moschus,  cap.  CVII,  la  laure  de  saint  Gérasime  se 
trouvait  à  un  mille  du  Jourdain;  le  moine  Ephiphane  la  si- 
gnale à  III  milles  à  l'est  de  Jéricho  et  Phocas  en  aperçoit  les 
ruines  entre  Saint- Jean-Baptiste  (Kasr  el-Iehoud)  et  Calamon 
(Kasr-Hadjla).  Voilà  donc  le  champ  des  recherches  bien  déli- 
mité, il  s'agit  de  découvrir  dans  cette  direction  des  ruines  qui 
répondent  à  ces  données  topographiques  (10). 

GRANDE  LAURE.  Voir  Saint-Sabas. 

51.  —  GRÉGOIRE,  monastère  réparé  par  Justinien  (II). 


(1)  ]'lta  s.  Eiit/iyiitii,  n"  77,  ot  Papadopoulos-Keramous  :  'Ava>,£XTà  lEf>o(7o),u|j.iTty.-;ïç 
a-zayyo'koyloiç,  Saint-Prtersbours:,  1897,  t.  IV,  p.  175. 

(2)  ]'ita  s.  Euthymil,  n"  89-93;  Papadop.-Ker.  op.  cil.;  ]'ila  x.  Cyriaci,  \\°  1; 
Pral.  Spir.,  cap.  cvii,  col.  29G5;  ViUi  s.  Sabœ,  t.  III.  xii. 

(3)  Papadop.-Ker.,  ojo  cit.,  et  Usencr  :  Dcr  heilige  Théodosios,  p.  120. 

(4)  Op.  cit.,  cap.  XI,  XII,  cxLi  et  cxlii. 

(5j  Migne,  P.  G.,  t.  LXXVIII,  n°  13,  col.  l(V.i7. 

(6)  Migne,  P.  G.,  t.  XCIII. 

(7)  Tobler  :  Itinera  et  Descriptiones,  t.  I,  \^.  3(l3. 

(8)  Migne,  P.  G.,  t.  CXX,  col.  269. 

(9)  Migne,  P.  G.,  t.  CXXXIII,  col.  952. 

(10)  Voir  l'histoire  détaillée  de  ce  couvent  dans  les  Échos  d'Orient  :  Les  Laures 
de  saint  Gérasime  et  de  Calamon,  t.  Il,  p.  100-119. 

(11)  Procope  :  De  yEdiftciis,  lib.  Y,  cap.  i\. 


RIÔPERTOIUK    ALIMIABÉTK^LK    DES    .MONASTERES    DE    l'ALESTI.NE.    030 

52.  —  HAROUN,  monastère  de  l'ami  du  Messie  feutycliieii) 
Ilaroûn,  le  marchand  de  blé,  près  d'Ascalon.  Plusieurs  des 
principaux  monophysites  y  furent  enterrés  (1).  Cet  Haroun 
était  originaire  de  Ptolémaïs  ou  Saint- Jean  d'Acre  (2). 

53.  —  HÈPTASTOME,  citerne  à  sept  bouches,  comme  son  nom 
1,'indique,  creusée  par  Eudocie,  près  de  l'église  de  Saint  Pierre, 
à  quinze  stades  de  la  laure  de  Saint-Sabas  (3).  Elle  devait,  en 
cas  de  sécheresse,  suffire  aux  besoins  de  toute  la  contrée.  C'est 
de  là  que  l'impératrice  détrônée  admira  la  belle  ordonnance 
qui  régnait  parmi  les  cellules  des  anachorètes  et  reçut  de  saint 
Euthyme  l'annonce  de  sa  fin  prochaine.  Les  identifications  pro- 
posées ne  sont  pas  assez  sûres  pour  êti-e  soutenues. 

54.  —  HEPTASTOME,  laure,  512.  Au  carême  de  Tan  512, 
Jacques  de  Mâr-Saba  fondait  une  laure  près  de  la  citerne  de 
l'Heptastome,  malgré  la  défense  formelle  de  son  supérieur.  Jac- 
ques faillit  mourir  de  maladie  et  l'œuvre  périclita.  Le  patriar- 
che Élie,  froissé  de  cette  rébellion,  envoya  des  ouvriers  qui  dé- 
molirent les  cellules  (4). 

Peu  après,  Sabas  achetait  d'un  habitant  d'Abou-Dis,  nommé 
Zannagon,  un  vaste  terrain  situé  à  5  stades  au  nord  de  la 
citerne  de  l'Heptastome.  Il  y  construisit  une  église  et  des  cel- 
lules, dont  Paul  et  André  prirent  la  direction  (5).  Peut-être 
pourrait-on  identifier  cette  laure  avec  le  Khirbet-Zennaki , 
qui  se  rapproche  de  Zannagon,  le  nom  du  propriétaire,  ou  avec 
le  Kh.  Djixdjis. 

55.  —  HILARION,  monastère  de  saint  Hilarion.  Ce  saint,  né 
en  Palestine  à  Thabatha,  à  deux  heures  au  sud  de  Gaza,  en 
291,  étudia  d'abord  à  Alexandrie,  puis  embrassa  la  vie  mo- 
nastique sous  saint  Antoine,  306,  et  la  transporta  sur  le  sol  de 
sa  patrie.  Son  monastère  consistait  en  un  groupement  de  cellu- 
les,  suivant  la  première  tradition  égyptienne.  Hilarion  visitait 

(1)  Les  Plérophorics,  cap.  vi,  p.  21(t. 

(2)  Peints  der  Ibercr,  p.  111. 

(3)  VHas.  Eul/iymii,  n"  08;  V'ila  s.SabiV,  t.  III,  xv,  et  \'ilas.  Jounnis  Silenliarii, 
p.  -235. 

(4)  ]'ita  s.  .Sabx,  t.  III,  xxxix. 

(5)  L.  cit. 


540  REVUE    DE   l'orient    CHRETIEN. 

de  plus  les  anachorètes  répandus  dans  les  plaines  de  la  Philis- 
tie,  les  déserts  de  Bersabée  et  d'Elousa.     . 

Le  monastère,  brûlé  sous  Julien  l'Apostat,  fut  relevé  par  le 
disciple  du  saint,  Hésychius,  sous  le  pontificat  de  Jean  de  Jé- 
rusalem. Ce  même  Hésychius  déroba,  après  la  mort  d'Hilarion, 
21  oct.  371,  ses  reliques  aux  habitants  de  Chypre  et  les  trans- 
porta au  monastère.  Antonin  de  Plaisance  signale  ce  tombeau 
au  vi^  siècle  ainsi  que  plusieurs  autres  voyageurs.  Le  couvent 
disparut  sans  doute  de  très  bonne  heure  (1). 

56.  —  HYPACE,  monastère  situé  à  sept  milles  environ  de 
Jérusalem.  Son  archimandrite,  Timothée,  se  déclara  contre  le 
concile  de  Chalcédoine  et  fut  nommé  évêque  d'une  cité  de 
Palestine  en  451,  par  son  ami,  l'intrus  Théodose,  qui  avait 
usurpé  le  siège  patriarcal  de  Jérusalem.  11  fut  ensuite  exilé 
par  l'empereur  Marcien,  à  Antioche,  avec  le  fameux  Romain  (2). 

57.  —  IBÈRES,  monastère  des  Ibères  à  Jérusalem.  Pierre 
l'Ibère  ou  le  Géorgien,  moine  monophysite  du  v"  siècle,  vou- 
lait bâtir  une  église  et  un  couvent  dans  la  Ville  Sainte  ;  il 
tomba  malade  et  vit  dans  une  apparition  une  belle  église  avec 
cinquante  moines  qui  la  desservaient  et  chantaient  l'office  sur 
un  seul  rang.  Cette  disposition  dans  la  psalmodie,  qu'il  avait 
inaugurée,  se  conserva  après  lui  dans  ses  fondations  (3). 

Du  côté  nord  de  Jérusalem,  au  lieu  dit  la  tour  de  David 
(porte  de  Jaffa),  il  construisit  le  monastère  des  Ibères,  y  de- 
meura avec  son  ami  Jean  et  reçut  gratuitement  les  pèlerins  et 
les  pauvres  accourus  en  grand  nombre  aux  Lieux  Saints.  Ce 
monastère  était  situé  à  l'intérieur  de  la  ville,  à  gauche  de  la 
route  qui  allait  de  la  porte  de  cette  tour  à  l'église  de  Sion  (4). 
Il  ne  se  composait  que  de  quelques  cellules  et  plus  tard  Zenon, 
disciple  de  Silvain,  pria  les  deux  amis  de  rentrer  dans  un  cou- 
vent proprement  dit,  pour  y  mener  la  vie  religieuse  (5).  Après 

(l).4..vx..  t.  IX,  Oct.,  p.  43,  59;  Sozom.,  //.  £".,  lib.  XII,  cap.  xiv;  lib.  V,'cap.  x; 
lib.  VI,  cap.  XXXII. 

("2)  Ahrens  et  Kriigei'  :  Die  sogenannle  Kirchcngescliiclile  des  Zacharias  lihetor, 
Leipzisr,  1899,  p.  257. 

(3)  Pi'lrus  (1er  Iberer,  p.  39  et   40. 

f4)  Op.  cil.,  p.  46. 

(5)  Op.  cit.,  p.  47  et  48. 


JlKI'KRTolItK    ALI'IIAIJKTKJUK    DES    MdXASTlïIlKS    DK    l'ALKS  riXK.    ."41 

quoi,  Pierre  et  Jean  revinrent  à  la  tour  de  David,  mais  n'hé- 
bergèrent plus  d'étrangers.  Puis,  afin  d'éviter  les  trop  nom- 
breuses visites  de  l'impératrice  Eudocie,  Pierre  se  réfugia  au- 
près de  son  ami  Zenon,  à  Gérara,  abandonnant  ses  cellules  à 
quelques-uns  de  ses  disciples  (1). 

Procope  (2)  mentionne  la  reconstruction  du  monastère  des 
Ibères  sous  Justinien.  On  ignore  s'il  est  question  de  celui-ci 
ou  de  celui  de  Sainte-Croix  qui  portait  le  mrmc  nom  et  se  trouve 
encore  à  vingt  minutes  environ  de  la  Ville  Sainte. 

58.  —  ISAIE,  monastère  du  moine  eutychien  Isaïe,  près  de 
Gaza. 

Ce  moine,  égyptien  d'origine,  mena  d'abord  la  vie  religieuse 
dans  sa  province,  puis  se  rendit  en  Palestine  et,  après  avoir 
visité  les  Lieux  Saints,  se  retira  dans  le  désert  qui  est  près 
d'Eleuthéropolis.  Ne  pouvant  rester  longtemps  ignoré  des  er- 
mites qui  habitaient  les  solitudes  du  Jourdain  et  des  alentours 
de  Jérusalem,  il  se  fixa  sur  le  territoire  de  Gaza,  construisit 
un  monastère  et  s'enferma  dans  sa  cellule  sans  parler  à  per- 
sonne. Ces  détails  nous  sont  fournis  par  la  biographie  que  lui 
a  consacrée  Zacharie  le  Rhéteur  (Sj.  Son  couvent  se  trouvait  au 
village  de  Belh-Daltha,  à  quatre  milles  du  monastère  de  Pierre 
ribère  (4).  Il  y  mourut  le  II  août  484  ou  490,  cinq  mois  après 
ce  dernier  (5).  Pierre,  égyptien  aussi,  qui  l'avait  aidé  dans  la 
direction  du  couvent,  lui  succéda  dans  cette  charge  (6).  Épi- 
phane,  supérieur  du  couvent  de  Silvain  à  Gérara,  fut  enterré 
dans  l'église  d'Isaïe  où  il  participait  aux  saints  mystères  (7). 

59.  —  JAMNIA,  monastère  de  Pierre  l'Ibère,  construit  dans 
un  faubourg  de  cette  ville  par  l'impératrice  Eudocie  et  doté 
de  biens  considérables  pour  l'entretien  des  religieux.  L'éghse 
était  dédiée  à  saint  Etienne  (8).  C'est  là  que  le  célèbre  évèque 

(1)  Op.  cil.,  p.  5(1. 

(2)  De  ^-Edi/îc ils,  Ub  V,  cap.  i.\. 

(3)  Die  Sogenannle  Kirchengeschichlc  des  Zacharias  Rhelor,  p.  •2Go- :*74. 

(4)  Petr'us  der  Iberer,   p.  9G. 

(5)  Op.  cit.,  p.  115. 

(6j  Op.  cil  ,p;    116,117. 

(7)  Plérophories,  cap.  xi.viii,  p.  302.  Sur  Isaïo,  voii"  les  chapitres  xu.  wu.  \\\  ii 
et  i.w. 
(S)  Pet  rus  der  Itérer,  p.  115  et  s. 


542  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

monopliysite  passa  ses  derniers  jours  au  milieu  de  ses  fidèles 
disciples  et  des  Samaritains  qu'il  comblait  de  bienfaits;  après 
sa  mort,  son  corps  fut  transporté  au  couvent  de  Maiouma  (1)  et 
les  moines  abandonnèrent  Jamnia  (2). 

60.  —  JEAN,  monastère  de  l'abbé  Jean  à  Bethléem,  restauré 
par  Justinien  au  vf  siècle  (3)  et  rencontré  par  Antonin  de 
Plaisance  avant  Bethléem,  c'est-à-dire  au  nord  de  la  ville. 

(Asuiv7'e.) 

S.  Vailhé, 

des  Augustins  de  l'Assomption. 

(1)  Op.  cit.,  [K  I2G. 

(2)  Op.cit.,Y>.  130. 
(3î  Procopo,  /.  cil.' 


OPUSCULES  MAROMTES 

{Suite)  (1) 


HISTOIRE  DE  SÉVÈRE,  PATRIARCHE  D'ANTIOCHE 

Nous  étions  près  de  là  en  ce  moment  pour  l'étude  de  la  philo- 
sophie, car  les  philosophes,  comme  Horapolon,  enseignaient  le 
vendredi  dans  l'école  habituelle.  Nous  nous  approchâmes  donc 
à  trois;  moi,  puis  Thomas  Je  sophiste  qui  aimait  en  tout  le 
Messie,  né  dans  la  même  ville  que  moi  à  Gaza,  et  Zénodotus 
deLesbos  (u^a-  ^<^,oio^,),  nous  nous  trouvions  constamment  dans 
les  saintes  Églises  avec  ceux  que  l'on  nomme  (à  Alexandrie) 
$fA2-ovct,  et  ailleurs  zélés  (i-aij.)  ou  encore  compagnons  {\^:^\ 
et  qui  étaient  redoutables  jusqu'à  un  certain  point  aux  païens. 
Nous  nous  approchâmes  donc  et  dîmes  à  ces  nombreux  pertur- 
bateurs que  ce  qu'ils  faisaient  à  un  homme  qui  voulait  devenir 
chrétien  n'était  pas  bien,  car  il  criait  qu'il  souffrait  ainsi  de  leur 
part  pour  ce  motif.  Mais  ceux-ci,  qui  voulaient  nous  tromper 
et  nous  apaiser  par  leur  témoignage,  disaient  :  «  Nous  n'avons 
rien  à  faire  avec  vous,  nous  nous  vengeons  de  celui-ci  qui  est 
notre  ennemi.  »  C'est  donc  avec  peine  que  nous  pûmes  arracher 
(6)  Praliifs  à  ces  mains  homicides,  pour  le  conduire  aussitôt 
chez  les  moines,  au  lieu  nommé  Enaton;  nous  montrâmes  les 
blessures  qu'il  avait  reçues  pour  la  gloire  de  Dieu,  et  ce  qu'il 
avait  souffert  illégalement  tandis  qu'il  blâmait  l'erreur  des 
païens;  ces  souffrances  furent  les  prémices  agréables  qu'il  offrit 
au  Messie. 
8.  Alors  Salomon  le  grand,  qui  était  supérieur  de  ceux  qui 

(1)  Voy.  p.  175.  318. 


544  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

demeuraient  avec  les  illustres  Etienne  et  Athanase,  prit  d'au- 
tres moines,  alla  à  Alexandrie  et  apprit  ce  qui  s'était  passé  à 
Pierre,  homme  capable,  qui  brûlait  de  l'amour  divin  et  était 
alors  évèque  (1  ).  Il  excita  encore  contre  les  païens  beaucoup  de 
notables  de  la  ville  parmi  lesquels  le  sophiste  Aphtonius  qui 
était  chrétien  et  avait  beaucoup  de  disciples.  Celui-ci  ordonna 
aux  jeunes  gens  qui  étudiaient  près  de  lui  de  venir  avec-  nous 
et  de  nous  aider,  il  nous  laissa  libres,  et  nous  allâmes  en  corps 
témoigner  contre  ces  païens  homicides  devant  Tévêque  Pierre. 
Celui-ci  nous  donna  l'archidiacre,  diacre  .et  chef  de  ses  gardes 
qui  est  appelé  ij^j^ovs  (■Kapaixsvâpior)  dans  la  langue  Romaine 
(grecque),  et  nous  envoya  près  iVAntarchius  (.oocL^a.;^/)  qui 
était  alors  préfet  d'Egypte  et  pensait  secrètement  comme  les 
païens;  son  assesseur  (2)  tenait  ouvertement  pour  le  culte  des 
démons  des  païens.  Ce  dernier,  qui  nous  méprisait,  ordonna 
d'expulser  la  plus  grande  partie  des  jeunes  gens,  afin  que  quel- 
ques-uns seulement  lui  contassent  l'affaire.  Après  le  départ  des 
élèves  d'Aphtonius,  nous  restions  cinq:  Pralius  qui,  avant  le 
baptême,  était  déjà  confesseur,  le  célèbre  Mennas  dont  j'ai 
parlé  plus  haut,  Zénodotus  de  Mitylène  (k-\a^oo)  de  Lesbos  et 
Démétrius  de  Kaiai,cirD,  tous  quatre  défenseurs  fervents  de  la 
religion.  Je  me  joignis  à  eux  en  cinquième  lieu.  Quand  le 
préfet  connut  la  gravité  de  l'événement,  il  ordonna  que  celui 
à  qui  cela  plairait  écrivît  ce  qu'il  voudrait  dans  un  livre;  Pra- 
lius écrivit  donc  et  accusa  ces  hommes  au  sujet  des  sacrifices 
païens  et  de  ce  qu'ils  l'avaient  attaqué  comme  des  voleurs. 
Mais  comme  le  préfet  ordonnait  de  faire  venir  ceux  qui  étaient 
accusés,  des  hommes  du  clergé  et  de  la  ligue  nommée  f^Ckb- 
TTivcf.  entendirent  parler  du  peu  de  considération  que  l'on  avait 
pour  ceux  qui  défendaient  le  bien,  des  sacrifices  païens  que 
l'on  osait  encore  faire  et  des  actions  des  païens,  ils  se  soulevèrent 
aussitôt  contre  les  notables,  et  coururent  avec  violence  contre 
l'assesseur  du  préfet  en  criant  :  «  Il  ne  convient  pas  que  celui-là 


(1)  Pierre  Jloiigiis.  Archovêiiue  d'Alexandrie  en  UN,  il  fut  déposé  en  482  (d'après 
Fleurj-),  puis  rétabli,  et  mourut  en  49n,  ce  qui  fixe  la  date  des  événements  racon- 
tés ici.  Ils  doivent  être  antérieurs  à  la  déposition  de  Pierre  et  aux  luttes  violentes 
qui  suivirent 

("2)  Le  mot  wœojaaojtiCD,  non  traduit,  est  sans  doute  le  nom  {sunofonos)  de  cet 
assesseur.  11  pourrait  signifier  aussi  «  du  même  avis  ». 


OPUSCULIOS    MAltuMTKS.  545 

qui  est  de  religion  païenne  participe  ;iu  gouvernement  et  ait 
part  aux  travaux  du  gouvernement,  car  les  lois  et  les  ordres 
des  empereurs  autocrates  sont  ainsi  enfreints.  »  Le  préfet  eut 
grand'peine  à  le  sauver  de  ceux  qui  le  cherchaient,  et  il  nous 
ordonna  de  demeurer.  Tout  le  peuple  s'était  soulevé  contre  les 
païens,  et  ceux  qui  étaient  accusés  s'enfuirent  en  commençant 
par  HorapoloH,  cause  de  toute  cette  poursuite. 

Le  préfet  tergiversait,  à  cause  de  son  amitié  pour  les  païens, 
aussi  quand  Etienne  l'apprit,  il  nous  convoqua  à  Enaton  au 
monastère  de  Salomon  et  demanda  à  Pralius  s'il  pourrait  in- 
diquer les  idoles  païennes  cachées  à  Manoutin.  Il  promit  de 
les  montrer,  de  livrer  l'autel  (1)  et  de  faire  voir  les  sacri- 
fices que  l'on  osait  encore  pratiquer.  Il  nous  sembla  bon,  ainsi 
qu'à  Salomon  si  digne  de  louanges,  d'aller  annoncer  cela  à 
l'évêque  Pierre,  et  Pralius  promit  devant  lui  de  montrer  les 
idoles,  l'autel  et  les  sacrifices,  et  de  saisir  le  prêtre  de  l'erreur 
idolâtre.  Le  grand  évêque  de  Dieu  Pierre  nous  donna  des 
hommes  du  clergé,  et  ordonna  par  lettre  à  ceux  qui  habitaient 
le  monastère  appelé  des  «  Tabennenses  »  («,a.uxup^)  (2)  qui  est 
situé  à  Canope  de  nous  aider  à  détruire  et  à  renverser  les 
démons,  dieux  des  païens.  Après  avoir  prié  comme  il  conve- 
nait, on  alla  à  Manoutin,  et  on  entra  dans  une  maison  cou- 
verte toute  entière  d'inscriptions  païennes,  et  dans  l'un  de  ses 
angles  était  bâtie  une  muraille  double  à  l'intérieur  de  laquelle 
étaient  cachées  les  idoles  ;  une  entrée  étroite  en  forme  de  fenêtre 
y  conduisait,  c'est  par  là  que  le  prêtre  entrait  pour  accom- 
plir les  sacrifices.  Les  païens,  qui  avaient  appris  le  soulève- 
ment de  la  ville  et  voulaient  rendre  notre  expédition  vaine, 
avec  (l'aide  de)  la  prêtresse  qui  demeurait  dans  la  maison 
dont  nous  venons  de  parler,  fermèrent  l'entrée  avec  des  pierres 
et  de  la  chaux  (7)  et,  pour  que  leur  ruse  et  leur  machination  ne 


(1)  icio.^  donnerait  :  ■■  l'ontréo  (secrète)  »,  qui  conduirait  au  temple,  comme 
on  nous  le  dira  plus  loin. 

(2)  Ou  de  Tabennisi.  Ces  moines  provenaient  du  monastère  do  ce  nom  situé 
dans  la  Thébaïde  (B.  0.,  III,  n,  908),  et  dont  le  célèbre  Pacôme  fut  abbé.  Cf.  Migne, 
P.  G.,  t.  LXY,  col.  304,  et  les  Vies  de  Pacùme.  Ils  s'établirent  à  Canope  après  la 
destruction  du  temple  de  cette  ville.  Cf.  Oriens  christianus,  II,  col.  415.  —  Il  est 
intéressant  de  comparer  au  présent  récit  celui  de  la  destruction  des  temples  de 
Canope  et  d'Alexandrie  fait  i)ar  Rufm  {Hist.  eccl.,  Il,  ch  xxii-xxvni  ;  dans  Migne. 
P.  L.,  t.  XXI,  col.  528-536). 

ORIENT   CHRÉTIEN.  37 


546  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

fût  pas  découverte  à  la  vue  de  ce  travail  récent,  ils  placèrent 
au  devant  de  lui  un  meuble  (1)  rempli  d'encens  et  de  concom- 
bres (-i)  et,  au-dessus,  suspendirent  une  lampe  allumée  :  c'était 
alors  le  milieu  du  jour. 

Pralius  éprouva  un  moment  de  trouble  et  de  difficulté 
quand  il  se  demanda  ce  qu'était  devenue  cette  entrée  en  forme 
(le  fenêtre;  il  eut  peine  d'abord  à  découvrir  l'artifice,  puis  se 
signant  de  la  croix  du  Messie,  il  décrocha  la  lampe,  déplaça 
le  meuble  et  nous  montra  l'entrée  qui  était  alors  fermée  par 
des  pierres  et  par  une  construction  récente.  Il  demanda  une 
hache  aux  «  Tabennenses  *  qui  étaient  venus  avec  nous  pour 
nous  aider  et  l'un  de  ceux-ci  se  prépara  à  ouvrir  ce  qui  était 
bâti  depuis  peu  et  à  jeter  un  premier  regard  à  l'intérieur.  Quand 
ce  «  Tabennensis  »  entra  et  vit  le  grand  nombre  des  idoles 
avec  l'autel  couvert  de  sang,  il  cria  en  égyptien  :  «  Dieu  est  un,  » 
il  disait  cela  comme  pour  détruire  l'erreur  de  la  pluralité  des 
dieux,  puis  il  jeta  d'abord  l'idole  de  Saturne,  toute  souillée  de 
sang,  puis  toutes  les  autres  idoles  des  démons,  troupe  bigarrée 
comprenant  des  chiens,  des  belettes,  des  singes,  des  lézards  et 
des  reptiles,  [ceux-ci  restaient  de  l'ancienne  religion  des  Égyp- 
tiens], et  enfin  le  serpent  rebelle  dont  la  figure  était  en  bois.  Il 
me  sembla  alors  que  ses  adorateurs,  d'après  sa  volonté  d'être 
adoré  sous  cette  forme,  indiquent  ainsi  que  ce  fut  par  le  bois  (3) 
qu'il  excita  la  rébellion  des  premiers  créés.  On  raconte  que  ces 
idoles  furent  emportées  du  temple  qui  existait  auparavant 
^oj..auococLo  d'Isis  (1)  par  le  prêtre  d'alors,  quand  il  s'aperçut  que  les 
affaires  des  païens  devenaient  incertaines  et  critiques;  il  les  cacha 
comme  nous  l'avons  dit ,  avec  l'espoir  futile  et  vain  (que  nous  ne 
les  découvririons  pas).  Une  partie  fut  brûlée  immédiatement  à 
Manoutin,  car  les  païens  de  ce  village  pensaient  qu'il  n'était 
pas  possible  de  les  toucher  irrévérencieusement  sans  encou- 


(1)  ^>Q.ûja>;    Ixeyàpiov. 

(2)  jjLsoso  yOJLa^  ;  Xiêavov  xai  uénovs;. 

(3)  L'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal? 

(4)  Lire  :  des  temples  de  Sérapis  et  d'Isis  qui  existaient  auparavant.  —  Il  y 
avait  à  Canope  un  célèbre  temple  de  Sérapis  qui  fut  détruit  par  les  chrétiens. 
—  En  lisant  >ja>n.m.j»Q;>aj,  OU  pourrait  traduire  :  «  Ces  idoles  provenaient  do 
l'ancien  mamisis  d'Isis  ».  Le  mamisis  était  un  petit  temple  qui  était  construit  à 
côté  du  erand. 


OPUSCULES    MARONITES.  517 

rir  une  mort  immédiate  par  l'opération  du  démon  qui  pos- 
sédait ces  idoles.  Nous  voulûmes  donc  leur  prouver  par  des 
actes,  que  toute  la  puissance  des  dieux  païens  et  des  démons 
était  vaine,  depuis  la  venue  et  rincarnation  du  Messie  Verbe  de 
Dieu,  qui,  pour  nous,  supporta  volontairement  la  croix,  afin 
de  nous  délivrer  de  toute  puissance  adverse.  11  dit  en  effet  : 
«  J'ai  vu  Satan  tomber  du  ciel  comme  la  foudre,  »  et  encore  : 
«  Je  vous  ai  donné  la  force  de  fouler  aux  pieds  les  serpents,  les 
scorpions  et  toute  la  puissance  de  l'ennemi.  » 

Dans  cette  vue,  nous  en  brûlâmes  une  partie,  et  quant  aux 
autres,  nous  écrivîmes  dans  un  livre  toutes  celles  qui  étaient 
d'airain,  fabriquées  avec  un  certain  art,  la  matière  étant  di- 
visée sous  toutes  les  formes,  avec  l'autel  d'airain  et  le  serpent 
de  bois,  puis  nous  envoyâmes  la  lettre  à  la  ville  à  Pierre  ar- 
chevêque de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  pour  lui  demander 
ce  qu'il  nous  commandait  de  faire.  —  Ceux  de  Manoutin  qui 
passaient  pour  chrétiens,  comme  ceux  qui  faisaient  partie  du 
clergé  de  cette  église,  étaient  d'une  foi  tiède,  à  l'exception  du 
prêtre,  et  ils  étaient  attachés  à  l'argent  que  leur  donnaient 
les  païens  pour  qu'ils  n'allassent  pas  dénc^jicer  leurs  sacrifices 
aux  idoles;  aussi  quand  arriva  le  soir  du  jour  où  nous  avions 
fait  tout  ce  qui  précède,  et  qu'il  fallut  garder  les  idoles  ins- 
crites afin  qu'on  ne  vînt  pas  les  voler,  (ces  chrétiens)  nous  di- 
rent qu'ils  craignaient  de  souffrir  quelque  mal,  par  l'opération 
de  ces  démons,  pendant  qu'ils  les  garderaient,  et  que  par  suite 
il  nous  convenait  de  les  garder.  C'était  en  effet  la  conviction 
des  païens  de  Manoutin  qui  disaient  alors  que  nous  mour- 
rions tous  durant  cette  nuit.  —  Quand  le  prêtre  de  l'église  les 
vit  si  craintifs,  —  il  était  plein  de  foi  et  possédait  les  qua- 
lités du  monachisme  et  de  la  vieillesse,  —  il  nous  conduisit, 
après  le  repas,  dans  une  maison  de  l'église  où  l'on  avait  déposé 
les  idoles  et  nous  dit  :  «  Je  méprise  ces  idoles,  au  point  de  les 
fouler  aux  pieds  et  de  leur  faire  tous  les  outrages,  car  je  suis 
persuadé  qu'elles  ne  sont  absolument  rien,  »  puis  il  pria  sur 
nous  et  (nous)  ordonna  de  les  garder  sans  crainte  durant  toute  la 
nuit,  (8)  car  il  lui  fallait,  disait-il,  s'occuper  comme  de  coutume 
du  service  de  Dieu.  Nous  restâmes  donc  toute  la  nuit  pour  les 
garder,  nous  chantions  :  «  Tous  ceux  qui  adorent  les  statues 
et  ceux  qui  se  glorifient  dans   leurs   idoles  seront    confon- 


548  REVUE  DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

dys  ^1^.  —  Les  dieux  des  nations  sont  des  démons,  mais  le  Sei- 
gneur a  fait  le  ciel  (2).  —  Les  idoles  des  nations  sont  d'or  et  d'ar- 
gent, œuvres  de  la  main  des  hommes,  elles  ont  une  bouche  et 
ne  parlent  pas  (3),  etc.  » 

Au  matin ,  à  notre  lever,  nous  trouvâmes  les  païens  étonnés 
de  nous  voir  encore  vivants,  tant  le  culte  des  démons  et  l'er- 
reur les  possédait;  nous  courûmes  alors  avec  les  moines  «  Ta- 
bennenses  »  et  rasâmes  jusqu'à  terre,  selon  l'ordre  de  l'évêque, 
la  maison  où  l'on  avait  trouvé  les  idoles  et  les  sacrifices.  — 
Quand  arriva  le  jour  du  dimanche  où  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  sortit  du  tombeau  et  détruisit  la  puissance  de  la  mort, 
tout  le  peuple  d'Alexandrie,  au  moment  où  il  se  réunissait  pour 
l'office,  poussa  des  milliers  d'imprécations  contre  les  païens  et 
contre  Horapolon.  Ils  criaient  :  «  On  ne  doit  plus  l'appeler 
Horapolon,  mais  Psocapolon  (^avoaoaais)  »  (4),  c'est-à-dire  :  qui 
perd  les  âmes.  L'admirable  Hesycliius  qui  me  raconta  tout  cela 
et  qui  était  alors  chef  des  cpfASTrsvot,  —  maintenant  il  est  prêtre, 
—  excitait  tout  le  monde  au  zèle,  avec  l'aide  de  Mennas,  dont 
j'ai  parlé,  qu'il  nous  avait  paru  bon  de  laisser  dans  la  ville.  — 
L'évêque  de  Dieu  fit  connaître  à  tout  le  peuple  dans  son  allo- 
cution le  livre  que  nous  lui  avions  envoyé,  dans  lequel  étaient 
inscrits  le  nombre  et  la  matière  des  idoles  trouvées.  De  là  tout 
le  peuple  se  précipita  et  apporta  au  milieu  de  la  ville  les  idoles 
trouvées  soit  dans  les  bains,  soit  dans  les  maisons,  puis  il  y 
mit  le  feu.  Nous  arrivâmes  peu  après  dans  la  ville  avec  les 
idoles  et  leur  prêtre,  car  nous  avions  pu,  avec  l'aide  de  Dieu, 
saisir  aussi  celui-là.  Nous  avions  dix  chameaux  chargés 
d'idoles  de  tout  genre,  sans  parler  de  celles  qui  avaient  été 
brûlées  à  Manoutin,  comme  je  l'ai  raconté.  L'évêque  con- 
voqua aussitôt  près  de  lui  (5)  le  préfet  d'Egypte,  le  chef  des 
soldats,  tous  ceux  qui  faisaient  partie  du  conseil  (p«"»),  les  grands 
et  les  riches  de  la  ville;  il  s'assit  avec  eux,  fit  amener  le  prêtre 
des  païens,  le  fit  placer  debout  dans  un  endroit  élevé  et  lui 


i\)  Ps.  xcvi,  7. 

(2)  Ps.  xcv,  5. 

(3)  Ps.  cxiii,  2-5. 

(4)  4'yx*Ç  à7to).ûv. 

(5)  Le  texte  ajoute  :  ^coop>a{,    Iv^tœ»    oôi  yt^a.  Il  y  a  sans  doute  permutation  du 
d  en  i  et  il  faut  traduire  :  «  dc\ant  celui  qui  était  appelé  duc  ». 


OPUSCULES    MARONITES.  549 

demanda  quelle  était  cette  religion  des  démons  pour  laquelle 
on  avait  fabriqué  cette  matière  sans  âme,  et  il  lui  ordonna  de 
dire  le  nom  de  chaque  idole  et  la  cause  de  sa  forme.  Tout  le 
peuple  était  accouru  pour  voir,  il  entendait  ce  que  l'on  disait  et 
se  moquait  des  actions  honteuses  des  Dieux  païens  que  racontait 
le  prêtre.  Quand  arrivèrent  Tautel  d'airain  et  le  serpent  de  bois, 
il  avoua  les  sacrifices  qu'il  avait  osé  faire,  et  dit  que  ce  serpent 
était  celui  qui  avait  trompé  Eve,  qu'il  lui  avait  été  remis  par 
transmission  des  premiers  prêtres  et  que  les  païens  l'adoraient. 
Ce  dragon  fut  livré  au  feu  comme  les  autres  idoles.  On  entendait 
le  peuple  crier  par  exemple  :  «  Voici  Bacchus  (1)  (^c^o^..)  le  Dieu 
androgyne  (^ixûjp.);  voici  Artemis  la  chasseresse  qui  hait  les 
étrangers,  et  Mars  le  démon  qui  fait  la  guerre,  et  Apollon  qui  fit 
périr  beaucoup  de  monde,  et  Vénus  pilier  de  débauche,  et  parmi 
eux  (Mercure)  qui  s'adonne  au  vol  et  Bacchus  à  l'ivrognerie,  et 
voici  le  serpent  rebelle,  avec  des  chiens,  des  singes  et  des  sortes 
de  belettes,  ceux-ci  étant  des  Dieux  des  Égyptiens.  »  On  se  mo- 
quait aussi  des  autres  idoles  et,  quand  elles  avaient  des  pieds  et 
des  mains,  on  les  brisait  en  criant  avec  joie  dans  la  langue  du 
pays  (9)  :  «^  Leurs  Dieux  n'ont  pas  de  v-*--*^»'!-"  (2),  voici  Isis  \y-ii 
u»!-;  (3).  »  Ils  criaient  un  grand  nombre  de  paroles  de  ce  genre 
contre  les  païens,  et  \ouB,ient  Zenon,  ce  modèle  de  la  crainte  de 
Dieu,  qui  tenait  alors  le  sceptre  de  l'empire,  ainsi  que  Pierre 
l'illustre  archevêque,  et  les  chefs  de  la  ville  qui  siégeaient  avec 
lui.  Puis  tous  s'éloignèrent  en  louant  Dieu  de  l'exécution  que 
l'on  venait  de  faire  contre  l'erreur  des  démons  et  l'adoration  des 
idoles.  On  ordonna  que  le  prêtre  des  insanités  païennes  fût 
gardé  avec  plus  de  soin. 

9.  Après  cela,  ceux  de  chez  ViWwbXvq  Etienne,  se  rappelant 
la  fable  de  la  femme  stérile  et  du  fils  adultérin  et  tout  le 
mensonge  de  Scléfidotus,  craignirent  qu'il  ne  trompât  quelqu'un 
en  Asie  en  y  racontant  cela.  Aussi  l'illustre  Salomon  conseilla 
secrètement  à  l'archevêque  de  demander  une  procédure  écrite 
au  juge  de  la  ville,  qui  interrogerait  le  prêtre  des  païens  au 

(1)  Serait  l'Osiris  des  Égyptiens.  Diodore  de  Sicile. 

(2)  On  lit  en  marge  :  ■<  Ils  n'ont  pas  d'articulations  dans  les  mains  et  dans  les 
pieds  pour  que  ceux  qui  enseignent  i^o»).^  puissent  s'en  servir  pour  marcher.  — 
^..■^.«.feooo»^»  est  celui  qui  enseigne  ^oo^a.    » 

(3)  "AcuXov  I  ■'■'.nm;(?) 


550  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

sujet  de  cet  enfant;  on  le  fit,  et  le  prêtre  raconta  tout  ce  que  nous 
avons  consigné  plus  haut,  car  c'est  de  lui  que  nous  l'avons 
appris.  Quand  cette  fable  fut  connue  de  tout  le  monde,  l'illustre 
Etienne  conseilla  encore  que  Pierre  mandât  par  lettres  syno- 
dales, à  Nouno,  qui  était  évêque  (ïAphrodisias  (1),  tout  ce  qu'a- 
vaient fait  les  païens  et  que  le  prêtre  interrogé  avait  mis  par 
écrit  au  sujet  de  ce  fils  adultérin,  afin  que  Nouno  pût  le  racon- 
ter àtous.  Mais  celui  qui  devait  porter  cette  lettre  synodale  et  qui 
alla  en  Carie,  fut  corrompu  par  des  présents,  comme  nous  l'ap- 
prîmes depuis,  et  ne  la  remit  pas;  aussi  pendant  un  certain 
temps  les  païens  d'Aphrodisias  crurent  que  cette  fable  était  vraie, 
jusqu'à  ce  que  le  juge  Adraste  (^o^roî;/),  qui  aimait  le  Messie  et 
était  scolastique  de  ce  pays,  prit  soin  de  faire  venir  d'Alexan- 
drie en  Carie,  par  l'entremise  du  préfet  à- Egypte  de  cette 
époque,  le  manuscrit  de  la  procédure  faite  au  sujet  de  cette 
fable. 

10.  Frai  fus,  après  avoir  souffert  pour  Dieu  comme  nous  l'avons 
raconté,  fut  jugé  digne  du  baptême  rédempteur,  quand  appro- 
cha la  fête  de  Pâques,  avec  beaucoup  de  païens  qui  étaient  restés 
dans  l'erreur  jusqu'à  leur  vieillesse  et  avaient  servi  longtemps 
les  mauvais  démons.  Avec  lui  fut  baptisé  l'admirable  Urbain 
(^Qji^îo/),  qui  est  maintenant  grammairien  pour  l'enseignement 
de  la  langue  des  Romains  dans  cette  ville  impériale  (2),  et  Isidore 
de  Lesbos,  frère  de  Zénodote  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  et  beau- 
coup d'autres.  Pralius,  fut  baptisé  après  avoir  brûlé  d'abord  tous 
les  livres  des  Dieux  païens,  c'est-à-dire  des  démons,  qu'il  pos- 
sédait; ceux-ci,  en  effet,  le  persécutaient  avant  le  divin  baptême, 
et  le  terrifiaient  durant  la  nuit,  après  l'incendie  des  idoles;  aussi 
il  me  conduisit  à  sa  demeure  pour  me  demander  ce  qu'il  avait  à 
faire.  Je  me  rendis  près  de  lui  avec  un  livre  des  chrétiens  et  me 
proposai  de  lui  lire,  pour  le  réconforter,  le  discours  de  Grégoire 
le  Théologien  sur  le  baptême  rédempteur.  Je  le  trouvai  fatigué  et 
soucieux  à  la  suite  de  ses  luttes  avec  les  démons  ;  il  pouvait  à  peine 
relever  son  esprit,  disait-il,  sous  l'influence  des  paroles  chrétien- 
nes. Je  lui  demandai  s'il  n'avait  pas  chez  lui  de  textes  relatifs 
aux  Dieux  des  païens.  Il  me  confessa  qu'il  en  avait.  Je  lui  dis 

(1)  Doit  être  ajouté  dans  Orlens  Christianus,  t,  I.  col.  900  après  Critonianus. 

(2)  Cette  locution  montre  encore  que  Zacliarie  écrit  à  Constantinople. 


OPUSCLLES    MARONITES.  rj.')! 

alors  :  «  Si  tu  veux  te  débarrasser  de  l'oppression  des  dénions, 
brûle  d'abord  ces  textes.  »  Il  le  fit  en  ma  présence,  et  fut  délivré. 
Je  lui  lus  alors  le  discours  réconfortant  du  divin  Grégoire  et  il 
entendit  les  paroles  suivantes  (1)  :  «  Tu  te  trouves  au  milieu  (de 
la  foule)  et  tu  es  souillé  par  les  affaires  profanes.  Il  est  difficile 
que  ton  humanité  (zèle)  ne  s'éteigne  pas.  Le  remède  est  simple  : 
Fuis  le  Forum  avec  une  belle  compagnie,  prends  les  plumes  de 
l'aigle,  ou,  pour  parler  plus  proprement,  celles  de  la  colombe, 
—  car  qu'y  a-t-il  de  commun  à  toi ,  à  César  et  aux  affaires  de 
César?  —  jusqu'à  ce  que  tu  reposes  là  où  il  n'y  a  plus  de  péché 
ni  de  noirceur,  ni  de  serpent  qui  mord  sur  le  chemin  et  em- 
pêche ton  progrès  en  Dieu.  Arrache  ton  àme  au  monde;  fuis 
Sodome,  fuis  l'incendie;  (10)  marche  sans  te  retourner,  pour  ne 
pas  être  immobilisé  en  une  pierre  de  sel;  fuis  vers  la  mon- 
tagne, pour  ne  pas  être  aussi  perdu.  » 

A  cette  lecture,  Pralius  dit  :  «  Prenons  donc  des  ailes  e1 
courons  à  la  philosophie  divine  et  au  baptême  rédempteur.  »  C'est 
avec  ces  dispositions  qu'il  s'approcha  du  divin  baptême  et  fut 
initié  aux  mystères.  Le  huitième  jour  après  le  baptême,  quand 
il  devait  quitter  les  habits  des  nouveau  -baptisés,  il  emmena  de 
nuit  mon  frère  Etienne  {u^>-^  qui  lisait  les  discours  et  appre- 
nait l'art  de  la  médecine  et  courut  avec  lui  à  Enaton ,  à  mon 
insu.  Il  me  trouvait  trop  faible  dans  la  foi  pour  me  confier  (2) 
un  tel  projet;  il  se  rendit  au  monastère  de  l'illustre  Salomon 
près  des  compagnons  du  célèbre  Etienne  (Mi^^^a,/)  et,  après  avoir 
supplié  son  frère  Atlwnase ,  il  obtint  près  de  lui  l'habit  mona- 
cal pour  lui  et  pour  mon  frère,  et  tous  deux  choisirent  la  philo- 
sophie divine. 

11.  Pralius  s'occupa,  après  cela,  de  ses  deux  frères  païens 
restés  à  Aphrodisias  ;  l'un  d'eux  était  scolastique  du  pays  et  se 
nommait  Démocrius  (v^o^pcLio,) ,  l'autre  se  nommait  Proclus  et 

(1)  Migne,  /-•.  G.,  t.  XXXVI,  p.  383. 

'A),X'  Èv  [jLÉffw  TTpscpr),  y.ai  [xo)>yvr]  toî;  ùi\\io<7[o'.^'  xal  ôîivov,  £Ï  <70i  5anavr,9r;(je(79ai  tô 
(piXâvÔpwirov  ;  'AtiXoùç  ô  )ioyo;"  El  [aèv  olov  te,  yjye  xal  Tr)v  àyopàv  (xerà  t?,;  xaX^;  «ruvo- 
ôta;,  TtTÉpuYa;  àsToO  aeayTw  Tisptôel;  ,  î;  ^ispicTEpâ;,  tv'  olxEtorepov  eÎTrw  (t:  yâp  ffot  xal 
KaÎCTapt  •?]  Toï;  Katcrapo?;)  "Ew;  ou  xaTaTra-jur); ,  oy  (Ar)  eejTtv  àjjiapTia,  [xyiSè  [xsÀâvwiTic, 
\>.r[ot  ôâxvwv  ôïi;  èy'  ô3oû,  xmWwv  (tou  xà  xaià  Qsôv  oiaSiqfjLaTa;  "ApTiatrov  t/îv  at<xv-.o\i 
^lux^v  SX  Toy  xo5(j.ou.  ^liys  -68o(ji.a'  çyYs  tôv  Èjxirpric-iJLÔv  ôosyaov  àu.sTa(7Tp£7tTl ,  (x^ 
Ttayrj;  Xiôo;  akàç  elç  tô  ôpo;  atoljoy,  (Arj  (TyfjntapxXcsÔïj;. 

(2)  Lire  iLojL.o^io  —  On  a;iprend  ici  le  nom  d'un  fi-ère  de  Zacliarie. 


552  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

était  sophiste  dans  cette  même  ville.  II  leur  envoya  une  lettre 
d'exhortations,  leur  racontant  tout  ce  qui  était  arrivé  et  les 
pressant  de  se  tourner  aussitôt  vers  la  voie  de  la  pénitence  et 
l'adoration  d'un  seul  Dieu,  je  veux  dire  de  la  Trinité  sainte  et 
consubstantielle,  et  d'apprendre  par  les  événements  quelle  est  la 
force  du  christianisme;  il  leur  rappelait  aussi  divers  faits,  par 
exemple  la  révolte  d'Illus  et  de  Pamprépius  (^a-^^a^^^)  (I),  et 
ajoutait  :  «  Rappelez-vous  combien  de  sacrifices  nous  avons  offerts 
aux  idoles,  en  Carie,  lorsque  nous  étions  païens.  Nous  deman- 
dions alors,  à  ceux  que  nous  croyions  Dieux,  —  et  en  même 
temps  nous  examinions  les  foies  et  faisions  de  la  magie,  —  si 
avec  Lèontius,  Illus,  Pamprépius  et  ceux  qui  se  révoltèrent  en 
même  temps,  nous  vaincrions  Zenon,  cet  empereur  chrétien 
parfait.  Nous  avons  reçu  une  multitude  d'oracles  et  de  pro- 
messes :  l'empereur  Zenon  ne  devait  pas  pouvoir  supporter  leur 
choc,  et  il  devait  venir  un  temps  où  les  affaires  des  chrétiens 
seraient  détruites  et  abandonnées,  tandis  que  la  religion  des 
païens  serait  en  faveur.  L'événement  a  montré  que  ces  oracles 
étaient  mensongers,  comme  ceux  qui  furent  donnés  par  Apol- 
lon à  Crésus  {^^.^o;^)  de  Lydie  (2)  et  à    Pyrrhus    d'Épire 

Vous  savez  aussi  qu'au  moment  où  nous  faisions  des  sacri- 
fices dans  les  lieux  qui  sont  en  dehors  de  la  ville,  nous  ne 
recevions  aucune  marque,  aucune  vision  et  aucune  réponse. 
Comme  nous  étions  accoutumés  auparavant  à  avoir  quelque 
vision,  nous  avons  beaucoup  cherché,  en  nous  demandant  ce 
que  cela  pouvait  bien  signifier,  puis  nous  avons  changé  les 
endroits  de  nos  sacrifices  et  comme,  même  alors,  ceux  que  nous 
croyions  Dieux  restaient  sans  voix  et  qu'ils  ne  visitaient  plus 
les  leurs,  nous  avons  pensé  qu'ils  étaient  fâchés  contre  nous,. 
Enfin  nous  nous  sommes  demandé  si  parmi  ceux  qui  nous 
accompagnaient  il  n'y  en  aurait  pas  un  dont  la  volonté  serait 
opposée  à  ce  que  nous  accomplissions,  nous  nous  demandâmes 

(1)  naixirpeTrioç.  Cf.  Land,  Anecd.  Syriaca,  t.  III,  p.  obi,  1.4.  Théophaiie  anno 
mundi  5976;  et  Evagrius,  //.  E.,  III,  27. 

(2)  L  oracle  de  Delphes  répondit  à  Crésus  que  s'il  passait  le  fleuve  Ilalys,  il 
ruinerait  un  grand  empire.  —  Le  sien  ou  celui  des  Mèdes? 

(3)  On  connaît  la  réponse  que  reçut  Pyrrhus  :  Alo  te,  ^acida,  Romanos  vin- 
cere  posse.  —  Cette  phrase  signifie  également  qu'il  pourra  vaincre  les  Romains 
ou  que  les  Romains  pourront  le  vaincre. 


OI'USCULKS    MARONITES.  553 

Tun  à  l'autre  si  nous  étions  tous  du  même  sentiment  (1)  et  nous 
trouvâmes  un  jeune  homme  qui  rendait  inutiles  tous  nos  soins 
et  nos  sacrifices,  dès  qu'il  faisait  le  signe  de  la  croix  au  nom 
du  Messie.  Ceux  que  Ton  croyait  Dieux  s'enfuirent  souvent,  au 
nom  et  au  signe  de  la  croix.  Et  lorsque  nous  cherchions  à  quoi 
cela  pouvait  bien  tenir  et  que  les  gens  de  Sdé/idolas,  les  sacri- 
ficateurs et  les  magiciens  se  creusaient  la  tête,  l'un  d'eux  crut 
avoir  imaginé  la  solution  du  doute  et  dit  :  «  La  croix  est  le  signe, 
c'est-à-dire  l'emblème,  d'un  homme  mort  violemment,  il  est 
donc  juste  que  ces  Dieux  aient  en  horreur  de  tels  emblèmes.  » 
—  Après  avoir  rappelé  tout  cela  dans  sa  lettre,  Pralius,  ser- 
viteur de  Notre-Seigneur  Jésus  le  Messie,  ajoutait  :  «  Si  tout  cela 
est  vrai,  ô  mes  frères,  et  si  ces  Dieux  fuient  la  mémoire  et 
l'emblème  de  ceux  qui  meurent  de  mort  violente,  pourquoi  donc 
dans  les  mystères  (le  culte)  du  Soleil,  les  prétendus  Dieux  ne 
viennent-ils  sur  les  initiés  qu'au  moment  où  le  prêtre  étend 
une  épée  couverte  du  sang  d'un  homme  mort  de  mort  violente? 
Cela  montre  bien  aux  amis  de  la  vérité  que  le  signe  de  la  croix, 
fait  par  ce  jeune  homme  sur  son  côté,  annihile  ceux  que  l'on 
appelle  Dieux,  et  l'invocation  du  nom  de  Jésus  le  Messie,  qui  est 
celle  d'un  Dieu  (11)  redoutable  aux  mauvais  démons,  montre 
sa  victoire  sur  ceux  qui  s'enfuient.  Car  les  Dieux  des  païens, 
qui  sont  de  mauvais  démons,  aiment  les  meurtres  violents  des 
autres  hommes,  parce  qu'ils  ressemblent  à  leur  père  le  diable, 
dont  notre  Sauveur  a  dit  qu'il  est  homicide  depuis  l'origine  (2), 
aussi  ils  ne  font  habituellement  leurs  révélations  qu'à  la  vue 
d'un  homme  tué  violemment  et  ils  ordonnent  qu'on  leur  sa- 
crifie des  hommes,  comme  le  disent  ceux  qui  ont  décrit  leur 
culte  et  en  particulier  Porphyre  (^cL.;a3^)  qui  sévit  contre  la 
vérité  (3).  » 

12.  C'est  par  ces  récits  et  ces  admonitions  que  Pralius  cher- 
chait à  ramener  ses  frères  de  leur  erreur,  d'après  le  conseil  de 
l'illustre  Etienne  et  de  son  frère  Athanase.  Il  s'adonnait  avec 
tant  d'allégresse  à  la  philosophie  divine,  que   beaucoup   de 

(1)  Cet  accord  des  volontés  est  nécessaire  aussi,  dit-on,  pour  faire  tourner  les 
tables. 

(2)  Jean ,  vni,  44. 

(3)  Peut-être  Porphyre,  iiliilosopiie  de  l'école  d'Alexandrie  (^oa-oOô),  qui  écrivit, 
contre  les  chrétiens,  un  ouvrage  que  Théodose  II  fit  brûler  plus  tard. 


554  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRÉTIEN. 

jeunes  étudiants  Timitèrent  et  professèrent  le  monachisme 
dans  le  monastère  de  Tillustre  Etienne  qui  les  rassembla  tous 
dans  les  filets  de  l'enseignement  apostolique.  Tous  sont  main- 
tenant les  chefs  de  ce  monastère  et  les  émules,  en  perfection,  de 
leurs  aînés.  L'un  d'eux  était  auxiliaire  de  la  garde  (1)  du  pré- 
fet d'Egypte;  l'autre,  qui  avait  très  bien  appris  l'art  de  la  méde- 
cine et.de  la  philosophie  profane,  rendit  hommage  à  la  véritable 
philosophie.  Leur  maître  à  tous  était  l'illustre  Etienne,  lequel, 
au  bout  d'un  certain  temps,  fut  rappelé  à  Dieu.  Pralius  se 
rendit  en  Carie  avec  le  célèbre  Atlianase  pour  convertir  ses 
frères;  il  fonda  un  couvent  de  chrétiens  et  en  laissa  le  gouver- 
nement, comme  de  juste,  à  son  père  (spirituel)  et  frère,  et  peu 
après  se  rendit  aux  demeures  éternelles  et  fut  reçu  dans  le  sein 
d'Abraham.  Athanase  vécut  encore  un  certain  temps,  baptisa 
beaucoup  de  païens  de  ce  pays,  et  enflamma  beaucoup  de  monde 
par  ses  actions  ;  puis  il  alla  retrouver  le  divin  Etienne  et  Pra- 
lius leur  disciple  commun,  pour  y  jouir  de  la  paix  et  du  bonheur 
réservés  à  ceux  qui  vivent  dans  la  crainte  de  Dieu. 

13.  Que  personne  n'aille  croire  que  cette  histoire  sort  du 
plan  que  je  me  suis  imposé.  J'ai  l'intention  de  montrer  que 
Sévère  est  bien  éloigné  de  la  calomnie  portée  contre  lui  :  il 
était  constamment  avec  ceux  qui  montrèrent  un  si  grand  zèle 
contre  les  païens  et  louait  leurs  actions  ;  il  est  donc  loin  d'avoir 
mérité  un  blâme  ou  d'être  tombé  dans  l'erreur  païenne,  mais 
il  était  chrétien  par  sa  foi,  bien  qu'il  ne  fût  pour  l'instant  que 
catéchumène.  Pendant  qu'il  était  adonné  aux  études  profanes, 
il  ne  cessa  de  se  montrer  tel  que  tous  le  virent  plus  tard  en 
Phénicie.  Le  fait  suivant  montrera  qu'à  Alexandrie  il  était  bien 
au-dessus  de  toute  idée  païenne  :  —  Quelque  temps  après  la 
destruction  des  idoles,  Mennas,  l'ami  du  Messie  qui  avait  prédit 
Fépiscopat  à  Sévère,  mourut  et  se  rendit  près  de  celui  qu'il 
aimait,  orné  qu'il  était  de  grandes  perfections  :  la  virginité  de 
l'àme  et  du  corps,  l'humanité  et  la  charité,  avec  grande  mansué- 
tude et  humilité.  A  ce  moment  j'étais  malade,  et  les  païens  pen- 
saient que  nous  portions  la  peine  de  ce  que  nous  avions  fait 
contre  leurs  Dieux  par  zèle  pour  la  religion,  lorsque  nous  les 
avions  brûlés.  Ils  annonçaient  que  moi  aussi  je  mourrais  sûre- 

(1)  .m.mif,;   (poiqeô??)  wœol)Qj. 


OPUSCULES  MAIIOXITES  .JOO 

ment  à  ce  moment-là.  Après  qu'un  miracle  de  la  bonté  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  m'eut  sauvé  de  la  maladie,  je  rendis 
hommage  à  l'illustre  Mcnnas  par  un  discours  (prononcé)  sur  le 
tombeau;  j'y  rappelai  la  destruction  des  idoles  païennes,  je 
racontai  leur  incendie  devant  tout  le  peuple  de  la  ville,  et  je 
racontai  cela  justement  à  côté  de  la  tombe  de  celui  qui,  par  sa 
douceur  et  son  humanité,  avait  fait  l'admiration  même  des 
païens,  avant  qu'il  ne  montrât  son  zèle  contre  eux.  Or  l'illustre 
Sévère  se  réjouissait  et  prenait  plaisir  à  ces  récits,  il  faisait 
siennes  toutes  mes  paroles  contre  les  Dieux  des  païens  au 
point  qu'il  m'applaudissait  des  mains  plus  que  tout  autre. 
Pendant  ce  temps,  les  païens,  qui  avaient  été  invités  et  qui 
étaient  venus  pour  entendre,  parce  qu'ils  ne  savaient  pas  d'a- 
vance ce  qu'on  dirait,  pleuraient,  pour  ainsi  dire,  sur  leurs 
affaires,  et  l'un  d'eux  dit  tout  en  colère  :  «  Si  tu  voulais  parler 
contre  les  Dieux,  (12)  pourquoi  nous  as-tu  conduits  près  du 
tombeau  de  ton  ami?  » 

J'ai  été  obligé  de  conter  tout  cela,  à  cause  du  calomniateur 
dont  tu  m'as  parlé,  et  non  pour  raconter  mes  actions,  car  je 
suis  un  homme  plongé  dans  le  péché  et  l'indignité.  Je  ne  vou- 
lais pas  non  plus  raconter  seulement  les  actions  des  compa- 
gnons de  l'illustre  Etienne,  AWthanase  et  de  Pralius,  ni  même 
de  Mennas  et  de  ceux  qui  montrèrent  leur  zèle  en  même  temps 
qu'eux,  mais  plus  particulièrement  celles  de  Sévère  qui  est 
l'occasion  du  présent  ouvrage;  aussi  je  vais  raconter  ce  qui  lui 
arriva  en  Phénicie. 


CHAPITRE  TROISIEME 


SEVERE  ET  ZACHARIE  A  BEYROUTH. 


14.  Zachario  retrouve  Sévère  à  Beyrouth.  15.  11  le  catéchise.  10.  Emploi  de  leur 
temps.  17.  Histoire  d'Evaj^rius,  son  prosélytisme.  18.  Les  magicrens  de  Beyrouth. 
Destruction  de  leurs  livres.  19.  Invocation  sacrilège  de  démons  pour  trouver  les 
trésors  cachés.  20.  Evagrius  et  Zacharie  engagent  Sévère  à  recevoir  le  baptême. 
21,  Baptême  de  Sévère.  22.  Ses  mortifications  après  son  baptême. 


14.  Au  moment  où  l'illustre  Sévère  allait  quitter  Alexan- 
drie pour  aller  en  Phénicie  apprendre  les  lois  et  y  obtenir  la 
charge  des  «  diaqniqé  »  (1),  il  m'engagea  à  aller  avec  lui. 
Je  lui  répondis  que  j'avais  encore  besoin  d'étudier  les  dis- 
cours des  orateurs  et  des  philosophes,  à  cause  des  païens  qui 
se  glorifient  et  se  prévalent  beaucoup  de  ces  études,  afin  de 
les  combattre  facilement  à  l'aide  même  de  ces  études.  Sévère 
partit  donc  une  année  avant  moi,  après  quoi  j'allai  aussi  à 
Beyrouth  pour  étudier  les  lois  civiles.  Je  m'attendais  à  souffrir 
de  la  part  de  ceux  qu'on  appelle  o-xè^.or  (Edictalii)  (2)  ce  que 
souffrent  ceux  qui  viennent  tout  fraîchement  dans  cette  ville 
pour  l'étude  des  lois;  ils  ne  souffrent  en  réalité  rien  de  honteux, 


(1)  Mot  à  mot  '.  des  diacres  »,  mais  une  note  du  manuscrit  porte:  ■■  11  appelle 
diaconat  la  charge  des  scolastiques  ».  Comme  on  arrivait  à  cette  charge  par  l'é- 
tude du  droit,  nous  pouvons  donc  croire  que  les  scolastiques  du  y"  siècle  sont 
les  ancêtres  des  licenciés  en  droit  ou  avocats  de  nos  jours. 

(2)  Une  note  du  ms.  porte  :  o^jjoa-j  ^  ^l  ^.«..m,  ^©i  ^oou^l  ci>.N^>.a-.;o),  «  on 
appelle  Edictalii  ceux  qui  sont  plus  anciens  (dans  l'étude  des  lois)  que  les  di- 
pondii  ».  —  Justinien  ordonna  de  ne  plus  appeler  les  étudiants  en  droit  de  pre- 
mière année  dupondii,  ancien  surnom  qui  est  frivole  et  ridicule,  mais  de  les 
appeler  <■  justinianeos  novos  ».  Lettre  2  préliin.  aux  livres  des  Digestes,  §  2. 


OPL'SCULKS    MAUONITKS.  ;>.j/ 

mais  ceux-là  ne  songent  qu'à  se  moquer  de  ceux  qu'ils  voient 
et  prennent  un  pouvoir  passager  sur  ceux  dont  ils  se  sont 
moqués  et  dont  ils  ont  fait  leur  passe-temps (1).  (Je  craignais) 
surtout  pour  Sévère  qui  est  maintenant  dans  le  sacerdoce,  car 
je  pensais,  comme  il  était  encore  jeune  de  corps,  qu'il  se  serait 
lancé  dans  les  habitudes  de  ces  autres. 

Le  premier  jour  que  j'entrai  au  cours  de  Léonllus,  fds  lVEu- 
doxius,  qui  enseignait  alors  les  lois  et  était  en  grande  répu- 
tation près  de  tous  ceux  qui  s'occupaient  du  droit,  je  trouvai 
l'admirable  Sévère  qui  était  chez  lui  avec  d'autres  pour  y  en- 
tendre l'enseignement  des  lois.  Puis  tandis  que  je  le  croyais 
devenu  mon  ennemi,  je  vis  qu'il  avait  toujours  de  l'amitié  pour 
moi,  car  il  me  salua  le  premier,  plein  de  joie  et  d'allégresse,  et 
j'éprouvai  la  bonté  divine  à  ce  prodige  remarquable.  Puis  nous 
qui,  à  ce  moment,  étions  a.jjaau;  (dupondii),  quand  nous  eûmes 
terminé  notre  cours ,  nous  dûmes  nous  lever  et  partir,  pendant 
que  ceux  de  son  temps  restaient  encore  pour  leur  compte;  je 
courus  vite  à  l'église  sainte  qui  est  appelée  Anastasie  pour  y 
prier,  puis  j'allai  à  celle  de  la  Mère  de  Dieu  qui  est  à  l'inté- 
rieur de  la  ville  à  côté  du  port ,  et,  après  avoir  prié,  je  me  pro- 
menai devant  cette  église. 

15.  Je  vis  bientôt  cet  homme  de  Dieu  venir  joyeusement 
près  de  moi,  et  me  saluer  en  disant:  «  Tu  es  Dieu  pour  moi 
dans  cette  ville,  aussi  dis-moi  comment  il  faut  que  je  me  dé- 
livre (que  je  sauve  mon  âme).  »  Je  levai  les  yeux  au  ciel,  et 
louai  Dieu  qui  lui  avait  donné  cette  pensée  et  lui  avait  ins- 
piré cette  salutaire  demande,  puis  je  lui  répondis:  «  Puisque  tu 
m'interroges  sur  les  choses  de  l'amour  de  Dieu,  viens  avec  moi, 
[et  je  le  pris  par  la  main],  je  te  conduirai  à  l'église  de  la  Mère 
de  Dieu,  et  t'y  raconterai  ce  que  j'ai  appris  dans  les  paroles 
divines,  et  dans  les  saints  Pères.  »  Quand  il  entendit  cela  il  me 
demanda  si  j'avais  avec  moi  les  ouvrages  du  grand  Basile,  des 
illustres  Grégoire  et  des  autres  docteurs.  — Je  lui  répondis  : 
«  J'apporte  beaucoup  de  leurs  ouvrages.  »  —  Il  vint  avec  moi  à 
l'église  de  la  Mère  de  Dieu  et,  après  avoir  récité  avec  moi  les 
prières  convenables,  me  fit  encore  la  même  demande.  —  Je 

(1)    ^n^..aoo  .,^)— ;  ^ot^  ^po  »q...>\j  l.:u.ci^;  ^;   ^O)  .^r^  po  ^  );-k3Ji  ^j   ,^',.^^.^xvM 

.^^njooo  )j-.o/  ,,.-i,.^vi  yoovs;  v>^0)»  )N>Ji;  Py-o/.  Il  s'agit  donc  de  brimades. 


558  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

commençai  alors  par  le  livre  de  la  création  qu'écrivit  le  grand 
Moïse,  et  lui  montrai  la  sollicitude  de  Dieu  envers  nous;  com- 
ment, après  la  création  de  tout  ce  qui  existe  et  après  nous  avoir 
tirés  du  néant,  il  plaça  nos  premiers  pères  dans  le  Paradis 
et  leur  donna  une  loi  salutaire  comme  à  des  êtres  intelligents 
et  maîtres  d'eux-mêmes,  afin  qu'ils  fissent  ce  qui  convenait. 
Puis  quand  ils  eurent  transgressé  l'ordre  divin  par  la  trom- 
perie du  serpent,  ils  perdirent  la  vie  bienheureuse  et  échan- 
gèrent leur  immortalité  contre  la  mort  qui  leur  avait  été  an- 
noncée auparavant  par  la  loi.  Je  lui  montrai  Adam  et  Eve 
qui  étaient  peints  dans  l'église,  revêtus  de  tuniques  de  peaux 
après  leur  expulsion  du  Paradis,  et  lui  racontai  le  grand 
nombre  de  maux  qui  prirent  alors  naissance  avec  de  nom- 
breuses erreurs  et  la  puissance  des  démons  (13)  sur  notre  vo- 
lonté, lorsque  nous  obéissons  à  celui  qui  est  le  principe  de  toute 
rébellion.  J'ajoutai  les  miséricordes  de  Dieu  envers  nous,  le- 
quel, parce  qu'il  est  bon,  n'abandonna  pas  son  ouvrage  qui 
avait  péri,  après  avoir  été  amené  du  néant  à  l'être  dans  un  état 
incorruptible  et  sans  les  souffrances  que  comportait  sa  nature, 
mais  qui  recevra  l'immortalité  qui  surpasse  la  nature  s'il  ob- 
serve la  loi  divine;  puis  après  la  loi  naturelle,  il  donna  la  loi 
écrite  par  le  moyen  de  Moïse  et  vint  au  secours  de  la  nature 
par  beaucoup  de  saints  prophètes;  puis,  quand  il  vit  que  notre 
abaissement  nécessitait  un  remède  plus  énergique,  le  Verbe 
de  Dieu  et  le  Dieu  Créateur  vint  nous  visiter;  il  s'incarna  par 
la  volonté  du  Père  et  du  Saint-Esprit,  il  naquit  du  ciel  pour 
nous  éclairer  et  tous  ceux  qui  sont  assis  dans  les  ténèbres  et 
dans  l'ombre  de  la  mort(l).  Il  fut  conçu  du  Saint-Esprit  dans 
la  chair  et  sortit  par  la  vertu  du  Saint-Esprit  d'un  sein  virgi- 
nal et  non  souillé.  Il  conserva  la  virginité  de  sa  mère  et  ce  fut 
là  la  première  preuve  qu'il  donna  de  sa  divinité;  il  fit  une 
conception  miraculeuse  sans  germe  et  sans  destruction,  et  un 
enfantement  au-dessus  de  la  nature.  Et  pour  nous  délivrer  du 
pouvoir  de  ce  calomniateur  rebelle  (le  démon)  qui  avait  acquis 
nos  âmes,  il  donna  son  corps  pour  nous  racheter  de  la  mort  et 
il  accepta  volontairement  la  croix  dans  sa  chair  pour  nous; 
il  ressuscita  le  troisième  jour,  brisant  ainsi  la  tyrannie  du  ca- 

(1)  s.  Luc,  I,  78,  79. 


OPUSCULES    MAKOMTKS.  .J.IO 

lomniateur  (démon)  et  des  mauvais  diables  ses  auxiliaires, 
ainsi  que  la  puissance  de  la  mort  elle-même,  et  il  nous  ressus- 
cita avec  lui  et  nous  fit  asseoir  avec  lui  dans  le  ciel,  comme 
il  est  écrit,  et  nous  montra  une  nouvelle  voie  de  salut  qui 
conduit  au  ciel.  Il  conquit  le  monde  entier  par  ses  apôtres,  dé- 
truisit les  incantations  magiques  des  païens  et  les  victimes 
offertes  aux  démons,  et  établit  par  tout  le  monde  unje  Eglise 
catholique.  Il  apprit  à  se  repentir  et  à  chercher  un  refuge  en 
lui  parle  saint  baptême ,  qui  est  l'image  de  l'ensevelissement 
durant  trois  jours  et  de  la  résurrection  du  .Alessie  Sauveur  de 
l'univers.  Puis,  quand  j'eus  ajouté  les  autres  preuves  dont  les 
évangiles  sont  remplis,  je  lui  dis  :  «  Il  faut  donc,  ô  ami,  que  tous 
ceux  qui  pensent  bien  se  réfugient  en  lui  par  le  moyen  du  bap- 
tême qui  donne  la  vie.  »  —  «  Tu  as  bien  parlé,  mais  (comment) 
convient-il  de  nous  conduire,  maintenant  que  je  m'applique 
à  l'étude  des  lois?  »  —  Je  lui  répondis  :  «  Si  tu  veux  m'en  croire 
ou  plutôt  en  croire  les  paroles  divines  et  les  principaux  docteurs 
de  l'Église,  fuis  d'abord  les  spectacles  luxurieux,  les  courses 
des  chars  et  le  théâtre  (I)  et  le  spectacle  des  animaux  opposés 
à  de  malheureux  hommes,  puis  conserve  ton  cœur  pur  et  offre 
à  Dieu  tous  les  jours  les  prières  du  soir  après  ton  travail  sur 
les  lois,  car  il  convient  que  nous,  qui  le  connaissons,  lui  fas- 
sions le  service  du  soir  dans  les  saintes  Églises,  pendant  que 
d^autres  donnent  beaucoup  de  temps  aux  courses,  roulent  dans 
l'ivrognerie,  boivent  avec  des  prostituées  et  tombent  même 
dans  les  dernières  hontes.  » 

Il  me  promit  de  faire  et  d'observer  tout  cela  :  «  Pourvu,  me 
dit-il,  que  tu  ne  me  fasses  pas  moine,  car  je  suis  diaconicos 
(avocat),  et  j'ai  beaucoup  de  goût  pour  les  lois;  si  cependant 
tu  veux  autre  chose,  je  l'ajouterai.  »  —  Je  lui  répondis  tout 
joyeux  :  «  Je  suis  venu  dans  cette  ville  pour  les  lois  civiles,  car 
Je  désire  la  charge  d'avocat,  mais  pour  ce  qui  te  met  en  souci 
et  pour  ton  salut,  [je  veux  dire  pour  ne  pas  diminuer  ton  tra- 
vail sur  les  lois  qui  ne  te  laisse  pas  beaucoup  de  loisir],  je  me 


(1)  Josèphe  nous  apprend  que  le  roi  Agrippa  favorisa  les  habitants  de  Beyrouth. 
II  leur  construisit  un  théâtre,  qui  l'emportait  sur  beaucoup  en  élégance  et  en 
beauté,  et  un  amphithéâtre  somptueux  et  magnifique  avec  des  bains  et  un  por- 
tique... Il  y  fit  combattre  deux  cohortes  de  sept  cents  hommes.  Antiquités  juives, 
1.  XIX,  ch.  vu,  5. 


560  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

charge  de  te  préparer  à  la  rhétorique,  à  la  philosophie  et  à  la 
connaissance  des  paroles  et  des  enseignements  (divins).  Que 
serait-ce,  dis-je,  [car  c'est  une  entreprise  grande  et  difficilej, 
si  nous  pouvions  ne  pas  négliger  Tétude  des  lois,  et  encore 
nous  procurer  tous  ces  biens  et  surtout  le  plus  important  d'eux 
tous.  Nous  étudierons  les  lois,  comme  tu  le  faisais,  durant 
toute  la  semaine,  à  l'exception  du  dimanche  et  du  soir  qui 
précède.  Nous  étudierons  les  leçons  sur  les  lois  qui  nous  se- 
ront faites  les  autres  jours  par  nos  maîtres,  puis  nous  les  tra- 
vaillerons encore  en  notre  particulier.  Nous  cesserons  au  mi- 
lieu du  jour  du  samedi  qui  précède  le  dimanche,  comme  du 
reste  une  loi  civile  nous  ordonne  de  rendre  alors  nos  devoirs 
à  Dieu  (1).  Si  cela  te  plaît,  lui  dis-je,  nous  étudierons  à  ce  mo- 
ment les  docteurs  de  l'Église  et  leurs  écrits,  je  veux  dire  ceux 
du  grand  Athanase,  de  Basile,  de  Jean,  de  Cyrille,  de  Gré- 
goire, etc.  Nous  abandonnerons  alors  nos  camarades  qui  feront 
ce  qu'ils  voudront,  mais  nous  nous  délecterons  dans  les  ensei- 
gnements (14)  divins,  les  sentences  et  les  nombreuses  instruc- 
tions des  docteurs  de  l'Église.  »  —  Il  me  répondit  :  «  C'est  pour 
cela  ,  ô  ami,  que  je  t'ai  demandé  dès  l'abord  si  tu  avais  apporté 
de  ces  (livres)  avec  toi.  Comme  tout  ceci  est  dirigé  par  Dieu, 
ce  que  tu  as  dit  sera  accompli,  je  ne  te  quitterai  pas  aux  temps 
que  tu  viens  de  fixer.  »  —  Cela  lui  plut  comme  à  moi,  et  nous 
l'observâmes.  Nous  lisions  les  livres  écrits  contre  les  païens 
par  divers  docteurs  de  l'Église,  comme  l'hexaméron  (2)  de  Ba- 
sile savant  en  tout,  puis  ses  discours  séparés  et  ses  lettres  (3), 
son  discours  à  Amphiloque  (t),  ceux  qu'il  écrivit  pour  réfuter 
Eicnotnius  (5)  et  son  allocution  aux  jeunes  gens,  dans  la- 
quelle il  leur  apprend  comment  ils  peuvent  tirer  profit  des 
ouvrages  païens  ((3).  Nous  en  arrivâmes  ensuite  aux  ouvrages 
des  trois  divins  Grégoire,  puis  nous  lûmes  ceux  des  illustres 
Jean  et  Cyrille. 

(1)  En  776  (les  Grecs  (465),  l'empereur  Léon  porta  un  décret  dans  ce  sens.  Voir, 
Jean  d'Asie,  Revue  de  VOrient  chrétien  1897,  p.  459. 
i:l)  Cf.  Migne,  Pair.  Grecque,  t.  XXIX,  col.  3  —  207. 
CS)  Ibid.,  t.  XXXIl. 

(4)  On  trouve  ibid.,  t.  XXXII,  de  nombreuses  lettres  de  saint  Basile  à  saint 
Amphiloque  le  rhéteur. 

(5)  Ibid.,  t.  XXIX.  Cf.  t.  XXX,  col.  835. 

(6)  Ibid.,  t.  XXXI,  col.  563  —  590. 


OPUSCULES    MAItO.MTHS.  561 

17.  Nous  faisions  ces  lectures  en  notre  particulier  aux  temps 
fixés,  mais  tous  les  jours  nous  allions  à  l'office  du  soir  avec 
l'illustre  Evagrius.  Celui-ci  avait  été  envoyé  par  Dieu  à  Baj- 
rout/i  pour  préparer  Ijeaucoup  déjeunes  gens  à  quitter  la  vanité 
du  diaconicat  (du  barreau)  pour  la  philosophie  divine.  11  était  de 
Scmiosate  et  avait  été  instruit  à  l'école  d'Antioche  la  grande. 
Quand  il  était  jeune ,  il  lui  arriva  une  aventure  comme  il  en 
arrive  à  la  jeunesse,  il  sortit  pour  voir  un  spectacle  dans  la  ville 
et  fut  blessé  dans  une  sédition  [z-y.z^.z)  qui  y  eut  lieu.  Instruit 
par  cette  punition,  il  détesta  les  spectacles  luxurieux,  fréquenta 
assidûment  la  sainte  Église  et  se  joignit  k  ceux  qui,  à  cette 
époque,  chantaient  durant  toute  la  nuit  dans  l'église  d'Etienne 
premier  martyr,  hommes  qui  pratiquaient  la  vraie  philosophie 
à  un  haut  degré  et  ne  le  cédaient  en  rien  aux  moines.  Quand  il 
se  fut  ainsi  appliqué  à  la  première  discipline ,  il  voulut  aller 
jusqu'à  embrasser  complètement  la  vie  monacale,  mais  son  père 
le  contraignit  de  se  rendre  en  Phénicie,  pour  y  étudier  les  lois, 
au  moment  où  j'y  arrivai  moi-même.  Au  même  moment  Tad- 
mirable  Elisée  vint  aussi  pour  le  même  motif;  il  était  de  Lycie; 
c'était  un  homme  doux  et  humble,  simple  dans  ses  mœurs  et 
bienfaiteur  de  ceux  qui  manquaient  de  nourriture  et  d'habits. 
Tandis  que  j'étais  avec  ceux-ci  comme  avec  une  nourrice,  je  re- 
marquai qu'ils  étaient  portés  à  l'amour  de  Dieu ,  et  leur  propo- 
sai d'aller  offrir  à  Dieu  avec  eux  les  prières  du  soir  dans  la 
sainte  église.  Ils  l'acceptèrent,  et  après  la  lecture  des  lois  et  les 
travaux  qui  s'ensuivent,  nous  nous  assemblions  tous  les  soirs 
dans  V Église  appelée  de  la  Résurrection,  de  sorte  que  beau- 
coup d'autres  venaient  près  de  nous,  et  avant  tous,  Tillustre 
Sévère,  comme  nous  en  étions  convenus;  puis  venaient  Anas- 
tase,  celui  d'Édesse,  et  Philippe  qui  était  de  Pétra  (i;^)  de 
Lycie,  et  Anatole  cV Alexandrie,  hommes  aimant  Dieu,  et  des 
premiers  dans  la  science  des  lois  civiles ,  car  ils  travaillaient 
depuis  quatre  ans  à  leur  étude;  ils  demandèrent  à  se  joindre 
à  nous.  Nous  avions  avec  nous  Zénodore,  ami  du  Messie,  qui 
vint  après  nous  à  Beyrouth;  il  était  du  rivage  de  Gaza  comme 
moi,  et  tandis  qu'il  brillait  ici  sous  le  portique  impérial  (1) 
parmi  les  scolastiques ,  à  cette  époque-ci  il  quitta  la  vie  mor- 


(1)  A  Constantinople. 

ORIEMT    CHRÉTIEN.  38 


562  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

telle.  Etienne  de  Palestine,  qui  vint  plus  tard,  se  joignit  aussi 
à  notre  compagnie.  —  Le  chef  de  cette  assemblée  sacerdotale 
était  Evagrius;  il  était,  par  ses  actes,  un  philosophe  de  Notre- 
Seigneur  Jésus -Christ,  qui  jeûnait  pour  ainsi  dire  toujours  et 
consumait  la  fleur  de  sa  jeunesse  dans  la  philosophie  divine;  il 
torturait  son  corps  par  les  veilles  et  ne  se  baignait  qu'un  jour, 
celui  qui  précède  la  fête  de  la  Pâques  de  la  résurrection  de  notre 
Sauveur  le  Messie.  A  cause  de  celui-ci,  Sévère  s'enflammait 
petit  à  petit  pour  la  pratique  et  la  théorie,  car  il  lisait  avec  moi 
delà  manière  que  j'ai  exposée,  puis,  quand  il  était  plein  des 
paroles  des  docteurs  de  l'Église  (15)  et  avait  ainsi  reçu  la  partie 
théorique  de  la  philosophie  divine  avec  des  paroles  sur  la  phi- 
losophie pratique,  il  regardait  la  manière  d'agir  de  l'admirable 
Evagrius,  comme  une  démonstration,  un  exemple  et  un  portrait 
vivant;  il  voyait  la  philosophie  chrétienne  qui  s'étendait,  non 
seulement  aux  paroles,  comme  chez  moi  et  chez  beaucoup,  mais 
aux  actes;  il  imitait  donc  celui-là  et  ses  actions,  il  torturait  son 
corps  par  le  jeûne  et  se  montrait  son  émule  dans  la  pureté  et  les 
bonnes  actions.  Il  s'abstenait  de  viande,  non  que  ce  fût  mal  d'en 
manger,  comme  le  disent  \q^  Manichéens  (U'>'-v>)  (1),  mais  parce 
que  cette  abstinence  approche  surtout  de  la  philosophie,  et  il 
ne  prenait  pas  de  bain  durant  la  plus  grande  partie  de  l'année, 
jusqu'au  moment  où  Evagrius  lui-même  en  prenait. 

18.  Sur  ces  entrefaites,  il  arriva  que  des  hommes  qui  étudiaient 
les  lois  à  Beyrouth  se  firent  un  nom  célèbre  dans  la  magie  (iloa-^, 
C'étaient  un  certain  Georges  de  la  ville  de  Tliessalonique  qui 
est  la  première  du  peuple  des  Illyriens,  puis  Chrysarius 
(^o^îoixo-p)  de  Traites,  ville  cVAsie,  puis  ScUfodotus  (axi^o»o-:^.Nr,nr.;) 
à' Héliopolis  avec  un  Arménien  et  d'autres  qui  leur  ressemblaient. 
Jean  surnommé  le  Foulon,  qui  était  de  Thèbes  (wO  en  Egypte, 
était  leur  auxiliaire,  et  ils  ne  cessaient  de  s'agiter  pour  des  choses 
impies.  Ils  rassemblèrent  de  partout  des  ouvrages  de  magie  et 
les  montrèrent  aux  hommes  qui  se  complaisent  dans  les  troubles. 
Ils  résolurent  tous  de  commettre  un  meurtre,  acte  abominable, 
comme  la  renommée  les  en  accusa,  et  de  sacrifier  aux  démons, 
certaine  nuit  dans  l'hippodrome,  un  serviteur  éthiopien  qui 
appartenait  à  ce  Thébain.  Ils  voulaient,  par  cette  action  odieuse 

(1)  Cf.  Pognon,  Inscriptions  mandaïles  des  coupes  de  Khouablr,  fasc.  IL 


OPUSCULES    MAIIONITKS.  ."»G3 

à  Dieu,  s'attacher  le  démon  et  s'en  faire  un  serviteur  pour  tout 
ce  qu'ils  désireraient;  ils  voulaient  en  général  tout  ce  qui  est 
contraire  aux  lois  et  en  particulier  amener  de  force,  par  le  se- 
cours du  diable,  à  la  passion  de  l'amour,  une  femme  qui  jusque- 
là  avait  vécu  dans  la  pureté  et  pour  laquelle  brûlait  le  maître 
de  ce  serviteur;  on  amena  donc  ce  dernier  durant  la  nuit,  sous 
un  prétexte  quelconque,  dans  l'hippodrome,  mais  au  moment 
où  ce  meurtre  audacieux  allait  être  commis,  Dieu,  qui  a  souci  de 
toutes  les  actions  des  hommes,  eut  pitié  de  ce  malheureux  ser- 
viteur, et  fit  passer  du  monde  par  là.  Les  meurtriers,  pleins  de 
crainte  à  cause  de  leur  mauvaise  action  et  de  cette  arrivée  im- 
prévue, s'enfuirent,  et  ainsi  cet  Éthiopien  put  échapper  aux  mains 
meurtrières  qui  étaient  déjà  prêtes  à  le  mettre  à  mort.  Il  raconta 
cette  affaire  qui  avait  été  machinée  contre  lui  à  un  compatriote  de 
son  maître,  lequel  était  chrétien  et  craignait  le  jugement  de  Dieu. 
Ce  compatriote,  qui  avait  souci  du  maître  et  pitié  du  serviteur, 
nous  raconta  leur  attentat  et  leur  désir  de  meurtre;  il  nous  de- 
manda d'apporter  un  secours  chrétien  à  l'àme  de  ce  compatriote 
qui  était  combattue  par  les  diables;  il  s'intéressait  à  lui,  nous 
dit-il,  comme  à  un  compatriote.  Après  l'avoir  écouté,  nous  lui 
demandâmes  si  celui-là  avait  des  livres  de  magie,  car  tous  ceux 
qui  étudiaient  les  lois  à  Beyrouth  savaient  qu'il  était  magicien. 
Il  nous  assura  qu'il  en  avait.  —  Alors  moi  avec  Evagrius,  puis 
Isidore  et  Athanase  qui  étaient  deux  frères  à" Alexandrie,  zélés 
tous  deux  pour  la  crainte  de  Dieu,  et  enfin  avec  celui  qui  nous 
apprit  tout  cela,  nous  résolûmes  de  nous  concerter  sur  ce  qu'il  y 
aurait  à  faire  avec  Constantin  et  Polycarpe  qui  étaient  de  Bey- 
routh, l'un  ayant  depuis  longtemps  la  charge  du  diaconicat 
dans  cette  ville  et  l'autre  soldat  de  la  garde  du  gouverneur 
(hvaoo,),  car  ils  avaient  grande  expérience,  ils  se  trouvaient  avec 
nous  dans  les  saintes  églises  et  on  disait  même  que  Constantin 
était  ami  de  l'accusé.  Nous  cherchâmes  longtemps  comment, 
avec  l'aide  de  Dieu,  nous  pourrions  retirer  cet  homme  de  l'erreur 
des  démons  et  du  danger  dans  lequel  il  était,  nous  prîmes  la  ré- 
solution d'entrer  tous  chez  lui  et  de  lui  dire  amicalement  que 
nous  étions  venus  près  de  lui  comme  près  d'un  frère,  que  nous 
avions  soucis  de  ses  intérêts  (1)  et  que  nous  voulions  parcourir 

(1)  'Q?s),ri(7tç. 


564  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

ses  livres  à  cause  des  bruits  qui  couraient  sur  son  compte; 
puis,  que  nous  nous  faisions  forts,  avec  l'aide  de  Dieu,  de  faire 
cesser  l'accusation  de  magie  qui  courait  la  ville  contre  lui,  si 
nous  constations  qu'en  réalité  il  n'y  prêtait  pas. 

Quand  nous  fûmes  d'accord,  nous  allâmes  à  sa  maison;  il 
nous  reçut  à  cause  de  son  compatriote  (16)  et  de  son  ami  Cons- 
tantin et  aussi  parce  qu'il  nous  croyait  tranquilles  et  que  nous 
paraissions  affables.  Nous  lui  dîmes  alors,  avec  grande  tran- 
quillité, ce  dont  nous  étions  convenus,  après  lui  avoir  demandé 
d'écouter  amicalement  et  de  ne  pas  prendre  en  mauvaise  part 
ce  que  nous  avions  à  lui  dire.  Comme  ses  livres  de  magie  étaient 
cachés  sous  le  siège  sur  lequel  il  s'asseyait  qui  était  fait  en 
forme  de  caisse  et  que  ses  visiteurs  n'en  savaient  rien,  il  nous 
répondit  avec  confiance  :  «  Puisque  cela  vous  plaît  et  que  vous 
êtes  mes  amis,  parcourez  mes  livres.  »  Et  quand  il  l'eut  dit,  il 
nous  apporta  tous  les  livres  qui  étaient  en  évidence  dans  sa 
maison.  Après  les  avoir  parcourus,  nous  n'avions  pas  trouvé  ce 
que  nous  cherchions;  le  serviteur  que  l'on  avait  voulu  immoler 
nous  indiqua  secrètement  le  siège  et  nous  fit  signe  qu'en  sou- 
levant une  place  nous  trouverions  les  livres  cherchés.  Notis  le 
fîmes,  et  celui-là,  voyant  son  artifice  connu  de  tout  le  monde, 
se  jeta  la  face  contre  terre  et  nous  supplia  avec  larmes  de  ne 
pas  le  livrer  aux  lois,  puisque  nous  étions  chrétiens  et  péné- 
trés de  la  crainte  de  Dieu.  Il  apprit  de  nous  que  nous  n'étions 
pas  venus  pour  lui  faire  du  mal,  comme  Dieu  le  savait,  mais 
bien  pour  sauver  et  guérir  son  âme  ;  pour  cela  il  lui  fallait  brûler 
-lui-même  les  livres  de  magie ,  ceux  qui  avaient  les  images  des 
mauvais  diables,  avec  des  noms  barbares  et  des  indications 
orgueilleuses  et  mauvaises  pleines  de  superbe,  qui  plaisent  sur- 
tout aux  mauvais  démons.  Us  étaient  attribués  à  Z oroastre  le 
mage,  d'autres  â  Asthanes  (^cu.^cd/)  le  magicien  et  d'autres  à 
Manéthon.  —  II  promit  de  le  faire,  demanda  du  feu  et  nous  ra- 
conta qu'il  était  plein  de  l'amour  d'une  femme,  et  qu'il  espérait 
la  vaincre  â  l'aide  de  ces  livres,  car  elle  refusait  d'avoir  com- 
merce avec  lui;  il  en  était  ainsi  arrivé  à  ce  mauvais  art.  Il  ajouta 
que  l'art  de  la  magie  était  faible  et  que  ses  promesses  étaient 
vaines,  puisque  cette  femme  le  haïssait  encore  davantage;  à 
cause  d'elle,  non  seulement  lui,  mais  encore  beaucoup  d'autres, 
s'étaient   adonnés  à  la  magie;   il  pensait    à   leurs   noms    en 


OPUSCULES    MARONITES.  5G5 

nous  disant  que  ceux-là  aussi  avaient  des   livres  analogues. 

Quand  on  lui  apporta  du  feu,  il  y  jeta  de  ses  mains  les  li- 
vres de  magie  en  disant  qu'il  éprouvait  la  bonté  de  Dieu  qui 
avait  daigné  le  visiter  et  qui  le  délivrait  de  l'esclavage  et  de 
l'erreur  des  démons.  Il  nous  disait  qu'il  était  chrétien  et  fils  de 
parents  chrétiens,  mais  qu'il  avait  erré  au  temps  dont  il  nous 
avait  parlé  et  avait  servi  les  idoles  à  la  satisfaction  des  mauvais 
démons,  et  qu'il  devait  donc  faire  pénitence  et  verser  des  lar- 
mes en  proportion  de  son  péché.  —  Ces  livres,  odieux  à  Dieu, 
ayant  été  brûlés,  nous  mangeâmes  tous  ensemble  après  avoir 
prié  et  loué  Dieu  et  l'avoir  remercié  de  ce  qui  arrivait.  C'était  le 
moment  du  repas  du  milieu  du  jour  et  chacun  mangea  de  ce 
qu'il  avait  apporté  de  chez  lui  tout  préparé.  Il  y  avait  de  la 
viande,  et  nous  eûmes  soin  qu'il  en  mangeât  avec  nous;  on  nous 
avait  dit  en  effet  que  les  adeptes  de  la  magie  et  des  mauvais  dé- 
mons se  privaient  de  cette  nourriture  qu'ils  regardaient  comme 
impure. 

Après  le  repas,  nous  allâmes  au  temple  très  vénérable  du 
saint  apôtre  Jude,  frère  de  Jacques  le  juste,  qui  étaient  tous 
deux  fds  de  Joseph,  époux  de  sainte  Marie  Mère  de  Dieu  et  tou- 
jours vierge,  c'est  pourquoi  on  les  appela  frères  (1)  de  Xotre- 
Seigneur.  Le  prêtre  et  l'administrateur  de  cette  église  était  un 
certain  Cosme,  homme  plein  de  crainte  de  Dieu  et  de  zèle,  qui 
était  assidu  dans  son  service;  c'était  un  ascète,  orné  de  toutes 
les  perfections  du  christianisme,  qui  accomplissait  exactement 
le  service  de  Dieu.  Il  avait  avec  lui  Jean  de  I^alestine  que  l'on 
appelait  Adrien  {^^^hoi)^  homme  qui,  après  avoir  étudié  les 
lois,  se  fit  prêtre  dans  ce  temple,  conduit  par  la  philosophie;  il 
rendit  service  à  beaucoup  d'étudiants  en  droit  à  cause  de  ses 
bons  exemples  et  des  livres  chrétiens  qu'il  prêtait  et  donnait;  à 
la  fm,  (17)  Mennas  (pp»)  de  Cappadoce,  qui  étudiait  aussi  les  lois 
civiles,  l'imita  et  prit  l'habit  monacal  dans  ce  même  temple, 
puis  il  retourna  à  sa  ville  de  Césarée  et  fut  adjoint  à  son  clergé  ; 
mais  Jean  ne  voulut  pas  quitter  l'habit  qu'il  avait  pris  dès  le 
commencement  et  c'est  avec  ce  même  habit  qu'il  monta  à  Dieu. 
—  Nous  racontâmes  â  ceux  qui  étaient  chez  Cosme  et  .Tean,  tout 
ce  qui  s'était  passé  pour  l'incendie  des  livres,  puis  nous  leur 

(1)  On  prend  plus  généralement  ce  mot  frères  au  sens  de  cousins. 


566  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

demandâmes  de  prier  Dieu  pour  celui  qui  avait  participé  quel- 
que temps,  comme  nous  l'avons  dit,  à  l'erreur  diabolique,  pour 
que  Dieu  le  délivrât  de  cette  erreur,  lui  donnât  une  véritable  pé- 
nitence et  nous  sauvât  tous  de  la  méchanceté  des  diables;  puis 
quand  le  prêtre  eut  fait  de  longues  prières  pour  celui-là,  chacun 
retourna  chez  soi.  Depuis  lors,  quand  celui-là  se  trouvait  avec 
nous  dans  les  églises,  il  faisait  pénitence  et  versait  des  larmes 
sur  ses  péchés  passés;  il  nous  fit  connaître  tous  ceux  qui  à  Bey- 
routh s'adonnaient  à  la  magie  et  possédaient  des  livres  de  ce 
genre,  nous  cherchions  comment  nous  pourrions  les  prendre 
avec  tous  ceux  qui  prônaient  le  paganisme  et  les  sacrifices  païens. 
Cet  Égyptien  nous  les  nomma,  et  nous  les  avions  du  reste  con- 
nus à  Alexandrie.  —  Le  grand  Sévère  nous  aida  aussi  dans 
tous  ces  projets,  il  se  réjouissait  de  tout  ce  qui  se  faisait  et  nous 
conseillait  ce  que  nous  devions  faire.  Aussi  dès  maintenant 
l'écrivain  de  paroles  absolument  trompeuses  et  de  calomnies 
invraisemblables  portées  contre  (Sévère)  en  aura  honte.  —  Tan- 
dis que  nous  pensions  à  cela  et  que  nous  nous  réjouissions 
de  la  destruction  des  livres  haïs  de  Dieu  et  de  la  conversion 
de  l'Égyptien,  un  scribe  annonça  à  Martyrius,  lecteur  de  la 
sainte  église  de  Beyrouth,  et  à  ce  Polycarpe,  dont  nous  avons 
parlé,  hommes  soigneux  et  pleins  de  zèle,  que  Georges  de 
T/iessaloniquelm  avait  "donné  un  livre  de  magie  pour  en  trans- 
crire le  manuscrit,  et  ils  vinrent  nous  l'annoncer.  Nous  allâmes 
auprès  de  Jean  évêque  de  Beyrouth  (1)  pour  y  accuser  Geor- 
ges et  Scléfidotus  (^<i4,.-:^\nmi)  d'Héliopolis  (2)  et  Chrysarius 
{^Q-;oucp)  deTralleset  Léontès  (.m^o)i),  alors  préfet  (■^owè-m^-;^), 
qui  étudiaient  les  lois  dans  cette  ville,  et  beaucoup  d'autres.  Cet 
Égyptien,  et  aussi  le  bruit  public  qui  courait  par  toute  la  ville, 
accusait  ceux-là.  L'évêque  nous  adjoignit  quelques  membres  du 
clergé  et  nous  ordonna  de  visiter  tous  les  livres;  nous  avions 
encore  avec  nous  les  agents  de  l'autorité  (3).  Toute  la  ville  fut 
en  rumeur  à  cette  occasion  parce  que  beaucoup  se  servaient 
pour  les  lois  de  livres  de  ce  genre  ou  étaient  affligés  du  paga- 
nisme de  Léontès  dont  nous  venons  de  parler.  C'était  un  homme 

(1)  Cf.  Oriens  christianus,  t.  II,  col.  819.  Cet  évèquc  aida  S.  Raboulas  de  Samo- 
sate  à  construire  «  un  grand  monastère  au  milieu  de  la  montagne  ». 

(2)  Distinct  sans  doute  du  précédent,  voir  §  4,  5,  7,  etc. 

(3)  On  remarquera  ce  pouvoir  temporel  de  l'évêque. 


OPUSCULES   jMAROMTES.  5G7 

qui  savait  tromper,  il  ne  possédait  pas  une  grande  science  pré- 
liminaire, mais  s'occupait  d'horoscopes  et  de  prédire  les  choses 
futures,  il  s'attachait  tous  les  hipparques  et  les  grands  qui 
avaient  des  rapports  avec  lui  et  il  les  amenait  aux  idoles.  Son 
art  de  tromper  était  grand  et  voici  l'histoire  que  nous  racontait 
à  son  sujet  l'un  des  grands  de  Bijblos  qui  lui  demanda  quel 
enfant  aurait  sa  femme  enceinte,  il  répondit  que  ce  serait  un 
garçon  et  allait  montrer  ainsi  sa  tromperie,  mais  en  sortant 
de  la  maison  il  prit  la  portière  à  l'écart  et  lui  dit  :  «  Le  maître 
de  la  maison  m'a  demandé  ce  que  sa  femme  enfanterait  et  j'ai 
répondu  :  un  garçon ,  parce  que  je  sais  depuis  longtemps  qu'il 
en  désire  un,  mais  je  vais  te  dire  la  vérité  et  cache-la  soigneu- 
sement, ce  sera  une  fille  qui  naîtra  »  et  quand  il  eut  dit  cela,  il 
s'en  alla.  —  Plus  tard,  quand  la  femme  eut  enfanté  une  fille, 
le  mari  fut  irrité  du  mensonge;  il  fit  venir  Léontès  et  l'accusa 
d'être  un  menteur,  mais  celui-ci  en  appela  au  témoignage  de 
la  portière,  parce  qu'elle  était  âgée  et  qu'elle  pouvait  ainsi  être 
crue. 

Nous  pûmes  trouver  oîi  étaient  les  livres  de  magie  de  Georges 
(18)  et  de  Scléfidotus  et  nous  les  apportâmes  tous  au  milieu  de 
la  ville,  mais  nous  ne  pûmes  trouver  les  autres  parce  que  leurs 
maîtres  s'enfuirent  et  les  cachèrent.  Chrysarius  excita  contre 
nous  des  hommes  séditieux  que  l'on  appelle  Poroi  (ovos)  (1) 
et  que  ceux  qui  étudient  les  lois  ont  coutume  d'appeler  sicaires 
(ii!^i..as)  ja^),  hommes  méprisés  qui  vivent  superbement,  sont  sou- 
vent meurtriers  et  n'épargnent  pas  le  glaive.  Comme  tout  le 
peuple  était  fervent  dans  la  crainte  de  Dieu  et  était  irrité  contre 
ceux-là,  il  offrit  de  nous  aider,  et  Constantin  de  Beyrouth, 
qui  disposait  de  grands  biens,  menaça  d'amener  les  villageois 
qui  enlèveraient  tous  les  séditieux  sicaires  dont  j'ai  parlé  (2). 
Cependant  pour  que  notre  action  ne  tournât  pas  en  mal,  lors- 
que Léontès  fut  saisi  par  des  hommes  zélés  et  se  trouva  en 
danger,  nous  lui  préparâmes  la  fuite  pour  son  salut,  car  notre 
dessein  n'était  pas  dans  cette  entreprise  de  causer  la  mort  de 
ces  hommes,  mais  d'arrêter  l'essor  du  mal  qu'ils  professaient 

(1)  Portefaix,  de  çopéo).  Il  vaudrait  mieux  lire  ajoa  (?<5voi),  "  sicaires  ». 

(2)  Ce  passage  montre  que  les  habitants  des  environs  de  Beyrouth  étaient 
chrétiens  fervents,  on  verra  plus  bas  qu'il  en  était  de  même  de  la  population  de 
Beyrouth. 


568  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

et  surtout  de  les  ramener  eux-mêmes  à  la  crainte  de  Dieu , 
comme  la  loi  de  Dieu  nous  l'ordonne  en  ces  termes  (1)  :  «  Je 
ne  veux  pas  la  mort  du  pécheur,  mais  qu'il  se  convertisse  et 
qu'il  vive.  »  Pour  brûler  aussitôt  ces  livres  de  magie  que  nous 
avions  pris,  nous  indiquâmes  au  juge  (^q^j^i)  de  la  ville  et 
aux  gardiens  de  la  prison  et  aux  hommes  du  clergé  que  nous 
avions  pris,  par  l'ordre  du  prince  des  prêtres,  un  grand  feu  de- 
vant le  temple  de  la  sainte  Vierge  Marie,  mère  de  Dieu.  Tout  le 
monde  regardait  brûler  ces  livres  de  magie  avec  leurs  signes 
diaboliques;  on  entendait  d'abord,  par  la  lecture  qu'en  faisait 
celui  qui  les  jetait  au  feu,  l'annonce  de  ce  qui  était  écrit,  l'arro- 
gance impie  et  barbare,  les  mauvaises  promesses  nuisibles  aux 
hommes  que  font  les  démons,  et  l'orgueil  du  diable  qui  enseigne 
de  telles  propositions  et  de  telles  inquisitions  aux  hommes. 
Ces  propositions  étaient  de  ce  genre  :  —  Comment  on  peut  trou- 
bler les  villes,  exciter  des  séditions  dans  le  peuple,  armer  les 
pères  contre  les  enfants  et  les  fils  contre  leurs  pères;  et  com- 
ment on  peut  dissoudre  les  mariages,  qu'ils  soient  légaux  ou 
concubinaires  {wi<^^;  et  comment  un  homme  peut  amener  à 
un  amour  illégal  une  femme  qui  veut  vivre  dans  la  pureté, 
ou  à  commettre  audacieusement  l'adultère  et  le  meurtre,  ou  à 
receler  les  objets  volés;  et  de  quelle  manière  un  homme  peut 
obliger  les  juges  à  le  déclarer  innocent.  —  Le  peuple  cria  beau- 
coup contre  les  païens  et  les  mages  à  cause  de  ces  mauvaises 
demandes;  il  voulait  jeter  au  feu  ceux  qui  s'en  occupent,  et 
louait  Dieu. 

Tel  fut  le  fruit  des  conseils  du  grand  Sévère;  il  conduisit  tout 
cela  comme  un  chef  d'armée,  mais  pour  ne  pas  sembler  or- 
gueilleux, il  se  faisait  humble  et  s'adonnait  k  la  lecture  des 
lois,  de  sorte  que,  ferme  dans  la  vérité,  il  ne  donna  pas  prise  au 
mensonge  et  à  la  calomnie  et  ne  fut  en  but  à  aucune  accusa- 
tion ni  à  aucune  attaque. 

19.  Il  arriva,  peu  de  temps  après,  une  autre  histoire  :  des 
vagabonds  et  des  voleurs  d'autels  et  des  magiciens  avec  la  lie 
de  l'univers  vinrent  à  Beyrouth.  Ils  annonçaient  qu'ils  trou- 
vaient les  trésors  et  inventèrent  cette  ineptie  :  Darius  roi  des 
Perses,  quand  il  vint  jadis  dans  ce  pays,  cacha  beaucoup  d'or 

(1)  Ez.,  xxxiii,  II. 


OPUSCULES  MARONITES.  569 

dans  ces  lieux  où  se  trouvaient  alors  des  villes  |et  ils  don- 
naient dans  leur  sot  récit  le  nombre  des  talents  d'or]  ;  ils  avaient 
appris  cette  histoire  des  mages  et  des  Perses.  Et  pendant  qu'ils 
cherchaient  qui  pourrait  se  laisser  prendre  à  leur  tromperie 
et  aurait  Tesprit  assez  faible  pour  perdre  ses  biens  dans  l'es- 
poir d'en  trouver  d'autres,  et  serait  ainsi  une  proie  pour  cette 
invention  persane,  on  leur  parla  de  Clfrijsariifs  et  ils  lui  ex- 
posèrent leur  invention.  Il  se  laissa  convaincre  facilement  et 
leur  demanda  comment  ils  se  procureraient  ces  trésors.  Ils  ré- 
pondirent qu'il  leur  fallait  pour  cela  se  servir  de  la  divina- 
tion par  les  morts  (nécromancie),  qu'ils  avaient  un  homme  qui 
réussissait  dans  ces  évocations,  et  qu'ils  avaient  besoin  d'un 
endroit  caché  à  la  foule  pour  qu'on  ne  vînt  pas  les  troubler  dans 
leurs  opérations.  Il  fut  persuadé,  étant  d'un  esprit  faible,  et 
comme  pour  une  cause  quelconque  il  était  en  relations  avec 
le  gardien  de  ce  qu'on  appelle  le  second  Martyrium  (I),  il  lui 
fit  part  de  la  recherche  de  ces  trésors.  (19)  Celui-ci,  ravi  à  la 
pensée  de  For,  dit  qu'il  y  avait  beaucoup  de  tombeaux  isolés 
dans  ce  temple  dont  il  avait  soin  et  qu'on  pourrait  à  loisir  y 
faire  durant  la  nuit  tout  ce  qui  serait  nécessaire.  Tous  vinrent 
donc  au  martyrium  pour  y  attendre  le  moment  favorable.  Ces 
vagabonds  et  magiciens  dirent  :  «  Il  nous  faut  des  objets  en 
argent  pour  réussir  dans  notre  entreprise  afin  que  quelques- 
uns  d'entre  nous  aillent  vers  la  mer  qui  est  proche  et,  à  l'aide  de 
ces  objets,  y  attirent  les  diables  gardiens  des  trésors,  pendant 
que  cet  autre  fera  la  divination  par  les  morts  dans  le  tombeau 
qui  est  dans  ce  temple.  »  L'espoir  de  l'or  amena  le  serviteur 
indigne  de  ces  martyrs  à  consentir  à  cette  profanation,  cor- 
rompu qu'il  était  par  Chrijsarius.  Celui-ci  donna  des  objets 
d'argent  à  une  partie  d'entre  eux  qui  les  prirent  et  s'enfuirent 
après  avoir  fait  mine  d'aller  d'abord  vers  la  mer  et,  avec  ces 
objets  d'argent,  d'y  appeler  les  diables,  gardiens  de  ces  trésors. 
—  Le  gardien  donna  les  ornements  sacerdotaux  et  l'encensoir 
d'argent  à  celui  qui  promettait  de  faire  l'invocation  des  morts, 
d'appeler  de  force  les  âmes  des  morts  et  de  leur  faire  dire  en 
quel  lieu  sont  cachés  les  trésors.  Or,  au  moment  où  ce  magi- 
cien commençait  son  évocation  diabolique  et  portait  l'encen- 


570  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

soir  d'argent,  le  Dieu  des  martyrs  les  vengea,  car  il  excita  un 
tremblement  de  terre  qui  rendit  ces  sacrilèges  demi-morts, 
car  ils  s'attendaient  à  voir  le  temple  tomber  sur  eux,  et  ce 
vagabond  et  magicien  ainsi  que  Chrysarius  purent  à  peine 
échapper,  tout  tremblants,  au  péril,  lorsque  les  pauvres  qui 
dormaient  dans  ce  temple  s'aperçurent  de  ce  qu'on  osait  faire 
et  le  crièrent  et  l'annoncèrent  par  la  ville. 

A  cette  occasion,  il  y  eut  un  nouveau  soulèvement  dans 
tout  le  peuple  contre  les  païens  et  les  magiciens,  et  de  nom^ 
breux  blâmes  contre  l'indigne  gardien  et  contre  Chrysarius, 
au  moment  où  l'on  célébrait  la  mémoire  et  la  fête  de  saint  Jean 
baptiste  et  précurseur.  L'évêque  fit  saisir  le  gardien  et  l'in- 
terrogea, puis  il  l'envoya  enchaîné  dans  un  monastère  pour 
n'en  plus  sortir  d'un  temps  déterminé.  Chrysarius  s'enfuit 
alors  de  Beyrouth  et  plus  tard  acheta,  à  grand  prix,  le  droit 
d'y  rentrer.  Quant  à  Léontès  qui  s'était  enfui  lors  du  premier 
soulèvement,  il  demanda  à  recevoir  le  saint  baptême  dans 
l'église  du  martyr  Léontius,  puis  il  revint  en  annonçant  qu'il 
était  chrétien,  et,  revêtu  de  l'habit  blanc  des  nouveaux  bapti- 
sés, il  supplia  chacun  de  lui  pardonner  ce  qui  avait  eu  lieu. 

Et  pour  que  ce  Chrysarius  ne  se  crût  pas  sage  et  ne  s'ima- 
ginât pas  que  grâce  aux  diables,  à  la  magie  et  à  la  richesse,  il 
avait  seul  vaincu  dans  les  troubles  qui  eurent  lieu  contre  lui, 
puisque  les  livres  de  magie  qu'il  avait  ne  furent  pas  brûlés ,  le 
Dieu  des  martyrs  qu'il  avait  offensés  se  vengea  de  la  manière 
suivante  :  Quand  il  voulut  retourner  dans  son  pays,  il  loua  un 
navire  et  y  chargea  tous  les  livres  de  magie  qu'il  avait  achetés 
à  grands  frais ,  comme  le  dirent  ceux  qui  le  connaissaient,  il  y 
mit  aussi  les  livres  des  lois  et  le  plus  grand  nombre  des  objets 
d'argent  qu'il  possédait,  avec  ses  enfants  et  leur  mère  qui  était 
sa  concubine.  Il  ordonna  de  mettre  à  la  voile  au  moment  qu'il 
crut,  ainsi  que  beaucoup  d'autres,  le  plus  favorable  d'après  la 
magie  et  le  mouvement  des  astres;  pour  lui  il  devait  se  rendre 
dans  son  pays  par  terre.  Quand  ce  navire  eut  mis  à  la  voile  sur 
la  foi  des  démons  et  de  l'astrologie,  comme  s'il  devait  être  sauvé 
avec  tout  ce  qu'il  portait,  il  fut  submergé  avec  la  magie  et  ses 
livres,  et  rien  de  ce  que  Chrysarius  y  avait  mis  ne  fut  sauvé. 
Dieu  châtia  par  une  telle  punition  cet  homme  insensible ,  parce 
qu'il  ne  voulut  pas  répondre  à  la  bonté  ni  se  souvenir  du 


OPUSCULES    MARONITES.  571 

premier  châtiment,  mais  demeura  dans  son  endurcissement 
de  tête,  comme  Pharaon.  —  On  pensera  peut-être  qu'il  était 
inutile  d'écrire  ces  récits;  cependant  nous  avons  cru  bon  de  les 
ajouter  à  cause  de  la  leçon  qu'ils  donnent  à  la  magie  et  à 
l'erreur  des  païens,  pour  la  gloire  de  Dieu  puissant  et  de  notre 
Sauveur  Jésus-Christ,  lui  qui  prend  les  sages  dans  leur  ruse(l) 
et  qui  jeta  dans  la  mer  le  Pharaon  avec  ses  chars,  ses  cavaliers 
et  les  sages  de  l'Egypte  (i). 

F.  Nau. 

{A  suivre.) 

(1)  Job,  V,  13. 

(2)  Nous  avons  remarqué  dans  le  manuscrit  syriaque  de  Berlin  (Sachau,  321) 
une  seconde  vie  de  Sévère  écrite  par  Jean  Bar  Aphtonia.  Elle  contient  d'abord  un  ' 
résumé  de  la  vie,  que  nous  publions  maintenant,  puis  elle  ajoute  quelques  autres 
faits  dont  nous  donnerons  une  traduction.  Nous  ne  publierons  pas  le  texte  parce 
que  nous  croyons  savoir  qu'il  le  sera  par  M.  Kiigeuer.  —  Enfin,  après  la  vie  de 
Sévère,  nous  donnerons  le  texte  et  la  traduction  de  la  vie  inédite  de  Jlaroutha 
métropolitain  de  Tagrit  (f  649),  écrite  par  son  successeur  Denha-Maroutlia  de 
Tagrit,  qui  fut  le  premier  des  maphriens  jacobitos  [Cf.  Rubens  Duval.  La  litlé- 
rature  syriaque,  p.  374-375]  et  écrivit  de  nombreux  ouvrages. 


AU  PAYS  DES  NOSAIRIS 


Fuimus! 
Devise  des  Bntce,  anciens  rois  d'Ecosse. 

I 

Le  19  août  1898,  le  Charkieh  des  Paquebots-poste  khé- 
divié  (1)  nous  déposait,  le  P.  Collangettes  et  moi,  à  la  marine 
de  Tripoli.  En  débarquant  nous  sommes  accueillis  par  le 
P.  Barnier,  l'inspirateur  et  le  guide  constant  de  l'excursion  de 
vacances  que  nous  allons  entreprendre.  Missionnaire  depuis 
plus  de  dix  ans  dans  ces  paiiages,  les  montagnes  de  'Akkàr  et 
des  Nosairis,  dont  il  va  nous  faire  les  honneurs,  n'ont  plus  de 
secrets  pour  lui. 

Nous  ne  restons  à  Tripoli  que  le  temps  nécessaire  pour  louer 
des  chevaux,  maigres  haridelles  plus  ou  moins  tarées.  Le  mien 
en  particulier  a  plusieurs  blessures  au  dos  et  aux  reins.  Une 
de  ces  blessures,  de  la  dimension  d'une  pièce  de  cinq  francs, 
au  début  du  voyage,  ne  fera  que  s'étendre  grâce  à  l'anneau  de  la 
sangle,  pénétrant  dans  les  chairs  vives.  En  parcourant  la  ville, 
nous  remarquons  une  vieille  construction  franque.  Sur  la  porte 
d'entrée,  on  lit  encore  en  caractères  gothiques  l'inscription 
Sanctus  Jacobus,  au-dessous  d'un  agneau,  sculpture  oubliée 
par  les  musulmans  iconoclastes.  Sans  doute,  un  ancien  cou- 
vent, mais  lequel?  La  Sijria  sacra  de  Rôhricht  (ZDPV,X,  33, 
34)  ne  signale  à  Tripoli  que  deux  monastères  du  temps  des 
Croisés  :  celui  des  Franciscains  et  celui  des  Dominicains  (2). 

Le  20  août  à  quatre  heures  de  l'après-midi  nous  sortons  de 

(1)  Devenus  depuis  Khedivial  Mail  Steamship  and  gravimi  dock  Company  li- 
mited. 

(2)  Voir  aussi  ZDPV,  X,  317. 


AU    PAYS    DKS    NoSAIlîl.S.  ..)/.{ 

la  ville  dans  la  direction  du  Nord-Est.  Nous  suivons  d'abord  la 
chaussée  de  Tripoli  à  l.loms.  Trois  quarts  d'heure  de  marche 
nous  mènent  à  la  petite  mosquée  de  Saih-al-Baddàwî  (1),  très 
connue  des  touristes,  à  cause  de  son  bassin  do  poissons  sacrés. 
Ce  bassin,  alimenté  par  une  source  puissante  formant  iuimé- 
diatement  un  gros  ruisseau,  est  actuellement  agrandi.  Le  be- 
soin s'en  faisait  vivement  sentir  :  les  poissons  sacrés,  auxquels 
personne  n'ose  toucher,  y  fourmillent  à  tel  point  qu'on  a  bien 
de  la  peine  à  découvrir  l'eau. 

Voilà  encore  un  reste  du  vieux  paganisme  phénicien  (2)  pieu- 
sement recueilli  par  l'austère  monothéisme  musulman  (.'5).  Au- 
près des  temples  d'Astarté,  Atergatis,  Dercéto  (1)  se  trouvaient 
des  viviers,  remplis  de  poissons  consacrés  à  la  déesse.  Ils  ser- 
vaient aussi  à  Ylchthyomantie  ou  divination  par  les  poissons. 
Malheur  à  qui  les  méprisait  ou  en  mangeait!  Ils  étaient  per- 
suadés que  la  déesse  ne  tarderait  pas  à  se  venger  en  leur  en- 
voyant d'affreuses  tumeurs,  qui  envahissaient  principalement 
les  régions  abdominales  et  que  Martial  appelle  syriennes  (.j). 

En  passant  devant  cette  mosquée  le  colonel  Conder,  auteur 
de  nombreux  ouvrages  sur  la  Palestine,  a  relevé  ce  nom  de 
Baddàwî  et  en  a  conclu  que  la  mosquée  est  une  ancienne  église 
de  Saint-Antoine  de  Padoue  (6).  Un  moment  de  réflexion  au- 
rait pu  lui  démontrer  la  vanité  de  ce  rapprochement.  Le  culte 
de  saint  Antoine,  postérieur  aux  Croisades,  n'a  été  introduit 
que  beaucoup  plus  tard  en  Syrie  par  les  Franciscains.  Assu- 
rément ce  n'est  pas  à  ces  derniers  que  les  musulmans  sont  allés 
l'emprunter. 

Tout  près,  un  milliaire  romain  (7),  récemment  mis  à  décou- 


(1)  C'est  là  l'orthographe  exacte;  et  non  Beidawi,   comme  écrivent  Bœdoker, 
Dussaud,  etc.  Voir  aussi  les  curieux  renseignements  de  Seet/on,  Beison,  I,  227. 

(2)  Nous  mentionnerons  plus  loin  le  culte  des  arbres. 

(3)  Dans  la  principale  mosquée  d'Edesse  il  y  a  également  un  bassin  de  pois- 
sons sacrés.  Voir  dans  Lortet  {Syrie  d'aujourd'hui,  536)  un  autre  exemple. 

(4)  Cfr.  Lucien,  de  Dea  Syra,  45.  Le  sanctuaire  d'Afqa  (Liban)  avait  également 
son  lac  sacré,  où  il  y  avait  sans  doute  des  poissons  voués  à  Astarté. 

(5)  Cfr.  R.  Dussaud,   Voyage  en  Syrie  (extrait  de  la  Rev.  Archéologique,   1897), 
p.  20. 

(6)  Heth  and  Moab,  pp.  66  et  300.  —  En  arabe  saint   .Antoine  de  Padoue   est 
quelquefois  qualifié  de  Badawi,  plus  souvent  Badawàni. 

(7)  J'en  dois  la  connaissance  au  P.  Barnier  qui  m'a  signalé  plusieurs  dos  ins- 
criptions qui  vont  suivre. 


574  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

vert,  m'arrête  un  bon  quart  d'heure.  Malheureusement  mon  es- 
tampage, n'ayant  pu  sécher  faute  de  temps,  ne  résiste  pas  aux 
chocs  de  la  route.  L'expérience  est  à  recommencer.  Disons  dès 
maintenant  que  j'y  ai  lu  en  grec  les  noms  des  empereurs 
(ajT;-/.paT5po)v)  Constance-Chlore  et  Galère-Maximien. 

Nous  traversons  la  magnifique  plaine  de  Tripoli  :  large,  fer- 
tile, abondamment  arrosée,  elle  est  possession  exclusive  des 
musulmans.  Se  fécondité  explique  l'enthousiasme  que  sa  vue 
cause  aux  Croisés,  qui  y  possédèrent  de  nombreux  casaux, 
encore  à  identifier  pour  la  plupart.  Ils  n'étaient  pas  les  pre- 
miers à  l'apprécier.  Quinze  siècles  avant  notre  ère,  on  se  dis- 
putait déjà  avec  acharnement  ce  magnifique  domaine.  Il  faut 
lire  dans  les  lettres  assyriennes  de  Tell  al-'Amârna  les  pé- 
ripéties de  ces  luttes  entre  les  roitelets  de  la  Syro-Phénicie, 
tous  désireux  de  s'en  assurer  la  possession  (I). 

Nous  passons  près  des  ruines  à'Orthosie  et  d'Arca  dont  il 
ne  reste  plus  que  des  débris  insignifiants.  A  huit  heures,  —  il 
était  nuit  close,  —  nous  entrions  à  J//yi/^^n?,  grand  village  chré- 
tien, assis  sur  les  premiers  contreforts  du  Gabal  'Akkàr  et 
dominant  la  plaine  de  Tripoli.  Sous  le  rapport  religieux  il  est 
divisé  en  trois  fractions  presque  égales,  appartenant  aux  grecs 
catholiques,  orthodoxes  et  aux  protestants.  Il  s'y  trouve  égale- 
ment une  petite  minorité  maronite. 

La  communauté  catholique  de  Miniârà  est  la  plus  importante 
des  récentes  conquêtes  faites  sur  Yorthodoxie  dans  ces  ré- 
gions, conquêtes  ayant  amené  la  création  du  diocèse  grec-ca- 
tholique de  Tripoli  et  dues  en  bonne  partie  au  zèle  du  P. 
Barnier.  «  C'est  lui,  comme  l'a  dit  M.  l'abbé  Pisani,  qui  a  dé- 
terminé parmi  les  schismatiques  un  mouvement  important... 
C'est  par  milliers  qu'il  a  ramené  les  frères  séparés  sous  l'obéis- 
sance de  l'Église  romaine,  c'est  à  ses  exhortations  que  des 
villages  entiers  ont  cédé  pour  revenir  à  l'unité  catholique  (2).  » 

Il  serait  injuste  de  passer  sous  silence  un  autre  vaillant  ou- 
vrier apostolique,  le  P.  Kyrillos,  notre  compagnon  de  voyage 
et  vicaire  général  de  l'évêché  de  Tripoli,  un  vrai  missionnaire 

(1)  Voir  le  beau  travail  du  P.  A.  J.  Delattro  S.  J.,  Le  Pays  de  Chanaan,  pro- 
vince de  l'ancien  empire  égyptien,  et  Conder,  The  Tell  Amarna  Tablets  (ce  dernier 
doit  être  soigneusement  contrôlé). 

(2)  Revue  du  Clergé  Français,  P"^  mai  1898. 


•AU    PAYS    DES    NOSAIRIS.  .j/.> 

sans  peur  et  sans  reproche.  Souhaitons  à  l'Orient  beaucoup 
d'hommes  de  cette  trempe.  Fraternellement  unis,  lesPP.Kyrillos 
et  Barnier  avaient,  sans  faire  de  tapage,  obtenu  des  résultats 
merveilleux.  L'Orthodoxie  était  réduite  aux  abois  dans  les  mon- 
tagnes de  'Akkâr  (1)  et  de  Safîtâ.  Quand  elle  a  trouvé  un  ap- 
pui dans  un  pouvoir  dont  on  ignorait  jusque-là  les  moyens 
d'action  en  ces  parages;  on  ne  pensait  qu'au  protestantisme  : 
soudain  derrière  l'orthodoxie  ébranlée,  le  colosse  russe  s'est 
dressé  et  il  a  jeté  dans  la  balance  le  poids  de  son  or  et  de 
son  influence  (2). 

Pour  le  moment  les  catholiques  de  Miniàra  respirent  :  après 
de  longues  tribulations  ils  ont  enfin  conquis  la  liberté  de  cons- 
cience. On  leur  a  élevé  un  bâtiment  assez  convenable,  servant 
la  semaine  d'école  et  le  dimanche  d'église.  La  présence  des 
PP.  Kyrillos  et  Barnier  nous  vaut  une  réception  des  plus  cor- 
diales. Nous  consacrons  la  matinée  du  lendemain  à  faire  plus 
ample  connaissance  avec  cette  intéressante  population.  Ce  qui 
assure  leur  persévérance  c'est,  outre  l'école,  la  présence  d'un 
excellent  curé,  un  converti  aussi,  Aboûna  Mihàïl,  qu'un  mal 
subit  devait,  hélas!  emporter  cinq  jours  après  notre  passage. 

A  midi  nous  quittons  Miniàra  pour  redescendre  dans  la 
plaine.  Au  bout  d'une  heure  nous  prenons  définitivement  le 
chemin  de  la  montagne,  que  nous  ne  quitterons  plus  pendant 
dix  jours.  Phénomène  rare  à  cette  époque  de  l'année,  le  temps 
continue  à  être  couvert.  Après  une  demi-heure  de  montée  nous 
arrivons  à  un  groupe  d'arbres.  Inutile  de  le  dire  :  ces  arbres 
abritent  des  tombes  où  de  pieux  musulmans  dorment  leur 
dernier  sommeil.  Tout  près,  dans  un  mur  de  pierres  sèches, 
deux  jarres  pleines  d'eau  offrent  leur  goulot  au  passant  altéré. 
Elles  sont  ainsi  chaque  jour  régulièrement  remplies  et  vidées 
en  souvenir  des  saints  personnages,  à  qui  la  terre  soit  légère! 

Au  delà  du  village  chrétien  de  Tilàl,  un  nouveau  groupe 
d'arbres  vénérés  pour  eux-mêmes,  sont  entourés  d'un  cercle 

(1)  Extrémité  septentrionale  de  la  chaine  du  Liban,  s'étendant  jusqu'au  Xahr 
al-Kabir.  Dans  les  textes  arabes  imprimés  on  confond  souvent  \-ikkar  et  'Akkâ 
(S. -Jean  d'Acre);  confusions  qui  fourniraient  matière  à  un  copieux  errata.  Ré- 
cemment un  envoi  d'argent  du  gouvernement  russe  a  causé  de  longues  discus- 
sions entre  les  évèques  orthodoxes  de  'Akkàr  et  de  'Akkà. 

{2)  On  consultera  utilement  l'article  de  .^I.  Fabln^  Pisani,  Les  Russes  en  Syrie, 
extrait  du  Correspondant,  189N. 


576  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

sacré  de  pierres  sèches  (1).  A  en  juger  par  quelques  autres 
spécimens  échappés  à  la  hache  des  bûcherons,  la  contrée  devait 
être  jadis  mieux  boisée. 

Le  soleil  va  disparaître  à  l'horizon  quand  nous  atteignons  le 
village  maronite  de  Dabàbiyé  (2),  point  culminant  au-dessus  de 
la  vallée  du  Nahr  al-Kabîr  ou  Eleiithérus  des  anciens.  Cette 
vallée  rappelle  celle  du  Laitûni;  seulement  la  brèche  de  TEleu- 
thérus  est  moins  sauvage  et  beaucoup  plus  large  que  celle  du 
Léontès.  Elle  a  aussi  joué  un  rôle  autrement  considérable  dans 
l'histoire  économique  et  sociale  de  la  Syrie.  L'étroite  gorge  où 
roule  le  Léontès  n'est  qu'un  accident  géologique,  un  ravin 
abrupt  où  il  y  a  place  tout  au  plus  pour  une  rivière  torren- 
tueuse. Le  Nahr  al-Kabîr  est  vraiment  un  fleuve  frontière,  déli- 
mitant le  Liban  au  nord,  et  séparant  de  la  Syrie  intérieure  les 
cantons  de  la  Phénicie  maritime.  Quand  on  l'a  franchi  on  s'a- 
perçoit promptement  qu'on  pénètre  dans  une  région  nouvelle, 
presque  une  terra  incoguita,  clont  l'aspect,  les  populations  ne 
rappellent  en  rien  la  Syro-Palestine  (3).  Cette  belle  vallée  de 
l'Eleuthérus  constitue  un  large  chemin  utilisé  de  tout  temps 
par  les  caravanes  et  aussi  par  les  armées  d'invasion,  le  seul 
passage  des  montagnes  de  la  Syrie,  qui  fût  aisément  franchis- 
sable. Situés  à  proximité  de  cette  voie  tracée  par  la  nature, 
Aradus  (1)  dans  l'antiquité  et  Tripoli  au  Moyen  Age  lui  furent 
redevables  de  leur  étonnante  prospérité.  Au  dire  d'un  savant 
assyriologue,  la  vallée  de  l'Eleuthérus  «  a  été  suivie  par  les  cara- 
vanes mésopotamiennes  dès  la  plus  haute  antiquité.  J'en  vois  un 
indice  non  équivoque  dans  le  nom  de  ce  petit  pays  d'Amurri  ou 
de  Martu,  en  face  d'Aradus,  que  tout  le  monde  connaissait  en 
Babylonie  plus  de  vingt-cinq,  peut-être  plus  de  trente  siècles 
avant  notre  ère.  Il  y  était  même  devenu  le  nom  de  toute  la 
Phénicie  et  de  l'Ouest,  Cette  dernière  signification  était  dès  lors 
si  familière  aux  Babyloniens  qu'ils  se  servaient  du  nom  d'A- 

(1)  Sur  le  culte  des  arbres  en  Syrie,  voir  notre  article  Mâdaba,  la  ville  des  mo- 
saïques, dans  Éludes,  20  déc.  1897,  p.  728. 

(2)  Peut-être  Bâbiya  dans  Idrîsi  (Syrie,  éd.  Gildemeister,  texte  aralje,  p.  18., 
).  13).  Le  texte  des  mss.  est  assez  corrompu  pour  autoriser  cette  conjecture.  Si  l'on 
objecte  les  indications  topographiques,  se  rappeler  qu'Idrîsî  ne  visita  point  la 
Syrie. 

(3)  Cfr.  Ritter,  Erdkunde  XXII,  805,  819. 

(4)  Avec  sa  fille  Marathus. 


AU    PAYS    DKS    XoSAII'iI.S.  577 

murri  ou  de  Martu  pour  la  délimitation  des  champs  dans  leurs 
contrats.  Us  disaient  :  Champ  attenant  à  la  propriété  d'un  tel 
au  nord,  à  la  propriété  d'un  tel  à  l'Amurri  ou  au  Martu,  c'est- 
à-dire  à  l'Ouest.  Cela  suppose  des  rapports  fréquents  entre  l'A- 
murri et  la  Babylonie,  et  l'on  n'imagine  guère  autre  chose  que  des 
relations  commerciales  (l)  »,  relations  aboutissant  à  Marathus, 
à  quelques  kilomètres  au  nord  du  Nahr  al-Kabîr  (2). 

Le  rôle  historique  de  la  vallée  de  l'Eleuthérus  est  loin  d'être 
terminé.  Tôt  ou  tard  on  songera  sérieusement  à  développer  les 
ressources  de  cette  incomparable  terre  syrienne.  Aradus  et  Ma- 
rathus ne  sont  plus  que  des  souvenirs;  mais  la  Tripoli  moderne 
est  admirablement  préparée  pour  recueillir  leur  héritage  com- 
mercial (3). 

En  face  de  Dabàbiyé,  sur  la  hauteur,  de  l'autre  côté  d'un  petit 
wàdi,  alïluentdu  Nahr  al-Kabîr,  se  dressent  les  modestes  bâtisses 
de  Saiydé,  notre  gîte  pour  cette  nuit. 

Notre  vue  a  mis  les  cloches  en  branle.  Après  avoir  abreuvé 
nos  chevaux  dans  l'Eleuthérus,  nous  escaladons  le  rude  sentier 
montant  en  zigzag,  et  malgré  l'obscurité  et  les  glissades  de  nos 
montures  sur  la  roche  polie  nous  arrivons  sans  encombre  au 
sommet  de  la  colline. 


11 


A  Saiydé  nous  sommes  chez  nous! 

Le  P.  Barnier  y  a  depuis  deux  ou  trois  ans  installé  une  école 
normale,  «  devant  fournir  de  professeurs  les  écoles  de  la  région, 
toutes  dues  à  son  infatigable  dévoùment  (4)  ».  Pour  le  moment 
les  jeunes  normaliens  en  vacances  nous  laissent  le  champ  libre. 
Car  si  l'espace  ne  fait  pas  défaut  sur  ce  plateau,  on  n'en  peut 
dire  autant  des   bâtiments   scolaires,  consistant  en  quelques 


(1)  Delatlro  S.  J.,  Le  pays  de  Chanaan,  bQ, 

(2)  La  prospérité  de  Marathus  dura  jusque  vers  le  commencement  de  Tère  oliré- 
tienne,  comme  l'attestent  ses  nombreuses  émissions  monétaires.  Cfr.  D"^  J.  Kou- 
vier,  L'ère  de  Maralhos  de  Phénicie  dans  /.  .4.  Sept.  1898. 

(3)  Cfr.  D"'  Diener,  Libanon.  Grundlinien  der  physkch.  Geuqrap.  u.  Geolog.  von 
Mitlel-Syrien,  110. 

(4)  R.  Dussaud,  Revue  archéologique,  1897,  p.   1  du  tiré  à  part, 

ORIENT   CHRÉTIEN.  39 


578  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

chambres,  construites  en  face  de  l'antique  sanctuaire  de  la 
Sainte  Vierge,  Saiydé,  Notre-Dame,  qui  a  laissé  son  nom  à  la 
colline.  De  temps  immémorial  on  est  venu  y  honorer  Marie. 
Vraisemblablement  cette  tradition  est  antérieure  au  temps  des 
Croisades. 

L'école  au  complet  compte,  outre  trois  maîtres,  «  une  quaran- 
taine d'élèves  dont  douze  externes;  ces  derniers,  âgés  de  douze 
à  treize  ans,  ont  commencé  l'étude  du  français  qu'ils  auront  à 
enseigner  plus  tard  concurremment  avec  l'arabe.  C'est  avec  un 
budget  de  trois  mille  francs  (moins  de  dix  francs  par  jour)  qu'il 
faut  payer  les  maîtres,  nourrir  toute  la  maisonnée,  acheter  les 
livres  et  les  fournitures  scolaires  et  pourvoir  à  l'entretien  de  la 
modeste  garde-robe  des  élèves  internes.  Pour  le  même  nombre 
d'élèves  l'école  normale  des  Russes  à  Nazareth  coûte  de  50  à 
60.000  francs.  Quel  trésor  d'abnégation  il  faut  pour  obtenir  des 
résultats  identiques  avec  des  budgets  aussi  disproportion- 
nés (1)  ». 

En  face  de  Saiydé,  dont  elle  n'est  séparée  que  par  un  petit 
ravin  ou  plutôt  par  une  profonde  tranchée,  artificielle  selon  nous, 
se  dresse  une  petite  colline,  ayant  jadis  porté  des  fortifications. 
On  reconnaît  sur  les  flancs  du  mamelon  quelques  pans  de  mur 
et  sur  le  petit  plateau  des  ruines  confuses,  des  arasements  de 
murs,  une  église  et  quelque  chose  comme  une  chapelle,  parfai- 
tement orientées.  «  Beaucoup  de  blocs  sont  taillés  à  bossage, 
quelques-uns  portent  une  croix.  Cela  suffit,  dit  M.  R.  Dussaud, 
pour  attribuer  ces  restes  aux  Francs.  »  Les  habitants  donnaient 
à  ces  ruines  le  nom  de  «  Qatat-Félis  »  ou  château  de  Félis. 
Effectivement  les  chartes  franques  signalent  en  ces  parages  un 
casai  (2)  Felicium  ou  Felitium,  propriété  de  la  famille  de  Puy- 
Laurens,  plus  tard  vendue  aux  Hospitaliers.  A  ces  derniers  il 
faut  sans  doute  attribuer  le  fortin  de  Qal'at-Félis.  Comme  lo- 
calité Saiydé  est  pourtant  antérieure  aux  Croisades,  témoin  le 
débris  d'inscription  grecque  ...AA<i>A6...  que  nous  avons  trouvé 

(1)  Pisani,  loc.  cil. 

(2)  D'après  Giiill.  de  Tyr,  le  casai  comptait  au  moins  cent  maisons.  En  accor- 
dant à  chaque  maison  cinq  habitants,  cela  ferait  pour  le  casai  une  population 
d'environ  500  âmes.  Comme  sur  la  colline  du  Qal'at  il  n'y  a  pas  place  pour  une 
telle  agglomération,  le  casai  de  Felicium  a  dû  s'étendre  sur  le  large  plateau  au 
N.-E.  de  l'église  actuelle,  où  l'on  est  étonné  de  retrouver  si  peu  de  vestiges  d'ha- 
bitations. 


AU    PAYS    Di:s    NOSAIIUS.  7)19 

sur  un  bloc  de  basalte.  Nous  sommes  tenté  d'y  voir  le  début 
d'un  nom  propre  que  nous  retrouverons  plus  tard  àBahloùniyé. 
Quelque  temps  après  notre  départ,  en  remuant  les  décombres 
du  Qal'at  on  a  découvert  les  fondements  d'une  nouvelle  église, 
identique  pour  le  plan  à  la  première.  Les  fouilles  ont  également 
mis  au  jour  une  épitaphe,  malheureusement  mutilée  et  brisée 
à  gauche.  Je  la  restitue  (1)  ainsi,  d'après  la  copie  envoyée  par  le 
Fr.  Théodore,   directeur  des  travaux  à  Saiydé   : 

"Ets(uç)  ..'j'  'Ap(-:£)[J.i(c7io)u  Aa  .  a;  Bt{z)Ki'^!x(piyo'j) 

C'est  l'épitaphe  d'un  certain  Dadas  ou  Damas  (2)  fils  de 
Beelbarachos  (3),  mort  au  mois  d'Arlémésius,  an  400  des  Sé- 
leucides  (88  de  J.-C).  Le  chiffre  des  centaines  u'  a  seul  été  con- 
servé (4).  Le  nom  tout  païen  de  BssXeapayo;;  (béni  par  Baal)  trouvé 
déjààHàlàt,  nonloin  d'ici,  par  M.  R.  Dussaud(5),  rend  vraisem- 
blable cette  date  relativement  élevée.  Il  est  impossible  que  les 
travaux  commencés  pour  la  construction  d'une  chapelle  à  Notre- 
Dame  du  Fort  n'amènent  pas  d'autres  découvertes. 

Bâti  au  confluent  de  trois  wâdis,  dominant  la  belle  vallée  de 
l'Eleuthérus,  Saiydé  jouit  d'un  air  pur,  constamment  renouvelé. 
Toute  la  nuit  la  brise  de  mer  passant  sur  le  plateau  nous  baigne 
d'une  caresse  fraîche,  nous  agite  d'une  sorte  de  renaissance 
bienfaisante,  et  apaise  nos  nerfs  qui  sortent  du  bain  des  lan- 
gueurs moites.  Cela  repose  des  deux  journées  passées  dans  l'hu- 
mide et  chaude  plaine  de  Tripoli. 


III 


Midi  est  passé  de  deux  heures  au  moins  quand  nous  nous 
ébranlons  dans  la  direction  de  l'est,  en  suivant  le  plateau,  en- 

(1)  Les  lettres  entre  parenthèses  ne  se  trouvent  pas  sur  la  pierre. 

(2)  La  lettre  du  milieu  est  effacée;  mais  les  deux  noms  ont  des  répondants  dans 
l'épigraphie  syrienne.  Voir  Waddington,  Inscriptions  de  Syrie  n°'  2566="  et  2(382. 
et  Archives  des  missions  scientifiques,  1895,  p.  576. 

(3)  Comparez  Barigbal  oi  Baricbal  dans  les  inscriptions  d'Alrique  C.  I.  L.  YIII 
Indices,]).  1020;  el  Archives  des  missions  scientifiques,  188S,  p.  14. 

(4)  Nous  donnerons  la  transcription  de  toutes  nos  inscriptions  en  cursices.  La 
discussion  de  ces  textes  épigraphiques  fera  le  sujet  d'un  iiutre  travail. 

(5)  Revue  archéologique,  p.  4.  Nous  citons  le  tiré  à  part. 


580  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

combré  de  gros  blocs  basaltir|ues.  Au  bout  d'une  demi-heure 
nous  aboutissons  au  village  maronite  de  Kafr  Noùn  (1).  Nous 
y  visitons  une  vieille  église  où  les  Grecs  orthodoxes  viennent 
de  loin  en  loin  dire  la  messe.  Au  fond  se  voit  un  autel,  composé 
de  matériaux  évidemment  anciens,  mais  anépigraphes.  Au 
sortir  de  l'église  on  me  signale  une  inscription  à  dix  minutes  de 
là,  au  sommet  d'un  mamelon  dans  la  direction  du  village  de 
Roummàh.  Le  renseignement  se  trouve  exact.  C'est  une  grosse 
pierre  ronde  en  basalte  à  surface  rugueuse,  cassée  de  deux  côtés 
au  moins.  Les  lettres  sont  irrégulières  et  mal  gravées.  L'inscrip- 
tion est  incomplète.  Nous  lisons  :  "Etcjç  au'  ir/;vbç  'AirsAXaiou 

Cette  pierre  tombale  —  car  c'en  est  une  —  nous  apprend  que 
le  défunt  est  mort  au  mois  d'ApelloBus,  an  401  de  l'ère  des  Sé- 
leucides,  soit  environ  89  de  J.-C.  Apelheus  correspond  à 
notre  mois  de  décembre.  Le  groupe  ABA  me  paraît  le  commen- 
cement d'un  nom  théophore,  quelque  'Abdtanit,  'Abdastaroth 
ou  'Abdousiris  (2). 

Comme  nous  prenons  la  direction  du  nord,  il  nous  faut  des- 
cendre dans  la  profonde  vallée  du  N.  al-Kabîr  et  par  une  rude 
montée  gagner  le  village  Nosairî  de  Dahloùmyé  (3)  construit 
sur  la  première  terrasse  dominant  la  rivière  et  où  des  restes  de 
l'antiquité  nous  avaient  été  indiqués.  Les  abords  du  village  sont 
encombrés  par  des  cadavres  de  bestiaux,  victimes  d'une  épizoo- 
tie  sévissant  depuis  des  années  dans  la  région.  On  ne  prend  pas 
la  peine  d'enterrer  ces  restes  :  les  cliiens,  les  chacals,  les  vau- 
tours s'en  chargeront.  La  remarque  de  M.  Pisani,  qui  a  passé  ici 
en  décembre  dernier,  est  toujours  vraie  :  «  Quel  que  soit  le 
chemin  qu'on  suive  en  ce  pays,  on  le  trouve  jalonné  par  les 
squelettes  blanchis  des  bœufs,  des  chevaux  et  des  chameaux 
qu'on  a  abandonnés  à  l'endroit  où  ils  sont  morts.  Pendant  la 
nuit  on  entend  le  cri  plaintif  du  chacal  qui  remplit  ses  fonc- 
tions de  préposé  à  la  salubrité  publique.  » 

L'accueil  est  très  froid  à  Bahloùniyé.  En  franchissant  l'Eleu- 
thérus  nous  avons  définitivement  pénétré  en  territoire  nosairî. 
A  notre  demande  s'il  y  a  des  inscriptions  on  répond  par  la  né- 

(1)  Il  y  a  aussi  quelques  maisons  de  Nosairîs. 

(2)  Ce  dernier  nom  paraît  dans  une  inscription  de  I.Iàlàt. 

(3)  Où  il  y  a  aussi  quelques  familles  chrétiennes. 


AU    l'AVS    UKS    NOSAIRIS.  081 

gative.  Nous  insistons  en  laissant  entrevoir  l'espérance  d'un 
baklichiche.  Un  Ijerger  nosairî  consent  alors  ànous  montrer  une 
pierre  engagée  dans  la  terrasse  d'un  champ  de  mûriers.  Elle 
porte  une  inscription  malheureusement  brisée  on  haut.  Nous 
en  prenons  un  estampage  et  une  copie  aussi.  Cette  dernière  pré- 
caution était  utile.  Pendant  que  l'estampage  sèche,  confié  à  la 
garde  de  notre  guide  chrétien,  nous  allons  examiner  les  ruines 
d'une  ancienne  église,  où,  au  dire  des  indigènes,  nous  trouve- 
rions des  «  hagar  maktoùb  »  ou  pierres  écrites.  En  remuant  les 
décombres  nous  découvrons  un  linteau  sculpté  avec  croix  byzan- 
tine :  c'est  tout. 

Nous  revenons  prendre  l'estampage.  Pendant  notre  absence 
un  rassemblement  de  Nosairîs  s'est  formé  autour  de  notre  chré- 
tien. Un  Nosairî  s'empare  de  l'estampage.  Comme  je  lui  réclame 
mon  bien,  il  me  répond  qu'il  me  le  livrera  contre  un  magidié. 
J'insiste  une  seconde  fois  et  l'engage  à  cesser  la  plaisanterie. 
Pour  toute  réponse  le  fellah  froisse  le  papier.  Je  n'y  tiens  plus 
et  lui  applique  sur  les  épaules  un  bon  coup  de  cravache  ;  grave 
imprudence!  car  je  me  trouvais  presque  seul  au  milieu  d'une 
troupe  de  Nosairis  qui  auraient  pu  me  faire  un  mauvais 
parti. 

Je  dois  le  déclarer  à  l'honneur  des  Nosairîs  :  c'est  le  seul  acte 
de  malveillance  dont  j'ai  été  l'objet  pendant  les  trois  semaines 
passées  au  milieu  d'eux.  Au  fond  c'était  la  cupidité  —  non  le 
fanatisme  —  qui  avait  inspiré  ce  naturel  de  Bahloùniyé.  On  ne 
voulut  jamais  me  donner  le  nom  du  coupable.  Avant  notre  dé- 
part plusieurs  villageois,  entre  autres  le  chef  de  la  fraction  chré- 
tienne, vinrent  nous  faire  des  excuses.  Malheureusement  la  nuit 
approchait;  il  était  trop  tard  pour  prendre  une  photographie  ou 
un  nouvel  estampage.  Je  dus  me  contenter  de  ma  copie  très 
défectueuse,  et  prise  à  la  hâte.  Voici  ce  que  j'y  lis  : 

[Mïjvbç  Fop-iaijou  oyJ  k-z.ktÙTr,GV/  'Aoa'^aOv:;  (?)  'Okz[j.z'j  3T(ov  ir/ 

«  An....?  24'  du  mois  deGorpia>usest  mort  Adaphathnos  (?)  fils 
d'Olemosà  l'âge  de  18  ans.  » 

Je  ne  puis  décider  si  ces  noms  propres  ont  des  analogues 
dans  l'épigraphie  syrienne.  Le  nom  d' Adaphathnos  me  semble 
devoir  être  rapproché  du  débris  de  Saiydé.  Partout  à  Bahlou- 


582  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

ïiiyé  j'aperçois  des  fragments  anciens  avec  la  croix  et  la  for- 
mule ï'O'jç  plus  OU  moins  complète;  les  dates  ont  disparu. 

Une  demi-heure  après,  nous  étions  au  village  maronite  de 
^Ozair.  Nous  y  faisons  notre  entrée  au  son  des  cloches  et  re- 
cevons chez  le  scheikh  de  l'endroit  une  hospitalité  cordiale  et 
presque  luxueuse.  Son  fils,  un  bon  prêtre  d'une  quarantaine 
d'années  à  la  barbe  blonde  (1),  est  curé  de  'Ozair.  L'entente  est 
donc  complète  entre  les  représentants  des  deux  pouvoirs.  'Ozair, 
si  je  ne  m'abuse,  serait  le  seul  village  maronite  entre  TEleuthérus 
et  le  bourg  de  Safîtà.  C'est  une  conquête  sur  les  Nosairîs  avec  les 
musulmans,  seuls  habitants  de  la  région. 

Dans  les  districts  reculés  de  la  Syrie,  il  y  a  plus  d'un  moyen 
d'apprécier,  de  doser  pour  ainsi  dire  le  degré  de  civilisation  des 
populations.  Je  ne  parle  pas  du  télégraphe.  A  l'exception  du 
gouvernement,  personne  ici  n'a  la  naïveté  d'en  faire  usage.  Ce 
serait  le  moyen  infaillible  de  ne  pas  voir  arriver  ses  missives 
à  destination. 

Le  tanaké  ou  caisse  de  pétrole  en  fer-blanc  est  un  indice 
autrement  exact.  Si  dans  la  cabane  vous  l'apercevez  sous  une 
forme  quelconque,  récipient,  ustensile  de  cuisine  etc.,  concluez 
que  les  indigènes  ont  commencé  à  sentir  quelques-uns  des  be- 
soins de  l'homme  civilisé.  Sur  la  côte  et  dans  les  villes  de  l'in- 
térieur, le  tanaké  sert  à  tous  les  usages  :  on  en  fait  des  arro- 
soirs, des  pots  de  fleurs,  etc.,  on  y  serre  les  provisions^  Un 
ferblantier  de  Homs  a  transformé  en  moins  d'une  heure  une 
de  ces  caisses  en  tubes  pour  mes  estampages.  Au  pays  des  No- 
sairîs, je  n'ai  vu  le  tanaké,  partant  le  pétrole,  que  dans  les  vil- 
lages chrétiens.  Pour  la  veillée  le  Nosairî  reste  dans  l'obscurité 
ou  se  contente  d'une  vieille  lampe  fumeuse. 

Après  le  tanaké  vient  la  boîte  de  conserves.  Sa  présence 
marque  un  degré  de  civihsation  supérieur;  aussi  subit-elle 
des  métamorphoses  correspondant  à  des  besoins  plus  relevés  : 
bouilloire  pour  le  café,  etc.  Ce  dernier  produit  est  complètement 
inconnu  ;  nous  ne  l'avons  trouvé  que  chez  le  scheikh  de  Bait- 
Na'sé.  Dans  toute  la  région  des  Nosairîs  la  vieille  boîte  de  con- 
serve est  à  peu  près  introuvable.  Le  passage  des  touristes  l'eût 
sans  doute  vulgarisée;  mais  fidèles  aux  recommandations  de 

(1)  Rare  parmi  los  Maronites. 


AU    PAYS    DFvS    NOSAIUIS.  583 

Bœdeker,  les  touristes  n'osent  affronter  un  pays  aussi  dange- 
reux ! 

Mais  par-dessus  tout,  la  tuile  trahit  la  pénétration  des  idées 
et  des  besoins  de  l'Occident  à  'Ozair. 

La  maison  du  sclieiivh  est  couverte  en  tuiles,  les  seules  du 
pays  avec  celles  de  Saiydé.  Le  village  a  un  air  d'aisance  et  de 
propreté  contrastant  avec  la  misère  des  agglomérations  no- 
sairies  que  nous  venons  de  traverser.  Le  lendemain  nous  cé- 
lébrâmes la  messe  dans  la  coquette  église,  la  seule  digne  de  ce 
nom,  au  N.  du  Xahr  al-Kabîr.  Vers  huit  heures  du  matin  nous 
partons  pour  Hàlàt,  village  à  une  demi-heure  \.-U.  de  'Ozair. 
Les  terrains  sont  d'une  grande  fertilité  et  admirablement  ar- 
rosés. C'est  suffisamment  indiquer  qu'ils  sont  entre  les  mains 
des  musulmans,  qui  ici  comme  ailleurs  se  sont  fait  la  part 
du  lion. 

M.  l'abbé  Pisani  propose  de  replacer  à  Hàlàt  l'ancienne 
ville  épiscopale  d'Éleuthéropolis  (1).  D'après  lui,  le  nom  actuel 
de  la  localité  autorise  cette  tentative  d'identification.  Nous 
n'oserions  être  aussi  affirmatif.  Hàlàt  est  un  vocable  franche- 
ment sémitique  et  l'aspiration  par  laquelle  il  débute  n'a  pas 
même  un  esprit  rude  correspondant  dans  le  nom  grec. 

En  traversant  le  village,  comme  nous  allions  examiner  l'in- 
téressante inscription  où  M.  Dussaud  a  lu  le  nom  cVW^t.ozJG'.pi^, 
nous  tombons  au  milieu  d'un  groupe  de  femmes  musulmanes. 
Elles  se  dispersent  en  hurlant  et  nous  maudissent,  nous  et 
les  pierres  qui  nous  ont  attirés  dans  leur  pays. 

Pendant  ce  temps  mes  compagnons  sont  installés  à  l'ombre 
de  grands  noyers  près  de  la  belle  fontaine  où  l'accueil  du  sexe 
fort  est  plus  engageant.  .J'y  remarque  deux  ou  trois  débris 
d'inscriptions  sur  des  dalles  au-dessus  de  la  source.  Le  village 
doit  en  receler  d'autres  :  mais  le  moyen  d'insister  avec  ces  po- 
pulations islamites  «  fières,  comme  aurait  dit  feu  Renan ,  de  ce 
qui  fait  leur  infériorité  »  ?  Il  faut  chercher  fortune  ailleurs. 

IV 

De  plus  en  plus  nous  nous  enfonçons  en  pays  nosairî.  Au 

(1)  Dont  l'existence  nous  est  inconnue.  l'Oriens  C/iris<iaH  «s  l'ignore  également. 


584  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

bout  d'une  heure  de  chevauchée  nous  apercevons  à  gauche,  sur 
un  monticule,  un  hameau;  c'e^t  TallSan'n.  Nous  attachons  nos 
chevaux  à  de  grands  arbres  abritant  le  tombeau  ou  mazâr 
d'un  certain  Saih  ÎMohammad.  Le  monument  est  un  petit  rec- 
tangle de  maçonnerie  fraîchement  badigeonné  et  recouvert 
d'un  écharpe  verte;  le  tout  est  enfermé  dans  une  enceinte  de 
pierres  sèches,  avec  ouverture  sur  l'orient. 

Notre  arrivée  a  provoqué  parmi  la  population  un  sauve-qui- 
peut  général.  Alafin,  sur  une  terrasse  un  homme  se  montre,  puis 
un  autre,  avec  lequel  nous  engageons  une  palabre  à  distance. 
L'examen  de  nos  personnes  paraît  les  impressionner  favorable- 
ment, car  nos  interlocuteurs  se  rapprochent.  Sur  notre  désirde 
voir  les  antiquités  du  village,  on  nous  conduit  devant  une  sorte 
de  stèle  en  basalte  d'un  mètre  de  haut  représentant  au-dessous 
d'un  cercle  un  personnage  à  tête  nimbée,  travail  d'ailleurs  très 
primitif.  Le  P.  CoUangettes  la  photographie  au  grand  ébahisse- 
mentdes  naturels.  Cette  opération  terminée,  nous  demandons  à 
voir  autre  chose  :  «  Il  n'y  a  plus  rien  !  »  Mais  il  doit  y  avoir  des 
«  pierres  écrites  y>.Lâ,  wallâh!  non,  par  Dieu  (1)  !  clament  une 
centaine  de  Nosairîs.  Là-dessus  nous  retournons  à  notre  cam- 
pement sous  les  arbres  du  mazâr.  Nous  y  sommes  bientôt  en- 
veloppés par  toute  la  population  de  Tall  Sarîn,  qui  en  moins 
d'un  quart  d'heure  a  passé  de  la  défiance  la  plus  absolue  à  la 
plus  surprenante  familiarité. 

Le  P.  CoUangettes,  en  sa  qualité  de  professeur  à  la  Faculté 
de  médecine,  est  le  haklm  (médecin)  de  l'expédition.  Il  est 
donc  assailli  de  malades  qui  viennent  lui  faire  le  récit  de  leurs 
souffrances,  nullement  imaginaires.  Le  Père  voit  ainsi  défiler 
dans  cette  foule  deux  lépreux;  les  malheureux  ne  se  doutent 
pas  plus  que  leurs  concitoyens  de  leur  triste  état.  Ils  ne  sont 
probablement  pas  les  seuls  infectés  de  la  région,  étant  donné 
la  malpropreté  où  croupissent  ces  pauvres  gens.  Entre  temps  le 
P.  Barnier  continue  ses  investigations.  Dans  la  cour  du  scheikh 
il  finit  par  découvrir  une  pierre  à  inscription.  Il  me  fait  avertir, 

(1)  Un  Nosairî  ne  peut  dii'c  trois  mots  sans  y  ajouter  rinterjection  wûllàh,  )iar 
Dieu;  lu  tvallàh,  non,  par  Dieu;  ih  tvalliih,  oui,  par  Dieu.  Parfois  toallàh  est 
remplacé  par  vjânnabî,  par  le  prophète;  ival-Hodr,  par  IJodr!  personnajce  réu- 
nissant dans  rimagination  musulmane  les  ti'aits  du  iiropliète  Élie  et  de  saint 
(Jeoi-ges. 


AU    PAYS    l)i;S    NdSAllUS.  585 

j'accours  aussitôt  avec  papier,  éponge  et  lirosse  et  me  mets  en 
devoir  de  procéder  à  un  estampage  en  règle,  quand  intervient 
la  femme  du  scheikh.  «  Jamais  s'écrie-t-elle,  je  ne  l'autoriserai, 
à  moins  que  Tagha  ne  le  permette!  »  L'agha  c'est  le  proprié- 
taire de  Tall  Sarîn,  un  musulman  résidant  à  quelques  lieues 
de  là.  En  même  temps  elle  retourne  la  pierre.  Je  suis  obligé 
de  lutter  avec  cette  mégère.  Finalement,  sur  nos  représentations 
et  celles  du  scheikh,  son  seigneur  et  maitre,  elle  veut  bien  se 
calmer.  Pendant  que  l'estampage  sèche,  je  dois  répondre  aux 
questions  des  Nosairîs.  Ils  ne  peuvent  comprendre  l'intérêt 
que  nous  inspirent  les  pierres  de  leur  pays.  Nous  devons  être 
des  chercheurs  de  trésors!  Et  devant  nos  sourires  d'incrédulité, 
d'autres  nous  demandent  si  nous  étions  parvenus  à  lire  les 
noms  de  nos  ancêtres  et  quand  donc  nous  reviendrions  prendre 
possession  de  leur  pays? 

Nous  avions  beau  protester  qu'il  ne  s'agissait  que  de  la  science 
et  de  l'histoire  de  leur  patrie,  nos  protestations  les  laissent 
incrédules.  N'importe!  nous  nous  quittons  bons  amis  :  au  dé- 
part, ils  m'offrent  même  d'emporter  la  pierre  écrite.  Pourtant 
ils  ne  sont  pas  entièrement  rassurés.  La  preuve,  c'est  que  je 
me  vois  obligé  de  ruser  pour  obtenir  d'eux  le  nom  exact  de 
leur  village.  Derrière  nous  ils  soupçonnent  des  agents  gouver- 
nementaux avec  une  élévation  de  taxes.  Pauvres  gens!  Il  ne 
faut  pas  leur  en  vouloir!  Le  passage  de  cavaliers  étrangers 
parmi  eux  est  toujours  suivi  d'une  augmentation  d'impôts  et 
du  contingent  militaire.  Hospes  Iwstis! 

Voici  maintenant  ce  que  porte  l'inscription;  elle  est  sur  ba- 
salte comme  presque  toutes  celles  de  la  région. 


"HItou^ç)  r/  îv(oixTi'ovo(;)  ■rrp£(T^SuTs(pou')  Za/^api'ou 


L'inscription  est  complète;  la  date  :  an  908  des  Séleucides,  est 
de  quelques  années  antérieure  à  l'invasion  persane  de  612.  Le 
chiffre  de  l'indiction  a  été  oublié.  Inscription  évidemment  chré- 
tienne comme  en  témoignent  le  nom  du  prêtre  Zacharie  et  aussi 
la  grande  croix  occupant  le  centre  de  la  pierre. 

Une  course  de  3/4  d'heure  dans  la  direction  du  N.-O.  nous 
amène  au  fond  d'un  vallon  bien  arrosé,  occupé  par  le  bourg 
de  Bait-Karûn.  Comme  il  est  midi,  nous  nous  proposons  tout 


586  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

naturellement  de  nous  arrêter  quelques  instants  chez  des  core- 
ligionnaires, dont  on  nous  a  signalé  la  présence  dans  ce  village 
nosairî.  Les  premières  personnes  à  qui  nous  nous  adressons  — 
c'étaient  des  orthodoxes,  nous  l'avons  su  plus  tard  —  n'osent  s'a- 
vouer chrétiens.  Doux  pays,  comme  on  y  comprend  le  proverbe  : 
la  prudence  est  la  mère  delà  sûreté!  Nous  finissons  par  tomber 
sur  une  famille  maronite,  où  nous  sommes  accueillis  avec  em- 
pressement. Vite  on  apporte  du  laban  (lait  caillé),  des  raisins  et 
des  figues;  accroupis  sous  une  vigne  s'avançant  en  forme  de 
tonnelle  sur  le  devant  de  la  maisonnette,  nous  faisons  honneur 
à  ce  festin  frugal.  C'est  une  des  plus  exquises  sensations  de  la 
Montagne  que  ces  haltes  en  plein  air,  où  l'on  se  délasse  un 
moment  des  rudes  fatigues  du  chemin.  Nous  retrouvons  à 
Bait-Karàn  l'inexprimable  charme  de  la  vraie  vie  orientale.  Ces 
ruisseaux  qui  coulent  à  nos  pieds,  dont  les  eaux  désaltèrent 
sans  alourdir,  cette  méridienne  en  compagnie  d'âmes  simples, 
ces  poulets  qui  picorent  dans  un  carré  de  pré  vert,  k  côté  des 
vaches  qui  ruminent  gravement  et  d'un  bourricot  qui  se  roule 
dans  la  poussière,  ces  masures  qu'on  aperçoit  à  travers  les  peu- 
pliers et  les  saules,  puis  par  delà  les  crêtes  du  ravin,  ces  mornes 
étendues  brûlées  qu'on  devine  sous  la  lourde  nappe  de  la 
chaleur  montant  du  sol  embrasé,  tout  dans  la  poétique  oasis 
se  combine  ou  s'oppose  de  manière  à  imprimer  une  grâce  pa- 
triarcale à  ces  courts  instants  de  repos. 

Point  d'inscriptions,  au  dire  des  habitants.  Les  ruines  se 
trouvent  au  milieu  de  jardins  luxuriants;  elles  paraissent  assez 
étendues.  Nous  y  avons  retrouvé  les  traces  de  deux  églises, 
plusieurs  l^elles  colonnes,  mais  pas  un  monument  écrit.  A  mon 
avis,  il  ne  faut  pas  désespérer  d'en  découvrir  dans  les  maisons 
du  village  actuel,  bâti,  comme  toujours,  avec  les  matériaux  de 
l'ancien.  Mais  nous  étions  trop  pressés  pour  nous  livrer  à  cette 
recherche  :  il  fallait  ce  soir-là  même  atteindre  Safîtâ. 

Après  une  halte  d'une  heure  à  peine,  nous  remontons  en  selle. 
Nous  ne  tardons  pas  à  couper  la  chaussée  de  Tripoli  à  Homs. 

A  trois  heures  nous  passons  devant  le  Borg  Maqsoùr  (1),  une 


(I)  Rôhricht  propose  de  l'idontifier  avec  le  «  Castellum  Bocheœ  »  des  croisés 
(ZDPV,  X,  259)  qui,  selon  toute  vraisemblance,  doit  être  placé  dans  la  célèbre 
plaine  <•  Al-Bouquai'a  »  au  sud  de  Qal'at  al-Hosn  :  nous  la  traverserons  plus  tard. 


AU    l'AVS    DKS    NOSAIRIS.  587 

ancienne  tour  de  guette  franque  prol)ablement  remaniée  par 
les  Sarrasins.  La  destruction  en  est  très  avancée.  Chaque  nouvelle 
secousse  de  tremblement  de  terre  en  détache  d'énormes  pans. 

Au  delà  c'est  une  vaste  plaine  sans  arbres,  couverte  d'im- 
menses champs  de  mais,  de  sorgho  et  de  sésame.  De  temps  en 
temps  la  monotonie  de  la  plaine  est  coupée  par  un  mamelon 
habituellement  revêtu  d'arbres  magnifiques.  Dans  mes  pérégri- 
nations à  travers  la  Syrie  je  ne  me  souviens  pas  avoir  rencontré 
leurs  pareils:  chênes,  micocouliers,  platanes,  etc.;  de  leurs 
troncs  noueux  s'échappent  des  branches  puissantes,  que  couron- 
nent d'énormes  panaches  de  verdure.  Jamais  la  cognée  ne 
les  a  touchés  (1).  Quel  dommage  que  le  D''  L.  Anderlind  n'ait 
pas  passé  par  ici  avant  de  faire  son  travail  sur  les  gros  arbres 
de  la  Syrie  ! 

Dans  ces  plaines  chauves  et  pelées,  rien  n'est  frais  et  mysté- 
rieux comme  la  vue  de  ces  vertes  oasis  !  Tels  étaient  sans  doute 
dans  l'antiquité  les  bosquets  sacrés  autour  des  temples  de  l'As- 
tarté  phénicienne.  L'on  comprend  l'irrésistible  attraction  exercée 
sur  les  populations  nosairies  par  les  mazârs  (2)  ou  tombeaux 
sacrés  qui  s'abritent  sous  ces  coupoles  verdoyantes,  «  sub  omni 
ligne  frondoso  »,  comme  dit  la  Bible. 

Depuis  longtemps  nous  avions  en  vue  sur  la  gauche  une  cons- 
truction blanche  pittoresquement  adossée  au  versant  des  col- 
lines, à  une  demi-heure  de  distance.  J'interroge  le  P.  Barnier 
et  voici  ce  qu'il  m'apprend. 

Les  Nosairis  ont  en  singulière  vénération  saint  Georges  ou 
al-Hodr,  comme  ils  l'appellent.  Souvent  ils  lui  vouent  en  tout 
ou  en  partie  leurs  chevaux,  chameaux,  vaches  etc.,  même  les 
enfants,  les  fdles  surtout.  Non  loin  d'ici,  près  de  la  source  du 
«  Fleuve  Sabbatique  »,  il  y  a  un  couvent  grec  orthodoxe,  dédié 
à  saint  Georges  et  à  ce  titre  très  fréquenté  par  les  Nosairîs. 

Quand  une  fdle  a  été  vouée  à  saint  (Tcorges,  c'est  la  dot  que 
tout  fiancé  doit  payer  à  la  famille  de  sa  future  qui  est  engagée,  au 
moins  partiellement.  Donc  quand  approche  le  jour  du  mariage 


Le  Borg  JVIaqsoùr  devait  être  dans  la  mouvance  des  terres  de  Safità  ilont  nous 
approchons  et  qui  appartenait  aux  Templiers. 

(1)  De  là  sans  doute  l'opinion  dont  parle  Cuinet  (la  Turquie  cVAsie,  II,  8)  que 
les  Nosairîs  adorent  les  arbres. 

(•2)  Littéralement  :  endroit  qu'on  visite,  lieu  de  pèlerinage. 


588  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

les  parents  viennent  avec  leur  fille  au  couvent  de  Saint-Georges  : 
«  Notre  enfant,  disent-ils  au  supérieur,  est  vouée  à  saint  Georges 
tout  entière  ou  pour  la  moitié  ou  pour  le  quart;  combien  Tes- 
times-tu?  »  Le  supérieur  fixe  alors  suivant  la  condition  de  la 
famille  le  taux  de  la  dot.  Est-on  tombé  d'accord,  le  fiancé  paie 
la  part  du  couvent.  Le  supérieur  les  renvoie  après  avoir  donné 
un  voile  ou  un  mouchoir  à  la  fille,  ou  quelque  autre  cadeau 
aux  parents. 

Les  vœux  faits  à  saint  Georges  étaient  si  fréquents  que  le 
couvent  avait  sur  différents  point  de  la  montagne  des  luaklls 
ou  représentants  chargés  de  les  recueillir.  Depuis  quelques 
années  cette  source  de  revenus  est  à  peu  près  tarie.  Pour  quelle 
raison?  Mystère!  D'aucuns  accusent  l'avarice  du  supérieur,  qui 
a  voulu  lésiner  sur  les  cadeaux  d'usage;  d'autres  mettent  en 
avant  certains  manques  de  respect  envers  les  clientes  de  Saint- 
Georges.  (v>uoi  qu'il  en  soit,  un  scheikh  nosairî  a  élevé  en  l'hon- 
neur de  Hodr  cette  coupole,  se  détachant  là-haut  toute  blanche 
sur  la  verdure  sombre;  et  de  plus  en  plus  ses  coreligionnaires 
oublient  le  chemin  du  couvent  orthodoxe  pour  prendre  celui  du 
nouveau  sanctuaire. 

Dans  les  baidars  (aires)  —  car  c'est  le  temps  delà  moisson  — 
hommes  et  bêtes  s'arrêtent,  et  dans  les  villages  exclusivement 
nosairîs  que  nous  longeons,  la  population  grimpe  sur  les  terrasses 
pour  voir  défiler  notre  caravane.  Braves  gens!  Les  touristes  ne 
les  ont  pas  encore  gâtés.  Bœdeker  nedéconseille-t-il  pas  (1)  à  ses 
lecteurs  de  visiter  le  district  de  Safîtâ  à  cause  du  manque  de 
sécurité?  Bien  loin  de  nous  effrayer,  ce  sont  les  paysans  eux- 
mêmes  qui  visiblement  ont  peur.  Ils  nous  prennent  pour  des 
cavaliers  gouvernementaux  :  c'est  tout  dire  ! 

Au  Moyen  Age  les  diverses  places  de  guerre  possédées  par 
les  croisés  étaient  reliées  entre  elles  par  un  système  de  petits 
postes  ou  tours  élevées  d'après  un  plan  uniforme.  A  5  heures 
nous  nous  trouvons  au  pied  d'un  de  ces  fortins,  appelé  Borg 
Mouhâé  (2);  c'est  un  donjon  carré  composé  de  deux  étages,  so- 
lidement voûtés.  Une  plate-forme  avec  parapet  crénelé  termine 
l'édifice.  Nous  avons  passé  aune  assez  faible  distance  de  Bonj  al- 

(1)  Palestina  und  Syrien,  4«  édit.,  p.  396. 

(2)  Sur  le  rivajïo,  outre  le  Nahr  Ibrahim  et  Gcbail,  une  vieille  tour  porte  égale- 
ment le  nom  de  B.  IMoidias  (Ritter,  Erdkunde  XVII,  57li). 


AU    l'AVS    DHS    i\(jSAIUIS.  080 

\Arah  quil  faut  peut-être  aussi  ranger  parmi  les  blockhaus  des 
Francs  syriens;  ainsi  que  le //o>y/  Maqsoùr,  malgré  les  piètres 
matériaux  utilisés  dans  sa  construction.  Celle  du  B.  Moulins  est 
soignée,  les  matériajx  sont  de  belle  dimension  et  vraisemblable- 
ment antérieurs  aux  croisades.  Nous  n'avons  pas  eu  le  temps  de 
nous  informer  si  dans  le  hameau  rangé  au  pied  du  borg  il  y  avait 
des  inscriptions  :  le  contraire  nous  paraît  très  invraisemblable. 

J'ai  oublié  de  mentionner  qu'un  peu  avant  d'atteindre 
B.  Mouhàs,  le  calcaire  réapparaît.  Depuis  Miniàra  nous  avons 
traversé  des  régions  où  le  basalte  règne  presque  exclusivemeni. 
Cette  prédominance  de  la  pierre  noire  contribue  à  donner  aux 
villages  déjà  si  misérables  des  Nosairîs  une  apparence  encore 
plus  maussade. 

Une  descente  de  cinq  minutes  nous  mène  au  Nahr  al-Abras 
dont  le  cours  supérieur  est  en  ce  moment  à  sec.  Mais  à  l'en- 
droit où  la  route  le  coupe,  trois  ou  quatre  sources  jaillissant 
en  jets  puissants  du  lit  même  de  la  rivière,  celle-ci  se  reforme 
immédiatement  et  crée  sur  ses  rives  de  luxuriants  jardins. 
Le  Nahr  al-Abras  a  profité  de  l'interruption  du  basalte  pour 
creuser  son  lit  dans  ces  couches  de  calcaire.  L'eau  filtre  dans 
ce  sous-sol  extrêmement  perméable  pour  réapparaître  en  masse 
au  pied  de  B.  Mouhàs.  C'est  le  cas  de  plusieurs  autres  petits 
fleuves  côtiers  du  pays  des  Nosairîs.  «  Ainsi  se  forment  des 
cours  d'eau  qui  n'ont  que  quelques  kilomètres  de  long  et  possè- 
dent dès  leur  source  le  débit  d'un  fleuve.  »  (R.  Dussaud.) 

Pendant  une  demi-heure  nous  remontons  la  rive  gauche  du 
nahr  pour  aboutir  au  village  mixte  de  Saisûniyé  (1).  Nous  y 
copions,  photographions  et  estampons  une  inscription  de  trois 
lignes,  gravée  sur  un  ancien  linteau  de  porte,  originaire,  nous 
dit-on,  de  B.  Mouhàs  :  ce  qui  confirmerait  mes  suppositions 
sur  l'existence  d'autres  monuments  épigraphiques  en  cette 
dernière  localité.  Outre  l'A  et  l'Q,  la  croix  du  milieu  est  ac- 
costée de  deux  paons  grossièrement  sculptés.  Nous  lisons  à  la 
première  ligne  : 

['Irijaouç  XlpKTTC))?  ô  toû  9(£o)û  u^^tô);  Ivôaoî  xâT0i3t(£)v  ...  (2). 

(1)  La  population  se  compose  de  nosairîs,  d'orthodoxes  et  de  quelques  (ir.'os 
Catholiques;  ces  derniers  nouveaux  convertis. 

(2)  D'après  les  usages  suivis  en  épigraphie,  nous  mettons  les  restitutions  entre 
crochets  [  ]  ;  la  parenthèse  renferme  les  lettres  corrigées  ou  suppléées.  Pour  la  l'or- 


590  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

A  la  seconde  ligne  on  distingue  clairement  'Icpoavrjç  ;  le  reste 
est  conjectural.  Le  sens  serait  :  «  Jésus-Clirit,  fils  de  Dieu, 
habite  ici;  cette  maison,  Jourdain  Ta  établie.  »  Je  considère 
'lopoâvYj;  comme  un  nom  de  personne.  Nous  connaissons  un 
'lopoâvv;;  évêque  d'Abila  (Syrie)  et  Jourdain  était  un  nom 
très  répandu  au  Moyen  Age.  Rappelons  que  le  paon  est  aussi 
symbole  du  baptême  (2);  de  là  peut-être  le  rapprochement 
avec  'lopoâvr,;.  Même  dans  les  parties  d'une  lecture  certaine, 
ce  texte  trahit  une  véritable  inexpérience  chez  l'auteur  de 
l'inscription  comme  chez  le  lapicide.  La  porte  reste  donc  ou- 
verte aux  conjectures. 

H.  Lammens,  s.  J. 
[A  suivre). 


mule  «  leChi'isl  liabite  ici  »  et  autres  analogues,  dont  on  possède  peu  d'exemples 
dans  Fépigraphie  chrétienne,  comparez  Edm.  Le  Blant,  Nouveau  recueil  des  ins- 
criptions chrétiennes  de  la  Gaule,  pp.  3,  4,  7. 


L'ORDINAL  COPTE 

{Suite.) 


CONSECRATION  D'UN  EVÊQUE 

{Suite  et  /in)  (1) 


OTApXHAlAKtOII 

c|Ai  iiiiciTeiJ:xi2k:  en^tiji  |)cv  iiiGriicKonoc 

^ape  iiienicKOlioc  c|ai  iiiiov.\i>:  (ui^ytoi  110(30-111011 
nietoeeii  UBopi  gaiinai  iieii  cauiiai  muoc|  iice\(t) 
iiiiov:vi.\'  t3>:eii  iie(j3^4)oi  ^Ape  niriAHA  TtoBe  epe  epAtj 
TOI  enouoiiT. 


(|)iiHr>  iiiiiAUTOKpAi(op.  0V02  iin(r(i  iini(3ii  tm(|(|. 
(|)icoT  iiTo  iiiue+^eiieuT  ovoe  i\^f  irro  iiou+  iiiBeii. 
iiooK  ne  -fi^oii  eTopBOHeiiJ  epoii.  nioiHiiii  ovoe  iiipeq- 
iioeoii.  iiKîOB'f' ovo?  niTA:xpo.  rcmeeMiK;  luiii  noiiiiAii- 
(t)toT.  iireuoT  lieu  +  aiiaav[ajU'Imo.  'fiipooAOKiA  ii(;ii 
ni(oiiJ3    lieu    'fAiiACTAciG    0V02  ece    iitotk    iiao   +aiii- 

etOIII.    11(311    niO'i':^AI   eT"JOII     IIAII    +HpO'i'   :l'JA    (31102. 

OK2(OTH  iioToii  iiiB(3ii.  iia:voii  IIAII.  ptoio  opoii.  Apee 
epoii.   ApioK(3iiAï.iii    o:v(oii    IJA2UOII.    a:o    iiook     i"Ap    ne 

(1)  Voy.  vol.  III,  p.  ;]1,  :^82,  425;  vol.  IV,  p.  KU.   IIG. 


592  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

ncvpxioii    iiiiiAp\ti)ii.   ovoe  iio'o   iriH   ijurc.   ovoe  <))iiiib 
iiiiiiiiir>.  ()V()2  riovpo   iiiovpcoov. 

iiBOK  (|)ii  oTAKfepiyi^i  ucbii  eiAKep^opn  uTeoucoq. 

()V()2  AKtîpeUOT  IliVq    eCtOlie   11(311  tîBtOA  II  1 1  HeTGX'je.   iieoK 
IcVp     11(3     fcOC|)IA     liaq     U<l)pHf     IIOVOprAIIOII.     eiiO.\2IT(3ll 

feKKAiiciA    lire    n6KXp(i.    oai    erAKpcoKj    epoc    uc|)piif 
iioviiieAeeT  (îiiAiiec. 

xe    iK^TOK    ne    <\)'i'    eT^toii     iiiiautoaviiaiioo.    ovoe 

IlilAlirOKpATtOp.   O'i  02    eCOK      reflKÏTOVpO     ll(3ll     IIKDOV. 
<|)l(OT    11(311    ll^lipi    11(311    IIUIIIA   eeovAii.    f  HOV. 

IJAp(3ll    IIIAp\IIAIAKU)ll   X(C)   I IT  AK|)((JI  1 1 IGIC 

iiieiioT  ti'if  iiiii()Va:ai  iimieT^AT.  (3qiiH()V  exmi 
iiiieTeovHT  jjeii  ovoikoiioiiia  beii  iiieKKAHCiA  tiij>()v 
(3eovAii.  0T02  eqei  f  iiov  2i3:(3ii  iiaiiiii  mpeq^eu^i  irio 
(|)f.   iimp(3orjVT(3poc   ovoe  iiii()iia\()(3   irre   niuoiiAOTii- 

piOII    AA.  

(3Bp(3q>'J(i)Mi  iienKîKOiioo  e+noAiG  uuai  \p(3  uni. 
uTeq,"j(orii  iiToq^yeBKO  iiiiiu.  c|>ii  (3TA(|utoii  iiiioq.  (|)H 
(3T  AiurooAq  ^Apoq.  OToe  Aqca):^ii  uaii  un(3q(3p(|>iit3i 
eoiiAiieq. 

T(()li2   IIOaJTeiJ   TUpOV  0V02  f  2o  (3IKrC   bA    IIHeTeOVIlT 

eepeqi    eepiii    63:toq    ii>:(3    iiieuoT    iitg    niiiiiA   gbovab. 
eiTGii  n:xiii3:oG  iigli  rgiiaaog   riipq.  .\g  kg  GAenGoii. 

(])on2K  n^pAK  (3iiiUAiJ6piya)ovx'ji  xm  mtaigvxh 


A2A    IKVG     Apnq     lieu     U^A     UIIGKOUieeU     IIIOVpATIKOU. 

eiiiA  j)Gii  oviiiix-JA  eBOA^ireii  eu  e'reetoKUUAT  U(\ipu)Ui. 
e:±jeii:±ji  iiiiGKpAii  iiGU  ii(3KUAiiep,'y(()()Viyi  eoovAB.  ovoe 
iiTeqAuoiii  uiiGKAAOG  j)eii  ovTovBo  lieu  ovueeuui. 
ovo?    UTe(|iyA^ui     eiiiKAiipoG     me     iiiAnoG.     2iTeu 


CONSÉGHATION    I)'UN   KVÉQur:.  593 

HIII(;^,"H;Heil'l'     iriM;      I  I  (;  K  I  I  ()  I  I  ()  l'(;  I  I  M  C      li:')ll|)l.      IKillO'C      MIC 

n\c.  <|)Ai  eT(j. 

ct)()lieK  GIIGII(;HT  V(()  HTUKO'i'IIIAII  (-AnU  TcV(|)(;  UIIKXO- 
e(;ll     lir.(;pi     UA|)(;     1 1 1  A  |)  \  I  I  A  I  A  K  (()  I  I    (Oyj. 

02I  epATeii  emiov  iiKAAtoc.  oei  opAxeii  eiiiiov  jxîii 
OTceep-f-ep.    021     npATGii    oiiiiov     j)Oii    ovvcv\ia.    021 

epATeil  BHIIOV  j)(3ll  OVOOlilO.  02I  epATCll  OlIIIO'i-  j)(;ll 
OT^O-f.  TtOB?  TUpOV  IKillAII  IKJII  II  ICI  I  KJKOI  lOG  OTOOVIIT, 
0V02  (|AI    lllIGTeilAlA  (3li:^'J(OI. 

OToe  iaape  uieniCKonoc  coTTeii  iiovA:ia:  gboa  iicecri 
weu  iieqA:(t>o'  ^yApe  ne  nATcoBe  ii-fevAii  iixipoAcoiiiA 

<|)H       GT^On       (J>H"B      nO-G      <\^f      nAHTOKpATCOp      (|)ICOT 

unGNCTC.    0T02    neiiiiovi~.    ovoe   neiiccoTHp    ihg    nxc. 

niOTAI  UUATATCJ  G  IG  UnOVUAGtj  0V02  IIATAp\H  OVO? 
NATGpOTpO,    G2PHI    GA(t)q. 

c|)H  GT^yon  llCIlOV  lllliGII  0T02  GT^OR  lîAXGII  IIIGIIGe, 
niATA:tOK.  0V02  GT(rOGI  CAH^tOI  IIUAVATC|  niCO<t)OC 
UUAVATq.      niAPABOG      UUAVATq.       IIIABIIAV      Gpoq.      jiGIJ 

TGqcJivcic.    niAiiApxoc  ovo?  q^oii  J)atc)T(|    iixg  niGui. 

niAT,"J0pqqGl30VII       Oroe       IIACVKpiTOC.       (|>ll        GTCtOOVII 

ijiJHGT2Hn  0T02  gtccjuotu  mzojb  iiibgii  iiiiaiitov  >yu)ni. 
(|)ii     GT^on    Idgii     iihgtctoci     ovo?     gtaov^t     ga:gii 

IIHGTeGBIHOVT.  (|>H  GTAqf  ll2AII20pOC  II2AIIGKK.\HCI AC- 
TIKOII  GBOA2ITGII  HGt)  LIOIIOrGII  HC  ll^yiipi.  RGHCrC  IHG  nvp 
HGIi      ni  II  11  A      GSOVAB.      (|)ll      GTAqeOJiy      II2AMOTHB      IGAGIi 

^opn   Gepovoei    GpATov    GnGKAAOG.    c|)Ai    GTG    unGq\a) 

nGqUA    GGOTAB    GqOI    IIAT^GLI^I. 

(|)n  GTAqfuAf  GO'KOOV  J3GII  llll  GTA(|GOTnOV.  UBOK 
on    filOV   AO)^     MTAOU    IJTG     MGKnilA    ZVPGUtOn  I  KOll .   (|)ll 

ORIENT   CHRÉTIEN.  40 


594  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

(îTAKepeuOT  IJUOq  IJII6KAnOGTOAOC  GHOTAB.  j)6ll  HeK- 
pAII.    UOI    OVIJ     UllAieUOT     IIOTtOT     t32pMI     63:611     neKIKOK 

iiiLi.  (J)Ai  6TtVKOOTnt|  ii6nicKonoc  eepeqtvuoiji  un6Ko?i 

6eOVAB. 

0V02  iiTeq^ytoni  iiak  iipeq^eu^i  beii  ovueTATA- 
piKi.  ovo?  qTtoB2  iiAepeiJ  TeKU6TArAooc  unieeoov  iieu 
mexojpe.  6qetoov"f-  ebovii  unApieiioc  iiiiH6eiiAiioe6u 

6qilAIIII   6b0Vll    lllllAtOpOII.   j)6ll  'hATIA  II6KKAHCIA, 

A2A    <J)KOT    ninAIITOKpATCOp  6BOAeiTOTq    Ull6K\pC.    UOI 

WAq  iieu6TovciA  iJTe  n6KiiA  6eovAB.  2(oc  Ae  eopeq- 
;ya)ni  iiTorq  11x6  nmp^i^i  6\a  iiobi  6boa.  kata  +611- 
TOAH  HT6  neKuoiioreiiHG  iJ^Hpi  iHc  ii\c  neiicrc. 

6q'f  U2AIIKAHpO(:  KATA  I  l6qOVAeOA2l  1 1  GIimpAAlOII. 
0V02  GBOA  IICIIAV?  IIIB6II  1 1  K  AHC  I  AfîTI  KOI  1 .  6ep  2AIIHI 
UB6pi  ll6VKTHpiOII.    11611  e6pAriAÏJ  II   II2AI  lOVCI  ACTUpiOII . 

0V02   iiT6q^cju    iieqpA    iiak    Ijeii    ovueTp6LipAT^,    iieu 

OV2HT  6qe6BIHOVT.  6qilll  IIAK  6J30TI1  J36II  OVU6TATA(ri  1 1 
II6U  OVlJ6TATApiKI.  I  JOV^O'i\"JCO'r>y  I  6qeOVAB,  IIAT(t)eilll- 
CIJO(|       eBOAH.       lUVCTHpiOll        IIT6       TAIAIAOHKH        MB6pi. 

6VOOOI    iiceoi    iioqi. 

O  ApXHAlAKUJII  TtOK  eAeetou6iJ 

ApiKATAglOIII  IKrC  LIA^q  6BQAJ36II  2AII2UOT  IITAArFO. 
II6U  OVCA,\l  IICBCjO.  6ep6qiyCOni  IIO'AVUtOIT  IIIIIB6AA6T. 
II6U   OVO'i'CjUllli    1111116^^  l^eu    nXAKI    lip6q+CBtO    IIUIAT2HT. 

eqoi  iipeq6povcjoiiii  J36ii   niKoouoc. 

6(|^coT    6BOA    i.iricA3:i    ii'fu6eiiiii.    6qTeiietoii    uiioq 

6IIIUAII6G(OOV  IIAAHOIIIOII.  6q\CO  IIT6q'l*V\H  62pHI  6^:611 
Meq66tOO'i'.    eillA    IIAipilf^    IIT6qC6BTe    lll'l'V\H    6TAVT(3II- 

20VT  (jptoov.  o'i'o?  iiooq  etocj    iiTeqceBTto+q  6ipi  kata 

n6KOVCO:^^J  600VAB.  HTeqX6U  nipil-f-  IlOei  6pATq  j)6IJ 
OVriAppnciA.   IIAep6H    n  IBM  LIA  6TOI  lieoi".  6q3^0T^T  6BOA- 


CONSKCHATIO.N    d'lN    ÉVKQLK.  595 

j)cVT?ll     IIIIIIIIVI+    llli(}\(;.     <|)AI     (;TAK(;(;li'l(()r()      llllll     (-IcW- 

(■AAO|>i'r(i'i*iii  eiitiii  iiiei{oi,"j  iirti  iii(;VAri*n.\i()ii. 

AiioK  A(;  ^^^n  iurc  iiAi-o'/iioi  (;r>(>^^A  iior.i  iiii>>(;ii  iiyMniiio 

OVOe    ApiT   ll|>Hire(3  (HiOAeA    niK-l-CillO'/l    lllilll    IIIIOI.   <>|-|-(;ll 

•f  iK-TiK-ci  riA  nid   ii(;Kii()ii()i'(;iiiio  ii^'iiipi.    ii(-ii()(;  o'/oe 
iitiiiii()'i"+.  o'i'oe  ii(;ii(;(()  riip   iik;.   ii\|).   <|)AI  (■•|(;. 

A(|^AIIKIIII         ACj(|)()II^q  (3ll(;l(;r>'r        (;  I  1 1 1 1  Al  l()|>X'Jt()(>'/^  I 

HTet)a:a)  uiiiaiimii  i  ^'JAq3:a)  iiiiAii^^o 

a:ov^yT  e?piii  (jacoii  iitrc  iieu  e^nn  iieii^eu^i.  ovo? 
iiATOVBOii   (;b()A2a  o^Aljeu    iiiiieii.   ovtopn   gbo.v    uii,"J(()i 

ei^^eil     IIGKBCOK    (i)AI     liri(3K?ll()r    IIAp\H(;pATIKOII,     20ll(()(; 

iiTeqepiieuii^A  erreii  iieK'fuA'f.  6A110111  iineK.vAoc  jiCiii 

OTUBTATApiKI.    IIGII    0VTA20    epATq    HTOKfJKKMICI A. 

XG  neoK  eT^oii  iiiiAHT  1)61^1  neKovto,"j.  0V02  qepnpeni 

IIAK    li:s:e    IIIIAIO  2ITBII    OVOII     IIIBeil    llCill   -f lipOOKVIIHCIC. 

c|)iu>T  1161.1  n^^npi  lieu  iiiiiiia  eeo'i'AB.  'fiiov. 

KOTK  OepAK  tilieUfJUT   Api  Cc|)pAriir.M  I    MTAC|)(;   linK|)0^6ll 

iiBepi  uneKiii:yf  iithb  r  iicon  6Ki:a)  uuoc. 

eiiecjueeii  unAiiiii  iihiiickoiioc.  JXîIi  'fAruv  iieKK.viioiA 
nre  taiiiu  iiiiomo  iiiiai  \pc.  iKiii  nececo^y  ijeii  (^P^v" 
U(|)itOT  lieu   ii^jupi.   lieu  niiiiiA  eeovAB. 

UeiieilGA  IIAI  IIOI2l«)Tt|  l|-hcTOAII  THpc  lliepATIKOll 
'fcTOAH    IIOTtOB^     -flxOVAAA    IIOVCOB^    niUAAIII      IIOVtOB^y 

eKXco  UUOC 

OTtuov  lieu  ovTAio  ii+rpiAo  eeovAB.  (|)icc)t  iieu 
n^upi  lieu  niniiA  (jgovab.  iikaboaiku  iiauoctoaiku 
iieKKAueiA.  qcuApcoovT  ij:v:e  iicrc  <\)f  ^a  eiiee  auhii. 


596  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

KOTK  eneueiiT  Apicc|)pAriï.iij  iiTA(|)e  uni(|>o^eii  ueepi 
iiiinKiii,"j+  iiTHB  !•  iicon  (3K:xa)  uuoc 

eiJG«J26u  iinictorn  iitg  <\)i^  nAiiiu  iienicKonoc.  jjeij 

"foVI     UUAVATC     eeOVAB     IIATBCOA    eBtOA    lieKKAHCliV.    MTe 

niAeiiAV  epoq  ovoe  eTOiib  (^f.  irre  +uai  \pc  unoAic 
IIT6  iiiopeoAogoc  TAiiiii  iieii  necoo^y. 

eovujov  lieu  ovtaio  ii(J)pcVii  ii-f nAiiAriA  rpiAc.  ot?i- 

pHNH  lieu  OTKCjOT  IITG  i~eKKAHCIA  eOOVAB.  eOVBLIAlO  HTG 
eAlieAII  IILIHI.  lieu  2AIIOHOpn  GBOA  eVBOVAB.  IIGU  2AII- 
AtOpOII  6VTOVBIIOTT.  GOTAIIACTACIC  GB0a]3GII  IIHGBUtO- 
OTT.    eOVApHB    IIATTAKO    ^^[a]    6IJG2   AUHII. 

O    AAOO   Agi  OC    Agi  OC  Agi  OC 
O   ApXHAlAKtOII    XU)    HUAI 

LIApGII    THpGIJGII    "feo    3:G 
KG    GAGHCOM 

TtOB2  eOBG  f-OTI  liUAVATC  IIKABOAIKH  II  AI  lOCTOAl  KH 
IIGKKAMCIA.  0AI  GT^OII  IC3:GII  ATpHX  ll+OI  K()'i"UGII  H  ^A 
AVpH3>:.    GHTtOB2    LinO^C   GIJ3:tO    UUOC    XG 

KG    GAGHCOIJ 

T(OB2  GBBG  OVIIAI  IIGU  OT2ipHIIH  IIIIGlH"i"\'H  GlIXtO 
UUOC    XG 

KG    GAGHCOII 

TUJB2  eOBG    UGIIItOT    GBOTAB   GTTAIHOVT  GBOA2ITGII   c|)'f 

iJApvHGnicKonoc  nAiiiii  (iii+eo  cno'c  gbbhïci  6113:10  2ce 

KG   GAGHCOII 


TtOB2      HTG      IllililA     GOOVAB.     I     G'^pUI     C3:GII      HAICtOTH 


.CONSÉCRATION    d'iX    V.VVJiV.K.  '}^1 

IKHIICKOIKX;.  Il(;ll  lll\AAI-\  Il  r(;  1 1 1  ,\  I  M  l(  ;()l  II  I  +  .  rJOHi"  lic|)-f 
HT(i    lltOOV    jXill    OVOHOAA".    (]ll,\(()    IIIIOC     IIIIX)'/    A(; 

Ke  (]A(;ii(U)ii 

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UeTIIIX''i~.  0V02  AKXtO^  IITGKACOpfSA  lipAllAO  6Aeil 
neKBlOK  III  II.  '1611+20  0V02  T6IITtOB2  LIIIOK  (1)11  MB  CtOT(3U 
epoil.  6BO.\2ITeil  IIA^AI  IIT(3  lieKUt3T^6ll2HT .  IIAUA+ 
?IX61J  'fxipOACOIIIA  IITG  +ApXH6pOCVII  H  6TAC^COni  63:611 
neKBOJK    riAIIIU.    niOCICOTATOC  2IA6II    niAIIII  6J)pHI   6A<-Oq 

IIT6  neKniiA  eeovAB  ovoe   covtcoii   niotoeeii    ut6   ri6(|- 


A'IlIGtOTII     jjeil      OTTOTBO       II6U       OV2IIOT       IIT(3       I16KIIIIA 

600VAB.  0V02  coTneii   iieiiAC)   eiiiArAOoii.  eopeiiepecoB 
o'i'oe  UT6IIOM  uriiA4>t>  HTe  niAiiitrcop.  eiiiA  irreiKn  ii6U 

OTOII    IIIBeil    6Tipi    UII6KO'ï'tO^    ICAeiJ    n6ll62. 

uniB6\e  iiTe  ninicToc  iioikoiiolioc.  j)6ii  'fnApovciA 
IIT6  neiio^c  0V02  neiiiiov'f".  ovo?  neiiccoTHp.  iik;  n\c. 

<|)AI   eT6. 

U6II6IICA     MAI     ^Ap6     IIAIIA    AAtO     lipHIIH     nACIII.     OVO? 

^AVTA2o  unieniCKonoc  iiB6pi  epATt|  ca  oviiiaii  uniov- 

(JIACTHpiOll   6pe   lll6VArr6AIOII    1)611   IM3C|AUIip  OVO?  ^Ap6 

ninAiiA     KOT(|     eiA6ii     niCTuepoiioc     iiTeq26UC|     ovo? 


598  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

^yav.xfi  iiinpoAoï'oii   iieu    ni'l-AAuoc  iieu    nierArreAiou 

KATA  +KA2C. 

0V02  ^yAC|i  enecHT  ovoe  iiTeqeponiTeAiu  ii'fAiiAc|)opA 
eeovAii.  0V02  u'reqcri  tiBo\l3eii  uiuTCTiipiou  ovoe 
uTecj-f  uiJienicKonoc  oToe  ueiiecojc  c|)U)^  uniuiiK  iieu 
nienicKonoc  uBepi  ovoe  iiTeq-f  iiac|  eBOA^eii  riinoTH- 
pioii  UT6  nioiioq  hoovab  ita  irreq'f  iiAq  uneq^yAi. 

HTeqTAAO  iJTeqoriiiAu  e2ceii  T6qAc|)e  epe  oroii 
iiiBeii  co^  eBo\  XG  Agioc  Agioc  Agioc  enicKonoG  noAeoc 

mu     UTOIIOUOAVTHG     AV^^AIli-     M-teipHIIH     «MApti     IIIIIAnA 

02I  epATq  irreqBA^  ii+gtoah  uiepATiKoii  ii-f-eitoTq 
ii-fcTOAH  lixAue.  6TI  eqc3pcTOAï.i ij  uuoq  epe  UIKAHpOC 
ep'hAAiii  iJiiii  eïToiiiq  ^aii  kiiii  ^Aveeuci  kata 
opAiiioii  beii  noT3:iM^e  ehovii  enicTiinpiToc  oToe 
^AV3:«)  iiiiiene  iioc  iieu  iiicjxoijh  ^MAvf  ii+uAeB'f 
iieipHiiH  ^''JApH  ninAiiA-f  iiAq  ii-feipHiJH  lieu  iiienicKonoc 
lieu  iJiovHB  eovtoov  uiio^c. 


TRADUCTION 


L"archidiacre  : 

Élevons  nos  mains  au-dessus  de  l'cvêque. 

Que  les  évoques  lèvent  leurs  mains,  qu'ils  touchent  le  nouvel  appelé 
çà  et  là,  qu'ils  posent  leurs  mains  sur  ses  épaules  et  que  le  pape  prie, 
étant  tourné  vers  l'Occident  : 

Dieu  tout-puissant,  et  Seigneur  de  toutes  les  œuvres,  Père 
des  miséricordes  et  Dieu  de  toute  force,  Toi  qui  es  la  force  pour 
nous  secourir,  le  médecin  et  le  Sauveur,  le  rempart  et  le  soutien, 
notre  espérance  et  notre  refuge,  la  grâce  et  la  lumière,  l'attente 
et  la  vie  et  la  résurrection,  c'est  de  Toi  que  nous  viendra  la  ré- 
conciliation et  le  salut  jusqu'à  l'éternité. 

Tu  réconcilies  tout  le  monde;  fortifie-nous,  conserve-nous, 
sauve-nous;  protège-nous  et  sauve-nous ,  parce  que  Tu  es  le 
Chef  des  chefs,  et  le  Seigneur  des  seigneurs  et  le  Dieu  des  dieux 
et  le  Roi  des  rois. 

Toi  qui  as  revêtu  d'autorité  celui  que  Tu  as  constitué;  et  Tu 
lui  as  donné  de  manifester  les  choses  convenables;  c'est  Toi 
qui  es  sa  sagesse,  comme  de  l'organe  de  l'Église  de  ton  Christ, 
sur  laquelle  Tu  veilles  comme  sur  une  bonne  épouse. 

Car  Tu  es  le  Dieu  tout-puissant  et  tout  fort;  et  c'est  à  Toi 
qu'appartient  la  royauté  et  la  gloire,  Père,  Fils  et  Saint-Esprit, 
à  présent,  etc. 

Que  l'archidiacre  dise  cette  prière  : 

Que  la  grâce  donne  le  salut  aux  indigents ,  venant  en  ceux 
qui  sont  assemblés  pour  l'économie  dans  toutes  les  saintes 
Églises,  et  venant  en  ce  moment  en  tout  ministre  de  Dieu, 
prêtre  et  moine  du  monastère. 


600  REVUE    DE    l'orient  CHRÉTIEN. 

Pour  qu'il  devienne  évêque  de  la  ville;  qu'il  soit  la  récom- 
pense de  quiconque  se  repose  en  lui ,  que  Dieu  lui  a  amené  et 
qui  nous  a  laissé  son  bon  souvenir  (1). 

Priez  tous  et  suppliez  le  Seigneur,  afin  que  descende  en  lui 
la  grâce  du  Saint-Esprit,  et  que  tout  notre  peuple  dise  :  Sei- 
gneur, ayez  pitié. 

Tourne-toi  vers  l'autel  et  dis  cette  prière  : 

Seigneur,  rends-le  digne  de  ton  appel  sacré,  afin  que  dans  la 
dignité  qui  vient  de  Toi,  très  miséricordieux,  il  serve  à  ton  nom 
et  à  ton  autel  sacré ,  et  gouverne  ton  peuple  dans  la  sainteté  et 
la  justice. 

Et  qu'il  obtienne  le  sort  des  saints,  dans  la  miséricorde  de 
ton  Fils  Unique,  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  celui  qui,  etc. 

Tourne-toi  vers  TOccident,  pose  ta  main  droite  sur  la  tête  de  l'appelé; 
que  Tarchidiacre  dise  de  nouveau  : 

Tenez-vous  bien;  tenez-vous  dans  la  crainte,  tenez- vous  dans 
la  tranquillité,  tenez-vous  dans  l'humilité,  tenez-vous  dans  le 
tremblement;  priez  tous  avec  nous  et  les  évoques  assemblés,  et 
élevez  vos  mains. 

Que  les  évêques  étendent  leurs  mains  au-dessus  de  ses  épaules,  et  qu'on 
dise  la  prière  de  l'imposition  des  mains  : 

Seigneur  Dieu  tout-puissant,  Père  de  notre  Seigneur  et  notre 
Dieu  et  notre  Sauveur  Jésus-Christ,  seul  non  engendré  et  sans 
commencement,  et  sur  lequel  personne  ne  règne. 

Étant  dans  tous  les  temps  et  avant  les  siècles,  sans  fin,  seul 
Très-Haut  et  seul  sage  et  seul  bon,  invisible  dans  sa  nature, 
sans  commencement,  et  possédant  toute  science ,  incompréhen- 
sible et  indéfinissable,  connaissant  ce  qui  est  caché,  et  connais- 
sant tout,  présent  à  tout  ; 

Qui  est  dans  les  cieux  et  considère  les  humbles,  qui  a  donné 
les  canons  ecclésiastiques  par  son  Fils  Unique,  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  et  le  Saint-Esprit,  qui  a  institué  au  début  des  prêtres 

(1)  Passage  assez  obscur. 


.CONSKCHATIOX    d'fN    KVKQUE.  <)(J1 

au  milieu  de  ton  peuple,  et  n'a  pas  établi  son  saint  li<'u  pour 
être  sans  culte  ; 

Qui  s'est  plu  à  être  glorifié  dans  ceux  qu'il  a  choisis.  Mainte- 
nant répands  de  nouveau  la  force  de  ton  Esprit  directeur,  que 
Tu  donnas  à  tes  saints  apôtres  dans  ton  nom;  accorde  donc 
également  cette  gTàce  à  ton  serviteur,  que  Tu  as  choisi  comme 
évêque  pour  paître  ton  troupeau  sacré. 

Et  qu'il  soit  un  ministre  irrépréhensible,  et  qu'il  supplie 
auprès  de  ta  bonté  le  jour  et  la  nuit,  conservant  ceux  qui  doivent 
être  sauvés,  et  offrant  des  dons  dans  la  sainte  Église; 

Père  tout-puissant,  accorde-lui  la  participation  de  ton  Saint- 
Esprit,  afin  qu'il  ait  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés,  selon  le 
précepte  de  ton  Fils  Unique,  Notre-Seigneur  Jésus-Christ; 

Déliant,  selon  son  commandement,  le  clergé  de  tous  les  liens 
ecclésiastiques;  pour  faire  une  nouvelle  maison  de  prières,  et 
sanctifier  les  sacrifices  :  et  qu'il  multiplie  pour  Toi  son  action 
dans  la  mansuétude  et  avec  un  cœur  humble ,  t'offrant  le  saint 
sacrifice  d'une  manière  innocente  et  irrépréhensible ,  sans  effu- 
sion de  sang,  le  mystère  de  la  nouvelle  alliance;  un  sacrifice 
d'agréable  odeur. 

L'archidiacre  dit  :  prions  : 

Daignez,  Seigneur,  le  remplir  de  vos  grâces,  de  vos  grâces  mé- 
dicinales et  des  paroles  de  science,  afin  qu'il  soit  un  conducteur 
pour  les  aveugles  et  une  lumière  pour  ceux  qui  sont  dans  les 
ténèbres,  et  un  docteur  pour  les  insensés,  et  qu'il  brille  dans  le 
monde  ; 

Qu'il  rompe  la  parole  de  vérité,  qu'il  ressemble  à  un  vrai  pas- 
teur, donnant  son  âme  pour  ses  brebis,  afin  qu'il  dirige  ainsi  les 
âmes  qui  se  confient  en  lui ,  et  se  prépare  aussi  lui-même  à  agir 
selon  ta  volonté  sainte,  et  trouve  ainsi  la  comparution  avec  con- 
fiance devant  le  tribunal  de  crainte,  et  reçoive  la  grande  ré- 
compense que  Tu  as  préparée  à  ceux  qui  ont  adoré  dans  la  pré- 
dication de  l'Évangile. 

Quant  à  moi.  Seigneur,  purifiez-moi  de  tous  les  péchés  d'au- 
trui ,  et  délivrez-moi  des  miens  propres ,  par  la  médiation  de 
ton  Fils  unique,  notre  Seigneur  et  notre  Dieu  et  notre  Sauveur 
Jésus-Christ,  celui  qui,  etc.. 


602  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Ayant  fini,  qu'il  se  tourne  sur  l'autel  du  côté  de  l'Orient,  qu'il  dise  dix 
fois  Ainsi  soit-il,  et  qu'il  récite  cette  prière  : 

Regardez -nous,  Seigneur,  ainsi  que  notre  cérémonie,  et 
purifiez-nous  de  toute  souillure;  répandez  sur  votre  serviteur 
votre  grâce  très  sacrée,  afin  qu'il  soit  digne  par  votre  volonté 
de  paître  votre  peuple  d'une  manière  irrépréhensible  dans  votre 
Église; 

Car  vous  êtes  miséricordieux  dans  votre  volonté  ;  et  que  tout 
le  monde  vous  rende  le  sacrifice  et  l'adoration,  à  vous  le  Père, 
au  Fils  et  au  Saint-Esprit.  A  présent,  etc. 

Tourne-toi  vers  l'occident,  signe  trois  fois  la  tête  de  l'ordinand  avec  ton 
grand  doigt  en  disant  : 

Nous  t'appelons  évêque,  dans  la  sainte  Église  de  la  ville  et  de 
sa  province,  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit. 

Après  cela  revêts-le  de  l'étole  blanche,  de  la  mitre  (1)  blanche  et  du  pal- 
lium  blanc  en  disant  : 

A  la  gloire  et  à  l'honneur  de  la  sainte  Trinité ,  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit;  de  l'Église  catholique  et  apostolique.  Que 
Dieu  soit  béni  dans  toute  l'éternité.  Ainsi  soit-il. 

Tourne-toi  vers  l'occident,  signe  trois  fois  la  tète  de  l'ordinand  avec  ton 
grand  doigt  en  disant  : 

Nous  t'appelons  choisi  de  Dieu,  évêque,  dans  la  seule  sainte 
et  indissoluble  Église  du  Dieu  invisible  et  vivant,  de  cette  ville 
orthodoxe  et  de  sa  province. 

A  la  gloire  et  à  l'honneur  du  nom  de  la  très  sainte  Trinité; 
pour  la  paix  et  l'édification  de  la  sainte  Église;  à  la  justification 
du  jugement  de  la  vérité,  et  de  la  sainte  révélation;  et  pour  les 
dons  sanctifiés,  et  pour  la  résurrection  d'entre  les  morts;  comme 
gage  incorruptible  dans  toute  l'éternité.  Ainsi  soit-il. 

Le  peuple  :  digne,  dig7ie,  digne. 
L'archidiacre  dit  : 


(1)  Dans  le  texte  il  y  a  le  mot  kova\A  qui  est  évidemment  le  latin  cuculla. 
On  sait,  en  effet,  que  la  mitre  des  évèques  dérive  d'un  capuchon  (cuculla)  dont 
les  gens  de  peine  se  couvraient  la  tête. 


CONSÉCRATION    d'uN    ÉVÉQUE.  G03 

Prions  tous  : 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  pour  la  seule  catliolique  et  apostolique  Église,  laquelle 
s'étend  d'une  extrémité  à  l'autre  de  l'univers;  prions  Dieu  en 
disant  : 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  pour  la  miséricorde  et  la  paix  de  nos  âmes  en  disant  : 
Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  pour  notre  saint  Père,  honoré  par  Dieu,  l'archevêque; 
prions  tous  Dieu  pour  lui  en  disant  : 
Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  le  Saint-Esprit  de  descendre  sur  cet  évêque  choisi, 
avec  l'imposition  des  mains  de  la  distinction;  prions  le  Dieu  de 
gloire  dans  l'abstinence  ;  disons  tous  : 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Prions  Dieu  de  nous  rendre  dignes  de  cette  haute  vocation  ; 
prions  tous,  nous  qui  sommes  réunis,  et  ceux  qui  ne  sont  pas 
réunis  avec  nous,  en  disant  : 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Après  cela,  que  le  pape  dise  :  La  paix  soit  à  tous.  —  Qu'il  dise  cette 
prière,  tourné  vers  l'Orient  : 

Nous  te  rendons  grâce.  Seigneur,  Dieu  tout-puissant  en  tout 
et  pour  tout,  et  nous  bénissons  et  glorifions  ton  saint  nom,  car 
Tu  as  fait  avec  nous  de  grandes  choses,  et  Tu  as  répandu  les 
dons  de  ton  amour  sur  ton  serviteur  ;  nous  te  prions  et  supplions , 
Seigneur,  exauce-nous,  à  cause  de  la  multitude  de  tes  miséri- 
cordes; viens  dans  l'imposition  des  mains  de  l'épiscopat,  qui  a 
été  dans  ton  serviteur,  très  saint  dans  la  descente  de  ton  Saint- 
Esprit  en  lui,  et  dirige  l'appelé  de  ton  choix  dans  la  pureté  et 
la  grâce  de  ton  Saint-Esprit;  et  choisis-nous  avec  lui  pour  le 
bien,  pour  que  nous  agissions  et  arrivions  à  la  possession  du 
talent  et  portions  aussi  tout  le  monde  à  faire  ta  volonté  pour 
l'éternité  ; 

Pour  la  récompense  du  fidèle  économe,  dans  la  venue  de 


604  REVUE    DE    L  ORIENT  CHRETIEN. 

notre  Seigneur  et   notre  Dieu  et  notre  Sauveur  Jésus-Christ; 
celui  qui,  etc... 

Après  cela  que  le  pape  dise  la  paix  à  tout  le  monde  et  qu'on  place 
l'évêque  à  la  droite  du  sanctuaire ,  TEvangile  sur  la  poitrine ,  et  que  le 
pape  retourne  à  son  trône,  et  qu'on  dise  le  prologue  (1),  le  psaume  et 
l'Évangile  selon  la  coutume. 

Ensuite  qu'il  descende,  et  accomplisse  la  sainte  liturgie,  et  qu'il  prenne 
le  mystère  et  en  donne  aux  évoques  ;  et  après  qu'il  rompe  le  pain  avec  le 
nouvel  évêque,  et  qu'il  lui  donne  le  calice  du  précieux  sang. 

Qu'il  pose  sa  main  droite  sur  sa  tête  pendant  que  tout  le  monde  crie  : 
«  Digne,  digne,  digne  l'évêque  de  la  ville  »  :  qu'ils  donnent  la  paix,  que 
le  pape  dépose  son  étole  sacrée,  et  revête  l'étole  noire;  pendant  ce  temps 
le  clergé  psalmodie  selon  l'ordre  (2) ,  dans  l'entrée  dans  rassemblée  (3)  ; 
qu'ils  disent  les  prières;  qu'ils  donnent  la  seconde  paix;  que  le  Pape,  les 
évêques  et  les  prêtres  lui  donnent  la  paix  pour  la  gloire  de  Dieu. 

(1)  Ce  sont  les  premiers  mots  d'un  tropaire  qui  a  prêté  son  air  à  un  autre 
tropaire;  ils  répondent  donc  à  notre  formule  :  sur  Vair  de. 

(2)  Je  traduis  ainsi  kata  opAIIIOII^   dont  je  ne  suis  pas  sûr. 

f3)   CTIIKpiTOC? 

D--  V.  Er.moni. 
{A  suivre.) 


NEUF  CHAPITRES 

DU  <<  SONGE  DU  VIEL  PELERIN  > 

DE  PHILIPPE  DE  MÉZIÈRES 

RELATIFS  A  L'ORIENT 

{Suite)  (1) 


LE  XIP  CHAPPITRE. 


Comment  Vérité  la  roj-ne  et  les  clames  passèrent  par  le  pais  de  Femenie  et  vin- 
di'ent  en  Tartarie,  et  comment  elles  furent  receues  du  grant  Caan  et  de  ses 
très  grandes  citez,  et  comment  elle  passèrent  en  Caldée  et  en  Perse,  en  la 
grande  et  petite  Arménie,  et  aussi  en  Turquie,  et  des  povres  Crestiens  en 
diverses  sectes  qui  là  sont  en  servaige. 


Les  dames  passeront  oultre  en  la  terre  et  ysie  de  Femenie  (2) 
vers  Orient  tendans  [fol.  69  v°]  vers  la  Tremontainne;   et  trou- 
Ci)  Voy.  p.  304. 

(2)  11  est  inutile  de  chercher  à  déterminer  ce  que  Philippe  de  Mézières  entend 
par  le  pays  de  Femenie  dans  lequel  les  femmes  seules  avaient  le  droit  de  vivre. 
C'est  la  fable  des  Amazones  qui  a  été  conservée  sous  une  forme  légèrement 
différente  de  celle  que  l'on  trouve  dans  l'antiquité  classique  par  les  historiens  du 
Moyen  Age.  L'Arioste  {Orlando  furioso,  chant  XIX  et  XX)  place  cette  contrée 
légendaire  en  Syrie  dans  les  environs  du  golfe  de  Laïas,  et  c'est  dans  ce  pays 
que  se  passe  un  des  épisodes  les  plus  tragiques  de  son  roman.  Ilraconte  qu'après 
la  guerre  de  Troie,  les  Grecs,  étant  revenus  au  bout  de  vingt  ans  auprès  de  leurs 
femmes,  trouvèrent  qu'elles  n'avaient  pas  su  leur  rester  fidèles.  Ils  leur  par- 
donnèrent, mais  chassèrent  les  enfants  qu'elles  avaient  eus  pendant  leur  absence. 
Phalante,  le  fils  de  Clytemnestre,  arma  un  navire  et  se  lit  pirate  avec  cent  de  ses 
compagnons  d'infortune;  les  Cretois,  qui  venaient  justement  de  chasser  leur  roi 
Idoménée,  prirent  à  leur  solde  Phalante  et  le  chargèrent  de  garder  Dictyme,  qui 
était  l'une  des  villes  les  plus  tlorissantes  du  royaume  de  Crète.  Les  jeunes  Grecs  se 
marièrentavec  les  Cretoises,  mais  quandla  paix  fut  rétablieet  que  par  conséquent 
ils  ne  reçurent  plus  de  solde,  ils  furent  obligés  de  se  rembarquer;  leurs  femmes 


606  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

verent  que  par  vile  lâcheté  des  hommes,  les  femmes  se  ar- 
moient  et  villainnement  gouvernant  deffendoient  leur  royaume, 
cest  leur  isle,  et  nul  homme  n'y  osoit  arrester  fors  tant  seule- 
ment pour  engendrer  enfans;  et  quant  elles  estoient  grosses, 
les  hommes  n'y  povoient  plus  arrester,  et  quant  leurs  enffans 
estoient  grans  avant  qu'ilz  peussent  porter  armes  elles  les  met- 
toient  hors  de  leur  ysle.  Les  dames  sans  faire  grant  enqueste 
passèrent  oultre  et  entrèrent  en  Tartarie  (1)  en  la  seignorie  du 
grant  Caan  et  entrèrent  à  Catay  (2),  et  vindrent  en  une  grant 


ne  voulurent  pas  les  abandonner  et  quittèrent  tout  pour  les  accompagner.  Pha- 
lante  et  ses  compagnons  étant  arrivés  en  Syrie  trouvèrent  que  ces  malheureuses 
les  gêneraient  ]>our  exercer  leur  métier  de  pirates  et  les  abandonnèrent.  La 
femme  de  Phalante,  Orontée,  décida  ses  compagnes  à  s'établir  dans  le  pays, 
mais  pour  venger  le  lâche  abandon  dont  elles  avaient  été  les  victimes  elle  arrêta 
que  tout  homme  qui  aborderait  chez  elles  serait  impitoyablement  massacré. 
Plus  tard  elles  en  gardèrent  un  pour  dix  femmes  de  façon  que  leur  race  ne  dis- 
]iarùt  point.  La  garde  du  royaume  était  confiée  à  un  chevalier  qui  devait  avoir 
triomphé  de  dix  hommes  dans  une  seule  journée.  Ce  fut  lalille  d'Oroutée,  Alexan- 
dra,  qui  amena  ce  relâchement  à  la  règle  inexorable  des  premiers  jours. 

(1)  La  Tartarie  des  historiens  et  des  géographes  occidentaux  du  Moyen  Age 
n'est  point  un  pays  à  frontières  et  à  limites  bien  déterminées;  ce  nom  désigne  tout 
l'ensemble  des  pays  qui  étaient  habités  par  les  Tartares  ou  Tartres,  c'est-à-dire 
une  grande  partie  de  la  Russie,  toute  la  Sibérie,  le  Turkestan  et  presque  toute 
la  Chine.  Les  mêmes  auteurs  donnent  le  nom  de  Tartares  ou  Tartres  à  toutes  les 
populations  très  différentes  de  race  et  de  religion  qui  habitaient  dans  cette  im- 
mense étendue  de  pays  ;  parmi  ces  populations,  il  y  avait  des  Jlongols,  des  Turks, 
des  Chinois,  et  d'autres  éléments  ethniques  moins  importants.  Le  grant  Caan  de 
Tartarie  est  l'empereur  mongol  de  Chine;  on  sait  qu'à  la  mort  de  Djingiz-Khan, 
l'empire  mongol  fut  divise'  entre  ses  quatre  fds  :  Ogotaï  lui  succéda  comme  Em- 
pereur de  Chine  et  suzerain  de  tous  les  autres  princes;  Djoudji,  qui  était  l'aîné, 
eut  toute  la  partie  occidentale  de  l'empire  qui  est  connue  dans  l'histoire  sous  le 
nom  de  Khanat  de  la  Horde  d'Or:  Djagataï  eut  pour  sa  part  l'empire  de  Kara 
Khitai  ;  Toulon,  le  plus  jeune,  devint  souverain  du  reste  de  la  Tartarie  et  ses  des- 
cendants s'emparèrent  de  la  Perse. 

(2)  Transcription  du  mot  Khila,  IJa^k,  ou  Khitaï,  ^LLà.,  qui  chez  les  liisloriens 
musulmans  désigne  la  Chine  du  Nord  et  par  extension  toute  la  Chine.  Les  au- 
teurs occidentaux  du  Moyen  Age  racontent  sur  ce  pays  dont  ils  n'avaient  qu'une 
connaissance  très  imparfaite  des  choses  extraordinaires.  Le  Boiardo,  auteur  de 
VOrlando  inammorato,  cite  dans  ce  poème  plusieurs  tribus  turques  et  mongoles 
(|u'il  place  d'ailleurs  au  hasard  dans  l'immensité  de  la  Tartarie.  Ces  noms  se 
trouvent  au  chant  V  du  second  livre.  Boiardo  y  raconte  comment  Angélique, 
Mlle  deGalafron  et  sœur  de  l'Argaïl,  se  trouve  assiégée  dans  sa  capitale  Albraque 
par  tous  les  souverains  de  l'Asie  sous  le  commandement  de  l'empereur  de  tous 
les  Tartares,  Agrican  ;  parmi  eux  il  cite  le  chef  des  Kéraïtes,  des  Karacathaï, 
de  Congoras,  le  i-oi  de  Mugal,  le  roi  de  Niron  Cayat,  de  Tendouc,  de  Jageras,  de 
Courlas,  de  Karacorom;  un  peu  plus  haut  il  parle  des  Kalmouques  et  des  No- 
gais,  et  du  Capchac.    Karacorom,  ijui   est  le  nom   de  la  ville  bien  connue  de 


NEUF    CHAIMTRKS    DU    «    SONGK    DU    VIKl-    PKLKItl.N    ».  (J(.)7 

cité  qui  a  nom  Saray  (1),  l'une  des  grans  cité  du  monde,  et  de 
la  vindrent  a  Cambalecli,  souveraine  et  grande  cité  du  grant 
empire  de  Tartarie  et  demeurance  royale  du  grant  Caan.  Par 
tout  furent  bien  venues  de  prime  face,  et  avoient  les  dames 
une  coustume  que  tantost  qu'elles  estoient  arivées  en  aucune 
cité  ou  chasteau,  elles  mandoient  leurs  chambrières  pour  tout 

j.j,j3U3,  Karakoroum,  «  le  sable  noir  »,  est  également  le  nom  d'un  désert.  Les 
autres  sont  des  noms  de  tribus  ou  de  royaumes.  Les  Kéraïtes  sont  les  ^J^j\S 
de  Raschid-ed-Din,  d'Aboul  Ghazi  Behadour-KIiaii  el  de  Mirkhoud.  Cette  tribu 
était  l'une  des  plus  importantes  de  Tartarie,  et  elle  jjarait  avoir  embrassé 
le  Christianisme  de  très  bonne  heure.  Ils  habitaient  près  de  l'Onan  et  du  Kelou- 
ren  ;  le  Kara-Khitai  ou  la  «  Chine  noire  »,  ^uà-Ui,  est  le  nom  d'un  royaume 
trop  célèbre  pour  qu'il  soit  utile  d'en  parler  plus  amplement  ici.  Les  Congoras 
sont  les  Konkoural,^^\jSJ3;  Mugal  représente  la  prononciation  exacte  du  nom 
propre  jj*^,  Moghul;  le  nom  de  Kiroun  Cayat  se  compose  de  deux  éléments  : 
Niroun,  le  ,^j^  de  Raschid  ed-Din  qui  désigne  les  Mongols  de  race  pure, 
c'est-à-dire  ceux  qui  descendent  d'Alankava,  et  de  Cayat  qui  est  une  trans- 
cription très  exacte  de  >,^^,  nom  d'une  tribu  mongole  et  pluriel  mongol  régu- 
lier de  Kiyan,  .,13,  nom  de  l'ancêtre  éponyme  de  cette  tribu;  les  Tandouk  ne 
peuvent  guère  être  que  les  Tankgout,  Tamjoul^  ^^;_^\jl\j,  les  Ho-si  des  historiens 
de  la  Chine,  les  tribus  des  Courlas,  des  Kalmouques,  des  Nogais  et  des  Kiptchak 
sont  bien  connues.  Je  ne  sais  quel  nom  turc  se  cache  sous  la  transcription  de 
Jageras. 

Les  noms  des  souverains  de  ces  pays  sont  de  pure  fantaisie;  il  n'y  a  guère 
que  celui  d'Agrican  qui  pourrait  recouvrir  un  nom  réellement  turc,  le  dernier 
élément  est  sans  doute  khan,  .,Ui.,  onkaan,  .,''i.  «  empereur  ».  Le  premier  élé- 
ment du  mot  est  beaucoup  plus  obscur;  faut-il  y  voir  une  altération  de  tengri, 
^jSi\i,  lagri,  ^j^^,  "  tlifu  »  "Mi  se  pourrait  également  qu'il  faille  le  i-appro- 
cher  du  nom  de  Djagri,  ^ji^,  qui  a  été  porté  par  un  des  ancêtres  des  sou- 
verains Seldjoukides;  on  sait  que  les  Seldjoukides  étaient  des  Turcs. 

L'Arioste  est  plus  sobre  que  le  Boiardo  en  ce  qui  concerne  la  géographie  de 
l'Asie;  il  semble  d'ailleurs  l'avoir  moins  bien  connue  que  le  vieux  poète. ^Les  deux 
principaux  personnages  asiatiques  qui  paraissent  dans  ÏOrlando  furioso  sont  la 
belle  Angélique,  reine  de  Cathay,  et  Marphise,  reine  de  Perse  ;  du  reste,  il  est  cer- 
tain que  l'Arioste  n'avait  sur  ces  contrées  que  des  notions  extrêmement  vagues, 
comme  la  plupart  de  ses  contemporains.  Ils  connaissaient  mieux  l'Afrique  du 
Nord  et  la  Syrie,  quoique  là  encore  il  leur  arrivât  de  commettre  des  erreurs  co- 
lossales. Le  Boiardo  parle  très  sérieusement  d'un  individu  (|ui  s'embarqua  à 
Damas  pour  regagner  rEurop(\ 

(1)  La  ville  de  Sarai  ou  Serai,  ^L.w,  n'était  nullement  située  dans  le  pays  de 
Khita,  c'est-à-dire  en  Chine,  mais  bien  sur  la  Volga,  dans  une  plaine  à  deux  ou 
trois  journées  de  marche  de  la  mer  Caspienne;  non  loin  de  là  se  trouvait  la  ville 
deBolghara,  à  deux  heures  de  distance  de  la  rive  du  fleuve:  (>lle  était  la  résidence 
d'ét(^  des  Khans  du  Kiptchak;  la  ville  d'Okak  était  située  dans  le  voisinage  entre 
Sarai  et  Bolghara. 


608  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

espier,  se  elles  porroient  trouver  personnes  et  lieux  où  elles 
peussent  prouffiter  ne  prester  à  usure  de  leurs  riches  besans. 
Et  briefment  es  dictes  deux  grans  citez  qui  sont  plus  grandes 
quatre  fois  chascune  que  n'est  le  Caire  en  Babilone,  selon  ce 
que  me  raconta  ung  mien  amy  espicial,  espellé  Bargadin  (1), 
nez  de  Mez  en  Lorrainne,  qui  avoit  demouré  huit  ans  en  la  cité 
de  Cambalech  (2),  les  dictes  chambrières  trouv  erent  que  ma 
dame  Alegresse, Amoureuse  et  Bonne  Aventure  y  povoient  bien 
lever  leur  forge,  car  justice,  paix  et  miséricorde  y  régnoient 
plus  que  en  nul  autre  royaume  [fol.  70  r°]  qu'elles  eussent  passé, 
excepté  la  terre  des  Bragamains.  Vray  est,  selon  ce,  que  rap- 
portèrent les  chambrières,  la  Riche  Précieuse  Vérité  n'y  estoit 
pas  bien  honnorée,  car  en  lieu  de  lui  les  habitans  du  pais  avoient 
eslevez  pluseurs  ydoles  esquelles  ilz  recommandoient  leurs 
besans,  et  pour  riens  se  traveilleroit  Vérité  la  royne  de  la 
arrester,  combien  que  ses  compaignes  y  eussent  grant  seigno- 
rie,  laquelle  ne  valoit  riens  puis  qu'elle  estoit  au  préjudice  de 
Vérité  leur  maistresse.  En  celle  saison  que  noz  dames  se  trou- 
vèrent à  Chambalech,  le  grant  Caan  de  Tartarie  n'y  estoit  pas, 
car  il  estoit  le  temps  d'esté  auquel  il  est  tousjours  a  tout  son 
host  enmy  les  plains  de  Tartarie.  La  royne  Riche  Précieuse  à 
la  requeste  de  Ardant  Désir  et  de  sa  seur,  les  dames  prinrent 
leur  chemin,  Ardant  Désir  comme  guide,  faisant  son  office,  et 

(1)  Ce  Bargadin,  natif  de  Metz,  n'est  point  connu  par  autre  part.  Ce  que  dit 
ici  Philippe  de  Mézières  n'a  rien  d'impossible  et  il  arriva  plus  d'une  fois  que 
des  Européens,  forcés  de  s'expatrier,  allèrent  se  réfugier  à  la  cour  des  souverains 
orientaux.  La  faveur  dont  Jlarco  Polo  jouit  à  la  cour  de  l'empereur  de  Chine 
Koubilaï-Kaan  est  la  meilleure  preuve  de  l'accueil  bienveillant  que  les  Blongols 
faisaient  aux  Eui-opéens  qui  venaient  chercher  fortune  en  Extrême-Orient.  On 
sait  qu'à  une  époque  beaucoup  plus  rapprochée  de  nous,  un  artiste  originaire  de 
Bordeaux,  nommé  Austin  ou  Augustin,  construisit  le  célèbre  monument  connu 
sous  le  nom  deTadj,  que  l'empereur  Shah  Djihan  (It  élever  àAgra  à  la  mémoire 
de  sa  favorite. 

(2)  Transcription  du  mot  turc  ^^^'•^  _,là.,  A7i«H  balik,  ■<  la  ville  du  Khan  », 
nom  qui  fut  donné  à  la  ville  de  Pékin  sous  le  règne  de  la  dynastie  mongole;  elle 
s'appelait  aussi  Taitou.  La  capitale  de  la  Jlongolie  proprement  dite  était  Kara- 
Koroum,  qui,  suivant  Guillaume  de  Riibruck,  était  très  petite  et  sans  importance. 
Khanbalik,  qui  est  souvent  appelée  Cambalu  dans  les  historiens  occidentaux, 
avait  une  tout  autre  étendue  et  elle  était  l'une  des  plus  vastes  cités  de  toute 
l'Asie.  Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  Cambalu  soit  la  forme  adoptée 
par  les  historiens  du  3Ioyen  Age;  elle  n'est  qu'une  altération  paléographique 
très  facilement  explicable  de  Canbaiic,  produite  par  l'ignorance  des  copistes, 
ou,  ce  qui  est  plus  grave,  par  celle  des  éditeurs  modernes. 


NEUF    CIIAI'ITIIKS    DU    «    SONOK    DU    VIKU    l'KUKIÎIN    ».  009 

tant  cheminèrent  que  elles  vindrent  en  l'ost  du  grant  Caan;  et 
pour  leur  grant  beaulté  et  leur  plaisant  manière  du  grant  Caan 
en  ses  grans  tentes  et  pavillons  (1),  elles  furent  grandement 
receues  et  noblement  honnorees.  Et  est  assavoir  que  le  grant 
Caan  avoit  en  son  service  et  en  son  liost  ung  mi  lion  d'ommes 
à  cheval,  et  estoit  logié  en  my  les  champs  en  une  cité  porta- 
tive faicte  de  tentes  et  de  pavaillons  si  grande  et  si  merveil- 
leusement composée  par  rues,  par  mestiers  et  offices,  et  close 
de  beaulx  murs  et  de  tours  faictes  de  toi  lie  à  ung  petit  fossé 
tout  entour,  que  c'est  une  très  grant  merveille  nom  pareille  à 
autres.  Et  demeure  le  grant  Caam  en  laditte  cité  [fol.  70  v°] 
portative  trois  mois  ou  environ,  tant  que  les  pasturaiges  d'en- 
tour  son  host  durent,  alentour  XX  lieues  sont  tous  maingiés.  Le 
grant  Caan,  quand  les  pastures  des  chevaulx  sont  faillies,  il  se 
part  de  là  à  tout  son  host,  et  va  par  aventure  à  trois  ou  à 
quatre  journées  en  pais  plantureux,  querant  les  rivières,  et 
tantost  que  le  grant  Caan  est  où  il  doit  arrester,  il  treuve  celle 
mesme  cité  portative  en  forme  et  en  manière  sans  nulle  dif- 
ferance,  comme  elle  estoit  au  lieu  dont  il  estoit  party.  Se  noz 
dames  furent  bien  receues  de  prime  face,  comme  celles  qui 
venoient  de  paradis  terrestre  et  reluisoient  toutes,  nul  n'en 
doit  faire  doubte.  Mais  les  chambrières  de  la  royne  et  des  dames 
ne  furent  pas  oyseuses.  La  balance  de  Vérité  la  royne  fut  là 
maintes  fois  embesoingnée,  et  le  rain  d'olivier  de  madame 
Alegresse  fut  porté  par  tout  l'ost  pour  veoir  s'il  se  tiendroit 
tousjours  en  sa  fresche  couleur.  Mais  quantes  fois  l'Amoureuse 
de  la  clef  d'or  ouvrist  les  hospitaulx  et  la  porte  du  cuer  de  la 
gent  tartarique  et  Bonne  Aventure  aussi  de  son  espée  à  deux 
trenchans  faisoit  ses  ensais.  Les  chambrières  de  l'autre  part 
aydans  leurs  maistresses  chascune  forgeoit  à  son  povoir,  Ar- 
dant  Désir  et  Bonne  Espérance  sa  sœur,  confortans  du  tout 

(1)  C'était  en  effet  riiabitiulc  qui  s'est  conservée  jusqu'à  nos  jours  chez  les 
princes  mongols  et  turcs  d'avoir  deux  campements,  l'un  pour  riiiver.  nommé 
kishlak,  ^-ld.9,  l'autre  pour  l'été,  appelé  yailak,  ^-v^.  Les  Mongols,  qui 
n'avaient  point  de  maisons  fixes,  habitaient,  au  témoignage  de  Guillaume  de 
Rûbruck,  du  frère  Jean  de  Plan-Carpin,  de  ÏNhirco  Polo  et  d'autres  voyageurs, 
dans  des  tentes  dont  les  plus  gj-andes  pouvaient  atteindi-e  jusqu'à  10  mètres  de 
diamètre  et  qui  étaient  voiturées  sur  des  chariots  de  telle  sorte  qu'on  les  trans- 
portait où  l'on  voulait,  comme  le  dit  très  bien  Philippe  de  Mézières. 

OUIENT   CHUÉTIEN.  41 


610  REVUK    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

leurs  bonnes  pensées  la  Sainte  Alkemie.  Et  pour  abregier  le 
voyage  de  Vérité  la  royne  et  de  sa  belle  compaignie  et  la  cause 
du  grant  Caan  de  son  grant  host  devant  la  royne  séant  en  son 
trosne  royal  sans  riens  laissier  bien  ventilée,  combien  que  les 
m  dames  en  l'ost  eussent  grant  seignorie,  [fol.  71  r°]  touteffois 
il  fut  trouvé  que  la  monnoye  du  grant  Caan,  laquelle  estoit 
de  cuyr  et  de  fort  papier  (1),  n'estoit  pas  de  bon  aloy,  et  que 
pis  est,  en  l'empraintte  des  besans  du  grant  Caan  le  signe  de 
Thau  pour  Alkemie,  que  on  y  sceust  faire,  n'y  povoit  estre 
trouvé.  Et  pour  ce  fut  dit  par  arrest  par  la  bouche  de  la  royne 
que  elles  ne  demouroient  plus  avec  le  grant  Caan.  Si  se  parti- 
rent de  luy  et  vindrent  en  Perse,  passans  par  le  royaume  de 
Modes,  et  vindrent  en  Caldée,  et  passèrent  par  la  grant  Babi- 
lone  et  par  la  tour  de  Babel,  et  de  là  vindrent  en  la  grant 
Hermenie,  et  après  en  la  petite  Hermenie  (2),  et  par  tout  trou- 
vèrent en  leur  monnoye  que  Thau  n'avoit  nulle  seignorie. 
Vray  est  qu'elles  trouvèrent  au  my  lieu  de  ses  trois  générations 
dessus  dictes,  une  povre  gent  qui  languissoient  en  servaige  et 
portoient  crois  noires  en  leurs  habis.  Ces  povres  gens  languis- 
sans  estoient  de  pluseurs  sectes.  On  appelloit  les  ungs  Georgins, 


(1)  La  monnaie  usitéo  dans  tout  l'empire  du  grand  Caan  était  en  effet  for- 
mée de  feuilles  de  papier  très  épais  et  feutré,  des  deux  côtés  duquel  on  impri- 
mait la  valeur  qu'elles  représentaient  et  le  sceau  de  l'empereur  alors  régnant. 
Ces  billets  de  banque  portaient  le  nom  de  tchao  :  «  Il  fait  faii'e  une  telle  mon- 
noie,  dit  Marco  Polo  (éd.  Pauthier,  p.  320),  comme  je  vous  diray;  que  il  fait 
prendre  escorces  d'arbres;  c'est  de  mouriers  dont  les  vers  qui  menjuent  les 
feuilles  font  la  soie...  Et  prennent  une  escorce  soustil  qui  est  entre  le  fust  de 
l'arbre  et  l'escorce  grosse  dehors  et  est  blanche.  Et  de  ceste  escorce  soustil 
comme  papier  le  font  suite  noires.  »  Cette  monnaie  avait  cours  forcé  dans  tout 
l'empire  du  grant  Caan,  et  quand  elle  était  usée  à  force  de  servir,  on  l'échan- 
geait contre  de  la  neuve  moyennant  le  paiement  d'un  droit  de  3  à  4  pour  cent. 
Quand  le  sultan  mongol  de  Perse,  Oeldjaïtou,  eut  gaspillé  tout  l'argent  du  tré- 
sor royal,  son  vizir  lui  conseilla  d'adopter  le  papier-monnaie  qui  était  usité 
en  Chine  et  de  lui  donner  cours  forcé  en  prohibant  tout  autre  numéraire.  La 
première  émission  de  ces  billets  eut  lieu  à  Tebriz  et  elle  souleva  une  terrible 
émeute  qui  menaça  de  s'étendre  à  toute  la  Perse.  Oeldjaïtou-Khan  fut  obligé  de 
rapporter  son  édit  et  de  choisir  un  autre  moyen  de  rétablir  ses  finances. 

(2)  Il  est  presque  inutile  de  dire  qu'il  s'agit  ici  du  royaume  de  la  petite  Ar- 
ménie dont  la  capitale  est  appelée  Sis  par  les  historiens  musulmans.  Les  rois  de 
ce  pays  sont  toujours  appelés  par  les  mêmes  auteurs  «  ebn-Laon  »,  fils  de  Léon. 
Contrairement  à  ce  qu'avance  Philippe  de  Mézières,  les  Arméniens  du  pays  de 
Sis  étaient  de  fort  bons  chrétiens,  comme  d'ailleurs  les  Éthiopiens,  et  ils  ne 
cessèrent  de  lutter  contre  les  Musulmans  pendant  toute  la  durée  des  croisades. 


NEUF    CHAI'ITHES    DU    «    SONflK    DU    VIKI.    l'EIJORlN    ».  611 

les  autres  Jacobins  et  les  autres  Notliorins  (1)  qui  ne  croient 
pas  que  la  doulce  fleur  qui  porta  le  fruit  de  vie  soit  vierge;  et 
d'autres  y  a  qui  ont  nom  Coptins  (2).  Laroyne  Riche  Précieuse 
fist  enquerre  de  la  monnoye  de  ceste  povre  gent,  et  fut  trouvé 
que  en  leur  besant  le  signe  de  Thau  estoit  non  pas  bien  formé 
et  que  pis  est,  dessus  le  Thau  n'avoit  point  de  cheville,  ne  de 
superscripcion  (3),  si  passèrent  oultre  noz  dames  en  poursui- 
vant leur  voyaige.  Passèrent  en  Asie  la  Minoir  et  parmy  le 
Royaume  de  Messopotanie,  parmy  toute  la  Turquie,  et  trouvè- 
rent les  lieutenans  des  III  dames  [fol.  71  v°]  qui  leur  firent  bonne 
chiere,  comme  on  fait  aux  pèlerins  trespassans,  et  entre  les 
autres  Bonne  Aventure  y  trouva  grant  accointance. 


LE  XIIP  CHAPITRE  (folio  71  verso). 

Comment  la  Riche  F*récieuse  et  tout  sa  belle  compaignie  vint  en  Surie  et  puis  en 
Egypte  :  et  comment  les  trois  dames  trouvèrent  bien  place  pour  forgier  bons 
besans,  mais  la  royne  le  contredit  pour  une  grant  tirannie  qui  régnoit  en  Egypte, 
en  recordant  les  très  grands  biens  qui  iadis  se  faisoient  en  la  perfonde  Egipte 
en  une  cité  dont  Saint  Ihcrome  en  la  vie  des  pères  fait  une  belle  narracion. 

Sur  ce  que  le  Thau  entre  les  Turcs  estoit  en  grand  vilté,  les 
dames  se  partirent  de  la  haulte  et  basse  Turquie,  et  vindrent  en 
Surie,  et  passèrent  parmy  Halep,  Rohais  (4),  Anthioche  et  Da- 

(1)  Géorgiens,  ce  qui  n'est  point  du  reste  le  nom  d'une  secte,  mais  bien  celui 
d'un  peuple  qui  habitait  la  Géorgie  et  auquel  les  ftlusulmans  donnent  le  nom  de 
Kurdjs;  Jacobites  et  Nestoriens.  Nestorius  prétendait  que  les  deux  personnes 
qui  se  trouvent  en  Jésus-Christ  n'étaient  point  hypostatiquement  unies,  mais 
que  chacune  d'elles  avait  une  existence  absolument  indépendante  de  l'autre.  Il 
disait  de  plus  que  celle  des  deux  personnes  de  Jésus-Christ  qui  était  née  de  Marie 
n'était  pas  Dieu.  Eutychius,  chef  de  la  secte  des  Jacobites,  soutenait,  à  l'inverse 
de  Nestorius,  qu'il  n'y  avait  qu'une  seule  personne  et  qu'une  seule  nature  en 
Jésus-Christ  ;  c'est  par  suite  de  ce  fait  que  les  Jacobites  sont  communément  ap- 
pelés Monophysites. 

(2)  Les  Coptins  sont  les  Coptes  d'Egypte  qui  étaient  Jacobites;  on  voit  que  les 
connaissances  géographiques  de  Philippe  de  Mézières  étaient  plutôt  vagues. 

(3)  Autrement  dit  que  le  Christianisme  de  ces  sectes  représentait  une  doctrine 
altérée  et  qu'il  différait  profondément  du  dogme  admis  par  l'Église  romaine. 

(4)  Rohais  est  la  ville  que  les  auteurs  musulmans  appellent  er-Rohâ:  les  Ar- 
méniens lui  donnent  le  nom  d'Ourfa  ;  elle  est  plus  généralement  connue  en  Oc- 
cident sous  le  nom  d'Édesse. 


612  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mas,  et  puis  entrèrent  en  la  Terre  de  Promission  et  parvin- 
drent  en  l'ancienne  cité  de  Salem  qui  à  présent  est  appellée 
Iherusalem  (1),  en  Ja  quelle  le  père  de  la  royne  Riche  Pré- 
cieuse fut  occis  pour  ses  brebis.  Et  pour  abrégier  le  voyaige, 
elles  trouvèrent  que  le  sépulcre  du  Grant  Maistre  (2)  de  la 
monnoye  estoit  tenu  en  grant  vilté  des  habitans  du  pays  et  que 
le  riche  signe  de  Thau  estoit  mis  entre  eux  en  grant  servaige, 
et  a  drasmes  vendu,  dont  Ardant  Désir  en  getta  maintes  larmes. 
La  royne  se  partist  et  vint  en  l'ancienne  cité  de  Gadres  (3)  là 
ou  Sanson  le  fort  abatist  le  palais  dont  il  fut  mort  avec  les 
Philistiens,  et  de  là  passa  la  royne  par  les  désers,  et  vint  en 
Egipte  au  Caire  et  jusques  au  Soudan.  Et  quant  à  madame 
Apparance  contraire  à  la  chambrière  (folio  72  recto)  de  la  royne 
Vraye  Existance,  elles  furent  bien  receues  et  bien  logiées,  qui 
veist  lors  les  chambrières  aler  en  conqueste,  et  par  vrais 
tesmoings  faire  enqueste  secrète  et  les  trois  dames  aussi  en  per- 
sonnes nulle  ny  aloit  faignant,  et  quant  ce  vint  a  ventiler  la 
cause  devant  Vérité  la  royne,  les  chambrières  d'Alégresse  dirent 
que  elles  n'avaient  trouvé  ne  barbacane,  ne  chasteau,  ne  forte- 
resse, ne  aucun  olivier  sec,  ne  chose  nulle  par  laquelle  Alégresse 
en  la  terre  du  Soudan  ne  peust  bien  lever  sa  forge.  Les  cham- 
brières de  l'Amoureuse  dirent  que  la  clef  de  leur  dame  faisoit 
bien  son  office  et  qu'elles  n'avoient  trouvé  en  tout  le  Caire  ung 
mal  vestu,  ne  meshaigné  en  la  rue  ne  aucun  malade  et  que  les 
hospitaux  estoient  tous  ouvers  et  plains  de  malades  biens  servis, 

(1)  C'est  l'historien  juif  Flavius  Josèphe  (jui  raconte  ((ue  Melchisédech  l'oada 
la  ville  de  Salem  et  qu'elle  devint  i)lus  tard  Jérusalem  [Yérouschalaïm).  Cette  as- 
sertion n'est  pas  à  l'abri  de  toute  objection,  mais  il  n'est  pas  étonnant  qu'on  la 
retrouve  dans  le  Songe  du  Viel  Pèlerin,  car  les  auteurs  de  cette  époque  ne  con- 
naissaient guère  le  texte  hébreu  de  la  Bible;  ils  ne  lisaient  que  les  ouvrages 
classiques  ou  plutôt  écrits  dans  les  langues  classiques,  soit  directement  pour 
les  textes  latins,  soit,  ce  qui  était  le  plus  habituel,  avec  l'intermédiaire  d'une  tra- 
duction latine  pour  les  textes  grecs. 

•  (2)  A  l'époque  de  Philippe  de  Mézières,  la  Syrie,  qui  n'était  qu'une  des  pro- 
vinces de  l'empire  égyptien,  obéissait  au  sceptre  des  sultans  (soudans)  de  la  dy- 
nastie turque  des  Jlamlouks.  En  14ri5,  date  de  sa  mort,  régnèrent  deux  sultans  cir- 
cassiens,  el-Melik-el-Naser-Feredj,  fils  d'ed-Daher-Barkouk,  et  el-Melik-el-JMansour- 
Abd-el-Aziz,  également  fils  d'ed-Daher-Barkouk.  Le  souverain  de  la  grande  Tur- 
quie dont  il  est  parlé  plus  haut  était  Schah-Rokh-Sultan,  fils  de  l'émir  Timour 
•Kourkan  que  les  historiens  de  la  Perse  appellent  «  Sa  Majesté  l'Empereur  fortuné  », 

(o)  Altération  du  nom  bien  connu  de  la  ville  do  Ghaza. 


NEUF    CHAPITRES    DU    «    SOXriE    DU    VIKU    l'HLKKIN    »  G13 

les  ungs  garis  et  les  autres  en  convalescence.  Et  au  derrain  les 
chambrières  de  Bonne  Aventure  dirent  que  l'espee  de  leur 
maistresse  en  toute  la  terre  du  Soudan  faisoit  de  beaux  explois, 
et  que  l'undisoit  à  l'autre  :  «  le  n"ay  paour  des  larrons,  car  ce 
que  i'ay  est  mien.  »  Mais  quant  aux  chambrières  de  Vérité  la 
royne,  c'est  assavoir  Hroicture  et  Assistance,  Humilité  et  Cons- 
tance, ne  firent  pas  telle  relacion,  mais  dirent  :  «  Tout  en  appert, 
il  n'est  pas  or  tout  ce  qui  reluit.  »  Droicture  dict  :  «  Les  Me- 
goulles  (1),  ce  sont  les  Tartres,  occisans  et  gouvernans  les 
josnes  Soudans  ont  usurpé  sa  seignorie  par  faulceté  et  par 
tirannie,  et  faignent  de  bien  gouverner  le  Soudan  et  la  chose 
publique,  mais  chacun  boute  en  son  sac  et  tire  eaue  à  son 
molin.  »  Les  (folio  72  verso)  dames  se  partirent  d'Egipte  la 
basse  et  entrèrent  en  Egipte  perfonde,  si  comme  leur  guide 
Ardant  Désir  les  menoit,  et  passèrent  par  cette  famouse  et 
iadis  bien  eurée  cité  de  laquelle  de  sa  loenge  saint  Iherome 
glorieux  docteur  recorde  et  de  veue  au  livre  des  sains  Pérès 
d'Egipte,  que  en  ladicte  cité  avoit  20.000  hommes  et  leurs 
femmes  qui  menoientvie  si  religieuse  qu'il  sembloitque  laditte 
cité  estoit  ainsi  régulée  comme  ung  monastère  de  moysnes.  La 
royne  Vérité  lors  y  régnoit,  et  les  III  dames  avoient  plaine  sei- 
gnorie. La  foy  catholique  y  tlorissoit  et  rendoit  fruit  à  cent 
doubles;  charité  se  oit  en  son  throsne  en  sa  grant  magesté  nul 
poure  ni  si  trouvoit  ne  nul  herege  et  tous  les  biens  de  l'un 
estoient  les  biens  de  l'autre;  ils  ne  savoient  que  c'estoit  de 
guerre,  de  riote,  ne  de  malviolence  et  habondoient  en  tous  biens 


(1)  Les  Megoulles  sont  les  peuples  que  nous  appelons  généralement  ilongols 
ou  Mogols  et  dont  le  nom  réel  est  Moghol,  J^-»  ;  Tartres  est  l'appellation  sous 
laquelle  les  historiens  du  Moyen  Age  occidental  connaissent  les  peuples  que  les 
annalistes  persans  et  arabes  appellent  Tatar,  XJ\j  et  JaJ»  et  les  chinois  Ta-ta, 
Les  occidentaux,  de  même  que  les  Musulmans,  confondent  sous  le  nom  de  Tatars, 
Tartarins  ou  de  Mongols,  toutes  les  peuplades,  turques  et  mongoles,  tongouseset 
chinoises,  qui  composaient  les  armées  de  Djingiz-Khan  et  de  Tamerlan.  Pour 
l'étymologie  de  ces  noms  et  leur  emploi  abusif,  on  peut  voir  dans  la  Revue  Ar- 
chéologique, année  1898,  l'article  intitulé  Les  Inscriptions  turques  de  VOrkIion. 

Ce  que  dit  Philippe  de  Mézières  peut  se  comprendre  de  deux  façons  :  dans  la 
première,  qui  est  la  plus  vraisemblable,  les  Jleglioulles  ou  Tartres  qui  oppri- 
ment les  jeunes  sultans  sont  la  garde  impériale,  VàHalka,  qui  était  presque  exclu- 
sivement, on  pourrait  même  dire  exclusivement,  composée  de  Turcs  et  de  Mon- 
gols achetés  en  Sibérie  et  dans  la  Russie  d'Europe  du  Sud,  alors  i)euplée  de 
populations  kipschakes  et  autres  de  même  race.  On  sait  qu'en  etïet  les  sultans 


614  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

temporels  et  espirituels.  Et  dit  saint  Iherome  que  a  très  grand 
peine,  il  et  ses  compaignons  se  peurent  partir  de  la  dicte  cité 
pour  la  grant  cliarité  et  doulce  liumainité  que  les  citoyens  leurs 
faisoient.  Vérité  la  royne  très  passant  par  la  dicte  cité  fist 
faire  ses  enquestes  comme  elle  avoit  accoustumé  et  ne  trouva 
riens  des  grans  biens  dessusdiz  ne  le  signe  de  Thau  en  toute 
celle  contrée,  la  Mer  Rouge  costoiant  et  après  le  fluve  du  Nil 
montant. 

(^1  suivre.)  Ed.  Blochet. 

manilouks  du  Caire,  tant  de  la  dj-nastie  bahrite  que  tle  la  dynastie  bordjite  qui 
lui  succéda,  étaient  les  prisonniers  de  ces  turbulents  prétoriens,  plus  redoutables 
encore  que  les  Janissaires  de  l'empire  osmanli.  On  pourrait  également  com- 
prendre que  ce  sont  les  révoltes  de  ces  Meghoulles  ou  Tartres  qui  avaient  amené 
l'état  révolutionnaire  auquel  Philippe  de  Mézières  fait  allusion.  La  milice  turque 
des  Mamlouks  fut  instituée  par  le  sultan  ayyoubite  el-Melik-es-Saleh-Nedjm-ed-Dîn 
Ayyoub,  petit-neveu  du  sultan  Salah-ed-Dln.  Cette  milice  ne  tarda  pas  à  prendre 
une  importance  tout  à  fait  exagérée  en  Egypte  et  le  2  mai  1250  le  dernier  sultan 
ayyoubite  du  Caire,  e  -Melik-el-Moaziem-Touranschah,  périssait  victime  d'une  ré- 
volution qui  donna  le  trône  à  l'un  de  ces  soldats  de  la  garde.  C'est  probablement 
à  cet  événement  que  Philippe  de  Mézières  fait  allusion. 


MÉLANGES 


BENOIT  XIV  ET  L'ÉGLISE  COPTK 


L'union  solennellement  acceptée  à  Florence  par  André,  abbé 
de  Saint-Antoine,  représentant  du  patriarche  copte,  Jean  XI, 
ne  produisit  pas  les  résultats  qu'on  espérait.  Jusqu'à  la  moitié 
du  seizième  siècle,  l'histoire  n'a  conservé  le  souvenir  d'aucune 
relation  de  l'Église  égyptienne  avec  Rome.  Il  est  à  croire  que 
les  vieux  préjugés  et  l'ignorance  eurent  bien  vite  raison  des 
engagements  pris  devant  le  concile,  et  que  les  Coptes,  en  ma- 
jorité, revinrent  à  leurs  anciennes  erreurs.  On  ne  s'expliquerait 
pas  autrement  les  instances  des  Papes  auprès  des  patriarches 
d'Alexandrie  pour  les  engager  à  signer  une  profession  de  foi 
nettement  catholique  et  à  reconnaître  la  suprématie  du  Pontife 
romain;  Pie  IV,  Grégoire  XIII,  Clément  VIII,  Innocent  XII 
employèrent  dans  cette  tâche  toute  l'industrie,  toute  la  man- 
suétude et  toute  la  patience  désirables.  Nous  en  avons  pour 
preuves  les  missions  confiées  à  l'évêque  Ambroise  et  plus  tard 
au  Père  Christophe  Rodrigue,  jésuite  espagnol,  qui  échouè- 
rent (I56I),  comme  aussi  le  concile  de  Memphis  (I582-1.j83) 
et  les  mesures  prises  par  Clément  VIII,  en  faveur  des  chrétiens 
d'Egypte  (1594).  La  crainte  de  certains  personnages  intrigants, 
les  persécutions  des  Turcs,  la  difficulté  des  communications 
avec  l'Italie  et  le  trop  petit  nombre  de  missionnaires  romains 
furent  cause  que  les  prélats  égyptiens  les  mieux  intentionnés  ne 
réussirent  pas  à  faire  exécuter  les  décrets  de  Florence;  à  la  fin 


616  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

du  (lix-septièiiie  siècle,  ils  étaient  redevenus  schismatiques  (1). 
En  1696,  on  comptait  seulement  un  petit  nombre  de  catholi- 
ques, «  nés  de  parents  catholiques,  ou  élevés  dès  leur  enfance 
dans  les  sentiments  de  l'Église  romaine,  et  le  fruit  des  tra- 
vaux entrepris  par  les  missionnaires  franciscains  et  jésuites 
se  réduisait  ordinairement  à  préserver  quelques  anciens  catho- 
liques de  la  dangereuse  contagion  de  l'exemple  général  (2)  ». 
Durant  le  dix-huitième  siècle  un  mouvement  de  retour  à  la 
communion  romaine  se  dessina  chez  les  Coptes  schismatiques. 
Le  pape  Clément  Xll,  pour  témoigner  son  ardent  désir  de  la 
réunion,  céda  aux  moines  de  Saint-Antoine  le  monastère  de 
Saint-Étienne  du  Vatican  que  saint  Léon  le  Grand  avait  autre- 
fois donné  aux  Égyptiens  exilés  sous  le  faux  patriarche  Ti- 
mothée  Elure.  Benoît  XIV  hérita  du  zèle  de  ses  prédécesseurs 
pour  la  conversion  des  orientaux,  spécialement  de  la  nation 
copte,  lys  fleuri  parmi  les  épines,  selon  l'expression  du  pape 
Honorius  III,  célèbre  par  ses  saints  évêques,  ses  illustres  doc- 
teurs et  ses  innombrables  moines  durant  les  premiers  siècles 
du  christianisme.  Le  génie  de  ce  grand  pape  voyait  dans  cette 
Église  déchue  le  petit  troupeau  dont  l'exemple  entraînerait 
la  lointaine  Abyssinie  et  les  pays,  alors  connus,  de  l'Afrique 
orientale;  c'était  là,  avec  les  souvenirs  du  passé,  le  motif  de 
sa  prédilection  et  de  sa  sollicitude. 

Seul  parmi  les  hauts  dignitaires  du  clergé  copte,  l'évèque 
de  Jérusalem  était  resté  fidèle  à  la  vraie  foi;  c'est  à  lui  que 
Benoît  XIV  donna  pouvoir  sur  les  nouveaux  convertis,  dont  le 
nombre  augmentait  de  jour  en  jour  et  qui  réclamaient  un  pasteur; 
quel  que  fût  le  lieu  de  leur  habitation,  les  Coptes  catholiques 
étaient  soumis  à  la  juridiction  de  l'évèque  Athanase  (3j.  Le 
bref  du  Pape  est  daté  du  4  août  1741.  Il  convient  d'en  citer  les 
passages  essentiels.  «  Cum  itaque,  dit  Benoît  XIV  s'adressant 
à  l'évèque,  quamplurimi  Ritus  Cophtici  fidèles,  tam  sa3culares 
quam  ecclesiastici,  paucis  abhinc  annis,  veritatis  lumine  illus- 
trati,  qui  sub  antistibus  sive   ha^resis  labe   infectis,   sive  in 


(1)  Voir  notre   travail  :  Les  Copies  Jacobiles  cl   rÉglise  romaine,  Paris,  1895, 
p.  18-3G. 

(2)  M.  do  'Sl-dixWaU  Deseriplion  de  l'Egypte,  II,  206,  207. 

(3)  Sur  la  raison  d'être  de  l'évèché  copte  do  Jérusalem,  voir  Le   Quien,  Oriens 
chrilianus,  t.  II,  p.  375,  37G. 


MÉLANGES.  617 

schisiiialis  pertinacia,  obstinatis,  per  vastissimas  inferiorissupe- 
riorisque  .Eg'ypti  regiones  reperiuntur,  non  habeant  calholicum 
antistitem,  a  que  in  iis  qu.i'  ad  Deum  sunt,  et  ad  a^ternam 
suarum  animarum  salutem  in  orthodoxa'  fidei  unione  procu- 
randam  conducunt,  saluberrime  instituanlur,  opportune  con- 
firmentur  et  sapienter  regantur,  capropter...  Te,  venerabilis 
Frater,  quem  ab  aliorum  nationis  tua^  aiitistitum  en-oribus 
immunem  ac  liberum  esse  in  Domino  gratulamur,  super  omni- 
l)us  et  singulis  christifidelibus  ritus  cophtici,  tam  in  superiori 
inferiorique  /Egypto,  quam  alibi  commorantibus  pra^sulem,  ad 
nostrum  et  Sedis  apostoliccc  beneplacitura,  et  quousque  Pasto- 
rum  Princeps  Jésus  Cliristusalios  animarum  pastorestui  similes 
ad  G  vile  suum  ibidem  regendum  dare  dignetur,  apostolica  auc- 
toritate  nostra,  quibuscumque  in  contrarium  facientibus  non 
obstantibus,  constituimus  (1).  »  Athanase  continua  de  résider 
à  Jérusalem,  d'où  il  gouverna  la  communauté  catholique  d'E- 
gypte par  l'intermédiaire  d'un  vicaire  général,  Juste  Maraghi. 
La  cliarge  de  travailler  à  la  conversion  des  Coptes  avait  été 
confiée  surtout  aux  Franciscains  de  l'Étroite  Observance,  dont 
Benoît  XIV  loue  hautement  le  zèle  et  la  constance  au  milieu 
des  obstacles  qui  entravaient  leur  apostolat.  Les  missionnaires 
latins  étaient  établis  non  seulement  au  Caire,  mais  encore  dans 
la  Haute-Egypte,  à  Assiout,  à  Girgeh,  à  Luxor  et  jusqu'en 
Nubie  (2)  ;  ils  prêchaient  avec  ardeur  la  doctrine  catholique  et 
prodiguaient  leurs  soins  à  cette  nation  «  autrefois  célèbre  par 
toute  la  terre,  et  alors  presque  anéantie  par  les  épreuves  et  les 
persécutions  continuelles  (3)  ».  Plusieurs  coutumes  de  l'Église 
copte  donnèrent  lieu  à  des  doutes  qui  furent  soumis  au  Saint- 
Siège  et  auxquels  Benoît  XIV  répondit  par  une  première  lettre  du 
4  mai  1745,  et  cinq  ans  plus  tard,  par  une  nouvelle  instruction 
sur  le  même  sujet.  Ces  deux  documents  pontiiicaux  ont  une 
importance  capitale;  ils  renseignent  sur  divers  usages  des 
Églises  orientales,  en  définissent  la  valeur  et  la  légitimité,  et 
fixent  les  règles  à  suivre;  nous  ne  ferons  que  les  résumer.  Le 
préfet  de  la  mission  apostolique  d'Egypte  était  alors  Jacques  de 
Crémisir,  de  l'ordre  de  Saint-François,  qui  avait  consulté  le 

(1)  Benedict.  XIV /?«//«/•«<;»,  Venetiis.  i;t;S. 

(•2)  Butcher,  The  s^lory  of  the  churc/i  of  Egypl,  London.  IS'.iT.t.  II.  p.  314. 

(3j  Benedict.   XIV  Rullarium. 


61g  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Souverain  Pontife;  c'est  à  lui  que  sont  adressées  les  deux  ré- 
ponses de  Benoît  XIV;  la  première  porte  aussi  le  nom  de  Juste 
Maraghi,  le  vicaire  général  de  Tévêque  de  Jérusalem. 

Les  Coptes  revenus  à  la  communion  romaine  gardaient  un 
vif  attachement  pour  leurs  traditions  et  pour  leur  rite  approuvé 
par  le  Saint-Siège.  Ils  ne  pouvaient  admettre  que  la  Confirma- 
tion ne  fût  pas  administrée  immédiatement  après  le  Baptême, 
ce  que  le  petit  nombre  des  prêtres  coptes  catholiques  ne  per- 
mettait pas  toujours  de  faire;  peut-être  même  allaient-ils  sur 
ce  point  jusqu'à  un  exclusivisme  mal  entendu.  La  question 
posée  par  Jacques  deCrémisir  est  ainsi  formulée  :  «  Cum  fidèles 
cophti  catholicam  profitentes  religionem  a  baptismo  ritu  eccle- 
siïe  latinse  coUato  hoc  potissimum  nomine  abhorreant,  quod 
baptizatis  una  simul  non  conferatur  sacramentum  confirma- 
tionis,  qua^ritur  an  in  casu  quo  sacerdos  ritus  cophti  commode 
adiri  nequeat,  permittendum  sit  P.P.  missionariis  illico  post 
baptismum  confirmationem  conferre.  » 

Benoît  XIV  commence  par  rappeler  les  mérites  de  la  nation 
copte  et  les  preuves  d'attachement  qu'elle  a  données  à  l'Église 
romaine  en  plusieurs  circonstances  mémorables,  à  Florence  d'a- 
bord, puis  sous  les  pontificats  de  Pie  IV,  Grégoire  XIII  et  Clé- 
ment VIII;  elle  se  distingue  même  par  cette  tendance  à  l'union 
que  constata  aussi  Urbain  VIII,  le  zélé  promoteur  du  retour  des 
Orientaux.  Quant  à  la  coutume  de  donner  la  Confirmation  aus- 
sitôt après  le  Baptême,  elle  est  ancienne  chez  les  Coptes,  dit  le 
Pape,  comme  chez  les  Grecs  du  Levant. 

Mais  il  faut  voir  là  une  pure  tolérance  de  la  part  du  Siège 
Apostolique  qui  a  interdit  aux  Italo-Grecs,  c'est-à-dire  aux  catho- 
liques grecs  résidant  en  Italie,  de  suivre  l'exemple  de  leurs  frères 
d'Orient  (1).  «  Patientia  quadam  et  facilitate  Sedis  apostolicte 
factum  est,  ut  unum  et  alterum  sacramentum  (Baptismus  et 
Confirmatio")  ab  eodem  sacerdote  in  Oriente  Gra^cis  conferretur; 
nec  defuere  idcirco  theologi,  qui  hujusmodi  tolerantias,  vestem 
et  imaginem  tacita3  dispensationis  obducerent.  »  Les  termes 
employés  ici  indiquent  que  la  coutume  est  simplement  tolérée, 
sans  exclure  toutefois  l'opinion  qui  accorde  aux  Orientaux  le 
bénéfice  de  la  dispense.  La  suite  de  la  lettre  pontificale  mon- 

(1)  Tanquerey,  Synopsis  theologiœ  doymalicœ  specialis,  t.  II,  p.  283. 


MÉLANGES.  G!9 

trera  mieux  encore  le  sentiment  de  Benoit  XIV  et  prouvera  que 
la  pratique  romaine  est  plus  en  harmonie  avec  l'esprit  du  sacre- 
ment, si  l'on  peut  ainsi  parler,  et  surtout  avec  les  intentions  de 
.l'Église.  Des  évoques  latins  doutaient  de  la  validité  de  la  con- 
firmation administrée  selon  la  coutume  des  Grecs  (1).  On  n'é- 
tait pas  alors  aussi  éclairé  qu'après  les  décisions  si  nettes  et 
si  fermes  de  Benoît  XIV  sur  la  légitimité  des  rites  orientaux  ; 
confondant  les  usages  licites  avec  les  abus  condamnables,  les 
missionnaires  s'épuisaient  parfois  en  efforts  héroïques  et  ne  fai- 
saient qu'exaspérer  les  personnes  au  lieu  de  détruire  les  pré- 
jugés (2).  La  parole  du  grand  Pape  allait  mettre  toutes  clioses 
au  point. 

Tout  d'abord  il  distingue  deux  aspects  de  la  question  que  les 
Coptes  semblaient  méconnaître,  à  savoir  l'usage  d'une  coutume 
tolérée  par  l'autorité,  et  l'estime  qu'ils  devaient  montrer  pour 
le  Baptême  non  suivi  de  la  Confirmation.  «  Apte  distinguenda 
sunt  diversoque  jure  censenda  duo  extrema  :  Aliud  enim  est, 
quodCophtiexindulgentiaSedisApostoliccelicitam  sibi  adstruant 
collationem  utriusque  sacramenti,  servato  Orientalis  Ecclesia? 
ritu,  ab  eadem  Apostolica  Sede  non  expresse  vetito,  sed  tolerato  : 
longe  vero  diversum  quod  tolerantiam  in  pejorem  partem  detor- 
quentes  abhorreant  a  baptismo  ritu  latino  collato,  hoc  potissi- 
nmm  nomine  quod  seorsim  a  confirmatione  administretur. 
Idcirco  sicuti  lenitati  et  patientia?  Sedis  Apostolica:"  consonum 
videri  potest,  quod  Cophti  in  suo  jamdiu  recepto,  et  ab  eadem 
sede  tolerato  usu  persévèrent;  ita  ferendum  non  est,  quod  bap- 
tismum  ritu  latino  et  seorsim  a  confirmatione  collatura  acerbe 
alienoque  animo  perhorreseant.  » 

La  pratique  de  conférer  la  Confirmation  après  le  Baptême  avait 
été  en  usage  autrefois  en  Gaule  et  en  Espagne,  et  s'était  main- 
tenue jusqu'au  seizième  siècle  dans  quelques  diocèses,  à  Vienne 
par  exemple,  affirme-t-on  (3).  Jamais  l'Église  de  Rome  ne  l'avait 
adoptée,  estimant  que  les  deux  sacrements  devaient  être  plus 
nettement  distingués,  coumie  la  croissance,  de  la  naissance,  et 
l'enrôlement  dans  iandlice,  du  combat  lui-même.  Elle  invoquait 

(1)  Benedict.  Xl\ ,  De  synoclo  dia'cescma,\.  Vil.  c.  vu. 

(2)  L'abbé  Pisani,  .-1  travers  l'Orient,  p.  301. 

(3)  Holstenius,  Dissertatio  de  sacramenlo  conflritmlionis  apud  Graros,  p.  1.5; 
D.  Martène,  De  antiquis  eccleslse  ritibus,  1. 1,  e.  2,  a.  i. 


620  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

l'exemple  des  Apôtres  à  l'égard  des  Samaritains,  baptisés  par 
les  disciples,  et  auxquels  saint  Pierre  et  saint  Jean  étaient  allés 
donner  l'Esprit-Saint  par  l'imposition  des  mains  (1).  Sans  se 
confondre,  la  question  du  moment,  où  la  Confirmation  doit  être 
administrée,  autrement,  du  sujet,  et  celle  du  ministre  sont  inti- 
mement liées  en  pratique.  Il  est  de  foi  que  l'évéque  seul  est  le 
ministre  ordinaire  de  la  Confirmation,  ainsi  que  l'a  défini  le  con- 
cile de  Trente  (2)  ;  mais  le  Saint-Siège  peut  déléguer,  et  en  pra- 
tique il  délègue  un  simple  prêtre  pour  conférer  le  sacrement, 
à  condition  qu'il  se  serve  de  chrême  consacré  par  l'évéque  (3). 
Cette  faculté  de  devenir  ministres  extraordinaires  de  la  Confir- 
mation a  été  refusée  aux  prêtres  par  quelques  théologiens;  on 
ne  peut  toutefois  la  mettre  en  doute  après  la  solennelle  déclara- 
tion d'Eugène  IV  et  les  privilèges  accordés  à  l'abbé  du  Mont- 
Cassin,  au  Custode  de  Terre-Sainte,  à  des  missionnaires  non 
revêtus  de  la  dignité  épiscopale. 

Pratiquement,  il  n'importe  pas  de  savoir  si  l'évéque  pourrait 
déléguer  au  prêtre  le  pouvoir  de  confirmer,  parce  que  le  Saint- 
Siège  s'est  réservé  cette  faculté,  dont  l'usurpation  serait  illicite 
et  invalide  (4).  Benoît  XIV  donne  pour  motifs  de  la  conduite 
des  Papes  à  l'égard  des  simples  prêtres   la  pénurie  de  pas- 


(1)  Act.  Ap.  VIII,  14-17.  — Iniioci'nt.  I,  Epùt.  ad  Decenlium.  Eug.Ep. 

(2)  Sess.   VII,  can.  3. 

(3)  S.  Thomas,  Summa  theologica,  3  p.,  q.  72,  a.  3. 

Dans  l'Égiiso  copte  schismatique,  le  patriarche  seul  avait  le  pouvoir  de  consa- 
crer le  saint  chrême.  Autrefois,  la  cérémonie  avait  toujours  lieu  au  monastère  de 
Saint-Macaire,  le  Vendredi  Saint,  selon  l'ordre  donné  par  un  ange  à  Théophile, 
vingt-troisièir.e  patriarche  d'Alexandrie;  plus  tard  elle  fut  définitivement  fixée  au 
Jeudi  Saint  (Vansleb,  Histoire  de  l'Église  d'Alexandrie,  p.  87).  Elle  est  décrite 
d.sji^lQ's, Mémoires  du  P.  Sicard  de  la  manière  suivante  :  '■  La  consécration  du  meï- 
ron  (les  Coptes  appellent  ainsi  le  saint  chrême)  est  de  grande  dépense  et  elle  ne 
se  fait  qu'avec  beaucoup  de  cérémonies,  par  le  patriarche,  assisté  des  évêques  ; 
ainsi  ils  avaient  été  vingt-quatre  ans  sans  le  renouveler  lorsque  l'an  1703,  avant 
la  fête  de  Pâques,  les  évêques,  plusieurs  prêtres  et  diacres  se  rendirent  ici  pour 
faire  le  meïron.  11  est  composé  non  seulement  d'huile  d'olives  et  de  baume,  mais 
aussi  de  quantité  d'autres  drogues  précieuses  et  odoriiérantes  ;  c'est  au  patriarche 
et  aux  évoques  à  les  préparer  et  à  les  mêler  ensemble.  Cette  préparation  se  doit 
faire  dans  l'église,  et  en  psalmodiant  tandis  que  les  prêtres  psalmodient  aussi  de 
leur  côté  ;  c'est  le  jeudi  saint  à  la  messe  que  le  patriarche  fait  cette  bénédiction. 
Lorsqu'on  consacre  un  archevêque  d'Ethiopie,  le  patriarche  lui  donne  aussi 
du  meiron,  et  c'est  l'unique  occasion  où  il  en  envoie  dans  ce  pays-là.  L'empereur 
d'Ethiopie  est  aussi  sacré  avec  du  meïron.  »  {Lettres  édifiantes,  t.  Vl,  p.  327,  328.) 

(4)  Benedict.  XIV,  De  synodo  dioecesana,\.  VII,  c.  vui. 


MÉLANGES.  621 

teurs  rimpossibilité  ou  même  la  difficulté  de  se  rendre  nuprès 
des  évoques,  et  le  danger  de  voir  les  fidèles  privés  durant  toute 
leur  vie  de  ce  moyen  de  sanctification.  La  dispense  a  donc  raison 
d'être  et  les  Coptes  en  bénéficieront  s'il  y  a  lieu.  Auparavant  les 
missionnaires  doivent  faire  savoir  au  Siège  apostolique  si  toutes 
les  conditions  se  trouvent  réunies,  et  ramener  les  fidèles  à  une 
juste  appréciation  de  la  coutume  de  l'Église  latine  qui  a  réservé 
très  sagement  la  Confirmation  pour  un  âge  plus  capable  d'en 
saisir  la  vertu. 

La  seconde  question  posée  par  Jacques  de  Créniisir  concernait 
les  prêtres  coptes  convertis  du  schisme  à  l'union.  «  An  (illis)  tri- 
buenda  sit  facultas  administrandi  catliolicis  sacramenta  paro- 
chialia,  qua  prius  potiebantur  inter  schismaticos,  quamvis  eadem 
administratio,  nullo  existente  parocho  catholico,  demandata  sit 
P.  P.Missionnariis?  »  De  bonne  heure  l'Église  s'était  départie  de 
sa  réserve  primitive  à  l'égard  des  évêques  qui  abandonnaient 
l'hérésie  et  qu'elle  maintenait  autrefois  au  rang  des  laïques; 
les  Novatiens  et  les  Donatistes,  en  particulier,  avaient  expéri- 
menté la  condescendance  du  pouvoir  ecclésiastique.  Benoît  XIV 
voulut  suivre  cet  exemple  à  l'égard  des  Égyptiens.  Il  accorde 
donc  à  leurs  prêtres  convertis  la  faculté  de  remplir  les  fonctions 
pastorales  pourvu  qu'ils  aient  été  ordonnés  validement  et  que 
le  vicaire  général  les  juge  capables  de  diriger  lésâmes,  à  cause 
de  leur  piété  et  de  la  sincérité  de  leur  retour  à  la  vraie  Église. 
Après  avoir  obtenu  l'abolition  des  censures  et  des  autres  peines 
canoniques,  édictées  contre  les  hérétiques,  ils  devront  admi- 
nistrer les  sacrements  à  la  manière  des  catholiques  de  leur  rite 
et  n'avoir  rien  de  commun  désormais  avec  les  schismatiques. 

Les  théologiens  latins  reconnaissent  que  le  sacrement  de 
l'Ordre  peut  être  validement  conféré  à  des  enfants,  même 
n'ayant  pas  l'usage  de  la  raison  (1).  Mais  la  question  reste  à 
l'état  spéculatif  dans  l'Église  romaine.  Il  en  est  autrement  chez 
les  Coptes  prétendus  «  orthodoxes  »;  le  nombre  des  diacres  est 
très  grand;  on  les  ordonne  dès  l'âge  de  six  ou  sept  ans,  parce 
que  leur  concours  est  nécessaire  au  prêtre  pour  la  célébration 
de  la  messe  (2).  Le   Père  Thomas  de  Jésus,  parlant  de  cette 

(1)  Gcuicot,  Thcologui'  moralis  insUtutlones,  Lovauii,  1n;i8,  t.  II,  p.  12!',  459. 

(2)  R.  P.  Autefage,  Les  Coptes,  dans   La  Controverse  et  le  Contemporain,   t.  III, 
p.  2;>7. 


622  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

coutume  qui  subsiste  encore  aujourd'hui,  dit  que  les  schisma- 
tiques  égyptiens  confèrent  tous  les  ordres,  sauf  le  sacerdoce,  à 
des  enfants,  sans  distinction  d'époque  et  sans  interstices;  les 
sujets  ne  pouvant  pas  garder  les  obligations  de  leur  charge, 
ce  sont  les  parents  qui  y  sont  astreints,  au  moins  pour  les 
jeûnes,  jusqu'à  ce  que  leur  fils  ait  atteint  l'âge  de  seize  ans  (1). 
Lorsque  ces  diacres  ainsi  ordonnés  se  convertissaient  à  la  vraie 
foi,  quelle  était  leur  condition  par  rapport  à  la  loi  du  célibat 
et  à  celle  de  l'office  divin?  C'est  l'objet  des  troisième  et  quatrième 
questions  posées  au  Saint-Siège  par  Jacques  de  Crémisir.  Be- 
noît XIV  y  répond,  comme  toujours,  fort  clairement. 

L'Église  romaine  a  fixé  pour  l'accession  aux  divers  degrés  de 
la  hiérarchie  un  âge  avant  lequel  il  est  défendu  de  recevoir  ou 
de  conférer  les  ordres  sacrés.  Cependant  l'immense  majorité 
des  théologiens  et  canonistes  admet  que  l'ordination  d'un  en- 
fant serait  valide  mais  illicite,  pourvu  qu'elle  n'ait  aucun  dé- 
faut de  matière,  de  forme  ou-d'intention  chez  le  ministre.  Alors 
le  sujet  ne  pourrait  être  soumis  aux  obligations  de  son  ordre, 
«  cum  electio  status  a  libéra  cujusque  pendeat  voluntate,  et 
Altissimo  nostra,  non  autem  aliéna,  vota  reddere  teneamur  »  : 
c'est  le  principe  qui  domine  toute  la  matière.  Aussi  pour  ceux 
qui  ont  été  ordonnés  avant  l'âge  de  raison,  et  même  avant  la 
seizième  année,  plusieurs  auteurs  les  regardent  comme  dispen- 
sés des  obligations  ecclésiastiques,  s'ils  ne  ratifient  pas  leur 
ordination  par  un  libre  assentiment.  L'Église  a  pensé  que  cette 
opinion  était  juste,  et  le  deuxième  concile  de  Tolède  a  prescrit 
d'interroger  sur  leurs  intentions  ceux  qui,  arrivés  à  l'âge  de 
dix-huit  ans,  avaient  reçu  les  ordres  dans  leur  enfance  par  la 
volonté  de  leurs  parents.  L'ordination  des  jeunes  Coptes  est 
valide,  si  elle  réunit  les  conditions  requises;  quand  ils  auront 
atteint  l'âge  de  seize  ans,  le  préfet  apostolique  s'enquerra  avec 
soin  de  leurs  dispositions;  s'ils  déclarent  renoncer  à  leurs  fonc- 
tions de  diacres,  ils  pourront  contracter  mariage  une  première 
et  une  seconde  fois,  et  on  les  avertira  qu'aucune  loi  ecclésias- 
tique ne  leur  impose  la  récitation  de  l'office  divin  ou  d'autres 
prières  en  usage  dans  le  clergé  copte.  Au  contraire,  s'ils  veu- 

(I)  Thomas  a  Jesu,  Dcunione  schismallcorum  cum  ecclesia  cathoUca  procuranda, 
c.  4,  a.  5. 
Lettres  édifiantes,  t.  II,  p.  317.  320.  —  Rolland.,  Acta  SS.,  Junii.  t.  V,  p.  Ui. 


MÉLANGES.  G2o 

lent  persévérer  dans  leur  ministère  et  se  vouer  à  l'état  ecclé- 
siastique, ils  devront,  conime  les  Latins,  renoncer  au  mariage 
et  réciter  chaque  jour  les  heures  canoniales,  more  swi'  na- 
tionis  (1). 

Non  seulement  les  secondes  noces  leur  sont  interdites,  mais 
encore  les  premières,  et  nulle  dispense  ne  sera  accordée  en  cette 
matière.  De  môme,  chez  les  Grecs,  on  n'ordonne  jamais  diacre 
un  homme  marié;  c'est  l'application  du  même  principe.  «  Pro- 
hibenda  est  diaconis  ordinatis  in  tenora  a^tate  celebratio  qua- 
rumcumque  nuptiarum  postquam  ipsi  in  œtate  jam  confirmata, 
serio  deliberatoque  animo  consensere  in  ordinationem  jamdiu 
susceptam,  illamque  publicadeclaratione  ralificarunt.  »  Si  t'iiinl 
encore  dans  le  schisme,  et  après  ratification,  même  tacite,  de 
leur  ordination,  ces  diacres  ont  contracté  mariage  et  veulent 
rentrer  dans  la  communion  de  l'Église,  le  cas  (plus  fréquent) 
est  difficile,  dit  Benoit  XIV,  et  plein  d'écueils.  Aussi  le  Pape  ré- 
clame de  plus  amples  informations  avant  de  se  prononcer  ;  le 
vicaire  général  et  le  préfet  apostolique  devront  les  lui  fournir. 
Cinq  années  s'écoulèrent  avant  la  publication  d'un  nouveau 
document  pontifical;  celui  que  nous  venons  d'analyser  est  daté 
du  4  mai  1745;  le  suivant  fut  signé  le  19  juin  1750. 

Après  avoir  pris  tous  les  moyens  en  son  pouvoir  pour  éelair- 
cir  les  diverses  questions  laissées  sans  réponse,  Benoît  XIV 
réunit,  le  12  mars  1750,  une  commission  de  cardinaux  pour 
examiner  la  solution  à  donner  aux  doutes  proposés.  On  fut 
obligé  d'en  laisser  deux  en  suspens,  à  savoir  si  l'on  pouvait 
espérer  la  conversion  sincère  de  quelque  évêque  à  l'unité  catho- 
lique, et  s'il  était  possible  de  déraciner  l'abus  des  ordinations 
avant  l'âge  fixé  par  l'Église,  car  malheureusement  aucun  prélat 
schismatique  ne  se  montrait  disposé  à  accepter  l'union.  Au 
sujet  de  la  confirmation,  le  Pape  accordait  au  Préfet  de  la 
mission  le  pouvoir  d'administrer  ce  sacrement,  pourvu  que 
l'enfant  eût  atteint  sa  septième  année,  sauf  danger  de  mort; 
cette  faculté  ne  devait  subsister  que  jusqu'au  jour  où  il  y  aurait 
un  évêque  catholique  en  Egypte.  Le  saint  chrême,  dont  on  se 

(l)Unephrasedu  Souverain  Pontifi'  niontro  qu'il  yavait  en  co  ttMiips,  aRome,des 
moines  coptes,  probablement  ceux  que  Clément  XII  avait  accueillis  avec  tant  de 
bienveillance  :  «...  testimonio  monachorum  ritus  coplili  in  Urbe  degentium, 
quos  ea  de  re  percunctari  non  prajtermisimus...  » 


624  REVUE    DE    l/ORIENT    CHRETIEN. 

servira,  aura  été  consacré  par  un  évêque  en  communion  avec 
le  Saint-Siège,  et  Tannée  même,  à  moins  qu'on  n'ait  pu  s'en 
procurer 

Quant  à  ceux  qui  ont  reçu  le  diaconat  dans  leur  enfance, 
aucun  d'entre  eux  ne  doit  être  regardé  comme  ayant  ratifié  son 
ordination  avant  seize  ans,  même  s'il,  a  rempli  les  fonctions 
ecclésiastiques  et  gardé  la  continence.  Ainsi  en  est-il  de  la 
profession  religieuse  qui  ne  peut  être  émise  ni  explicitement, 
ni  tacitement  avant  cet  âge  de  seize  ans,  d'après  la  décision  du 
concile  de  Trente  (1).  Le  soin  de  connaître  alors  la  volonté  des 
Jeunes  diacres  coptes  est  confié  au  Préfet  de  la  mission,  qui 
s'en  acquittera  diligemment. 

Ceux  de  ces  diacres  qui  auraient  contracté  mariage  depuis 
leur  ordination,  auront  recours  au  Saint-Siège,  qui  jugera  s'il 
y  a  lieu  d'accorder  la  dispense.  «  Kecurrant  ad  Apostolicain 
Sedein  in  casibus  particularibus;  in  quibus,  si  ob  graves  causas 
dispensatio  super  matrimonio  inito  post  ordines  sacros  conce- 
denda  videbitur,  tune  nullum  verbum  fiat  de  renovatione  con- 
sensus. »  Le  Pape  se  range  à  l'opinion  qui  tient  ces  sortes  de 
mariages  pour  nuls,  même  dans  les  Églises  orientales.  Contraire- 
ment à  l'usage  ordinaire  dans  le  cas  d'une  dispense  super  ma- 
trimonio ex  impedimento  dirimenti  nullo,  il  défend  d'exiger 
de  nouveau  le  consentement  des  époux. 

Tels  sont  les  actes  officiels  concernant  la  nation  copte  accom- 
plis par  Benoit  XIV;  on  y  retrouve  avec  la  prudence  et  la  bonté 
habituelles  chez  le  Père  commun  des  chrétiens  une  prédilection 
pour  ce  peuple  autrefois  grand  et  illustre  «...  pra^claram  si- 
gnificationem  paterni  animi  nostri  ac  dilectionis,  qua  semper 
complexi  sumus,  complectimur,  semperque  complectemur  in- 
clytam  nationem  cophtam...  »  Ces  décisions  et  constitutions  sur 
la  discipline  sont  la  meilleure  preuve  des  sentiments  du  Pape 
à  l'égard  de  ceux  qui  ont  donné  autrefois  des  gages  si  éclatants 
de  leur  union  au  Siège  apostolique.  Les  Coptes  l'ont  compris  ; 
aussi  ont-ils  toujours  prononcé  avec  amour  le  nom  de  Benoît  XIV 
comme  celui  du  Père  le  plus  tendre  et  le  plus  dévoué  (2).  A 
toutes  les  marques  d'affection  que  leur  ont  prodiguées  les  Sou- 


(1)  Conc.  Trident.  De  Regularibus,  c.  I,  6. 

(2)  M'''"'  Macaire,  Histoire  de  V Église  d'Alexandrie,  p.  346. 


MÉLANGES.  625 

verains  Pontifes,  ils  répondent  aujourd'iiui  on  revenant  en 
nombre  considérable  à  la  foi  de  leurs  ancêtres  et  en  se  procla- 
mant les  fils  soumis  et  aimants  de  Léon  XIII,  le  restaurateur  de 
leur  Église. 

D.  Paul  Renaudin. 


OKIEM  CHRÉTIEN.  42 


BIBLIOGRAPHIE 


The  story  of  the  church  of  Egypt  by  E.  L.  Butcher,  London,  Sinitli 
elder,  1897;  2  vol.  in-12,  xvi-4U7  et  44S  p. 

Écrire  l'histoire  du  christianisme  en  Egypte  depuis  son  introduction  sur 
les  bords  du  Nil  jusqu'à  nos  jours  n'est  pas  chose  facile.  La  domination 
successive  des  maîtres  qui  ont  tour  à  tour  possédé  le  pays  et  fait  de  la  terre 
d'Egypte  une  terre  de  servitude  pour  ses  propres  habitants,  la  grande  va- 
riété des  événements,  et  aussi  la  dispersion  en  divers  lieux  de  nombreux 
documents  sur  la  matière  rendent  l'entreprise  périlleuse.  11  importait  ce- 
pendant d'avoir  un  travail  qui  fût  plus  qu'un  résumé  et,  sans  tout  embras- 
ser, présentât  un  ensemble  de  cette  histoire  encore  peu  connue.  M.  Butcher, 
qui  a  ipassé  une  vingtaine  d'années  en  Egypte,  a  essayé  de  nous  le  don- 
ner. Son  ouvrage  mérite  d'être  pris  en  considération;  il  est  d'ailleurs 
l'abrégé  le  plus  commode  et  le  mieux  proportionné,  parmi  ceux  que  nous 
connaissons  et  qui  sont  peu  nombreux.  Le  plan  adopté  par  l'auteur  est 
tout  différent  de  celui  de  ses  devanciers.  Il  ne  suit  point  l'ordre  des  pa- 
triarches, ni  des  règnes  des  souverains,  mais  il  prend  dans  une  époque  un 
fait,  ou  un  groupe  de  faits  caractéristiques,  ou  encore  un  personnage,  et 
fait  converger  autour  de  ces  noms  les  événements  de  toute  une  période.  11 
a  soin  d'indiquer  à  chaque  page  l'année  correspondante  d'après  les  trois 
ères  chrétienne,  des  martyrs  et  de  l'hégire.  Le  premier  volume  va  jusqu'à 
l'année  des  Fatimites  (964)  et  débute  par  un  tableau  de  la  contrée  sous  les 
Romains.  L'auteur  connaît  bien  les  événements  et  sait  les  unir  dans  son 
récit  d'une  manière  intéressante  sans  faire  étalage  d'une  érudition,  qui 
aurait  sa  raison  d'être.  Un  des  chapitres  nous  raconte  les  voyages  des  em- 
pereurs romains  sur  les  bords  du  Nil,  un  autre  nous  parle  d'Origène, 
d'autres,  des  persécutions,  de  l'arianisme,  de  saint  Athanase,  de  saint 
Cyrille  le  grand,  des  moines,  des  efforts  faits  par  les  Coptes  pour  recon- 
quérir leur  indépendance.  La  méthode  nous  paraît  excellente  pour  retenir 
l'attention  et  donner  aux  événements  la  place  qui  leur  revient.  Nous  ne 
voudrions  pas  souscrire  à  toutes  les  affirmations  théologiques  et  à  tous  les 
jugements  de  l'auteur,  mais  nous  sommes  heureux  de  reconnaître  les  mé- 


iiiiii.iodiiAi'iiii:.  627 

rites  de  son  ti'avail.  Ia)  douxièmc  volume  comprend  une  série  de  laits 
moins  connus  et  tous  d'une  importance  capitale  ])our  les  Coptes,  surtout 
les  relations  avec  TAbyssinio,  et  les  persécutions  des  Turcs.  On  peut 
suivre  facilement  l'Eglise  ('.ijyptienne  dans  sa  survivance  à  travers  tant  de 
malheurs.  La  part  des  catholiques  cojjtes  est  i)eu  considérable.  Le  dix- 
neuviéme  siècle  occupe  à  lui  seul  quatre  chapitres,  (lontl'un  est  consacré 
à  Mohammed  Ali,  le  fondateur  de  la  dynastie  khédiviale  actuelle,  et  où  l'on 
voit  l'influence  des  chrétiens,  même  des  catholitjues,  sous  le  rèf,'ne  de  ce 
grand  prince.  Le  tout  se  termine  par  un  exposé  des  coutumes  religieu- 
ses et  sociales  chez  les  Coptes  de  notre  temps.  .Nous  aurions  aimé  voir 
M.  Butcher  nous  renseigner  aussi  bien  sur  les  Coptes  unis  à  Rome  que 
sur  les  orthodoxes.  Une  liste  très  complète  des  patriarches  d'Alexandrie 
précède  le  travail  lui-même  avec  la  date  de  leur  avènement,  et  l'énumé- 
ration  des  auteurs  consultés  prouve  que  l'on  s'est  adressé  aux  meilleures 
sources,  ou  aux  œuvres  de  seconde  main  les  plus  sérieuses,  parmi  les- 
quelles nous  constatons  toutefois  l'absence  de  Y  Histoire  de  l'Église  d'A- 
lexandrie,  par  M-''  Cyrille  Macaire,  patriarche  copte  catholique.  L'ouvrage 
de  M.  Butcher  est  un  manuel  indispensable  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'histoire  des  Coptes,  ou  simplement  qui  s'intéressent  aux  événements  qui 
se  .sont  déroulés  en  Egypte  depuis  l'empire  romain  jusqu'à  la  fin  de  notre 
dix-neuvième  siècle. 

Dom  Paul  Renaudin. 


U.  Benigni.  —  Patrologiae  et  hagiographiae  copticae  spicilegium. 
—  II.  Litaniae  defunctorum  copticae.  Roma,  Pustet,  1899.  in-8'\ 
20  p. 

Ce  nouveau  fascicule  des  Miscellanea  publiés  parle  distingué  professeur 
de  Rome,  M.  l'abbé  Benigni,  contient  onze  inscriptions  funéraires  coptes, 
provenant  soit  du  musée  égyptien  du  Vatican,  soit  du  musée  de  Gizeh. 
anciennement  de  Boulaq,  soit  du  musée  de  Bologne,  soit  enfin  du  musée 
du  Louvre.  Si  l'époque  précise  n'en  peut  être  déterminée,  on  sait  cepen- 
dant que  ces  litanies  étaient  usitées  au  temps  qui  a  précédé  l'invasion  mu- 
sulmane; car  ce  sont  de  véritables  litanies,  dans  lesquelles  les  vivants 
prient  les  saints  d'intercéder  pour  les  morts,  et  où  l'on  trouve  la  preuv(> 
de  la  croyance  des  Coptes  à  l'existence  du  Purgatoire.  Elles  paraissent 
avoir  été  d'un  usage  fréquent,  surtout  dans  la  Moyenne  et  dans  la  Haute- 
Egypte,  mais  il  est  impossible  jusqu'à  présent  de  reconnaître  si  elles  fai- 
saient partie  de  l'ensemble  de  la  liturgie  copte.  Toutes  commencent  par 
la  mention  du  mystère  de  la  Trinité;  les  saints  nommés,  le  plus  souvent, 
pour  en  citer  quelques-uns,  sont  Notre-Dame,  saint  Michel,  saint  Gabriel, 
Adam  et  Eve,  Enoch,  Jérémie,  la  Sibylle,  et  des  saints  coptes,  martyrs  et 
confesseurs,  parmi  lesquels  plusieurs  jacobites,  comme  Schenoudi  et  Jean 


628  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

de  Phanidjôit.    D'autres  documents  viendront  peut-être  compléter  cette 
littérature  funéraire  et  permettre  d'en  mieux  apprécier  l'importance. 

Dom  Paul  Renaudin. 


DOM  J.  .Parisot.  —  Rapport  sur  une  mission  scientifique  en  Turquie 
d'Asie  (Extrait  des  Nouvelles  Archives  des  Missions  scientifiques,  t.  IX) 
in^"  xvi-250  pages.  Paris,  Imprimerie  Nationale,  Ernest  Leroux,  édi- 
teur,' 1899. 

Sous  ce  titre,  c'est,  joint  au  rapport  officiel,  une  importante  collection 
de  musique  ecclésiastique  orientale  que  vient  nous  donner  le  R.  P.  Dom 
J.  Parisot,  bénédictin  de  Ligugé. 

Bien  connu  des  amis  de  la  Bévue  de  VOrient  chrétien,  l'éminent  orienta- 
liste et  musicologue  qu'est  Dom  Parisot  fut  chargé,  il  y  a  trois  ans,  d'une 
importante  mission,  à  l'effet  de  poursuivre  des  recherches  sur  la  langue 
et  les  manuscrits  syriaques,  et  la  musique  asiatique. 

Nos  lecteurs  connaissent  déjà  l'intéressant  et  savant  travail  publié  par 
l'auteur  dans  la  présente  Revue  sur  les  mss.  syriens  de  Charfé  :  la  langue 
sera  elle-même  l'objet  d'une  publication  spéciale.  Nous  allons  dès  à  pré- 
sent attirer  l'attention  sur  le  recueil  récemment  édité. 

Le  R.  P.  Dom  Parisot  a  recueilli  (car  elles  n'ont  qu'une  tradition  orale)  les 
chants  syriaques  des  églises  maronites;  les  cantiques  arabes  de  ces  mêmes 
églises;  diverses  chansons  arabes;  un  choix  d'airs  syriens  purs  et  chal- 
déens;  enfin,  comme  appendice,  des  mélodies  Israélites  de  Jérusalem. 

On  sait  que  trois  rits,  paraissant  dérivés  d'une  même  forme  originaire, 
se  partagent  les  chrétiens  de  langue  syriaque. 

Ce  qui  caractérise,  surtout  chez  es  Maronites,  leur  musique  liturgique, 
c'est  l'abondance  des  mélopées  récitatives,  c'est-à-dire  moins  des  mélo- 
dies aux  formes  déterminées,  que  de  quelques  phrases,  répétées  à  satiété 
dans  tous  les  modes. 

Or,  ce  qui  devient  ici  précisément  fort  intéressant,  ce  sont  les  rap- 
ports que  nous  offrent  avec  les  chants  romains  ou  byzantins  un  certain 
nombre  de  transcriptions  de  Dom  Parisot, 

C'est  que  les  phrases  rappelant  la  Préface  et  le  Sanctus,  le  Pater  latins, 
se  retrouvent  aux  n"^  17-19,  40,  44,  207,  340;  la  Préface  est  même  presque 
en  toutes  notes  dans  la  psalmodie  chaldéenne  337,  et,  chose  extrêniement 
curieuse,  les  variantes  brodées  sur  la  mélopée  romaine  par  les  Eglises 
mozarabes  d'Espagne  (I)  sont  aussi  employées  dans  les  passages  corres- 
pondants de  l'Anaphore  de  la  deuxième  liturgie  des  Chaldéens  (2). 


(1)  Patr.  Lai.,  Migne,  tome  85-8C. 

(2)  Le  R.  P.  Parisol  a  déjà  donné  cette  mélodie  ainsi  que  plusieurs  autres  avec  adapta- 
lions-traductions  françaises,  dans  une  conférence  à  l'Institut  catholique  de  Paris;  voyez 
Tribune  de  Saint-Gervais,  mars,  avril,  mai  1898. 


IUI5LI0GRAPHIR.  029 

La  psalmodie,  Tévangile,  et  les  diverses  formules  byzantines;  l'auto- 
nièle  /.afpotç,  ia/yjTixwv  akriQSiç,  et  l'alleluia  romain  Oporlehat;  le  chant  latin 
du  symbole,  bâti  sur  des  mélopées  f^recques,  sont  rai)i)elés  aux  n*""  20,  29 
52,  5\>,  195-196,293,  etc. 

Maintenant,  il  faut  bien  le  dire,  chez  les  Syro-Maronitcs,  les  belles  mé- 
lodies conservées  par  les  Syriens  de  l'Est  (  n"'  2H9-354)  ne  sont  plus  en 
usage. 

Chez  ces  derniers,  les  chants  ont  souvent  une  pureté  de  style  remar- 
tmable  ;  chez  les  Maronites,  l'invasion  arabe  a  pris  le  dessus,  et  ne  paraît 
guère  avoir  respecté  que  les  mélopées. 

Et  encore,  là  même,  l'art  arabe  en  a  pris  à  son  aise,  à  moins,  comme 
le  dit  l'auteur,  qu"issue  «  d'une  superposition  de  réformes  échelonnées 
historiquement  entre  le  xviii*  siècle  et  l'époque  actuelle,  il  nous  offre  dans 
sa  forme  populaire  l'expression  de  l'art  syrien  lui-même,  problème  qu'un 
plus  grand  nombre  de  données  scientifiques  permettra  de  résoudre  » 
(p.  21). 

Mais  il  est  également  probable  que  les  gammes  à  quart  de  ton,  par 
exemple  (p.  24-29),  sont  bien  une  importation  arabe  dans  la  musique 
syriaque;  «  les  spécimens,  ainsi  transmis,  de  l'art  oriental  doivent  se 
trouver  parfois  très  éloignés  de  leur  forme  primitive,  et  on  ne  leur  at- 
tribuera, au  point  de  vue  de  l'antiquité,  qu'une  valeur  relative  »  (p.  33), 
surtout  en  regard  des  textes  littéraires  des  v®  et  vi®  siècles  qu'ils  accompa- 
gnent. 

Aussi,  la  musicologie  liturgique  est-elle  grandement  redevable  au  R.  P. 
Dom  Parisot  d'avoir  si  admirablement  recueilli  ces  chants,  conservés  par 
une  pure  tradition  orale,  souvent  diverse  ici  et  là,  et  d'avoir  ainsi  tra- 
vaillé —  dans  quelles  proportions  !  —  à  la  solution  des  problèmes  plus 
haut  exposés.  A.  Gastoué. 


SOMMAIRE  DES  RECUEILS  PERIODIQUES 
Échos  d'Orient 

Août-septembre  1890.  —  L.  Petit  :  La  grande  controverse  des  colybes.  — 
S.  Vailhé  :  Le  monastère  de  Saint-Sabas.  —  G.  Rousseau  :  Les  historiens 
musulmans  et  la  troisième  croisade  (fin).  —  A.  Calmels  :  Sainte  Xéni  et 
Mylasa.  —  A.  de  P.  Vidal  :  Autour  du  lac  (fin).  —  J.  Pargoire  :  Un  mot 
sur  les  Acémètes  (fin).  —  L.  Petit  :  Les  ouvrages  de  Néophyte  le  Reclus 
(note  complémentaire). 

Octobre  1899.  —  L.  Petit  :  Du  pouvoir  de  consacrer  le  saint  Chrême.  — 
A.  de  P.  ^'idal  :  Au  sud  du  lac  de  Tibériade.  —  R.  Delbeuf  :  Le  voyageur 
albigeois  Pierre  Gilles.  —  S.  Vailhé  :  Le  monastère  de  Saitit-Sabas  (suite). 


630  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

A.  Palmiéri  :  L'œuvre  de  Kunik  et  les  études  byzantines  en  Russie.  — 

F.  Delmas  :  Zacharie  le  rhéteur,  d'après  un  ouvrage  récent.  —  A.  Hergès  : 
Élection  et  déposition  des  Higoumènes  au  XII°  siècle.  —  L.  Petit  :  Nova 
et  vetera.  A  propos  d'une  découverte  liturgique. 


Bessarione 

Juillet-aoîit  1899.  —  Le  liste  dei  MetropoUti  d'Abissinia.  —  L'Anfiteatro 
Flavio  rivendicato  ai  Martiri.  —  Lettera  inedita  deW  Imperatore  Mi- 
chèle VIII  Paleologo  al  Pontefice  Clémente  IV.  —  Velabrensia.  Studio 
storico-critico  sulla  Chiesa  di  S.  Giorgio  in  Velabro.  Sue  memorie  ed 
epir/rafi.  —  Étude  d'hymnographie  Byzantine.  Différentes  attributions 
des  Tropaires.  —  Litaniae  Defunctorum  Copticae.  —  Lo  scarabeo  ono- 
rario  di  una  regina  d'Egitto  nel  Museo  Egizio  Vaticano.  —  Documenta 
relationum  inter  S.  Sedem  Apostolicam  et  Assyi-iorum  Orientalium  seu 
Chaldaeorum  Ecclesiam  (Doc.  X-XXn').  —  Una  nuova  ricostruzione  delV 
epigrafe  greca  délia  Badia  di  Cervate. 

Septembre-octobre  1899.  —  Benigni  :  //  Pastore  di  Herm.as  e  la  ipercritica 
protestante.  —  Wenzel  :  Directorium  ad  litteras  Imperatorum  Orientis, 
quœ  in  Archivo  Arcis  S.  Angelis  extabant,  nunc  in  Vaticano,  etc.  —  Let- 
tere  di  Prelati  délie  Chiese  Orientait  esistenti  nelV  Archivio  Vaticano.  — 
Asgian  :  La  S.  Sede  e  la  Nazione  Armena.  —  Cozza-Luzi  :  Di  una  Cap- 
sella  reliquiaria  nella  lipsanoteca  Pontificia.  —  Gianiil  :  Documenta 
relationum  inter  S.  Sedem  Apostolicam  et  Assyriorum  Orientalium  seu 
Chaldœorum  Ecclesiam  (Doc.  XXV-XXXIV). 

Analecta  Bollandiana 

Vol.  XVIII,  fasc.  III.  —  Acta  graeca  SS.  Davidis,  Symeonis  et  Georgii, 
Mitylenae  in  insula  Lesbo.  —  La  patrie  de  S.  Jérôme.  —  S.  Walfroy  et 
S.  Wulphy.  —  S.  Mochulleus  et  S.  Ronanus.  —  De  libello  miraculorum 
B.  Simonis  de  Lipnica.  —  Pages  supprimées  dans  le  Spicilège  de  d'A- 
chery.  —  Bulletin  des  publications  hagiographiques.  —  Vita  venerabilis 
Lukardis,  monialis  Ordinis  Cisterciensis  in  Superiore  Wimaria. 

Revue  bénédictine 

Décembre  1899.  —  D.  Hugues  Caissier  :  Le  système  musical  de  l'Église 
grecque.  III.  —  D.  Ursmer  Berlière  :  Les  origines  de  la  congrégation  de 
Bursfeld.  IV.  —  D.  Urimin  Baltus  :  Le  Christianisme  sans  dogmes. 

The  journal  of  theological  studies 

Octobre  1899.  —  H.  B.  S.  :  Introductory  statement.  —  Rev.  Canon  Sanday  : 
Becent  Research  on  the  origin  of  the  creed.  —  Tlie  Master  of  Balliol  : 


]{ir.i,i(t(;i{Ai'iiiK.  (y.'A 

St  Anselm's  argument  for  ihe  hein;/  of  god.  —  Hol)(;rt  Bri.if^cs  :  A  prac- 
lical  discourse  on  sortie  principles  of  hymnsinr/ing.  —  Rev.  J.  A.  Cross  : 
The  Acts  of  the  Apostoles.  I.  yl  critirism  of  LiglUfoot  and  Headlam. 
—  Rev.  R.  B.  Kachaiu  :  The  Acts  of  the  Apost/es.  If.  A  plea  for  an 
early  date.  —  Rev.  F.  E.  Briglitman  :  Documents  :  The  sacramentanj  of 
Serapion  of  Thmnis.  Part.  I. 

Bulletin  de  littérature  ecclésiastique  , 

publié   par  l'Institut  catliolique   de  Toulouse. 

Juillet-octobre  \8^J9.  —  WDelauO.  P.  :  Monastères  palestiniens  du  V' siècle. 
Octobre  1899.  —  V.  Delau  0.  P.  :  Monastères  palestiniens  du  V"  siècle  (suite  i. 


Le  Directeur-Gérant 

F.    ClIARMETANT. 


Typographie  Firmiu-Didot  et  C'.  —  Mesnil  (Eure). 


Librairie  ALPHONSE  PICARD    et  fils,  82,  rue  Bonaparte 

Barbet  de  Jouy  (II.).  Les  mosaïques  chrétiennes  des 
basiliques  et  des  églises  de  Rome,  décrites  et  expliquées. 
P.,    1857,    1   vol.  'in-8  br.,  xxx-142  pages.   .      1   fr.   1)0 

Verneilh  (F.  de).  L'architecture  Byzantine  en  France.  P., 
1852,  1  vol.  in-4,  br,  (12  pi.),   316  p 15  fr. 

—  Des  influences  Byzantines  1855,  in-4  (4  pi.)   .   .     5  fr, 

—  Le  premier  des  monuments  Gothiques  (Basilique  de 
Saint-Denys,  collégiale  de   Poissy)^  in-4,   br.    .    .     2  fr. 

Pierre  Dubois.  De  recuperatione  Terre  Sancte,  traité  de 
politique  générale  du  commencement  du  xiv*^  siècle,  publ. 
par  Ch.-V.  Langlois  (fasc.  9),in-8  br.,  xxiv-144  p.     4  fr. 

Duchesne  (L'abbé  L.).  Les  premiers  temps  de  l'état  pon- 
tifical (754-1073.).  P.,  1898,  in-8,  224  pages  .   .     4  fr. 

Mélanges  de  littérature  et  d'histoire  religieuses, 

publiés  à  l'occasion  du  jubilé  épiscopal  de  M^*^  Cabrière, 
évêque  de  Montpellier,  l874-1899,in-8br.,  v-571  p.     10  fr. 

Contenant  des  articles  de  MM.  l'abbé  Douais,  abbé  Jacquier,  Boissier, 
abljé  Batiffol,  Dom  Morin,  abbé  Duchesne,  baron  Desazars,  L.  Roclie,  Dom 
Cagin.  Père  Doussot,  Père  Denifle,  abbé  Poujol,  etc,  etc. 

Bibliothèque  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Première 
partie  :  Bibliographie  par  les  PP.  de  Backer;  seconde 
partie  :  Histoire,  par  le  P.  Carayon.  Nouvelle  édition,  par 
Carlos  Sommervogel,  S.  .1.  Strasbourgeois,  publié  par  la 
province  de  Belgique,  1890-1898.  Tomes  I-VIII;  A.-Z  et 
supplément  Aage-Casaletti,  8  vol.  in-4  à  2  col.    .     320  fr. 

Pisani  (L'abbé  P.).  La  Dalmatie  de  1797-1815,  épisode 
des  conquêtes  Napoléoniennes.  1892,  1  vol,  in-8  (xxxvi- 
490  p.),  héliog.,  10  cartes  en  coul 10  fr. 

Belin  (A.).  Histoire  de  la  latinité  de  Gonstantinople,  2^  édit. 
préparée  par  l'auteur,  revue,  augmentée  et  continuée 
jusqu'à  notre  temps  par  le  R.P.  Arsène  de  Chatel,  ex-pro- 
vincial des  Capucins  de  Paris,  ex-préfet  apostolique  de  la 
mission  de  Constantinople,  avec  deux  plans  et  des  gra^ 
vures.  1894,  1  vol.  in-8  (547  p.),  pi.  et  gr.   ...     10  fr. 


DOCUMENTS  RELATIFS  AUX  ÉGLISES  DE  L'ORIENT 

ET  A  LEURS  RAPPORTS  AVEC  ROME 
•  Par  A.  D'AVRIL 

3«  édition,  in-8»  de  62  pages.  -^  Paris,  CIIALLAMEL.  —  Prix  :  2  fr.  50 


liAFPOTlT 

SUR  UNE  MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  TURQUIE  D'ASIE 

Par  Dom  J.   PARISOT 

MOINE   BÉNÉDICTIN 

In-S"  de  251  pages.  —  Paris,  LEROUX.  181)9. 

BIBLIOGRAPHIE 

DU 

CULTE  LOCAL  DE  LA  VIERGE  MARIE 

Par  Léon  CLUGNET 

1"''  Fascicule  (Province  ecclésiastique  d'Aix) 

In-8».  —  Paris,  PICARD,  1899. 
Prix  :  G  fr. 


HYMNOGRAPHIE    POITEVINE 

Par  Dom  J.  PÂRISOT 

MOINE   BÉXÉDICÏIK 

Iu-8"  de  30  pages.  —  LIGUGÉ,  aux  bureaux  du  "  Pays  Poitevin  ",  1898. 


LA 

LITTÉRATURE    CHRÉTIENNE 

DE  L'EGYPTE 

Par  Dom  Paul  RENAUDIN 

MOINE     BÉNÉDICTIN 

In-8°  de  30  pages.  —  Lyon,  YllTE,  1899. 


4180  TCL  643i 

4-2B-IM   32188      XL    ■=• 


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